LETTRE DE M r. De Veil, Docteur en Theolog [...] & Ministre du Saint Evangile, A Monsieur BOISLE, De la SOCIETE ROYALLE des Scien [...] à LONDRES. Pour prouver contre l'Autheur d'un Livre nouv [...] INTITULE', Critique du Vieux Testament, QUE La seule Ecriture est la Regle de la [...]

A LONDRES, Imprimé par M. Clark, 1678.

Imprimatur.

Guil. Jane R. P. D. Hen. Episc. Lond. à Sacris Domest.
Monsieur,

J'Ay entre les mains depuis peu un livre plein d'erudition, qui est intitulé Critique du vieux Testament, du quel on croit Autheur le Pere Simon Prêtre de l'Oratoire de Paris. Il pretend prouver en cet ouvrage, Qu'on ne peut presque rien assurer de certain dans la Religion, si l'on ne joint la tradition avec l'Ecri­ture pour decider les questions de la foy. Il y a sans doute de l'ignorance, dit cet Autheur en sa Preface, ou de la preoccupation dans l'esprit des Protestants qui pre­tendent que l'Ecriture est claire d'elle meme. Cependant, Monsieur, il n'y a rien de plus constant en tout ce que l'on peut appeller tradition que ce principe des Pro­testants. St. Chrysostome dans son homelie troisiême du Lazare remarque apres Origene cette difference entre les Philosophes & les Autheurs de l'Ecriture, que les Philosophes sont obscurs, au lieu que les Apôtres & les Prophetes étant les maitres communs de l'univers ont écrit d'une maniere si claire, que chacun se peut instruire de leur doctrine par la seule lecture. Et dans la même homelie ce Docteur soutient que l'ignorance des Ecritures sacrées est la source de la morale corrompüe aussi bien que de toutes les Heresies. St. Augustin dans le second livre de la Doctrine Chretienne, Chap. 9. dit, In üs quae apertè in Scripturâ posita sunt inveniuntur illa omnia, [Page 2]quae continent fidem morésque vivendi. C'est ce que le scavant Gerson Chancelier de l'Universitè de Paris exprime en ces termes, sensus litteralis Scripturae satis expressus est in iis quae sunt necessaria ad salutem. C'est pourquoy l'Eglise Anglicane fit ce Canon avec beaucoup de raison dans les Synodes de Londres en 1552. & 1562, Scriptura Sacra continet omnia quae sunt ad salutem necessaria; Ita ut quidquid in eâ nec legitur, neque inde probari potest, licèt interdum à fidelibus ut pium & conducibile ad ordinem & decorem admittatur, non sit tamen à quoquam exigendum, ut tamquam articulus fidei credatur, aut ad salutis necessita­tem requiri putetur. Le Pere Simon rapporte de mau­vaise foy la pensée de St. Augustin dans le Chap. 7. du 3. livre de sa Critique. Ce St. Docteur suppose, dit il, que l'Ecriture est obscure & difficile à entendre. Il ajoûte cependant, que pour l'ordinairé, ce qui est ob­scur en un endroit se trouve plus nettement expliqué en un autre, & que ce qui regardé la creance & les moeurs est exprimé beaucoup plus clairement dans la Bible, que tout le reste. A lire la pensée de St. Augustin dans le livre du Pere Simon, il semble que ce St. Docteur assure seule­ment que pour l'ordinaire l'Ecriture est claire en ce qui regarde la creance & les moeurs, & même plus claire qu'en tout le reste; mais S. Augustin dit plus dans les paroles citées: Car il dit qu'absolument tout ce que nous devons croire & faire, se trouve clairement dans l'ecriture, & partant selon le Pere Simon, il y a sans doute ou de l'ignorance ou de la preoccupation dans l'esprit de St. Augustin, aussi bien que dans l'esprit de St. Chrysostome, de Gerson, & generalement dans tous les Esprits de l'antiquité qui ont été persuadez avec [...]om. 1. Jerem. Origene, qu'aucun sentiment n'est digne de foy s'il n'est prouvé par l'Ecriture; & aucune in­terpretation [Page 3]de la même Ecriture ne doit etre admisé, à moins qu'elle ne soit confirmée & appuyée sur des passages du Vieux & du Nouveau Testament; c'est pour cette raison que dans le decret de Gratien distinct. 27 au Chap. qui commence par ce mot Rela­tum, il est expressément ordonné de decider toutes les controverses par l'Ecriture, & d'expliquer les passages obscurs qui s'y rencontrent par les mêmes Ecritures, ex ipsis Scripturis. Mais c'est assez vous en­tretenir, Monsieur, du sentiment du Pere Simon touchant l'insuffisance de l'Ecriture pour s'instruire de la Religion: je passe aux trois preuves dont il se sert pour établir son opinion.

