LA DECLARATION DU PARLEMENT D'ANGLETERRE: Contenant les MOTIFS & RAISONS de leurs dernieres PROCEDURES, Et pour lesquelles Ils ont estably Le GOƲVERNEMENT present, En forme DE RESPVBLIQVE, ou D'ESTAT LIBRE.

Traduicte de l'Anglois.

A LONDRES. Jmprimée l, An 1649.

IL est Ordonné par les Communes assemblées en Parlement, Que cette Declaration soit promptement imprimée & publiée.

Hen: Scobell, Cleric. Parlamenti.

LA DECLARATION DV PARLEMENT D'ANGLETERRE, Contenant les Motifs & Raisons de leurs Dernieres PROCEDURES, Et pour lesquelles Ils ont estably Le GOUVERNEMENT Present, En forme DE RESPUBLICQUE, ou D'ESTAT LIBRE.

LE Parlement d'Angleterre, Esleu par le Peuple, qu'il represente, & Commis & Authorisé par eux pour le bien Pu­blic, ayans long temps combattu con­tre la Tyrannie, & pour obtenir & pro­curer la prosperité de ceux, qui les em­ployent, & oster toute Oppression, tout Pouvoir Arbitraire & toute opposition à la Paix, & à la Liberté de la Nation: Recognoissent avec humilité & actions de graces la Benediction de Dieu Tout puissant sur leurs foibles labeurs, & l'assistance cordiale de ceux, qui se sont monstrés affectionnés à cet oeuvre, par ou ceux qui en sont Ennemis, tant Publics, que Secrets, ont esté rendus incapables pour le present d'en empescher la continuation & l'accomplissement.

Et pour leur oster tous moyens de pouvoir cy aprés [Page 2] faire revivre la Tyrannie, l'Injustice & la Guerre, & nos Mal-heurs passés, le Parlement a esté contrainct de faire les derniers Changements qu'ils ont faict dans le Gou­vernement, & pour cet establissement qu'ils jugent le plus convenable & le plus necessaire pour la gloire de Dieu, & le bien de la Nation, qui sont l'unique fin & le seul devoir, ausquels tendent toutes leurs entreprises & tous leurs labeurs.

Or afin que cela puisse apparoistre plus clairement & plus amplement pour la satisfaction de tous ceux, qui y ont interest, Ils ont creu estre à propos de Declarer & publier les Motifs & Raisons de leurs Procedures.

Ils supposent, que personne ne pourra nier, Que la premiere Institution de l'Office de Roy en cette Nation, ne se soit faicte par le consentement du Peuple, qui a esleu une personne à cet Office là pour la protection & le bien de ceux par lesquels il estoit esleu, & pour les gouverner le mieux qu'il se pourroit, selon les Loix, ausquelles ils avoyent donné leur consentement.

Mais ceux, qui sont versés dans nos Histoires, se peu­vent aisément ressouvenir, combien peu il y en a eu, qui se soyent acquittés du devoir de leur Charge, en rendant la Justice, & prenant le soin qu'ils devoyent avoir de leurs bons & fideles Subjects; Et combien d'entre eux au con­traire ont employé toute leur industrie, tous leurs soins, & tous leurs labeurs, pour satisfaire à leur ambition par­ticuliere, & à leur Pouvoir exorbitant par les grandes Oppressions & Miseres, dont ils ont tourmenté leurs Subjects; Et comme ils ont esté horriblement prodigues du Sang des Chrestiens sur les moindres poinctilles & differents du poinct d'Hōneur, & de leurs Qualités & Til­tres, & sur les plus petits desgousts & desdains survenus.

Et dans la Liste entiere d'iceux on pourra facilement [Page 3] remarquer, combien le dernier Roy a surpassé ses Prede­cesseurs, en procurant par tous moyens la destruction de ceux, qu'il estoit oblige de preserver, de sorte qu'au lieu d'estendre sa protection sur eux tous, à peine aucun d'eux pouvoit il eviter la violence de sa fureur.

Pour en faire plus clairement cognoistre la verité, il sera à propos de jetter en passant la veüe sur quelques pas­sages de son Regne, ou il a, en mal faisant, passé si avant au delà des offences de tous ses Devanciers, qu'il ne se trouve point d'exemple de la punition qu'il a meritée.

