BONS ADVIS SVR PLVSIEVRS MAVVAIS ADVIS.

BONS ADVIS SVR PLVSIEVRS MAUVAIS ADVIS.

IL est expedient de faire cognoistre à ceux qui écrivent con­tre les intentions du Roy; que s'ils eschappent à la justice de sa Majesté, ils n'eviteront pas la censure de ses fideles servi­teurs. Les mieux instruits disent; que la vanité a persuadé à ces feux folets, qu'ils passeront pour des estoiles, en faisant briller les estincelles de leur esprit; encore qu'elles soient des allu­mettes de sedition. Les sages advoüent que ces gens-là rangent mieux leurs paroles, qu'ils ne reglent leurs pensées; lors qu'ils s'imaginent, que tout ce qui agréera aux curieux, sera bien receu par les serieux. Ce qui est plus fascheux est, que les autheurs de ces ouvrages cherchent plûtost la reputation de polis escrivains, que de bons citoyens: ils blasment avec hardiesse le gouverne­ment de l'Estat, qui a des secrets semblables aux mysteres divins, ausquels nous devons la creance & la submission, sans entrepren­dre de les penetrer avec presomption, pour les conterooler avec arrogance. Nous pouvons dire aussi à ces Messieurs; que leurs plumes paroissent legeres, lors qu'elles volent en fort peu de teps d'une extremité à l'autre, & ne s'arrestent point dans le mi­lieu, où est la vertu. Il y a quinze mois, qu'elles employoient leur ancre pour noircir les actions, & les desseins de Monsieur le Prince: elles s'exercent maintenant, non seulement à les blan­chir, mais à les farder. Ainsi celuy, que ces beaux discourers ont appellé souvent le mauvais genie de la France, lors qu'il estoit à S. Germain, est devenu dans le bois de Vincennes l'ange tutelaire de ce grand Royaume. Puissante prison, qui as pû faire ce change­ment! infortunée liberté, qui arrestois un grand honneur pour [Page 4] ce Prince, & un notable advantage pour nous! Charitable Re­gence, qui par un favorable conseil avez produit cette agreable metamorphose! Si on adjouste creance aux differents propos de ces souffleurs du chaud, & du froid; la resolution de s'asseu­rer de la personne de Monsieur le Prince ne sera blasmée, que pour avoir esté prise trop tard; puis qu'elle luy devoit apporter tant de gloire, & nous produire un si notable profit. Devant cét accident ces declamateurs nous disoient: que les batailles gagnées par Monsieur le Prince estoient les succés d'une heureuse temerité, plustost que les exploicts d'une conduite reglée. Que devant Fribourg, & Northlingen, sa precepitation auoit fait perir plus de cinq cens braves Gentilshommes, pour tuer autant de Lansquenets, & de Reystres; & qu'on nous auoit fait passer des fu­nerailles pour des triomphes. Ces oyseaux de passage nous chantoient; que celuy qu'ils nomment à present heros incomparable, ayant coniuré la ruine du Parlement, & de la ville de Paris, auoit employé tous ses efforts; pour mettre en execution les resolutions, qu'il auoit fait prendre. Que luy seul estoit autheur du depart inopiné du Roy, & du refus d'écouter les Deputez du Parlement; & qu'il auoit esté l'inventeur de la calomnie, qui accusoit quelques Officiers de cette Auguste Compagnie, d'auoir traité secrettement avec les Espagnols. Qu'il s'estoit offert, pour bloquer la capitale du Royaume. Qu'il auoit taché de faire perir par le plus cruel de tous les supplices, qui est la faim, un million d'innocens. Que pour en venir à bout, il auoit fermé tous les passages des vivres. Qu'il auoit ordonné qu'on massacrast tous ceux, qui envoyoient quelque soulagement à leurs peres, meres, femmes, & enfans. Que dans la plus rigou­reuse saison de l'année, il auoit fait mourir de froid, & de necessité les prison­niers de guerre. Qu'il ne parloit, que de faire nager son cheval dans le sang des Parisiens, de livrer aux bourreaux, cent Officiers des Compagnies souveraines, & d'abandonner le reste à la licence des soldats, par lesquels il faisoit piller au­tour de Paris les Temples sacrez, & les maisons de plaisir de Bourgeois; sans espargner les vies des paysans, ny la pudicité des filles, & des femmes, & sans respecter ce qui est de plus venerable parmyles Chrestiens. Ces reproches que la vehemence des Orateurs du temps exageroit durant les mouvements de Paris, ne furent pas arrestez par l'accommo­dement: nous pouvons assurer, qu'ils furent plustost augmen­tez par les manquemens que ces accusateurs, changez main­tenant [Page 5] en Panegyristes remarquerent en la conduite de Mon­sieur le Prince. Ceux qui veulent à present adoucir le peuple de Paris, irritoient son indignation, en disant; qu'ils ne pouvoient souffrier avec patience que le Parlement eust deputé pour saliier Monsieur le Prince, & publiant par des imprimez; que cét honneur n'estoit point deu à sa qualité, & beaucoup moins à son merite. Ils assurerent qu'il menaçoit du poignard ceux qui pouvoient estre ses juges: comme il auoit fait du baston les Conseillers du Parlement de Provence. Pour jetter les Parisiens dans quelque ressentiment extraordinaire, on crioit par les ruës qu'il estoit honteux, & pouvoit estre funeste, de souffrir la presence de celuy, qui auoit fait achepter bien cherement le pain d'orge, d'auoine, & de bled noir. On de­bitoit; que ce Prince cachoit ses mauvais desseins, recherchant en apparence l'amitié de ceux, qui ouoient credit dans la ville, & ausquels le vulgaire auoit imposé le nom de Frondeurs. On les advertissoit: qu'ils se deuoient désier des submissions basses, & des caresses extraordinaires, que le Prince leur faisoit, après les auoir voulu perdre par la violence. Qe l'excès de ses courtoisies, & les longs entretiens, qu'il auoit avec eux en lieux retirez, & à heures indeuës, faisoient supçonner, ou que ses affectations estoient pratiquèes, pour les decre­diter; ou que ses promesses tendoient à les corrompre. Monsieur le Prince ayant témoigné quelque mescontentement, quasi tous les Courtisans, & les principaux de Paris s'estans offerts à luy, & mesme tous ceux, qui dans les affaires passées auoient fait paroistre plus de vigueur pour le Parlement, & pour la Ville; les escrivains, qui s'erigerent pour lors en procureurs du pu­blic, & qui sont à present advocats de Monsieur le Prince, taschoient de persuader à plusieurs, que la querelle estoit feinte, & pre­tendirent de le prouver, par la facilité de la reconciliation, faite avec l'aban­donnement de tous ceux qui s'estoient declarez de son party.

