LE VRAY, ET LE FAUX JUBILE, EN Deux SERMONS Sur ces Paroles du XXV. du Levitique Vers. XII. Cette Année est le Jubilé, elle vous sera Sainte. Prêchez à Londres, dans l'Eglise Angloise & Paroissiale de Saint Be­net-Sinck, proche la Bourse, & dans une Annexe de S. Martin in the Fields.

Par Mr. RENOULT, Ministre, & cy-devant Predicateur en l'Eglise Romaine.

A LONDRES, Pour D. DU CHEMIN, Marchand Libraire dans le Strand, vis-à-vis Somerset-House, au Sacrifice d'Abraham. 1700.

A MONSEIGNEUR, LE BARON DE HAVESHAM GRAND CHANCELIER D'ANGLETERRE.

QUOY que Vôtre Grandeur soit incessement occupée des affaires les plus importantes de l'Etat, Elle ne laisse pas neanmoin, d'entrer en connoissances des matieres de Religion, par un veri­table [Page]desir de connoître le chemin du Ciel. L'on peut même dire, que nô­tre Auguste Monarque, ne vous a confié celles la, que parce qu'il a re­marqué que celles-cy vous étoient che­res. Ce Grand Roy est trop éclairé pour ignorer qu'un homme qui auroit de l'indiference pour son Dieu, ne pou­roit servir son Prince avec une fidelité inviolable. Si donc vous vous étes ac­quis l'estime & la confiance de sa Ma­jesté; & si elle vous a élevé à la Pre­miere Charge du Royaume, c'est qu'elle a vû en vous, non seulement cette penetration, cette activité, cette pro­fonde érudition, cette prudence, & toutes les autres qualitez qui font l'ha­bile Magistrat; mais aussi cette honne­teté, cette équité, cette probité, ce zele, cette preté, & toutes les vertus qui font le Chrêtien.

L'on ne sçauroit donc trouver étran­ge, MONSEIGNEUR, que j'aille porter aux pieds de vôtre Gran­deur, des Discours qui ont pour but, de soutenir également, & le Sanctuaire, & le Senat. Ceux qui seroient capa­bles [Page]de m'accuser de temerité, pour avoir mis vôtre Illustre Nom à la tête d'un si petit ouvrage, ont, de vô­tre Grandeur, des idées toutes diffe­rentes, de celles qu'ils en auroient, s'ils avoient eu l'honneur de l'approcher de près. Qui est celuy qui a eu quel­que accez auprès de vous, ou qui en ait seulement ouï parler comme il faut, qui puisse ignorer que Vôtre Modera­tion égale Vôtre Fortune? Je suis donc persuadé, que si d'un côté, les lumieres de Vôtre Esprit, ne remar­quent pas dans ces deux Discours, tous les ornemens qu'une plume diserte, & une langue éloquente, auroient pû leur donner; de l'autre côté vôtre charité vous obligera d'en excuser les deffauts, en consideration du sujet important que je traite.

Ce sujet est grand, Monseigneur, il s'agit de nôtre Paix, & de nòtre reconciliation avec Dieu, de nôtre souveraine & éternelle felicité. Cette matiere vous sera d'autant plus agréa­ble, que ce fut par elle que commença la Reformation, & que ça été pour [Page]cette celeste & divine verité, que les glorieux Ancestres du Prince duquel les interests vous sont si sacrez, ont ac­quis tant de Couronnes, de Loüanges Immortelles, & que tant d'Illustres Fidelles de vôtre Nation, ont souffert le Martyre. J'ay aussi pris soin de de­couvrir aux Etats, la source de leurs plus grands malheurs, & arrachant le masque dont le Papisme se cache le visage, j'expose aux yeux de tout l'U­nivers, ses plus horribles taches.

Ainsi j'ose esperer, Monseigneur, que Vôtre Grandeur, imitant ce grand Prince, qui reçût avec une extre­me bonté, un peu d'eau qu'un de ses sujets luy offroit dans les paumes de ses deux maeins, parce qu'elle avoit été prise dans un Fleuve qui portoit le nom, du premier, & du plus Illustre Monarque des Perses: Acceptera ce present, indigne d'elle à la verité, par rapport à celuy qui a la hardiesse de le faire, mais parce que ce qu'il y a de plus excellent, a été puissé, [Page]dans la divine source des Ecritures, dans le Fleuve de Vie, qui procede du Trône de Dieu & de l'Agneau.

Dieu veuille, Monseigneur, qu'à la faveur de Vôtre Auguste Nom, ces deux Jubilez se rependent dans tous les lieux où domine la Meurtriere des Saints, & tirer de l'erreur, tant de pauvres Peuples abusez, qu'un Chef avare & ambiticux, entraine dans la perdition. Si le Ciel n'exaute pas cette Priere que je luy faits, au moins les deux Discours seront à ja­mais deux Fideles témoins, de la pro­fonde veneration que j'ay pour vôtre pretieuse personne, & du respect avec lequel je suis,

MONSEIGNEUR,
De Vôtre Grandeur, Le três-humble & très­obeïssant Serviteur, RENOULT.

LE VRAY JUBILE OU Premier SERMON Sur ces Paroles du XXV. du Levitique Vers. XII. ‘Cette Année est le Jubilé, elle vous sera Sainte.’

QUOY done? Faut-il que la Verité soit müette, pen­dant que l'erreur sonne la trompette & assemble de de toutes parts ses combatans sous son étendart? Sion s'est elle done épuisée; & tandis que Babylone pro­digue ses fausses faveurs, Jerusa­lem [Page 2]n'en distribüera-t-elle point de veritables? L'Evangile est-il donc déchû de ses droits, le Ciel auroit-il revoqué ses privileges, pour en re­vêtir une fausse tradition? Les He­rauts de Christ mettront ils le doigt sur la bouche, & garderont-ils un morne silence, pendant que dans ces jours tenebreux, la bête ouvre sa bouche en blasphemes contre Dieu, contre son nom, contre son taberna­cle, & contre ceux qui sont au Ciel? En un mot, lors que des loups affa­mez devorent un si grand nombre de pauvres brebis, & que Rome en-yvre les Nations du vin de ses paillardises; les vrais Pasteurs doivent-ils negliger de recueillir autour de la Croix de Christ, leurs troupeaux dispersez, & de leur crier avec le Prophete Esaïe, * O vous tous qui étes alterez, venez aux eaux, méme vous qui n'avez point d'argent, venez, achetez & mangez, venez, dis je, achetez sans argent & sans aucun prix. Pourquoy em­ployez [Page 3]vous vôtre argent pour ce qui ne nourrit point, & vôtre travail pour ce qui ne rassasie point? Ecoutez moy sincerement, & vous mangerez de ce qui est bon, & vôtre ame jouïra à plai­sir de la graisse: Inclinez vôtre oreille & venez à moy, & vôtre ame vivra, & je traiteray avec vous une alliance éternelle, sçavoir les gratuitez assu­rées faites à David.

Mes Freres, ne vous imaginez pas qu'il n'y ait que Rome qui ait le privilege d'avoir un Jubilé, & qu'il soit necessaire de traverser les mers, ou de passer les Alpes pour y avoir part. Aujourd'huy au nom & en l'authorité de Jesus Christ, qui a mis en nous la parole de recon­ciliation, nous publions au son de la trompette Evangelique, les grands & veritables pardons, les celestes & divines Indulgences; & pour le dire en deux mots, Cette Année est le Ju­bilé, elle vous sera Sainte.

