PARODIE de la 2 Scene du 2 Acte du Cid.
Envoyeé a Mr. P. M sur sa Parodie de L Ode de Mr. Boileau-Despreaux.
P. M.
AMoy. Boileau, deux mote,
Boileau.
Parle.
P. M.
Ofre moy d'un doute,
Connois-tu bien Guillaume?
Boileau.
Oui.
P. M.
Parlons haut; écoute.
Scais tu que ce heros est la meme vertu
La vaillance & l'honneur de son temps, le scais-tu?
Boleau.
Peut-estre.
P. M.
Cette ardeur que dans les yeux je porte
Je la dois a ce Roy; le scais tu?
Boileau.
Que m'importe
P. M.
Mon Ode sur Namur te le fera scavoir.
Boileau.
Jeune auteur plein d'orgeuil!
P. M.
Parle sans t'émouvoir.
Je suis jeune, il est vray, mais aux ames bien nées
La verve n attend pas le nombre des années.
Boileau.
Ecrire contre moy! Qui tá rendu si vain,
Toy qu on ne vit jamais une plume a la Main?
P.M.
Les Normans a deux sois ne se font point connoitre,
Et pour leurs Coups d'Essay veulent des coups de Maitre.
Boileau.
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Scais-tu bien qui je suis?
P. M.
Oui, tout autre que moy
Au seul Nom de Boileau pouroit trembler d'effroy.
Mille & mille écrivains flétris dans tes ouvrages
Semblent d un sort pareil m'estre autant de presages.
J'attaque en temeraire un redoutable Auteur,
Mais j'auray trop de force ayant assés de Coeur.
A qui vange Guillaume il n'est rien d' impossible,
Despreaux est invaincu, mais non pas invincible.
Boileau.
L'audace qui paroit au discours que tu tiens
Sent assez son Corneille & le lieu d'ou tu viens.
Si je croyois ta Muse a cette audace égale,
La mienne pouroit bien l'accepter pour rivale:
Mais Poete & Normand, j'ay honte de te voir
Pour ta Religion oublier ton devoir
Combattre ta Patrie, &, par un double crime,
A Mon Ode, a Louis refuser ton estime,
Critiquer en Perrault un poeme parfait,
Et faire par tes vers ce que sa prose a fait.
Un reste de pitié pour ton sort m'interesse,
J'aime assez ton orgeuil, mais je plains ta jeunesse:
Ne cherche point a faire un coup d'essay fatal;
Dispense un
vieux Lion d'un combatinegal.
Sur cent Rivaux fameux, j'emportay la Victoire;
Mais vainere un inconnu, c'est triompher sans gloire:
On te croiroit sans peine accablé par mes vers,
Et tu vangerois mal le Prince que tu sers.
P. M.
D'une sotte pitié je voy ton ame pleine,
Et Guillaume & mes vers l'emporteront sans peine.
Boileau.
Supprime ton essay.
P. M.
Je veux le publier.
Boileau.
Laisse Mon Ode en paix.
P. M.
Je veux parodi
[...]r.
Boil.
Va, je cede; & mes vers cessant d'estre a la mode,
Puisque Namur est pris, acheve, & prens mon Ode.
ODE SUR LA PRISE DE NAMUR.
QUelle docte & fainte yvresse
Aujourd'hui me fait la loy?
Chastes Nymphes du Permesse,
N'est-ce pas vous que je voy?
Accourez, Troupe scavante,
Des sons que ma Lyre enfante
Ces arbres sont réjouïs.
Marquez-en bien la cadence;
Et vous, Vents, faites silence:
Je vais parler de LOURS.
Dans ses chansons immorteles,
Comme un Aigle audacieux,
Pindare estendant ses aisles,
Fuit loin des vulgaires yeux.
Mais, ô ma fidele Lyre,
Si, dans l'ardeur qui m'inspire,
Tu peux suivre mes transports;
Les chesnes des monts de Thrace
N'ont rien ouï que n'efface
La douceur de tes accords.
Est-ce Apollon, & Neptune
Qui sur ces Rocs sourcilleux,
Ont, compagnons de fortune,
Basti ces murs orgueilleux?
La Sambre unie à la Meuse
Deffend le fatal abord,
Et par cent bouches horribles
L'airain sur ces monts terribles
Vômit le fer, & la mort.
Dix mille vaillans Alcides
Les bordant de toutes parts,
D'éclairs au Ioin homicides
Font petiller leurs ramparts:
Et dans son sein infidele
Par tout la terre y recele
Un feu prest à s'élancer
Qui soudain percant son goufre,
Ouvre un sepulchre de soufre
A quiconque ose avancer.
Namur, devant tes murailles
Jadis la Grece eust vingt ans
San fruit veu les funerailles
De ses plus fiers Combattans.
Quelle effroiable Puissance
Aujour d'hui pourtant s'avance
Preste à foudroyer tes monts!
Quel bruit, quel feu l'environne;
C'est Jupiter en personne,
Ou c'est le Vainqueur de Mons.
N'en doute point, c'est Lui-mesme.
Tout brille en Lui, Tout est Roy.