Ces Messieurs furent rauis, lors qu'ils virent bientost aprés, qu'il ne travailla plus qu'à la ruine de ceux, ausquels il auoit promis amitié ou protection, les persecutant à outrance; ou pour faire cognoistre qu'il n'avoit plus d'intelligence avec eux, ou qu'il n'estoit pas en son pouvoir, de retenir plus longtemps les mouvements de sa jalousie.

Ainsi ceux qui entreprennent à present sa defense, l'accu­soient d'avoir recherché toute sorte de moyens: pour perdre ceux qui s'estoient presentez pour le sauver, & qui se vouloient precipiter, pour le tirer d'un mauvais passage. Ils aioustoient, qu'en estant sorty, la honte qu'il eut d'auoir offencé ceux qui luy auoient tendula main, le rendit capable d'un per­nicieux conseil, qui fut de les faire charger; Premierement, d'auoir voulu revolter la Ville de Paris, & aprés d'auoir entrepris sur sa personne, que sa naissance doit rendre sacrée à tous les François. Nous ne dirons rien des pieces qu'on fit joüer pour rendre probable cét attentat pre­tendu, ny de la corruption des témoins qui furent practiquez, ny de leur infamie, ny des impertinences, & contradictions de leurs depositions, ny de l'obstination pour les faire valoir mesmes aprés que le Parlement les eut trouvées frivoles & ridicules. Nous voulons croire que ces inventions basses ne sont jamais sorties du haut genie de Monsieur le Prince; mais nous ne sçaurions ny dissimuler ny déguiser, que ceux qui écrivent pour luy n'ayent declamé contre ses sollicitations, & contre sa seance dans le Parlement, où ils disoient, que ce Prince ne se devoit point trouver; pour re­tenir par sa presence ceux qui le favorisoient, & pour intimider les plus foibles avec un visage enflammé, & quelquefois avec la main levée & paroles de menaces. L'affaire ayant esté reduite à un tel poinct, ou que Mon­sieur le Prince deuoit recevoir le déplaisir de voir sa procedure condamnée, & ses témoins chastiez, & par consequent estre obligé, ou à produire un estrange effect de ressentiment, pour ce cruel affront; ou estre contraint de suffrir tout ce que le de­sepoir qui est un conseiller enragé, peut suggerer à des person­nes de condition & genereuses, qui ne peuvent ny vivre avec satisfaction, ny mourir que par violence.

Sur la fin de ce démeslé, arriva le mariage du Duc de Ri­chelieu mineur, authorisé par la presence du Prince avec quel­que mépris de l'authorité Royale, & dessein de s'emparer de la place tres-importante du Havre. De peur que les choses n'al­lassent à d'autres extremitez, qui pouvoient causer de grands desordres, la Reyne pour les considerations qui sont, & ne sont pas contenuës dans la Lettre du Roy envoyēe au Parle­ment, [Page 7] prit resolution de faire arrester les personnes de Mon­sieur le Prince, de Monsieur le Prince de Conty, & de Mon­sieur le Duc de Longueville. Le grand respect que nous devons aux secrets de l'Estat, & l'ignorance dans laquelle nous som­mes des mouvements chachez, qu'on ne doit pas tousiours com­muniquer au public, porteront les hommes sages & bons Fran­çois, à preferer le jugement de la Mere, & de l'Oncle de no­stre Roy, à celuy des Partisans de Monsieur le Prince, & aux discours impertinens & malicieux de quelques broüillons & presomptueux, qui prennent occasion de toutes les choses ex­traordinaires, pour décrier la conduite du Royaume, & pour adjouster à la guerre estrangere que nous avons en plusieurs endroits, autant de guerres civiles qu'il y a de provinces, & de villes en France. Mon dessein n'est pas d'accuser Monsieur le Prince; mais de faire cognoistre la folie des escrivains, qui aprés auoir blamé ses actions, & peut-estre mal interpreté quelques­unes de ses intentions, lors qu'il estoit en liberté, ont depuis sa detention tasché de les justifier toutes: comme si les impres­sions que les imprimez ont faites dans les esprits, estoient effa­cées avec un traict de plume: comme si les playes ouvertes avec un stile converty en stilete, estoient fermées en la rompant: comme si ces Messieurs pretendoient d'attribuer au donion du Bois de Vincennes, la puissance que Dieu mesme ne s'est pas re­servée, de revoquer ce qui est arrivé.