Il est étonnant que tant de gens [Page 4]parlent aujourd'huy du Jubilé, sans sçavoir ce que c'est; Demandez à tous ces pelerins abusez, qu'une su­persticieuse Comedie attire de toutes parts à Rome: demandez à tous les Catholiques Romains, ce que c'est que le Jubile, de cent, à peine en trou­verez vous quatre-vingt-dix-neuf qui en ayent seulement une idée confuse; & celuy qui pourra vous répondre, aura honte de le faire. Mais aussi demandez à la plupart de nos peu­ples, ce que c'est que le Jubilé, & vous verrez que le pius grand nom­bre, n'a, du faux Jubilé, qu'une con­noissance trop generale, laquelle ne luy en inspire pas assiz d'horreur, & qu'il n'a pas, du vray Jubilé, une con­noissance assez distincte pour bien se disposer à le gagner.

Cela étant ainsi, nous avons crû ne pouvoir choisir de texte plus con­venable à ce temps, auquel toutes les conversations roulent sur le Jubilé, que celuy dont vous venez d'enten­dra la lecture. Pour vous en don­ner la vraye intelligence, nous exa­minerons [Page 5]le principe & la consequen­ce dont ce texte est composé; Cette Année est le Jubilé: Voila le princi­pe: Elle vous sera Sainte; Voila la consequence. Dieu veuille benir nô­tre Meditation, & la faire reüssir à sa gloire, à l'édification de l'Eglise, & à la confusion de l'erreur. Amen.

Cette Année est le Jubilé, C'est ce que les Juifs publioient autrefois de cinquante en cinquante ans. C'est ce que Rome publie à present de 25. en 25 ans. C'est ce que l'Eglise Chre­tienne à droit de publier tous les ans. Ainsi donc pour vous donner une idée nette & distincte du Jubilé, nous sommes obligez de vous le faire con­siderer par raport à trois Religions differentes.

1. Par raport à la Religion Mo­saïque. 2. Par raport à la Religion Chrêtienne. 3. Par raport à la Re­ligion Romaine. Le Jubilé Judaï­que & le Jubilé Chrêtien ont Dieu pour autheur, ils sont également ve­nus du Ciel; mais le Jubilé Romain à pris naissance en Italie, & été conçû [Page 6]dans le cerveau d'un des plus mé­chans hommes qui ait jamais vecu sur la terre. C'est ce qu'il faut exa­miner pour bien comprendre ce que c'est que le Jubilé: Mais aujourd'huy nous ne traiterons que du Jubilé Ju­daïque & du Jubilé Chrêtien; & dans 15 jours, s'il plaît au Seigneur, nous n'oublierons rien de ce qui sera necessaire pour vous tracer le vray ta­bleau du Jubilé Romain. Commen­çons par le Jubilé Mosaïque. Voicy en deux mots ce que c'étoit.

Dieu avoit commandé à son Peu­ple de laisser reposer la terre de 7 ans en 7 ans, & qu'à la fin de sept se­maines d'années qui revenoient à 49. ans, l'on sonnàt, par tout le Païs, la trompette de Jubilation, & que l'on santifiàt l'année cinquantiéme, qui s'appelloit l'année du Jubilé. On luy donna ce nom de Jubilé, de ce que la publication de cette Année Sainte se faisoit au son d'un cornet, que les Hebreux appellent Jobel. Telle est l'origine du nom & de la chose. De [Page 7]la maniere que Moïse parle de ce Ju­bilé, il est certain que Dieu l'hono­roit de grandes faveurs, & y atta­choit de beaux privileges. Alors tous les pauvres Juifs, que la misere avoit forcez à vendre leur liberté, avoient la consolation de voir finir leur escla­vage: Alors les exilez étoient rapel­lez, chacun pouvoit avec sureté, re­voir sa patrie; il n'y avoit aucun lieu où la la liberté ne fût publiée: Alors les debiteurs étoient déchargez de leurs dettes, les prisons leur étoient ouvertes, ils en sortoient quittes, leurs creanciers ne pouvoient plus les pour­suivre: Alors ceux qu'une dure ne­cessité avoit contrains d'alliener leurs heritages, rentroient dans une paisi­ble possession de leur bien, sans resti­tuer aucun prix: Alors tous les la­boureurs & vignerons, se reposoient de leur travail, ou vivoit de ce que la terre avoit produit les années precedentes; ou de ce qu'elle produisoit pour lors d'elle même, mais il n'étoit permis, ni de la cultiver, ni de moissonner. [Page 8]Voila ce que c'étoit que le Jubilé Judaïque.

Encore si Rome qui paroît aujour­d'huy si jalouse d'adopter les ceremo­nies Judaïques & Payennes, celebroit quelquesois en la place de son faux Jubilé, cét ancien Jubilé d'Israël: Bien tôt les exilez seroient rappellez, les captifs affranchis, les prisonniers relachez; bien tôt nos familles se­roient reunies, nos biens & nos en­fans restituez, nos temples rebatis, nos sanctuaires reparez, nos maux adoucis, nos troupeaux rassemblez. D [...]s aujourd'huy nous vous annonce­nons cette agreable nouvelle, que l'on faisoit autrefois retentir en Israël, En cét an du Jubilé, vous retourne­rez chacun en sa possession. Mais n'at­tendons jamais de Rome une telle justice. Le Jubilé qu'elle celebre n'est qu'une chymere, dont ceux qu'elle abuse ne retirent que des faveurs chy­meriques; & pour ce qui est de nous, nous n'en devons attendre que de ré­elles [Page 9]fureurs. Mais venons au Jubilé Chrêtien, le Romain aura son lieu.

Les ceremonies de la Loy Mosaï­que n'ayant été que des ombres & des figures dont nous avons le corps & la verité en Christ, le Ju­bilé des Juifs n'étoit que le portrait & l'image du Jubilé Chrêtien, c'est à dire de la reconciliation des hom­mes avec Dieu, de la Redemption du genre humain. C'est cette recon­ciliation, c'est cette redemption, qui est le grand & veritable Jubilé, l'an agreable du Seigneur, le temps de sa bien veillance & du salut des hom­mes. Sur quoy nous avons à faire les Reflexions suivantes.

1. Nous allons examiner ce que c'est que ce Jubilé Chrêtien. 2. Quels sont les avantages qui en reviennent. 3. Qui sont ceux qui ont part à ces avantages. 4. En quel temps & en quel lieu on peut y avoir part. 5. Ce qu'il faut faire pour le gagner.

1. Pour bien comprendre ce que c'est que le Jubilé Chrêtien, il faut [Page 10]reconnoître la verité de ce principe, tant de fois repeté en differens termes en l'Ecriture, sçavoir, que nous som­mes tous pecheurs, & que si Dieu nous traitoit à la rigueur de sa justi­ce, nous n'aurions à attendre de luy, que la mort & la damnation. * Par un homme le peché est entré au monde, & par le peché la mort, & la mort est parvenüe sur tous les hommes parce que tous ont peché. Dieu a regar­dé des cieux sur les fils des hommes, pour voir s'il y en a quelqu'un enten­du, & qui cherche Dieu, ils se sont tous devoyez, & se sont rendus puans, il n'y a personne qui face bien, non pas même un seul. Qu'est-ce que de l'homme mortel qui soit pur, & de celuy qui est né de femme qui soit juste? Voicy Dieu ne s'assure point sur ses Saints, & les Cieux ne se trouvent point purs devant luy. Combien plus abominable & puant l'homme qui boit l'iniquité comme l'eau? toutes les imaginations des pensées de son coeur, [Page 11]ne sont rien que mal en tous temps. En un mot, il faut le dire avec Saint Paul; Dieu a tout enclos sous le peché, afin qu'il fit misericorde à tous.