La premiere est prise des grands changements qui sont survenus tant au texte originaire, qu'aux ver­sions de l'Ecriture. Cette preuve peut avoir quelque force sur un athée, ou sur un payen; mais non pas sur un Chretien, qui sçait, que non obstant les Change­ments arrivez à l'Ecriture, Iesus Christ, les Apotres, & les Peres de l'Eglise ont toujours prouvé la verité de leur Doctrine par l'Ecriture. Pour ce qui regarde les Peres, je le feray voir amplement dans ma ré­ponse à la 3. preuve du Pere Simon, quoyque ce que j'en ay déja rapporté puisse suffire. A l'egard de Iesus Christ, & ses Apotres le Pere Simon dit, qu'ils ont accommodé les témoignages qu'ils citoient du vieux Te­stament aux explications receués & authorisees par la tradition. Mais c'est un faux prejugé de ce Pere, du quel on peut dire avec raison ces paroles de St. Je­rome, Hoc de Scripturis authoritatem non habet, ideo eâ facilitate contemnitur quâ probatur. Iesus reprend les traditions, & le Pere Simon nous veut faire croire qu'il établit sa doctrine par la tradition, & qu'il ne se sert de la parole de Dieu que selon les prejugez de [Page 4]la tradition. C'étoit une tradition parmi les Juifs fondée sur un passage du Prophete Malachie mal en­tendu qu'Elie devoit preceder par sa predication l'arrivée du Messie, & l'Evangile nous apprend que la tradition expliquoit mal le Prophete Malachie, qui ne pretendoit pas parler de la personne du Prophete Elie, mais de Jean Baptiste qui devoit preceder Iesus Christ, in spiritu & virtute Eliae. Il est evident par le chap. 5. de St. Matth. que les Juifs expliquant l'Ecri­ture par le prejugé de la tradition avoient une mo­rale tres defectueuse; Mais Iesus Christ, qui n'étoit pas venu pour détruire la Loy & les Prophetes, mais pour les accomplir, rejette les fausses expositions don­nées à la loy par les Juifs suivant leurs traditions, & en decouvre le veritable sens conformément à d'au­tres passages du vieux Testament, qui contiennent en termes clairs les mêmes choses que Iesus Christ ordonne de faire à ses disciples pour surpasser la Ju­stice des Scribes & des Phariseens, à fin de pouvoir entrer dans le Royaume des cieux. Le prejugé de la tradition faisoit que les Disciples de Iesus Christ douterent encore apres sa Resurrection, si c'étoit luy qui rachetteroit Israel, & Iesus Christ, pour les re­tirer de ce doute pernicieux, les appelle Insensez dont le coeur est pesant & tardif à croire tout ce que les Prophetes ont dit. Et pour les dégager entierement de cette fausse tradition, qui couroit parmi le peuple, comme le remarque Theophylacie dans son com­mentaire sur le Chap. 24. de St. Luc, commençant par Moyse & continuant par tous les Prophetes, il leur explique tout ce qui avoit étè dit de luy dans toutes les Ecritures, ainsi que le rapporte St. Luc dans le dernier chap. de son Evangile. Jamais Christ ne renvoye aux traditions pour s'instruire, des veritez [Page 5]necessaires à salut, mais toujours à l'Ecriture. Si vous croyïez Moyse, dit il aux Juifs dans St. Jean Chap. 6. Vous me croiriéz aussy, par ce que c'est de moy qu'il a écrit, Que si vous ne Croyez pas ce qu'il a êcrit, comment croyriez vous ce que je vous dis? St. Paul dit expressement dans sa 2. à Timoth. Ch. 3. que les Sainctes Lettres peuvent nous instruire pour le salut par la foy qui est en Iesus Christ. Et pour expliquer cette verité plus amplement, il ajoute, Toute Ecriture qui est inspirée de Dieu est utile