Dans Bruxelles Nassau blême
Commence à trembler pour toy.
Deformais docile esclâve
Rangé sous ses étendars:
En vain au Lion Belgique
Il void l' Aigle Germanique
Um sous les Leopards.
Plein de la frayeur nouvelle
Dont ses sens agités,
A son secours il appelle
Les Peuples les plus vantés.
Ceux-là vtennent du rivage
Où s'énorgueillit le Tage
De l'or qu'il roulé en ses éaux:
Ceux-ci des champs où la nege
Des marais de la Norvege
Neuf mois couvre les roseaux.
Mais qui fait enfler la Sambre?
Sous les Jumeaux effrayés,
Des froids torrens de Decembre
Les champs par tout sont noyés.
Cerés s'enfuit éplorée
De voir en proye à Borée
Ses guerets d'épics chargés,
Et sous les urnes fangeuses
Des Hyades orageuses
Tous ses trésors submergés.
Déployez toutes vos rages
Princes, Vents, Peuples, Frimat.
Ramassez tous vos nuages;
Rassemblez tous vos Soldats.
S'en va tomber sous la foudre
Qui dompta l'Isle, Courtray,
Gand, la superbe Espagnole,
Saint Omer, Bezancon, Dole,
Ypres, Mastrich, & Cambray.
Mes présages s'accomplissent:
Il commence à chanceler.
Sous les coups qui retentissent
Ses murs s'en vont s'écrouler.
Mars en feu qui les domine
Soufle à grand bruit leur ruine,
Et les bombes dans les airs
Allant chercher le tonnerre,
Semblent, tombant sur la Terre,
Vouloir s'ouvrir les Enfers.
Accourez, Nassau, Baviere,
De ces murs l'unique espoir:
A couvert d'une riviere
Venez, vous pouvez tout voir.
Considerez ces approches:
Voyez grimper sur ces roches
Ces Athletes belliqueux;
Et dans les eaux, dans la flâme,
LOUIS à tout donnant l'ame,
Marcher, courir avecque eux.
Contemplez, dans la tempeste
Qui sort de ces Boulevars,
La plume qui sur sa teste
Attire tous les regards.
Toûjours un sort favorable
S'attache dans les combats:
Et toûjours avec la Gloire
Mars amenant la Victoire,
Vôle, & le suit à grands pas.
Grands Deffenseurs de l'Espagne,
Monstrez-vous, il en est temps.
Courage, vers la Mehagne
Voila vos drapeaux flottans.
Jamais ses ondes craintives
N'ont veu sur leurs foibles rives
Tant de guerriers s'amasser.
Courez donc. Qui vous retarde?
Tout l'Univers vous regarde.
N'osez-vous la traverser?
Loin de fermer le passage
A vos nombreux bataillons,
Luxembourg a du rivage
Reculé ses pavillons.
Quoy? leur seul aspect vous glace?
Ou sont ces Chefs pleins d'audace
Jadis si prompts à marcher,
Qui devoient de la Tamise,
Et de la Drâve soûmise,
Jufqu'à Paris nous chercher?
Cependant l'effroy redouble
Sur les remparts de Namur,
Son Gouverneur qui se trouble
S'enfuit sous son dernier mur.
Je voy monter nos cohortes
La flâme & le fer en main:
Et sur les monceaux de piques,
De corps morts, de rocs, de briques,
S'ouvrir un large chemin.
C'en est fait. Je viens d'entendre
Sur ces rochers èperdus
Battre un signal pour se rendre:
Le feu cesse. Ils sont rendus.
Dépoüillez vostre arrogance,
Fiers Ennemis de la France,
Et deformais gracieux,
Allez à Liege, à Bruxelles,
Porter les humbles nouvelles
De Namur pris à vos yeux.
Pour moy, que Phebus animé
De ses transports les plus doux,
Rempli de ce Dieu sublime,
Je vais, plus hardi que vous,
Montrer que sur le Parnasse,
Des bois frequentés d'Horace
Ma Muse dans son declin,
Scait encor les avenuës,
Et des sources inconnuës
A l'Auteur du Saint Paulin.
Poeme Heroique du Sieur P**
Fin de l' Ode.
PARODIE De l' Ode de Boileau Despreaux sur la Prise de NAMUR.
GRand Druide, quelle yvresse
A ta Muse fait la Loy?
Quel avorton du Permesse,
Quelle Ode est ce que je voy?
Cette Montagne seavante
De la souris qu'elle enfante
Va regaler nos Côteaux:
Boileau marque la Cadence;
Vieux Gaulois, faites silence,
Je vay parler en Despreaux.
Dans sa Chanson pedantesque,
Comme un hibou tenebreux,
Boileau, serieux-burlesque,
Fuit loin des vulgaires Yeux.
Mais, ô ma bruyante vielle,
Si, d'un Ton juste & fidelle,
Tu peux suivre ses transports,
Tous les Cuistres du Parnasse
N'ont rien ouy que n'efface
Le premier de tes Efforts.
Est-ce Ronsard le Gothique,
Est-ce Chapelain le dur,
Qui, flateur & Satirique,
Chante Louis & Namur?