Cette fatale corruption est telle­ment enracinée en nous, qu'après avoir reçû la grace, nous en concer­vons toûjours les reliques, & en ressentons les effets. Dieu la voulu de la sorte pour nous humilier. Qui est-ce qui, sans prononcer un men­songe, * peut dire, j'ay purgé mon coeur, je suis net de tout peché? Je prens plaisir à la Loy de Dieu, dit Saint Paul, quant à l'homme de dedans, mais je sens une autre Loy en mes membres, bataillant contre la Loy de mon entendement & me rendant prisonnier à la Loy du peché qui est en mes membres. Helas! miserable que je suis, qui me delivrera du corps de cette mort? § Si nous disons que nous n'avons point de peché, nous nous seduisons nous mêmes, & la ve­rité [Page 12]n'est point en nous, dit l'Apôtre Saint Jean. Il n'y en a done aucun de nous, qui en reconnoissant son neant & sa corruption, n'ait lieu de s'humilier devant Dieu, & de s'é­crier avec le Prophete: Seigneur si tu prens garde aux iniquitez, qui est-ce qui subfistera?

Pour bein comprendre ce que e'est que le Jubilé Chrêtien, il faut encore reconoître la verité de ce second prin­cipe, sçavoir que Dieu seul peut nous pardonner nos pechez. * C'est moy qui efface tes forfaits pour l'amour de moy, & qui n'aurai point souvenance de tes iniquitez. Qui est Dieu fort sembla­ble à toy, qui ôte l'iniquité, & passe par dessus les forfaits de ton heritage? L'on trouve en l'Evangile, cette pro­position repetée par deux fois: § Qui est-ce qui peut pardonner les pechez sinon Dieu seul?

La raison éclairée des seules lumie­res de la nature, est d'acord en cela avec l'Ecriture; c'est à celuy [Page 13]qui est offensé, à pardonner l'offense. Or Dieu est la partie offensée par le peché. J'ay peché contre toy, con­tre toy proprement, & ait fait ce qui est deplaisant devant tes yeux. Il n'ap­partient de pardonner, qu'à celuy, à qui il appartient de [...] * or Dieu est le seul Legislateu [...] qui peut sauuer & détruire. Enfin vit-on ja­mais des complices se pardonner re­ciproquement leurs forfaits? Il fe­roit beau voir des coupeurs de bour­ses, s'expedier reciproquement des Lettres de graces. Le pecheur ayant donc tous les hommes pour compli­ces, il n'y en a aucun dont il puisse attendre le pardon de ses crimes.

Nous sommes tous pecheurs, c'est nôtre premier principe: Dieu seulpeut nous pardonner, c'est nôtre second principe. En qualité de pecheurs, l'Enfer est nôtre partage, le seul bras de Dieu peut nous en retirer. Rete­nez bien ces principes, ils serviront [Page 14]de fondemens à nos deux discours. De la verité & de la certitude de ces principes, depend tout ce que nous dirons dans la suite. Mais il en faut établir un troisiéme qui n'est pas moins veritable; c'est que Dieu nous a pard [...] par Jesus Christ, & qu'en ve [...]e ses merites, il nous a delivrez de la mort éternelle; & c'est ce grand pardon, & cette heureuse delivrance, que nous appellons le Jubilé Chrêtien. Jesus est celuy que Dieu a élevé par sa dextre, pour être Prince & Souveur, pour donner re­pentance à Israël & remission des pechez.

Afin de bien concevoir la verité de ce troisiéme principe, souvenez vous des premiers Elemens de la Religion Chrêtienne, & du Systeme sur le­quel elle est fondée. Dieu n'étant pas moins juste que misericordieux, il salloit satisfaire à sa justice, ou par nous, ou par autruy; n'étant que peché & corruption, nous ne pou­vions satisfaire de nous mêmes; [Page 15]Mais qu'a fait Dieu? Il a envoyé so [...] Fils au monde, qui a revêtu nôtre chair, expié nos pechez, apaisé l'ire du Pere, satisfait sa justice. De la même maniere que l'on mettoit au­trefois les pechez du Peuple sur la tête de la victime que l'on alloit immoler, ainsi l'Eternel a fait venir sur luy l'iniquité de nous tous. * Il a été livré pour nos offences, & il est ressuscité pour nôtre justification, dit l'Apôtre Saint Paul. Tu appelleras son nom Jesus, dit l'Ange à Joseph, car il sauvera son Peuple de leurs pechez. § Voilà l'Agneau de Dieu qui ôte les pechez du mode, disoit Jean Baptiste. Il est, dit Saint Jean, la propitia­tion pour nos pechez, & non seulement pour les nôtres, mais aussi pour ceux de tout le monde.

Cette Communion que nous avons aux souffrances & à la mort de Jesus Christ, comme aux sources de nôtre vie, comme au principe de nô­tre bonheur, comme aux causes de [Page 16] [...]ôtre felicité; est ce en quoy consiste [...] grand & le veritable Jubilé, le Ju­bilé Chré;tien.

Jubilé, dont les Prophetes ont été comme autant de trompettes. Le Prophete Esaïe sur tout en parle avec tant de clarté, qu'il semble qu'il fasse le personnage d'un Evangeliste: L'Esprit du Seigneur est sur moy, dit­il, parlant en la personne du Christ à venir, Partant l'Eternel m'a Oint pour evangeliser aux debonnaires; il m'a envoyé pour medeciner ceux qui ont le coeur froissé, pour publier aux captifs la liberté, & aux prisonniers ouver­ture de prison; pour publier l'an de la bienveillance de l'Eternel, & le jour de la vengeance de nôtre Dieu; pour consoler tous ceux qui menent deüil; pour mettre en avant à ceux de Sion qui meine deüil, que magnificence leur sera donnée au lieu de Cendre; l'huile de joye au lieu de deüil, le manteau de loüange, au lieu de l'es­prit étourdi, tellement qu'on les appel­lera [Page 17]les chênes de justice, & la plan­te de l'Eternel pour s'y glorifier.

Jubilé, dont Dieu publia luy mê­me la premiere nouvelle dans le Pa­radis Terrestre, quand il predit à nos premiers parens, que la semen­ce de la femme briseroit la tête du serpent.

Jubilé, dont les Anges ont voulu dans la plenitude des temps, être les Herauts: Car ce fut le personnage qu'ils firent, lors qu'à la naissance de Jesus ils entonnerent ce beau Canti­que, Gloire soit à Dieu aux Cieux très-hauts, & en terre paix envers les hommes de bonne volonté.

Jubilé, que Jesus Christ en person­ne a voulu publier après l'avoir apor­té du Ciel; Car l'Evangile raporte que ce divin Sauveur ayant lû dans le temple, l'oracle d'Esaïe que nous venons de citer, en fermant sa Bible il adressa ces paroles à ceux qui ve­noient de l'entendre; * Aujourd'huy. sette Ecriture est accomplie vous l'oyant. [Page 18]Etant venu, dit Saint Paul, § il a evangelise la paix à vous qui étiez loin, & à ceux qui étoient prés.

Jubilé enfin, dont les Apôtres ont annoncé les Indulgences à tous les peuples, après la resurrection de leur Maître, Ce fut l'ordre qu'il leur don­ [...]a luy même, lors qu'il leur dit, al­lez, enseignez toutes les nations, les batisant, au nom du Pere, du Fils & du Saint Esprit. Et leur son est allé par toute la terre, & leurs paroles jusques au bout du monde.

[...]. Joignez maintenant, Mes Fre­res, vos Reflexions aux miennes, & essayons tous ensemble de bien com­prendre, quels sons les avantages qui nous reviennent de ce grand Ju­bilé; Par où commencerons nous, ils sont sans nombre?