Par la dissolution du Parlement la seconde année de son Regne, & aprés, il tesmoigna, qu'il avoit despoüillé toute affection naturelle, empeschant qu'on ne fit re­cherche de la mort violente de son Pere; Et quant à l'affaire deplorable de la Rochelle & de l'Iste de Ré, les pauvres Protestans de France sçavent ce qui en est, & ont grand sujet d'en lamenter encore à present les malheurs. Les Prests, les Emprisonments injustes, & les autres Oppressions, qui produisirent cette Loy excellente de laPetition of Right. Requeste du Droict, furent encore practiquées pour la plus part en mesme temps, que les Loix pour l'abolition d'icelles furent faictes, qui furent visiblement violées par luy & presque en toutes leurs parties, immediatement aprés qu'il y eut solennellement donné son consentemēt. L'Emprisonnement des Membres du Parlement, & les Poursuittes faictes contre eux, à cause qu'ils s'opposoyent à sa volonté desreglée & injuste, & le mesme traicte­ment faict à plusieurs bons & honnestes Marchands, pource qu'ils refusoyēt de payer les impostsTunnage and Poundage. sur chasque Tonne de Marchandise, & du sol pour livre sur les Traictes Foraines & sur les Marchandises qu'on apportoit dans le Royaume, à cause qu'ils n'estoyent pas establis par le Par­lement, mais feulement exigés de luy expressement con­tre [Page 4] les Loix; Et les peines & punitions qu'il a faict infli­ger sur an grand nombre de bons Patriots, pour ne se vouloir point soubmettre à ce qu'il luy plaisoit leur or­donner & demander, quoy que directement contre les Loix cognues. La grande quantité de Projects & de Monopoles, qu'il avoit establis; son Dessein & son Or­dre de faire entrer dans le Royaume de la Cavalerie Alle­mande pour nous asservir par la crainte & la force; Et l'esperance qu'il avoit de combler toutes ses oppressions par son grand project deShip-money. l'Impost pour l'Armée Na­vale, pour assubjectir les biens d'un chascun à telle pro­portion & taxe qu'il luy plairoit en son particulier de luy imposer; Les sollicitations secrettes, les promesses de recompense, & les menaces faictes de sa part aux Juges pour les porter à faire sa volonté, plustost que rendre la Justice contre son Serment & les leurs. Les oppressions du Conseil Privé, de la Chambre Estoillée, de la Haute Cōmission, de la Court de la Mareschaussée, de la Court des Pupilles, des Corvées des Voictures & Portages des Provisions de la Court, de la Finance im­posée sur l'ordre de Chevalerie, des Terres prises sur le Peuple pour accroistre les Forests du Roy & plusieurs autres Concussions de cette nature là, n'ont pas besoing, que nous nous estendions davantage à en faire la repetiti­on, la pluspart de nous les ayans assés imprimées en la memoire. Le dur Esclavage, auquel on a reduict l'Irelāde par la force avec l'Armée Papiste, qu'on entretient pour l'y contenir, & les propositions, qu'on y a faites, qu'elle seroit quitte & deschargée de toutes les Reigles de Gou­vernement, n'estoient qu'un Patron & Modelle de ce que l'on avoit dessein de faire en ce Royaume-cy; la longue Intermission de nos Parlements, & la resolution, que le Roy avoit prise de n'en assembler plus, à fin de pour­suivre [Page 5] ses desseins sans opposition, & la faute qu'il fit d'envoyer le Livre du nouveau Service en Escosse, leur donna sujet de s'opposer à ses entreprises, & fit perdre aux Anglois l'envie de s'engager contre Eux; ce qui avec le peu d'esperance, qu'on avoit d'avoir bonne issue de ce dessein là, nous donna le dernier Parlement, qui du­ra si peu, & se fit à dessein, que le Roy s'en peust servir à ses fins, pour couvrir de quelque pretexte la rupture qu'il vouloit faire de la paix accordée avec l'Escosse, & pour demander douze Subsides pour rachepter son injuste & illicite exaction de l'Impost pour l'Armée Na­vale: Mais estant frustré de son esperance en cela, il le rompit aussy tost opiniastrement, au grand estonnement & espouvantement de plusieurs. Les Escossois voyans, que le Roy leur avoit faulsé sa foy donnée, & qu'il y avoit de la mes-intelligence & des mes-contentements parmy nous, entrerent avec une Armée dans l'Angle­terre: Le Roy, de son costé, ayant par divers moyens illegitimes & injustes levé des grandes forces, les mena vers le Nord, pour s'opposer à Eux, & là ayant quelque esgard à plusieurs justes Requestes, qui luy estoyent faic­tes de divers endroicts, & par la genereuse entremise de plusieurs Grands Seigneurs, mais principalement, pour ce qu'il remarquoit le peu de volonté qu'avoyent alors ses Subjects des deux Royaumes de s'engager à la destru­ction les uns des autres, qui estoit la fin à laquelle il avoit destiné un si grand nombre de si braves Gens, quoy qu'il fut obligé par sa Charge de les proteger & preserver; voyant qu'il ne pouvoit faire autrement, il confentit en fin de s'acquitter d'une partie de son devoir, & d'appeller un Parlement; Auquel on demanda des sommes immenses de deniers, qui furent levées sur le Peuple d'Angleterre pour gratifier des gens, qui leur [Page 6] avoyent causé des grandes pertes & dommages; Et les deux Armées furent payées par ceux, qui n'avoyent donné ny l'occasion, ny leur consentement de lever ny l'une, ny l'autre; Mais, ce qui est le plus estrange, le Roy travailla tant qu'il peut à engager l'Armée An­gloise contre le Parlement, chose si pleine d'impieté & si desnaturée, [qu'un Roy d'Angleterre sollicite ses Subjects du mesme Royaume d'enfoncer leurs glaives dans les entrailles les uns des autres] qu'on ne la peut pas excuser, mesmes en disant qu'il est né Estranger, & laquelle on auroit bien de la peine à croire, s'il n'avoit faict assés paroistre de la suitte de ses actions, qu'il a tasché par tous moyens d'en procurer l'effect.

La premiere execution de ce dessein de nous destruire sést faicte sur nos pauvres Freres d'Irelande, desquels tant de centaines de milliers ont esté mis à mort avec des cruautés si estranges, qu'il n'y a point d'entrailles, qui n'en soyent esmeües de compassion; Et neantmoins quelques uns de ces Meurtriers, qui ont commis ces in­humanités, n'ont peu s'empescher de confesser qu'ils n'ont rien faict, que par les Commissions & Commande­ments du Roy. Les delays, qu'il apporta avant de les vouloir declarer Rebelles, ce qu'il ne fit que le plus tard & le plus simplement qu'il peut; Le consentement, qu'il donna à une Cessation d'Armes entierement à l'ad­vantage des Rebelles, & à la ruine & destruction des Protestants; Et les extremités, ausquelles il les a re­duict en interceptant & prenant les provisions, & em­peschant les secours qu'on leur envoyoit, ne sont pas des bons tesmoignages, pour le declarer innocent de l'effu­sion de ce sang, qui demande si hautement vengeance contre luv.

Mais retournons à l'Angleterre, ou nous ne trouverons [Page 7] aussy que trop de funestes sujets de doeüil & lamentati­on, voyant le Roy venir luy mesme en personne dans la Maison des Communes, pour se saisir de cinq Membres du Parlemēt, estant suivy en cette entreprise de quelques centaines d'hommes indignes & desbauchés, armés d'e spées & de pistolets & d'autres armes, & attendans le mot à la porte de la Maison, en resolution de faire tout ce qu'il plairoit à leur Conducteur de leur commander. Sur cet attentat du Roy & sur quelques autres sujets de mes-contentement, sur lesquels le Peuple commença d'entrer en doubte, qu'il ne voulust pas remedier à leurs griefs & souffrances, ils tomberent en quelques Commo­tions, d'ou le Roy prit occasion de se retirer de Londres, & aussy tost il parut des forces pour luy à Kinston. De là il passa vers le Nord, & fit tout devoir d'y lever des forces, sollicitant cependant & attirant à soy plusieurs Membres des deux Maisons pour leur faire abandonner le Parlement, & la charge, qui leur estoit commise & confiée par les Peuples, & pour les engager à se joindre avec luy, pour amener la destruction sur leurs freres & sur eux mesmes; En suitte, au lieu de rendre la Justice, il a protegé les Criminels contre elle; Il a dressé son Estendard contre le Parlement, en la Ville de Notting­ham; Il a assemblé du Pays de Galles & des Environs une puissante Armée & a donné la premiere attaque en la Bataille d'Edge-hill. Il s'empara apres d'Oxford & le fortifia pour y faire le quartier Principal de son Armée, & plusieurs autres villes & places de defense, & a fo­menté & poursuivy une cruelle & sanglante Guerre con­tre le corps de tous ses subjects, qui estoit alors assemblé en Parlement, chose qui n'a jamais esté attentée par au­cun Roy de cette Nation, & de laquelle tout le Monde n'a que trop de tristes sujets de se ressouvenir avec dou­leur; [Page 8] Leurs villes & leurs demeures ayans esté par ce moyen là bruslées & desmolies, leurs Maisons de plaisance degastées & ruinées, leurs possessions & heritages don­nées à ceux qui ont esté les plus actifs à commettre toutes sortes de meschancetés contre eux, leurs Servi­teurs, leurs Freres, & Amis, & leurs propres Enfans cru­ellement tués; Et ainsy il a persecuté & destruict par le feu & le glaive, les emprisonnements & les tortures & par la mort & toutes les Calamités & desolations de la Guerre son propre Peuple, qu'il estoit obligé par le de­voir de son Office de Roy de defendre & de proteger contre toutes sortes d'injures.

