LES PSEAUMES DE DAVID, Mis en rime Françoise, PAR CLEMENT MAROT, ET THEODORE DE BEZE.

A LONDRES, prime par R. Everingham, & se vend chez R. Benteley, demeurant dans le Commun Jardin; Et chez J. Hindmarsh, demeurant dans Cornhil, à l'enseigne de la Ball d'or. M.DC.LXXXVI.

AVERTISSEMENT.

CEux qui trouvent de la difficulté à donner au chant des Pseaumes, le ton naturel ou ordinaire, à cause de la varieté des Clefs, pourront facilement par cette reduction s'en proposer un qui soit fixe & arresté, en commençant toûjours depuis l' ut de la plus basse ligne jusques à la Notte qui ouvre le Chant; Ce que les Lecteurs ou Chantres sont exhortez d'observer à l'ave­nir, afin de reudre nostre façon de psalmodiër plus reguliere & moins penible.

PRINCIPES.
[...] ut re mi fa sol la si ut re mi
[...] mi re ut si la sol fa mi re ut si ut
[...] fa sol la fa ut re re ut fa la sol fa
[...] ut mi re fa mi sol fa la
[...] la fa sol mi fa re mi ut
[...] ut fa re sol mi la la mi sol re fa ut
[...] ut sol re la fa ut ut fa la re sol ut

INDICE POƲR TROƲVER LES PSEAƲMES SE­lon l'occurrence des affaires esquelles l'Eglise de Dieu, ou bien la per­sonne privée se peut trouver: Enquoi consiste le vrai usage des Pseaumes.

Pour prier pour la remission des [...]echez, & singulierement s'il est ma­ [...]ade ou travaillé pour raison d'iceux, [...]e 6. 25. 32. 38. 51. & 130.

Priere pour l'Eglise selon qu'elle sera assligée de diverses sortes.
  • Si de calomnies & de forces elle [...]ura le 10. 12. 13. 14. 123.
  • Si empeschée en l'exercice de la Religion, le 42.
  • Si travaillée pour la Parole, le 35. 44. 74 & le 88.
  • Si assaillie & forcée de venir quel­quefois au combat, le 17. 20. 80 83.
  • Si molestée de faux freres, elle aura le 94.
  • Si captive, ou pour delivrer la misere d'icelle, le 99. 102. 137.
  • Si pour prier simplement pour la prosperité d'icelle, le 67.
Pour rendre graces à Dieu des bene­fices qu'il fait a son Eglise.
  • Si c'est pour victōire qu'il lui ait donnée, 9. 18. 23. 149.
  • Si apres la delivrance de quelque oppression ou danger, 27. 34. 77. 124. 129.
  • Si simplement pour graces de quelques benefices, 48. 81. 106.
  • Si à moitié de la delivrance, le 126.
  • Si pour l'estenduë d'icelle, le 105.
Pour une personne privée à prier Dieu selon les occurrences de ses affaires.
  • Si c'est pour une priere commu­ne à Dieu, le 85. 121.
  • S'il est comme languissant en ce monde, le 16. & le 71.
  • S'il se sent exterieurement assligé, le 88. 142. 143.
  • S'il est travaillé d'ennemis, le 3. 5. 43 52. 53 54. & 59.
  • S'il se voit en grand danger, il a le 31.
  • S'il voit le Nom de Dieu blas­phemé, 28.
  • Si la prosperité des méchans le fasche ou le tente à mal, 37. 73.
  • S'il est assailli de desespoir ou impatience, 39.
  • Si c'est pour garder son inno­cence, 58.
  • S'il se sent privé de l'assemblée des fideles, 84. 120.
  • S'il est travaille des médisans ou faux témoins, 109.
  • S'il va au combat, le 144.
Ceux qui suivent sent propres à celui qui veut rendre grace à Dieu se­lon les occasions qu'il a de ce faire.
  • S'il se sent avoir esté delivré comme de la mort, le 30 138.
  • Si c'est apres avoir receu secours, il a le 40.
Ceun qui saivent appartiennent pro­prement à ceux qui veulent en­trer és loüanges & en admiration de Dieu.
  • [Page]Si c'est pour magnifier ses oeu­vres, le 8. 19. 29. 104. 111.
  • Si c'est pour exalter sa bonté, 24. 33. 65. 66. 103. 118. 145.
  • Si c'est pour loüer sa misericorde & sa verité, le 88.
  • Si pour loüer sa grandeur, le 77.
  • Si pour loüer sa justice, le 92. 93.
  • Si pour loüer sa providence, 75. 113. 136. 139.
  • Si pour loüer sa Loi, le 119.
  • Si de ce qu'il nous a adoptez pour son peuple, 9 60.
  • Pour inviter à se réjouïr en lui, 47. 95. 96. 118. 135.
  • Pour sommer toutes creatures à loüer Dieu, 148. 150.
Ceux-ci sont propres à celui qui cher­che asseurance & aide en Dieu seulement.
  • Le 46. 62. 63. 88. 91. 97. 115 127. 146.
  • Prophetie de Christ, de son regne & de son Eglise, 2. 22. 45. 50. 72. 110.
  • Pour celui qui ne juge point mal du juste en adversité, 41.
  • Pour une belle description de la vanité du monde, 49.
  • Exhortation saincte aux Princes & Juges de la terre, pour faire leur devoir, 82.
  • Belle description d'un bon Prince, 101.
  • Description de la felicité de l'homme, 102. 128.
  • Description de l [...]mnisere de la vie humaine, 90.

Pseaumes qui se chantent sur un mesme chant.

  • Le Pseaume 5. & 64.
  • Le 14. & 53.
  • Le 17. 63. & 70.
  • Le 18. & 144.
  • Le 24. 62. & 111.
  • Le 28. & 109.
  • Le 30. 76. & 189.
  • Le 31. & 71.
  • Le 33. & 67
  • Le 36. & 68.
  • Le 46. & 82.
  • Le 51. & 69.
  • Le 60. & 108.
  • Le 65. & 72.
  • Le 66 98. & 118.
  • Le 74. & 116.
  • Le 77. & 86.
  • Le 78 & 90.
  • Le 100. 131. & 142.
  • De 117. & 127.
  • Le 140. sur le chant des Com­mandemens.

LES PSEAUMES DE DAVID.

PSEAUME I.
Pseaume de doctrine. Beatus vir qui non abiit in consilio.

[...] QUi au conseil des malins n'a esté,
[...] Qui n'est au train des pecheurs arresté,
[...] Qui des moqueurs au banc place n'a prise,
[...] Mais nuict & jour la Loi contemple & prise
[...] De l'Eternel, & en est desireux:
[...] Certainment celui-là est heureux.
¶ Et semblera un arbre grand & beau,
Planté au long d'un clair courant ruisseau,
Et qui son fruit en sa saison apporte,
Duquel aussi la fueille ne chet morte.
Si qu'un tel homme & tout ce qu'il fera,
Toüjours heureux & prospere sera.
¶ Mais les pervers n'auront telles vertus,
Ains ils seront semblables aux festus,
Et à la poudre au gré du vent chassëe.
Partant sera leur cause renversée
En jugement, & tous ces reprouvez
Au rang des bons ne seront point trouve [...].
¶ Car l'Eternel les justes connoit b [...]
Et est soigneux & d'eux & de leur [...]
Pourtant auront felicité qui dure.
Quant aux méchans qui n'ont ni soin ni cure
De s'amender, le chemin qu'ils tiendront,
Eux & leurs faits en ruïne viendront.

PSEAUME II.
Pseaume de prophetie Quare fremuerunt gentes.

[...] POurquoi sont bruit & s'assemblent les gens?
[...] Qu'elle folie a murmurer les meine?
[...] Pourquoi sont tant les peuples diligens
[...] A mettre sus une entreprise vaine?
[...] Bandez se sont les grands Rois de la terre,
[...] Et les Primats ont bien tant presumé,
[...] De conspirer & vouloir faire guerre
[...] Tous contre Dieu & son Roi bien-aimē.
¶ Disans entr'eux, Dérompons & brisons
Tous les liens dont lier nous pretendent:
Au loin de nous jettons & méprisons
Le joug lequel mettre sur nous s'attendent:
Mais celui là qui les hauts cieux habite
Ne s'en fera que rire de là haut:
Le Tout-puissant de leur façon dépite
Se moquera, car d'eux il ne lui chaut.
¶ Lors s'il lui plaist, parler à eux viendra
En son courroux plus qu'autre épouventable,
Et tous ensemble estonnez les reudra
En sa fureur terrible & redoutable.
Rois, dira-t'il, d'où vient cette entreprise?
De mon vray Roi j'ai fait élection,
Je l'ai sacre, sa couronne il a prise
Sur mon tres-sainct & haut mont de Sion.
*⁎* ¶ Et moi qui suis le Roi qui lui ai pleu,
Raconterai sa sentence donnée:
C'est qu'il m'a dit, Tu es mon Fils éleu,
Engendré t'ai cette heureuse journée:
Demande moi, & pour ton heritage
Sujets à toi tous peuples je rendrai,
Et ton Empire aura cét avantage,
Que jusqu'aux bords du mon l'étendraí.
¶ Verge de fer en ta main porteras
Pour les dompter & les tenir en serre:
Et s'il te plaist, menu les briseras,
Aussi aisé comme un vaisseau de terre.
Maintenant done, ô vous & Rois & Prin­ces,
Plus entendus & sages devenez:
Juges aussi de terres & provinces,
Instruction à cette heure prenez.
¶ Du Seigneur Dieu serviteurs rendez-vous,
Craignez son ire, & lui vueillez complaires
Et d'estre à lui vous réjouïssez tous,
Ayans toûiours crainte de lui déplaire.
Faites hōmage au Fils qu'il vous envoye,
Que courroucé ne soit amerement:
Afin aussi que de vie & de voye
Ne perissiez trop malheureusement.
¶ Car tout à coup son courroux rigoureux
S'embrasera qu'on ne s'en donra garde.
O combien lors ceux-là seront heureux
Qui se seront mis en sa sauvegarde.

PSEAUME III.
Pseaume de doctrine. Domine, quid multiplicati sunt qui.

[...] O Seigneur, que de gens A nuire diligens, Qui me troublent & grevent! Mon Dieu, que d'ennemis Qui au champs se sont mis Et contre moy s'élevent! Certes plusieurs j'en voi Qui vont disans de moy, Sa force est a bo lie, Plus ne trouve en son Dieu Secours en aucun lieu: Mais c'est à eux fo lie.

¶ Car tu es mon tres-seur
Bouclier & defenseur,
Et ma gloire éprouvée:
C'est toi, à br [...] parler,
Qui fais que puis aller
Haut la teste levée.
J'ay crié de ma voix
Au Seigneur mainte fois,
Lui faisant ma complainte:
Et ne m'a repousse,
Mais toûjours exaucé
De sa montagne sainte.
¶ Dont coucher m'en irai,
En seurté dormirai,
Sans craindre de mégarde:
Puis me réveillerai,
Et sans peur veillerai,
Ayant Dieu pour ma garde.
Cent mille hommes de front
Craindre ne me feront,
Encor' qu'ils l'entreprinssent:
Et que pour m'etonner,
Clorre & environner
De tous costez me vinffent.
¶ Vien done, declare toi
Pour moi, mon Dieu, mon Roi:
Qui de busses renverses
Mes ennemis mordents,
Et qui leur romps les dents
En leurs gueules perverses.
C'est de toi, Dieu tres haut,
De qui attendre faut
Vrai secours & defense:
Car sur ton peuple estens
Toûjours en lieu & temps
Ta grand' beneficence.

PSEAUME IV.
Pseaume de priere. Cum invocarem exaudivit me Deus.

[...] QUand jo d'invoque, helas! écoute, O Diou de ma cause & raison: Mon [Page]coeur serré au large boute, De ta pitié ne me reboute, Mais exauce mon orai­son. Jusques à quand, gens inhumaines, Ma gloire abbattre tacherez? Jusqu'à quand entreprises vaines, Sans fruict, & d'a busi on pleines, Aimerez-vous & chercherez?

¶ Saeachez, puis qu'il le convient dire
Que Dieu pnur son Roi gracieux
Entre tous m'a voulu élire:
Et si à lui crie & soûpire;
Il m'entendra de ses hauts cieux.
Tremblez donques de telle chose,
Sans plus contre son vueil pecher:
Pensez en vous ce que propose,
Dessus vos licts en chambre close,
Et cessez de plus me fascher,
¶ Puis offrez juste sacrifice
De coeur contrit, bien humblement,
Pour repentance d'un tel vice:
Mettans au Seigneur Dieu propice
Vos fiances entierement.
Plusieurs gens disent, Qui sera-ce
Qui nous fera voir force biens?
O Seigneur, par ta sainte grace,
Vueilles la clarté de ta sace
Elever sur moi & les miens.
¶ Car plus de joye m'est donnée,
Par ce moyen, ô Dieu tres-haut,
Que n'ont ceux qui ont grand' année
De froment, & bonne vinée,
D'huiles, & tout ce qu'il leur faut.
Si qu'en paix & en seurté bonne,
Coucherai & reposerai:
Car, Seigneur, ta bonté Pordonne,
Et elle seule espoir me donne
Que seur & seul regnant serai.

PSEAUME V.
Pseaume de priere. Verba mea auribus percipe, Domine, &c.

[...] AUx paroles que je veux dire Vueilles ton oreille prester, Et à connoistre t'arrester, Pourquoi mon coeur pense & soûpire, Souverain Sire.

¶ Enten à la voix tres-ardente
De ma clameur, mon Dieu, mon Roi,
Veu que tant seulement à toi
Ma supplication presente
J'offre & presente.
¶ Matin devant que jour il face,
S'il te plaist, tu m'exauceras,
Car bien matin prié seras
De moi, levant au ciel la face,
Attendant grace.
¶ Tu es le vrai Dieu qui méchance
N'aimes point, ni malignité:
Et avec qui, en verité,
Mal-faicteurs n'auront accointance,
Ni demeurance.
¶ Jamais le fol & temeraire
N'ose apparoir devant tes yeux:
Car toûjours te sont odieux
Ceux qui prennent plaisir à faire
Mauvais aflaire.
*⁎* ¶ Ta fureur perd & extermine
Finalement tous les menteurs:
Quant aux meurtriers & decepteurs,
Celui qui terre & ciel domine
Les abomine.
¶ Mais moi en la grand' bonté mainte,
Laquelle m'as fait favourer,
J'irai encore t'adorer
En ton temple, en ta maison sainte,
Dessous ta crainte.
¶ Mon Dieu, guide moi & convoye
Par ta bonté, que ne sois mis
Sous la main de mes ennemis:
Et dresse devant moi ta voix,
Que ne fourvoye.
¶ Leur bouche rien de vrai n'ameine,
Leur coeur est feint, faux & couvert:
Leur gosier, un sepulcre ouvert:
De flaterie fausse & vaine
Leur langue est pleine.
¶ O Dieu, montre leur qu'ils mépren­nent:
Ce qu'ils pensent faire défais:
Chasse les pour leurs grands méfaits:
Par c'est contre toi qu'ils se prennent,
Tant entreprennent.
¶ Et que tous ceux se réjouïssent
Qui en toi ont espoir & foi:
[...]oye auront sans fin dessous toi,
Avec ceux qui ton Nom cherissent,
Et te benissent.
¶ Car de bien faire tu es large
A l'homme juste, ô vrai Sauveur,
Et le couvres de ta faveur.
Tout ainsi comme d'une targe
Epaisse & large.