Nos donneurs d'avis ne croyent pas qu'on les puisse co­nuaincre d'imposture: ou quand ils ont dit autrefois; Que Mon­sieur le Prince auoit entrepris de ruiner le Parlement & la ville de Paris. Que pour perdre ceux qu'il appelloit Frondeurs, il les a fait accuser de sedi­tion & d'assassinat: ou quand ils disent maintenant, que tout cela n'est point veritable. Ie ne vois pas comment ces Advocats quoy que prompts à la repartie, se déméleront de ces contradictions; s'ils ne répondent; qu'ils aduoüent toutes ces choses. Mais que la prison de Monsieur le Prince a fait un si grand changement; qu'aussi-tost qu'il y est entré, il y a trouvé, non seulement l'ini­mité de ceux qu'il aymoit & protegeoit; mais l'amitié de ceux [Page 8] qu'il haissoit & vouloit destruire. Qu'il ne cric plus de ce lieu élevé d'où il découvre Paris: que prens garde à toy pauvre ville, on te va desoler, & faire ce que i'ay manqué il a quinze mois; lors qu'en cette campagne qui est devant moy, je vou­lus attirer au combat tes gouverneurs & tes citoyens; pour aprés leur déroute, jetter dans tes entrailles le fer & le feu, portez par des barbares: Cours maintenant aux armes, que je t'ay contraint de prendre contre moy; rends toy criminelle de leze-Majesté divine & humaine; afin qu'à ton exemple tout le royaume se sousleve pour me tirer d'icy. Occupe les forces du Roy dans le coeur de la France, & laisse ses frontieres ou­vertes aux Estrangers. Que tout le sang de ta genereuse No­blesse & de tes vaillans soldats qui a esté répandu en Flandre, en Allemagne, en Italie & en Espagne, & que je n'ay jamais épargné, soit perdu. Que toutes les Finances qui ont esté em­ployées en ces pays-là, & qui ont incommodé le nostre de­meurant inutiles. Qu'on soit obligé de rendre avec honte toutes nos conquestes, & mesmes les miennes. Qu'on s'humi­lie devaut l'arrogance Espagnole, & qu'on luy demande par­don, pour forcer la Reyne à me donner la liberté, de laquelle dépend le souverain bien de l'estat, le salut de Paris, & fur tout la conservation de ceux que vous appellez les Frondeurs. C'est à ceux-là particulierement, ausquels mes écrivains addressent leurs bons advis: Ie leur fais dire, qu'ils prennent garde à eux: que la Cour ne revient que pour les perdre; pour détruire le Parlement; pour retirer le fonds des rentes, & saccager les mai­sons des Bourgeois. Pourquoy? parce qu'ils se sont opposez aux desseins, conseils & efforts de celuy qui implore à pre­sent leur assistance, & veut accomplir par eux, ce qu'il n'a pû faire quand il estoit contre eux. L'Apologie des Frondeurs, l'Advis aux Frondeurs, l'Advis au Duc de Beaufort & à Monsieur le Coadjuteur, l'Avis à la Ville de Paris, le Factum pour Monsieur le Prince, les diverses rèponses à la Lettre du Roy, & autres pieces de semblable étoffe, ne chantent autre chose. O courtoisie Françoise! ô charitié Chrestienne! ô changement de la dextre [Page 9] du Tres-haut! ô conversion miraculeuse! Tout ce qui a esté dit & fait contre le Senat, contre les Parisiens, & contre leurs defenseurs, est detesté; pourveu qu'on recommence en faveur de celuy qui en a esté l'autheur, le promoteur & l'executeur. S'il est delivré par nos efforts contre la volonté du Roy & de la Reyne sa Mere, il nous rendra tous heurex: il ne souviendra jamais des feux de joye, que Paris a allumez, ny des cris d'alle­gresse, qui ont éclairé & éclaté jusque dans le Bois de Vincennes lors qu'il y fut conduit: il n'aura aucun ressentiment, contre les grands, ny contre les petits; sur tout contre ceux qu'il nom­moit par derision Frondeurs, qui aprés son emprisonnement out asseuré la Reyne de leurs obeïssances & services. Ce qui est plus difficile à faire & à croire: il aura oublié les maux qu'ils nous a fait souffrir; à sçauoir le blocus de Paris, la desolation de son terroir, les menaces faites au Parlement, & les pour­suites à mort contre les Princes, Prelats & Officiers aymez par le public.