Nonobstant toutes ces cruantés & injustices là & lors qu'on en avoit les plus grands ressentiments, le Parlement s'est plusieurs fois applicqué au Roy avec toutes sortes de soubmissions pour obtenir la Paix; Mais ne l'a jamais peu faire condescendre à aucun accommodement, quand la moindre parole de son consentement pouvoit arrester ces ruisseaux de sang, & ce torrent de miseres, ausquels il avoit luy seul donné cours par tout le Royaume; Et lors que le grand Dieu des Armées eut terminé entiere­ment l'affaire à l'advantage du Parlement, & que la puissance du Roy estoit presque toute ruinée, de sorte qu'il ny avoit plus de seureté pour sa personne parmy ses Forces, il ne daigna pas se rendre aux Anglois, mais se mit à la disposition de ses Compatriots, les Escossois, qui eurent premierement l'honneur de le recevoir, puis de se defaire de luy sur des telles conditions qu'ils vonlu­rent. Et depuis qu'il fut sous nostre pouvoir, les Par­lements des deux Royaumes s'applicquerent encores à luy pour faire la Paix sur des Propositions aussy mode­rées, que les precedentes, quoy que l'on eut peu tirer ad­vantage de nostre succés: Mais il n'y voulut pas plus [Page 9] consentir, qu'auparavant, ayant un nouveau & plausible dessein en main de rejetter le Peuple dans des nouveaux malheurs, ce qu'il eut peu aisement prevenir, s'il eut seulement voulu entendre à un accord sur ces Proposi­tions là. Sur quoy le Parlement resolut & ordonna, qu'on ne s'applicqueroit plus à luy. L'Esté dernier les effects de ces desseins là qu'il avoit formés, quoy qu'il fut Prisonnier commencerent à paroistre; On fit alors courir des nouveaux ruisseaux de sang au nom du Roy, par un dessein, [comme quelques uns des Entrepreneurs ont dict en se vantant] aussy profond que l'Enfer mesme; par ou l'Armée fut divisée en diverses parties, et l'em­brasemēt commença en plusieurs endroicts du Royaume tout à la fois; Et de peur que le nombre des Anglois, quy s'y engageroyent ne fust trop petit, ou qu'ils n'eus­sent trop de compassion de leurs Compatriots, ou trouva à propos de former un party Ennemy en Escosse & le faire passer en ce Royaume, ce qu'il ne fut pas malaisé de faire. Et encore, que du commencement de nos Trou­bles les Escossois eussent entendu, que le sens du Conve­nant & de l'alliance faicte entre nous & eux estoit de se joindre au Parlement d'Angleterre, & de combatre con­tre le party du Roy, & qu'ils eussent recognu, que c'en estoit là la fin, à laquelle ils ont alors tesmoigné tendre par toutes leurs actions, ils semblent neantmoins à pre­sent estre autrement informés en leur jugement, & qu'il leur faut tendre à cette fin là en se joygnant au party du Roy & en combattant contre leurs Alliés, qui ont juré le mesme Convenant, à sçavoir le Parlement d'Angleterre: Mais Dieu ne peut souffrir qu'on se mocque de luy; Et quoy que cette nuée de nouvelles Calamités, qui s'estoit levée jcy & au Nord, semblast devoir fondre sur cette pauvre Nation, & deubt verser sur nous selon toute ap­parence [Page 10] humaine nostre entiere ruine & destruction: Toutes-fois la main de Dieu, comme elle a desja faict plusieurs fois manifestement cy devant, a encore à cette rencontre paru tres-puissamment & tres miraculeusemēt pour nostre defense, & a conduict nostre Armée [qu'elle a daigné faire ses instruments] avec tant de cou­rage, de prudence & de fidelité, qu'ils ont remply les coeurs de nos Ennemis de frayeur & d'estonnement & les ont dissipés, Et nous ont [par son assistance Divine] conservé tout ce que nous avons de plus cher. Pendant ces grands desordres & distractions, on nous a engagé par des moyens, qui sont assés cognus, & que l'on a plus amplement deduicts dans une Declaration publiée de­puis peu, par un dessein formé par le party du Roy, de nous applicquer encores à luy pour la huictiesme fois, & on a à cette fin revocqué & cassé les Resolutions, que le Parlement avoir prises au contraire, & on luy a envoyé des Commissaires dans l'Isle de Wight: Ou, au lieu d'ac­corder leurs justes demandes, il a encore complotté & entrepris de leur susciter une nouvelle Guerre, & de re­spandre davantage du sang de son Peuple, mesmes en mesme temps, qu'il traictoit de paix avec eux; Pour cet effect il a laissé ses deux filz aisnés en la condition de nos Ennemis, & les a muny du pouvoir de donner des Com­missions pour destruire de plus en plus les Peuples, qui ont esté commis à sa charge, & protection.

Que tout homme desinteressé juge maintenant si le Parlement n'a pas eu grand sujet de faire faire justice du Roy pour toutes ses injustices & meschancetés cy-dessus mentionnées, & pour un grand nombre d'autres Crimes sans exemple, qu'il a commis, Et pour avoir tant de fois rompu & faulsé sa foy, ses serments & ses protestations, pour avoir respandu tant de sang, qui crie vengeance, en [Page 11] Irelande & en Angleterre, Et pour avoir esté la cause, que tant de Vefves, d'Orfelins, & de Peres & Meres ont versé des torrents de larmes, Et que des millions de ses bons Subjects ont esté ruinés.