PSEAUME VI.
Pseaume de prlere. Dominé, ne in furore tuo arguas me.

[...] NE vueilles pas, ô Si╌re, Me reprendre en ton ire, Moi qui t'ai irrité: N'en ta fureur terrible Me punir de l'horrible Tourment qu'ai merité.

¶ Mais, Seigneur, vien étendre
Sur moy ta pitié tendre,
Car malade me sens:
Santé donques me donne:
Car mon grand mal étonne
Tous mes os & mes sens.
¶ Et mon esprit se trouble
Grandement & au double,
En extréme souci.
O Seigneur plein de grace,
Jusques a quand sera-ce
Que me lairras ainsi?
¶ Helas, Sire, retourne,
D'entour de moi détourne
Ce merveilleux émoi
Certes grande est ma foute,
Mais par ta bonté haute
Je te pri' sauve moi.
¶ Car en la mort cruelle
Il n'est de toi nouvelle,
Memoire ni renom:
Qui penses-tu qui die,
Qui louë & psalmodie
En la fosse ton Nom?
*⁎* ¶ Toute nuit tant travaille,
Que lict, chalit & paille
[...] pleurs je fais noyer:
Et en eau goutte à goutte [...]
S'en va ma couche toute
Par si fort larmoyer.
¶ Mon oeil pleurant sans cesse
De dépit & détresse
En un grand trouble est mis:
Il est envieilli d'ire.
De voir entour moi rire
Mes plus grands ennemis.
¶ Sus, sus, arriere iniques,
Deslogez tyranniques,
De moi tout à la sois:
Car le Dieu debonnaire
De ma plainte ordinaire
A bien ouï la voix.
¶ Le Seigneur en arriere
N'a point mis ma priere,
Exaucé m'a des cieux:
Receu a ma demande,
Et ce que lui demande
Accorde m'a & mieux.
¶ Donques honteux deviennent,
Et pour vaincus se tiennent
Mes adversaires tous:
Que chacun d'eux s'éloigne
Subit en grand' vergogne.
Puis que Dieu m'est si doux.

PSEAUME VII.
Pseaume de priere. Domine, Deus meus, in te speravi.

[...] MOn Dieu, j'ai en toi es perance, Donne moi donc sauve asseurance De tant d'ennemis inhumains, Et fai que ne tombe en leurs mains: A sin que leur chef ne me grippe, Et ne me dérompe & dissi [...]pe, Ainsi qu'un lion devo­ant, Sans que nul me soit secourant,

¶ Mon Dieu, sur qui je me repose,
Si j'ai commis ce qu'il propose,
Si de lui faire ai projetté
De ma main tour de lascheté:
Si mal pour mal j'ai voulu faire
A cét ingrat: mais au contraire,
Si fait ne lui ai tour d'ami,
Quoi qu'à tort me soit ennemi:
¶ Je veux qu'il me poursuive en guerre,
Qu'il m'atteigne & porte par terre,
Soit de ma vie ruïneur
Et mette à neant mon honneur.
Leve-toi donc, leve-toi, Sire,
Sur mes ennemis en ton ire:
Veille pour moi, que je sois mis
Au droit lequel tu m'as promis.
¶ A grands troupeaux le peuple vienne
Autour de la Majesté tienne:
Sois pour la cause de nous deux
Haut élevé au milieu d'eux.
Là des peuples Dieu sera Juge:
Et alors, mon Dieu, mon resuge,
Juge moi en mon équité:
Et selon mon integrité.
*⁎* ¶ Le mal des méchans se consomme,
Et soûtien le droit & juste homme,
Toi Juste Dieu, qui jusqu'au fonds
Sondes les coeurs mauvais & bons.
C'est Dieu qui est mon asseurance,
Et mon pavois: j'ai esperance
En lui, qui garde & fait vainqueur
Un chacun qui est droit de coeur.
¶ Dieu est le Juge veritable
De celui qui est équitable,
Et de celui semblablement
Qui l'irrite journellement.
Si l'homme qui tasche à me nuire
Ne se veut changer & reduire,
Dieu viendra son glaive aiguiser,
Et bander son arc pour viser.
¶ Déja le grand Dieu des alarmes
Lui prepare mortelles armes:
Il fait dards propres & servans
A poursuivre mes poursuivans.
Et l'autre engendre chose vaine,
Ne conçoit que travail & peine.
Pour enfanter, quoi qu'il en soit,
Le rebours de ce qu'il pensoit.
¶ A caver une grande fosse
Il met sollicitude grosse:
Mais en la fosse qu'il fera
Lui mesmes il trébuchera.
Le mal qu'il me forge & appresse
Retournera dessus sa teste:
Bref, je voi le mal qu'il commet
Lui descendre sur le sommet.
¶ Dont loüange au Seigneur je donne
Pour sa justice droite & bonne:
Et tant que terre hanterai,
Le Nom du Tres-haut chanterai.

PSEAUME VIII.
Pseaume d'action de graces. Domine, Dominus noster.

[...] O Nostre Dieu, & Seigneur amiable, Combien ton Nom est grand & ad­mirable Par tout ce val terrestre spa cieux Qui ta puissance éleve sur les cieux!

¶ En tout ce voit ta grand' vertu parfaite,
Jusqu'à la bouche aux enfans qu'on allaite:
Et rens par là confus & abatu
Tout ennemi qui nie ta vertu.
¶ Mais quand je voi & contemple en cou­rage
Les cieux qui sont de tes doigts haut ouvra­ge,
Essoilles, Lune, & Signes differens
Que tu as fait & assis en leurs rangs.
¶ Alors je dis à part moi ainsi comme
Tout ébahi: Et qu'est-ce que de l'homme,
D'avoir daigné de lui te souvenir,
Et de vouloir en ton soin le tenir?
*⁎* ¶ Tu l'as fait tel que plus il ne luireste
Fors estre un Ange en l'ayant quant au reste
Abondamment de gloire environné,
Rempli de biens & d'honneur couronné.
¶ Regner le fais sur les oeuvres tant belles
De tes deux mains, cōme seigneur d'icelles.
Tu as de vrai, sans nulle exception,
Mis sous ses pieds tout en sujettion.
¶ Brebis & borufs, & leurs peaux & leurs laines
Tour les troupeaux des hauts monts & des
En general toutes bestes cherchans
A pasturer & par bois & par champs: plaines,
¶ Oiseaux de l'air qui volent & qui chantent,
Poissons de mer ceux qui nagent & hantent
Par les sentiers de mer grands & petits,
Tu les as tous à l'homme assuiettis.
¶ O nostre Dieu & Seigneur amiable,
Cōme à bon droit est grand & admirable
L'excellent bruit de ton Nom prēeieux
Par tout ce val terrestre & spacieux!

PSEAUME IX.
Pseaume d'action de graces. Confitebor tibi, Domine.

[...] DE tout mon coeur t'exalterai, Seigneur, & si raconterai Toutes tes oeuvres nompareilles, Qui sont dignes de grand's merveilles.

¶ En toi je me veux réjouïr,
D'autre soulas ne veux joiiir,
O Tres-haut, je veux en cantique,
Celebrer ton Nom authentique:
¶ Parce que par ta grand' vertu
Mon ennemi s'enfuit batu,
Déconfit de corps & courage
Au seul regard de ton visage.
¶ Car tu m'as esté si humain.
Que tu as pris ma cause en main,
Et t'es assis pour mon refuge
En chaire comme juste Juge.
¶ Tu as défait mes ennemis,
Le méchant en ruïne mis:
Pour tout jamais leur renommée
Tu as éteinte & cohsumée.
*⁎* 1 ¶ Or ça ennemi caut & fin,
As-tu mis ton entreprise à fin?
As-tu rasé nos citez belles?
Leur nom est-il mort avec elles?
¶ Non, non: le Dieu qui est là haut
En regne qui jamais ne faut,
Son trône a dressé tout propice
Pour faire raison & justice.
¶ Là jugera-t'il justement
La terre ronde entierement,
[...]esant les causes en droiture
[...]e toute humaine creature.
¶ Et Dieu la retraite sera
Du pauvre qu'on pourchassera,
Voire sa retraite & adresse
Au plus dur temps de sa détresse.
¶ Dont ceux qui ton Nom connolstront,
Leur asseurance en toi mettront:
[...]ar, Seigneur, qui à toi s'adonne,
Ta bonte point ne l'abandonne.
*⁎* 2 ¶ Chantez en exultation
Au Dieu qui habite en Sion,
Preschez à gens de toutes guises
Ses oeuvres grandes & exquises.
¶ Car du sang du juste il s'enquiert,
Lui en souvient & le requiert,
Et jamais-la clameür n'oublie
De l'affligé qui le supplie.
¶ Seigneur Dieu (ce disoit-je en moi)
Voi par pitié que j'ai d'émoi
Par mes ennemis remplis d'ire,
Et du pas de mort me retire:
¶ Afin qu'au milieu de l'enclos
De Sion j'annonce ton los,
En démenant rejouïssance
D'estre recoux par ta puissance.
¶ Incontinent les malheureux
Sont cheus au piege fait par eux:
Leur pied mesme s'est venu prendre
Au filé qu'ils ont osé tendre.
*⁎* 3 ¶ Ainsi est connu l'Immortel,
D'avoir fait un jugement tel,
Que l'inique a senti l'outrage
Et le mal de son propre ouvrage.
¶ Croyez que toûjours les méchans
S'en iront en bas trébuchans,
Et toutes ces gens insensées,
Qui n'ont point Dieu en leurs pensées.
¶ Mais l'homme pauvre humilié
Ne sera jamais oublié:
Jamais de l'humble estant en peine
L'esperance ne sera vain.
¶ Vien, Seigneur, montre ton essort,
Que l'homme ne soit le plus sort:
Ton pouvoir les gens venir face
En jugement devant ta face.
¶ Seigneur Dieu, qui Immortel es,
Tressaillir de crainte fai-les,
Donne leur à connoistre comme
Pas un d'entr'eux n'est rien fors qu'homme.

PSEAUME X.
Pseaume de consolation & priere. Ut quid, Domine, recessisli.

[...] D'Où vient cela, Seigneur, je te suppli', Que loin de nous te tiens les veux couverts? Te caches-tu pour nous mettre en oubli, Mesmes au temps qui est dur & divers? Par leur orgueil sont ardens les pervers A tourmenter l'hum­ble qui peu se prise, Fai que sur eux tombe leur entreprise.

¶ Car le malin se vante & se sait seur
Qu'en ses desirs n'aura aucun defaut:
Ne prisant rien que l'avare amasseur,
Et méprisant l'Eternel, le Tres-haut.
Tant il est fier, que de Dieu ne lui chaut:
Mais tout cela qu'il pense en sa memoire,
C'est, Dieu n'est point, & si ne le veut croire.
¶ Tout ce qu'il fait tend à mal sans cesser,
De sa pensée est loin ton jugement:
Tant est enfle, qu'il pense renverser
Ses ennemis à soussler seulement.
En son coeur dit, De branler nullement
Garde je n'ai: car je sçal qu'en nul age
Ne peùt tomber sur moi aucun dommage.
¶ D'un parler feint, plein de deception
Le faux perjure est toûjours embouché:
Dessous sa langue avec oppression
Desir de nuire est toûjours embusché:
Semble au brigand, qui sur les champs ca­ché
[...]innocent tuë en caverne secrette,
[...] de qui l'oeil pauvres passans aguette.
*⁎* ¶ Aulli l'inique use du tour secret
[...]u lion caut en sa taniere, helas!
[...]our attraper l'homme simple & pauvret,
[...]t l'engloutir quand l'a pris en ses laqs.
Il fait le doux, le marmiteux, le las:
Mais sous cela par sa force perverse
Grand' quantité de pauvres gens renverse.
¶ Et dit encor en son coeur vicieux,
Que Dieu ne veut la souvenance avoir
De tout cèla, & qu'il couvre ses yeux,
A celle sin de jamais n'en rien voir.
Leve-toi donc, Seigneur, pour y pourvoir,
Hausse ta main dessus, je te supplie,
Et ceux qui sont persecutez n'oublie.
¶ Pourquoi irrite & méprise en ses faits
L'hōme méchant, le Seigneur tant humain?
En son coeur dit, qu'enqueste tu n'en fais:
Mais tu vois bien son méfait inhumain:
Et voyant tout, prens les causes en main,
Voila pourquoi s'appuye le debile
Sur toi qui es le support du pupille.
¶ Brise la force & le bras plein d'excez
Du mal-faicteur inique & reprouvé:
Fai de ses maux l'enqueste & le procez,
Plus n'en sera par toi un seul trouvé.
Lors à jamais Roi de tous approuvé
Regnera Dieu, quand en sa terre sainte
De ces méchans sera la race éteinte.
¶ O Seigneur donc, s'il te plaist tu orras
Ton pauvre peuple en cette aspre saison:
Et bon courage & espoir lui donras,
Prestant l'oreille à son humble oraison:
Qui est de faire aux plus petits raison,
Droit aux foulez, si que l'homme de terre
Ne vienne plus leur faire peur ni guerre.

PSEAUME XI.
Pseaume de consolation. In Domino confido, quomodo.

[...] VEu que de tout en Dieu mon coeur s'appuye, Je m'ébahis comment de vostre mont Plûtost qu'oiseau dites que je m'enfuye. Vrai est que l'arc les ma­lins tendu m'ont, Et sur la corde ont assis leurs sagettes, Pour contre ceux qui de coeur justes sont Les décocher jusques en leurs cachettes.

¶ Mais on verra bien tost à neant mise
L'intention de tels malicieux:
Cat quelle faute a le juste commise?
Scachez que Dieu a son palais aux cieux,
Dessus son trône est l'Eternel Monarque:
La haut assis il voit tout de ses yeux,
Et son regard les humains note & marque.
¶ Tout il éprouve, & le juste il approuve,
Mais son coeur hait qui aime extorsion,
Et l'homme en qui violence se trouve.
Pleuvoir fera feu de punition
Sur les malins, soulphre chaud, slamme ardente,
Vent foudroyant: voilà la portion
De leur breuvage, & leur paye evidente.
¶ Car il est juste, & pour ce aime justice,
Tournant toûjours par douce affection
Vers l'hōme droit son oeil doux & propice.

PSEAUME XII.
Pseaume de priere. Salvum me fac, Domine, quoniam.

[...] DOnne secours, Seigneur, il en est heure, Car d'hommes droits sommes tous dénuez. Entre les fils des hommes ne demeuré Un qui ait foi, tant sont diminuez.

¶ Certes chacun vanité, menteries,
A son prochain dit ordi nairement:
Aux levres n'a l'homme que flateries,
Quand il dit d'un, son coeur pense autremēt.
¶ Dieu vueille donc ces levres blandissantes
Tout à travers pour jamais inciser:
Pareillement ces langues arrogantes,
Qui bravement ne font que deviser.
¶ Qui mesmement entr'eux ce propos tiennent,
Nous serons grands par nos langues sur tous:
A nous de droict nos levres appartiennent,
Flatons, mentons, qui est maistre sur nous?
¶ Pour l'assligé, pour les petits qui crient,
(Dit le Seigneur) ores me leverai:
Loin les mettral des langues qui varient,
Et de leurs laqs chacun d'eux sauverai.
¶ Certes de Dieu la parole se treuve
Parole nette, & tres-pure est sa voix:
Ce n'est qu'argent affiné à l'epreuve,
Argent au feu épuré par sept fois.
¶ Or done, Seigneur, que ton peuple & tes hommes
Soient maintenus par ta gratuïté:
Et de ces gens, dont tant molestez sommes,
Delivre nous à perpetuïté:
¶ Car les malins à grand's troupes chemi­ner [...]
Deçà, delà, tout est plein d'inhumains:
Lors que d'iceux lesplus méchans dominent,
Et qu'élevez sont entre les humains.

