[...]
[...]

DISCOVRS AV VRAY DE CE QVI S'EST PASSE EN L'ARMEE conduicte par sa Majesté, depuis son a­duenement à la Couronne, ius­ques à la prinse de la ville de Honfleu, au mois de Ianuier. 1590.

A LONDRES Imprimée par Iean Wolfe. 1590.

DISCOVRS AV ƲRAY DE CE qui s'est passê en l'armee conduicte par sa Maiestè, depuis son aduenement à la Cou­ronne, iusques à la prinse de la ville de Hon­fleurau mois de Ianuier.

LES volontez & deportemens des Roys & Princes sont d'au­tant plus subiects à estre syn­dicquez & censurez, qu'ils ne peuuent rien entreprendre où leurs peuples & subiets ne soy­ent interessez auec eux: & les coniectures des hommes n'ont en rien tant de priuilege & aduantage qu'au iugement qu'ils font des desseings & actions de leurs Princes: d'autant que sur le moindre indice qu'ils en ont, ils conclu­ent necessairement de la qualité de l'euenement qui en doit estre, qu'ils commencent dés lors à louer où reprouuer, comme si l'effect en estoit aduenu, & plus ordinairement s'attachent au blas­me ou contrerolle que à l'approbation: & neant­moins sans contredict ne deffence. Parce que les Princes & ceux qui manient leurs affaires, ne [Page 4] pourroient publier toutes les raisons & possibili­tez qu'ils ont de leurs entreprises sans en gaster & ruiner les effects. De sorte qu'il faut par necessité qu'ils ayent ceste patience de se sentir iniustement blasmez de leurs meilleures & plus vtiles opini­ons, & qu'ils attendent que la fin & euenement d'i­celles les en iustifie enuers leursdits subiets, & leur face recognoistre leur erreur. Il est infallible qu'il en est ainsi aduenu du desseing que l'on a veu faire au Roy de separer son armée, peu apres le decez du feu Royson frere, & depuis ladite separation au lieu de passer la riuiere de Loire, comme il se pub­lioit qu'il vouloit faire, d'estre descendu en la Nor­mandie. Dont il est tres-certain qu'il a esté blasmé de beaucoup, & en a fait peine à plusieurs de ses seruiteurs, & plaisir à tous ses ennemis qui se sont rencontrez en ce iugement, que ce seroit la ruyne de ses affaires: mais maintenanr que l'euenement leur a donné occasion de s'en desdire: il est permis des choses qu'ils ont veuës, de leur ayder à en co­gnoistre les causes & veoir que ce ne sont poinct effects de hazard ou de fortune, mais de pure pru­dence & de raison, & ce faisant leur exposer vne narration simple & veritable de tout ce qui s'est passé entre son armée & celle de ses ennemis du­rant vn mois, qu'elles ont tousiours logé à la veuë l'vne de l'autre. L'effroyable sacrilege & accident de la mort du feu Roy aduint le deuxiesme du mois d'Aoust: & est certain qu'il fut d'autant plus [Page 5] aduancé que ses ennemis se virent si pressez qu'ils ne recogneurent plus autre remede, pour euiter, (où pour le moins faire differer pour quelque tēps) la iustice de leurs crimes. Son desseing estoit de recouurer Paris, comme il eust peu faire s'il n'eust voulu trop de bien à ceux qui luy auoient tant fait de mal: & est mort quād il estoit quasi à son option de la prendre par amour ou par force. Le Royson successeur eust aussi volōtiers succedé a ce dessein: mais ce qui fut possible à l'vn ne le pouuoit pas e­stre si tost à l'autre, de qui l'auctorité ne peut estre si promptement establie qu'elle fut acquise: car les volontez de ceux de dedans affectiōnez au feu Roy qui s'estoient eschauffees par sa presence, ne peu­rēt si tost estre trans-ferées à ce nouueau Roy qu'il y a pres de quinze ans que l'on n'auoit veu de de­çà, & où il n'estoit quasi cogneu que par les pro­scriptions publiées contre luy par l'artifice de ses ennemis, par le moyen desquelles ils auoient ac­coustumé les peuples à ne le recognoistre quasi plus, pource qu'il estoit de ceux de l'armée, com­bien que à la mesme heure que la succession luy fut escheuë tous les Princes de son sang & autres; les Mareschaux de France, Officiers de la Courō ­ne, & les principaux Seigneurs & Capitaines qui y estoient, luy cussent fait la submissiō & recognois sance de leur Roy & Prince legitime, auec les protestations accoustumées: toutesfois plusieurs, les vns qui à la verité auoient eu cōgé du feu Roy, [Page 6] pour le long seiour qu'ils auoient fait en l'armée, & aussi que c'estoit en la saison que chacun veut aller faire sa recolte: les autres sur ce pretexte pour prendre loisir de se resoudre de ce qu'ils auroient à faire, se retirerent de ladicte armée: ayant eu sa Majesté ceste force de ne s'estre iamais desmis de refuser congé à qui l'a voulu demander. Ainsi voy­ant l'armee fort diminuée (comme vn moindre accident pouuoit suffire d'en rompre vne plus grā ­de) & celle de l'ennemy mieux entretenue que la sienne, voyant aussi l'autre fondement du recou­urement de Paris, qui estoit sur l'affection de ceux de dedans aucunement refroidy, il iugea, prudem­mēt que l'effect de ce desseing se deuoit differer à vne autre fois, & qu'il suffisoit pour ceste premie­re, d'auoir recogneu qu'il estoit fort possible d'y paruenir, et ce pendant garder les aduantages qui y estoient acquis par la prise des villes d'Estampes & Ponthoise: estant necessaire d'occuper à quel­que autre exercice ladicte armée. Le premier & le plus digne qu'il estima luy pouuoir donner, ce fut de conduire le corps du feu Roy en depost de seu­reté, sachant que la rage desdits ennemis estoit si enuenimée, que n'ayāt point trouué dequoy se sa­tisfaire en sa mort; elle passoit encores sur ses os & ses cendres. Ainsi l'ayant conduict à Compeigne, où il estima qu'il pouuoit demeurer plus digne­ment & seurement: & ayant prins en passant les villes de Meulan, de Gisors & Clermont, conside­rant [Page 7] qu'il ne comparoissoit rien à combattre à la campagne, que lesdits ennemis s'estoient tous r'ē ­fermez dans les murailles, qu'il ne luy restoit pas assez de temps pour entreprendre vn autre siege digne de l'occupation de son armée, qu'il appro­choit du temps auquel il auoit fait conuoquer en la ville de Tours, les Princes, Officiers de la Cou­ronne, Seigneurs, Gentils-hommes, & autres ses principaux Officiers & Ministres, pour auec eux prendre vne resolution sur les affaires de sō Estat; que pour y aller, ceste grande armée ne luy estoit aucunement necessaire, n'y ayant rien à entrepren­dre par delà qui en meritast la presence, & que ce n'eust esté que consommer les viures du pays sans aucun fruict ny desseing. Sa Majesté iudicieuse­ment se resolut de separer son armée en trois, d'en enuoyer vne partie en Picardie, sous la charge de Monsieur le Duc de Longue-ville, vne autre en Champaigne, sous Monsieur le Mareschal d'Au­mont, et luy d'en retenir vne autre: & auec tel or­dre neantmoins, que pendant que sadite Majesté demeureroit en ces quartiers de delà au parauant son passage, si l'ennemy luy venoit en gros sur les bras, lesdites deux parties separees se peussent en peu de temps reioindre, comme luy passé de deça la riuiere de Loire, ce mesme ordre demeureroit entre lesdicts Sieurs de Longueuille & d'Aumōt, soit que l'vn des deux fust assailly, soit que l'ēnemy voulust attaquer quelque place qu'il fust besoin [Page 8] de secourir. De ceste partition & separation sadite Majesté en recueilloit deux outrois grands aduā ­tages. Le premier est, que enuoyant les deux parts de son armée esdictes prouinces de Picardie & Champagne, elles y pouuoient tenir la campagne & y prendre quelque ville, pour le moins fourra­ger la recolte des principales de celles que tiennēt les ennemis, dont elles receuroient tresgrande in­commodité, au lieu que sans cela ils y estoient les maistres & s'y pouuoient grandement accroistre. L'autre, qu'estant la pluspart de la noblesse qui e­stoit demeuree en ladicte armee desdictes prouin­ces de Picardie & Champagne, y enuoyant ses forces, c'estoit comme les conduisans chez eux, les retenir tousiours au corps de ladicte armee en cas qu'il en suruint occasion: ce qui n'eust pas estè au­trement, car se retirans, comme ils eussent indubi­tablement faict, ce n'eust plus esté pour reuenir, s'il n'y eust point eu dans le pays de corps & de chefs pour les recueillir. Et puis par le moyen des­dictes armees sa Majesté faisoitsaouler de la guer­re les villes & peuples de ces prouinces là qui ont monstré en auoir tant d'appetit & d'enuie. De la part de la dicte armee que sa Majesté retenoit pres d'elle, elle resolut aussi de ne la laisser pas inutile, & de s'en seruir plus par industrie que par grand effort: ayāt auec icelle retenu Messieurs les Princes de cō ­ty, de Montpensier, le grand Prieur Colonnel de la caualerie legere; Mareschal de Biron & les Sieurs [Page 9] de Dampuille Colōnel des Suisses, de Rieux Mare­schal de camp, de Chastillon commandant à l'in­fanterie, & plusieurs seigneurs de son conseil, Ca­pitaines & autres Gentilshommes de qualité: Et pouuoit estre ladicte armee de plus de mil bons cheuaux, de deux regimens de Suisses, & d'enui­ron trois mil François. Et par ce que le temps ne le pressoit point encores de se trouuer à la conuoca­tion qu'elle auoit fait publier à Tours dans la fin du mois d'Octobre, que ce qui luy restoit de temps n'estoit pour entreprendre aucun siege, elle vou­lut que la forme de cheminer luy seruist pour le moins d'empescher que les ennemis ne peussent faire comme il leur eust esté aisé d'attaquer lesdic­ctes villes d'Estampes, Pōthoise, Meullan, Senlis & autres, specialement les deux premieres qui ne ve­noient que d'estre prinses par batterie, & dont les ruines n'auoient peu encores estre reparées: de sor­te que les ennemis y retournans auec furie ils les pouuoient emporter au parauant que les autres deux parties de l'armee se fussent peu r'assembler & accourir assez à temps au secours. Pour ceste oc­casion & auec l'aduis dudit Sieur Mareschal de Bi­ron, il se resolut de descendre vn peu plus auant en la Normandie à double dessein. L'vn pour y con­forter ses affectionnez seruiteurs, en sorte qu'ils peussent prendre toute confiance de sa bonne gra­ce & protection. Et l'autre, pour feignant d'y vou­loir entreprendre quelque chose, y attirer vne par­tie [Page 10] des forces des ennemis, & ainsi les separāt leur faire perdre le temps & l'occasion d'assieger les­dictes villes d'aupres de Paris, & donner patience à ceux de dedans de se fortifier & reparer, par ce que gagnant six sepmaines de temps, c'estoit leur donner quatre ou cinq mois de loisir: ce qui luy reussit & en l'vn & en l'autre fort heureusement. Car estant premierement venu au village du Pōt sainct Pierre le Capitaine Roullet qui commande dans la ville & Fort du Pont de l'Arche, l'estant venu trouuer luy apporta toute asseurance de la fidelité & obeissance de tous les habitans de ladi­cte ville, & encores plus particulierement de la sienne, & en r'emporta de sa Majesté tant de con­tentement qu'il en demeura encores plus confir­mé en la promesse qu'il luy auoit faite de luy cōser­uer ladicte ville où est le dernier pont de la riuie­re de Seine, & qui peut grandement incommoder ladicte ville de Rouën qui n'en est esloignée que de cinq petites lieuës, & empescher tout le traffic qui se souloit faire desdictes deux villes de Paris & Rouën. Dudit S. Pierre sadite Majesté feit achemi­ner son armee à Darnetal, qui est vn fort grand bourg à vne lieuë pres dudit Rouën, pour la rafrai­schir commodément. Elle en partit dés le lende­main à l'improuiste auec trois ou quatre cens che­uaux seulement & donna iusques à Dieppe, qui est vn des meilleurs ports de mer de toute la Nor­mandie, & la ville bonne & riche, fort affectionnee [Page 11] á sa Majesté: qui sera vn iour le salut de toute la prouince, comme dés à present elle luy en conser­ue vne grande partie. Elle y fut aussi receuë & ho­noree & du coeur & de la voix de tout ce peuple autant qu'vn bon Roy bien chery des siēs, le pou­uoit estre de bons, fideles & bien aymez subjets: a cela estant leurbon naturel aydé & esmeu par l'ex­emple du commandeur de Chastes Gouuerneur de ladicte ville, qui a rendu vn tesmoignage singu­lier de fidelité. Comme elle receut en mesme tēps & audit lieu, vne confirmation tres-certaine de celle du Sieur de la Verōne Gouuerneur de la vil­le & chasteau de Caen, de qui ainsi que desdits Si­eurs de Chastes & Roullet, il se peut dire qu'ils ne sont point de ceux qui sōt iustes & innocēs, pour­ce qu'ils n'ont point eu occasion de faillir: car leur vertu & loyauté a esté combatuë de toutes les ten­tations et charmes qui peuuent seduire les plus re­soluz, dont neantmoins la victoire leur est