Mais on objectera peut estre, ce que le dernier Roy a souvent allegué, Que ceux qui sont en une si haute dignité, qu'estoit la sienne ne doivent rendre compte de leurs Acti­ons qu'à Dieu seul, duquel ils sont les Oincts. D'ou il sén­suivra que tous les hommes de ce Pays n'auroyent esté faicts, que pour ce seul homme, le Roy, pour en faire ce qu'il luy plairoit, comme s'ils n'avoyent esté tous creés à autre fin que pour satisfaire à ses plaisirs & à sa volonté & pour estre sacrifiés aux meschantes & perverses inten­tions d'un Tyran, Ce qu'on ne peut aisement croire avoir este ainsy ordonné de Dieu, qui punit, mais n'authorise & n'establit jamais l'injustice & l'oppression; Et lequel, comme il appert, a faict voir qu'il se tenoit offensé de ce que le Peuple luy demandoit un Roy, mais n'a jamais tesmoigné le moindre desplaisir, de ce qu'ils n'en avoyent point auparavant. Si on permettoit qu'un tel Officier se peust exempter de rendre compte, ce seroit souffrir un Monstre Estrange parmy les hommes; Mais cette doctrine là est mieux entendue du Siecle present, que de ceux qui sont passés & ne requiert pas qu'on insiste beaucoup à la refuter, se refutant assés d'elle mesme. Quand à la façon de parler, de les appeller Oincts. Il n'y a aucun habile Theologien, qui veuille maintenir, que ce tiltre se doive appliquer aux Rois d'Angleterre, cōme à ceux de Juda & d'Israel, ou plustost à un Roy qu'à tous les autres Magistrats & Serviteurs de Dieu; ou que ce paroles Ne touche point à mes Oincts fussent dictes des Rois, mais bien aux Rois, qui estoyent repris & blasmés, & ausquels il estoit enjoinct de ne faire aucun tort aux [Page 12] Prophetes & Saincts de Dieu, qui sont la signifiés par ses Oincts.

On fait une autre Objection, que c'est une chose sans exemple de faire venir un Roy en jugement & de le con­damner à mort. Si cela est sans exemple, les Crimes du dernier Roy l'estoyent aussy; Et certainement les Enfans d'Israel n'avoyent aucune Loy, ny aucun exemple pour punir les Benjamites pour avoir vilainement abusé de la femme du Levite, Et toutes fois Dieu advoüa l'action.

Nous n'avons pas manque d'exemples de quelques uns de ses Predecesseurs, qui ont esté deposés pas les Par­lements, Et ont esté honteusement mis à mort dans l'ob­scurité & en des recoins. Ce Parlement a creu, qu'il estoit plus convenable à l'honneur & à la Justice, de faire examiner & juger le Roy tout ouvertement & so­lemnellement par plus de cent Gentilshommes, en la place, ou la Justice se rend le plus publiquement & le plus ordinairement, de sorte qu'il luy estoit libre, s'il luy eust pleu de parler en sa propre defense sur cette par­tie de ses Crimes, qui a esté seulement allegueé contre luy, dont les Parlements des deux Royaumes l'ont con­joinctement & d'un commun consentement declaré cy devant coulpable par les Declarations, qu'ils en ont publieés. Ses Offences ont tousjours esté accompagneés d'une opiniatreté extraordinaire, d'une haine implable, & d'un travail continuel d'esprit & de corps pour pro­curer la ruine & destruction de son Peuple; Ce qui avec cette verité infallible, de la quelle les Rois ne sont pas dispensés Que l'ou ne prendra point de prix pour sauver la vie d'un Meurtrier, Nombre 35. v. 31. & 33. mais qu'on ne faudra pas de le mettre à mort; Et qu'il ne se fera aucune expiation pour le Pays à cause du sang qui y aura esté respandu, que par l'effusion du sang de celuy, qui l'aura respandu; a advancé & parfaict l'oeuvre de la Justice contre luy.

Le Roy estant mort, la premiere chose qu'on a prise en consideration ç'a esté ses Enfans; On ne pouvoit atten­dre de ces Branches là que les mesmes fruits amers, que l'on a receüillis durant tout le Reigne du Pere, qui les a engagés à ses desseins & à sa querelle; Et les deux Aisnés ayans paru de si bonne heure en Armes, & ayans commis tant d'actes d'Hostilité contre le Parlement, on ne pouvoit esperer plus de bien & de seureté de leur part, que de celle de leur predecesseur & l'on ne pouvoit non plus s'attendre selon toute apparence humaine, dans la conjoncture des affaires, de pouvoir obtenir par aucun moyen une Paix ferme & asseurée, ny de prevenir les Troubles à venir, ny d'eviter la suitte de nos Miseres, qu'en rompant le cours de ces choses, desquelles elles ont tous-jours eu leurs sources, & d'ou elles auroyent infail­liblement rejetté, si on leur eut permis de reprendre nou­velles racines, à-sçavoir des desseins & meneés des Rois, de leurs Flatteurs & de leurs meschans Conseillers.

L'Objection, qui se fait là dessus est, Que c'est com­mettre une Injustice de des heriter ceux qui ont Droict & Tiltre à la Couronne; Mais certes on ne peut nier, que le Droict le plus ancien est celuy du Peuple, lequel ils pretendent avoir droict de gouverner. Quelque Droict ou Tiltre que le Fils Aisné ait, il le peut perdre par le for­faict du Pere en quelque cas que ce soit, sur tout, ou il s'agit des Offices hereditaires, lesquels estans saisis & confisqués pour avoir abusé de sa charge, [n'y ayant point d'Office, qui n'ait cette condition là,] personne ne peut nier, que par là les Enfans de celuy qui joüit de l'Of­fice n'en soyent aussy bien exclus, que luy mesme: Mais en ce cas cy, le Filz Aisné a levé & faict la Guerre contre le Parlement; Et on ne peut pas dire, que les Enfans Puisnés ayent en ce degré là aucun droict à quoy que ce soit.