pour instruire, pour reprendre, pour corriger, & pour conduire à la Pietè, & à la Justice; afin que l'homme de Dieu soit parfait, & parfaitement dispose à toute sorte de bonnes oeuvres. C'est ce que les PP. du Concile de Francfort expriment en ces termes dans le capitulaire de Charles-Magne, Liv. 2. Chap. 30. Est planè divina Scriptura verax, est fixa, est casta, est coelestis Magisterii instrumentum, & aeterna praedicatio purissimo nitens eloquio, est lux mortalium, dicente Propheta, Lucerna pedibus meis verbum tuum Domine, & lumen semitis meis. Est vivax & mori ne­sciens, dicente Apostolo, Vivus est Sermo Dei & efficax, & penetrabilior omni gladio ancipiti, & pertingens usque ad divisionem animae ac spiritus. Est tenebrarum dis­cussio, Salomone attestante qui ait; Lucerna est man­datum Legis & lux vitae, & increpatio, & disciplina: De quo per Esaiam dicitur, De nocte spiritus meus vigi­lat ad te Deus, quia lux praecepta tua sunt super terram. Et comme la sainte Ecriture possede ces avantages, non pas a raison des mots, mais à cause des veritez qu'elle contient, Iesus Christ, & ses Apotres ont eü raison de s'attacher dans leurs citations plus au veri­table sans qu'aux simples paroles des Sainctes Lettres. De plus pour nous apprendre que tout ce qui s'est passé sous la loy de nature & de Moyses êtoit la figure [Page 6]& l'ombre de ce qui se devoit passer sous l'Evangile, Iesus Christ, & ses Apotres nous donnent fort souvent le sens allegorique des passages qu'ils citent du vieux Testament.

La 2. raison du Pere Simon, qu'il appelle, une Preuve bien evidente, pour demontrer que l'Ecriture ne suffit pas pour decider les controverses en matiere de Religion, se prend de ce que les Sociniens sont d'accord avec les Protestants que le seul & veritable principe de la Religion est l'Ecriture Saincte, & que cependant ils en tirent des conclusions bien diffe­rentes. Si le Pere Simon disoit, Les Sociniens & les Protestants different dans les conclusions qu'ils ti­rent des Ecritures, donc les uns ou les autres sont dans l'erreur, parce qu'ils ne comprennent pas les Ecritures, le raisonnement seroit juste; mais je ne vois pas par quelle Logique il tire de là que l'Ecri­ture ne suffit pas pour decider les controverses; puis qu'il est manifeste que les Sociniens se conduisent par prejugez dans l'explication de l'Ecriture, comme parle le P. Simon dans sa Critique du vieux Testament, Liv. 3. Chap. 16. & partant si les Sociniens tirent des con­clusions tout opposées aux Protestants de la même Ecriture, ce n'est pas l'obscurité de l'Ecriture qui en est cause, mais ce sont les prejugez des Sociniens, qui font qu'ils abusent de l'Ecriture, pour favoriser le systeme de Religion qu'ils ont inventé indepen­dement de l'Ecriture. Le Diable abuse de l'Ecriture pour tenter Iesus Christ, & Iesus Christ luy resiste en usant bien de l'Ecriture, falsas de Scripturis Dia­boli sagittas veris Scripturarum frangit clypeis, dit St. Jerome, & c'est ce que les Protestants font tous les jours dans leurs controverses avec les Sociniens, [Page 7]& c'est ce que l'on doit faire generalement en toute controverse des matieres de Religion; & si l'on cite dans ces disputes les Peres des premiers siecles, ce ne doit estre que pour montrer à l'oëil que les gens qui étudioient l'Ecriture pour y apprendre ce que Dieu veut que nous croyions & fassions pour étre sauvé, en tiroient les mêmes dogmes que nous autres Orthodoxes, lors