demeu­ree auec vne grandissime recommādation de leur merite: d'autant plus que le vice du siecle ne le cō ­porte pas; & que c'est maintenant, comme chose extraordinaire, de garder la foy à son Prince. Pen­dant ce peu de sejour qu'il feit à Dieppe, ayāt sçeu que la ville de Neuf-Chastel, qui en est à sept lie­uës pres, incommodoit fort le passage, il l'enuoya inuestir par les Sieurs de Guitry & de Hallot auec partie de la cauallerie qu'il auoit menee, & quelques gens de pied de la garnison du­dit [Page 12] Dieppe: et s'estant assemblee grande quantité de païsans & soldats pour la venir secourir, & s'y a­cheminans souz la conduite de Castillon, Gentil­homme dudit païs, ladicte cauallerie leur alla au deuant qui les deffit tous & en tailla en pieces sur le champ plus de sept ou huict cens, & fut ladicte ville rendue: qui fut vne fort aggreable nouuelle à Dieppe, où sadite Majesté, en ce peu qu'elle y de­meura s'y acquit telle bien-veillance de tous les habitans, & de ceux qui y estoient refugiez des au­tres villes, que non seulement luy accorderent li­brement tout le secours qu'il leur voulut deman­der: mais d'eux mesmes luy feirent la proposition du siege de la ville de Roüen, pour lequel ils offri­rent de deffrayer quasi l'armée pour le temps qu'ils estimoient qu'il pouuoit durer. Ce que sa Majesté escouta volontiers, parce que cela se rapportoit à l'execution de la seconde partie de sondit desseing, & remist a s'en resoudre auec l'aduis de mesdits sieurs de Montpensier, Mareschal de Biron, & au­tres seigneurs & capitaines qui estoint demeurez en ladite armée, où estant arriué, & ayant fait ce­ste proposition, il la sçeut si bien dissimuler que la pluspart de ceux qui l'approchoient de plus pres, croyoient que ce fust son intention que d'assieger ladite ville de Roüen, qui est où il tendoit de le fai­re croire en son armée, a fin que tant plus volonti­ers ceux de ladite ville & ses ennemis le creussent, n'estāt pas marry que les raisons qu'il y auoit infi­nies [Page 13] de ne le faire pas, fussent pour lors legerement traittées. Ainsi pendant cinq ou six iours qu'il y se­iourna, il feit, excepté de la battre, tout ainsi que si sa resolution eust esté de l'assieger, & commença dés les premiers iours à leur oster tous leurs mou­lins, qui fut vn grand estonnement dans ladite vil­le, où il faisoit aussi incessamment attaquer des e­scarmouches iusques dans leurs portes, à sin de les presser d'auātage de reclamer du secours: ce qu'ils feirent auec telle instance que combien que Mon­sieur d'Aumalle, & le Comte de Brissac y fussent, ils ne se peurent iamais asseurer si Monsieur de Mayēne n'y venoit auec toute son armée: ce qu'en fin ils obtindrent, qui estoit ce que sa Majesté desi­roit autant qu'eux: & en quoy consistoit la perfe­ction du desseing qu'elle auoit d'empescher que lesdites villes qu'elle tenoit pres de Paris, ne feus­sent assiegées par la diuersion des forcee de son ennemy. Et ayant sçeu qu'il s'estoit acheminé à Mante & à Vernon, commença à mieux receuoir les raisons qu'il y auoit de n'entreprēdre pour lors ledit siege: & à descouurir comme ce n'auoit esté que à ce desseing qu'il auoit voulu faire ceste con­tenance qu'il sceut fort dextrement dissimuler, comme ce n'est pas vn moindre effect de la pru­dence & iugement d'vn grand Capitaine de sça­uoir bien celer ses deliberations, que de les bien & meurement deliberer. Ainsi il resolut de partir dudit Darnetal & fut sa retraicte dressée de sorte, [Page 14] que combien que ce fust à la veuë quasi des mu­railles de Rouën, & que lesdits sieurs d'Aumalle & de Brissac y fussent auec grand nombre de ca­uallerie: neantmoins il ne comparut personne pour le venir taster, ou s'ils sortirent ils se conten­terent d'en veoir l'ordre sans y chercher rien d'a­uantage. Sadite Majesté estant venuë à bout de ses­dits deux desseings qui l'auoient amenée en Nor­mandie, les voulut accroistre de recouurer pen­dant qu'elle estoit sur les lieux, & qu'il restoit encores du temps assez pour son retour à Tours, quelques petites villes qui n'incommodoient pas moins les chemins & les passages que les plus grandes, & y establir autant de garnisons entre­tenuës qui pourroient seruir à vn gros, quand il seroit besoing d'en amasser vn dans la Prouin­ce: Elle voulut commencer par celle d'Eu qui est vne assez bonne petite ville, & vn Chasteau qui appartient à Madame de Guyse, ladicte ville si­tuée sur la riuiere de Bethune vn peu dans le val­lon veuë de la montagne: mais non pas de si pres que la batterie s'en peust faire: il y auoit garnison de plus de quatre cens hommes de guerre, cōman­dez par le sieur de Launoy qui estoit gouuerneur de la place. Le Roy feit trois logis depuis Darnetal iusques audit Eu, lequel ayant enuoyé sommer, ledit Gouuerneur feit cōtenance de se vouloir def­fendre, & commença à mettre le feu dans l'vn des faux bourgs, de peur que l'on y logeast, toutes [Page 15] fois il ne demeura gueres en ceste opinion. Car a­yant sçeu que le Roy estoit arriué deuant ladicte ville, & que le canon commençoit à approcher, & voyant mesmes les soldats qui sans attendre au­cune tranchée, estoient desia sur la contr'escarpe du fossé, il demanda à parlementer, & deux heu­res apres il rendit ladicte ville, de laquelle il luy fut permis sortir auec lesdits gens de guerre, luy & les Gentils-hommes auec leurs armes & cha­cun vn cheual, & les soldats auec l'espée: leur ayant la capitulation esté fort bien entretenue, comme aussi la ville fut preseruée d'estre pillée et saccagée, n'ayant voulu permettreque aucun y en­trat que le sieur de Chastillon qui y tint l'ordre & la police exacte qu'il a accoustumé de faire en tou­tes choses, de sorte qu'il n'y aduint aucune insolen­ce, ny force à aucuns des habitās de ladicte ville, en laquelle sa Majesté ne voulut entrer, & alla loger au bourg du Treport qui en est à vn quart de lieuë pres. Il eut la nouuelle que le Duc de Mayenne a­yant veu l'armée de sa Majesté tourner de ce co­sté, auoit aussi fait passer la riuiere de Seine à la sienne, & faisoit estat d'aller assieger le village de Gournay qui auoit peu de temps auparauant esté pris par le sieur de Longue ville, que de là il n'y auoit plus aucune riuiere entre les deux armées, ny rien qui peust empescher de venir droict à luy ledit sieur de Mayenne, que l'on di­soit auoir plus de trois mil cheuaux & de quatorze [Page 16] à quinze mille hommes de pied, & qui s'est trouué depuis en auoir encores d'auantage que ne por­toit le premier aduis, qui estoit de cauallerie pres de trois fois autant que le Roy en pouuoit auoir, & d'infanterie la moitié d'auantage. En cela il y eut deux choses qui estoient par-delà le discours qu'en auoit fait sa Majesté, qui procedoient d'vne mesme cause; laquelle elle n'auoit peu preueoir, parce qu'elle n'estoit pas née lors qu'il feit sa reso­lution. L'vne, qu'elle n'auoit pas estimé que ledit Duc de Mayenne venant au secours de Roüen, y deust amener toute sō armée: et l'autre, qu'il deust passer la riuiere pour le suyure d'auantage, parce que y amenant toutes ses forces il se pouuoit en­gager à vn combat, pour lequel il n'estoit pas assez fort s'il feust demeuré en l'estat que sadite Maiesté l'auoit laissé: mais luy estant depuis suruenu Bas­sompierre auec trois cornettes de Reistres; Balla­gny d'vn autre costé y ayant enuoyé ce qu'il auoit de forces; le Prince de Parme d'ailleurs quatre ou cinq cens cheuaux auec quelque infanterie de Vvallons, & encores depuis estant arriué Monsieur le Marquis de Pont, qui leur amena comme il est dit plus de mil cheuaux & deux mil hommes de pied: cela feit prendre audit sieur de Mayenne ce­ste resolution d'y amener tout, de passer la riuiere & venir chercher le Roy, qu'ils publioient desia par tout tenir en leurs mains; & discouroient plus de la forme d'vser de leur victoire que des moyens [Page 17] de l'acquerir, tant ils la tenoient certaine & infalli­ble, comme il sera malaisé que de long temps ils en recouurent vne si belle occasiō. Il restoit enco­res ce subiet pour faire cognoistre de deça vne ver­tu qui est tresfamiliere à ce Prince, & par sa natu­relle generosité & parlongue experience qu'il en a faicte, qui est la constance & resolutiō aux nouue­aux accidens, mesmes à ceux qui portent apparen­ce de peril (comme cestuy-cy en auoit tous les si­gnes) toutesfois il y monstrà vne telle asseurance que les plus estonnez trouuoiēt dequoy s'asseurer en sa contenance pour apporter à ce mal vn reme­de qui fust honnorable & salutaire. Premierement il depescha vers lesdicts Sieurs de Longue-ville & Mareschal d'Aumont pour les aduertir de l'estat de ses affaires, & qu'ils feissent toute la diligence qu'ils pourroient de se joindre pour le venir ren­contrer, preuoyant que ceste partie ne se demesle­roit pas sans quelque grand combat, qui feroit v­ne crise de la maladie. Puis il resolut en allant aù deuant desdits ennemis & s'approchāt d'eux, d'al­ler loger à Arques, qui est vn assez bon bourg non fermé, l'assiette duquel il sert à ce discours de de­scrire. De Dieppe sortent deux costaux, au milieu desquels est vne petite riuiere, nommée Bethune, qui n'est pas longue, mais en laquelle la mer re­fluë à plus de deuz lieuës par delà ledit Dieppe. Des deux costez de ladicte riuiere iusques au pied des costaux, est vne prairie & plustost maraiz, qui [Page 18] n'est iamais qu'il ne soit fort humide, à vne lieuë & demie dudict Dieppe, sur ladicte riuiere; & au bas dudit costau, qui est à main gauche en ve­nant audit Dieppe, est assis ledit bourg d'Ar­ques auquel y-a vn chasteau appartenant à sadi­te Majesté, qui est sur le haut dudit costau qui commande & veoit partir dudit bourg, qui est au reste fossoyé & assez fort d'assiette, ayant en face de l'autre costé dudit bourg, la plaine de tout ledit costau, qui est grande. C'estoit vn logis que sadite Majesté, en son voyage qu'il feit à Dieppe, auoit en passant par là, recogneu estre fort propre à y faire & dresser vn camp retranché & fortifié: qui ne fut vne des moindres considerations qui le feist resouldre de le venir prendre. Et de faict, y e­stant arriué, & l'ayant faict veoir audit Sieur Mareschal de Biron qui en feit le mesme iugement, sou­dain eux deux, sans autres ingenieux, commence­rēt sur le plain dudit costau qui estoit au dessus du­dit bourg, à trasser la forme de leur camp auec les flancs & deffences necessaires. A quoy ils feirent besongner en telle diligence, qu'à leur exēple, tous ceux de l'armee, depuis le plus grand iusques au moindre, y trauailloient, tout le long du iour, plus ardemment que ne feroit vn manouurier qui en­treprend de la besongne à la tasche. De sorte qu'en moins de trois iours, ledit camp fut tellement for­tifié, que le fossé aux moindres lieux, n'auoit point moins de sept ou huict pieds de hault, & com­mença [Page 19] deslors à y loger de l'artillerie & y faire en­trer quatre compagnies de Suisses en garde. Les aduenües dudit camp fortifié estoient veuës dudit Chasteau où il auoit faict mettre bonne quanti­té de pieces, de sorte que pour en approcher il failloit passer à la mercy des canonnades dudit Chasteau. Les aduenües dudit camp, du costé du­ditbourg, estoient par deux vallōs qui aboutissent les deux testes d'iceluy, où partie de la cauallerie pouuoit estre commodément logée & à couuert de l'artillerie de l'ennemy, en quelque lieu qu'el­le y eust peu estre mise, & delá faire de belles char­ges si leur infanterie en gros, eust voulu taster les fossez dudit retranchement. Ainsi en peu de temps, l'industrie luy reualut l'aduantage que les ennemis pouuoient auoir sur luy en nōbre d'hom­mes. Cependant lesdits ennemis auoient reprins les lieux de Gournay, de Neuf Chastel & ladicte ville d'Eu, & cheminoient auec asseurance d'en faire le semblable dudit Arques, & d'en deslo­ger le Roy & son armëe: mais en approchans de plus pres, avant par eux esté recogneu ce qui a­uoit esté faict (comme ils ne manquent pas d'ad­uis & en sont fort bien seruis, par ce que le natu­rel du siecle incline plus à l'infidelité qu'autre­ment,) combien que ce fust leur droit chemin pour s'approcher de l'armee de sa Majesté, de venir sur ledit costau trouuer ledit camp forti­fié, & qu'ils n'en peussent prendre d'autre, [Page 20] sans faire vn grand destour, toutesfois plustost que d'en prendre le hazard, apres en auoir longue­ment demeuré en incertitude, ils resolurent de passer bien plus haut ceste petite riuiere qui sepa­re lesdits deux costaux, & de s'aller