CANTIQUE DE TRIOMPHE SUR LA VICTOIRE NAVALE Des ANGLOIS & des HOLLANDOIS.

Remportée sur les François, le 29. May 1692.

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A LONDRES, Se vendent par J. DELAGE, & par tous les Por­tiers des Eglises Françoises. 1692.

AVERTISSEMENT.

SI ce Cantique n'avoit rien au dessus des Chants Ordinaires, on ne s'aviseroit pas sur le tard de le donner au Public; mais il paroît dans ces Vers, un feu si Noble, & si digne de la Victoire qu'on y chante, qu'un petit retar­dement ne fera sans doute rien perdre du Me­rite de cette Piece, & que semblable à ces Tableaux qui partent d'une excellente main, elle vaudra toûjours son prix, en quelque temps qu'on la produise. On n'a pû la refuser à la cu­riosité de tant de Gens qui en avoient entendu parler avec Eloge, & même à l'impatience de quelques-uns de fort bon goût, qui l'avoient dêja lüe avec un extréme plaisir. Cependant, quoy que la Reputation de son Auteur ne coure aucun risque s'il se decouvroit des à present, il a voulu modestement imiter ce Fameux Peintre de l' Anti­quité, qui se cachoit derriere le Tableau qu'il venoit de finir, afin d'entendre le Jugement des Critiques, sur son Ouvrage, avant que de se faire connoître.

CANTIQUE DE TRIOMPHE SUR LA VICTOIRE NAVALE Des Anglois & des Hollandois, Remportée sur les François, le 29. May 1692.

FIFRES, Tambours, Hautbois, Musettes,
Canons, éclatantes Trompettes,
Feux Volans, qui fendez les airs:
Orgues, dont les Voix Autentiques,
Font l'honneur des Fêtes Publiques,
Aprenez à tout l'Univers,
Que le grand Flambeau de la Guerre,
Qui désoloit toute la Terre,
Va voir ses feux éteints par un juste revers.
Le SOLEIL, qui brûloit le Monde,
Voit ses Vaisseaux brûler sur l'Onde,
Son Amiral est consumé:
La Mer, Théatre des Batailles,
N'est plus qu'un Champ de Funérailles,
De mille débris parsemé;
Et dessous la Flotte Ennemie,
Qui s'enfuit avec infamie,
Le Canal Britannique est un Lac enflamé.
Tout succombe sous nos Baniéres;
Des Escadres toutes entieres,
Eprouvent du feu les ardeurs:
De l'Ennemy mis en déroute
Le Sang qu'il perd, traçant sa route,
Sert de Guide aux Vaisseaux Vainqueurs;
Et dans sa Flotte dispersée,
Que mille foudres ont percée,
On n'entend retentir que de tristes clameurs.
TOURVILLE, qui voit sa défaite,
Se bat fiérement en retraitte,
Et cherche en vain l'abry des Ports:
Sa Flotte qu'il crut Invincible,
N'est plus qu'une carcasse horrible,
Qu'une machine sans ressorts:
Et la Mer insolente & fiére,
N'est plus qu'un vaste Cimétiére,
Dont le goufre engloûti ses Vivants, & ses Morts.
Le Feu, le Sang, & le carnage,
De l'Enfer assez vive image,
Aux plus hardis fait quelque horreur:
De nos Canons l'affreux tonnerre
Trouble l'air, ébranle la terre,
Les Côtes en tremblent de peur:
Et d'un Brulot la fiére audace,
Par tout se faisant faire place,
Fait au SOLEIL ROYAL ressentir sa fureur.
Par une même destinée,
Toute sa Flotte ruïnée,
Ou saute en l'air, ou coule à fonds:
Ce qu'il en reste sur les Ondes
Sont des reliques vagabondes,
Vains joüets des gouffres profonds;
Des Réchapez de la Tempête,
Dont on méprise la conquête,
Et qui ne valent pas la poudre des Canons.
Telle devient la Flotte entiére,
Qui rendoit la France si fiére,
Et qui faisoit trembler SION:
Tel devient le dessein tragique,
Q [...]'une Infernale Politique,
Avoit formé contre ALBION.
L'Angleterre.
Loüons▪ donc le Dieu des Armées,
Par qui nos Flottes animées
L'arrête sur le point de l'exécution.
Que sous l'un & sous l'autre Pole
Le Tout-Puissant qui nous console,
Soit adoré des Nations;
Peuples qui parmy tant d'allarmes,
Ne semiez vos champs que de larmes,
Poussez des acclamations.
Et qu'aujourd'huy l'air ne résonne
Que des chants que ma voix entonne,
A l'honneur du Dieu Fort, Chef de nos légions.
Coeurs affligez, prenez courage,
Nous allons voir cesser l'Orage,
Dont nous avons été battus:
Par la plus insigne Victoire,
Que jamais ait décrit l'Histoire,
Nos Ennemis sont abatus:
Contre un complot noir & barbare,
La Providence se déclare,
Et confond de l'Enfer les efforts superflus.
ANGLOIS, HOLLANDOIS, fiers & braves,
Que deux Rois vouloient rendre esclaves,
Redoublez vos embrassemens:
De vôtre Victoire Navale,
Dont la gloire n'a point d'égale,
Dressez d'éternels monumens:
Et pour la rendre plus complette,
Dans une concorde parfaite,
Loüez Dieu, qui préside aux grands événemens.
Brave RUSSEL, Vaillant ALMONDE,
Grands Amiraux, qui dessus l'Onde,
L'un de l'autre êtes les Echos:
Hauts Officiers; coeurs Intrépides,
Ennemis des Ames timides,
Lieutenants, Soldats, Matelots;
Et vous, Illustres Capitaines,
En fendant les humides Plaines,
Chantez à pleine Voix le Grand Maître des Flots.
ALLIEZ que le Ciel rassemble,
Contre LOUIS, sous qui tout tremble,
Poussez vos projets glorieux:
Renforcez la Puissante Ligue,
Qui seule peut servir de Digue
Contre ce Torrent furieux;
Et de nôtre grande Victoire,
Donnant à Dieu toute la gloire,
Elevez vôtre coeur jusqu'au plus haut des Cieux.
GRAND ROY, que la gloire environne,
Et qui d'une triple Couronne
Soûtiens si dignement le faix:
Imite David dans ses Veilles,
Adore le Dieu des merveilles,
Qui remplit tes plus grands souhaits:
Et loin d'encenser à toy même
A Dieu, qui t'éleve, & qui t'aime,
Adresse tout lEncens que t'offrira la Paix.
PRINCESSE, la Gloire des Reines,
Qui de trois Etats tiens les rénes,
En l'absence de ton Héros:
Benis celuy qui pour toy veille,
Qui te protége & te conseille,
Qui combat pour nous sur les Plots:
Et que l'Eglise désolée,
Aujourd'huy par luy consolée
Célebre châque jour, comme un jour de Repos.
Et Toy, PUISSANTE REPUBLIQUE,
Sage école de Politique;
Magazin de riches trésors;
Huitiéme Merveille du Monde,
Que Dieu fait subsister par l'Onde,
Qui garde & fait fleurir tes bords;
Contrepoids de la Tyrannie,
Benis l'Auteur de l'harmonie
Qu'on voit s'entretenir par de justes accords.
FIN.

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