PSEAUME XIII.
Pseaume de priere. Usquequo, Domine, oblivisceris me.

[...] JUsques ä quand as établi, Seigneur, de me mettre en oubli? Est-ce à jamais? par combien d'âge Détou rneras-tu ton vi sa ge De moi, las! d'an­goisse rempli?

¶ Jusques à quand sera mon coeur
Veillant, conseillant, pratiqueur,
Et plein de souci ordinaire?
Jusques à quand mon adversaire
Sera-t'il dessus moi vainqueur?
¶ Regarde moi, mon Dieu puissant,
Répon à mon coeur gemissant,
Et mes yeux troublez illumine,
Que mortel dormir ne domine
Dessus moi quasi perissant.
¶ Que celui qui guerre me fait
Ne die point, Je Pai défait:
Et que tous ceux qui tant me troublent
Le plaisir qu'ils ont ne redoublent,
Par me voir trébucher de fait.
¶ En toi gist tout espoir de moi,
Par ton secours fai que l'émoi
De mon coeur en plaisir se ehange:
Lors à Dieu chanterai lo [...]ange,
Car de chanter j'aurai dequoi.

PSEAME XIV.
Pseaume de doctrine. Dixit insipiens in corde suo, Non est Deus.

[...] LE fol malin en son coeur dit & croit, Que Dieu n'est point, & corrompt & renverse Ses moeurs, sa vie, horribles faits exerce: Pas un tout seul ne fait rien bon ni droit, Ni ne voudroit.

¶ Dieu du haut Ciel a regardé ici
Sur les humains avecques diligence,
S'il en verroit quelqu'un d'intelligence,
Qui d'invoquer la divine merci
Fust en souci.
¶ Mais tout bien yeu, a trouvé que chacun
A fourvoyé, tenant chemins damnables:
Ensemble tous sont faits abominables:
Et n'est celui qui face bien aucun,
Non jusqu'à un.
¶ N'ont-ils nul sens tous ces pernicieux,
Qui font tout mal, & jamais ne se changent?
Qui cōme pain mon pauvre peuple mangent,
Et d'invoquer ne sont point soucieux
Le Dieu des Cieux.
¶ Certainement tous ébahis seront,
Que sur le champ ils trembleront de crain­te:
Car l'Eternel par sa faveur tres-sainte
Tiendra pour ceux qui droits se trouveront,
Et l'aimeront.
¶ Ha! mal-heureux, vous vous étudiez
A vous moquer de l'intention bonne
Que l'Immor tel au pauvre affligé donne,
Parce qu'ils sont sur lui tous appuyez,
Et en riez.
¶ O qui, & quand de Sion sortira
Pour Israël secours en sa souffrance!
Quand Dieu mettra son peuple à delivrance
De joye alors Israël jouïra,
Jacob rira.

PSEAUME XV.
Pseaume de doctrine. Domine, quis habitabit in tabernaculo tuo?

[...] QUi est-ce qui conversera, O Seigneur, en ton tabernacle? Et qui est ce­lui qui sera Si heureux, que par grace aura Sur ton sainct mont seur habitacle.

¶ Ce sera celui droitement
Qui va rondement en besogne:
Qui ne fait rien que justement,
Et dont la bouche ouvertement
Verité en son coeur témoigne.
¶ Qui par sa langue point ne fait
Rapport, qui los d'autrui efface:
Qui à son prochain ne méfait,
Qui anssi ne soussre de fait
Qui opprobre à son voisin on face.
¶ Ce sera l'homme contemnant
Les vicieux, aussi qui prise
Ceux qui craignent le Dieu regnant:
Ce sera l'homme bien tenant
(Fust-ce à son dam) la foi promise.
¶ Qui à usure n'entendra,
Et qui si bien justice exerce,
Que le droict d'autrui ne vendra:
Qui charier ainsi voudra,
Craindre ne faut que jamais verse.

PSEAUME XVI.
Pseaume d'action de graces & de prophetie. Conserva me, Domine.

[...] SOis moi, Seigneur, ma garde & mon appui: Car en toi gist toute mon es­perance. Sus donc aussi, ô mon ame, di lui, Seigneur, tu as sur moi toute puis­sance: Et toutesfois point n'y a d'oeuvre mienne, Dont jusqu'à toi quelque profit revienne.

¶ Mon vouloir est d'aider aux vertueux,
Qui de bien vivre ont acquis les loiianges:
Mais mal sur mal s'entaffera sur ceux
Qui vont courans apres ces dieux estranges.
A leurs sanglans sacrifices ne touche:
Voire leurs noms je n'ai point en la bouche.
¶ Le Seigneur est le fond qui m'entretient,
Sur toi, mon Dieu, ma rente est affeurée:
Certainement la part qui m'appartient
En plus beau lieu n'eust peu m'estre livrée:
Bref, le plus beau qui soft en l'heritage
Est de bon-heur écheu en mon partage.
*⁎* ¶ Loiié soit Dieu, par qui si sagement
Se suis instruit à prendre cette adresse:
Car (qui plus est) je n'ai nul pensement,
Qui toute nuict ne m'enseigne & redresse.
Sans cesse donc à mon Dieu je regarde,
Aussi est-il à ma dextre & me garde.
¶ Voila pourquoi mon coeur est si joyeux,
Ma langue en rit, & mon corps s'en affeures
Sachant pour vrai que dans le tōbeau creux
Ne souffriras que ma vie demeure:
Et ne voudrois aucunement permettre
Que pourriture en ton Saint se vint mettre.
¶ Plûtost, Seigneur, me mettras au senti [...]
Qui me conduise à vie plus heureuse:
Car, à vrai dire, on n'a plaisir entier,
Qu'en regardant ta face glorieuse:
Et dans ta main est & sera sans cesse
Le comble vrai de joye & de lieffe.

PSEAUME XVII.
Pseaume de priere. Exandi, Domine, justitiam meam.

[...] SEigneur, enten à mon bon droit, Enten, helas! ce que je crie: Vuelle [...] [Page]ouïr ce que je prie Et de bouche & de coeur tout droit. De toi qui connois toute chose Je veux jugement recevoir. Je te pri' toi-mesme de voir Le droit de ce que je propose.

¶ De nuict mon coeur as éprouvé,
Tu l'as sondé, mis sur la touche:
Jamais ne démentit ma bouche,
Tu l'as toûjours ainsi trouvé.
Quoi qu'on me face ou qu'on me die,
J'ai à ton dire regardé,
Et d'ensuivre me suis gardé
Des pillards la méchante vie.
¶ Plaise toi d'asseurer mes pas
En tes sentiers où je chemine:
Fai tant que point je ne decline,
Et que mon pied ne glisse pas.
Mon oraison soit entenduë,
Quand je té prie en mon méchef:
Las! je te prie derechef,
Ton oreille me soit tenduë.
¶ Ren admirable ta bonté,
O Dieu, qui es la sousténance
De ceux qui ont en toi fiance,
Contre ceux qui t'ont resisté.
Vueilles sous l'ombre de ton aile
Me cacher bien & seurement,
Et tenir aussi cherement
Qu'on tient de son oeil la prunelle:
*⁎* ¶ Afin que je puisse échapper
De ceux qui tant de maux me donnen [...],
De mes haineux qui m'environnent,
Afin de ma vie attraper.
Ils sont si gras que plus n'en peuvent,
Fiers en propos & orgueilleux:
Suivent mes pas, visent des yeux,
Pour me ruïner, s'ils me treuvent.
¶ Sur tout l'un d'entr'eux le plus fier
Semble un lion qui est en queste,
Un lionceaux guettant la beste
Au plus couvert de son hallier.
Marche au devant, mets le par terre,
Arrache mon ame au méchant
Aveques le glave trenchant,
Dont aux méchans tu fais la guerre.
¶ D'entre ceux me sauve ton bras
Qui sont de si long-temps au monde,
Et dont le coeur ici se fonde,
Pour y vivre & devenir gras.
Seigneur, tu leur remplis la pance
De tes biens plus delicieux:
Leurs sils-sont-souls, & apres eux
Laissent aux leurs toute abondance.
¶ Mais quant à moi, je te verrai
Aveques ma vie innocente,
Et de ta Maiesté presente
M'éveillant je me soulerai.

PSEAUME XVIII.
Pseaume d'action de graces & de prophetie. Diligam te, Domine.

[...] JE t'aimerai en toute obeïssance Tant que vivrai, ô mon Dieu, ma puis­sance. Dieu est mon roc, mon rempart haut & seur, C'est ma rançon, c'est mon fort defenseur.

En lui seul gist ma fiance parfaite, C'est mon pavois, mes armes, ma re­traitte. Quand je l'exalte & prie en ferme foi, Soudain recoux des ennemis me voi. Dangers de mort un jour m'environnerent, Et grands torrens de ma­lins [Page]m'estonnerent, J'estois bien prés du sepulcre venu, Et des silets de la mort prevenu.

¶ Ainsi pressé foudain j'invoque & prie
Le Tout-puissant, haut à mon Dieu je crie:
Mon cri au ciel jusqu'à lui penetra,
Si que ma voix en son oreille entra.
Incontinent tremblerent les campagnes,
Les fondemens des plus hautes montagnes,
Tous ébran'ez s'emeurent grandement,
Car il estoit courroucé ardumment.
¶ En ses narreaux lui monta la fumée,
Feu aspre issoit de sa bouche allumée:
Si enssambé en son courage estoit,
Qu'ardans charbons de toutes parts jettoit.
Baissa le ciel, de descendre prit cure,
Ayant sous pieds une broiiée obscure:
Monté estoit sur Cherubins mouvans,
Voloit guindé sur les ailes des vents.
*⁎* 1 ¶ Et se cachoit dedans les noires nuës,
Pour tabernacle untour de lui tenctuës:
Enfin rendit par sa grande clarté
Ce gros amas, de nuës écarté.
Gresse jettant, & charbons vifs en terre,
Au ciel menoit l'Eternel grand tonnerre,
L'Altitonnant sa grosse voix hors mit,
Et gresse & feu sur la terre transmit.
¶ Lança ses dards, rompit toutes leurs ban­des,
Doubla l'éclair, leur dōna frayeurs grandes:
A ta menace, & du fort vent poussé
Par toi, Seigneur, en ce poinct courroucé,
Furent canaux dénuez de leur onde,
Et découverts les fondemens du monde:
Sa main d'enhaut ici bas me tendit,
Et hors des eaux sain & faus me rendit.
¶ Me recourut des puissans & haussaires,
Et plus que moi renforcez adversaires:
A mes dangers il preveut & prevint:
Quād il fut temps, secours de Dieu me vint.
Me mit au large, & si fit entreprise
De me garder, car il me favorise.
Or m'a rendu selon mon équité,
Et de mes mains selon la pureté.
¶ Car du Seigneur j'avois suivi la voye,
Et revolté mon coeur de lui n'avoye:
Mais toûjours eu devant l'oeil tous ses dits,
Sans rejetter un seul de ses edicts.
Si qu'envers lui entier en tout assaire
Me suis montré, me gardant de mal faire.
Or m'a rendu selon mon équité,
Et de mes mains selon la pureté.
*⁎* 2 ¶ Certes, Seigneur qui sçais telles mes oeuvres,
Au bon tres-bon, pur au pur te décoeuvres:
Tu es entier à qui entier sera,
Et defaillant à qui failli aura.
Les humbles vivre en ta garde tu laisses,
Et les sourcils des braves tu rabaisses:
Aussi, mon Dieu, ma lanterne allumas
Et éclairé en tenebres tu m'as.
¶ Par toi donnai à travers la bataille:
Mon Dieu devant, je sautai la muraille:
C'est l'Eternel qui entier est trouvé,
Son parler est comme un feu éprouvé.
C'est un bouclier de forte resistance
Pour tous ceux-là qui ont en toi fiance:
Mais qui est Dieu, sinon le Supernel?
Ou qui est fort si ce n'est l'Eternel?
¶ De hardiesse & force il m'environne,
Et seure voye à mes deffeins il donne:
Mes pieds à ceux des chevreux fait égaux,
Pour monter lieux dissiciles & hauts.
Ma main par lui aux armes est apprise,
Si que du bras un are d'acier je brise.
De ton secours l'ecu m'as apporté,
Et m'a ta dextre au besoin supporté.
¶ Ta grand' bonté, où mon espoir mettoye,
M'a fait plus grand encor que je n'estoye:
Preparer vins mon chemin sous mes pas,
Dont mes talons glissans ne furent pas:
Car ennemis seus poursuivre & atteindre,
Et ne revins sans du tout les esteindre,
Durer n'ont peu, tant bien les ai secous,
Mais à mes pieds trébuscherent de coups.
*⁎* 3 ¶ Circuï m'as de belliqueuse force,
Ployant sous moi qui m'envahir s'efforce:
Tu me montras le dos des ennemis,
Et mes haineux j'ai en ruïne mis.
Ils ont crié, n'ont eu secours quelconques,
Mesmes à Dieu, qui ne les ouït onques:
Comme la poudre au vent les ai rendus,
Et comme fange en la place estendus.
¶ Delivré m'as du mutin populaire,
Et t'a pleu chef des nations me faire:
Voire le peuple, à moi peuple inconnu,
Sous mon renom obeïr m'est venu.
Maints estrangers, par servile contrainte,
M'ont fait honneur d'obeïssance feinte:
Maints estrangers redoutans mes efforts
Epouvantez ont tremblé en leurs forts.
¶ Vive mon Dieu à mon Sauveur soit gloire,
Exalté soit le Dieu de ma victoire,
Qui m'a donné pouvoir de me venger,
Et qui sous moi les peuples fait ranger.
Me garantit qu'ennemis ne me grevent,
M'éleve haut sur tous ceux qui s'élevent
Encontre moi, me delivrant à plein
De l'homme ayant le coeur d'outrage plein.
¶ Partāt mon Dieu, parmi les gens estrāges
Te benirai, en chantant tes loiianges:
Ce Dieu, je dis, qui magnifiquement
Sauva son Roi, & qui uniquement
David son Oinct traite en grande clemēce,
Traittant de mesme à jamais sa semence.

PSEAUME XIX.
Pseaume de doctrine. Coeli enarrant gloriam Dei, & opera.

[...] LEs cieux en chacun lièu La puissance de Dieu Racontent aux humains: [Page]Ce grand entour épars Publie en toutes parts L'ouvrage de ses mains. Jour apres jour coulant Du Seigneur va parlant Par longue experience. La nuict suivant la nuict Nous presche & nous instruict De sa grand' sapience.

