LA LETTRE DES ESTATS GENERAƲX DES Provinces Ʋnies des Pais Bas, ENVOYEE A SA Majeste le Roy DE LA GRANDE BRETAGNE, Par un Trompette: AVEC LA RESPONSE DE SA MAJESTE A ladite LETTRE

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‘HONI SOIT QVI MAL Y PENSE’ ‘DIEV ET MON DROIT’

A LONDRES, De l'Imprimeris des Assignés de Jean Bill et Christophle Barker, Imprimeurs de Sa Majesté. 1673.

LA LETTRE DES ESTATS GENERAUX DES Provinces Ʋnies des Pais Bas, Envoyée a Sa MAJESTE LeROY de la Grande Bretagne, &c. Par un Trompette.

SIRE,

COmme nous n'avons jamais rien eu plus à coeur que de meriter la bienveuillance de vostre Majesté, et 'de cul­tiver une Amitié qui avoit esté autresfois hereditaire entre le Royaume de Vostre Majesté et cette Republique; nostre douleur a esté extreme lors que nous avons veu Vo­stre Majesté dans des sentiments d'aigreur contre nous, et que par les artifices de per­sonnes mal-intentionnées, Vos Sujets et les Nostres ont esté accablés des miseres qui sont inseparables de la Guerre, et se sont veus reduits à répandre un sang qui avoit tousjours esté cher aux uns et aux autres. La triste experience que nous en avions faite de part et d'autre dans la Guerre precedente, nous avolt fait crolre en mesme temps, qu'apres nous estre rëunis, la Paix estoit [...]n bien qu'on ne pourroit plus nous ravir. Et nous en estions d'autant plus persuadez, que les Nouvelles Alliances auxquelles nous esti­ons entrez, sembloient devoir rendre nostre Union eternelle: Mais comme [Page 4]pour le chastiment des deux Nations, la Providence Divine a permis que les choses ne demeurassent pas long temps dans cet Estat heureux, nous ne nous apperceusmes pas plustost de la mésintelligence qui com­men çoit à naistre, que nous nous creusmes obligez de faire tous les efforts imaginables pour en arrester le cours, et he rien oublier de tout ce qui pourroit contribuer à prevenir un aussy grand mal qu'estóit celuy d'une Rupture. Dans cette veüe, sur ce qu'on nous asseura que Vostre Majesté s'estoit offensée d'une Medaille, dont nous n'avions permis la vente, que parce qu'elle nous avoit paru tresinnocente, nous la supprimasmes d'abord, et mesme sismes rompre les coins de crainte qu'on n'en fist quelqu' une en secret; Et pour donner à Vostre Majesté des preuves plus essentielles de l'estime que nous faisions de son Amitié, nous luy accor­dasmes toutce qu'il luy pleut de nous demander en faveur des habitans de Surinam, quelque prejudiciable que la chose nous fust, et quelque rai­son que nous eussions d'ailleurs de n'y pas consentir. Nous Vous en­voyasmes en mesme temps le Sieur Van Beuningen asin d'effacer (s'il estoit possible) les finistres impressions qu'on travailloit à donner à Vostre Majesté, et pour mettre la derniere main à un Reglement que I Ambas­sadeur de Vostre Majesté avoit proposé entre Vostre Compagnie des Indes Orientales et la Nostre. Depuis cela, quoy que le peu de succés qu'avoit eu la Negotiation du dit Sieur Van Beuningen, ne nous donnast que trop de sujet de craindre que nous ne reüssirions pas mieux à l'avenir; Ce­pendant, d'abord que nous apprismes qu'on: vouloit persuader, Vostre Ma­jesté, autant contre la vraye semblance, que contre toute verité, que nous traittions sous-main avec la France au prejudice de Vos Interests, nous donnasmes ordre sans delay a l'Ambassadeur que nous avions auprés de Vostre Personne, de declarer à Vostre Majesté de nostre part, que pour faire voir la fâusseté des bruits qu'on faisoit courir à nostre dés­avantage, et pour luy donner des marques essentielles et incontestables de la sincerité de nos intentions, nous estions prests d'entrer avec Elle en telle Alliance qu'il Luy plairoit, pour estroitte qu'elle peust estre, et d'aller encore beaucoup au delà de tout ce que nous avions desja fait pour affer­mir le repos de l'Europe. L'affaire du Pavillon survint en suitte; en quoy nous croyons nous estre conduits avec tout le respect imaginable pour la personne de Vostre Majesté: Et quoy que la Response que nous sismes au Memoire de Son Ambassadeur soit telle que nous serons tous­jours prests de la soûmettre au jugement de toute l'Europe; cependant, sur ce qu'on se plaignit qu'elle estoit obscure et insuffisante, nous envoy­asmes à Vostre Majesté un Ambassadeur Extraordinaire, et donnasmes pouvoir à luy, et à nostre Ambassadeur Ordinaire, d'esclaircir ce qu'on trouveroit obscur, et d'adjouster ce qui seroit necessaire. Mais au lieu d'entrer avec eux en des Conferences reglées, et leur faire voir ce qu'il y avoit de defectueux en nostre Response, ils furent negligés, et on ne leur accorda la Conference sur le point qui auroit pû terminer tous nos differens, qu'une heure apres que la Declaration de Guerre de Vostre Majesté avoit esté lesie et approuvée dans Son Conseil.