Mon ame, reüni dans ce moment tous les pieux efforts de ton imagina­tion, Beni l'Eternel & n'oublie pas un de ses bien faits. Par le peché tu étois infiniment éloignée de ton Dieu, Quel affreux abîme te separoit pour [Page 19]jamais de luy! Tu n'en devois plus attendre que des maledictions & des chatimens éternels, Les gages du peché c'est la mort; mais le Jubilé Chrêtien t'a donné un Sauveur qui est le Dieu fort, le tout puissant. La parole de Dieu qui étoit avec Dieu, laquelle étoit Dieu, & par laquelle toutes choses ont été faites! Un Sauveur à qui § le Pere a donné d'avoir vie en soy­même, afin qu'il vivifie ceux qu'il veut! Un Sauveur qui au sortir du sein de son Pere, a été fait chair, vray Dieu & vray homme, afin que participant à la nature des deux op­posez, il les reconciliât & les reünît en soy même! Un Sauveur qui a * été fait peché pour toy, afin que tu sois Justice de Dieu en luy: Un Sau­veur, qui pour t'élever jusques au comble de la gloire, s'est abaissé jus­ques à la mort de la Croix! Con­temple donc cet adorable Crucifié; regarde ses playes sacrées: voila les sources de ton salut; le sang qui en [Page 20]découle, te netoye de tout peché: Car si la cendre de la genice, & le sang de l'aspersion purifioit autrefois les souil­lez quand à la chair, combien plus le sang de Christ qui s'est offert soy même à Dieu sans nulle tache, par l'esprit éternel, purifiera-t-il les consciences des oeuvres mortes?

De là jette les yeux sur Satan; voy combien pesantes sont les chaînes dont il est chargé: comment il n'a plus de force sur toy, que ce que ton ingratitude luy en donne; comment ce Lion qui rugit autour de toy, n [...] peut plus te devorer, si toy même par une infame lacheté, ne te déter­mine à être la victime de sa rage & de sa fureur. C'est le Jubilé Chrêtien qui l'a ainsi desarmé, abattu, en­chainé; Christ a détruit par sa mort, celuy qui avoit l'empire de la mort, sça [...]oir le Diable, afin qu'il delivrât ceux qui par crainte de mort étoient toute leur vie assujetis à la servitude.

Voi combien foible est le peché; comment après avoir été seduite par [Page 21]ses apas trompeurs, tu reconnois en­fin que tu as été abusée, trouvant lieu à la repentance, & un refuge asseuré sous les aîles d'une misericor­de infinie. C'est le Jubilé Chrêtien qui t'a donné les moyens de triom­pher de cet ennemy: Par le sang de Christ nous avons redemption, sça­voir la remission de nos pechez, selon les richesses de sa grace. § Par le Sa­crifice de soy même il a aboli le peché. Voy quelle est maintenant la débilité du veil homme; comment il expire en toy même; le peu d'influence qu'il a sur tes membres, le peu de force qu'il donne à ta convoitise, lors que tu ne changes pas la grace de Dieu en dissolution. C'est le Jubilé Chrêtien qui a reduit à l'agonie cet ennemi domestique & familier: Christ a crucifié le veil homme avec luy, afin que le corps du peché soit détruit, & que nous ne servions plus au peché.

Voy comment a disparu la male­diction de la Loy; Où sont mainte­nant [Page 22]ces éclairs, ces tonnerres, ces foudres, qui faisoient dire à l'An­cien Peuple, que l'Eternel ne nous parle plus de peur que nous ne mou­rions? Que sont devenus ces terri­bles châtimens, qui suivoient de si pr ès la transgression, que le pecheur avoit à peine le temps de respirer en­tre le peché & la mort? Tout cela à disparu, parce qu'il n'y a plus rien à craindre, pour ceux qui gagnent les Indulgences du Jubilé Chrêtien. Il n'y a plus de condamnation pour ceux qui sont en Jesus Christ.

O mon ame, que rendras tu donc au Seigneur? tous ses bienfaits sont sur toy! Tu vis, & tu vis pour toû­jours! Pourquoy ne mourras tu point? Qui est-ce qui ta delivré § cordeaux de la mort & des détresses du sepulchre? Pouquoy faudra-t-il que ce corps mortel que tu animes, re­cueille un jour fes cendres, & re­vête l'immortalité? Pourquoy trou­veras tu dans les Cieux une maison éternelle, une Cité permanente, [Page 23] dont Dieu est l'Architecte & le Bâ­tisseur? C'est que par le Jubilé Chrê­tien, la sentence de mort éternelle qui avoit été fulminée contre toy, a perdu sa force & a été revoquée. * Christ est la Resurrection & la vie, qui vit & croit en luy ne mourra point mais aura la vie éternelle.

Et toy, ô mon coeur, pourquoy est-tu maintenant le temple où mon Dieu veut habiter; l'unique autel sur lequel il veut que je luy offre l'en­cent de mes prieres, & le parfum de mes actions de graces; la seule victi­me qu'il veut que je luy immole? C'est que le Jubilé Chrêtien nous a donné celuy qui est la fin de la Loy en justice à tout croyant; Je veux dire un Sacrificateur qui, comme Aaron, n'a pas besoin de transmettre sa Sa­crificature à des successeurs, mais un Sacrificateur éternel, auquel Dieu a dit, Tu es Sacrifica­teur éternellement à la façon de Mel­chisedec; Un Sacrificateur qui n'a [Page 24]pas besoin de sacrifier, premierement pour ses propres pechez, parce qu'il § est Saint, Innocent, separé des pe­cheurs, un Sacrificateur, qui n'é­gorge, ni boeufs, ni agneaux, ni moutons, ni taureaux, mais qui par le Sacrifice de soy même, a une fois comparu pour toûjours. Un Sacrifica­teur enfin, qui n'est point entré dans des lieux faits de main, mais dans les lieux Saints, pour y comparoître maintenant pour nous devant la face de Dieu. * Car après avoir fait la propi­tiation pour nos pechez, il s'est assis à la droite de la Majesté, aux lieux três­hauts, où il soûtient toutes choses par sa parole puissante, Dieu ayant assujet­ti toutes choses sous les pieds d'iceluy, & l'ayant donné sur toutes choses pour être chef à son Eglise. Encore une fois, ô mon ame ‖ Beni donc l'Eternel & n'oublie pas un de ses bienfais; que tout ce qui est au dedans de moy benisse le nom de sa Sainteté.

Tels sont, ô Fideles, les avanta­ges qui découlent du Jubilé Chrêtien [Page 25]comme de leur source. A quel prix pouvons nous jouïr de tous ces avan­ges? Le Prophete Esaïe nous a dê­ja dit, que c'étoit une grace qui nous étoit accordée sans argent; Le Saint Esprit le repete dans l'Apoca­lypse, A celuy qui aura soif, je luy donneray de l'eau de vie, sans qu'il luy en coute rien. Ce sont là des Metaphores, mais Saint Paul le dit en termes formels, & sans figures: * Dieu vous a gratuitement pardonnez toutes vos offenses. Le Jubilé Chrê­tien est donc luy même une grace, une faveur, un bien fait.

Mais quoy? Par ce Jubilé la coul­pe & la peine du peché sont elles éga­lement remises? La peine éternelle du peché n'est-elle pas du moins chan­gée dans une peine temporelle; & n'est-ce pas du Vatican qu'il faut at­tendre le relâchement de cette der­niere peine? Non, Mes Freres, le Jubilé Chrêtien nous acquite de tout. Certes nous serions bien redevables [Page 26]à Jesus Christ, s'il ne nous avoit retirez de l'Enfer, que pour nous precipiter ensuite dans d'autres lieux souterrains, pour y être devorez par des flames cuisantes, aussi long-tems que l'Evêque de Rome jugeroit à propos de nous laisser dans les sou­frances? N'est-il pas étonnant que dans un Siecle aussi éclairé que le nô­tre, il se trouve des gens, qui ayant le sens commun, perseverent jusques à la mort, dans une opinion aussi fole & aussi monstrueuse?