¶ Et n'y a nation,
Langue, prolation,
Tant soit d'estranges lieux,
Qui n'oye bien le son,
La maniere & façon
Ou langage des cieux.
Leur tour par tout s'estend,
Et leur propos s'entend
Jusques au bous du monde:
Dieu en eux a posé
Palais bien composé
Au Soleil clair & munde.
¶ Dont il sort ainsi beau
Comme un espoux nouveau
De son paré pourpris:
Semble un grand prince à voir,
S'égayant pour avoir
D'une course le prix.
D'un bout des cieux il part,
Et atteint l'autre part
En un jour, tant est viste:
Outre plus n'y a rien
En ce val terrien
Qui sa chaleur évite.
*⁎* ¶ La tres-entiere Loi
De Dieu souverain Roi
Vient l'ame restaurant:
Son témoignage seur
Sapience en douceur
Montre à l'humble ignorant.
D'icelui Roi des Rois
Les mandemens sont droits,
Et joye au coeur assignent:
Les commandemens faincts
De Dieu sont purs & sains,
Et les yeux illuminent.
¶ L'obeïssance à lui
Est un tres-sainct appui
A perpetuité:
Dieu ne fait jugement
Qui veritablement
Ne soit plein d'équité.
Ces choses sont encor
Plus desirable qu'or,
Fust-ce fin or de touche:
Et en un coeur sans fiel
Sont plus douces que miel,
Ni pain de miel en bouche.
¶ Qui servir te voudra,
Par ces points apprendra
A ne se fourvoyer:
Et en les observant,
En aura le servant
Grand & riche loyer.
Mais où se trouvera
Qui ses fautes fçaura
Nombrer, penser, ni dire?
Las! de tant de pechez
Qui me sont tous cachez,
l'urge moi, tres-cher Sire.
¶ Aussi de grands forfaits
Temerairement faits
Soit ton serf relasché:
Qu'ils ne regnent en moi,
Si serai hors d'émoi,
Et net de grand peché.
Ma bouche prononcer,
Et mon coeur rien penser
Ne puiffe, qui ne plaise
A toi, mon defendeur,
Sauveur & amendeur
De ma vie mauvaise.

PSEAUME XX.
Pseaume de priere. Exaudiat te Dominus.

[...] LE Seigneur ta priere entende En ta necessité, Le Dieu de Jacob te de­fende En ton adversité. De son lieu sainct en ta complainte A tes maux il subvienne: De Sion sa montagne saincte Il te garde & soustienne.

¶ De tes offertes & services
Se vueille souvenir,
Et faire tous tes sactifices
En cendre devenir.
Te donne issuë en ton affaire
Telle que tu demandes:
Vueille tes emprises parfaire,
Et petites & grandes.
¶ Dieu vueille accomplir tes prieres,
Afin que tous joyeux
Dressions enseignes & bannieres
En son Nom glorieux:
Disans, Dieu de sa saincte place
A son Roi amiable
A répondu, lui faisant grace
Par sa main secourable.
¶ Nos ennemis avoient fiance
En leurs chars & chevaux,
Et nous invoquions la puissance
Du Seigneur en nos maux.
Aussi est-elle renversée
Leur puissance tant fiere:
Et nostre force est redressée
Plus que jamais entiere.
¶ Seigneur, plaise toi nous defendre,
Et faire que le Roi
Puisse nos requestes entendre
Encontre tout effroi

PSEAUME XXI.
Pseaume d'action de graces. Domine, in virtute tua laetabitur Rex.

[...] SEigneur, le Roi s'ejou ï ra D'avoir eu delivrance Par ta grande puissance. O combien joyeux il sera D'ainsi soudain se voir Recoux par ton pouvoir.

¶ L'issuë de tout son souhait,
Telle qu'a demandée,
Tu lui as accordée:
Et de sa bouche quoi qu'il ait
Seulement prononce,
Toûjours l'as exaucé.
¶ Mesme avant qu'en estre requis
Tes biens lui viens épandre,
Sans sa priere atten [...]re.
Un diademe fort exquis
De fin or composé,
Sur son chef as posé.
¶ Il te demandoit seulement
Que lui fisses la grace
De vivre quelque espace:
Et là dessus bien longuement
Durer tu lui permets,
Voire pour tout jamais.
¶ Par le moyen de ta bonté
On voit par tout semée
Ta bonne renommée.
Can tu lui as toûjours esté
Et de gloire & d'honneur
Tres-liberal donneur.
¶ Tu l'as fait tel, qu'à l'avenir
Il servira d'exemple
Où ta gloire on contemple.
Tu l'as fuit joyeux devenir,
Jettant sur lui tes yeux
D'un regard graçieux.
¶ Car le Roi met en cét assaut,
Pour sa pleine asseurance,
En Dieu son esperance.
Il attend secours du Tres-haut,
Dont se pout affeurer
De ferme demeurer.
*⁎* ¶ Ta main suffit bien pour fraper,
Voire de tout défaire
Quiconque t'est contraire.
Ta main sçaura bien attraper
Ceux qui ton los & pris
Auront eu à mépris.
¶ Ton courroux les embrasera
Ainsi qu'une fournaise
Toute rouge de braise.
Ton ire les engloutira:
En tes feux allumez
Tost seront consumez.
¶ Raclez seront entierement
De cette terre basse,
Eux & toute leur race.
Il ne sera aucunement
Rien dit ni recité
De leur posterité.
¶ Pour autant qu'ils ont entrepris,
O Roi, pour te méfaire,
Chose méchante à faire.
Contre toi le conseil ont pris,
Mais leur pouvoir trop bas
Ne l'accomplira pas.
¶ La bande des ces envieux,
Qui ton honneur rebute,
Tu te mettras en bute.
Et pour les fraper droit aux yeux,
Ton traict sera couché,
Et sur eux décoché.
¶ Or donques leve toi, Seigneur,
Et demontre t'efforce
La grandeur de ta force:
A celle fin qu'en ton honneur
Toûjours allions chantans,
Et tes faits racontans.

PSEAUME XXII.
Pseaume de priere & de prophetie. Deus, Deus meus, respice.

[...] MOn Dieu, mon Dieu, pourquoi m'as-tu laissé Loin de secours, d'ennui tant oppressé, Et loin du cri quo je t'ui adrossé En ma complainte? De jour, [Page]mon Dieu, je t'invoque sans feinte, Et toutefois ne répond ta voix saincte: De nuict aussi, & n'ai dequoi esteinte Soit ma clameur.

¶ Helas! tu es le Sainct & la tremeur,
Et d'Israël le resident bon-heur,
Où il t'a pleu que los & honneur
On chante & prise.
Nos peres ont leur fiance en toi mise,
Leur confiance ils ont sur toi assise,
Et tu les as toûjours mis en franchise
Et rachetez.
¶ A toi crians d'ennui furent ostez:
Esperé ont en tes sainctes bontez,
Et ont receu, sans estre rebutez,
Ta grace prompte.
Mais moi, je suis un ver qui rien ne monte,
Et non plus hōme, ains des hōmes la honte,
Et je ne sers que de fable & de conte
Au peuple bas.
*⁎* 1 ¶ Chacun qui voit comme ainsi tu m'abas,
De moi se moque, & y prend ses ébas:
Me sont la mouë, & puis haut & puis bas
Hochent la teste.
Puis vont disans, Il s'appuye & s'arreste
Du tout sur Dieu, & lui fait sa requeste:
Dont qu'il le sauve, & que secours lui prest,
S'il aime tant.
¶ Si m'as-tu mis hors du ventre pourtant,
Cause d'espoir tu me fus apportant.
Dés que j'estois les mammelles tettant
De ma nourrice.
Et qui plus, fortant de la matrice,
Me recueillit ta saincte main tutrice,
Et te montras estre mon Dieu propice
Dés que fut né.
¶ Ne te tien donc de moi si destourné,
Car le peril m'a de prés adjourné,
Et n'est aucun par quoi me soit donné
Secour ni grace.
Maint gros taureau m'environne & me­nace,
Les gros taureaux de Basan terre grasse,
Pour m'assieger m'ont suivi à la trace,
En me pressant.
¶ Et tout ainsi qu'un lion ravissant,
Apres la proye en fureur rugissant,
Ils ont ouvert dessus moi languissant
Leur gueule gloute.
Las! ma vertu cōme eau s'écoule toute:
De tous mes os la jointure dissoute:
Et comme cire en moi fond goute à goute
Mon coeur fasché.
*⁎* 2 ¶ D'humeur je suis cōme tuille asseché,
Mon palais est à ma langue attaché:
Tu m'as fait prest d'estre au tōbeau couché,
Reduit en cendre.
Car circuï m'ont les chiens pour me pendre,
La fausse troupe est venuë m'offendre,
Venuë est elle me transpercer & fendre
Mes pieds & mains.
¶ Conter je puis mes os du plus au moins:
Ce que voyans les cruels inhumains,
Tous réjouïs me jettent regards maints
Avec risée.
Ja ma dépoiiille entr'eux ont divisée,
Entr'eux déja ma robe deposée
Ils ont au sort hazardeux exposée,
A qui l'aura.
¶ Seigneur, ta main donc ne s'éloignera,
Mais par pitié secours me donnera:
Et s'il te plaist, elle se hastera,
Mon Dieu, ma force.
Sauve de glaive & de mortelle étorce
Mon ame, helas! que de perdre on s'efforce:
Delivre la, que du chien ne soit morse,
Chien enragé.
¶ D'un leonin gosier encouragé
Delivre moi: répon à l'asslige,
Qui est par grand's licornes assiegé
Des cornes d'elles.
Je conterai à mes freres fideles
Ton Nom tres-haut: tes vertus immortelles
Dirai parmi les assemblées belles,
Parlant ainsi:
*⁎* 3 ¶ Vous craignans Dieu, loiiez-le en ce lieu-ci:
Fils de Jacob, exaltez sa merci:
Crain le toûjours, toi d'Israël aussi
La race entiere.
Car rebuté n'a l'humble en sa priere,
Ni destourné de lui sa face arriere:
S'il a crié, sa bonté finguliere
L'a exaucé.
¶ Ainsi ton los par moi sera haussé
En grande troupe, & mon voeu ja dressé
Rendrai devant le bon peuple amassé
Qui te craint, Sire.
Là mangeront les pauvres à suffire:
Benira Dieu, qui Dieu craint & desire:
O vous ceux-là, sans fin je le puis dire,
Vos coeurs vivront.
¶ Cela pensans, tous se convertiront
Des bouts du monde, & à Dieu serviront:
Bref, toutes gens leurs genoux flechiront
En ta presence.
Car ils scauront qu'à la divine Essence
Seule appartient regne & magnificence:
Dont sur les gens seras par excellence
Roi conquerant.
¶ Gras & repeus te viendront adorant:
Voire le maigre à la fosse courant,
Et dont la vie est hors de restaurant,
Te donra gloire.
Puis leurs enfans à te servir & croire
S'enclineront: & en tout territoire
De fils en fils il sera fait memoire
Du Tout-puissant.
¶ Toûjours viendra quelqu'un d'entr'eux di­sant,
Lequel au peuple à l'avenir naissant
Ira par tout ta bonté annonçant,
Sur moi notoire.

PSEAUME XXIII.
Pseaume d'action de graces. Dominus regit me, & nihil.

[...] MOn Dieu me paist, sous sa puissance haute, C'est mon berger, de rien je n'aurai faute. En toict bien seur, joignant les beaux herbages, Coucher me sait, me mene aux clairs rivages, Traitte ma vie en douceur tres-humaine, Et pour son Nom par droits sentiers me mene.

¶ Si seurement, que quand au val viendroye
D'ombre de mort rien de mal ne crain­droye:
Car avec moi tu es à chacune heure,
Puis ta houlette & conduite m'asseure:
Tu enrichis de vivres necessaires
Ma table aux yeux de tous mes adversaires.
¶ Tu oings mon chef d'huiles & senteurs bonnes,
Et jusqu'aux bords pleine tasse me donnes:
Voire & feras que cette faveur tienne
Tant que vivrai compagnie me tienne:
Si que toûjours de faire ai esperance
En la maison du Seigneur demeurance.

PSEAUME XXIV.
Pseaume de doctrine. Domini est terra, & plenitudo ejus.

[...] LA terre au Seigneur appartient, Tout ce que sa rondeur contient, Et ceux qui habitent en elle: Sur mer fondement lui donna, L'enrichit & l'environna De mainte riviere tres-belle.

¶ Mais sa montagne est un sainct lieu:
Qui viendra donc au mont de Dieu?
Qui est-ce qui là tiendra place?
L'homme de mains & coeur lave,
En vanité non élevé,
Et qui n'a juré en fallace.
¶ L'homme tel Dieu le benira,
Dieu son Sauveur le munira
De misericorde & clemence.
Telle & la generation
Cherchant, cherchant d'affection,
O Dieu de Jacob, ta presence.
¶ Haussez vos testes grands porteaux,
Huis eternels tenez-vous hauts,
Si entrera le Roi de gloire.
Qui est ce Roi tant glorieux?
C'est le fort Dieu victorieux,
Le plus fort qu'en guerre on peut croire,
¶ Haussez vos testes grands porteaux,
Huis eternels tenez-vous hauts,
Si entrera le Roi de gloire.
Qui est ce Roi tant glorieux?
Le Dieu d'armes victorieux,
C'est lui qui est le Roi de gloire.

PSEAUME XXV.
Pseaume de priere. Ad te, Domine, levavi, &c.

[...] A Toi, mon Dieu, mon coeur monte, En toi mon espoir ai mis: Fai que le ne tombe à [...]onte Au gré de mes ennemis. Honte n'auront voirement Ceux [Page]qui dessus toi s'appuyent: Mais bien ceux qui durement Et sans cause les en­nuyent.

¶ Le chemin que tu nous dresses
Fai moi connoistre, Seigneur:
De tes sentes & adresses
Vueilles moi estre enseigneur.
Achemine moi au cours
De ta verité patente,
Comme Dieu de mon secours,
Où j'ai chacun jour attente.
¶ De tes bontez te recorde,
Mets en memoire & estens
Cette grand' misericorde
Dont usé as de tout temps.
Oublie ma mauvaistié
Dés ma premiere jeunesse:
Do moi, selon ta pitié,
Te souvienne en ma destresse.
¶ Dieu est bon & veritable,
L'a esté, & le sera:
Parquoi en voye équitable
Les pecheurs radressera:
Les pauvres fera venir
A vie juste & decente:
Aux pauvres fera tenir
L'Eternel sa droite sente.
*⁎* ¶ Bonté, verité, clemence,
Sont du Seigneur les sentiers
A ceux qui son alliance
Gardent bien & voiontiers.
Helas! Seigneur tout parfait,
Pour l'amour de ton Nom mesme,
Pardonne moi mon forfait,
Car c'est un forfait extréme.
¶ Qui sera I'honune, à vrai dire,
Qui son Dieu desirera:
Du chemin qu'il doit élire
L'Eternel l'avertira.
A repos parmi ses biens
Vivra son coeur en grand age,
Puis auront les ensans siens
La terre pour heritage.
¶ Dieu fait son secret paroistre
A ceux qui l'ont en honneur,
Et leur montre & fait connoistre
De son contract la teneur.
Quant a moi yeux & esprits,
En tout temps à Dieu je tourne:
Car mes pieds quand ils sont pris,
Du filé tire & destourne.
¶ Jette done sur moi ta veuë,
Pren de moi compassion:
Personne suis dépourveue,
Seule & en affliction.
Je sens mon corps empirer
Et augmenter ses destresses:
Las! vueille moi retirer
De ces miennes grandes oppresses,
¶ Tourne à mon tourment ta face,
Voi ma peine & mon souci,
Et tous mes pechez essace,
Qui sont cause de ceci.
Voi mes ennemis qui sont
Non seulement grosse bande,
Mais qui sur moi certes ont
Haine furieuse & grande.
¶ Preserve de leur embusche
Ma vie, & delivre moi,
Qu'à honte je ne trébuche,
Puis que j'ai espoir en toi.
Que ma simple integrité
Comme à l'un des tiens me serve,
Et de toute adversité
Israël tire & conserve.