Tout cela, SIRE, fait assez voir avec quelle application et avec quel zele nous avons travaillé à satisfaire Vostre Majesté, et esteindre dans sa naissance un feu, qui est sur le point de consumer toute la Chrestienté. Et comme nous ne sommes entrés dans cette Guerre, que par la necessité indispensa­ble de defendre et de proteger nos Sujets; nous avons continué depuis la Rupture à rechercher autant que nous avons pû l'Amit [...]é de vostre Majesté, et ne nous sommes jamais lassés de Luy faire des ouvertures de paix. Nous Luy envoyasmes pour cela au mois de Juin de l'Année precedente, nos De­putez Extraordinaires, qui furent confinez à Hampton Court, sans leur vou­loir donner d'Audiance, ni entendre ce qu'ils avoient a dire de nostre [Page 5]part. Un Ministre de l'Electeur de Brandenburgh passa aussy en Angle­terre pour le mesme Sujet, et s' estoit chargé, à nostre priere, de bien represen­ter à Vostre Majesté le desir ardent que nous avions de la voir dans d'autres sentimens, et la disposition où nous estions de faire tout ce qui seroit en nostre pouvoir pour acquerir de nouveau l'honneur de Sa bienveuillance. Depuis cela, sur la proposition qui fut faite par les Mediateurs d'une Tresve gene­rale, parce que selon nostre jugement nous ne pouvions pas y donner les mains sans hazarder le salut de nostre Estat, pour faire voir d'ailleurs à Vostre Majesté à quel point nous souhaittions de Luy donner toutes les marques po [...]bles de nostre respect, et a sin de procurer à ses Sujets tous les avantages qu'ils aurolent pû tirer d'une Tresve generale, nous en offrismes une par mer à Vostre Majesté, pour le terme d'un an, ou pour plus long temps, si Elle le trouvoit à propos; ne croyans pas alors dans l'Estat cù estoi­ent les choses, pouvoir donner de plus grande preuve de la passion ardente que nous avions d'applanir le chemin à une heureuse reconciliation, qu'en mettant tous les Sujets de vostre Majesté en estat de gouster toutes les dou­ceurs de la paix, cependant que les nostres auroient souffert toutes les incom­modités de la guerre. Les Ministres du Roy d'Espagne ont representé de temps en temps les mesmes choses à Vostre Majesté, et ont souvent reïteré leurs instances pour La porter à la Paix; Mais outre toutes ces avances, et les demarches que nous avons faites en public, nous nous sommes encore servis de moyens que nous avions jugés plus efficaces: Et Monsieur le Prince d'Orange, autant par son inclination propre, qu' à la priere que nous Luy en avons souvent reiterée, s' est servi de toutes les voyes imaginables pour nous faire redonner par vostre Majesté l'honneur de son Amitié, et Luy represen­ter l'avantage et la gloire qu' Elle pouvoit acquerir, en restablissant le repos de la Chrestienté, et en nous donnant la Paix que nous avions tant de fois et si ardemment desirée. Mais quoyque nous eussions tout sujet d'esperer, que les instances d'un Prince qui a l'honneur de Vous toucher de si prés, et dont le merite personel est si cogneu, l'emporteroient ensin sur ceux qui nous sont mal-affectionnés, et que d'ailleurs nous eussions de la peine à croire qu' apres que les interests de son Altesse et les nostres estoient deuenus com­muns, et n' avoient plus rien de separé, Vostre Majesté voulust continuer dans ses premiers sentimens, et essayer encores d'envelopper dans nostre ruine un des plus illustres Princes de son sang: Nous avons veu neanmoins avec beaucoup de douleur, que toutes ces raisons se sont treuvées esgallement foibles, et que vostre Majesté n' à pû estre portée par aucun motif à rien relascher de Sa premiere rigueur. Ainsy lors que nous attendions une response favorable à nos ouvertures, on nous a declaré à Cologne qu'il n'y avoit point de Paix à esperer, à moins que d'accorder non seulement à Vostre Majesté et au Roy tres Chrestien, mais aussy à l'Electeur de Cologne et à l'Evesque de Munster des conditions qu'on n'a jamais demandé à un Peuple libre, et qui peuvent si peu estre proposées comme des Articles de Paix, qu' elles ne scauroient estre que les suites d'une conqueste absolüe, la subversion de la Religion reformée, dont Vostre Majesté et les Rois Ses tres illustres Predeces­seurs ont esté le plus ferme appuy et les Defenseurs, et qui emportoient en mesme temps non seulement nostre ruine entiere, mais aussy celle des Pais Bas du Roy d'Espagne.