Si celuy qui a dressé le Factum allegue pour une marque de l'innocence de Monsieur le Prince; non seulement le peu de soin qu'il a eu de rechercher l'affection des peuples; mais en­tore le peu d'apprehension qu'il a eu de les irriter, disant, Que c'estoit une marque asseurée que Monsieur le Prince ne tendoit point à la Souveraineté: La pratique ordinaire de ceux qui ont cette visée ayant toa­siours esté de caioler, caresser & assister les subjects, pour acquerin creance parmy eux, & les souslever contre le Souverain: Nous aduoüons que Monsieur le Prince n'en fut jamais suspect; aussi n'en est-il point accusé, ny d'avoir eu intention d'enlever son Royaume au Roy, par semblables menées: De sorte qu'il est superflu, & mesmes aucunement criminel de s'estendre sur ce discours, qui a agreé à l'Advocat pour remplir ses écritures. Il n'a pas pris garde, que toutes les vertus sont au milieu de deux vices contraires. Que pratiquer les peuples; & chercher de corrompre leurs Chefs, pour les mutiner contre leur Roy, est une extremité: mais que mal traitter les peuples, leur oster le pain, gaster leurs mai­sons, les abandonner à des soldats sans discipline, vouloir faire [Page 10] passer les Officiers des Compagnies Souveraines, les Bour­geois de Paris, & generalement tous les François, pour des méchans, des traistres, des factieux, & les traitter comme ene­mis du Roy & de l'Estat; sont des moyens opposites, qui ten­dent à desesperer les hommes, & à les porter au renversement de la Monarchie. Ce qui est d'autant plus dangereux; que les ressentimens des injures, sont plus furieux & plus opiniastres que ne sont les affections legeres, & zeles indiscrets pour un Prince, duquel on découvre bien tost les artifices, & qui se sert de ministres avaricieux, de valets insolens, & de soldats qui vivent en ennemis parmy ceux, qui les ont appellez comme amis. Mon dessein n'est pas d'éplucher les écrits embarassez, ny de refuter les foibles raisonnemens de ces Messieurs les don­neurs d'advis, ny d'échauffer leur bile. Nous declarons aussi que nostre intention n'est point, d'obscurcir la gloire militaire d'un Prince, que nous tenons pour grand Capitaine, & qui en a rendu des preuves à l'advantage de la France, ce qui augmente nostre déplaisir de la voir privée de son secours. Nous dirons de luy ce que l'Orateur Romain a écrit en faveur de Pompée, qu'il a commencé en jeunesse, là où plusieurs grands Chefs de guerre ont finy en vieillesse; Mais celuy qui louë Pompée, blasme aussi l'ambition de Iules Cesar, qui opprima la Republique de Rome, aprés l'auoir tres-dignement servie, & enseuelit dans les ruines de son pays, la reputation qu'il auoit acquise dans les Gaules, & ailleurs. Nous n'accusons pas Monsieur le Prince d'un sem­blable dessein: mais nous ne pretendons pas aussi le defendre contre les Lettres & Declarations du Roy: tout ce qui porte le nom de sa Majesté, & qui procede d'une authorité legitime; comme est celle de la regence durant une minorité, est de trop grande veneration parmy nous, qui voulons conserver la paix au dedans, & obliger les Estrangers à nous demander celle, que nos divisions reculent.

Ie ne peux donc, que je ne deteste l'audace de ces écrivains temeraires, sur tout de l'autheur du Factum, qui avec son stile fort court, va mesurant la grande estenduë de la regence, & dit: [Page 11] qu'il n'y trouve point l'authorité d'arrester un Prince du sang, qui est nay Conseiller necessaire. Ie laisse à part les Histoires qui sont ramassées dans cet écrit, & qui ne concluent à rien: deux exemples ayant tousiours des circonstances si differentes, des temps, des occa­sions & des personnes; qu'un ne peut servir de miroir à l'autre. Ceux qui sont alleguez en foule, font voir la malice secrette du compilateur; lors qu'il a recherché Fredegonde & Brune­hauld, pour regler les resolutions d'une Reyne vertueuse; & a allegué ce qui a esté fait dans un Royaume mal estably, foible & remply de confusions, pour la conduite de la France, dans la police, puissance, ordre & perfection où elle est, depuis la der­niere race de nos Roys. Arrestons nous à la Loy, qui doit estre incomparablement plus forte que l'exemple, & demandons à ce Iurisconsulte, dans quel livre des Ordonnances, ou registre d'Arrests, il a trouvé: que si un Prince du sang Royal estoit convaincu ou violemment soupçonné, d'auoir des mauvais des­seins, & de faire des pratiques dangereuses contre la personne & estat d'un Roy mineur; & qu'il y eust un peril evident de souffrir quelque perilleuse extremité, si on ne la prevenoit par une juste & genereuse prudence: qu'en ce cas la une Mere tu­trice de son enfant, & regente de son Royaume, assistée des con­seils de son plus proche, qui est l'Oncle unique de sa Majesté; n'eut point la puissance de prevenir par la detention de ce Prince, les desordres publics & la desolation de l'Estat; quand mesmes ce Prince n'en seroit pas la veritable cause; mais seule­ment une occasion pressante & manifeste. Laislant donc à part le faict particulier, je me contenteray de dire; que nous ne sommes pas obligez d'auoir meillieure opinion des intentions de Monsieur le Prince, que des resolutions de la Reyne, & que nous avons grand sujet de conclure; que la these ou proposition generale, qui borne l'authorité des regences par l'impuissance d'arrester un Prince du sang, qui abuseroit au prejudice de l'Estat, des respects qu'on doit à sa naissance & de ses privileges, & une maxime fausse & dangereuse. Il suffit que les regentes, qui n'ont point le pouvoir pour destruire & défaire', comme [Page 12] elles l'ont pour construire & pour conserver, ne renuersent point les loix du Royaume, entre lesquelles on ne trouvera pas celle, qui est faussement alleguée, & qui seroit prejudi­ciable.