PSEAUME XXVI.
Pseaume de priere. Judica me, Domine.

[...] SEigneur, garde mon droit, Car j'ai en cét endroit Cheminé droit & rondement. J'ai én Dieu esperance, Qui me donne asseurance Que choir ne pourrai nullement.

¶ Seigneur, essaye moi,
Je requiers que de toi
Sondé je sois & éprouvé.
Mes reins & mes pensées
Dans le feu foient lancées,
Pour voir quel je serai trouvé.
¶ Pour autant que l' [...]il mien
Toûjours fiché je tien
Sur ta pitié & grand' bonté:
Ma vie je conforme
Au plus prés de la forme
Que nous enjoint ta verité.
¶ Un tas de mensongers
Inconstans & legers
Ga [...]dé me suis de frequenter:
Et tout homme qui use
De cautelle & de ruse
N'ai voulu ni ne veux hanter.
¶ Le complot des pervers
Et leur coeur de travers
Mon coeur a toûjours detesté:
Méchantes compagnies
J'ai tellement haies,
Que ne m'en suis point accointé.
*⁎* ¶ Mes mains nettes tiendrai,
A tout bien les duirai:
Puis apres quand je serai tel,
Seigneur, a tes services
Et divins sacrifices
J'entendrai prés de ton autel:
¶ Afin que ton honneur
Et ta gloire, Seigneur.
A pleine voix j'aille chantant:
Et toutes tes merveilles
Grandes & nompareilles
Par tout on m'oye racontant.
¶ Le sainct & sacré lieu
Où tu te tiens, mon Dieu,
M'est precieux jusques au bout:
Ce divin tabernacle,
De ta gloire habitacle,
J'estime & prise dessus tout.
¶ Or donc ne me compren,
Et point ne me repren,
Quand des méchans te vengeras:
Soit mon ame innocente
De ta fureur exempte,
Quand les meurtriers tu jugeras.
¶ Car les traistres qu'ils sont
En leurs mains toûjours ont
Quelque fausse accusation.
Bref, ils ne seauroient estre
Qu'ils n'ayent pleine dextre
Des presens de corruption.
¶ Mais je veux aller droit,
D'un coeur entier & droit.
En rondeur & toute équité.
Fai moi misericorde,
O mon Dieu; & m'accorde
Que par toi je sois racheté,
¶ Or me voi-je remis,
Et mes pieds affermis
Au chemin uni & entier:
Dont ta gloire immortelle
En la troupe fidele
De chanter je ferai métier.

PSEAME XXVII.
Pseaume d'action de graces. Dominus illuminatio mea.

[...] LE Seigneur est la clarté qui m'adresse, Et mon salut, que dois-je redou­ter? Le Seigneur est l'appui qui me redresse, Où est celui qui peut m'épou­vanter? Quand les malins m'ont dressé leurs combats, Pour me penser man­ger a belles dents, Tous ces haineux, ces ennemis mordents J'ai veu bron­cher & trébucher en bas.

¶ Tout un camp viēne & moi seul envirōne,
Jamais pourtant mon coeur n'en tremblera
Vienne assaillir qui voudra ma personne,
Dessus cela mon coeur s'asseuera.
A l'Eternel J'ai requis un seul poinct,
Et veux encore lui requerir toûjours,
Que si long-temps que dureront mes jours
De sa maison je ne m'eloigne point.
¶ A celle fin que je voye & contemple
De son Palais l'excellente beauté,
Et que je puisse estant dedans son Temple
Le visiter d'un & d'autre costé.
Car au dur temps quand je serai pressé,
Caché serai en sa tente à l'écart,
En quelque coin & plus secrete part,
Puis derechef au plus haut redressé.
*⁎* ¶ Aller me sait déja sans nulle crainte,
Haussant la teste entre tous mes haineux:
Parquoi austi dedans sa maison saincte
Chanter, offrir, sacrifier lui veux.
Puis que je viens, ô Seigneur, te prier,
Soit ma requste entendue de toi:
Puis qu'au besoin tu m'entens écrier,
Je te supplie avoir pitié de moi.
¶ J'ai dedans moi apperceu mon courage
Comme en ton Nom m'avertissant ainst:
Employe toi à chercher mon visage:
Tu vois, Seigneur, que je le cherche aussi.
De moi helas! ta face ne soit loin:
Ton serf ne chasse en fureur, ô mon Dieu:
Tu m'as esté favorable en maint lieu,
Dieu mon Sauveur, ne me laisse au besoin.
¶ Quand je n'aurois pour moi pere ni mere,
Mon Dieu sera pour moi, quoi qu'il en soit:
Je suis pressé: partant, ô Dieu mon Pere,
Enseigne moi ton, chemin bon & droit.
Aguetté suis par plusieurs ennemis,
Et saux témoins, qui en leur bouché n'ont
Sinon l'outrage & le tort qu'ils me sont:
Las! ne permets qu'a leur plaisir sois mis.
¶ Certainement n'eust esté l'asteurance
Qu'ici bas mesme avant que voir lemort,
Des biens de Dieu J'aurai la jouissance,
Sous un tél fais pieça je fusse mort:
Or donc atten toûjours patiemment
Le Seigneur Dieu: soustien jusques au bout,
Dieu te viendra asseurer contre tout:
Or donc atten de Dieu l'avenment.

PSEAUME XXVIII.
Pseaume de priere. Ad te, Domine, &c.

[...] O Dieu, qui es ma forteresse, C'est à toi que mon cri s'adresse: Ne vueilles maintenant te taire: Autrement je ne sçai que faire, Sinon à ceux me comparer, Qu'on veut au sepulere enterrer.

¶ Vueilles ouïr ce que je crie,
Quand à mains jointes je te prie,
Venant en ton sainct lieu me rendre:
Mon Dieu, ne vueilles me comprendre
Parmi tant de méchans qui n'ont
Aueun plaisir qu'au mal qu'ils sont.
¶ En la bouche ils n'ont que concorde,
Mais leur coeur à tout mal s'accorde.
Pave les suivant leus merites,
Et leurs intentions maudites:
Selon le train qu'ils ont mené,
Salaire ausli leur soit donné.
¶ D'autant qu'ils n'ont en leur courage
Consideré ses haurs ouvrages,
Ni tasché d'avoir connoissance
Des hauts effets de sa puissance:
Au lieu de les vouloir hausser,
Dieu les fera tous renverser.
¶ Loiié soit Dieu, qui ma priere
N'a point voulu mettre en arriere.
Dicu est ma force & ma rondelle,
Espoir n'ai ni secours que d'elle:
Dont mon coeur se résouïra,
Ma bouche son los chantera.
¶ A mes gens toutes forces il donne,
Gardant de son Roi la couronne.
Sauve ton peuple & en tout âge
Fai du bien à ton heritage:
Vueilles le repaistre, Seigneur,
Et sans fin le croistre en honneur.

PSEAUME XXIX.
Pseaume de doctrine. Asserte Domino, &c.

[...] VOus tous Princes & Seigneurs, Remplis de gloire & d'honneurs, Ren­dez, rendez au Seigneur Toute force & tout honneur. Faites lui reconnois­sance Qui réponde à sa puissance: En sa demeure tres-sainte Ployez les genoux en crainte.

La voix du Seigneur tonnant
Va sur les eaux resonnant:
Parmi les nuës des cieux
S'entend le Dieu glorieux.
La voix du Seigneur témoigne
De quelle force il besogne:
La voix du Seigneur hautaine
De hautesse est toute pleine.
¶ La voix du Seigneur abat
Les grands cedres tout à plat,
Brise les plus hauts montez
Au mont du Liban plantez:
Les faisant sauter en sorte,
Eux & Liban qui les porte,
Qu'on voit sauter és boscages
Fans de licornes sauvages.
¶ La voix du Seigneur épart
Flammes d'une & d'autre part,
Et les grands deserts profonds
Fait trembler jusques au fonds.
Oyant cette voix si forte,
La biche craintive avorte:
Mainte forest toute verte
En est soudain découverte.
¶ Mais au Temple cependant
Chacun à Dieu va rendant,
Au lieu de trembler de peur
Gloire de bouche & de coeur.
Dieu preside comme juge
Dessus les eaux du deluge,
Et sans aucun jour ni terme
Dure son Royaume serme.
¶ Partant le Seigneur tout fort
Des siens sera le support:
Puis en paix les nourrira
Des biens qu'il leur donnera.

PSEAUME XXX.
Pseaume d'action de graces. Exaltabo te, Domine,

[...] SEigneur, puis que m'as retiré, Puis que n'as jamais enduré Que mes haineux eussent dequoi Se rire & se moquer de moi, La gloire qu'en as meri­té e Par mes vers te sera chan té e.

¶ Quand j'ai prié ta Majesté,
Seigneur mon Dieu, J'ai eu santé:
J'estois aux enfers devalé,
Seigneur, quand tu m'as rappellé:
Ma vie presques enterrée
Tu as du tombeau retirée.
¶ Vous qui sa bonté connoissez,
Chantez sa, gloire & accroissez
Son renom plein de sainteté:
Car jamais il n'est irrité
Qu'en moins d'une petite espace
Toute sa fureur ne se passe.
¶ Mais son vouloir benin & doux
Demeure à vie dessus nous:
Voila d'où souvent il avient,
Que dueil au soir, chez nous se tient,
Puis si tost que le jour se montre,
Matiere de joye on rencontre.
*⁎* ¶ Lors que j'avois tout à souhait,
J'allois disant. Voila, c'est fait,
Je suis pour jamais asseuré:
Ta bonté m'avoit remparé,
Seigneur, ma forteresse haute,
Si que de rien je n'avois faute.
¶ Mais ton visage estant tourné,
Soudain mon coeur s'est estonné:
Alors au Seigneur j'ai crié,
Alors j'ai le Seigneur prié,
Disant, Si je suis mis en terre,
Qu'y peux-tu gagner ni acquerre?
¶ Estant mis en poudre, Seigneur,
Pourrai-je avancer ton honneur,
Ou tes veritez annoncer?
Plaise toi ma voix exaucer,
Seigneur, ta pitié me regarde,
Seigneur Dieu, sois ma sauvegarde.
¶ Alors mon dueil to convertis
En pure joye, & me vestis
Au lieu d'un sac de plaisir vrai:
Dont sans fin ton los chanterai,
Par tout publiant ta puissance,
Seigneur Dieu de ma delivrance.

PSEAUME XXXI.
Psedume de priere. In te, Domine, speravi.

[...] JAi mis en toi mon esperance, Garde moi donc, Seigneur, D'eternel des­honneur. Ottroye moi ma delivrance, Par ta grand' bonté haute Qui jamais ne fit faute.

¶ Ten l'oreille à moi miserable,
Et pour me secourir
Vien soudain accourir.
Montre toi mon roc imprenable.
Et ma place tres-seure,
Où ma vie s'asseure.
¶ Tu es ma tour & forteresse,
Pour Phonneur haut de toi,
Condui & mene moi:
Et de ces filés qu'on me dresse
Garde qu'on ne m'ossense,
Car tu es ma desense.
¶ Mon ame en tes mains je viens rendre,
Car tu m'as rachete,
O Dieu de verité.
Au seul Seigneur je veux m'attendre
Je hais la menterie,
Et toute tromperie.
*⁎* 1 ¶ Un jour avec toute liesse
Par moi sera chanté
Le los de ta bonté:
Quand sur mon ame en sa détresse
Auras jetté la veue,
Et l'auras apperceue.
¶ N'ayant permis que je tombasse
En la cruelle main
De ce faux inhumain:
Ainçois me faisant faire place,
Quand j'ai veu par surprise
Ma jambe quasi prise.
¶ Fai que ta pitié me consorte.
O mon Dieu, car je suis
Tout accablé d'ennuis:
J'en ai la veuë toute morte,
Mon ventre s'en retire,
Mon ame en est martyre.
¶ Douleurs ont miné ma personne:
En mes soûpirs cuisans
J'ai passe tous mes ans.
Des travaux qu'a tort on me donne
Mes forces me delaiffent.
*⁎* 2 ¶ Entre tous ceux- là qui me hayent,
Mes voisins j'apperçoi
Avoir honte de moi:
Il semble que mes amis ayent
Horreur de ma rencontre
Quand dehors je me montre.
¶ Je suis hors de leur souvenance
Ainsi qu'un trépassé:
Je suis un pot cassé.
Je m'entens blasmer à outrance:
Ma personne est de crainte
De toutes parts estreinte.
¶ Car tout leur conseil delibere,
Et fait tout son effort
De me mettre à la mort.
Mais, Seigneur Dieu, en toi j'espere,
Mon coeur dit en soi-mesme,
Tu es mon Dieu supréme.
¶ Ta main tient le cours de ma vie,
Fai que des ennemis
En la main ne sois mis.
Garanti moi contre l'envie
De la bande traistresse
Qui me poursuit sans ceffe.
¶ Dessus ton servant fai reluire
Ta face, & ta bonté
Me mette à sauveté.
O Dieu, ne vueilles m'éconduire,
Afin qu'on ne s'en moque:
Car c'est toi que j'invoque.
*⁎* 3 ¶ Honte ces méchans endommage,
Au tombeau soient enclos,
Et leur faux gosier clos:
Car au juste ils ont dit outrage,
Voire avec moquerie
Et grand' gaudisserie.
¶ O combien est grand à merveilles
Le bien qu'as preparé
A qui t'a reveré!
Combien de graces nompareilles
Publiquement tú donnes
Aux sideles personnes!
¶ Devant toi en ton habitacle
Maintenir tu les veux
Contre tous orgueilleux.
Tu les tiens en ton tabernacle
Arriere de tous blasmes
De ces langues infames.
¶ Loiiange au Seigneur soit donnée,
Lequel m'est entre tous
Si bien & si doux:
Et m'a telle garde ordonnée,
Qu'il n'est place en la terre
Plus seure en temps de guerre.
¶ Durant ma peur precipitée
J'ai dit, Tu m'as laissé,
Et loin de toi chassé:
Mais tu as ma voix écoutée
Lors qu'en détresse grande
Je t'ai fait ma demande.
¶ Aimez Dieu vous ses debonnaires,
Dieu qui garde les bons,
Rend le double aux felons:
Soustenez contre vos contraires,
Car lui seul fortisie
Quiconque en lui se fie.

PSEAUME XXXII.
Pseaume de prophetie. Beati quorum remissae sunt.

[...] O Bien-heureux celui dont les commises Transgressions sont par grace re­mises! O bien-heureux celui dont les pechez Devant son Dieu sont couverts & cachez! O combien plein de bon-heur je repute L'homme à qui Dieu son pe­ché point n'impute. Et en l'esprit duquel n'habite point D'hypocrisie & de [Page]fraude un seul poinct.