Cela nous a obliges de nostre costé, apres nous estre resolus à une deffence necessaire, de presser nos amis d'entrer avec nous dans une Alliance plus estroite; Et il a pleu à Dieu de benir tellement nos soins et les moyens dont nous nous sommes servis pour cela, que la tres Auguste Maison d'Austriche s' est declarée en nostre faveur, et le Serenissime Roy d'Espagne en particu­lier a conclu avec nous une Ligue Offensive et Defensive, en vertu de laquelle il a desja declaré la Guerre au Roy de France. Les choses estant dans cer estat, SIRE, Vostre Majesté croira sans peine que les suites en doivent estre [Page 6]plus grandes; mais avant que le mal soit sans remede, nous avons voulu faire un dernier effort, et Vous asseurer que quelque changement qui soit ar­rivé dans l'Europe, nostre deference et respect pour Vostre Majesté est tous­jours le mesme; Et que quelques considerables et quelques puissans que soient nos Alliés, nous n' en sommes pas moins disposés à donner à Vostre Majesté toute la satisfaction qu' Elle peut raisonnablement pretendre; et nous avons ce bonheur que nos Alliés sont dans les mesmes sentiments: Nous osons esperer que Vostre Majesté ne refusera pas à nostre priere et à leur intercessi­on ce que nous n'avons peu obtenir jusques à present; Et qu'elle ne vou­dra pas augmenter la desolation qui n' est desia que trop universelle.