Il est aisé de prendre garde, à quoy tendent tant de discours, qui eschapent aux langues, & coulent des plumes; a quoy abou­tissent tant d'assemblées, & de cabales contre le gouvernement, sur la rencontre d'vne affaire à la verité extraordinaire, & de­plorable; mais non sans exemples. Pour ne rien dire des plus anciens, nous avons veu arrester le pere de Monsieur le Prince, parles ordres de la feuë Reyne, lors qu'elle avoit encore la con­duite de l'Estat, deux ans aprés la majorité du Roy, qui auoit prié sa mere de luy continuer ses soins, en l'administration de ses affaires. On ne remarqua point alors d'escrivain si hardy; comme sont ceux de ce temps, qui entreprennent de borner l'authorité Royale. Nous vismes à la verité des Princes, & des Grands, qui par apprehension d'un pareil tractement, se jette­rent dans quelques places, pour leur propre defense; & encore qu'ils se trouvassent pressez, & reduits à des grandes extremi­tez; ils n'eurent jamais recours aux ennemis de l'Estat; pour se venger, ou pour se delivrer: là où nous pouvons dire; que sans une pareille necessité, nous avons veu la plus desesperée procedure, qu'on puisse remarquer dans nostre Histoire. Qu'une Princesse du sang Royal, des Officiers de la Couronne, & des Cavaliers, qui se disent serviteurs du Roy, ont tellement oublié leur devoir; que d'auoir; appellé à la desolation de la France les Espagnols, avec lesquels nous sommes en guerre ouverte, & d'auoir traicté avec des conditions si horribles, que la posterité aura autant de peine à les croire; comme nous en demeurons surpris, & estonnez.

Elles aboutissent à deux poincts. Le premier est, que des François promettent à l'Espagne, qu'ils ne poseront jamais les armes qu'elle ne soit satisfaite, par un traicté de paix entre les Couronnes. C'est à dire, que ces Messieurs s'obligent à rauir à leur Roy, tous les fruits d'une guerre de quinze années, & à [Page 13] rendre les vies de plus de dix mille Gentilhommes, & de cent mille soldats, avec l'employ de plus de cinq cens millions inuti­les; pour nous contraindre à restituer avec honte ce que nous avons emporté avec gloire, pour laquelle ils ont eux-mesmes exposé leurs vies.

Ils pretendent aussi de se rendre seuls arbitres d'un differend qui n'a pû estre terminé, par les Ambassadeurs de plusieurs Prin­ces, & Republiques; & ils s'imaginent, qu'avec leur espée ils couperont ce lacet Gordien, que beaucoup d'hommes sages n'ont sceu dénouer. Ils ont paradvance vendu & livré Stenay à l'Espagne, à laquelle ils promettent tout le reste de nos con­questes, pourvau qu'elle les assiste d'argent, & d'hommes, & marche avec ses armées à la destruction des pays de nostre Roy, qu'ils desirent d'obliger à un accommodement prejudiciable, & infame. Nous laissons à penser la generosité de nostre Na­tion peut approuver cette lascheté; & si la seconde condition doit estre soufferte. A sçavoir, que Monsieur le Prince tienne sa liberté d'un ennemy, qu'il a défaict deux foix en bataille ran­gée, a dépoüillé de quelques places; les Espagnols ayant promis, & juré: qu'ils n'escouteront jamais aucune proposition d'ac­commodement, que ce Prince n'en soit l'entremeteur. Ainsi les Espagnols auroient l'obligation à des François pour les Villes, qui leur seroient renduës; & les François auroient l'obli­gation aux Espagnols de la livrance de leurs Princes. Ainsi ceux là seroient à jamais suspects de favoriser ceux, qui les auroient delivrez de prison: & ceux-cy auroient la honte d'avoüer, que si des mauvais François ne les eussent assistez; il leur estoit im­possible de parvenir à une paix honorable. Ainsi les deux par­tis prostituent également leur reputation, & se liguent avec des conditions, qu'ils ne sçaroient accomplir, si nous ne perdons la ceruelle, & le coeur; pour consentir que le Mare­schal de Turenne se rende maistre d'une paix, qui seroit hon­teuse à la France: que Monsieur le Prince doiue son eslargisse­ment aux Espagnols: & que nostre Roy soit contraint de receuoir la loy, que ses plus grands ennemis estrangers, & les plus obsti­nez [Page 14] rebelles de son Royaume luy voudront imposer. Tout homme, qui aura du sens, & du sang jugera, & dira; qu'il faut plustost perir, que de subir ce joug, & les Conseillers de sa Ma­jesté qui ne seroient point d'avis d'employer le dernir escu, le dernier pain, & le dernier homme de la France, pour rompre cette conspiration, éviter ce dommage, & fuir cette infamie, meriteroient, outre le deshonneur eternel, un chastiment tres­severe, ou par la Iustice du Roy quand il sera maieur, ou par la violence des peuples. On void bien aussi, que ces conditions insupportables, portent en croupe la tromperie, la legereté, le parjure, & le manquement de parole, qui n'est donnée d'une part, que pour attraper de l'argent; & de l'autre costé pour ac­querir Stenay. Que si aprés la vente de cette place, quelque autre retourne aux ennemis, la perte sera imputée à la perfidie, & folie des François; plustost qu'à la puissance, & prudence des Espagnols.