qu'ils n'avoient point de voile devant les yeux, qui les empéchast de voire le jour & la lumiere de la parole de Dieu, dans ses Ecritures, c'est à dire, lors qu'ils n'avoient point de systeme de Religion independant de l'Ecriture. Les Phari­seéns concluoient faussement de ceque l'Ecriture dit qu'un homme peut quitter sa femme en luy donnant un écrit, par lequel il declare qu'il la repudie, qu'il étoit permis à un homme de quitter sa femme pour quel­que cause que ce soit; mais Iesus Christ, les con­vainc d'erreur, non pas par la tradition, mais par l'Ecriture, comme nous lisons dans le chap. 9. de St. Matth. Les Saduceéns qui rejettoient toutes les traditions pretendoient conclure de l'Ecriture qu'il n'y auroit point de Resurrection des morts, & Iesus Christ, ne leur dit pas qu'ils sont tombez dans cette erreur, parce qu'ils ne joignoient pas la tradition à l'Ecriture, parce qu'ils rejettoient toute tradition, mais il les refute par une conclusion tirée de l'Ecri­ture, & leur dit, Vous étes dans l'erreur, parce que vous ne comprenez pas les Ecritures, Erratis nescientes Scripturas. En effet St. Augustin remarque fort judici­eusement que les heretiques ne sont tels, que parce­qu'ils s'opiniatrent à donner un faux sens à l'Ecri­ture qu'ils ne comprennent pas, Lib. 7. de [...] gen. ad lit [...] Cap. 9. Omnes Haeretici Scripturas Catholicas legunt, nec ob aliud sunt Haeretici, nisi quod eas non recte intelligentes, suas falsas opiniones [Page 8]contra earum veritatem pervicaciter asserunt. Le même St. Docteur dans son traitté 18. sur l'Evangile de St. Jean, dit, Non natae sunt haereses & quaedam dogmata perversitatis illaqueantia animos, & in profundum praecipitantia, nisi cùm Scripturae bonae intelliguntur non bene, & quod in eis non bene intelligitur, etiam temerè & audacter asseritur. Chromatius, que St. Jerome appelle le plus St. & le plus scavant Eveque de son tems nous dit sur le vers. 15. du 5. Chap. de St. Mat. que l'Ecriture est claire, mais que les Juifs & les he­retiques taschent de nous en cacher la clarté par leurs perverses interpretations, perspicuam lucem prae­dicationis divinae pravis interpretationibus obtegere & occultare nituntur, pro fide perfidiam praedicando, & lumen veritatis erroris tenebris obvelando. De tout cecy on doit conclure que quand on dispute contre les Sociniens ou autres heretiques, pour les convertir, il faut suivre la methode de Iesus Christ, & les con­vaincre d'erreur par l'Ecriture même. Tout cequi ne se lit pas formellement dans l'Ecriture, ou ne s'en tire pas par une conclusion evidente, est sujet à l'erreur & par consequent ne peut étre la regle de notre creance. Les Disciples mêmes de Iesus Christ se trompoient dans le bruit qu'ils faisoient courir entre eux, que St. Jean ne mourroit pas, parceque ce bruit n'étoit fondé que sur une conclusion mal tirée de ce que Iesus Christ, avoit dit à St. Pierre par­lant de St. Jean, Si je veux qu'il demeure jusqu' à ce que je vienne, que t'importe? Il semble meme que l'Ecriture aye pris plaisir à nous marquer cela, pour nous apprendre que tout ce qui n'est pas bien ap­puyé sur son authorité en matiere de Religion, n'est pas digne de foy, Sine authoritate Scripturarum garrulitas non habet fidem, dit St. Jerome. Tous les [Page 9]Peres des premiers siecles nous apprennent cette verité, dans toutes les disputes qu'ils ont eües avec les Heretiques de leur tems. Car, comme le remarque le scavant Prelat