loger sur l'au­tre qui est vis à vis de celuy où est ledit Chasteau d'Arques. Dont sa Majesté ayant esté aduertie, considerant que se logeant sur ledit costau, ils pou­uoient attaquer ledit bourg d'Arques par le bas du costé de ladicte riuiere & aller droit à Dieppe pour surprendre vn grand fauzbourg nommé le Pollet, qui est du mesme costé & au bout du pont de ladicte ville, grand & logeable, & qui pour­roit beaucoup incommoder le port & ladicte vil­le, & peut estre attaquer ensemblement l'vn & l'autre, il aduisa de pourueoir à l'instant á tous les deux, & en mesme temps il feit retrancher le bas dudit bourg d'Arques approchant de la riuie­re, & qui estoit l'vnique lieu par où l'ennemy y pouuoit venir, feit dans ledit retranchement mettre deux pieces de canon qui battoient le lōg de la plaine qui estoit depuis le passage de ladicte riuiere par où il failloit necessairement venir, & y logea vn de ses regimens de Suisses, & à mil pas de là assist vn corps de garde de soldats Fran­cois dans vne malladerie qui y est pour soustenir quelques soldats qu'il logea à trois cens pas enco­res delà, quasi sur le bord de la riuiere, à fin que quand les ennemis seroient logez au village de [Page 21] Martinglise qui est sur l'autre bord de ladicte riuie­re, comme il ne doutoit point qu'ils n'y logeas­sent, de les empescher de passer ladicte riuiere, du costé dudit Arques. Il pourueut aussi audit faux­bourg du Pollet, & l'ayant trouué ouuert de tous les costez, il resolut de retrancher vn moulin qui est à la teste par où l'ennemy pouuoit venir, & comprendre audit retranchement des chemins bas qui en estoient proches, feit pallisser & barri­quer les autres aduenües, & y fut fait vne diligēce incroyable; à quoy les habitans de la ville & dudit fauxbourg de tous aages & de tous sexes n'espar­gnerent point leur peine, & de telle affection qu'il ny failloit aucune cōtraincte, de sorte qu'en moins de deux ou trois iours, toute ceste fortification fut acheuee. Pour le regard dudit faux-bourg, sa Majesté y feit venir Monsieur de Chastillon, auec vne partie de son infanterie. Il y ordonna aussi le sieur de Guitry qui n'en bougea iusques à ce que lesditz ennemis fussent deslogez dudit costau. Ils y arriuerent le treiziesme du mois de Septem­bre, & se tindrent pour les trois premiers iours logez vn peu loing, souffrans que les cheuaux lé­gers de sa Maîesté les allassent resueiller dans leurs logis, sans pour cela qu'ils en departissent, qui faisoit croire qu'ils se reserueroient à quelque grand effort. Le seiziesme dudit mois ayans mis toute leur armée en bataille, ils commencerent à paroistre, & dés les cinq heures du matin, fei­rent [Page 22] cheminer la plus grande partie de leur infan­terie, & bon nombre de cauallerie vers ledit faux­bourg du Pollet: & le reste de ladicte infante­rie & la plus grande partie de la cauallerie legere se logea audit village de Martinglise. Sadite Ma­jesté ayant cest aduis, resolut de laisser mondit sieur le Mareschal de Biron, pour commander au­dit Arques & s'en venir en personne audit Pollet, où d'arriuée il alla loger en pleine cāpagne, loing dudit moulin retranché, quelque cauallerie & bonne trouppe de gens de pied, par lesquels il feit entretenir les escarmouches des ennemis tout le long du iour à leur grande honte & perte: car ils ne sçeurēt iamais les faire reculler d'vn seul pas, leur tuerent de leurs capitaines & soldats, en eurēt les corps & en prindrent plusieurs de prisonniers; par où l'on commença à faire iugement, qu'il y a­uoit grande difference des soldats d'vne armée à l'autre. En fin sur les cinq heures lesdits ennemis s'estans les premiers lassez desdites escarmouches, logerent quatre de leurs regiments en vn village le plus proche dudit faux-bourg où ils auoient biē faute de couuert, ayant deux iours auparauāt esté bruslé en leur presence, sans qu'ils entreprinssent de le venir empescher. S'ils eurent pour ce iour mauuaise fortune du costé dudit Pollet, ils l'eurent encores pire de l'autre, à Arques: car apres s'e­stre logez audit village de Martinglise, où estans venus à l'escarmouche pour desloger les soldats [Page 23] qui estoient demeurez dans les plus prochàines haies de ladicte riuiere du costé dudit Arques, mō ­dit sieur le Mareschal de Biron qui estoit pres de ladicte malladerie regardant ce qui se passoit, fai­soit entretenir lesdites escarmouches, iusques à ce que ayant veu sortir vn grand nombre de gens de guerre tant de pied que de cheual, pour enfoncer lesdits foldats & venir faucer les corps de garde de la malladerie, il leur feit faire vne si furieuse charge par mesdits sieurs le Grand Prieur, & de Danuille, et ce qu'il auoit de Noblesse pres de luy, que tout ce qui estoit sorty dudit village & ce qui estoit demeuré fut mis en route, & y en eut plus de cent cinquante tuez, entre lesquels estoient huict ou dix portans tiltre de commandement & trois Capitaines d'Albanois, y en eut plus de bles­sez que de tuez, leur demeura plusieurs prison­niers, entre autres le Sieur du Mouestier Cornet­te de Monsieur de Nemours, le ieune Vieux-Pont & plusieurs autres, iusques au nōbre de vingt qui ont payé bonne rançon. Les ennemis furent si e­stonnez de ce mauuais traittement qu'ils receurēt esdits deux endroicts, qu'ils ne se peurent resou­dre de rien entreprendre le lendemain: mais ceux du Pollet impatients que l'on leur donnast rant de patience, les furent chercher iusques dans le village où ils estoient logez, en tuerent plus de cent, & entre autres le lieutenant de la Castai­gneraie, l'vn de leurs Maistres de camp & [Page 24] qui commandoit les trouppes dudit village, sans perte que d'vn seul soldat de ceux qui feirent ce­ste entreprise: en quoy il parut comme en tout les autres combats que la premiere impression qu'ils auoient prinse les vns des autres en faisoient les vns plus, les autres moins vaillans que par raison ils ne deuoient estre. Le mesme iour ce que les ennemis n'auoient peu le iour precedent du costé d'Arques par la force & vertu de leurs gens, ils le voulurent tenter par l'effort du canon, & feirent du costé de leur costau battre de trois pieces ladi­cte malladerie, & vn petit retranchement qui y e­stoit: mais il n'y peut porter aucun dommage. Au contraire sa Majesté pour pleger les salues de leurs canonnades feit mener deux pieces de canon au haut dudit retrāchemēt, dont il feit tirer quelques vollées dans le village qui y donnerent tel effroy, que l'on en vit incontinent sortir tout le bagage & la cauallerie qui y estoit logée, n'y pouuant plus demeurer en seureté. Il en demeura à toute leur armée vn extreme despit; & combien que la raisō eust voulu qu'ils eussent faict leur plus grand effort cōtre le Pollet, & pour leur reputation (qui est l'in­strument dōt ils s'aydent le mieux) et encores pour l'effect & l'auantage qu'ils en eussent tiré, toutes­fois toute leur fureur & animosité se conuertit sur la maladerie, laquelle ils resolurēt de forcer à quel­que pris que ce fust: & à quoy s'estans en chacun des trois iours suyuans preparez & resolus de [Page 25] l'entreprendre, & chasque fois ils y trouuerent des de fauts qui les empescherēt: sur quoy ils pouuoi­ent iuger que telles incertitudes sont ordinairemēt mauuais presages & augures de ce que l'on veut faire. En fin le ieudy vingtroisiesme dudit mois de Septembre ils resolurent de l'executer, ayant dés la minuict fait mettre toute leur armeée en bat­taille, ils commencerent à la faire passer la petite riuiere sans sonner tabourin ny trompette, pour à la pointe du iour estre prests de donner & forcer ledit retranchement. Dont sa Maiesté estant ad­uertie, ayant appellé ledit sieur Mareschal de Bi­ron, se rendirent ensemble à ladite malladerie dés trois heures auant le iour, ayant ordonné d'y faire venir à la poincte du iour quatre où cinq cēs che­uaux seulement n'estimant point que cela deust attirer vn tel combat que celuy qui y fut fait: le quel pour estre remarquable, merite d'estre escrit, & pour le pouuoir mieux comprendre sert de par ler de la situatiō de ladicte malladerie qui en fut la cause. Sa Majesté ayant ordonné du retranchemēt qu'il feit faire à l'aduenue dudict bourg d'Arques du costé de l'ennemy, elle s'aduisa quasi apres court de faire à plus de deux mil pas dudit retran­chement vne tranchée perduë qu'il feit commen­cer du haut du costau iusques à la prairie vn peu pardelà ladite maladerie, pour se tenir plus pres des ennemis, & eux plus loing de sondit retrāche­ment, n'ayant pas faict desseing de l'opiniastrer [Page 26] contre vne grande force, toutes fois les y ayant veu venir les iours precedents si mollement, elle prist opinion de la disputer d'auantage & de la leur faire acheter, s'ils la vouloient auoir. Ladite malladerie à par le deuant du costé de l'ennemy deux plai­nes: l'vne, du costé du bois qui est au haut du co­stau: l'autre, deuers la prairie separées d'vn chemin creux planté des deux costez d'vne forte haye: le derriere de ladite malladerie est vne autre plaine sur le pendant dudit costau iusques au retranche­ment de l'aduenüe dudit bourg d'Arques, bordee dudit chemin creux au delà duquel est ladite prai­rie. Le poinct du iour venu ayant sa Majesté reco­gneu toute l'armee de l'ennemy en battaille qui paroissoit de plus de mille cheuaux & grand nom­bre d'infanterie, il pourueut premierement, auec l'aduis dudit Sieur Mareschal de Biron, de loger dans ladicte maladerie sept à huict cens harque­busiers, & de garnir ladite tranchee de deux com­pagnies de Lansquenets & de deux autres d'ad­uanturiers Suisses & de quelque peu de François: il ordonna au dessouz de ladicte Malladerie trois compagnies de cheuaux legers, àscauoir la sienne que commandoit Harambure, celle du Sieur de Lorges & du Capitaine Fournier, qui pouuoient faire six vingts bons cheuaux, lesquels il feist com­mander par ledit Sieur grand Prieur. Ordonna aussi pour les soustenir, les compagnies d'Ordon­nance des Sieurs de la Force, de Bacqueuille, & [Page 27] de l'Archant, & encores vn peu au dessouz celles de Messieurs les princes de Condé & de Conty, & au haut de ladicte tranchee demeura ledit Sieur Mareschal de Biron auec les compagnies des Si­eurs de Chastillon & de Malligny & quelque au­tre troupe de Noblesse, qui fut par ou commença l'escharmouche, laquelle fut tres-bien soustenue par la prudence & sage conduite dudit Sieur de Biron, de qui les yeux seuls valloient la force & les bras de deux mil autres. De l'autre costé estant ap­paru quatre ou cinq cens cheuaux, que menoit feu Sagonne, ils furent si furieusemēt chargez par­lesdites trois cōpagnies de cheuauz, qui les reme­nerent batans iusques dans vn autre sēblable gros de leur cauallerie, & en ceste charge fut ledit Sa­gonne tué d'vn coup de pistolet que ledit Sieur grād Prieur luy donna, l'ayant choisy & recogneu pour cōmencer par là de vēger lamort du feu Roy son oncle, toutes les autres compagnies ordōnees pour soustenir lesdits cheuaux legers feirent chacū leur charge & fort a propos, & s'estāt apres les pre micres charges ralliez ēsēble, dōnerēt iusques à la Cornette blāche laquelle auec le reste de leur ca­uallerie les suyuāt, furēt arestez par le regimēt des Suisses du Colōnel Galati, à la teste duquel estoit auec luy ledit Sieur de Danuille, qui auoit choisi sa place de bataille à plus de cinq cēns pas audela du­dit retrāchemēt que gardoit l'autre regimēt desdits Suisses, & si auātageusemēt & à propos que ladite [Page 28] cauallerie reuenant de la charge eut moyen de s'y rallier, & celle des ennemis n'osa iamais entreprē ­dre de l'enfoncer, ne pouuant neantmoins gueres seiourner pres d'eux, tantà l'occasion des harque­busiers que ledit sieur de Danuille feit loger dans les hayes, & encores plus de ce qu'elle estoit veuë des pieces qui estoyēt dans le Chasteau & de l'au­tre costé de la riuiere, des premieres vollees des­quelles ils furent tellement incommodez qu'ils fu­rent contraints de se retirer auec grandissime per­te. Au mesme temps que se feit la seconde charge par la cauallerie, les Lansquenets des ennemis don­nerent a ladite thanchee perdue, & en approchant, soit qu'ils se veissent trop engagez, ou que ce fust leur dessein de se rendre à bon escient ou par trahi­son, ils commencerent à crier qu'ils se vouloient rendre & seruir le Roy; dont ils furent trop tost creuz par ceux de ladicte tranchee & autres qui leur baillerent les mains & les attirerent dans leur retranchement. Ce qui n'estant point encores en­tendu par