Mais asin de ne rien oublier de ce qui peut y porter Vostre Majesté, nous La supplions de faire reflexion sur tout ce qui s' est passé depuis le commence­ment de la Guerre; Et de considerer en mesme temps qu'elle est devenue generale de particuliere qu'elle estoit. Lors que Vostre Majesté S'y est enga­gée nous estions les seuls Ennemis; presentement une grande partie de l'Eu­rope n'y est pas moins interessée que nous; Et Vostre Majesté ne peut con­tinuer une Guerre qui a deja esté si ruineuse, sans la declarer à ceux qui se sont unis avec nous, et sans hazarder le salut de toute la Chrestienté, si les Armes du Roy de France se trouvent victorieuses par le secours que Vous luy don­neriez. D' ailleurs Vostre Majesté ne sçauroit plus trouver mauvais que nous n' accordions ce qu' elle pourr [...]it nous demander pour la France, puis que par une necessité indispensable nous ne le pouvons plus faire sans con­cert de nos Alliés. Ainsy comme le Traitté general se trouve accompagné de beaucoup de difficultés, et que nous prevoyons que ce sera le moyen de con­tinuer cette malheureuse Guerre, que nous souhaitterions de finir prom­ptement, sur tout avec Vostre Majesié, nous nous estimerons bien heureux si quelques unes de ces considerations peuvent faire impression sur l'esprit de Vostre Majesté, et La disposer à rentrer dans les sentimens ou nous L' avons autrefois veüe avec joye, et ou en suitte de la reconciliation que nous nous promettons, nous ne doutons point qu' Elle ne continüe pour jamais.

Cependant nous prions Dieu, SIRE, De combler le Regne de Vostre Majesté de felicité, et benir Vostre personne Royale de santé et de tres longue vie.
De Vosbre MAJESTE Bien humbles Serviteurs, Les Estats Generaux des Provinces Unies Des Pais Bas. GASP. FAGEL. Par Ordonnance d'Iceux, H. FAGEL.

LA RESPONSE DE SA Majeste le Roy DE LA GRANDE BRETAGNE, &c. A LA LETTRE Precedente.

HAuts & Puissants Seigneurs, Quoy que la vostre du ½ 5/5 d'Octobre aye beau­coup plus d'un Manifeste que d'une Lettre, si l'on considere la presente conjoncture des affaires, la matiere qu'elle contient, & vostre maniere de Nous l'envoyer par un Trompette, dans un temps que vos 'Deputez à Cologne tenoient des Con­ferences frequentes avec les: Ambassadeurs qui y sont de Nostre part; et par consequent vous ne souhaittiez pas peut estre que l'on vous y fasse response; Cependant pour mettre Nostre honneur à couvert, &c pour de­tromper la partie du monde qui pourroit en estre abusée, Nous n'avons pas voulu laisser ladite Lettre sans une response precise à tous les poincts qu'elle contient (vous l'envoyant par la mesme personne qui Nous a ap­porté la vostre) à cause sur tout qu'il s'est pu faire, que par les grandes re­volutions qui sont survenues dans vos affaires, et par le changement de vos Ministres, vous mesmes ayez pu avoir pris pour vray ce que les gens malignes vous out si malicieusement insinué, afin de seduire au mesme temps vos Peuples et les Nostres.

Il ne faut pas de grands Argumens pour persuader au monde que l'on a dispersé ces années passées dans toutes vos Provinces quantité de Me­dailles, d'inscriptions & de Libelles, offensans extremement Nostre hon­neur et celuy de toute la Nation Angloise, puis que cela a esté si gene­ralement authorizé, que ny Nous ny personne n'a jamais sceu que vous en eussiez desavoüé la moindre chose, devant que vostre derniere Lettre Nous ait appris, qu'au mesme temps que l'on s'en plaignit icy a vostre Ambassa­deur, vous en fistes rompre les coins de peur qu'il ne s'en fist quelques antres en secret; et que vous ne Nous dites point encore, que vous ayez jamais fait chastier ny les autheurs ny ceux qui les ont dispersées.