Mais le mesme pouvoir & authorité qui a premiere­ment estably un Roy & la faict Officier Public pour le bien du Public le trouvant perverty & corrompu à la ruine & calamité Publicque, on doibt en equité remet­tre au bon plaisir de ceux, desquels il est simplement Of­ficier, de juger s'ils le doivent encore continuer en sa Charge, ou changer le Governement en un meilleur, Et si au lieu de restablir la Tyrannie, ils ne se doivent pas plustost resouldre de s'establir en Republicque. A quoy le Parlement a esté fort encouragé en remarquant, que Dieu a versé ses benedictions en abondance sur des au­tres Estats, qui ont recouvré & restably leur Liberté de la sorte. Les Romains, aprés qu'ils eurent chassé leurs Rois, ont joüy plusieurs centaines d'anneés d'une pro­sperité tres profonde, & de laquelle ils n'avoyent ap­proché, que de fort loin sous le gouvernement de tous leurs Rois & Empereurs: La Republicque de Venîse s'est desja maintenue & conserveé dans cette grande puissance & Splendeur, ou nous la voyons, l'espace de treize cens ans; Et tout le Monde sçait assés combien la Respublicque des Suisses surpasse les autres Pays qui sont governés autrement en richesses, Liberté & Paix & en toutes autres sortes de prosperités; comme aussy que nos Voisins les Estats des Provinces Unies se sont mer­veilleusement accreus en biens, en franchises, en trafficq & puissance, tant par Mer, que par Terre, depuis qu'ils ont changé de Gouvernement. La Justice s'administre deüement dans les Respublicques & les Grands n'y ont pas le pouvoir d'y oppresser les Pauvres, pour la sub­sistance & defense desquels ce governement là pourvoit suffisamment; lequel esteint aussy entierement les se­mences des Guerres & dissentions Civiles, qui provien­nent à l'ordinaire de l'ambition particuliere de quelques [Page 15] Uns, de leurs pretentions à la Couronne, & choses sem­blables [lesquelles ont par plusieurs siecles travaillé cet­te Nation de grands troubles & confusions] & donne le moyen à un chascun de joüir de la liberté de leur Con­science, de leurs Persōnes, & de leurs Biens: Mais si nous jettons les yeux de l'autre costé sur les Regnes de nos Monarques, combien y verrons nous d'Injustices, d'Op­pressions, & d'esclavage pendant que le Commun Peuple, leur a esté assubjecty? Nous y remarquerons, que plusieurs Grands Seigneurs ont faict plus de cas de leurs chiens & de leurs chevaux, les ont mieux nourris, & leur ont dōné plus de repos, qu'à leurs Serviteurs, Vas­saux, & Paysans; Sur quoy il y a desja long temps qu'il fut donné un advertissement en plein Parlement par une personne, qui estoit du Conseil Privé du Roy dernier: Que nous nous donnassions garde, qu'en perdant le cours de nos Parlements, nous ne nous trouvassions en la mesme condition, que le Commun Peuple est soubs une Monarchie, ou ils se contentent d'estre vestus de grosse toille, & de porter des sabots pour chausseure, ayans plustost, avec leurs corps attenués, faute de nouriture & de repos, la mine d'estre des Esprits & Phantosmes, que des vrais Hom­mes, qui est l'estat, auquel on nous vouloit reduire. Et pour y parvenir, on engraissoit les bestes des Forests des bleds des pauvres gens, pendant que par ces desgasts là on affamoit leurs femmes & enfans; Un Marchand, ayant fourny à un Grand jusques à la plus grande partie de son bien, ou un autre luy ayant faict credit de presque tout ce qu'il avoit vallant, lors qu'il en pensoit estre payé & demander satisfaction, on luy donnoit des mau­vaises paroles & bien souvent des coups, ou bien on luy apprenoit cette leçon à ses despens, Que les Seigneurs & tous autres Serviteurs du Roy sont privilegiés & qu'on [Page 16] ne les peut arrester ny poursuivre en Justice. Et par ce moyen là plusieurs pauvres Creanciers ont esté ruinés faute de Justice & sont peris par la prodigalité de leurs Debteurs, qui ont esté protegés contre les Loix. Des pauvres Bateliers & Paysans avec leurs batteaux, che­vaux & charettes estoyent forcés de servir le Roy à sa paye, laquelle, s'ils la pouvoyent avoir, ne suffisoit pas pour leur avoir du pain, encore que leurs femmes & leurs enfans n'eussent autre chose dequoy vivre, que de leur travail ordinaire. Et cette seule exaction qu'on ap­pellePurveyance. Corveé des Voictures des provisions de la Court, [contre laquelle nos Ancestres ont faict tant de bonnes & severes Loix, quoy qu'on n'en ait encore peu faire ob­server aucune] s'est trouvée par la supputation, qui en a esté faicte depuis peu, monter plus haut par an, à la sur­charge du Pays, que la Contribution pour l'Armeé.