Quoy qu'il en soit, c'est du Cal­vaire & non pas du Vatican, que nous devons attendre une remission entiere & de la coulpe & de la pei­ne: C'est le Jubilé Chrêtien, & non le Jubilé Romain, qui nous commu­nique ce bienfait. Non seulement il est dit, que Jesus Christ a porté nos pechez, mais il est dit aussi, * qu'il a porté nos langueurs, chargé nos douleurs & nos maladies. Non seulement il est dit, que par le sang de Christ nous avons remission de nos [Page 27]pechez, mais il est dit aussi, que l'amende qui nous apporte la paix est sur luy, & que par sa meurtrissure nous avons guerison. Eh! quelle paix bon Dieu, quelle guerison, si par sa mort, il ne nous avoit retirez de l'Enfer, que pour nous tourmen­ter dans ces lieux de torture que Ro­me appelle le Purgatoire? Saint Paul ne nous a t'il pas dit, qu'il n'y a nulle condamnation pour ceux qui sont en Christ? Le Saint Esprit ne canoni­se-t-il pas dans l'Apocalypse tous ceux qui meurent en la foy de Jesus? Bien heureux sont ceux qui meurent au Sei­gneur, ouy pour certain a dit l'Esprit, car dès maintenant ils se reposent de leurs travaux & leurs oeuvres les suivent. Romains, meditez ces paroles, elles r'enferment vôtre condamnation, & sans y penser vous la chantez vous mêmes aux Messes pour les Morts.

Joignons aux Oracles de l'Ecritu­re, les demonstrations de la raison. Un Prince ne seroit-il pas estimé mo­queur [Page 28]& crüel, s'il envoyoit un cri­minel à la roüe & au feu, pour des crimes qu'il luy auroit pardonnez, & dont il luy auroit donné des Lettres d'abolition? Juste Ciel! qu'elle affreuse idée ne devrions nous donc pas avoir du Dieu que nous adorons, si après nous avoir pardonné nos pechez par Jesus Christ, il nous con­dannoit encore à des tourmens hor­ribles? De quel usage nous seroient ses Lettres de graces, signées du sang de son Fils Unique, & ratifiées par sa mort? Quand nous disons à Dieu, pardonne nous nos offenses, com­me nous pardonnons à ceux qui nous ont offensez, ne nous obligeons-nous qu'à pardonner la coulpe; & nous est il permis après cela de faire porter à celuy qui nous a offensés, la peine de l'offense qu'il nous a faites? Est­ce donc ainsi que vous pardonnez à vos ennemis, ô Romains? Est-ce donc ainsi que vôtre bouche trom­peuse leur accorde des Lettres de graces, tandis que vôtre coeur leur prepare les plus affreux supplices? [Page 29]Insensez, Vous changez la gloire de Dieu incorruptible en la ressemblance & en l'image de l'homme corruptible. Pour canoniser vos vices, vous don­nez à vôtre Dieu, vos plus infames passions. Nous vous demandons comment il est possible que vôtre coeur soit calme & vôtre conscience tranquille, lors que vous dites à Dieu, pardonne nous nos offenses, comme nous pardonnons à ceux qui nous ont offensez? Ne voyez vous pas, vous disons nous, que vous pronon­cez vôtre condamnation? Vous croyez que nôtre separation d'avec vous, est une offense que nous vous avons faite; cependant, au lieu de nous pardonner cette offense en bons Chrêtiens, vous vous engrais­sez de nos dépoüilles, vous nous en­levez nos Enfans, vous nous faites pourrir dans de sombres cachots, vous nous chargez de chaînes au rang des Forçats sur des Galeres, vous nous condamnez à la roüe, ou au feu, &c. Comment donc nous [Page 30]pardonnez vous une offense, qui d'ailleurs ne peut être fatale qu'a nous mêmes, si nous avons le mal­heur d'être dans l'égarement? Je vous entens. Vous nous pardonnez la coulpe de nôtre Heresie, mais vous vous reservez le droit de nous en faire soufrir la peine. Mais quoy? Dieu ne veut-il pas que les Loix que sa misericorde observe inviolable­ment dans le pardon des offences, soient les reigles que vous devez exactement suivre? Ces Loix de la misericorde divine, ne se raportent­elles pas toutes à celles-cy, sçavoir, que Dieu en pardonnant les pechez, les * efface comme une nüée, qu'il § les jette au profond de la mer, & qu'il n'en aura plus de souvenance? N'est­ce pas ainsi que Dieu pardonne? Ses Indulgences ne sont-elles pas toûjours sans restriction maligne, & sans re­servation mentale? Encore une fois, dites nous qu'elle est vôtre in­tention, lors que vous dites à Dieu, [Page 31] pardonne nous nos offenses, &c? Je l'ay dêja dit, vous donnez à Dieu vos passions pour justifier vôtre ty­ranie à nôtre égard; vous supposez que Dieu a un coeur fourbe & crüel comme le vôtre, & qu'il ne pardon­ne qu'a demi, lors qu'il semble tout pardonner. Cela étant ainsi, voicy quel est le sens de vôtre priere, ou il faut que vous renonciez à vos prin­cipes. (O Cieux écoutez, toy terre prête l'oreille, & vous peuples fre­missez d'horreur.) Seigneur, il est dit que ton fils, a payé toutes nos dettes, non par chose corruptible com­me par argent ou par or, mais par son sang precieux. Il est dit, § que nos obligations ont été effacées & atta­chées à sa Croix. Mais tous ces pas­sages sont de pures illusions. Tou­tes ces assurances si positives & si solemnelles que tu nous donnes du pardon de tous nos pechez, & du payement de toutes nos dettes, ne sont que des promesses vaines, des engagemens sans effet, dont nous [Page 32]sommes les dupes. Ton coeur & ta bouche ne s'accordent pas. Ta bou­che dit, il n'y a nulle condamnation pour ceux qui sont en Christ. Bien­heureux sont ceux qui meurent au Sei­gneur, dès maintenant ils se reposent de leurs travaux. Mais ton coeur dit, il y a encore pour ceux qui sont en Christ, une condamnation à la tor­ture, la mort n'est point le terme de leurs maux, mais plûtôt elle est l'avancouriere de Satan qui se saisit d'eux. (Plusieurs Docteurs Romains eroyent que les Diables sont les Bour­reaux des ames du Purgatoire.) Elle est la porte par laquelle ils entrent dans un abîme de feu; elle est la main qui les y precipice. C'est ainsi, ô Dieu, qu'en croyant le Purgatoire, nous croyons que tu pardonnes; & c'est aussi de cette surte que nous vou­lons pardonner. Nous pardonnons de bon coeur aux Heretiques la coul­pe de leur Heresie, mais à ton exem­ple nous nous reservons le privi­lege de leur en faire porter la peine. C'est pour cela que nous avons érigé [Page 33]l'auguste tribunal de la sainte Inqui­sition, ses cachots, ses chaines, ses flammes, sont le plus doux Purga­toire, auquel nous puissions les con­damner. C'est pour cela que nôtre coeur medite leur perte, dans le mo­ment même que nôtre main leur si­gne les Edits les plus pacifiques. C'est pour cela que nous croyons vains tous les sermens si sacrez, par lesquels nous nous sommes engagez aux pieds de nos autels, de donner à leur cons­cience, le repos & la liberté; C'est pour cela que nous nous croyons en droit de les perdre, lors que nous sommes les plus forts, quelques in­violables que paroissent ces Traités authentiques que nous leur avons ju­rez. Comme nous croyons que tu nous traiteras ainsi nous mêmes après nôtre mort, permets nous de traiter ainsi pendant nôtre vie tous nos ennemis, pardonne nous nos offenses, comme nous pardonnons à ceux qui nous ont offensés.