¶ Durant mon mal, soit que vinsse à me taire,
I as de crier, soit que me prise à braire
Et à gemir tout le jour sans cesser,
Mes os n'ont fait que fondre & s'abaisser:
Car jour & nuict ta main dure ai sentie
Par mon peché fur moi appesantie:
Si que l'humeur de moi ainsi traitté
Sembloit du tout secheresse d'esté.
¶ Mais mon peché je t'ai declaré, Sire,
Caché ne l'ai: & n'ai sçeu si tost dire,
Il faut à Dieu confesser mon mésait,
Que ta bonté vrai pardon ne m'ait fait.
Pour cette cause à heure propre & bōne
Te requerra toute saincte personne:
Et quand de maux un deluge courroit,
D'icelle alors approcher ne pourroit.
*⁎* ¶ C'est toi qui es mon fort & ma re­traite,
C'est toi qui sais qu'ennui mal ne me traite:
C'est toi par qui à tous coups m'est livré
Dequoi chanter, par me voir delivré.
Vien ça, chacun, je te veux faire entendre
Et te montrer la voye où tu dois tendre,
En ayant l'oeil droit dessus toi planté,
Pour t'adresser comme experimenté.
¶ Ne sois semblable à cheval ni à mule,
Qui n'ont en eux intelligence nulle:
Pour les garder de mordre tu resrains
Leurs dents & gueule avecques mords & freins.
L'hōme endurci sera dompté de mesmes,
Par maux sans nombre & par douleurs ex­trémes:
Mais qui en Dieu son espoir asserra,
Fnvironné de merci se verra.
¶ Or ayez done de plaisir jouïssance,
Et tous en Dieu prenez rejouïssance,
Justes chantez de joye en tont endroit
Chacun de vous qui avez le coeur droit.

PSEAUME XXXIII.
Pseaume de doctrine. Exultate justi in Domino, &c.

[...] REveillez-vous peuple sidelle, Chantez à Dieu en tous endroits: Loii­ange est tres-seante & belle En la bouche des hommes droits. Sur la douce harpe Penduë en écharpe Le Seigneur loiiez: De luts, d'épinettes, Sainctes chansonnettes A son Nom joiies.

¶ Chantez de lui par melodie
Nouveau vers, nouvelle chanson:
Et que bien on la psalmodie
A haute voix & plaisant son:
Car ce que Dieu mande,
Qu'il dit & commandè,
Est juste & parsait:
Tout ce qu'il propose,
Qu'il fait & dispose,
A fiance est fait.
¶ Il aime d'amour souveraine
Que droit regne & justice ait lieu:
Quand tout est dit, la terre est pleine
De la grande bonté de Dieu.
Dieu par sa parole
forma chacun pole
It ciel precieux:
Du vent de sa bouche
Il fit ce qui touche
It orne les cieux.
*⁎* 1 ¶ Il a les grand's eaux amassées
[...]n la mer comme en un vaisseaux:
[...] abysmes les a mussées,
[...]mme un tresor en un monceau.
Que la terre toute
Ce grand Dieu redente
Qui fit tout de rien:
Qu'il n'y ait personne
Qui ne s'en estonne
Au val terrien.
¶ Car toute chose qu'il a dite
A esté faite promptement:
L'obeissance aussi subite
A esté que le mandement.
Toute l'entreprise
Des peuples il brise
Et met a l'envers:
Vaines & cassées
Il rend les pensées
Des peuples divers.
¶ Mais la divine providence
Son conseil fait perpetuer:
Ce que son coeur une sois peose,
Dure à jamais sans se m [...]r.
O gent bien heurée,
Qui toute asseurée
Pour son Dieu le tient!
Heureux le lignage
Que Dieu en partage
Choisit & retient!
*⁎* 2 ¶ Le Seigneur Eternel regarde
Ici bas du plus haut des cieux:
Dessus les humains il prend garde,
Et les voit tous devant ses yeux.
De son trône stable,
Paisible, équitable,
Ses clairs yeux aussi
Jusqu'au sond visitent
Tous ceux qui habitent
En ce monde ici.
¶ Car lui seul sans autre puissance
Fit les coeurs de tous tant qu'ils sont:
C'est lui seul qui a connoissance
Quelles sont les oeuvres qu'ils font.
Nombre de gendarmes
En assauts, n'alarmes
Ne sauve le Roi:
Bras ni haledarde
L'homme fort ne garde
De mortel arroi.
¶ Celui se trompe qui pense estre
Sauvé par cheval bon & fort:
Ce n'est point par sa force adextre
Que l'homme échappe un dur essort.
Mais l'oeil de Dieu veille
Sur ceux à merveille
Qui de volonté
Craintifs le reverent,
Qui aussi esperent
En sa grand' bonté:
*⁎* 3 ¶ Asin que leur vie il delivre
Quand la mort les menacera,
Ft qu'il leur donne dequoi vivre
Au temps que famine sera.
Que donques nostre ame
L'Eternel reclame,
S'attendant à lui:
Il est nostre adresse,
Nostre forteresse,
l'avois & appui.
¶ Et par lui grand' réjouïssance
Dedans nos coeurs toûjours aurons,
Pendant qu'en la haute puissance
De son sainct Nom nous esperons.
Que ta bonté grande
Dessus nous s'épande,
Nostre Dieu & Roi:
Toute ainsi qu'entente,
Espoir & attente
Nous avons en toi.

PSEAUME XXXIV.
Pseaume de doclrine. Benedicam Dominum.

[...] JAmais ne cesserai De ma gni fi er le Seigneur, En ma bouche aurai son honneur Tant que vivant serai. Mon coeur plaisir n'aura Qu'à voir son Dieu glo ri fi é, Dont maint bon coeur hu mi li é L'oyant s'éjou ï ra.

¶ Sus donc, chantons de Dieu
Nous tous le renom precieux:
Loiions son Nom à qui mieux mieux,
Tous en ce mesme lieu.
Mon Dieu m'a entendu
Quand de bon coeur je l'ai cherché:
Des peurs qui m'ont le plus fasché
Delivré m'a rendu.
¶ Qui le regardera
S'en trouvera tout éclairé,
Jamais son front deshonoré
Rougir on ne verra.
Le pauvre à son besoin
A crié & Dieu l'exauçant
L'a sauvé par son bras puissant,
Jettant ses maux au loin.
*⁎* 1 ¶ Les Anges ont planté
Leur camp tout à l'entour de ceux
Qui craignent Dieu, veillans pour eux
Et pour leur seureté.
Goustez donc d'icelui,
Et connoissez sa grand' douceur,
O combien est heureux & seur
Qui s'appuye sur lui!
¶ Craignez le Dieu tres-haut,
Vous dont le coeur est pur & saint:
Car à tout homme qui le craint
Jamais rien ne defaut.
Le lion assamé
Bien souvent ne trouvera rien:
Mais ceux-là sont remplis de bien
Qui ont Dieu reclamé.
¶ Sus ensans bien-heureux,
Venez m'écouter en ce lieu:
Car le moyen de craindre Dieu
Apprendre je vous veux.
Qui est-ce d'entre vous
Qui veut long-temps estre dispos:
Qui veut longuement en repos
Passer le temps tout doux?
¶ Garde que blasme aucun
De ta langue on n'oye sortir:
Garde tes levres de mentir,
Ni decevoir quelqu'un.
Fui le mal, fai le bien:
Cherche la paix & la poursui:
Car Dieu voit & entend celui
Qui tasche à faire bien.
*⁎* 2 ¶ Dieu tien son oeil fiché
Sur les méchans & sur leurs faits,
Afin que du monde à jamais
Leur nom soit arraché.
Les justes en leurs maux
Crient aux Seigneur qui les oit.
Et tost en seureté les reçoit,
Gueris de leurs travaux.
¶ Prés des coeurs desolez
Le Seigneur volontiers se tient:
A ceux volontiers il subvient
Qui sont les plus soulez.
Quiconques ira droit
Sujet a mille maux sera:
Mais le Seigneur l'en tirera,
Quelque mal que ce soit.
¶ De Dieu sont garantis
Tous ses os, voire tellement,
Qu'on n'en peut casser seulement
Un seul des plus petits.
Mais toûjours le méchant
Est ruïné par son forfait:
Et quiconque au juste méfait
Va toûjours trebachant.
¶ L'Eternel sauvera
Tout bon coeur qui le va servant:
Quiconque espere au Dieu vivant,
Jamais ne perira.

PSEAUME XXXV.
Pseaume de priere. Judica, Domine, nocentes.

[...] DEba contre mes debateurs, Comba, Seigneur, mes combateurs, Em­polgne moi bouelier & lance, Et pour me sceourir t'avance. Charge les, & marche au devant, Garde-les d'aller plus avant: Di à mon ame, Ame le suis Celui qui garantir te puis.

¶ De honte soient tous éperdus,
Solent renversez & confondus
Tous ceux qui pourchassent ma vie,
Et de m'outrager ont envie.
Soient comme la poudre qui est
Du vent jettée où il lui plaist:
L'Ange du Seigneur Tout-puissant
Par tout les aille pourchassant.
¶ Tous chemins soient glissans pour eux:
Par chemins noirs & tenebreux
L'Ange de Dieu de place en place
Toûjours les poursuive & chasse:
D'autant qu'à tort ils m'ont dressé
Leur piege dedans un fosié:
Leur piege, dis-je, ils ont à tort
Appresté pour me mettre à mort.
¶ Solt le méchant à dépourven
Surpris du mal qu'il n'ait preven:
Au piege qu'il m'a voulu tendre
Son pied mesme se vienne prendre.
Tombe lui-mesme, & soit froissé
Au plus prosond de son fossé.
Mon ame alors s'cjouïra
En Dieu, qui gardée l'aura.
*⁎* 1 ¶ Lors diront tous les os de moi,
Seigneur, qui est pareil à toi,
Oardant du soible l'impuissance
Contre le fort & sa puissance?
Gardant que le pauvre assligé
Des méchans ne sont outragé.
Faux témoins ont sur moi failli,
De faux propos m'ont assailli.
¶ Le mal pour le bien m'ont rendu,
D'avoir ma vie ont pretendu:
[...]outefois en leur temps contraire
[...]ai jeusné, j'ai porté la haire.
Pour eux en mon sein j'ai versé.
Mainte priere à chef baissé:
Bref, en tel point je me suls mis,
Que pour mes sreres & amis.
¶ J'allois courbé comme seroit
Un qui sa mere pleureroit:
Mais eux connoissans mon martyre
Se sont assemblez pour en rire.
Les plus maraux à mon deseeu
M'ont machiné ce qu'lls ont peu:
A pleine gorge ils m'ont blasmé,
He tant qu'ils ont peu diss [...]é.
¶ Contre moi ont grincé les dents,
Un tas de slatereaux mordents,
Avec ces plaisans venerables,
Qui vont suivans les bonnes tables.
Seigneur, que veux tu plus tarder?
Plaise toi mon ame garder,
Qui est seulette és maux qu'elle a,
Et des lions delivre la.
*⁎* 2 ¶ Sus, je te benirai, mon Dieu,
De tout ce grand peuple au millieu,
Pt parmi la troupe amassée
Sera ta grandenr annoncée,
Fai que de rire n'ait dequoi
Quiconque à tort en veux a moi,
Et ne permets ces envieux
A tort me guigner de leurs yeux.
¶ Car de noise ils parlent to ijours:
Et rien ne pensent tous les jours
Qu'á decevoir, s'il est possible,
Le pauvre assligé tout paisible.
Pour mieux se moquer, ces pervers
Ont sur moi leurs gosiers ouverts:
Chacun d'eux a crié sur moi,
Ha, ha, le méchant je le voi.
¶ Seigneur tu les as veus ausli
Ne laisse point passer ceci:
Seigneur, de loin ne m'abandonne,
Mais pour juger ma cause bonne.
Mon Dieu, mon Seigneur, leve toi.
Mon Dieu, mon Seigneur, juge moi
Par ta juste bonté, asin
Qu'ils n'en soient joyeux à la sin:
¶ Et qu'ils n'aillent disans entr'eux,
Sus, sus, c'est fait, soyons joyeux,
Il est destruit. Tels personnages
Prenans plaisir à mes dommages,
Soient t [...]us consus & dissamez:
Ceux qui sur moi sont animez
Ayent pour tout leur parement
Honte & vergogne senlement.
¶ Mais tout plaisir puisse avenir
A qui vent mon droit soustenir:
Chanter toûjours d'ejouïssance,
Benite soit la grand' puissance
De toi, ô Seigneur Dieu, qui sais
Vivre ton serviteur en paix:
Tes bontez ma langue dira,
Et chacun jour te chantera.

PSEAUME XXXVI.
Pseaume de doclrine. Dixit injustus ut.

[...] DU malin le méchant vouloir Parle en mon coeur & me sait voir Qu'il n'a de Dieu la crainte: Car tant se plaist en son erreur, Que l'avoir en haine & horreur C'est bien force & contrainte. Son parler est nuisant & sin, Do­ctrine va suyant, asin De jamais bien ne faire: Songe en son lict méchanceté, Au chemin tors est arresté, A nul mal n'est contraire.

¶ O Seigneur, ta benignité
Touche aux cieux, & ta verité
Dresse, aux nuës la teste.
Tes jugemens semblent hauts monts,
Un abysme tes actes bons,
Tu gardes homme & beste.
O que tes graces nobles sont
Aux honunes qui consiance ont
En l'ombre de tes ailes!
De tes biens soules leurs desirs,
Et au sleuves de tes plaisirs
Pour boire les appelles.
¶ Car source de vie en toi gist,
Et ta clarté nous élargit,
Ce qu'avons de lumiere.
Continue, ô Dieu Tout-puissant,
A tout coeur droit te connoissant
Ta bonté coustumiere.
Que le pied de l'homme hautain
De moi n'approche, & que sa main
Ne m'ébranle ni greve:
C'est sait, les iniques cherront,
Et repoussez trébucheront,
Sans qu'un d'eux se releve.

PSEAUME XXXVII.
Pseaume de doctrine. Noli aemulari in malignantibus.

[...] NE sois fasché si durant cette vi e Souvent tu vois prosperer les mé­chans, Et des malins aux biens ne porte envi e: Car en ru ï ne à la sin tré­buchans, Seront sauchez comme foin en peu d'heure, Et secheront comme [Page]Pherbe des champ.