Pour ce qui est de l'affaire de Surinam; Si vous pouviez persuader au monde, ou à Nos Peuples ce que vous dites dans cet Escrit, vous auriez surpassé vos Medailles, et seriez plus injurieux qu'elles, en Nous faisant coupables d'une chose dont Nous sommes aussy innocents, que vous estes esloignez d'estre creus, à ce que Nous esperons, dans vostre accusation. Vous dites que vous Nous aviez accordé tout ce que Nous vous avions demandé en fa­veur de Nos Sujets restans à Surinam. N'avons Nous pas toujours solli­cité pour les faire relascher, depuis que Nous vous avons remis la place entre les mains jusqu'au commencement de la guerre presente? Et n'en reste-t-il pas encore la plus grande partie sur les lieux? Est ce à Nostre pri­cre que vous les y tenez en estat d'esclavage? Y avons Nous envoyé Nos Vaisseaux seulement par pretexte, pour les soumettre plus entierement et d'une plus belle maniere à vostre Tyrannie? et non pas pour les en de­livrer? L'Officier que Nous y envoyasmes, nommé le Major Bannister, ne fut il pas à son arrivée mis aussy tost en lieu de seureté sans qu'on luy aye permis de parler à ses Compatriotes, ny de leur faire sçavoir le Soin que Nous prenions d'eux? N'a-t-il pas fait un Protest contre le Gouverneur, pour avoir rompu la Capitulation expressément en dixhuit chess? Et dites vous que tout cela s'est fait comme Nous l'avons souhaitté? Si vous aviez autant cheri le sang des deux Nations que Vous le dites dans vostre Papier, vous ne vous seriez pas si long temps opiniastrés à oppri­mer ceux de Nos Sujets que vous retenez dans cette Colonie. Et il pa­roist bien que si vous pouviez rejetter toute la faute de cecy sur Nostre Personne, vous le souhaittez pour le moins: Ainsy tout ce que Nous vous pouvons dire à ce que vous affirmez icy, Est, qu' à la verité vous Nous avez accordé de parole tout ce que Nous vous avons demandé, Et qu'en effet Nous n'avons jamais rien obtenu de vous.

Ce qui ensuivit, fut la pretendüe satisfaction que vous dites Nous avoir tousjours offerte sur ce qui regarde le Commerce de Nos Sujets dans les In­des Orientales. Il avoit esté solemnellement promis au Traitté de Breda, que l'on ajusteroit les choses avec des Commissaires que Vous deviez en­voyer icy dans un temps où l'on auroit plus de loisir à le faire. Cependant Vous sccedil;avez bien que Nostre Ambassadeur que nous envoyasmes apres ledit Traitte pour tenir sa residence auprés de vous, ne püt jamais rien obtenir sur ce sujet avecque toutes les instances qu'il vous fist là dessus, qui pûst con­tenter en aucune maniere Nostre Compagnie des dites Indes. Et le Sieur Van Beuningen mesme qui sembloit estre venu icy expressément pour cela n'a rien offert de plus pendant qu'il tenoit des Conferences avec Nos Commis­saires là dessus. Il est vray que l'Ambassadeur Boreel a monstré icy un Plein pouvoir qu'il avoit de vous, pour traitter et çonclurre une Ligne Offensive et Defensive avec nous; mais nous n'avous jamais pû accepter la Proposition, parce que les conditions n'en estoient pas assez equitables, et qu'au lieu de Nous donner satisfaction sur Nos plaintes, Il n' [...]a jamais voulu con­sentir que l'on en parlast: Tout son discours au contraire ne tendoit qu'à Nous persuader que les Estats Generaux Nous offroient cette Ligue comme une marque de leur Amitié, et pour nostre seureté seule; tesmoignant de [Page 9]l'indifference si elle fust acceptée ou refusée, et se vantant à tout moment de la grandeur de vos Forces de terre et de mer capables de vous defen­dre contre le pouvoir redoutable de la France; Et Nous menaçant plus d'une fois, que dans l'espace do peu d'heures vous pourriez faire telle Ligue s'il vous plairoit avec la France, et mesme contre Nous, si Nous n'acceptions pas ce que ses Maistres Nous offroient. L'abregé de ces deux points, est, qu'il a plu an Sieur Van Beuningen de discourir sur la satis­faction que Nous demandions au sujet du Traffic dans les Indes Orien­tales; Mais qu'il s'en alla sans rien offrir: Et qu'apres Monsieur Boreel Nous offroit une Ligue Offensive & Defensive sans Nous donner satis­faction sur les plaintes faites, ny rien proposer pour prevenir les injures que l'on Nous pourroit faire; Et tout cela, afin que ces injures dont Nous Nous estions plaints, passassent pour les Nostres, & fussent rejettées sur Nous par un Traitté solemnel.