ledit Sieur de Biron, & les tenant pour ennemis, leur feit vne charge, & lors ils leuerēt les mains et luy dirent qu'ils s'estoient renduz. Ils pas­serent plus outre et vindrent iusques où estoit le Roy, lequel n'en estant point encores aduerti & recognoissant leurs enseignes, leur voulut aussi faire vne charge, laquelle ils arresterēt par les mes­mes protestations de vouloir seruir sa Majesté. Plusieurs de leurs Capitaines luy estans venuz tou [Page 29] cher les mains le suppliāt de faire traicter auec eux par ledit Sieur Mareschal de Biron pour leur don­ner asseurance de ce qui leur estoit deu par ledit Sieur de Mayenne, que cela estant tenu en compte de debte de la Couronne de France, ils seruiroi­ent fidelement sa Majesté. Ce qui leur fut accordé par le Roy qui les r'enuoya audict Sieur de Biron, estans pesle-mesle nostre cauallerie, la pluspart de laquelle leur voyāt encores les armes entre mains, n'estoit point d'aduis de traicter auec eux de ceste façon & plustost les tailler en pieces, & cōmencer par eux la victoire sur les ennemis, dont ils ne furēt pas creus. Ce pendant sadicte Majesté & ledit Si­eur de Biron estans occupez aux autres combats qui se faisoient, & se voyans lesdits Lansquenets separez d'eux, comme ils veirent le gros de ceste cauallerie qui venoit donner iusques aux Suisses, e­stimant qu'il les deust enfonçer, commencerent à tourner leur armes contre sadite Majesté, & gai­gnant le haut du bois, feirent vne salue d'arquebu­zades à la trouppe où estoit ledit sieur de Biron, qu'ils contraignirent de reculler de ladite tranchée de laquelle ils se saisirent, desualiserent la pluspart des soldats y estans, prindrent les enseignes desdits deux compagnies de Lansquenets, & vne de celles des Suisses aduanturiers qui y estoiēt en garde, ay­ant par ceste insigne trahison & perfidie qui n'a point encores eu de semblable, gaigné ladite tran­chée & icelle liurée ausdits ennemis, de laquelle [Page 30] Dieu ne permist pas qu'ils ioüyssent longuement. Car estant suruenu Monsieur de Montpensier a­uec sa cornette & vne compagnie de gensd'armes de l'auant-garde, & ledit sieur de Chastillon auec vn rafraischissement de cinq cens bons arquebu­ziers, lesdits ennemis furent contraincts de se reti­rer & abandonner lesdictes malladerie & tranchée en laquelle sadicte Majesté feit, au mesme instant, amener deux canōs dont il feit tirer dans les Suis­ses des ennemis qui auec quelque cauallerie fai­soient la retraite, en laquelle ils furent fort incom­modez desdits canons, sans que iamais l'on leur veist tourner la teste pour veoir d'où leur venoit le mal. Ainsi sa Majesté demeura victorieuse & maistresse du champ de leur bataille qui estoit couuert d'vne grande quantité de morts des enne­mis, qu'ils n'eurent pas soing & plustost le coeur de retirer. Il se verifie qu'il leur fut tué en ce com­bat plus de quatre cens hommes, dont il n'y en eust peu auoir cent cinquante de l'infanterie, tout le reste estoit Noblesse ou pour le moins de leur cauallerie: entre lesquels l'on nommoit pour principaux, Sagonne, Maistre de camp de leur ca­uallerie legere, Le Baron de Saint André frere du feu Comte de Saulx, celuy qui portoit la cornette dudit Sagonne, Bourg l'vn de leurs Maistres de camp, quatre capitaines de leurs compagnies d'Albanois, les deux Mareschaux de camp du si­eur Marquis du Pont, & plusieurs autres Gentils­hommes, [Page 31] la pluspart François, dont la perte pa­roist beaucoup en leur armée, qui en est tres-mal fournie. De blessez il y eut bien plus grand nom­bre, de prisonniers aussi, entre lesquels sont le sieur Comte de Blain, l'vn de leurs Mareschaux de camp, Tremblecourt Lorrain, l'vn de leurs Mai­stres de camp, & plusieurs autres, tant que les pri­sons de Dieppe en sont toutes pleines. De ceux de sa Majesté il s'y perdit six ou sept Gentils-hommes, entre lesquels le sieur Conte de Roussi est seul de remarque. Il y en eut d'auantage de bles­sez, entre autres les sieurs de Bacqueuille qui en est mort depuis, & de l'Archant qui en est guary. Des gens de pied il en fut tué quelques vns, & y en eut beaucoup de blessez par la trahison desdits Lansquenets, qui emmenerent aussi prisonniers a­uec eux les sieurs Comte de Rochefort, frere de Monsieur le Duc de Montbazon, & le sieur de Ri­uau qui estoient demeurez auec eux, comme les tenans pour rendus. La sagesse & toute-puissance de Dieu reluist en toutes ses oeuures, mesmes à la conduicte des actions humaines: mais il n'y a lieu où elle soit plus remarquable qu'aux euenements de la guerre: pour ceste raison s'est il nomme le Dieu des batailles, parce que luy seul veut & peut distribuer la force, & estans lesdites batailles les arrests des souuerainetez & qui decident les plus grandes querelles des hommes: il s'est voulu reseruer ceste derniere cognoissance, [Page 32] & faire veoir que ce n'est point le nombre des gés de guerre ny la puissance des armées, mais sa seule volonté qui donne les victoires à qui il luy plaist. Il en a donné en ce combat, vn bien particulier tes­moignage, ayant permis que quatre ou cinq cens cheuaux, mil ou douze cens hōmes de pied Fran­çois & la presence de deux mil cinq cens Suisses, ayent mis en routte ceste grande & puissante ar­mée qu'ils publioient (eux-mesmes) estre de vingt ou trente mil hommes, dont à Dieu seul soit la gloire, & non à ceux qu'il y a employez: car l'ef­fect en est par dessus la force humaine. Ainsi sa Majesté estant demeurée maistresse de ceste tran­chée qui auoit esté cause du combat, estoit d'heu­re à autre attendant que les ennemis y deussent re­uenir pour reparer promptement ceste honte, au parauant qu'elle peust estre diuulguee: toutesfois ils laisserent passer le vendredy & samedy ensuy­uant, sans monstrer aucun resentiment du dōmage qu'ils auoient receu. Mais elle fut inesperément aduertie, comme le dimāche vingtquatriesme du­dit mois de Septembre, dés la minuit, qu'ils estoi­ent deslogez de leur quartier, & auec tel effroy & diligence, qu'ils laisserent de leurs blessez, muniti­ons & equipage: qui eust esté assez pour iuger que ce fust pour se retirer du tout. Toutesfois sa Ma­jesté fut le lendemain aduertie, comme ils estoient seulement allez tourner le costau, pour passant le plus loin qu'ils peurent de son armée, se venir cam­per [Page 33] entre Dieppe & Arques. Pour ceste occasion ayant sadite Majesté laissé dans le Chastsau dudit Arques le sieur de la Garde, l'vn de ses Maistres de camp, auec vne partie de son regiment, vint loger en ladite ville de Dieppe, & feit loger vne partie de son armée dans les faux-bourgs, & le reste dans les plus prochains villages. L'ennemy apres auoir faict sept grandes lieuës arriua le mardy vingt­sixiesme ensuiuant, quasi vis à vis d'où il estoit par­ty & ne feit que changer de costé, pour y chercher, comme font les malades, quelque allegement où meilleure fortune. Il ne fut plustost logé en de petits villagesqui auoient au parauant esté tous bruslez, que sa Maiesté feit au dessus du faux­bourg dudit Dieppe qui estoit de leur costé & à deux harquebuzades d'où ils estoient logez, retran­cher vne petite croupe, où il logea partie de son infanterie, & y feit mener deux canons: ce que ayant esté recogneu par les ennemis, ils en fei­rent le semblable, & se retrancherent à bon es­cient en tous les logis qu'ils tenoient, de sorte, qu'à veoir l'assiette du camp desdites deux armées, il eust esté malaisé de iuger quels estoient les as­siegez où les assiegeans: mais à la forme du com­bat l'on les eust tousiours recogneu pour estre les assiegez: car de leur part l'on n'en auoit bruit ny alarme quelconque. Au contraire, il n'estoir iour que ceux de sa Maiesté ne donnassent dans leurs tranchées & barricades de leurs logis, ne [Page 34] prinssent prisonniers & ne tuassent beaucoup de leurs gens. Ils en enuoyerent quelques vns loger au Bourg d'Arques, où ils ne furent pas plustost ar­riuez que ledit sieur de la Garde feit, du Cha­steau & en plein iour, vne sortie sur eux, en tua grande quantité, en deserma plus de cent cin­quante, & meit le reste en routte: de sorte que de toutes parts il leur succedoit tres-mal: & voulu­rent le dimanche commencer pour le moins à faire vn peu de bruit, & meirent sept ou huict de leurs pieces en batterie de bien fort loing, & en tirerent cinq vollées seulement, dont les aucunes arriuerent iusques sur les tuilles des premieres maisons d'aupres de la porte, sans qu'ils feissent autre dommage que d'vn seul homme qui fut tué: mais ne peurent gueres continuer. Car aus­si tost leur fut faite vne autre contre-batterie qui des premiers coups desmonta l'vne de leurs pie­ces, & eurent assez de peine de retirer prompte­ment les autres qui ne demeurent pas à la batterie trois heures entieres. En reuanche sa Maiesté feit mener à plus de mil pas hors de son fort deux ca­nons qui battoient sur le corps de garde de leur cauallerie, dont ils receurent grande perte: en fin apres auoir demeuré diz iours entiers audit pre­tendu siege, & s'y estans comportez tout d'vne autre forme qu'il ne se feit iamais en aucun autre: car ce fut sans approches, sans alarme ou escar­mouche, & sans que aucun d'entr-eux sinon [Page 35] ceux qui y furent amenez prisonniers, peust par­ler du retranchement où sa Maiesté feit loger ses canons, tant s'en faut qu'ils sceussent rien dire de la contr-escarpe du fossé, ny de la muraille de ladi­cte ville, de laquelle ils se sont contentez de pub­lier la prise auant que de l'auoir veuë, ils se retierēt fort honteusement l'vnziesme iour. L'on auoit e­stimé qu'ils eussent ceste patience & vouleussent mesnager leurs hommes, pour attendre l'armée qu'amenoient messieurs le Comte de Soissons, de Longueuille & Mareschal d'Aumont, & essayer de desfaire toutes les forces de sa Maiesté en vne seule fois. Mais tant s'en faut que cela les arre­stast audit siege, qu'au contraire la nouuelle qu'ils eurent le Ieudy qu'elle en estoit à vingt leües pres, fut la seule raison qui les feit, le Vendredy ma­tin, dessoger si promptement. Et bien que sa Ma­jesté se fust mis en bataille auec huict ou neuf cens cheuaux, à la veuë de toute leur cauallerie qui fai­soit retraitte, ils eurent tant de haste de gagner païs, que cela leur feit oublier de monstrer au­cun deuoir de la venir recognoistre: ce que ne feit pas sa Majesté, qui les feit suiure quasi ius­ques à leur premier logis: bref si à l'arriuée ils ne felrent rien qui vaille, au deslogement ils feirent encore pis. Et ceux qui les veulent ex­cuser se trouuent empeschez par où commen­cer, ou de plaindre leurs chefs & Capitaines d'auoir hazardé leur reputation soubs la foy [Page 36] de gens de si peu de valeur, ou les soldats de n'a­uoir trouué en leurs Capitaines, tant de resolution & bonne conduite, ny à beaucoup pres de ce qu'ils en auoient esperé. N'ayant toute ceste armee mon­stré courage, sinon d'auoir porté auec force leur honte & leur perte, sans auoir pour cela, desisté de publier leurs souhaits & desseings pour effects certains, tantost qu'ils auoient contraint le Roy de se retirer en Angleterre; tantost qu'ils l'auoi­ent entierement deffait, iusques à s'atrtibuer la victoire du combat du Ieudy xxj. de Septem­bre, & au lieu des trois enseignes que leurs Lans­quenets, par leut trahison susdite, auoyent em­portees de la tranchee, en auoir enuoyé, comme l'on dict, xviij. ou xx. à Paris, à qui ils ont fait payer ce taffetas plus cher qu'il ne leur auoit cousté, encores qu'ils l'enssent achepté ezpresse­ment pour le leur enuoyer. Ces vanitez & arti­fices ont peu leur seruir quelquefois, mais ce sont remedes, le quels repetez hors de saison, deuien­nent poisons & tuent plus qu'ils ne guarissent. Sa Majesté les ayant veu descamper si inopinément de deuant son armee qu'elle tenoit hors de la ville de Dieppe, estima que ce fust (ce que par raison ce deuoit estre) pour aller audeuant dudit secours, & le combatre au parauant qu'il la peust joindre. Ayant depuis esté confirmee en ceste pre­miere opinion par les trois premiers logis que feit l'armee ennemye, qui ne furent qu'en tournoyant [Page 37] & sans s'essongner beaucoup de celle de sa Maje­sté, elle se resolut, sentant ledit secours proche de Dieppe de sept ou huict lieuës, d'en partir auec trois ou quatre cens cheuaux sulement & l'aller joindre, laissant Monsieur le Mareschal de Biron audit Dieppe, auec toute l'armee & combien que l'ennemy ne fust qu'à cinq lieuës du lieu où elle joignit ledit secours, elle ne laissa à sa veuë, & dés