d'Ipre Jansenius dans son livre intitulé Augustinus, Tom. 2: lib. Proem. c. 5. ils formoient tellement leurs sentiments sur l'Ecriture Saincte qu'ils s'exprimoient presque dans les mémes termes. In antiquis patribus, dit il, eorúmque disputationibus duo sunt consideranda magno­perè; primùm, quòd ex principiis verbi Dei sensus suos, & ferè verba promerent; Secundum, quod religiosè intra terminos oppugnatae ab errore veritatis, sine ullae super­fluarum, multò minùs curiosarum, frivolarum, atque inutilium quaestionum intermixtione remanerent. Comme donc l'Ecriture est la seule voye que nous ayons pour decider les questions de religion, Panormitanus à eu raison de dire qu'il faut plustot croire à un laïque qui s'authorise par l'Ecriture, qu'au Pape & à tout un Concile qui n'en est pas authorisé. Ma­gis credendum laico si Scripturas adferat, quam Papae & toti Concilio si absque Scripturis agant. St. Epiphane qui nous à fait un catalogue de toutes les heresies qui ont estè jusques à son tems, & qui remarque l'abus que les autheurs de ces heresies ont fait de l'Ecriture Saincte pour etablir leurs erreurs, n'attri­buë pas cela à l'obscurité de l'Ecriture; Mais à ce que ces heretiques ne se sont pas attachéz à l'Ecriture dans un esprit de pieté; Car c'est un principe constant, dit ce Saint, que toutes les veritez salu­taires se trouvent clairement dans l'Ecriture par ceux qui les lisent avec jugement & avec un esprit de pieté, Haer. 76. [...]. St. Augustin disputant contre Maximin Eveque Arrien, êtablit pour principe, qu'il faut s'arrêter à la seule [Page 10]authorité de l'Ecriture Non ego Nicoenum Concilium tibi, [...]ib. 3. con­ [...]ra Max. nec tu mihi Ariminense, tamquam praejudicaturus proferas: nec ego hujus authoritate, nec tie illius detine­ris. Scripturarum authoritatibus, non quorumlibet pro­priis, sed utriusque communibus testibus, res cum re, ratio cum ratione decertet. Il dit au même endroit que le Concile de Nicée ne s'est appuyé que sur l'Ecriture. En effet il seroit inutile de placer la Bible au milieu des Conciles, si ce n'êtoit pour les avertir, que leurs decisions ne seront pas dignes de foy, à moins qu'elles ne soient appuyées sur l'autorité de l'Ecriture. C'est ce qu'a dit admirablement bien St. Optat de Mileve dans son livre 5. Contre Parmenien, Quaerendi sunt Judices — in terris de hac re nullum poterit reperiri ju­dicium, de coelo quaerendus est Judex. Sed ut quid pul­samus ad coelum, cum habeamus hîc in Evangelio Te­stamentum? Terrenus pater cùm se in confinio senserit mortis, timens ne post mortem suam ruptâ pace liti­gent fratres, adhibitis testibus voluntatem suam de pecto­re morituro transfert in tabulas diu duraturas. Et si fue­rit inter fratres contentio nata, non itur ad tumulum, sed quaeritur testamentum. Luc. 16. En fin de meme que l'Evan­gile nous assure que ceux qui a yant Moyse & les Pro­phetes ne vivent pas conformement à leur doctrine, ne se convertiroient pas par les exhortations des morts qui reviendroient, ainsi ceux qui ne sont pas instruits & persuadez des veritez salutaires par l'Ecriture saincte, la tradition ne les persuadera Jamais. Le Pere Simon ne peut pas revoquer cela en doute, puis qu'il dit lui même dans le chap. 10. du 1. livre de sa Critique, qu'il arrive souvent que les hommes étant les depositaires des traditions, y melent ce qu'ils ont inventé, & il est alors difficile de distinguer les veritables tradi­tions d'avec les fausses.