Le sujet d'offense que l'on Nous donna apres, fust (comme vous le re­marquez bien dans vostre Lettre) l'affront commis contre le Pavillon au mois d'Aoust de l'an 1671. L'on en fit des plaintes à vostre Ambassadeur re­sidant aupres de Nous; Et il nous asseura qu'il Nous en procureroit une bonne satisfaction; Mais trois on quatre mois se passant sans que vous en prissiez aucune connoissance, Nous Nous creusmes obligez d'envoyer un Ambassadeur Extraordinaire pour vous en demander satisfaction dans des termes plus forts que Nous n'avions fait auparavant; Et n'y recevant au­cune response capable de Nous contenter, Il eut Ordre de s'en revenir. Peu apres il fut suivi par un Ambassadeur Extraordinaire de vostre part, qui pro­testa de n'avoir aucun pouvoir à faire reparation de cet affront ny d'aucunes des choses dont Nous Nous estions si souvent plaints, mais bien de convenir avec Nous des termes qui pûssent regler à l'avenir l'affaire du Pavillon; di­sant cependant, que de luy mesme & sans vous consulter derechef Il ne pouvoit rien coucher par escrit là dessus. L'arrivée de cet Ambassadeur Ex­traordinaire fust sur le temps que Nous estions sur le point de faire une De­claration ouverte de guerre contre vostre Estat, & que Nous ne la pouvions plus differer, parce que le Prin-temps s'avançoit, et que ledit Ambassadeur per­sistoit à dire que ses Instructions ne le permettoient pas de faire aucune chose sur ce que Nous luy demandions, & ne pouvant rien produire pour justifier le delay qu'il souhaittoit d'apporter, que de Nous offrir d'escrire à ses Maistres pour des Pouvoirs et Instructions plus amples.

La guerre s'ensuivit bien tost apres; et comme elle s'estoit desja fort es­chauffée, Trois de vos Deputés arriverent icy de vostre part sans aucuns sauf­conduits de Nous, & sans Nous avoir fait connoistre qu'ils estoient en chemin conformément aux Coustumes & Usages de la Guerre. Nous les aurions bien pû confiner (comme vous dites que Nous fismes,) mais Nous Nous conten­tasmes de leur faire sçavoir, qu'ils s'abstinsent de venir loger icy dans la Ville; leur assignant an lieu de cela des Appartemens dans Nostre Palais de Hampton Court, avec toutes les autres commodités convenables à leur Caractere, & dissimulans ce que Nous sçavions passer entre eux et des personnes qu'ils prattiquoient pour causer des tumultes & desordres dans Nostre Ville, & pour embarasser le Progrés de la Guerre; ne laissans pas pourtant de leur Envoyer des personnes du premier rang de Nostre Con­seil pour conferer avec eux & pour escouter leurs Propositions, à qui ils ne firent autre response, & y persisterent tousjours jusqu' à leur depart, qu'ils n'estoient authorisés ny instruits à Nous faire aucunes Propositions; Mais qu'ils estoient bien contents d'entendre celles quel'on leur ferolt, & qu'ils les envoyeroient à leurs Maistres, esperans que pendant qu'ils Nous amu­soient ainsy de cette apparence, les Deputez que vous aviez envoyés au mesme temps au Roy Tres-Chrestien pourroient conclurre un Traitté se­paré avec Luy.