le iour de son arriuee, de prendre & forcer la ville & chasteau de Gamache, & depuis reprendre la ville d'Eu, qui estoient les plus belles occasions par lesquelles il pouuoit offrir & semondre le­dit Duc de Mayenne au combat: mais au lieu d'y venir, craignant au contraire que apres les offres, l'on en vint aux contraintes, il se resolut de passer en diligence la riuiere de Somme, couurant ce­ste honteuse retraitte d'vne autre plus grande faute, & publiant qu'il auoit esté contraint de descendre en la Picardie pour se saisir luy-mes­mes des villes de la prouince, lesquelles par le traicté qu'il auoit au parauant fait par ses deputez à Arras, il s'estoit obligé de remettre entre les mains des Espagnols, qui ne vouloient pas entrer en leur secours, sans l'accomplissement de ceste obligation: à quoy il doutoit que ceux desdi­dictes villes ny consentiroient pas aysément. Sa Majesté qui auoit en principal desseing de les at­tirer a vne bataille, preuoyant, puis qu'il l'auoi­ent euitee, estant deça ladite riuiere de Somme, [Page 38] que l'ayant passee les premiers, il seroit du tout impossible de les y forcer, elle se resolut de les y attendre à leur retour, ne s'estant pas aussi beaucoup esmeuë pour empescher leur autre desseing de la remise deseictes villes, par ce que la raison estoit pour cela de soy mesmes assez forte, sans qu'elle eust besoing d'estre aydee de sa presence ny d'aucun autre soing & artifice: se confiant que les François, bien que leur cha­leur & promptitude naturelle les esmeuue bien quelque fois à sedition & rebellion pour quel­que temps, qu'ils ne sont point encores neant­moins tant degenerez de leurs ancestres, que pour complaire aux passions d'autruy, ils voul­sissent se resoudre de se donner à vn maistre e­stranger, y ayant trop d'exemples qui les en peu­uent faire sages, & recognoistre qu'il n'y a domi­nation au monde plus douce que celle de ceste monarchie. Ainsi ayant sa Majesté fait, depuis leur passage de la riuiere, encores vn peu de se­jour audit Dieppe, tant pour pourueoir aus af­faires de la Prouince de Normandie en laquelle il laissoit Monsieur le Duc de Montpensier auec les forces qu'il auoit amenées, que aussi pour reeueiller les quatre mil Anglois qui luy estoy­ent enuoyez par la Royne d'Angleterre: elle en parrit le xxj. d'Octobre & vint a petites iour­nees sans passer la rieuere, estant tousiours du costé de l'ennemy, iusques à Meulan, estimant [Page 39] que quand ce n'eust esté que pour la reputation, & pour faire valloir quelque chose les grandes promesses qu'il auoit faites à ceux de son party, il seroit quelque iournée en auant: mais en fin voyant qu'il ne se picquoit point pour tout cela, elle estima que ce qu'il n'auoit voulu faire pour acquerir Dieppe, il le feroit pour le moins pour la deffence de Paris. Pour ceste occasion elle resolut de passer la riuiere de Seine audit Meu­lan, & s'en venir droict audit Paris auec dou­ble desseing, ou de combattre l'ennemy, ou pour le moins de le rerirer de la Picardie, où par tra­hison & intelligence il auoit surpris la ville de la Fere: & y pouuoit faire d'autres semblables practiques mesmes estant la pluspart de la No­blesse du pays venuë trouuer sa Majesté. Elle arriua le dernier iour d'Octobre au village de Baigneux, distant dudit Paris d'vne heuë seule­ment: & feit loger là son armée, & es villages de Mont-rouge, Gentilly, Icy, Vaugirard & autres les plus proches. Des ledit iour elle voulut elle mesme recognoistte tout les tour des tranchées qui enuironnent les faux-bourgs qui sont de de­çà la riuiere. Soudain auec l'aduis desdits Princes, Mareschaux de France & autres Capltaines de son armee, elle resulut de les faire attaquer le len­demain à la poincte du iour par trois trouppes & en trois diuers endroicts qu'elle distribua. A sçauoir, l'vne composee desdits quatre mil [Page 40] Anglois, & de deux regiments de François, & d'vn autre de Suisses audit sieur Mareschal de Biron, qu'elle feit assister des Sieurs Baron de Biron son fils, de Guytry & autres seigneurs: & luy ordonna de donner du costé des faux-bourgs Saint Mar­cel & Saint Victor. L'autre, composée de quatre regimens de soldats François, de deux regiments de Suisses, conduits par lesdit sieur de Dāuille Co­lonnel general de tous lesdits Suisses, & quatre compagnies d'auanturiers audit Sieur Mareschal d'Aumont, assisté aussi de Messieurs le grand Es­cuyer, & de Rieux Mareschal de camp, & bonne trouppe de Seigneurs & Gentils-hommes, pour assaillir du costé du faux-bourg Saint Iacques & Saint Michel & autres. L'autre troupe de dix re­giments de soldats François du regimēt de Lans­quenets conduict par Tische Schombert: & d'vn regiment de Suisses, aux sieurs de la Nouë & de Chastillon, pour donner du costé des portes Saint Germaine, Bussi & Nesse. Ayant aussi donné à chacune desdites trouppes vn bon nōbre de Gen­tils-hommes à pied bien armez pour soustenir l'in­fanterie en cas de quelque grand effort & resi­stance, & outre à la queuë de chacune trouppe deux canons & deux couleurines. Ayant aussi de­patty toute la cauallerie de l'armée en trois troup pes, desquelles sa Maiesté commendoit l'vne, Mon­sieur le Comte de Soissons vne autre, & Monsieur de Longueuille l'autre: & estoiēt icelles destinées [Page 41] chacune pour chacun des trois costez où il estoit ordonné d'attaquer. Suyuant cest ordre, & à la poincte du iour du premier de Nouembre, lesdits faux-bourgs furent tellemēt attaquez qu'en moins d'vne heure ils furent tous emportez, auec meur­tre de sept à huict cens hommes de ceux qui e­stoient venus à la deffence, perte de quatorze de leurs enseignes, & prinse de treize pieces de ca­non tant grosses que petites, sans 'qu'aucun des assaillans s'y soit perdu, & furent les assiegez suyuis de telle furie, que peu s'en fallut que les nostres n'en­trassent auec eux pesle-mesle dans la ville, & sans que le canon ne fut pas du tout si diligent à venir qu'il auoit esté ordonné, les portes eussent esté ou­uertes & enfonçées auparauant qu'elles eussent esté rēparées. Ainsi sa Majesté entra au faux-bourg S. Iacques sur les sept à huict heures du matin: cri­ant le peuple par les ruës à haute voix, viue le Roy, & plus auec demonstratiō d'allegresse, que d'aucū estonnemēt, ayant esté obserué vn ordre nō enco­res practiqué entre les soldats, mesmes des Fran­çois, que nul nese desbanda pour aller au pillage, ny se loger que les quartiers n'eussent esté faits. Seu­lement dans l'Abbaye S. Germain se r'enfermerēt quelque cent cinquāte de leurs harquebuziers, qui feirent vn peu de contenance de la vouloir garder, comme ils l'eussent bien peu faire pour quelque temps, estant tresbonne & forte: mais sur la mi­nuict ayans esté sommez ils se rēdirēt, & de meura [Page 42] sadite Majesté maistresse absoluë de tous lesdits faux bourgs estans de deçà la riuiere. A cela & à se barricader deuant les portes de ladicte ville & a establir les gardes, se passa tout le reste de la iour­née dudit premier de Nouembre. Et ayant sa Majesté esté aduertie que dés la nuict dudit iour, ledit Duc de Mayenne estoit auec la pluspart de son armée entré en ladicte ville, & par là obtenu la moictié de son desseing qui estoit de le retirer de la Picardie, elle voulut essaier de paruenir à l'autre, qui a tousiours plus esté de combatre & deffaire ses ennemis en campagne que non pas d'exercer sa Iustice contre des murailles, & ses pauures subiets seduits par faulses inductiōs & pa­rolles. Elle attendit tout le ieudy deuxiesme dudit mois, pour veior s'ils feroiēt quelque sortie: & vo­yant qu'ils ne monstroient aucun ressentiment du dommage qu'ils auoient receu le iour precedent: elle se resolut le vendredy matin de sortir desdits faux-bourgs & se mettre en battaille, à la veuë de ladicte ville, pour offrir le combat ausdits ennemis, & y ayant demeuré depuis huit heures du matin iusques sur les xi. heures sans qu'il parust iamais persōne, elle en partit se contentant pour ceste fois d'auoir entrepris & executé sur ladicte ville, ce qui n'y auoit point encores esté faict, laissans ceste hō ­te à sesdits ennemis de leur auoir tant de fois of­fert le combat sans qu'ils y soient iamais voulu ve­nir: qui doit seruir de suffifante raison de n'adiou­ster [Page 43] doreseuant plus de foy aux vanteries qu'ils publient de leur valeur & grand courage: & d'a­uoir au reste fait cognoistre aux habitans de ladi­cte velle, à combien ils ont esté pres de leur entie­re ruyne: & que le remede que l'on y apporte est quasi pire que leur propre perte: ayans aprins ce­ste fois, à leur despens, qu'ils ne peuuent plus de­meurer en seureté qu'ils n'ayent dedans eux ou en leurs portes, vne forte & puissante armée qui en fin fera à plusieurs fois ce que la plus cruelle en­nemie pourroit faire y entrant en la plus grande furie, qui sera leur ruyne vniuerselle, & la desolatiō de ceste belle & opulente ville, qui est la capitale, & le principal ornement de ce Royaume. Dont sadicte Maiesté a bien fait cognoistre qu'elle à plus d'apprehensiō & de soin de leur propre salut qu'ils n'ont pas eux-mesmes: ausquels peut-estre que Dieu fera la grace de deuenir plus sages cy apres, & ayant eux & les autres peuples, eu en tant d'oc­casions la preuue si prompte de la contrarieté de ce qui leur auoit esté mis, qu'ils commenceront à ouurir les yeux de l'entendement, & ce qu'ils n'ōt voulu cy deuant ceder à la raison & à la Iustice, qu'ils le cederont & la rendront maintenant aux euenemens qu'ils voyent reüssir à leur honte & confusion aussi grande que la gloire quesa Maie­sté en rapporte est inestimable. Pleust à Dieu, cōme il permet que des herbes les plus ameres se faict le miel le plus doux, que de ces horribles malheurs [Page 44] que nous supportons il voulsist qu'il s'en peust ti­rer pour nous composer quelque bōne & heureuse fortune: qu'il inspirast le Roy de continuer à ne proceder pas contre ses subjets comme contre ses ennemis iurez, mais ainsi que cōtre enfans despi­tez & opiniastres, les verges en vne main & la pō ­me en l'autre. Et combien que les iniures faictes à l'Estat, soient crimes publics, & que c'est offencer les bōs que deles pardonner, pour le pouuoir faire sans preiudice de persōne qu'il ne les repute qu'in­iures particulieres: & comme telles qu'il les par­dōne & abolisse sans en rechercher vne vengeāce exēplaire teincte du sang de son peuple: ainsi que feroient les estrangers conquerans, se contentant que la Iustice soit faicte des principaux autheurs du cruel assassinat commis en la personne du feu Roy son frere, que ce seroit trop d'impieté & d'in­gratitude à toute la Frāce de laisser impuny. Qu'il pleust aussi à sa diuine bonté inspirer les peuples, a ce que ainsi que ceux qui se sont laissez transporter à la collere, quand ils sont reuenus à eux, la honte qu'ils ont de leur fureur passée les rend plus doux & traictables: ainsi apres tant de furies & Insanies passées retournās en eux-mesmes, qu'ils en puis­sent deuenir maintenant plus sages & temperez: & voyans à descouuert ce que iusques icy ils n'ont veu que au trauers d'vn espais brouillars de la pas­sion d'autruy, ils recognoissent que l'intention de sa Maiesté ne tend que à leur repos & conserua­tion, [Page 45] pendant que eux agitez de furie ne sont in­genieux que à procurer leur entiere ruyne & con­fusion. Et pour ceste occasion qu'ils recourent à sa clemence, prouocquans la naturelle incli­nation qu'il y a par vne prompte repentance: & puis qu'ils ont assez recogneu que la benediction de Dieu est apparente sur luy, l'ayant desuelop­pé de tant de dangers qui luy ont esté preparez; luy ayant aussi donné d'vne main liberalle la plu­spart des parties necessaires à vn grand Roy, & à vn grand capitaine: qu'ils considerent qu'il se­roit desormais grande saison de ne luy plus don­ner occasion d'esprouuer sa force & sa valleur con­tre son peuple & à son malheur, & qu'il seroit plus conuenable de la reseruer pour estre emploiée à l'entier establissement & accroissement de ceste Couronne, cōtre les estrangers noz ennemis mor­tels, seuls architectes de noz miseres, a fin que au lieu qu'ils se preparēt de se reuestir de nos ruines, nous puissions aller haster la leur, qui n'est differée d'autant que nous differons de nous re-vnir, & e­stablir entre nous vne bonne & perdurable paix, laquelle il ne suffit pas de souhaiter, il faut encores plus trauailler à la meriter, & viuans tout autre­ment que nous n'auons vescu par bonnes oeuures nous en rendre dignes.