En se noyant dans la Meuse,
Perit par un juste sort;
Et vomit des mots terribles,
Dans des Vers cent fois horribles,
A l'article de la Mort.
Malgré seize mille Alcides,
A Namur un nouveau Mars,
D'éclairs au loin homicides,
Va foudroyer les Remparts.
Pour toy, flatteur infidele,
Apollon plus ne recele
Un feu prest a s'elancer;
Tu t'abismes dans un goufre,
Et ton Salpetre & ton Soufre
Fait du bruit sans avancer.
Namur, devant tes Murailles
Jadis la France eust longtemps
Sans fruit veu les funerailles
De ses plus fiers Combattans;
Si des eaux la violence
N'eut aretté la puissance
Preste a secourir les Monts;
Luxembourg eut veu sans doute
Renouveller sa deroute
C'est Guillaume, c'est Luy-mesme;
Tout brille en Luy, tout est Roy;
Dans Versailles Louis bleme
Commence a trembler pour toy.
Au Francois docile esclave
Arracher les étendars:
Il craint le Lion Belgique,
Il craint l' Aigle Germanique,
Mais sur tout les Leopards.
Plein de la frayeur nouvelle
Dont ses sens sont agités,
A son secours il appelle
Ses guerriers les plus vantés.
Ceux là viennent du rivage
Ou par leur sanglante rage
Le Rhein vit rougir ses eaux;
Ceux-ci des Bords ou la Foudre,
Vengeans le Rhein, mit en poudre
Leurs villes & leurs chàteaux.
Mais qui fait garder la chambre
A ce monarque effrayé,
Tandis qu'au bord de la Sambre
Tout un peuple est envoyé?
Maintenon toute éploreé,
Et plus froide que boreé,
Voit fremir
* l'homme immortel,
Qui loin des bords de la Meuse
Garde sa valeur douteuse
Pour un nouveau Carousel.
Déployez vostre éloquence
Panegiristes flatteurs;
Pour celebrer sa vaillance
Rassemblez vous, Orateurs.
D'en parler
* comme l'histoire;
Louis fuit le Conquerant
Qui delivra la Hollande,
La Grand' Bretagne, & l' Irlande
Des alliés du Croissant.
Mes présages s'accomplissent;
Je voy Louis chanceler;
Sous les coups qui retentissent
Namur s'en va s'écrouler.
En vain il voit une armée
Dans son enceinte enfermée;
Mars vole en feu dans les airs,
Plus fatal que le tonnerre;
Et faisant trembler la Terre,
Ouvre au Francois les enfers.
Venez, Muses mercenaires,
De Louis le foible espoir;
Pour meriter vos salaires,
A sa cour faites le voir:
Tandis qu'on voit sur ces roches
Par de fatales approches
Grimper l'Anglois belliqueux;
Et dans les eaux, dans la flame,
Guillaume a tout donnant l'ame
Marcher, courir avec eux.
Contemplez, dans la tempeste
Ou Louis fut
dans vos vers,
Guillaume exposant sa teste,
Pour delivrer l univers.
Aux Tyrans si redoutable
Tout cede dans les combats.
La Valeur, la Vigilance,
La Justice, la Prudence
Conduisent par tout ses pas.
Fiers ennemies de l'Espagne,
Monstrez-vous, il en est temps:
Courage, vers la Mehagne
Voila vos drapeaux flottans.
Jamais ses ondes crantives
Nont veu sur leurs foibles rives
Tant de guerriers s'amasser.
Courez donc. Qui vous retarde?
Tout l'univers vous regarde.
N'osez-vous la traverser?
Loin de fermer le passage,
Comme jadis a Nassau,
L'Eau, s'ecoulant du rivage,
A peine forme un ruisseau.
Quoy? vos Chefs si pleins d'audace,
Laissent emporter la Place!
Ah, Louis, quel rude affront!
Quoy? vous n'osez la deffendre,
Vous que Boileau veut attendre
Sur le
* Bord de l'Hellespont?
Cependant l'effroy redouble
Sur les remparts de Namur.
Guiscar craint, Boufflers se trouble,
Et deffend en vain le Mur.
Je voy monter nos cohortes
La flame & le fer en main:
Et sur des monceaux de piques,
De corps morts, de rocs, de briques,
Souvrir un large chemin.
C'en est fait. Je viens d'entendre
Sur ces rochers éperdus
Battre un signal pour se rendre:
Le feu cesse. Ils sont rendus.
Dépouillez vostre arrogance,
Altiers Marêchaux de France,
Et deformais gracieux,
A vostre Maistre infidelle
Allez porter la nouvelle
De Namur pris a vos yeux.
Pour moy que Phebus anime
De ses transports les plus doux,
Rempli de ce Dieu sublime,
Je vais, plus heureux que vous,
Quittans le Francois sterile
Pour l' Anglois hardi, fertile,
Rival du Grec, du Latin,
Chanter la France vaincue,
En une langue inconnue
Au docte Auteur du* Lutrin.
Poeme Heroique du sieur B**
Fin de la Parodie.