La 3. Preuve que je erouve dans la Critique du Pere Simon pour montrer l'insuffisance de l'Ecriture pour decider les controverses de Religion, est, qu'il y à eu de tout tems dans l'Eglise comme un abregé de la Religion independament de l'Ecriture. Il prétend même que c'est par rapport à cet abregé, que les Peres ont expliquè l'Ecriture, & que les Conciles ont decidé les controverses de leur tems. Je ne doute point que dans tous les siecles on n'ait fait des Catechismes pour l'instruction des enfans & des moins habiles; ou des abregez de la Religion; mais je nie qu'on ait fait ces abregéz indépendament de l'Ecriture, & je soutiens contre le Pere Simon que les Eueques qui gouvernoient l'Eglise auoient soin de ramasser en un abregè les sen­tences les plus claires de l'Ecriture, & les plus necessai­res pour instruire les fideles des veritéz salutaires, & les Peres & les Conciles ont eu raison en suite de decider les controverses par rapport à ces abregez, puis qu'âgir de la sorte, c'est expliquer les passages obscurs par ceux qui sont claires, comme le bon sens le veut. Tous les passages qui j'ay déia citez prouvent manife­stement ce que j'avance, & même, si l'on en croit les autheurs qui ont traitté des Offices Eclesiasti­ques, les leçons de l'Ecriture que l'Eglise Romaine lit encore aujourd'huy les veilles de Pâques & de la Pentecôte, ne sont autre chose que les instructions & le Catechisme que l'on faisoit aux Catechumenes que l'on baptisoit ces jours la. Le plus ancion abregé de Religion, qui nous reste de l'antiquité est le Symbole que l'on dit avoir été compose par les Apotres; Mais cet abregé n'est pas independant de l'Ecriture, car comme dit St. Aug. liv. 1. Du Symbole aux Catechumenes, Chap. 1. Ista verba, quae audistis, per divinas Scripturas sparsa sunt, sed [Page 12]inde collecta, & ad unum redacta ne tardorum hominum memoria laboraret, ut omnis homo possit dicere, possit te­nere quod credit. Et Rabanus Maurus parlant du meme Symbole dans le Chap. 56. de son second livre de l'institution des Clercs dit, In quo quidem paucae sunt verba, sed omnia continentur Sacramenta, de totis enim Scripturis haec breviatim collecta sunt ab Apostolis, ut, quoniam plures credentium litteras ne­sciunt, vel qui sciunt, praeoccupatione seculi legere non possunt, haec corde retinentes, habeant sufficientem sibi scientiam salutarem. L'eglise Anglicane parlant de cet abregé, aussi bien que de ceux que l'on appelle Symboles de Nicée & de St. Athanase dit dans les Synodes de Londre en 1552. 1562. Symbola tria, Nicenum, Athanasii, & quod vulgò Apostolorum appella­tur, omninò recipienda sunt & credenda; nam firmissi­mis Scripturarum testimoniis probari possunt. St. Cyprien n'a assurément Jamais reconnu d'abregé de la Re­ligion indépendament de l'Ecriture, puis que dans son espitre à Pompeïus il demande qu'on luy fasse voir dans l'Ecriture qu'on ne doive pas rebaptiser les heretiques pour le persuader que ce soit une tra­dition Apostolique. Si aut in Evangelio praecipitur, aut in Apostolorum Epistolis, aut Actiibus continetur, ut à qua­cumque haeresi venientes non baptizentur, sed tantùm manus illis imponantur in poenitentiam: observetur di­vina haec & sancta traditio: Cet abregé etoit inconnu à Tertullien qui dit en disputant contre Hermogene Chap. 22. Adoro Scripturae plenitudinem — Scriptum esse doceat Hermogenis officina. Si non est Scriptum, ti­meat illud, Vae adjicientibus aut detrabentibus destinatum. Le même dans son livre de la Chair de Christ, Chap. 7. disputant contre Apelles, il n'a point recours aux pretendus abregéz du Pere Simon, mais [Page 13]il dit à cet heresiarque, Non recipio quod extra Scrip­turam de tuo infers. Cet abregé etoit inconnu à St. Augustin qui dans son livre de l'unité de l'eglise, l. 12 contre l'epitre de Petilien, Chap. 11. dit, Quisquis aliud Evangelizaverit, anathema sit, & Chap. 12. Aut legat mihi hoc in Scripturis, & non sit anathema, & dans le meme Chapitre, Si autem non ea de Scripturis sanctis legunt, sed