Ce sont là quelques unes des exactions les plus gene­rales & les plus communes, qui travailloyent le plus or­dinairement plusieurs miserables Subjects, non seulement en leurs esprits, mais aussy tres-grievement en leurs corps: Mais si on considere la vaste despense de la Court pour satisfaire à sa luxure & prodigalité, comme d'un costé on trouvera un grand nombre de tables ordinaires & mal reiglées qui avoient esté ordōnées pour faouler quantité de ventres paresseux & de fardeaux inutiles sur la terre; des festins d'excessives despenses; des Masquarades & Comedies pleines de vanité & de gloire [qui estoyent leurs exercices des Dimanches, ou leurs Preparations à leurs Devotions] avec les autres provisions pour leurs recreations & plaisirs moins vicieux, mais qui causoyent d'aussy grands frais, pour lesquels entretenir on a em­ployé plusieurs milliers d'arpens de terre & plusieurs lieües de pays & presque des Provinces entieres, que l'on [Page 17] auroit peu cultiver pour le bien Public; Aussy d'autre part on verra des dons profus & des payements de sa­laires & pensions, qu'on faisoit annuellement à ceux que l'on remarquoit estre, ou que l'on croyoit pouvoir ren­dre des instruments propres pour advancer la Tyrannie; ou à ceux qui avoyent quelque dependance du Roy, ou pour estre de mesme Pays que luy, ou pour quelque au­tre consideration de sa Personne; Ausquels regards on peut monstrer des Comptes de plus deDeux cens mille escus. cinquante mille livres sterlings par an, qui se payoyent de l'es­pargne à certains Favorits de la Nation Escossoise, outre les autres sommes, qui leur estoyent donneés, ou presents qui leur estoyent faicts en secret de la bourse des menus plaisirs du Roy & par d'autres moy­ens; ce qui est tres-bien cognu de ceux, qui ont receu ces deniers là, & qui peut estre une des raisons, pour les­quelles ils se monstrent si zelés pour mantenir la Roy­auté en cette Nation là, de laquelle le Roy estoit. Or quiconque remarquera à combien de millions revenoy­ent ordinairement ces despenses excessives par chascun an, & sçaura que le juste revenu de la Couronne estably par les Loix [outre la taxe de la Coustume & les Parties Casuelles, sur lesquelles on devoit entretenir l'Armée Navale & les Places Fortes du Royaume] ne montoit pas àQuatre cens mille escus. cent mille livres sterlings, il auroit bien raison de s'estonner de quels moyens & artifices secrets on se pouvoit servir pour tirer comme de dessous terre des sources d'or & d'argent si abondantes, qu'elles peussent suffire pour faire constamment couler ces grandes Rivi­eres de vanité & de meschancetés, si ce n'estoit une chose assés claire que ces deniers provenans des Advis, & Pro­jects, des Monopoles & Partys, de la venté des Offices, des Presents de corruption, des Compositions pour estre [Page 18] exempt de la punition des Loix & d'autres telles mes­chantes inventions pour attirer l'argent du Peuple, cōme ils sont mal acquis, aussy sont ils deüement employés à ces vanités là. Par ces moyens, la Court estoit parvenue à une grandeur si fatale & si malheureuse, qu'elle en estoit devenue la pepiniere de toute Luxure & Intemperance, la corruption des moeurs & des bonnes inclinations de la plus part des nobles branches & rejectons des Tiges de nos plus Illustres Familles, & la ruine totale de la Reli­gion & de toute pieté & bonté suivant le Proverbe, Exeat Aulâ qui vult esse pius.

Dans une Respublicque on previent tous ces desordres & malheurs & une infinité d'autres semblables; Et l'on comprendra bien plus aisement le bien, dui nous peut re­venir de la situation & autres advantages de ce Pays, tant pour le traffic avec ceux de dehors, que pour les manufa­ctures au dedans, quand on aura aboli les Imposts & les Monopoles qui en causoyent les obstructions, & mesmes la Court qui en estoit la source; Et quand la liberté du Commerce sera restablie par ordre de l'Estat avec toute sorte d'encouragement pour les manufactures; Et qu'on aura pourveu à l'entretien des Pauvres, ce qui se fait plus ordinairement dans cette sorte de Governement, & à quoy le precedent n'a pas eu le le temps de penser.

Sur toutes ces considerations cy dessus, & sur plusi­eurs autres de fort grand poids, le corps Representa­tif du Peuple assemblé à present en Parlement, a jugé estre necessaire de changer le Gouvernement, de cette Nation, de la Monarchie, à laquelle il estoit parvenu par plusieurs Usurpations tres prejudiciables à l'Estat, en celuy d'une Respublicque, & de n'admettre plus de Roys cy aprés, pour exercer leur Tyrannie sur eux. A cette fin, & pour d'autant mieux establir cette Respublicque, [Page 19] ayans trouvé que céstoit une chose tres prejudiciable, que la Maison des Seigneurs, qui avoyent le pouvoir de s'as­sembler en corps entre eux, & estoyent authorisés par les Patentes des Roys cy-devant & jusques icy pour traicter & consulter sur l'establissement des Loix & sur d'autres affaires de grande importance, eussent plus long temps le moyen par leur Voix Negative de retarder & empescher le bien du Peuple, qu'ils, ne representent au­cunement, & qu'ils eussent aussy davantage le pouvoir de juger des personnes & des biens des Communes, des­quelles ils ne sont pas Juges Competents; Et d'autant aussy que leur authorité & grandeur dependoit seule­ment du pouvoir absolu d'un Roy, pour le maintien duquel ils ont encore depuis peu tesmoigné avoir beau­coup d'inclination & d'affection; Et estant en effect tres evident, que [sur tout en cette extremité de temps,] ny le gouvernement d'une Respublicque, ny la seureté & conservation du Public ne pouvoyent souffrir les de­lays & la voix Negative de la Maison desdicts Seig­neurs: On a pour ces raisons creu estre necessaire, de la rendre de nul effect & l'abolir entierement, laissant neant­moins à ces Seigneurs, qui ont esté & sont encore fideles à l'Estat le privilege d'avoir leurs voix aux Eslections & de pouvoir eux mesmes estre esleus Membres du Parle­ment, qui est le droict de toute personne interesseé & af­fectionneé au bien Public, Et qui semble avoir esté la practique de nos Ancestres, au temps que les Seigneurs & les Communes s'assembloyent en mesme lieu.

Mais on fait souvent une Objection sur ce sujet là touchant la Declaration des Maisons du mois d'Avril, 1646. Qu'Elles estoyent resolües de continuer le Gou­vernement du Royaume par le Roy, les Seigneurs & les Communes, & qu'Elles ont promis en d'autres Decla­rations [Page 20] de rendre le Roy un grand & heureux Prince; Nous respondons que c'estoit àlors leur intention, s'as­seurans à l'heure, que si on pouvoit esloigner du Roy son mauvais Conseil, il condescendroit aussy tost aux de­sirs du Peuple & du Parlement; Et que les Seigneurs, qui estoyent en ce temps là du Parlement, s'employe­royent & pourroyent beaucoup contribuer à ce bon oeuvre: Mais ayans recognu, qu'aprés s'estre applicqué sept fois à luy pour cet effect, il estoit neantmoins resolu de vivre & de mourir en maintenant obstinément sa Ty­rannie injuste, & qu'il refusoit d'accepter, ce que le Par­lement luy avoit offert; Considerans aussy, que les Seig­neurs estoyent tous engagés & obligés à foustenir cette Tyrannie là à cause de l'interest, qu'ils y avoyent comme Pairs du Royaume, d'ou ils s'attribuoyent un Pouvoir exorbitant de s'exempter de payer leurs debtes juste­ment contractées, & de respondre en Justice, outre l'au­thorité qu'ils pretendoyent avoir de pere en filz d'estre Juges du Peuple, à l'esclavage & oppression duquel toutes ces choses là tendoyent manifestement: Les Com­munes ont esté contraintes de changer ces premieres Re­solutions, se trouvans de la sorte frustrées de leurs espe­rances & intentions porteés par les susdictes Declara­tions. Et ce changement s'estant faict pour le bien de l'Estat, aucun particulier de ce Royaume ne le peut des­aprouver, & le Roy mesme, ny les Seigneurs ne sçau­royent tirer aucun advantage des choses promises par ces Declarations là, pource qu'ils ne les ont jamais accep­teés; Or quand il ne s'est pas faict de contract, on ne peut pas dire, qu'il soit rompu; Et il ne se fait point de contract, que par la stipulation des deux Partys, & lors qu'on accorde une chose pour l'autre, ce qui ne s'estant faict en cette affaire, mais ayant esté refusé, les Commu­nes [Page 21] n'estoyēt en aucunc sorte obligées d'observer ces De­clarations là, n'y estans astreinctes par aucun Accord de l'autre Party, qui n'en a pas accepté les conditions; Et ayans esté tellement forcées par tant de raisons, & par une necessité si urgente de changer de resolution, à fin de conserver la Liberté du Peuple, & de prevenir leur de­struction.