Or combien que les exemples & reigles ordi­naires, monstrent assez que le temporisement & la patience suffist pour donner aux Princes legiti­mes [Page 46] les victoires infaillibles des rebellions, sans prendre le hazard des combats: toutes fois la cha­rité de sa Maiesté a esté si grande enuers ses sub­iets, que pour les redimer des oppressions qu'ils souffrent & sont pour souffrir encores d'auanta­ge par la continuation & longueur de la guerre, elle n'a rien tant cherché & desiré, pour la finir promptement depuis qu'elle est entrée en son armée, que d'exposer la Iustice de sa cause à l'e­uenement d'vne bataille, l'ayant offerte à ses enne­mis en toutes les occasions qui se sont presentées de le pouuoir faire, comme elle feit premieremēt lors qu'ils la vindrent chercher en Normandie, & qu'ils publioient qu'ils alloient non à vne batail­le, mais à vne victoire toute acquise, quand à leur veuë elle vint assieger & prendre la ville & cha­steau de Gamaches, & deux iours apres reprendre celle d'Eu, n'estant toute leur armée qu'à trois lieuës de là, depuis en reuenant ayant fait cinq ou six iournées de leur costé, sans auoir voulu passer la riuiere au Pont de l'Arche, comme el­le pouuoir faire, & ayant differé de la repasser à Meulan pour les attendre au combat: Et depuis encores apres auoir prins les faux-bourgs de Pa­ris, le iour que sa Maiesté en voulut partir, ayant demouré en bataille quatre heures entieres, pour veoir s'il paroistroit quelque effect de ceste furie, en laquelle on disoit qu'ils y estoient arriuez, com­me il a esté plus amplemēt descrit par le discours [Page 47] precedent. Et estant sa Maiesté venuë loger au vil­lage de Lynats soubs Mont le hery, elley auroit à mesme fin voulu seiourner encores vn iour entier, estimant que s'estans les ennemis reposez & rafrai­schis trois iours entiers en la ville de Paris, le cou­rage leur seroit reuenu, & voudroient, peut estre, sortir pour la y venir rencontrer, dont s'ils se fussent mis en aucun deuoir, elle estoit bien resoluë de fai­re plus de la moitié du chemin pour leur aller au deuant. Mais ayant esté aduertie qu'au lieu de se picquer de toutes ces occasion, ils auoient estimé auec moindre peril, pouuoir descharger leur cole­re à saccager les particuliers habitās de ladicte vil­le, & executer eux-mesmes ce que l'on pēsoit qu'ils deussent empescher d'executer aux autres: impu­tans aux plus riches & aisez de ladicte ville pour pretexte de les pouuoir plus impunement massa­crer & piller, qu'ils estoient seruiteurs de sa Maie­sté, n'ayāt pardōné à sexe ne aage: ains tué & noyé plusieurs hommes & femmes pour faire croire a­uoir esté entreprins par pratiques & intelligences, ce qui fut executé par la veleur des gens de guerre de sadite Maiesté, & excuser la lascheté & peu de resolutiō de ceux qui estoient dans ladicte ville, en laquelle viuant à discretion, & y estant tellement a­casez qu'il n'y auoit plus ordre de les en pouuoir tirer: sa Maiesté resolut de reuenir prendre la ville et chasteau d'Estampes. A cela bien aydée, de l'ad­uis qu'elle eut que le sieur de Clermont de [Page 48] Lodesue auec cinquante ou soixante Gentils-hommes s'y estoient r'enfermez, sur l'asseurance que le Duc de Mayenne leur auoit donnée & con­firmée par plusieurs ses lettres, qui furēt intercep­tes, qu'il les en viendroit degager auec toute son armée, estimant sa Maiesté que y estant obligé de sa foy & de son honneur, ce seroit vne occasion qui pourroit reüssir à ceste fois. En ceste opinion elle partit dudit village de Lynats, le Dimanche cin­quiesme iour de Nouēbre, & vint d'vne traite auec son armée iusques audit Estampes, qu'elle auoit fait inuestir des le matin. Et cōbien qu'elle ny peust ar­riuer qu'il ne fust la nuict fermee: toutesfois d'a­bordee, elle gaigna tous les faux-bourgs que les en­nemis feirent quelque contenance de vouloir def­fenere: des la nuict mesme la ville fut aussi gagnee, & se retirerent tous les gens de guerre dans ledit Chasteau qui fut aussi tost inuesty, & en furent faites les approches, & deux couleurines mises en batterie de plain iour, le mardy ensuyuant. Ce que voyant ceux de dedans & que ceste armee de se­cours ne comparoissoit point, ny mesmes en estoit aucune nouuelle: ils demanderēt à parlementer & se rendirent le mesme iour, à condition que huict des principaux d'entr-eux demoureroiēt prisonni­ers de guerre, iusques à ce qu'ils en eussent fait ren­dre sept ou huict autres qui leur furent nommez ayāt sa Maiesté depuis ladicte capitulatiō faict ce­ste grace audit Sieur de Clermont de Lodesue, à [Page 49] deux Maistres de Camp & cinq autres, qui deuoi­ent demourer prisonniers, de les r'enuoyer soubs leur foy. Ainsi sortirent dudit chasteau enuirō qua­rante Gentils-hōmes & plus de deux cens soldats qui furent conduits en toute seureté iusques à la moitié du chemin de Paris. La premiere conside­ratiō qui vint à sa Majesté, fut que ceste pauure ville d'Estampes auoit en quatre mois esté desia prinse trois fois: & combien qu'il luy eust esté vtile d'y tenir vne bonne garnison, toutesfois comme de son naturel elle est aussi aisée à vaincre à la pitié & clemence qu'elle se rend inuincible à ses ennemis, elle se contenta de ne prendre autre seureté de la­dicte ville que la foy des habitās d'icelle, ausquels elle s'en voulut fier: & encores pour les oster de toute crainte que par le moyē d'iceluy chasteau el­le les voulust par apres traicter plus rigoureuse­ment: elle resolut de faire desmolir sondit chasteau & laisser à eux seuls toute la garde de ladite ville, estant bien asseurée que la comparaison du traiste­ment qu'ils auoiént receu d'elle ou de ses ennemis, c'estoit la meilleure garnison qui les eust peu rete­nir en son obeyssance. Sadicte Majesté y feit seiour iusques au samedy ensuyuant, pendāt lequel arriua vn Gentil'hōme despesché de la part de la Royne doüairiere, porteur d'vne requeste qu'elle presen­toit à sa Majesté, pour la supplier de luy vouloir faire iustice du cruel assassinat commis en la per­sonne du feu Roy son mary, à laquelle requeste sa­dite [Page 50] Majesté remit à respondre à quand elle seroit seante en son Conseil, où estant le lendemain & y ayant fait appeller ledit Gentil-homme, apres qu'il eut exposé sa creance & ladicte requeste esté leuë tout haut en la presence de tous les Princes, Mareschaux de France, & principaux Seigneurs & Gentils-hommes, qui se retrouuerent lors pres d'elle en tres-grand nombre, par la quelle outre ce qu'elle desiroit de sa Majesté: elle adiuroit nō seu­lement les Princes & la Noblesse de France, mais tous les Princes de la Chrestienté de l'assister en ceste iuste cause. Sadite Majesté faisant elle mesme la responce, declara qu'elle louoit grandement la resolution que ladicte dame prenoit de faire ceste poursuite, pour laquelle elle rēuoya ladicte reque­ste en sa Cour de Parlement transferée à Tours, pour à la poursuite de sō Procureur General ioin­cte à celle de ladicte Dame, faire l'instruction du procez cōtre les coulpables, affin d'estre apres iu­gé en sa presence par les formes à ce conuenables: mais que de sa part pour ceste poursuitte qui e­stoit bien seante à ladicte Dame, sadite Maiesté ne vouloit pas discōtinuer la sienne, pour laquelle el­le voua derechef en presence de toute ladicte com­pagnie, d'employer son soing & ses armes iusques à ce qu'il eust faict la iustice & punitiō que Dieu luy permettoit & ordonnoit d'en faire. Ainsi si les ter­mes pitoyables de la requeste de ladicte dame a­uoient remply de larmes les yeux de ceux qui l'e­scouterent, [Page 51] la genereuse responce de sa Maiesté les cut bien tost seichez d'vne ardeur de cholere. En la quelle fut lors renouuellé par eux tout à haute voix le sermēt de ne despouiller leurs armes qu'ils n'eussent vengé ceste indigne mort du feu Roy leur maistre & à veoir leur contenance ce n'eust pas esté aduantage à ceux de la Ligue si ceste re­queste fust arriuée la veille d'vne bataille. Mais voy ant sa Majesté que, ne la honte ne la perte, n'auoit peu faire sortir ses ennemis de Paris: & qu'il n'y a­uoit plus d'esperāce de les faire venir au cōbat, que par vne extreme necessité. Elle se resolut de ren­uoyer Monsieur le Duc de Longue-ville, auec les forces qu'il auoit amenées de Picardie, se refrai­schir en la Prouince, s'en estāt auec luy retourné le sieur de la Nouë, elle auroit faict le semblabe du si­eur de Giury, qui l'estoit venu rencontrer au par­tir desdits fauxbourgs de Paris auec vne fort bōne trouppe, l'ayant aussi r'enuoyé du costé de la Brie: & auec le reste qu'elle auoit auroit faict aussi reso­lution de venir faire vn petit voyage iusques à la riuiere de Loire, où plusieurs occasiōs l'appelloiēt & ce en attendant que la premiere leuée de ses for­ces estrangeres fust plus aduancée qu'elle n'estoit lors. Ainsi elle partit dudit Estampes le samedy dixiesme Nouēbre, et prenāt le chemin de la Beau­ce, estant aduertie que la ville de Ianuille qui est au milieu d'icelle fermoit tout ce passage: elle vou­lut la recouurer en passant, & y estant arriué le [Page 52] dimanche, le capitaine qui estoit dedans feit vn peu de mine de se vouloir deffendre: mais ayant veu approcher le canon illa rendit, & estant sorty auec bien deux cens harquebuziers, sadite Majesté y entra le mesme iour & y seiourna le lendemain, sans que ceux de la ville en receussent aucun des­plaisir & incommodité, non plus que s'ils ne se fus­sent iamais separez de son obeyssance, y ayant lais­sé bonne garnison dans le chasteau qui est assez bon. Elle en partit & vint de là trauersant la Beaus­se en la ville de Chasteaudun, où si tost qu'elle fut aruée, elle enuoya sommer la ville de Vendosme qui est de son ancien patrimoine, & le tiltre ancien de ses predecesseurs, & combiē qu'à ceste occasion estant doublement ses suiets, ils fussent plus coul­pables d'estre du party deses ennemis, toutesfois ayant plus de soin de les empescher de faillir d'a­uantage que de les punir de leur premiere faute, seiourna trois iours audit Chasteaudun pour leur donner loisir de prendre vne bōne resolutiō: mais Dieu qui les reseruoit à quelque exemple de sa iu­stice, ne voulut permettre qu'ils acceptassent les offres que sa Maiesté leur faisoit de les receuoir en sa bonne grace. Au contraire deuenus plus insolēs & opiniastres, la cōtraignit de les aller assaillir: pē ­dant le seiour qu'elle feit audit Chasteaudū y arri­uerēt les Capitaines Suisses qui auoiēt esté depes­chez incontinent apres la mort du feu Roy par les Collonnels des quatre regimēs qui sont au seruice [Page 53] de sa Maiesté pour consulter auec leurs superieurs ce qu'ils auoient à faire ou de continuer de seruir ou de demander congé pour se retirer, qui r'appor­terent à sadite Maiesté qu'outre la response qu'ils r'apportoient à leursdits Collonnels de la part de leursdits superieurs, ils auoient charge expresse d'eux de faire en leur nom, entendre à sa Maiesté, que non seulement ils commandoiēt au Collon­nels & Capitaines desdits Regimens de cōtinuer à luy faire bon & fidele seruice: mais qu'ils luy of­froiēt tout tel autre secours qu'elle auroit besoin, tenāt de ceste heure pour confirmée auec sa Maie­sté, la mesme alliance & bone amitie qu'ils ont euë auec les Roys ses predecesseurs: qui est bien au cō ­traire de ce qu'en predisoient ses ennemis que les­dits regimens seroient reuoquez & ne seruiroient point sa Maiesté. Elle partit dudit Chasteaudun le xiiii. Nouembre, & le mesme iour feist inuestir la ville & Chasteau de Vendosme: elle arriua au vil­lage de Mellay le seiziesme, & sans descendre à son logis alla recognoistre entieremēt ladicte ville & chasteau, qui sont tresbons & l'vn & l'autre. Estant ladicte ville fermée d'vn bon fossé plein d'eau & a­uec vne bonne muraille garnie de flancs en beau­coup de lieux de bon terrain derriere: le chasteau est beaucoup meilleur estant sur vn haut, ayant vn bon fossé du costé de la campagne, & vn precipice du costé de la ville, la muraille bōne & deffenduë de bonnes & grosses tours. Le gouuerneur de la [Page 54] place estoit le Sieur de Maillé Benehard, lequel sentant venir ce siege, y auoit appellé vn bon nom­bre de Gentils-hommes ses amis, & y tenoit de garnison ordinaire quatre compagnies de gens de pied qui pouuoiēt faire quatre cens hommes, ou­tre ceux de la ville qui estoient de sept à huict cēs, portās les armes. Dés le iour mesme de son arriuee elle feist gagner tous les fauzbourgs de ladite vil­le & departit messieurs les Mareschaux de Birō & d'Aumont l'vn du costé de la riuiere, l'autre de l'autre, auec les trouppes de ladicte armée, & ayāt mis la forme du siege en deliberation, elle resolut de s'attaquer premierement au chasteau qui estoit le plus fort pour n'en faire à deux fois, parce que le chasteau gagné la ville ne pouuoit plus eschapper, & n'estoit necessaire qu'il en fust ainsi adu enu du chasteau, quand l'on eust commencé par la ville. Tout le Vendredy & le Samedy se passerent à re­cognoistre le lieu de la batterie & à tenir tout l'e­quipage prest, à quoy la presence de sa Maiesté val loit le trauail de cinquāte autres: car elle n'en bou­geoit tout le iour & vne partie de la nuict. Ce pen­dant ledit Maillé Benchard qui auoit dés que sa Maiesté estoit audit Chasteaudū, demandé à par­lementer au sieur de Richelieu grand Preuost de France auec lequel il auoit amitié particuliere, & puis quād il le sut trouuer dans la ville il ne fçauoit quasi ce qu'il vouloit, sinō qu'il eust desiré que sās rendre ladicte place, l'armeé se feust retirée se sen­tant [Page 55] encores plus pressé de sa conscience & du pe­ril du siege redemanda ledit sieur de Richelieu le­quel y estant retourné en reuint aussi incertain & plus mal satisfaict que la premiere fois. En quoy il parut bien que Dieu luy vouloit faire sentir la douleur de son mal tout entier, luy en ayant dōné l'apprehension assez lōg temps auant qu'il fust ad­uenu, le iugement pour en pouuoir recognoistre le remede, & n'auoir permis qu'il peut prendre la resolution de s'en seruir comme il aduint: car sa Maiesté ayāt elle mesme passé toute la nuict à fai­re conduire & mettre son artillerie en batterie, feit à la pointe du iour commēcer a battre deux tours du chasteau pour oster les deffences de la bresche qu'elle proposoit de faire. Mais apres auoir fait ti­rer de cent à six vingts coups de canon, & ayant e­sté fait