¶ En Dieu te fie, à bien faire labeure:
La terre auras pour habitation,
Et jouïras de rente vraye & seure.
En Dieu sera ta delectation,
Ft des souhaits que ton coeur voudra faire
Te donnera pleine fruïtion.
¶ Remets en Dieu, & toi & ton assaire,
En lui te fie, & il accomplira
Ce que tu veux accomplir & parfaire.
Ta preud'hommie en veuë il produira
Comme le jour, si que ta vie bonne
Comme un midi par tout resplendira.
¶ Laisse Dieu faire, atten-le, & ne te donne
Souci aucun, regret, ni déplaisir
Du prosperant qui à fraude s'adonne.
Si dueil en as, vueille t'en dessaisir,
Et de te joiadre à eux n'ayes courage,
Pour faire mal & suivre leur desir.
¶ Car il cherra fur les malins orage:
Mais ceux qui Dieu attendront constam­ment,
Possederont la terre en heritage.
Le faux faudra si tost & tellement,
Que quād sa place iras chercher & querre,
N'y trouveras la trace seulement.
*⁎* 1 ¶ Mais les benins heriterōt la terre,
Et y auroxt sans moleste d'autrui
Tout le plaisir que l'homme sauroit querre.
Il est certain que tout mal & ennui
L'homme pervers au bien vivant machine,
Et par fureur grince les dents sur lui.
¶ Mais cependant la Majesté divine
Rit du méchant: car de fes yeux ouverts
Voit bien venir le jour de sa ruïne.
Tirer leur glaive on verra les pervers,
Et bander l'arc pour l'hūble & povre batre,
Et pour les bons ruër morts à l'envers.
¶ Mais leur couteau sera pour les combatre,
Et percera leur coeur, tant il soit caut,
Mesme ils verront leur are rōpre & abatre.
Certes le peu de l'homme juste vaut
Mille fois mieux que la riche abondance
Du mal-vivant, tant soit élevé haut.
¶ Car du méchant le bras & la puissance
Seront rompus: mais le Dieu supernel
Sera des bons toûjours la soustenance.
Il voit & sçait par un soin paternel
Les jours de ceux qui ont vie innocente,
Et d'iceux est l'heritage eternel.
¶ Point ne seront frus [...]'ez de leur attente
Au mauvais temps, & si seront soulez
Aux plus longs jours de famine dolente.
Mais les malins periront desolez,
Et n'aimans Dieu s'en iront en fumée,
Ou deviendront comme graisse écoulez.
*⁎* 2 ¶ Leur main sera d'emprūter assamée,
Sins pouvoir rendre: & les justes auront
Dequoi montrer charité enflammée.
Car les benins de Dieu possederont
Finalement terre pleine de graisse,
Et les maudits en pauvreté cherront.
¶ Dieu tous les pas du vertueux adresse,
Et au chemin qu'il veut suivre & tenir
Donne faveur, & l'unit, & le dresse.
Si de tomber ne se peut contenir,
D'estre sroissé ne lui faut avoir crainte,
Car Dieu viendra la main lui soustenir.
¶ J'ai esté jeune, & vieillesse ai atteinte,
Et n'ai point veu le juste abandonner,
Ni ses enfans mandier par contrainte:
Mais chacun jour ne faire que donner,
Prester, nourrir: & si voit-on sa race
Accroistre en heur, & en bien foisonner.
¶ Fui donc le mal, sui le bien à la trace.
Et de dure [...] à perpetuïte
Le Seigneur Dieu te donnera la grace:
Car il ne perd (tant il aime équité)
Nul de ses bons, ils ont garde eternelle:
Mais il destruit les fils d'iniquité.
*⁎* 3 ¶ Les bien vivans en joye solennelle
Possederont la terre qui produit,
Et à jamais habiteront en elle.
Du bien-vivant la bouche rien n'instruit
Que sa pience, & sa langue n'expose
Rien qui ne soit tres-uste & plein de fruit:
¶ Car en son coeur la Loi de Dieu repose:
Partant mon pied ne sera point glissant,
Quelque chemin que tenir il propose.
Il est bien vrai que l'inique puissant
Le juste épie, & pour à mort le mettre
Le va cherchant comme un loup rugissant.
¶ Mais en sa main Dieu ne voudra permet­tre.
Qu'il soit soûmis, ni le voir condamner
Quand à justice il se vlendra soûmettre.
Dieu donc atten, vueille en lui cheminer,
Haut te mettra sur la terre feconde,
Et les malins verras exterminer.
¶ J'ai veu l'inique enssé & craint au monde,
Qui s'estendant grand & haut verdissoit
Comme au laurier qui en rameaux abonde.
Puis repassant par où il fleuristoit,
N'y estoit plus, & le cherchai à force,
Mais ne le sçeus trouver en lien qui soit,
¶ Garde de nuire, à voir le droit t'esforce,
Car l'homme tel ensin pour son loyer
Aura repos, loin d'ennui & divorce.
Destruits seront les prompts à fourvoyer,
Et des méchans tout le dernier salaire
Sera, que Dieu les viendra foudroyer.
¶ Que dirai plus? Dieu est le salutaire.
Des bien-vivans: c'est celui qui sera
Toûjours leur force au temps dur & contrai­re.
Les secourant, il les delivrera:
Les delivrant, garde il en voudra faire,
Pource qu'en lui chacun d'eux espoir a.

PSEAUME XXXVIII.
Pseaume de priere. Domine, ne in surore tuo arguas me.

[...] LAs! en ta sureur aigu ë Ne m'argue De mon fait, Dieu tout-puissant: [Page]Ton ardeur un peu retire. N'en ton ire, Ne me puni languissant.

¶ Car tes fleches décochées
Sont fichées
Bien fort en moi fans mentir:
Et as voulu, dont J'endure,
Ta main dure
Dessus moi appesantir.
¶ Je n'ai sur moi chair ni veine
Qui soit saine,
Par l'ire en quoi je t'ai mis:
Mes os n'ont de repos ferme
Jour ni terme,
Par les maux que je commis.
¶ Car les peines de mes fautes
Sont si hautes,
Qu'elles surmontent mon chef:
C'est un faix insupportable
Qui m'accable,
Tant croist sur moi ce méchef.
¶ Mes cicatrices puantes
Sont stuantes
De sang de corruption.
Las! par ma grande solie
M'est sortie
Toute cette infection.
*⁎* 1 ¶ Tant me fait mon mal la guerre,
Que vers terre
Suis courbé totalement:
Avec triste & noire mine
Je chemine
Tout en pleurs journellement.
¶ Car mes cuisses & mes aines
Sont si pleines
Du mal dont suis tourmenté:
Qu'il n'y a en ma chair toute
Une goutte
D'apparence de santé.
¶ Moi, qui soulois estre habile,
Suis debile,
Cassé de corps, pieds & mains:
Si que de la douleur forte
Qu'au coeur porte
Je jette cris inhumains.
¶ Or tout ce que je desire,
Tres-cher Sire,
Tu le vois clair & ouvert:
Le sosipir de ma pensée
Transpercée
Ne t'est eaché ni couvert.
¶ Le coeur me bat à outrance,
Ma puissance
M'a delaissé tout perclus:
Et de mes yeux la lumiere
Coûtumiere,
Voire mes yeux je n'ai plus.
¶ Les plus grands amis que j'aye,
De ma playe
Sont vis à vis sans grand soin:
Et hors mis toutes reproches,
Mes plus proches
La regardent de bien loin.
*⁎* 2 ¶ Ceux qui à ma mort s'attendent
Leurs laqs tendent:
D'autres voulans me grever,
Sur moi mille maux avancent,
Et ne pensent
Que fraudes pour m'achever.
¶ Et moi comme n'oyant gonte
Les écoute,
Leur coeur ont beau découvrir:
Je suis là comme une souche,
Sans ma bouche
Non plus qu'un muet ouvrir.
¶ Je suis devenu en somme,
Comme un homme
Du tout sourd, & qui n'oit point:
Et qui n'a quand on le pique,
De replique
Dedans sa bouche un seul poinct.
¶ Mais avecques esperance
L'asseurance
De ton bon secours j'attens:
Et ainsi, mon Dieu, mon Pere,
(Je l'espere,)
Tu me répondras à temps.
¶ Je le dis, & je t'en prie,
Qu'on ne rie
De mon malheureux émoi:
Car dés qu'un peu mon pied glisse,
Leur malice
S'éjouït du mal de moi.
*⁎* 3 ¶ Vien donc, car je suis en voye
Qu'on me voye
Clocher trop honteusement:
Pource que la grand' détresse
Qui m'oppresse
Me pourluit incessament.
¶ Las! à part moi avec honte
Je raconte
Mon trop inique sorfait:
Je réve, je me tourmente,
Je lamente,
Pour le peché que j'ai sait.
¶ Cependant mes adversaires
Et contraires
Sont vifs & mortisiez:
Ceux qui m'ont sans cause aucune
En rancune,
Sont creus & multipliez.
¶ Eux tous contre moi se banden [...]
Et me rendent
Pour le bien Piniquité.
Et de leur haine la source,
[...]e sut pource
Que je suivois équité.
¶ Seigneur Dieu, ne m'abandonne,
Moi personne
Déchassée d'un chacun:
Loin de moi la grace tienne,
Ne se tienne,
D'ailleurs n'ai espoir aueun.
¶ Vien & approche toi donques,
Vien, si onques
De tes enfans te chalut:
De me secourir te haste,
Je me gaste,
Seigneur Dieu de mon salut.

PSEAUME XXXIX.
Pseaume de consolation. Dixi, Custodiam vias.

[...] J'Ai dit en moi, De prés J'aviserai A tout cela que je ferai, Pour ne parler un seul mot de travers, En voyant debout le pervers: Voire deusse-je afin de ne parler, Ma propre bouche emmuseler.

¶ Comme un muet du tout je n'ai dit rien,
Mesme jusques à taire le bien:
Mais j'ai senti augmenter ma douleur,
Et mon coeur doubler sa chaleur:
Si qu'en pensant j'estois comme brûlé,
Parquoi de ma langue ai parlé:
¶ O Eternel, declare moi ma fin,
Et le temps de ma vie, afin
Que de mes ans j'entende tout le cours.
Voila, tu m'as taillé mes jours
Au demi pied: mon temps de bout en bout
Au prix du tien n'est rien du tout.
¶ Certes tout homme est pure vanité,
Quand mesme il semble estre arreslé:
Certes il est comme un songe passant,
Et pour neant va tracassant
Pour amasster force bien sans sçavoir
L'heritier qui les doit avoir.
*⁎* ¶ Qu'atten-je donc ô Seigneur, & en­quoi
Gist mon espoir? certes en toi.
Delivre moi des maux que j'ai commis,
Ft ne permets que je sois mis
Comme à servir de ris & passe- temps
A ceux qui ont perdu le sens.
¶ J'ai fait ainsi qu'un muet proprement,
J'ai clos la bouche entierement:
Car c'est de toi que me vient tout ceci.
Retire donc de moi transi
Ta playe: helas! je sens fondre mon coeur,
Sentant de ta main la rigueur.
¶ Quand les pecheurs il te plaist de punir,
On les voit a rien devenir.
On voit perir la beauté du pervers
Comme un habit rongé de vers.
Certes tout homme, à dire verité,
N'est autre cas que vanité.
¶ Oi ma priere, enten à mes clameurs:
Seigneur, ne méprise mes pleurs:
Car pelerin étranger tu me vois,
Comme mes peres autrefois.
Recule toi, soussre moi renforcer,
Devant que j'aille trépasser.

PSEAUME XL.
Pseaume d'action de graces. Expectans expectavi Dominum.

[...] APres avoir constamment attendu De PEternel la volonté, Il s'est tourné de mon costé, Et a mon cri au besoin entendu. Hors de fange & d'ordure, Et prosondeur obscure, D'un goussre m'a ti ré: A mes pieds assermis, Et au chemin remis Sur un roc asseuré.

¶ Dedans ma bouche un nouveau chant d'honneur
Il a mis pour son los & pris:
Plusieurs l'oyans sera appris
En toute crainte à s'attendre au Seigneur.
O l'homme heureux au monde
Qui dessus Dieu se sonde,
Et en fait son rempart!
Laissant tous ces hautains,
Hommes menteurs & vains,
S'égarer à l'écart.
¶ Seigneur mon Dieu, merveilleux sont tes saits:
Tu penses de nous tellement,
Que nul ne sçauroit seulement
Mettre de rang les biens que tu lui fais!
Si je lés mets en conte,
Le nombre me surmonte.
Bestes pour t'adresser
Et gasteaux t'ont dépleu:
Mais, Seigneur, il t'a pleu
L'oreille me percer.
¶ Tu n'as requis oblation de moi
Pour le péche: Lors je t'al dit,
Me voici prest: il est écrit
De moi ton serf au rolle de la Loi:
Que ta volonté sainte
Paccomplisse sans feinte:
Je le veux, ô mon Dieu!
Ce qu'as determiné
Je porte enraciné
De mon coeur au milieu.
*⁎* ¶ J'ai publié ta justice & presché,
Voire sans feindre aucunement:
Seigneur, tu le sçais, & comment
Rien je n'en ai tenu clos ni caché.
Ta loyauté constante,
Et ton aide puissante
Je declare à chacun:
J'annonce ta bonté
Et grand' fidelité
Au milieu du comman.
¶ Or tes bontez tu ne m'épargneras:
De ta grande compassion,
Et verité sans fiction,
Sans fin, Seigneur, tu m'accompagneras,
Infinis maux m'affaillent,
Mes pechez me travaillent,
La veuë me dessaut:
Je sens plus de méchef
Que de poil sur mon chef:
Le courage me faut.
¶ Delivre moi, Seigneur, par ton support:
Accours à mon aide, Seigneur:
Soient confus en grand deshonneur
Tous ces méchans qui pourchassent [...] mort.
Honte tous ceux ruïne
Qui cherchent ma ruïne:
Ceux qui rient de moi
Soient tous recompensez
Des maux qui m'ont brassez,
De vergogue & d'émoi.
¶ Mais trouve en toi tout plaisir solennel
Quiconques a vers toi recours:
Quiconques aime ton secours
Die à toûjours, Loiié soit l'Eternel.
Pauvre suis miserable,
Mais mon Dieu secourable
A eu de moi le soin.
Mon Dieu, tu m'as aidé,
C'est toi qui m'as gardé,
Sois prest à mon besoin.

PSEAUME XLI.
Pseaume de priere & de prophetie. Beatus vir qui intelligit.

[...] O Bien-heureux qui juge sagement Du pauvre en son fourment! Cer­tainement Dieu le sou la ge ra Quand af sli gé sera. Dieu le rendra sain & sauf, & fera Qu'encor il flo ri ra: Point ne voudra l'exposer aux souhaits Que ses haineux ont faits.

¶ Lors qu'en son lict sera plein de langueur,
Dieu lui donra vigueur,
Et changera son lict d'infirmité
En úii lict de santé.
En mes douleurs, ô Dieu, j'ai dit ainsi,
Aye de moi merci:
Guert mon ame, ô Dieu: car j'ai forfait,
Et contre tol méfait.
¶ Mes ennemis m'ont souhaité des maux
En leurs courages faux,
Disans, Jamais ne pourra-il mourir,
Et son renom perir?
Me venans voir, m'ont fait de beaux discours,
Couvans leurs méchans tours
Dedans le coeur: puis chaeun quand il sort
Va faire son rapport.
*⁎* ¶ Eux tous alors certains propos mordents
Grondent entre leurs dents:
Chacun voudroit me voir exterminé,
Et du tout ruïné:
Disans, Cét homme est au lict attaché
Pour, quelque grand peché:
Il est si plat qu'il ne s'en peut sauver
Ni jamais relever.
¶ Mesme sur moi mon ami de plus prés,
Témoin de mes secrets,
Mon, ami, dis-je, en ma table élevé,
Son talon a levé.
Mais tol, Seigneur, ayes compassion
De mon asstiction:
Redresse moi, lors payez ils seront
Des tourmens qu'ils me sont
¶ Mais quoi? deja par cela voir je puis
Combien cher je te suis,
Que mes haineux n'ont encore dequoi
Pouvoir rire de mol.
C'est toi qui m'as en mon entier tenu,
Et toûjours soustenu.
Voire & voudras toûjours à l'avenir
Devant toi me tenir.
¶ Loiié soit Dieu, le grand Dieu d'Israēl,
D'un los perpetuel.
De siecle en siecle. Ainsi, ainsi, Seigneur,
Soit chanté ton honneur.

PSEAUME XLII.
Pseaume de eonsolation. Quemadmodum desiderat cervus.

[...] AInsi qu'on oit le cerf bruire, Pourchassant le frais des eaux, Ainsi mon coeur qui soûpire, Seigneur, apres tes ruisseaux, Va toûjours criant, suivant Le grand, le grand Dieu vivant. Helas! donques quand sera-ce Que verrai de Dieu la face?