On objecte aussy, Que si on est forcé de faire aucune chose d'une telle importance, on en doibt deliberer & re­souldre en pleine assemblée, Et non pas aprés avoir em­pesché l'entrée de la Maison à plusieurs Membres, en violant leurs privileges, Et lors que ceux, qui sont assis en Parlement sont dans la crainte & soubs la force & agis­sent à leurs perils. A quoy on Respond, que tous les Parlements doivent agir à leurs perils, Et qu'il n'y en a jamais eu, que fort peu, qui ayent agi si librement, qu'on ne les ait forcé en quelque sorte en un tēps ou en l'autre, & que la plus part ont agi soubs la force de la volonté d'un Tyran, & dans la crainte & apprehension de leur ruine en luy desplaisant, & quelques uns soubs la force de di­verses Factions, ou differents pour la Succession à la Couronne: Et toutes-fois les Loix, que ces Parlements là ont faictes, ont continué en vigueur, ont esté bien re­ceües & ont tourné à l'advantage des Siecles suivants, toutes lesquelles, & tout ce qui a esté faict par ce Parle­ment depuis que quelques uns de leurs Membres les ont quitté, & depuis que le dernier Roy a levé la guerre con­tre Eux, & qu'on leur a causé divers troubles & des­ordres & faict divers affronts [si cette Objection a lieu,] n'auront aucune force ny valeur. Quant à ce que l'on dit, que leurs privileges ont esté violés, on ne peut pas en accuser les Membres, qui sont demeurés, ny qu'il ait esté en leur pouvoir de le prevenir, ny dy remedier; ou bien [Page 22] qu'ils n'ayent pas joüy eux mesmes d'une vraye liberté, tant au regard de leurs personnes, que de leurs suffrages, & qu'ils ne soyent, sans point de doubte, en beaucoup plus grand nombre, que la Loy des Parlements ne re­quiert pour faire une Maison suffisamment authorisée pour ordonner d'aucune affaire, que ce soit.

Et ce que l'on appelle à present une force sur eux, ce n'est autre chose qu'une garde de leurs meilleurs amis appellée à cela & ordonnée par le Parlement pour leur seureté & defense contre leurs Ennemis; Lesquels par ce moyen là se voyans frustrés de leurs esperances de destruire le Par­lement, taschent d'autant plus de blasmer & scandalizer leurs actions, comme si elles estoient faictes par force, laquelle n'est veritablement [comme nous avons dict] que leur propre guarde tirée par leur ordre de leur pro­pre Armée; Et quand il a fallu prendre en serieuse con­sideration laquelle de ces deux choses on devoit preferer à l'autre, ou les privileges du Parlement, ou le salut du Peuple, il n'a pas esté difficile de juger laquelle des deux devoit emporter la balance, Et que * le Parlement doibt plustost sacrifier tous ses interests & privileges particuliers, Les mariniers prudens jettent en la mer dans les tempestes ce qu'ils ont de plus precicux pour sauver le Vais­scau & par ce moyen là leur vie. [ce qui s'est souvent saict autres-fois sur des moindres raisons] qu'en insistant & s'oppiniastrant là dessus man­quer à son devoir & à faire sa charge, & abandonner tout l'estat à un danger tres-apparent de ruine & confusion.

La derniere Objection que l'on fait, & qui est de grand poids est, Que nos Courts de Justice & les bonnes Loix & Coustumes anciennes d'Angleterre, qui sont les Mar­ques de nos Franchises [du benefice desquelles nos an­cestres ont joüy long temps auparavant la Conqueste, & ont perdu beaucoup de leur sang pour en obtenir la con­firmation par la grande Chartre de nos privileges, & par d'autres Loix excellentes, qui ont tous-jours esté conti­nuées [Page 23] dans tous les premiers changemens, qui ont esté faicts dans l'Estat, & lesquelles estans bien executées, sont les plus justes, libres & equitables de toutes les autres Loix du Mōde] seront abolies & entierement perdues pour nous & pour no­stre Posterité par ce changement de Gouvernement. Pour respondre à cela, Ils esperent avoir desja donné quelque sa­tisfaction sur ce doubte, par leur briefue Declaration publiée dernierement, & par tous les tesmoignages reels que le Par­lement a fait tous devoirs de rendre de ces intentions sinceres au contraire, ayans ordonné que les Courts de Justice de Westminster fussent restablies au dernier Terme, & que toutes les Courts Ambulatoires fissent leurs Circuits ordi­naires par tout le Pays pendant ces vacations, pourveües de Juges doctes & entendus, à fin de faire voir qu'on continuoit les Loix anciennes du Pays, & l'administration & execution d'icelles. Ils considerent autant qu'il se peut, l'excellence & la justice des Loix d'Angleterre lors qu'elles sont bien execu­tées, & leur grande Antiquité; Et qu'elles ont esté establies mesmes auparavant que le Pays eut esté asservy par les Nor­mands; comme aussy que la Liberté, le droict de Proprieté & la Paix des Subjects ont esté conservés par leur moyen; Et [ce qui se rencontre heureusement par la providence de Dieu & par sa benediction tres-particuliere sur nous] qu'elles s'ac­cordent tres-bien avec le Gouvernement present d'unc Re­publicque, en faisant seulement quelques legers changemens en leur Forme, les laissant entieres en leur Substance, le nom de Roy n'y ayant esté employé que par forme seulement, ne luy ayant esté donné par icelles aucun pouvoir de les admi­nistrer, ou d'en juger en personne, non pas mesmes és choses de la moindre consequence, desquelles on peut tomber en dif­ferent. Ils sçavent fort bien, que leur propre authorité est fondée sur les Loix, ausquelles le Peuple a donné son consen­tement; Et outre leurs interests particuliers, qui sont consi­derables, [Page 24] Ils ont encore plus de soin de l'interest commun de ceux qui les employent, & recognoissent tres-bien, qu'il est impossible de les preserver sans les Loix & le Gouvernement de la Nation, & que, si on venoir à les abolir, on feroit aussy tost cesser toute industrie, & toutes sortes de miseres, de cruautés, & de confusion prendroyent incontinent la place, voire des plus grandes calamités, [si cela se pouvoit faire] que celles que le dernier Roy a attirées dessus nous par son meschant gouvernement, accableroyent infailliblement tou­tes sortes de personnes sous lesquelles ils periroyent sans res­source.