Et est il possible que vous pouvez vous flatter assez de croire que le monde [Page 10]regarde ce Procedé comme une preuve convainquante de vos desirs ar­dents pour la Paix? Y a-t-il jamais eu Prince ou Estat qui aye envoyé un Ambassadeur à dessein d'obtenir ce que l'Ambassadeur ne se trouvoit au­thorisé de recevoir par des conditions reciproques, sur tout à un Prince avec qui il avoit guerre? Il y a bien plus de raison de croire que ce que vous en avez fait n'a efté que pour gagner temps, tandis que vous lachiez de mettre en execution les Menaces au regard de la France, que Monsieur Boreel Nous avoit faites auparavant.

Le Ministre de l'Electeur de Brandebourg n'a jamais declaré, qu'il est venu icy à Nous faire des Ouvertures de Paix, ny qu'il est autre Com­mission que de Nous porter à la recommendation de son Maistre à enten­dre celles qui Nous seroient faites. Il vinst icy lors que les Ambassadeurs Extraordinaires du Serenissime Roy de Suede arriverent pour Nous offrir la Mediation de Leur Maistre; laquelle Nous embrassasmes de bon coeur, aussy bien que la proposition qu'ils Nous firent d'une Suspension d'Armes; Mais quand un peu apres Ils vous ont proposé la mesme chose, Vous avez trouvé à propos de rejetter entierement la Suspension, et fustes si long temps à marchander sur le choix d'un lieu pour traitter la Paix, que plusieurs mois se sont escoulés sans produire aucun autre effet, que celuy de vous faire gagner vostre point en nommant la Ville de Cologne pour le Con­grés; Ce qu'estant arresté, et Nostre Flotte preste á se mettre en Mer, vous Nous envoyastes dire que vous vouliez alors accepter la suspension d'Armes par Mer, à quoy Nous Nous trouvions obligés de respondre que l'on pouvoit en bien moins de temps faire la Paix que convenir sur les conditions d'une suspension d'Armes Partiale; Quoy que la chose nous parust assez artificieuse et inventée seulement pour chatouiller les Ore­illes du Peuple, et Nous obliger de consommer inutilement tout ce que nous avions fait de Preparatiss pour bien equipper Nostre Flotte. En un mot, lorsque Nos Marchands auroient pu tirer quelque profit effectif d'une suspen­sion d'Armes, vous ne la vouliez pas du tout; Et vous n'y avez pas consenti que lors que vous avez veu vos Provinces en estat de souffrir par le progrés de la Guerre.

Les Ministres d'Espagne ne Nous ont jamais offert aucunes conditions, & n'ont rien fait que de Nous incliner dans des termes Generaux aux sentimens d'une Paix; dont Nous leur en avons tousjours tesmoigné gré.

Nostre Neveu le Prince d'Orange ne Nous a jamais non plus fait aucune Ouverture pour la Paix. Il faur avoüer, que la maniere dont vous l'avez tousjours traitté jusqu' à l'année passée, n'a pas esté un fort bon argument pour Nous laisser persuader que vos intentions et desseins de vivre en bonne correspondence avec Nous estoient reels & sincers; Et bien que Nous n'ayons pas voulu faire esclatter le ressentiment que Nous avions eu de son traittement pour ne donner occasion à ses Ennemis de Luy a faire encore plus de mal; Cependant dés que la bonne volonté du Peuple l'emportant sur le parti des Louvesteins, Luy a donné le pouvoir et l'authorité dans le Gouvernement que ses Ancestres l'ont si bien merité; Nous nous sommes appliqués avec plus de chaleur et d'efficace à faire la Paix; y estant de plus portez par le succes surprenant des Armes de terre du Roy Tres-Chrestien. Nous Luy envoy­asmes tout aussy tost des Ambassadeurs Extraordinaires pour estre presents au Traitté que le Parti des Lovesteins eust bien voulu mesnager à nostre ex­clusion, si la vertu et la generosité de ce Prince l'eust permis de l'accepter. Mais dés que Nos Ambassadeurs parurent sur les lieux, les Deputez se retire­rent, et n'y ont plus paru du tout; Suivant la Maxime fondamentale que vous aviez establie dés le commencement de cette Guerre; de Nous mettre en division par toutes sortes de voyes, pour en faire vostre profit.