dans l'vne desdites tours vn trou où pou­uoient passer deux hommes de front seulemēt. Les soldats impatiēs de l'aussaut, cōbien que quelques vns d'entre eux fussent seulement cōmandez pour veoir s'ils se pourroient loger dans ladicte tour, ils monterent iusques en haut, & de furie se ietterent dans le retranchement. Ainsi suiuis de tous les au­tres, les vns conduits par le Baron de Birō Mare­schal de cāp, & les autres par le sieur de Chastillō, ils dōnerent tel estōnemēt à ceuz de dedans, bien qu'ils fussent en tresbon nombre, que apres auoir par aucuns d'eux esté rendu vn peu de combat, ils prindrent l'effroy, & quittant le chasteau se sau­uerent [Page 56] de vistesse dans la ville où ils furent suyuis de si pres que lesdits sieurs auec partie desdits sol­dats y entrerent pesle-mesle auec eux & se feirent en moins de demie heure, maistres du chasteau & de la ville où ledit Maille Benehard & tous lesdits gens de guerre estans retirez en vne maison se ren­dirent incontinent audit sieur Baron de Biron à la discretion toutesfois de sa Maiesté, de sorte qu'il ne se veit iamais ville battuë & prinse d'assault cō ­me elle fut auec moindre meurtre: car il ne s'y per­dit vn seul de ceux de l'armée & peu de ceux des ennemis, leur ayāt sa Maiesté fait grace à tous, ex­cepté audit Maille Benchard & à vn Cordelier se­ditieux que tous les habitās mesmes accusoiēt pour le premier autheur de leur mal qui furēt executez, il n'y eut ordre de preseruer que la ville ne fust pil­lée, excepté les Eglises que sa Maiesté feit soigneu­semēt cōseruer en sorte que l'on n'y entra pas seu­lement. Des le lendemain elle feit sortir tous les gēs de guerre de la dicte ville, & permit que les ha­bitās peussēt retourner en leurs maisons, sans pou­uoir plus estre prins et rançonnez, re-vnit tous les Ecclesiastiques en leurs charges ordinaires et beaucoup plus paisiblement qu'ils n'estoient du temps qu'elle estoit occupée par ceux de la Ligue. L'ex­emple de ceste iustice sauua la vie a plus de mil hōmes: car quatre ou cinq petites villes des enui­rōs qui protestoient de vouloir tenir, deuenuës sa­ges aux despens de Vendosme se rendirent en [Page 57] moins de quatre ou cinq iours. Le Chasteau & la ville de Lauerdin commencerent, & furēt suyuies des villes de Montoire, Montrichard & chasteau du Loir qui toutes faisoient beaucoup de mal, & specialement à la ville de Tours, dont elles tenoi­ent les aduenuës. Sadite Majesté, ladite ville de Vendosme prinse, se sentant si pres de Tours se re­solut d'y faire vn petit voyage pour veoir mes­sieurs de son Conseil, & resoudre auec eux au­cuns de ses principaux affaires, laissant ce pendāt l'armée á conduire audit sieur Mareschal de Biron, la presence de laquelle il reduisit toutes les susdites villes, excepté Montrichard, de qui le voyage que sa Majesté feit audit Tours valut la reduction. Elle partit dudit Mellay pres de Vendosme le mardy vingtiesme, & arriua d'vne traite en ladite ville de Tours qu'il estoit deux heures de nuit, mais elle y estoit attenduë auec tant d'allegresse, & de resio­uyssance de tout le peuple, & y auoit tant de lu­minaires dans les ruës, qu'elle y fut veuë arriuer, comme si c'eust esté de plein iour. Dés le soir mes­me Monsieur le Cardinal de Vendosme luy vint faire la reuerence, & en receut tout l'acueil & la bonne chere conuenable à la proximité de sang qu'il à auec sa Majesté. Monsieur le Cardinal de Lenoncourt en feist & receut le semblable. Le len­demain ceux du Parlemēt vindrent en corps sal­uër & recognoistre sa Maiesté, par la bouche du premier Presidēt, auquel il reüssit & en la substāce [Page 58] & en l'eloquence fort heureusement, & au grand contentement de sa Majesté: & aussi les Secretaires de la maison & couronne de France: tous les au­tres corps des chambres des Comptes, Cours des Aides du bureau des finances, du siege de la Iustice, & des Maire & Escheuins de la ville, en fei­rent de mesme, ensemble les Ecclesiastiques d'i­celle, & tous auec grande demonstration de resio­uïssāce & d'espoir de beaucoup d'heur & de repos du regne de sa Maiesté. En quoy ils surent plus confirmez par les responces qu'ils receurent par­ticulierement d'elle en tresbeaux termes & auec vne eloquence vrayement Royale. Le mesme ma­tin l'Ambassadeur de Venise fut admis à l'audi­ence, où il presenta premierement des lettres de la Seigneurie à sa Maieste & puis feit, de leur part, l'office de coniouïssance de son heureux aduene­ment à la Couronne, la suppliant de vouloir rece­uoir l'offre de bonne amitie de ladicte Seigneu­rie, enuers sadite Maiestè, & leur promettre & as­seurer la sienne, pour entretenir la bonne intelli­gence, qui a tousiours estè entre ceste Couronne & ladicte Seigneurie. A quoy il fut aussi tresbien & prudemment respondu par sa Maiesté. Elle n'a­uoit proposè que de seiourner vn iour audit Tours: mais elle fut tant pressce de s'y laisser ve­oir qu'elle n'en peut partir que le Samedy ensuy­uant, qu'elle vint aussi d'vne traite, retrouuer son armée au chasteau du Loir, qui n'est à dix bonnes [Page 59] lieuës, & en partit des le lendemain pourvenir droit à la ville du Mans, qu'elle auoit long-remps a resolu d'aller assieger. Elle feit deux logis auant que d'y arriuer, & estant à Yuray l'Euesque le vingtseptiesme, distant d'vne lieuë de ladicte ville du Mans, qu'elle auoit ēuoyé inuestir vn iour au­parauant par le Sieur du Fargis, ella enuoya som­mer ladicte ville. A quoy le sieur de Boisdaufin quiy commandoit pour la Ligue, feit vne respon­ce cōme s'il eust esté resolu de s'y enterrer, & tous ceux qui estoient auec luy, plustost que d'en sortir: & de fait, il cōmença a faire brusler vne grāde partie du faux-bourg de la Cousture, au moins ce qui e­stoit hors les retranchemens du dit faux-bourg: mais y suruint ledit sieur du Fargis auec sa trouppe qui en sauua vne grande partie. Biē tost apres y ar­riuerent aussi lesdits Sieurs Baron de Biron & de Chastillon; auec la plus grande part de l'infanteterie Françoise, auec la quelle des la nuict mesme fut ga gnc ledit retranchement, qui auoit en tel endroit vingt pied de hauteur & pouuoient aisement atē ­dre le canon: deslors l'on feit iugemēt que l'on au­roit plustost la raison d'eux que l'on n'auoit pensé. Le lendemain vingthuictiesme dudit mois de Nouē ­bre, sa Maiesté vint loger audit faux-bourg, qui est beau & quasi plus logeable que la ville, & feit ce mesme iour gagner les autres faux-bourgs excepté ce­luy de Saint Iean, qui est de là la riuiere de Sarte, lequel fut gagnc le lēdemain: en ayant neātmoins [Page 60] ledit Boisdaufin fait brusler plus de la moitie qui estoit le plus proche du Pont, qui estoient de tres­belles maisons, tout leur courage ne parut qu'en cela: car apres auoir durant les trois iours suyuans esté trauaillez à faire faire les gabions & autres choses necessaires pour la batterie, & faire mener les pieces au lieu où elle se deuoit faire, y ayant sa-Maiesté mesme passé les nuicts toutes entieres: au­roit le deuxiesme du present mois fait sur les sept heures commencer à battre quelques deffences de la muraille de ladicte ville: dés les premieres vol­lées de canon qu'ils entendirent, ce braue langage qu'ils auoient tenu à la sommation qui leur auoit esté faite, fut conuerty en submission du tout con­traire. Ainsi Boisdaufin & les siens n'ayant point preueu qu'ils deussent estre menez si rudemēt (car dans trois heures ils auoyent l'assaut, auquel ils n'estoient pas bien resolus) ils demanderent à par­lementer: & en fin auant qu'il fust deux heures a­pres-midy ladite ville fut renduë à sa Maiesté, com bien qu'il y eust dedans plus de cent Gentils-hom­mes & vingt enseignes de gens de pied, qui pen­dant la capitulation se desteroient publiquement l'honneur les vns aux autres: les gentils hommes quel'infāterie n'auoit voulu cöbatre: & les gēs de pied, que c'estoit la Noblesse qui auoit maulgré eux voulu capituler. cōme a la verité c'est chose estrāge auoir fait despendre au peuple plus de cinquante mil escus pour sortisier la ville et faux-bourgs, [Page 61] bruslé pour plus de cent mil escus de maisōs dans lesdits faux-bourgs, & ruyné comme l'on dit, le pays de six fois d'auantage pour attendre trois vo­lées de canon, & puis rendre la ville, la quelle sans le grād soing qu'en eutsa Maiesté n'eust iamais e­sté exempte d'estre pillée: mais elle en feit tenir les portes fermees, & à sin que nul n'eust occasion d'y entrer, elle n'y voulut pas loger elle mesme, & ne deslogea point dudit faux bourg où elle auoit pre­mierement logé, & s'estans trouues deux soldats saisis d'vn calice qu'ils auoyent desrobbé, furent pendus sut l'heure, bien qu'ils fussent recogneus pour estre tresuaillans. Le bruit desdits canōs vint iusques à la Ferte Bernard où estoit venu le Conte de Brissac auec deux Regimens, pour secourir la­dicte ville duMans, qui en fut si estonné qu'il en re­culla plus de douze lieüs en arriere. Et ainsi se re­tirant, donna à l'improuiste dans le quartier des Reistres de sa Maiesté qui n'auoient point voulu changer logis, comme il leur auoit este ordonné, & en eurent pour butin trente ou quarante che­uaux & leurs chariots, sans perte toutesfois d'vn seul homme de guerre. Sadite Maiesté remist pre­mieremēt en ladicte ville l'Euesque, & le Sieur de Fargy son frere qui en estoit Gouuerneur: & feit au reste grace à tous les habitans qui luy en vin­drent tous, tant les Ecclesiastiques qu'autres, ren­dre graces, auec protestation de leur fidelité & parfaicte obeyssance. Pendant le seiour qu'elle y [Page 62] feit de cinq iours depuis la prinse, se rendirent pre­mierement le chasteau de Beaumonr, & celuy de Touuoyes, comme aussi la pluspart des Gentils­hommes qui estoient dās ladicte ville du Mans, & autres qui auoient esté seduits par ceux de la Li­gue, se remirēt au seruice de sa Maiesté, laquelle se trouua accompagnée en ce siege de plus de cinq cens Gentils hommes de ses Prouinces voisines, entre lesquels estoient plusieurs Marquis, Cōtes, & autres grands Seigneurs. Se reduisirent en mes­me temps les villes de Sablé, Laual, Chasteau gō ­tier, qui sōt toutes villes d'importāce, & plusieurs autres qui ne sont pas de si grand nom. Auant que partir de ladicte ville du Mans, sadite Maiesté reso­lut aussi de prēdre la ville & chasteau d'Alençon, & pendāt, que son armées s'y achemineroit sous la conduite dudit sieur Mareschal de Biron & du si­ur Baron son sils Mareschal de camp d'icelle, elle aduisa de faire vn petit voyage iusques audit Laual pour y conforter par sa presence la Noblesse & les peuples dudit païs, qui estoient nouuellement re­duits en son obeisance, & aussi pour y faire venir Monsieur le Prince de Dōbes que sa Maiesté desi­roit d'y veoir. Elle arriuà audit Laual le neufiesme Decēbre, & luy vindrēt au deuāt biē loin par de là la ville, tous les Ecclesiastiques, tāt Chanoines que Religieux auec leurs ornemens, cōme ils ont ac­coustumé d'aller aux processions: & ayant par la bouche d'vn d'entre eux faict leur submission & [Page 63] protestatiō de toute fidelite & obeyssance, accom­pagnerentsa Maiesté iusques à l'entree de ladite ville, chantans tousionrs viue le Roy, en fort bōne musique: estoient aussi venus au deuant auec eux, ceux du corps de la Iustice & de la ville, & fut vne clameur perpetuelle, de viue le Roy, par tout le peuple, pendāt qu'elle passa au trauers de ladite ville. Elle y seiourna huict on dix iours, & y arriua ledit sieur Prince de Dōbes auec grāde quātité de Noblesse de Bretaigne, qui eut à grād hōneur d'e­stre recogneuë de sa Maiesté, cōme elle en fut aussi fort humainemēt receuë. Aucuns de ladite trou­pe s'estans desbandez allerent prēdre en venant le chasteau de Chasteaubriāt, & en ēmenerēt le capi­taine prisōnier & plusieurs autres. Ayant sa Maiesté dōné quelques iours audit sieur Prince de Dōbes, & pourueu aux affairs de ceste Prouince, elle le rēuoya en sa charge, & feit aussi partir Mōsieur le Mareschal d'Aumōt pour aller recueillir ses forces estrangeres: & elle vint dudit Laual en la uille de Mayēne où elle fut aussi fort biē receue, & s'asseura du chasteau sās vouloir laisser autre garnisō dās la­dicte ville. Elle arriua audit Alēçō ayant eschappé de tresmauuais chemins le vingtroisiesme, & quād à mōdit Sicur le Mareschal de Birō qui estoit par­ty de ladite ville du Mans le neufiesme dudict mois de Decembre, ny peut à l'occasiōn desdits mau­uais chemins, mesmes pour l'artillerie arriuer quele quinsiesme ensuiuant: & l'ayant quelque [Page 64] iours auparauant fait inuestir par le sieur Dar­tray, des qu'il y fut arriué, print d'abord les faux-bours: & tellement pressa ceux de la ville qu'ils auroient esté contrains de capituler & se rendre, s'estant le Capitaine Lago qui en estoit Gouuerneur, retiré dans le chasteau auec quatre cens cinquante soldats, faisant contenance de se vouloit deffendre, estant ladite place tresbonne, enuironnée d'eau, de bonnes murailles, flanquées de bonnes & grosses tours. Ledit sieur Mareschal estant entré en ladicte ville, y donna tel ordre qu'il n'y eut aucune apparence qu'elle eust esté assie­gee, ayant esté le mesme iour qu'il y entra les bou­tiques ouuertes, comme elles eussēt esté en plaine paix: il commença des cest heure là à faire mener des canons deuant ledit chasteau & tirer aux def­fences, estans les choses tellement aduancees, qu'ayant trouué moyē de destourner l'eau, ils pou­uoient dans peu de iours faire bresche. Sadite Ma­iesté y estant ainsi arriuée que dit est, se feit mon­strer ce qui auoit este faict, & ce que l'on proposoit de faire: laquelle feit soudain iugement que le siege n'en seroit pas long. Le dit Capitaine Lago qui e­stoit dedans, le sçeut bien apprehender & cognoi­stre, & à la sommation que sa Maiesté luy feit faire pour luy declarer sa venuë, il commença à s'eston­ner, & des le lendemain matin il parlementa, & le iour mesme la capitulation fut resoluë, pour luy laisser, & a ses soldats, la vie, armes & bagues sau­ues. [Page 65] Avant sa Majesté pourueu à la seureté de la­dicte place & laissé pour le gouuernement le sieur Dartrey auec bōne garnison dās la ville & chaste­au: elle en partit le vingtseptiesme & vint loger à Sées où l'Euesque, le Clergé, auec le corps de la ville & de la Iustice, luy vindrent au deuant & y fut si bien receuë qu'elle se voulut fier de la garde d'i­celle aux habitans, sans y laisser autre garnisō, elle