Ces Raisons doivent estre suffisantes pour persuader tout le monde de soubmettre volontairement leurs vies & fortunes à ces Reigles & Loix si equitables, & approuvées depuis si long temps, & desquelles ils ont desja si bonne & claire cognois­sance, & de ne croire pas que le Parlement ait intention de les abroger, Mais s'asseurer plustost, qu'il veut continuer & main­tenir les Loix & le Gouvernement de cette Nation, non ob­stant tous les changemens presens & tous les autres, qu'il jugera cy aprés estre à propos de faire pour l'entiere Refor­mation d'iceluy, & pour retrancher toutes corruptions, abus, delays, vexations, voyages & despenses non-necessaires & toutes autres choses, que l'on trouvera en effect estre à la foule & charge du Peuple.

En somme le dessein & l'entreprise du Parlement en chan­geant le present Gouvernement d'une Tyrannie en un Estat Libre, ce qu'il ne pretend pas seulement declarer de paroles, mais faire tout devoir de le mettre reellement & promptement en effect, est, De prevenir une nouvelle Guerre, & empescher à l'advenir la profusion des Finances, & l'effusion du sang Anglois; d'establir une Paix ferme & asseurée, par la­quelle on mette en oubly toutes les animosités & rancunes, que ces derniers troubles ont causé; De pourvoir à restablir [Page 25] le pur service de Dieu selon sa Parole, à l'advancement de la vraye Religion Protestante, & à un entretien honneste & as­seuré pour les bons & pieux Ministres; De procurer à tous ceux, qui conformeront leurs Actions à la gloire de Dieu & à la paix, la joüissance d'une liberté juste & raisonnable de leurs Consciences, Personnes & Biens; Et de s'employer vi­goureusement à faire la punition des cruels meurtriers d'Ire­lande, & d'y restablir les bons Protestants, comme aussy d'y recouvrer les droicts de cette Republicque, & donner satis­faction à tous ceux qui se seront engagés à cet oeuvre là; De faire tenir ferme & observer justement les Traictés & Allian­ces faictes avec les Princes & Estats Estrangers; D'encoura­ger le Peuple aux Manufactures, & accroistre & faire fleurir les Arts, & le Commerce; Et de pourvoir suffisamment à l'entretien des Pauvres par tout le Pays; D'avoir soin de re­former & administrer deüement les Loix & la Justice Pu­blicque, en sorte que les meschans soyent punis & les bons re­compensés; De mettre tel ordre au revenu de l'Estat, que toutes les Despenses Publicques soyent defrayées, la paye des Soldats bien & deüement reiglée & establie, que les quartiers francs puissent estre entierement abolis, les Peuples soyent soulagés en leurs charges & taxes, & les Debtes de l'Estat bien payées; De remedier à tous les Griefs & souffrances & à toutes les Oppressions du Peuple; Et d'establir la Paix & la Justice dans le Pays. Et comme Ils n'ont point d'autres fins, que celles là, aussy ne font Ils point de doubte que le Dieu Tout Puissant [lequel ils en prient en toute humilité] ne les y assiste & n'espande ses benedictions sur leurs foibles labeurs. En quoy faisant, comme Ils ne se sont point monstré envieux & ne se sont aucunement meslés, & ne pretendent pas de se mesler des Affaires, ou du Gouvernement d'aucun autre Roy­aume ou Estat, ny de donner aucun juste sujet d'offense à nos Voisins, [avec lesquels ils desirent entieremēt d'entretenir une [Page 26] bonne Correspondance & Amitié, s'il leur plaist:] Mais de se contenir dans leurs propres Affaires, & le maniement d'i­celles, & dans le reiglement du Gouvernement de cette Res­publicque, & des choses, qui en dependent selon la charge & l'authorité qu'ils en ont du consentement du Peuple de cet­te Nation, qu'ils representent par une legitime Election: Aus­sy Ils se veulent bien promettre, qu'on les traictera au dehors avec la mesme equité & candeur; Et que tous ceux, qui n'ont point d'interest aux affaires d'Angleterre, ne s'en mesleront point, non plus qu'il ne se meslent des leurs; Et en cas qu'on leur voulust faire aucun tort & les interrompre en cet oeuvre, Ils ne doubtent nullement, que par le courage & la puissance de cette Nation, & la benediction de Dieu, qui a jusques icy par une assistance miraculeuse approuvé la justice de leur Cause, & lequel, cōme Ils esperent, leur continuera la mesme faveur, Ils ne se trouvent assés puissans pour se bien defendre & maintenir leurs droicts.

Et Ils attendent de tous les vrays & fideles Anglois, non seulement, qu'ils ne s'engageront pas à aucuns desseins & entreprises, ny publics, ny particuliers & secrets pour s'op­poser à l'establissement present du Gouvernement, & par là allumer des nouveaux embrasemens de Guerre & de miseres parmy nous, ou il ne se peut qu'ils n'ayent leur part; Mais au contraire qu'ils se joindront volontairement à Eux, & tra­vailleront de leur costé pour l'accomplissement de ce grand oeuvre, qu'ils ont en main, de sorte que le nom de Dieu en soit glorifié, la Religion Protestante advancée, & que le Peuple de ce Pays puisse joüir de la benediction de la Paix, de la Li­berté, & de la Justice pour eux & pour leur Posterité aprés eux.

FIN.

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