Mes Freres, ne soyez plus surpris de voir les ennemis de vôtre Foy, [Page 34]vous traiter d'une maniere si cruelle, & si sauvage. Ne voyez vous pas qu'ils imitent le Dieu qu'ils font & qu'ils adorent? Pour ce qui est de nous, nous n'avons point ainsi apris de Christ. Il nous a été dit, si l'un a querelle contre l'autre, comme Jesus Christ vous a pardonnez, vous aussi faites le semblable. Or nous croyons que Jesus Christ a été sin­cere dans le pardon qu'il nous a ac­cordé. Nous croyons que sa bouche a été la fidele interprete de son coeur, quand il nous a dit, * En verité je vous dis, que celuy qui oit ma parole, & croit à celuy qui m'a envoyé, a la vie éternelle, & ne viendra point en condamnation, mais est passé de la mort à la vie. De là nous concluons, que le Jubilé Chrêtien, nous affranchit, & de toute la coulpe, & de toute la peine du peché. De là nous chan­tons le triomphe avec Saint Paul, § qui intentera accusation contre les Elus de Dieu? Dieu est eeluy qui justi­fie. [Page 35]Qui sera celuy qui condamnera? Christ est celuy qui est mort. De là nous concluons aussi, que nous de­vons pardonner à nos ennemis sans restriction & sans reserve, & que nous prononçons nôtre condamna­tion, sinous avons d'autre intention, lors que nous disons à Dieu, pardon­ne nous nos offenses, comme nous par­donnons à ceux qui nous ont offensez.

3. Jusques icy, vous avez vû, Mes Freres, ce que c'est que le Jubi­lé Chrêtien, & quels sont les avan­tages qui en reviennent; voyons maintenant, quel est le Peuple, quelle est la Nation qui peut avoir part à ces avantages; en quel temps & en quel lieu ce Jubilé doit être Publié.

Il n'y a pas long-temps que nous vous fimes remarquer, qu'un des principaux motifs qui avoit mû Dieu à nous envoyer son Fils, étoit le des­sein qu'il avoit eu de nous adopter, & de nous donner place au rang de ses enfans. Pour vous faire compren­dre l'excellence de ce bienfait, nous vous fimes le fidelle tableau de nôtre [Page 36]ancienne condition, nous étant con­siderez nous mêmes dans la person­ne de nos peres qui étoient Payens. Retracez dans vôtre memoire, une partie des choses que nous vous di­mes, cela est necessaire pour bien concevoir quel est le Peuple qui a droit aux Indulgences du Jubilé Chrêtien. Le sens de tout ce que nous vous dimes, étoit, qu'avant l'Incar­nation du Fils de Dieu, l'Eternel ne se faisoit pas connoître à tous les peu­ples de la terre; que la portion de l'Eternel étoit le peuple d'lsraël: que Dieu ne declaroit ses paroles qu'à Jacob, & ses Ordonnances qu'à Israël. Qu'autrefois, * Dieu laissoit cheminer les Nations en leur voyes, & dis­simuloit les temps de l'ignorance. Qu'alors, les Gentils n'avoient rien de commun avec la Republique d'Israël, § Etant Etrangers des Alliances de la Promesse, n'ayant point d'esperance, étant sans Dieu au Monde.

Nous ajouterons icy, que comme [Page 37]Dieu avoit choisi Israël pour son Peu­ple, aussi avoit il choisi Sion pour y établir son service. L'Eternel a choisi Sion & l'a eüe à gré pour son siege, elle est, dit-il, mon repos à per­petuité. Là étoit le superbe temple de Salomon, le seul au monde qui fût cansacré au vray Dieu. Là étoit l'Arche de l'Alliance, les Tables de la Loy, l'unique Autel sur lequel Dieu vouloit qu'on luy immolât des Victimes. Là on venoit de toutes parts pour adorer Dieu; chaque mâle des enfans d'Israël * s'y devoit pre­senter trois fois l'année avec quelque oblation.

Mais enfin, Dieu ayant envoyé son Fils (c'est ce que nous vous fi­mes aussi remarquer) les ombres de la Loy s'évanouîrent, La cloture de la paroi entremoyenne fut rompüe. Là chute des Juifs fut la richesse du mon­de, & leur diminution la richesse des Gentils. Dieu appella § son Peuple celuy qui n'étoit point son Peuple, & sa [Page 38]bien aimée, celle qui n'étoit point sa bien aimée. Il n'y eut plus de difference du Juif & du Grec.

Qui sont donc ceux qui peuvent pretendre aux pardons du Jubilé Chrêtien? Misericorde de mon Dieu, comme tes Indulgences sont sans nombre, aussi sont elles aujour­d'huy sans bornes. * Christ est nôtre paix, qui des deux en a fait un. Il est arrivé qu'au lieu où il a été dit, vous n'étes point mon Peuple, là nous sommes appellez enfans de Dieu. Cette Statue prodigieuse qui menaçoit au­trefois le Ciel & la Terre, a été re­duite en poussiere; un petit caillou détaché sans main d'une montagne, est venu fondre sur ce terrible Colosse, & l'a entierement brisé, & sur ce de­bris le Royaume de Dieu a été élevé. Aujourd'huy est accomplie cette Pro­phetie du Sauveur, § J'ay encore d'autres Brebis qui ne sont point de cet­te Bergerie, il me les faut amener, elles écouteront ma voix, & il y aura [Page 39]un seul troupeau & un seul Pasteur. Il y a maintenant un seul Seigneur de tous, qui est riche envers tous ceux qui l'invoquent. Christ est venu pour tous. Le Ciel, la grace, le salut, Dieu luy même est offert à tous. Il n'y a point de peuple, qui en vertu du sang de Christ, n'ait aquis un droit à l'heritage celeste. Le Jubilé Chrêtien est donc presenté à toutes les Nations de la terre. * En toute nation, celuy qui craint Dieu luy est agreable. § Vous tous habitans de la ter­re jettez donc cris d'éjouïssance, chan­tez à l'Eternel nouveau Cantique, psal­modiez à son nom, car il a fait choses merveilleuses. Tous les bouts de la terre ont vû le salut de nôtre Dieu. Vous étes maintenant, ô Gentils, La generation élüe, la Sacrificature Royale, la Nation Sainte, le Peuple acquis, afin que vous annonciez les vertus de celuy qui vous a appellez des tenenebres à sa merveilleuse lumiere.

4. S'il n'y a plus de difference de [Page 40]personnes, aussi n'y en a t'il plus, ni de temps, ni de lieu. C'est une impieté & un blaspheme, de dire avec Rome, que Dieu est plus mi­sericordieux en une année, qu'il ne l'est dans une autre. Depuis le jour auquel Jesus Christ mourut, jusques au jour auquel il viendra juger les vi­vans & les morts, il ne peut s'écou­ler une seule minute, qui ne soit un temps de grace & de salut. Jesus est le même hier, aujourd'huy, & le sera éternellement. * Il envoye des ouvriers à sa vigne à toutes les heu­res du jour. En tout temps, cette parole est certaine. ‖ Demandez & vous recevrez, cherchez & vous trou­verez, heurtez & il vous sera ou­vert.