en partit le lendemain pour venir à Argentan qui en est bonne vllle, en laquelle il y a vn chasteau as­sez bon, & y auoyent dedans ladicte ville & cha­cteau trois enseignes de gens de pied, que y auoit laissez le Comte de Brissac, qui auec le Cheualier Picard & son regiment estoient partis de Paris & promis de cōparoistre à tous les sieges que sa Ma­iesté voudroit faire, & l'empescher de prendre au­cune des villes du pays du Mayne & de la basse Normandie: toutesfois ils ne parurēt en aucun, & ceux de ladite ville d'Argentan s'estans resolus de se rendre a sa Maiesté, la vindrent renconter pour la supplier de leur impartir sa misericorde, ce qu'elle leur accorda fort volontiers: ce que voyant lesdits gens de guerre, se retirerent au chasteau, & fei­rent le mesme iour supplier sa Majesté de leur per­mettre en pouuoir sortir la vie & bagues sauues, qui leur fut aussi par elle accordé. Elle eut ce mesme iour nouuelle certaine comme ceux du chasteau de Damphront ayans sçeu comme sa Maiesté auait fait sommer les habirans de la ville, [Page 66] & qu'ils se resouluoient de la recognoistre, estans entrez en consultation de ce qu'ils auoient à faire se trouuans deuisez & partiz en opinions & surce entre attaquez les vns les autres, iusques à en venir aux armes: il se trouua que ceux qui se vouloient soubmettre à sadite Maiesté, bien qu'ils fussent la moitié moins en nombre: toutes­fois aydez de la iustice de leur cause, auoyent eu la victoire des autres, & que le Baron de Ver­nic Gouueneur dudit chasteau y auoit esté tué & quelques autres: & ainsi tant ceux du cha­steau que de la ville enuoyerent vers sadite Ma­iesté pour recourir à sa grace & clemence, à quoy ils furent receuz, & y enuya pour s'asseu­rer de l'vn & de l'autre sans qu'il y fust commis aucune force & excez: ayant seiourné vn iour à ceste occasion audit Argentan. Elle en partit le Dimache trentiesme Decembre pour venir as­sieger la ville de Falaize, le chasteau de laquelle est tresbon & tenu apres celuy de Caen pour la milleure place de la basse Normandie. Pour ceste occasion ledit Comte de Brissac s'estoit resolu de s'y enfermer auec le dit Cheualier Pichard, & tout son regiment & force Noblesse & soldats du pays qu'il y auoit appellez, se ventans qu'ils repa­reroient l'honneur de tous leurs compagnons, qui auoient rendu & laissé prendre les autres vil­les: & que ce seroit le lieu où il faudroit consi­gner toutes les despouilles qui auoient esté ac­quises. [Page 67] Sa Maiesté dés la nuict y auoit ēuoyé pour l'inuestir, ledit sieur Baron de Biron, auec quel­ques trouppes de gens de guerre, tant de pied que de cheual, qui y arriua si à propos qu'il trouua que ceux de la ville estoient sortis expressement pour venir brusler le bourg de la Guibray, qui est comme l'vn des faux-bourgs de ladite vil­le: mais ayans apperçeu lesdites trouppes, le feu qu'ils portoient ne fut pas suffisant pour leur es­chauffer le coeur de les attendre, & retournerent deligemment en ladite ville, leur laisserent ledit sieur Baron de Biron ne s'asseura pas seulement poury loger sa Majesté, mais leur feit au mesme instant quitter ce qui restoit d'vn faux-bourg qui en est quasi ioignant, partie duquel ils auoient bruslé quelques iours au parauant. Sadite Ma­jesté y estant arriuée alla au mesme instant auec ledit sieur Mareschal de Biron, recognoistre la­dite ville & chasteau qui sont tresbons, la dicte ville estant fermée d'vn grand éstang, dontl'eau ne se peut destourner, la muraille bonne, flan­quée de bonnes tours, & les aduenuës mal-ai­sées pour y asseoit batterie: le chasteau estant en­cores beaucoup meilleur, garny de grosses & fortes tours & murailles tresbonnes, auec vn gros donjon separé, fossoié de bons & grands fof­sez: & ce qui estoit de plus considerable y estant ledit Compte de Brissac, tresbien accompagné de Noblesse & de Capitaines & soldats, auec gran­de [Page 68] de apparence qu'il n'auoit pas voulu faire là son coup d'essay, qu'en intention d'y acquerir de l'honneur & s'y deffendre a bon escient, comme de faict à la sommation qui luy fut le lademain faite par sa Majesté, il feit vne responce conue­nable à telle resolution: & que sur ses Pasques il auoit iuré à Dieu dene parler iamais de capitu­lation de ceste place. Cela faisoit estimer qu'il cut beaucoup meilleure cause qu'il ne s'est trou­ué depuis. Sadite Maiesté, de qui en telles occasi­ons la presence est la vraye escole d'extresme dili­gence, s'estant resoluë de commençer, pour n'en faire à deux sois, sa batterie par le chasteau, par ce que le chasteau prins, la ville ne pouuoit plus es­chapper. Elle feit dés le lēdemain trauailler inces­samment à faire les gabions pour les batteries, rē ­plir les sacs de terre & tout ce qui estoit pour cela necessaire. Ce qui fut si ardēment entrepris qu'en moins de trois iours tout cest equipage fut en or­dre, & eust commencé á battre dés Ieudy sans que elle attendoit trois canons que Monsieur de Montpensier luy amenoit du Chasteau de Caen, qui ne peurent arriuer que ledit Ieudy, durāt lequel il feit neātmoins cōmençer de battre aux deffēces. Audit siege, auec ledit sieur Montpēsier y vindrēt douze à quinze cens soldats Frāçois & bōne trou­pede la Noblesse du païs & quelques compagnies de gēs-darmes. Ceux de dudās ladicte ville ne fei­rēt aucūe sorties, mais au reste monstrēt tousiours, [Page 69] à la contenance fort bonne resolution, & aux pro­pos plus qu'il n'estoit conuenable pour auoir si mauuaise suitte. Sadicte Majesté ayant resolu faire trois batteries, deux qui de diuers endroicts bat­toient à la breche dudict chasteau, & l'autre de dessus vn rocher qui battoit en courtine tout le long du derriere de ladicte breche. Elle feit com­mencer le Vendredy cinquiesme de ce mois sur les huict heures du matin à battre deux gros­ses tours qui se flanquoient l'vne l'autre, & dont l'vne seruoit de deffence à la breche qu'elle pro­posoit de faire. Et apres auoir fait tirer pres de quatre cens coups de canon le feste de l'vne des­dites tours estant tombé & en celle qui defendoit la bresche y ayant esté fait vn trou qui entroit dans ledict chasteau: voulant sadicte Majesté faire battre pour la breche qui eust esté faicte en peu de temps, parce qu'il ne restoit que à batre quelque espace de muraille, elle feit comman­der quelque trouppe de soldats pour aller reco­gnoistre s'ils se pourroient loger dans ladicte tour, y estans montez & aucuns d'eux entrez dans ledict trou ny trouuant point de resistance, ils appellerent leurs compagnons, & ainsi y entrans les vns apres les autres se feirent en moins de ri­en, maistres du chasteau & de la ville. Ayant e­sté prins tel estonnement par ceux de dedans, que sans rendre aucun combat, ils se retirerent tous dans ledit donjon, d'où dés le mesme iour ils fei­rent [Page 70] sortir trois Gentils-hommes pour supplier sa Maiesté de les receuoir à quelque composition, qui leur prononça qu'elle ne les receuroit qu'à dis­cretion, & qu'ils esprouueroient sa clemence sans s'y vouloir obliger. Toutesfois ayant permis le lendemain audit Cōte de Brissac de luy venir faire la reuerence, vaincuë de la compassiō qu'elle eut de ce ieune Seigneur, elle se relascha d'en choisir quinze des principaux qu'elle traicteroit comme prisonniers de guerre, & tout le reste demeureroit à adite discretion. Il n'est pas raisonnable d'oster l'honneur des gens de guerre de sadicte Maiesté qui se sont trouuez audit siege qui à la verité ont tresbien fait. Mais il faut recognoistre que cecy a estè vn oeuure de la main de Dieu estant incom­prehensible à ceux mesmes qui l'ont veu, comme en vninstant ceux qui paroissoient Lyons furieux ayant este Metamorphosez en moins que brebis & moutōs. Ladicte ville ainsi prinse d'assaut ne peut estre preseruée qu'elle ne fust pillée & saccagée y ayant eu lieu & en toutes les autres de faire com­paraison du traictement que reçoiuent celles qui recourent à la clemence de sa Maiestè aux au­tres, qui opiniastrement veulent attendre l'effort de son armée, les vnes estans demeurées deser­tes, les autres ioüissantes d'vn plein & asseuré repos, faisant proffit de leur perte, & ayans par leur prise & reduction acquis vne entiere li­berte au lieu de la dure captiuité que elles souf­froient [Page 71] souz l'ilegitime dominatiō des autres. De Falaise le Roy s'achemina a Lizieux, ou il y auoit grand nombre d'Infanterie & enuiron cent che­uaulx en garnison pour la ligue. Mais si tost que l'Artillerie feust approchée (laquelle les ennemys ne pensoient, point qu'on peut conduyre veu les grandes pluyes qui auoyent dure plussieurs Iours en ce pays la qui est fort gras & malaisé mesmes en plein esté) la ville se rendit a la mercy de sa Maje­sté en mesme temps le sieur de Maligny surprint le chasteau de Verneuil au perche & y fit entrer Mō ­seigneur le Comte de Soissons auquel la ville se rendit. De Lizieux le Roy fit partir monseigneur le Mareschal de Biron auec quelques trouppes de gens de guerre pour aller vers Eureux, dont il se rendit maistre des son arriué par sa diligence & a reduict aussi plusieurs villes & lieux circonuoisins ou il y auoit garnison pour la ligue. Cependant le Ponteau de mers'estant rendu au Roy, sa Maiesté fit marcher son armée vers Honfleur qu'il a trou­ué bien fortiffiée & fournie de grād nōbre d'hom­mes, d'Artillerie & munitions de guerre, y com­mandant le Cheualier de Grillon, lequel fit tout debuoir de se bien deffendre, & durant six ou sept Iours fit tirer plus de six ou sept cent coups d'Ar­tillerie auec nombre Infini d'Harquebusades & Mousquetades. Dont toutesfois l'Armée Royalle ne receut grand dommage Dieu mercy, & ne lai­sa de se loger si pres que la batterie estant preste a [Page 72] faire & toutes choses preparees pour vider & pas­ser le fossé qui est grand & plain deau, & ayant desia osté a coups de Canon partie des deffences, l'on commença a parlementer & fut accordé que si da­ns le Ieudy prochain le duc du Mayne ou de Ne­mours ne venoit faire leuer le siege la place se ren­droit ledit iour de Ieudy: dont le Roy estant asseure partit soudainement auec des gens de cheual seu­lement: pour aler faire vne course vers Meulan que le duc du Mayne assiegoit trois Iours apres Mon­seigneur le duc de Monpensier ayant receu la dite ville de honfleur suyuant la Capitulation accordée auant le partement de sa Maiesté. A suyuy auec le reste de l'Armée & y a esperance que ce voyage rapportera quelque chose de bon a l'aduenement des affaires du Roy et a la cōfusiō de ses Ennenys. Chacun peut considerer ce qu'en tous les exploits de guerre susdits, a valu la sage & valeureuse con­duite de sa Maiesté, estans ses ennemis contraints de confesser qu'il a esté admirable & iusques icy incogneu par aucun autre exemple, ce qu'il y-a faict ayant en moins de deux mois fait faire à vne armee pesante comme la sienne chargee d'vn lourd attirail d'artillerie, & d'vn grand nom­bre de Suisses & autres estrangers plus de huit vingts lieuës, & ce faisant, prins les fauxbours de Paris, faict quatre, cinq ou six sieges notables, prins quatorze ou quinze bonnes villes, auoir net­toyé les prouinces de Vendomois, Touraine, A­njou, [Page 73] & le Mayne, & tantost toute la basse Nor­mandie, de tout ce que tenoient les ennemis, & re­couuré non seulement les villes, mais les coeurs & affections des plus mal affectionnez qui y fussent, & tous ces exploicts faicts & executez par la for­ce de ses armes present ou terreur d'icelles, sans s'estre iamais seruie des moyens des trahisons, monopoles, meurtres, & assassinats, laissant ces ar­tifices pour les iniustes causes, se confiant la sienne estre si bonne qu'elle trouue assez de support en soy-mesmes, sans emprunter le secours de ce qui est du tout contraire, ayant ceste maxime loüable que le mal ne peut iamais seruir au bien. Sera-il possible que Dieu aye tant condanné ces pauures peuples des villes qu'il les vueille laisser plus lon­guement si aueuglez des yeux de l'esprit & du corps, qu'ils ne considerent les precipices où ils se plongent eux mesmes, & comme ceux à qui ils se liurent, & qu'ils appellent pour amis, leur demeu­rent aussi tost les pires ennemis qu'ils sçauroient a­uoir, qu'apres les auoir succez pendant qu'ils sont auec eux, & puis apres subsmis à la misericorde du moindre soldat de la trouppe, s'il se parle que l'armée de sa Maiesté approche, n'ont autre indu­strie pour se preparer de les conseruer, que de bru­sler la moitie de leurs villes, tous leurs villages & possessions d'vne lieuë à l'entour, les faire trauail­ler iour & nuict à faire des rempars & retranche­mens, & puis s'il leur vient vn siege pourueu qu'ils [Page 74] ayent veu le canon, sont excusez de leur honneur, de capituler pour eux de sortir, leurs vies & bagues sauues, ne laissant pour marque de leur protecti­on que la moictie des villes en cendres, la pluspart des familles deshonorées, & à tous les pauures ha­bitans vne corde dans le col: que s'ils n'auoient à faire à vn Prince misericordieux, vne forest ne fourniroit pas les gibets qui y seroient employez: sera il possible qu'ils ne voyent & cognoissent comme ceux qui ont esté si aspres à esmouuoir les seditions, sont maintenant si lasches & peu resolus à les soustenir, & que sa Maiesté deffendāt la Roy­auté cōtre la tyrannie, son peuple contre l'estran­ger, la iustice contre l'iniquité l'issuë de ses entre­prises doit par necessité respondre à vne si bonne cause que la ruyne de ceux qui s'y opposēt est ine­uitable, si la parole de Dieu est comme elle est tres­veritable. C'est ce que nous auons à supplier de leur donner moyen de pouuoir considerer et co­gnoistre: mais sur tout qu'il veille preseruer sa Ma­iesté des aguets, et mauuais desseins quise font sur sa personne, et qu'il luy veille prolonger ses iours de quelque bon siecle: car au besoing que nous a­uons de sa presence, le cours des plus longūes vics ordinaires ne sçauroit estre que trop court.

FIN.

This keyboarded and encoded edition of the work described above is co-owned by the institutions providing financial support to the Text Creation Partnership. Searching, reading, printing, or downloading EEBO-TCP texts is reserved for the authorized users of these project partner institutions. Permission must be granted for subsequent distribution, in print or electronically, of this EEBO-TCP Phase II text, in whole or in part.