Nos mutins ne se contentent pas de leur promettre toutes les conquestes, que nous avons faites sur eux; mais pour leur donner moyen d'en faire sur nous; ils travaillent par secrettes menées, & par impostures publiques; pour jetter la division dans la France; pour émouvoir les Provinces, & les Villes; pour débaucher la Noblesse, & pour corrompre les gens de guerre. Leurs écrits seditieux s'addressent sur tout au Parle­ment, & aux habitans de Paris, n'ignorans pas, de quelle im­portance est d'attaquer la teste, & le coeur, pour faire tomber en syncope tout le corps du Royaume. Comme nous detestons avec raison ces boutefeux, nous avons sujet de mettre au nom­bre des espirits foibles, ceux qui estans pourveus d'offices & dignitez, qui tirent tout leur lustre & beaucoup de profit de la Monarchie, se voudroient eslever comme sales vapeurs; pour obscurcir la lumiere du Soleil, qui les a faits les plus beaux de ses meteores. Ie ne m'adresse point à ces grands corps que je revere, & ne fais estat que de parler à quelques particuliers, qui ne considerent pas assez: que les Officiers ne sont pas sages s'ils donnent la moindre atteinte à la Royauté qui les a instituez, les [Page 15] sustoient, les rend venerables & riches: qui leur faifant part non seulement de son authorité, mais de ses finances, les a con­stituez arbitres des vies & des biens: les a eslevez sur nos testes; pour leur donner droict d'exiger de nous des respects, & des droits attachez à leurs charges. Cependant on a remarqué en quelques Magistrats des fausses generofitez & des prudences bastardes, qui sous pretexte de corriger quelques manquemens, voudroient entreprendre de mettre en compromis l'authorité Royale, qui les a creez & qui les conserve.

Comme il est à desirer; que la Cour ne reiette jamais, & mesmes ayme les remonstrances; on doit aussi souhaiter que ceux, qui les peuvent faire, ne les convertissent pas tousiours en plaintes, & jamais en factions: mais en propositions d'expe­diens; ou pour sortir d'un mal, ou pour advancer un bien, ou pour assister le Prince, ou pour soulager son peuple. Si on a d'autres desseins, & si les passions emportent la raison; Nous dirons à ces Messieurs ce que Ciceron écrivoit à son amy. Vous voulez que la Republique perisse, non seulement par ses playes que vous décou­vrez; mais par les emplastres que vous y appliquez; & ne voyey pas que le malade mourra certainement, siles Medecins empoisonnent les remedes. Le venin qu'on y mesle vient de la vengeance, du faux zele, de l'interest particûlier, de la corruption, des sottes complaisances & foles amitiez, qui forment les conspirations, & sont les ennemies mortelles des fideles & sages conseils.

Ie ne toucheray pas icy les resolutions prises l'année passée, par la Ville de Paris. Ie ne veux point parler des armes qui chercherent du pain; il faut prier Dieu, qu'il pardonne à ceux qui furent les causes d'un defordre qui apporta des notables prejudices à la France: Mais je ne sçaurois souffrir ce donneur d'avis à la Ville de Paris, qui tasche d'ébranler ce Colosse d'or, d'argent & de cuivre sur des pieds de plastre, & qui soustient avec peine sa pesanteur, Qui doute, que si la division desoloit cette grande Cité; les ruines du Louure, du Palais Royal & des Hostels des Grands, n'accablassent les basses maisons des Bour­geois? Il est vray que Paris est le plus beau, & le plus riche [Page 16] ornement de la Monarchie Françoise: qu'il est le throsne de la Majesté & de la Iustice de nos Roys, l'Academie des sciences, l'Arsenal des armes, le Bureau des Finances, la pepiniere des gens de guerre, & la plus grande assemblée de peuple qui soit dans l'Europe. Mais tous ces advantages, ne se pouvant main­tenir sans l'integrité & richesses d'un puissant & paisible Roy­aume, sans la presence du Roy, & sans le libre exercice des charges, qui ont leur fonction dans son enceinte; les moindres symptomes doiuent estre apprehendez dans un corps si im­mense, & remply de tant de differentes humeurs. Il est certain aussi, que ses maladies seroient tousiours contagieuses, & se communiqueroient aysément à toutes les provinces, & qu'un coup frappé sur cette teste estonneroit tous les membres. Si ce mal arrivoit à Paris par sa faute, il seroit le premier puny; en ce qu'il n'y auroit point du trouble allieurs qu'il n'en ressentist aussi tost des incommoditez, par le manquement des assistances qu'il tire de tous costez, par l'interruption du commerce, par la ces­sation de l'employ des Officiers, par le faut du payement des rentes sur le Roy, sur les particuliers & sur les Communautez; estant chose veritable qu'une Ville qu'on a laissé croistre sans mesure, ne se peut nourir, que par l'abondance d'un grand Roy­aume, & que cette abondance est le fruict de la Paix. Nous avons veu par experience; que le trouble n'a iamais esté en quelque Province, sans causer du dommage à plusieurs familles de Paris; Ce qui doit obliger cette Ville malade de sa grandeur, comme fut iadis Rome; à ne rien faire ny mesme souffrir, qui puisse alterer sa santé; ou appesantir sa charge. Si les mouve­mens, qui n'ont duré que trois mois, y ont rendu vacantes plus de six mille maisons; que seroit-ce si le Roy se trouvoit en neces­sité par la guerre civile, de quitter pour long-temps son seiour ordinaire, & de l'abandonner aux tempestes, que les vents des ambitieux, & des furieux veulent émouvoir sur cét ocean? Que deviendroient pour lors, tous ceux qui ne viuent que des Com­missions, ou du luxe de la Cour? qui payeroit que ce les Cour­tisans doiuent aux Marchands? à qui debiteroient-ils leurs [Page 17] marchandises? qui mettroit en besogne l'industrie & les mains de plus de cent mille ouuriers, qui ne songeroient plus qu'à se sousleuer contre les riches & à les piller; afin que la pauvreté se rendist cōmune à tous? Cette apprehension ne doit point passer pour une chimere: Ce qui est arrivé nous peut faire craindre un retour de plus longue durée. Il faut éviter tout ce qui peut donner au Roy, la moindre défiance de revolte, & c'est pru­dence de dissiper de bonne heure toutes les nuës qui sont capa­bles de nous ofter l'aspect de nostre Soleil, de nous rauir nostre ame, & détourner la source de tous les esprits qui nous donnent la vie, & le mouvement. Seneque ayant tres-bien dit; que ce soleil, cette ame, & cét esprit est le Roy, sans lequel nous resterions une lourde masse, une charongne puante, & la proye de nos ennemis. Ie diray donc librement à Paris, qui a pour armoires un Vaisseau, ce qu'Horace disoit à Rome: prens gar­de, que de nouveaux orages ne to poussent en haute mer, & ne te rendent lo ioüet des vagues & des vents; Arreste toy dans ton port asseuré, qui est la bienueillance, & la protection de ton Roy.