O vous qui pretendez que l'on ne doit ouvrir le thresor des richesses de Dieu, qu'en certains jours, & en certaines années, écoutez Saint Paul, voyez à qui en veut cét Apôtre: Re­connoissez vous vous mêmes, cessez [Page 41]de resister à la verité, ne soyez plus dé­pourvûs d'entendement, ni reprouvez quant à la foy. Vous observez, dit-il, * les jours & les mois, les temps & les an­nées, je crains de vous, que d'avan­ture je n'aye travaillé en vain envers vous.

Nôtre Jubilé, est donc un Jubilé perpetuel. Chaque année de nôtre vie est l'an de la bien-veillance de nôtre Dieu. Le Jubilé Romain fi­nira, les Idolâtres seront confus, mais le Jubilé Chrêtien durera éter­nellement. Jusques à la consomma­tion des Siecles, les Predicateurs de l'Evangile pourront annoncer à leurs peuples, cette agreable nouvelle, Cette Année est le Jubilé.

Il en est aujourd'huy du lieu comme du tems. Enquelque lieu que j'éleve mes mains au dessus des choses du monde, j'y trouve le Dieu que je cher­che. Par tout mes voeux, mes prieres, mes larmes luy sont agréables par Jesus Christ. Son Jubilé n'est at­attaché, ni aux murs de Jerusalem, [Page 42]ni aux temples de Rome. Depuis le Soleil levant jusques au Soleil couchant, son nom est grand entre les Nations. On doit luy offrir en tout lieu parfum & oblation pure. Femme, disoit Je­sus Christ à la Samaritaine, l'heure vient, & elle est maintenant, que vous n'adorerez, ni en cette Monta­gne, ni en Jerusalem; § Mais les vrais adorateurs adoreront en esprit & en verité, car le Pere en demande de tels qui l'adorent. Là où deux ou trois sont assemblez en mon nom, je suis au milieu d'eux. * Que les hommes, dit Saint Paul, fassent priere en tout lieu, levant leurs mains pures, sans ire & sans question, Dieu n'a pas dit, va en Orrient & y cherche la Justice, Navige jusques en Oceident, pour re­cevoir l'Indulgence, mais il a dit par­donne à ton ennemy, & on te pardon­nera. C'étoit là la foy de Saint Au­gustin; c'étoit aussi celle de Saint Chrisostome. Pour obtenir la Re­mission [Page 43]des pechez, disoit ce Sçavant Prelat, il n'est pas besoin de travaux, ni de depense d'argent, ou de quelqu'au­tre chose, mais seulement d'une sainte resolution. Pourquoy entreprendre des Pelerinages? Pourquoy aller au de­là des Montagnes ou des Païs Etran­gers? Cela n'est pas necessaire. Il n'y a pas long temps que Bernard de Clervaux disoit, * il ne faut pas, ô homme, que tu naviges au delà des Mers, ou que tu passes les Alpes, ou que tu penetres jusques aux nüées; en­tre seulement au dedans de toy même: Hate toy, vient au devant de ton Dieu, sa parole est près de toy, en ta bouche, & en ton coeur.

Il nous reste encore à vous parler des conditions requises & absolument necessaires pour gagner les Indul­gences du Jubilé Chrêtien. Cette Année est le Jubilé, c'est là le Princi­pe que nous avons examiné. Elle vous sera Sainte, c'est la consequen­ce qui resulte naturellement de' ce [Page 44]Principe. Les Reflexions que nous allons faire sur cette consequence, nous fourniront les moyens de ga­gner nôtre Saint Jubilé, & nous tiendront lieu d'application.

CONCLUSION.

QUand Dieu disoit aux Juifs, cette Année est le Jubilé, elle vous sera Sainte: Il vouloit, non seulement leur faire entendre, que cette année seroit plus sainte que les autres, parce qu'elle seroit plus fa­vorisée des graces du Ciel: Mais aussi il vouloit leur insinuer, que cette année étant l'an de la profusion de ses graces & de ses faveurs, ils de­voient par un motif de reconnoissan­ce, travailler à leur propre santifica­tion, avec un nouveau zele, & une ferveur extraordinaire. Le sens de nótre texte, par raport aux Juifs, étoit done celuy cy: Cette année est un temps heureux, auquel l'E­ternel vous donne la r [...]sée du Ciel, & la graisse de la terre; c'est un temps [Page 45]remarquable pour les bien-faits dont le Seigneur vous comble; Soyez done Saints devant ses yeux, & ne changez pas ses graces en disolution. Lors que l'Eternel brise les chaines des captiss, & donne la liberté aux pri­sonniers; retournez à luy de tout vôtre coeur, socoūez le joug de Sa­tan, affranchissez vous de la dure ser­vitude du Prince des tenebres. Lors que vôtre Dieu rend à chacun son Heritage; cessez d'irriter le Ciel par vôtre endurcissement, & de sa­lir la terre par vos abominations. En un mot, consacrez au service de vôtre Dieu, une année qu'il destine à vous rendre tous heureux. Cette Année est le Jubilé, elle vous sera Sainte.

Mes Freres, si toutes ces conse­quences étoient justes par raport aux Juifs, combien plus le sont elles par raport à nous? On ne pouvoit tenir ce langage aux Juifs, que de 50 en 50 ans: Mais chaque année, chaque jour, chaque moment, on a droit de nous avertir de ces grands devoirs, [Page 46]& de nous dire, Cette Année est le Jubilé, elle vous sera Sainte. Tou­tes les années de l'Ere Chrêtienne, peuvent être appellées saintes, par­ce qu'il n'y en a aucune qui ne pre­sente à l'homme un Sauveur & une liberté éternelle. C'est là par raport à Dieu, le sens de nôtre texte; mais par raport à nous, voicy ce qu'il si­gnifie.

Cette année est le temps de vôtre redemption, le Ciel vous est ouvert, Satan est humilié, la mort est vain­cüe, la misericorde de Dieu vous presente un azile; sa colere est cal­mée, sa justice est satisfaite: que cette a née vous soit donc sainte; Otez de devant les yeux de Dieu, la malice de vos actions, cessez de mal faire, apprenez à bien faire, recher­chez droiture, radressez celuy qui est foulé, faites droit à l'orphelin, deba­tez la cause de la veuve. Rendez à tous ce qui leur est dû. Aimez vôtre Dieu, de tout vôtre coeur, de toute [Page 47]vôtre ame, de toute vôtre pensée, & vôtre prochain comme vous mêmes. Cette Année est le Jubilé, elle vous sera Sainte.

Mais pour donner quelques bornes à nos Reflexions; nous reduirons à deux, les moyens de santifier, non seulement cette année, mais aussi toutes les suivantes, qui seront égallement des années de Jubilé pour nous, pendant lesquelles nous pourrons gagner les Indulgences Plenieres.

Ces deux moyens sont la Repen­tance de nos pechez, & la foy en Jesus Christ. Ce sont là les deux ailes qui doivent nous élever jusques à Dieu: C'est là une double chaîne par laquelle il nous attire à la Com­munion de ses graces. Car sans nous perdre icy dans les Labyrintes de la Scolastique, ne comprenons nous pas que nôtre reconciliation avec Dieu se fait, lors que reconnoissans & confessans nos pechez dans l'amer­tume de nôtre coeur, nous avons re­cours à la misericorde de Dieu, & [Page 48]embrassons les merites de nôtre Sauveur, avec un coeur fidele & re­pentant.