Pour ce qui est, que vous insinuez de Nostre intention de ruiner Nostre Neveu le Prince d'Orange, vous sçavez assez bien vous mesmes avec quelle injustice vous Nous faites cette reprocke; et pendant qu'a Cologne vous vous plaignez tout ouvertement aux Mediateurs que Nous Nous emportons trop [Page 11]pour l'avancement de Ses Interests, vous voulez faire remarquer à Nos su­jets un meschant naturel à son esgard; Et y adjoustez (pour le peindre mieux) sans aucun fondement, que Nos demandes à Cologne tendent au renversement de la Religion Protestante, et à la ruine de la famille de Nostre Neveu. Nous ne pouvons point finir Nos remarques sur cette Lettre ou Manifeste que vous avez fabriqué, à dessein d'abuser vos Peuples et les Nostres, Penveloppans dans des termes de respect pour Nostre Personne, & de belles parolles sur le sujet de la Paix, sans y adjouster celle-cy qui doit servir à convaincre les plus obstinez parmy vous; En mesme temps, que vous Nous persuadez de man­que [...] à la parolle que Nous avons donnée à Nos Alliez, de ne point faire de Traitté separé, vous l'establissez comme un point fondamental, que vous ne pouvez manquer à la parole que vous avez donnée aux vostres, sans faire tort à vostre honneur; comme si le vostre vous doit estre tousjours en recommen­dation, & que nous n'avons que faire de faire tant de cas du Nostre.

Cependant vous faites passer le procedé de vos Deputez à Cologne pour le plus net et le plus ingenüe qui soit possible; noircissant celuy de Nos Pleni­potentiaires comme bien rude et peu sincer; disant, que nonobstant tous les efforts que vous avez peu faire, Nous n'avons jamais voulu Nous rela­scher de Nostre premiere rigueur; En quoy Nous devons prendre à tesmoignes Messieurs les Mediateurs, qui ne manqueront point de Nous rendre justice en faisant connoistre au monde que Nos dits Plenipotentiaires ont retranché pour le moins une bonne moitié de leurs premieres demandes, pendant que les vostres se sont tousjours excusés de respondre sur aucune, si ce n'est celle du Pavillon; dont ils semblent enclins à nous en vouloir gratifier pour l'avenir, mais dans des termes fort equivoques, et qui ne marqueront pas que Nous y avons eu jamais au cun droit pour le passé; & c'est la seule chose que vous avez tesmoigné la moindre envie de Nous vouloir accorder durant tout le cours de cette Negotiation; Et n'ayant rien advancé de plus dans les Ouvertures de Paix que vous dites Nous avoir faites par Nostre Ne­veu le Prince d'Orange, les Ministres d'Espagne & de Brandebourg, & par celles des Mediateurs eux mesmes, vous vous abstinez d'en toucher un seul mot dans vostredite Lettre; traittant l'affaire de la Païx en termes ge­neraux, pour vous en acquerir la reputation, et ne Nous faisant aucune pro­position que celle de Nous separer d'avec Nos Alliez; action que vous esti­mez trop basse pour une Republique, mais bien digne d'un Roy.

Si vous avez envie de travailler tout de bon à la Paix au lieu de vos bonnes paroles, Envoyez promptement à vos Deputez à Cologne des Pouvoirs pour dresser des Articles justes et equitables avec les nostres; et le monde verra quelle sera nostre facilité à y donner les mains, et à rentrer dans les mesmes sentiments d'amitié et d'estime, que les Roys Nos Predecesseurs ont toujours eu pour vostre Estat, et pour vous faire connoistre que Nous sommes veri­tablement

Vostre bon Amy, CHARLES R.
FINIS.

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