Souuenons nous qu'estans François & Chrestiens, la pre­miere qualité nous oblige à estre fideles; pour maintenir l'hon­neur que nostre nation a acquis par dessus toutes les autres, d'ay­mer ses Souverains, qu'elle ne reçoit que de Dieu. La seconde qualité ne peut estre conservée, qu'en obeïssant aux Ordon­nances, & suivant l'exemple de nostre Legislateur, qui nous a commandé d'estre subjects aux puissances temporelles, qui est mort en acquie [...]çant à leurs arrests, & veut que la religion no [...]s lie plus estroitement avec nos Superieurs. Leurs conseils sont appellez dans son livre, des sacremens, & des mysteres; pour monstrer, qu'il n'appartient qu'à ceux qui ont droict d'entrér dans le sanctuaire de les penetrer: nous qui sommes dehors les devons reuerer, & les estimer justes; parce qu'ils viennent d'une authorité legitime. Les esprits broüillons, qui taschent de nous persuader le contraire, ne manqueront jamais de pretexte; pour engager les foibles dans un mauvais party, Ils chercheront des [Page 18] raisons apparentes, & les debiteront dans des écrits agencez, & polis, mais ces tissus d'araignées venimeuses ne prendront que des mouches. Ces hommes inquiets, & defireux de choses nouvelles, nous proposent les passées, & les presentes, pour nous dérober la prevoyance des futures: en disant qu'ils nous veulent soulager; ils ont dessein d'appliquer à leur luxe, ce qu'ils taschent de rauir à la magnificence de nostre Roy, & aux commoditez de ceux, qui viuent à leur aise. Ils nous propo­sent la liberté; mais ce nom specieux n'est employé, que pour déguiser une servitude cruelle; personne n'ayant iamais assuiety les simples, qu'en leur promettant la franchise. Quand il fau­droit estre mal traicté, il seroit plus juste, & plus tolerable de souffrir quelque petit coup de la main qui est sur nos testes; que d'estre foulez par les pieds des usurpateurs de son authorité. Ie diray d'avantage, qu'au cas qu'un pernicieux conseil en­gageast le Prince dans des affaires fascheuses, qui le porteroient é imposer des sommes extraordinaires, & le contraindroient à les exiger avec quelque rigueur; il faudroit souffrir ces surchar­ges pour un temps, comme on endure la sterilité d'une année, ou des neiges ou des chaleurs excessives, & les autres maux que la nature produit quelquefois: sur tout lors qu'un murmure éclattant, ou une opposition par la force peuvent non seulement donner de la ioye; mais acquerir quelque advantage aux enne­mis de l'Estat. Il est aussi necessaire de considerer; que la mau­vaise intelligence parmy nous, pourroit apporter un tel dégoust aux amis & confederez, qu'il seroient capables de se détacher de l'allaince d'un pays, qu'ils verroient tomber dans l'impuis­sance de leur continuer ses assistances & secours. Il est vray, que nos divisions ont uny nos adversaries, & des-uny nos alliez: Les uns & les autres ont veu, que dans la fureur qui nous fait battre entre nous, nous prenons le chemin pour estre tous surmontez, & qu'estans méchans à nous mesmes, nous ne pouvons estre bons à nos amis, ny formidables à nos ennemis. Dirons nous aussi; que dépoüiller, chasser & tuer nos freres, & nos voisins, soit une reformation? Que mettre la desolation par tout, solt [Page 19] un moyen pour acheminer la consolation, que nous cherchons? & que violenter les hommes, soit procurer leur repos? Obli­ger le Roy à retirer ses troupes des pays estrangers; pour les faire entrer dans les siens; est à mon advis epargner le sang des Espagnols, pour faire répandre celuy des François; & conser­ver les terres, qui nourrissoient nos armées; pour les appeller au dégast des nostres? N'est-ce pas une chose horrible; que ces mesmes soldats que nous tenions assiegez dans leurs garnisons, soient inuitez & conduits par des François; pour s'emparer des Villes de France? Certes il faut confesser, que les interests & les passions qui ont fait prendre ces resolutions, ont empesché qu'on n'aye écouté le sens commun, qui ne se laissera iamais persuader; qu'on puisse contraindre par la force un grand Roy, à tirer de prison un Prince du sang; afin qu'il aye l'obligation de sa liberté aux Espagnols, & soit tant qu'il viura le chef d'une faction, qui demeureroit tousiours formée pour luy dans le Roy­aume. Nous laissons aussi à penser; sise faire craindre à son mai­stre n'a pas esté seur, si le voulier violenter le sera d'avantage?