De la Repentance, il est dit, Celuy qui cache ses transgressions, ne prosperera point; mais celuy qui les confesse & les delaisse, obtiendra mi­sericorde. Au 18 chapitre des Reve­lations d'Ezechiel, Dieu fait luy mê­me l'Apologie de sa Misericorde, & même de sa Justice contre les mur­mures des Libertins qui rejettent leur damnation sur l'éternité de ses De­crets. Là il plaide luy même sa cau­se, il deffend luy même ses Droits, & proteste, que celuy qui perit, ne doit s'en prendre qu'à sa propre mali­ce, & nullement à la volonté abso­lüe de son Createur, qui luy offre sans cesse sa grace & le salut. Là, il invite tous les pecheurs à chercher leur refuge, dans le sein de sa mise­ricorde, leur jurant qu'ils ont en main le moyen de gagner le Ciel, & d'éviter l'Enfer. Le fils ne portera point l'niquité du pere, ni le pere l'i­niquité [Page 49]du fils, l'ame qui pechera sera celle qui moura. Prendrois-je en au­cune façon plaisir à la mort du mé­chant, & non plûtôt qu'il se détourne de son mauvais train & qu'il vive? Quand le méchant se detournera de la mechanceté qu'il aura commise, & qu'il fera ce qui est juste & droit, il fera revivre son ame. Je jugeray chacun de vous selon ses voyes, ô maison d'I­sraël, détournez vous de vos forfaits & l'iniquité ne vous sera point en ruine. Jettez arriere de vous tous vos forfaits, par lesquels vous avez forfait. Faites vous un nouveau coeur, & un esprit nouveau. Pourquoy mourriez vous, ô Maison d'Israël? Je ne prend point de plaisir à la mort de celuy qui meurt. Convertissez vous & vivez.

Nous ne pouvons rien ajouter à ces belles paroles; elles sont égalle­ment pressantes & intelligibles. C'est vôtre Dieu qui parle; c'est son dis­cours, c'est son Sermon, vous en comprenez le sens & la force. Il vous declare, que pour gagner ses Indulgences & ses Pardons, il est be­in [Page 50]d'une serieuse repentance, qui produise en vous une vive douleur du passé, & une sainte resolution pour l'avenir.

De la Foy en Jesus Christ, il est dit, Je suis la Resurrection & la vie; qui croit en moy encore qu'il soit mort vivra; & qui croit & vit en moy ne mourra point. Et ailleurs; § Dieu a tellement aimé le monde, qu'il a envoyé son Eils unique au monde, afin que quiconque croit en luy ne perisse point, mais ait la vie éter­nelle. Comme sans la repentance, cette foy ne seroit qu'une foy de De­mon, plus capable de nous perdre, que de nous sauver: Aussi la repen­tance sans cette foy, ne seroit qu'une repentance de Judas, c'est a dire, un veritable desespoir. Ce sont là les deux, belles vertus, que Jesus Christ, dans ses Sermons, recom­mende à ses Auditeurs, comme les deux mains dont ils doivent se servir, p [...]ur recevoir les Bulles du Jubilé [Page 51]qu'il leur a apporté du Ciel. § Le Royaume des Cieux est approché, amen­dez vous & croyez à l' Evangile.

Laissons donc là le Pape, & allons à Jesus Christ: C'est de celuy-cy seul que nous devons attendre les vrais Indulgences. Ames alterées du sa­lut éternel, qu'iriez vous cherche: dans ces citernes creusées qui ne con­tiennent point d'eau, ou qui n'en contiennent que de mauvaise? Ve­nez à la source de vie, de salut, de misericorde; Venez y puiser les eaux rejaillissantes en vie éternelle. Jesus vous les presente sans exiger de vous, que vous vous exposiez au naufrage, ou que vous couriez risque de tom­ber entre les mains des voleurs, ou des meurtriers. Qui a soif, qu'il vienne à moy, & qu'il boive. Pe­cheurs, sentez vos miseres, pleure [...] & lamentez, retournez à l'Eternel vôtre Dieu, il aura pitié de vous, ses compassions ne sont point deffail­lies. O vous tous qui étes travaillet [Page 52]& chargez, vous qui gemissez sous le pesant fardeau de vos iniquitez, venez à Jesus Christ * & il vous sou­lagera, & donnera paix & repos à vos ames. Venez à luy avec repen­tance de vos pechez, & la foy en son nom, & vous en recevrez des Indul­gences d'une remission pleniere. In­dulgences qu'il vous a reservées dès les temps éternels, § Dieu vous ayant élus avant la fondation du monde, pour vous adopter à soy par Jesus C.

Indulgences, dont l'original est dans le Ciel au livre de l'Agneau, & dont l'Evangile est la fidelle copie: Indulgences, qui-viennent du sein du Pere Eternel, & que Jesus Christ a signées de son sang, & ratifiées par sa mort. Indulgences, qui ne sont écrites, ni en papier, ni en parche­min, mais que le Saint Esprit a gra­vées dans le fonds de nos coeurs. In­dulgences, enfin, qui ne sont seel­lées, ni en cire, ni en plomb, mais [Page 53]scellées du Seau du Dieu vivant, Car nous sommes scellez du S. Esprit de la promesse, qui est l'Arrhe de nô­tre Heritage. Paralitiques, boiteux, aveugles, venez à ce Lavoir de Siloé. La foy & la repentance peuvent vous y plonger à tout moment. Cette divine source, est salutaire en toute saison. Et vous pauvres, ne vous imaginez pas, que vôtre condition soit pire que celle des riches, Jesus a rêpandu son sang, & pour vous, & pour eux. § Le don de Dieu ne s'acquiert point par argent. Que la multitude, ou l'énormité de vos pechez, ne vous éloigne pas de vô­tre Dieu; Où le peché abonde, la grace de Dieu abonde par dessus. Quand vos pechez seroient rouges comme l'écarlate, si vous vous en repentez, ils seront blanchis comme de la neige.

Grand Dieu, regarde nous donc en tos plus tendres compassions. Nous recourrons à toy seul, à qui irions [Page 54]nous, Seigneur, c'est toy qui as les paroles de vie éternelle. Voicy, nous te presentons comme David, un coeur froissé & brisé; ne méprise point les soupirs de ce coeur affligé, & fais passer outre nôtre peché. Nous fendons le Ciel comme Manassé, par nos gemissemens & par nos san­glots: tu as été appaisé envers cet insigne pecheur, sois donc aussi ap­paisé envers nous. Nous fondons en larmes comme la pauvre peche­resse, prononce donc sur nous l'abso­lution, que tu prononças sur elle, & nous dis Vos pechez vous sont pardon­nez, vôtre foy vous a sauvez, allez en paix. Nous frappons nôtre poi­trine comme le Pe [...]ger, & nous nous écrions avec luy, ô Dieu, sois appaisé envers nous qui sommes pe­cheurs; fais par ta grace, que com­me luy, nous retournions justifiez en nos maisons. Nous pleurons ame­rement comme Saint Pierre; tu luy as pardonné sa lâcheté, pardonne nous donc aussi toutes les nôtres.

Enfin, nous nous tournons vers [Page 55]ta Croix comme le Larron Penitent, souviens toy de nous, Seigneur, maintenant que tu est entré en ton regne: Fais nous entendre ces paroles de consolation, En verité je vous dis, qu'aujourd'huy vous serez en Paradis avec moy. Ou si dès aujourd'huy tu ne veux pas donner la liberté à nô­tre ame prisonniere, du moins dès aujourd'huy, en luy communiquant les graces de ton Jubilé, console la dans ce corps mortel, où elle soupire sans cesse après toy, & luy donne quelques avant — goûts de la gloire que tu luy prepares.

AMEN.

Fin du Vray Jubilé.

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