suis contentionibus persuadere conantur, credo illa quae in Scripturis sanctis leguntur, non credo ista quae ab haereticis vanis dicuntur. Le meme St. Docteur dans le 2. livre de Nupt. & Concup. Chap. 33. dit, Ista controversia judicem quaerit, judicet ergo Christus, & cui rei mors ejus pro­fuerit ipse dicat — judicet cum illo & Apostolus, quia in Apostolo ipse loquitur Christus. Dans son livre de la grace & du lib. arb. Chap. 18. Sedeat inter nos Judex Apostolus Joannes. Et dans le second Livre contre Cresconius, Chap. 32. Litteras Cypriani non ut Cano­nicas habeo, sed eas ex Canonicis considero, & quod in eis divinarum Scripturarum autoritati congruit, cum laude ejus accipio; quod autem non congruit, cum pace ejus respuo. En fin cét abregé a été inconnu aux Conciles, puis qu'on y plaçoit les Ecritures au milieu pour de regle aux decisions, ce qui n'auroit [...] de rien servi [...]s 'il y avoit eu de tout tems dans l'Eglise un abregé de la Religion independament de l'Ecri­ture. Il ne sert de rien au pere Simon pour autho­riser son pretendu abregé de dire que les Apôtres ont preché l'Evangile auparavant que de l'écrire, & que du tems de S. Irenée, il y avoit encore plusieurs eglises qui croyoient à l'Evangile par tradition sans l'avoir par écrit; Car il est certain que quand on dit que l'Ecriture contient clairement tout ce qui est ne­cessaire à salut, nous n'opposons pas les veritéz [Page 14]couchées sur le papier dans l'Ecriture aux memes veritéz prononcées par la langue des predicateurs. Nous sçavons que les Prophetes & les Apotres de­voient etre crú lors qu'ils prechoient les veritéz que le Saint Esprit leur inspiroit, aussi bien que lors qu'ils les ont reduïtes par écrit; mais nous disons seulement que les Apotres & les Prophetes ont reduit les memes veritéz, qu'ils prechoient par écrit d'une maniere, que pour regler notre foy, nous n'avons besoin, que de recourir à leurs écrits: C'est ce que dit St. Irenée dans son 3. livre contre les heresies, Chap. 1. Non enim per alios dispositionem salutis nostrae cognovimus, quam per eos, per quos evangelium perve­nit ad nos, quod quidem tunc praeconiaverunt; posteà verò per Dei voluntatem in Scripturis nobis tradiderunt fundamentum & columnam fidei nostrae futurum. Si le Pere Simon nous demande quelle assurance nous pou­vons avoir, que les veritéz salutaires n'aient point été alterées dans l'Ecriture sainte, nous luy pouvons repondre que la tradition, ou la predication de l'Eglise dans tous les siecles a eté l'instrument, dont Dieu s'est servi pour nos faire connoitre que l'Ecri­ture est la parole de Dieu, & qu'elle n'a jamais eté alterée d'une telle maniere, qu'elle ne contienne toújours tres clairement ce que nous devons croire & ce que nous devons faire pour étre sauvés. [...]des ex [...]ditu. [...]m. 10. Mais que c'est Dieu qui nous a persuadé interieurement de la verité de cette Predication; & cette reponse est tres veritable, puis que la foy est un don de Dieu, & tres conforme à ce que dit St. Augustin parlant à Dieu dans le Chap. 5. du 6. Livre de ses Confessions: Persuasisti mihi, non qui crederent libris tuis, sed qui non crederent, esse culpandos: Nec audiendos esse si qui fortè dicerent, unde scis illos unius veri & vera­cissimi [Page 15]Dei Spiritu esse humano generi ministratos. Il ne me reste plus, Monsieur, pour finir qu' a vous prier de remercier Dieu pour moy de m'avoir donnè par sa misericorde ce precieux don de la foy, & de m'avoir persuadé de renoncer aux traditions heterodoxes, & superstitieuses nouveautes de l'Eglise Romaine, pour embrasser une communion Orthodoxe, qu [...] regle sa foy par la seule Ecriture divinement inspirée, non taliter fecit omni Nationi, & de prier ce meme Dieu de me continuer ses graces, afin de perseverer dans la pureté de cette foy, & de mener une vie con­forme à cette croyance. Je suis

Monsieur, Votre tres humble & tres obeissant Serviteur, DE VEIL, Prétre de l'Eglise Anglicane.

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