Concluons donc; que les Princes, Officiers de la Couronne, Seigneurs, Gentilshommes, & Soldats, ne seront ny genereux, ny sages, s'ils se jettent dans des conspirations contre le Roy, en faveur des rebelles, & des anciens ennemis de la France: s'il est question de combattre, il faut que ce soit avec nostre Prince; pour vaincre avec honneur, & recomponse. Quand nous se­rions si malheureux d'estre vaincus; nous aurions meilleure re­putation, & plus de consolation, que de vaincre avec les Espa­gnols; puisque c'est une gloire de mourir pour son Souverain. Ie nôtre est dans un aage, où il est dangereux de luy donner des mauvaises opinions, qui iront croissant avec ses années: il n'est plus enfant, & son bon esprit remarque les services, & déservices qu'on luy rend. Ceux qui le font monter à cheval, le fatiguent, luy dérobent le temps de ses exercices; ménagent mal sa santé, son instruction, ses bonnes graces; & jettent dans sa memoire des impressions qui ne leur peuvent estre favorables: comme au contraire, ceux qui le suiuront, se doiuent asseurer, qu'il ne [Page 20] perdra jamais la souuenance de leurs belles actions, Quand l'e­sperance des bien-faits, qui ne conduit iamais les ames vraye­ment courageuses, ne se presenteroit pas; la Iustice ne peut preferer les amitiez particulieres au devoir general; ny la sagesse témoigner aux bons offices receus d'un Prince, la re­cognoissance qu'on doit à la vraye source des graces; & c'est une impieté, pour une obligation singuliere de mépriser l'uni­verselle, qui vient de la naissance, du serment; & pour les Sei­gneurs & Officiers, des fiefs, & des charges, qu'ils tiennent de la Royauté.

Ces considerations fermeront nos oreilles, & nos yeux aux voix & aux écrits des corrompus, des passionnez & des igno­rans, qui interpretent mal les intentions, & conteroolent tou­tes les resolutions des Conseils du Roy: & qui pour prendre le contre pied de la Cour, ont blasmé & décrié les Princes, lors qu'ils estoient en credit; & les excusent & defendent, lors qu'ils sont en disgrace. Ces petits, legers & malins esprits, voudroient establir dans le ministere leurs amis, desquels ils seroient aussi­tost ennemis; s'ils ne s'accommodoient à leur fole fantasie. Achevons en asseurant; que le plus honorable, la plus seur, & le plus utile, est d'estre avec nostre Roy: Demeurons-là; si nous cherchons le vray honneur; si nous aymons nostre paix inte­rieure; si nous voulons conserver celle du Royaume, & auoir bien-tost l'estrangere, qu'on ne fera iamais par force.

ADVIS PARTICVLIER A L'AVTHEVR DE L'ADVIS AUX PARISIENS.

CEt Advocat est un prevaricateur en la cause qu'il plaide; lors que pour monstrer l'innocence de Monsieur le Prince, il advance; Que s'il eust voulu, il estoit en son pouvoir d'enuahir le Royaume, & d'oster la regence à la Reyne. Jugez sages lecteurs & bons François: si cé discours rend injuste la detention de Monsieur le Prince, & s'il advance sa liberté. Si un Roy n'a pas droict de l'oster, & s'il seroit bien conseillé de la rendre à celuy qu'il croiroit auoir la puissance de luy rauir sa Couronne quand il voudroit. Si une Mere seroit prudente, en se mettant en danger [Page 22] d'estre privée de l'education de son Fils Roy, par ceux qui ne le sçauroient dé­trôner sans le faire perir; Et si Monsei­gneur le Duc d'Aniou, & Monseigneur le Duc d'Orleans, ne sont pas advertis par ce beau donneur d'avis, de prendre garde à eux. Je ne dis rien de cent transports de folie semblables â celuy que i'ay remar­qué, tous prejudiciablés à Monsieur le Prince, auquel on ne peut rendre un plus grand service, que de ne rien écrire, & de ne rien entreprendre pour sa delivrance.

FINIS.

This keyboarded and encoded edition of the work described above is co-owned by the institutions providing financial support to the Text Creation Partnership. Searching, reading, printing, or downloading EEBO-TCP texts is reserved for the authorized users of these project partner institutions. Permission must be granted for subsequent distribution, in print or electronically, of this EEBO-TCP Phase II text, in whole or in part.