¶ Jour & nuict pour ma viande
De pleurs me vai soustenant,
Q [...]and je voi qu'on me demande,
Où est ton Dieu maintenant?
Je fons en me souvenant
Qu'en troupe j'allois menant,
Priant, chantant, grosse bande
Faire au Temple son offrande.
¶ D'où vient que t'ebahis ores,
Mon ame, & fremis d'émoi?
Espere en Dieu, car encores
Sera-t'il chanté de moi,
Quand d'un regard seulement
[...] guerira mon tourment.
Las! mon Dieu, je sens mon ame
Qui de grand desir se pasme.
¶ Car j'ai de toi souvenance
Depuis outre le Jordain,
Et la froide demeurance
De Hermon pais hautain:
Et de Misar autre mont,
Un goussre l'autre semont,
Lors que tonnent sur ma teste
Les torrens de ta tempeste.
*⁎* ¶ Tous les grands slots de ton onde
Par dessus moi ont passé:
Mais sur un poinct je me fonde,
Que n'estant plus courroucé,
De jour tes biens m'envoiras,
De nuict chanter me feras,
Priant d'une ame [...]avie,
Toi seul autheur de ma vie.
¶ Je dirai, Dieu ma puissance,
D'où vient qu'en oubli suis mis?
Pourquoi vis-je en déplaisance,
Presse de mes ennemis?
Je sens leurs méchans propos
Me navrer jusques aux os,
Quand ils disent à toute heure,
Ou fait ton Dieu sa demeure.
¶ D'où vient que t'ebahis ores,
Mon ame, & fremis d'émol?
Espere en Dieu: car encores
Sera-t'il loiié de moi:
D'autant qu'il est le Sauveur
Me presentant sa faveur.
Bref, pour conclurre, mon ame,
C'est le Dieu que je reclame.

PSEAUME XLIII.
Pseaume de priere. Judica me Deus, & discerne.

[...] REvenge moi, pren la querelle De moi, Seigneur, par ta merci, Con­tre la gent fausse & cruelle: De l'homme rempli de cautelle, Et en sa ma­li ce endurci, Delivre moi aussi.

¶ Las! mon Dieu, qui es ma puissance:
Fourquoi fuis-tu me rebutant?
Pourquoi fais-tu qu'en déplaisance
[...]e chemme sous la nuissance
De mon adversaire qui tant
Me va persecutant?
A ce coup ta lumiere luise,
[...]t ta foi veritable tien:
Chacunes d'elles me conduise
En ton fainct mont, & m'introduise
Jusques au tabernacle tien,
Avec humble maintien.
¶ Là dedans prendrai hardiesse
D'ller de Dieu jusqu'a l'autel,
Au Dieu de ma joye & liesse:
Et sur la harpe chanteresse
Confesserai qu'il n'est Dieu tel
Que toi, Dieu immortel.
¶ Mon coeur, pourquoi t'ébahis ores,
I'ourquoi te debats dedans moi?
Atten le Dieu que tu adores:
Car graces lui rendrai encores,
Dont il m'aura mis hors d'émoi,
Comme mon Dieu & Roi.

PSEAUME XLIV.
Pseaume de priere. Deus, auribus nostris audivimus.

[...] OR avons-nous de nos oreiiles, Seigneur, entendu tes merveilles Ra­conter à nos peres vieux, Faites jadis & devant eux. Ta main a les peu­ples chassez, Plantant nos peres en leur pluce: Tu as les peuples oppres­sez Y salsant [...]ermer nostre race.

¶ Ce n'est point done par leur épée
Qu'ils ont cette terre occupée:
Es dangers à eux survenus
Lour bras ne les a soustenus.
Ta dextre a esté leur sauveur,
Ton bras, ta face debonnalre:
Et leur as suit cette faveur,
D'autant qu'il t'a pleu de ce faire.
¶ Tu es le Roi qui me domine,
Seigneur, de puissance divine:
Fai que Jacob ton blen-aimé
Ait ton secours accoustumé.
Par ton secours nous choquerons
Tous les ennemis qui nous grevent:
Et par ton Nom nous foulerons
Tous ceux qui contre nous s'élevent.
¶ Car en mon are je n'ai fiance,
Et sçai tres-bien que la puissance
De mon épée ne sera
Celle qui me garantira.
Mais toi qui nous as defendus
Contre nos plus grands adversaires:
Voire toi, qui rends confondus
Tous ceux-là qui nous sont contraires.
*⁎* 1 ¶ En Dieu gist toute nostre gloire
Un chacun jour, & ta memoire
Nons deliberons desormais
De magnifier à jamais.
Mais tu te tiens de nous bien loin,
Rougir nous fais en leur presence,
Et nos gendarmes au besoin
Tu n'accompagnes pour defence.
¶ Tourner tu nous fais en arriere
Devant l'armée meurtriere
Des ennemis venans saisir
Tout nostre bien à leur plaisir.
Tu nous fais estre à ces pillards
Comme brebis aux boucheries:
Semé nous as de toutes parts
Parmi nations ennemies.
¶ Ta gent pour neant as venduë
Ainsi qu'une chose perduë:
Tellement que, tout bien conté,
Tu n'en as rien prosité.
Tu fals qu'en oppobre nous ont
Tous ceux qui entour nous habitent:
Voire ceux qui nos voisins sont
Par tout nous blasment & dépitent.
¶ Nous ne serons, comme nous sommes,
Que de proverbe aux autres hommes:
Ceux qui nous voyent quant & quant.
Branlent la teste en se moquant.
Honte chemine devant moi
Un chacun jour, quoj que je face:
Si que de vergogne & d'émoi
Contraint suis de couvrir ma face.
¶ Tant il nous faut ouïr d'injures,
Et maintes reproches tres-dures:
Tant d'ennemis fur nous ranger.
Ne cherchent que d'estre venger.
Nonbstant tout ce traitement.
Tu n'es point mis en oubliance.
Et n'avons point fuit autrement
Que porte ta saincte alliance.
*⁎* 2 ¶ Ailleurs qu'à toi nostre pensee,
Seigneur, ne s'est point adressée:
Hors le chemin qu'as ordonné
Nostre pied n'a point cheminé.
Parmi dragons envenimez,
Combien que ta main nous accable,
Et que nous ayes abysmez
D'ombre de mort époutantable.
¶ Si nous n'avions eu souvenance
De nostre Dieu & sa puissance:
Si nous avions tendu la main
A d'autre Dieu qu'au Souverain:
Dieu ne s'enquerroit-il point?
Lui, dis-je, qui connoit & sonde,
Voire jusques au dernier poinct,
Les plus fins coeurs de tout le monde?
¶ On nous meurtrit pour ta querelle,
On nous tient en estime telle
Que brebis qu'on nourrit expres,
Pour les massacrer puis apres.
Helas! Seigneur, pourquoi dors-tu?
Réveille toi en nos oppresses:
Réveille, dis-je, ta vertu,
Et pour jamais ne nous delaisses.
[...] Pourquoi caches-tu ton visage?
[...]ourquoi alors qu'on nous outrage,
Was-tu quelque compassion
De nostre grande oppression?
La grand rigueur dont tu nous bats
Consond nos ames & atterre:
Nous avons les ventres tous plats,
Comme collez contre la terre.
¶ Leve toi donc, & nous accorde
L'aide de ta misericorde:
Et pour l'amour de ta bonté
Delivre nous d'adversité.

PSEAUME XLV.
Pseaume de doctrine. Eructavit cor meum verbum.

[...] PRopos exquis faut que de mon coeur sorte, Car du Roi veux dire chan­son de sorte, Qu'à cette fois ma langue mieux dira, Qu'un scribe prompt de plume n'écrira. Le mieux formé tu es d'humaine race: En ton parler gist merveilleuse grace, Parquoi Dieu fait que toute nation Sans fin te louë en benediction.

¶ O le plus fort que rencontrer on puisse,
Accoutre & ceint sur ta robuste cuisse
Ton glaive aigu, qui est la resplendeur
Et l'ornement de royale grandeur.
Entre en ton char, triōphe à la bōne heure
En grand honneur, puis qu'avec demeure
Verité, foi, justice, & coeur humain:
Voir te fera de grand's choses ta main.
¶ Tes dards luisans & tes sagettes belles
Poignantes sont: les coeurs à toi rebelles
Seront au vif d'icelles transpercez,
Et dessous toi les peuples renversez.
O Dieu & Roi, ton trône venerable
Est un haut trône à jamais perdurable.
Le sceptre aussi de ton regne puissant
Est d'équité le sceptre slorissant.
¶ Iniquité tu hais, aimant justice:
Pour ces raisons, Dieu, ton Seigneur propice,
Sur tes consorts t'ayant le plus à gré,
D'huile de joye odorant t'a sacré.
De tes habits les plis ne sentent qu'ābre,
Et muse, & myrrhe, en allant de ta chābre
Hors ton'palais d'yvoire haut & fier,
Li où chacun te vient gratifier.
*⁎* ¶ Avec toi sont filles de rois bien nées,
De tes presens tres-precieux ornées,
Et la nouvelle épouse à ton costé,
Qui d'or d'Ophir couronne sa beauté.
Ecoute fille, en beauté nompareille,
Enten à moi, & me preste Poreille:
Il te convient ton peuple familier,
Et la maison de ton peuple oublier.
¶ Car nostre Roi, nostre souverain Sire
Tres-ardamment ta grand' beauté desire:
D'oresnavant ton Seigneur il sera,
Et de toi humble obeissance aura.
Peuples de Tyr, peuples pleins de richesses,
D'honneurs & dons te feront grand's lar­gesses:
Ce ne sera de la fille du Roi
Sous manteau d'or. sinon tout noble arroi.
¶ D'habits brodez richement atournée
Elle sera devant le Roi menée,
Avec le train des vierges la suivans,
Et de ses plus prochaines la servans.
Pleines de joye & d'ennui exemptées
Au Roi seront ensemble presentées:
Elles & toi en triomphe & bon- heur
L'irez trouver en son palais d'honneur.
¶ Ne crain donc point de l [...]sser pere & mere:
Car au lieu d'eux mariage prospere
Te produira beaux & nobles enfans,
Que tu feras par tout Rois triomphans.
Quant est de moi, à ton Nom & ta gloire
Ferai écrits d'eternelle memoire,
Et par lesquels les gens à l'avenir
Sans fin voudront te chanter & benir.

PSEAUME XLVI.
Pseaume de victoire. Deus noster refugium.

[...] DEs qu'adversité nous offense, Dieu nous est appui & defense: Au be­soin [Page]l'avons éprouvé: Et grand secours en lui trouvé. Dont plus n'aurors crainte ni doute, Et deust trembler la terre toute Et les montagnes abys­mer Au milieu de la haute mer.

¶ Voire deussent les eaux profondes,
Bruire, écumer, ensser leurs ondes,
Et par leur superbe pouvoir
Rochers & montagnes mouvoir.
Au temps de tourmente si fiere,
Les ruisseaux de nostre riviere
Réjouiront la grand' cité,
Lieu tres-saint de la Deïté.
¶ Il est certain qu'au milieu d'elle
Dieu fait sa demeure eternelle:
Rien ébranler ne la pourra,
Car Dieu prompt secours lui donra.
Troupes de gens sur nous coururent:
Meus contre nous royaumes surent:
Du bruit des voix tout l'air fendoit,
Et sous eux la terre fondoit.
*⁎* ¶ Mais pour nous en ces durs alarmes
A este le grand Dieu des armes:
Le Dieu de Jacob est un fort
Pour nous encontre tout essort.
Venez, contemplez en vous-mesmes
Du Seigneur les actes supremes,
Et ces lieux terrestres voyez
Comment il les a nettoyez.
¶ Il a éteint cruelle guerre
Par tout jusqu'aux bouts de la terre:
Brise lances, rompu les arcs,
Et par feu les chariots ards.
Cessez, dit-il, & connoissance
Ayez de ma haute puissance:
Dieu suis, j'ai exaltation
Sur toute terre & nation.
¶ Conclusion, le Dieu des armes
Des nostres est en tous alarmes:
Le Dieu de Jacob est un fort
Pour nous encontre tout essort,

PSEAUME XLVII.
Pseaume de réjouïssance. Omnes gentes plaudite.

[...] OR sus tous humains, Frappez en vos mains: Qu'on oye sonner, Qu'on oye entonner Le Nom solennel De Dieu Eternel. C'est le Dieu tres-haut Que craindre il nous saut, Le grand Dieu qui fait Sentir en effet Sa force au travers De tout l'univers.

¶ Sous nostre pouvoir
Il nous sera voir
Les peuples batus:
l'euples batus
Et humiliez
Mettra fous nos pieds.
C'est lui qui à part
A mis nostre part
De Jacob l'honneur:
Auquel le Seigneur
S'est montré sur tous
Amiable & doux.
¶ Or donc le vici
Qui s'en vient ici,
A grands cris de voix
A son de haut-bois
Voyons arrivant
Le grand Dieu vivant.
Chantez-moi, chantez
De Dieu les bontez:
Chantez, chantez-moi
Nostre puissant Roi:
Car il est le Dieu
Regnant en tout lieu.
¶ Sages & diserets,
Chantez ses secrets:
Car tous les Gentils
Tient assujettis,
Au trône monté
De sa saincteté.
Les Princes puissans
S'assujettissans
Vers lui sont venus,
Pour estre tenus
Peuples du Dieu Saint
Qu'Abraham à craint.
¶ Car Dieu en sa main.
Comme souverain
De ce monde entier,
Porte le bouclier,
Elevé sur tout
Jusqu'au dernier bout.

PSEAUME XLVIII.
Pseaume d'action de graces. Magnus Dominus & laudabilis.

[...] C'Est en sa tres-saincte Cité, Lieu choisi pour sa saincteté, Que Dieu déploye en excellence Sa gloire & sa magnificence. La montagne de Sion, Devers le Septentrion, Ville au grand Roi con sa crée, Est en si belle contrée, Que la terre universelle Ne doit s'éjou ïr qu'en elle.

¶ Dieu au palais d'elle est connu
Et pour sa defense tenu:
Car un jour les Rois se banderent,
Et tous equipez s'y trouverent.
Ils ont veu les effets,
Dont estonnez & défaits,
Eux avec toute leur bande,
Surpris d'une frayeur grande,
Avec extréme détresse
Se sont sauvez de vitesse.
¶ Douleur comme d'enfantement
Les saisit avec tremblement:
Comme quand d'un terrible orage
Tu brises tout un navigage.
Trouveé l'avons tout ainsi
Qu'on nous avoit dit aussi:
En la ville où tu habites,
Seigneur Dieu des exercites,
Et cette saincte demeure,
Où nostre grand Dieu demeure.
*⁎* ¶ Dieu l'a fondée tellement,
Que perir ne peut nullement:
Là au milieu de ton sainct Temple,
O Dieu, ta fureur se contemple.
Ainsi que de toutes parts,
O Dieu! ton Nom est épars,
Ta loiiange aussi redonde
Jusqu'au dernier bout du monde,
Et de bonté souveraine
Ta main droite est toute pleine.
¶ De Sion tout le sacré mont
S'en réjouït, festes en font
Les filles de Juda, joyeuses
De tes justices glorieuses.
Faites de Sion le tour,
Contez les tours à l'entour,
Prenez garde aux forteresses.
Considerez leurs hautesses,
Pour les faire à ceux connaistre
Qui sont encore à naistre.
¶ Car lui seul est le Dieu regnant,
Dieu à jamais nous soustenant,
Qui ci bas nous viendra conduire,
Tant que la mort nous en retire.

PSEAUME XLIX.
Pseaume de doctrine. Andite haec omnes.

[...] PEuples oyez, & l'oreille prestez, Hommes mortels, qui le monde habi­tez, Des plus petits jusques aux plus puissans, Riches hautains & pauvres languissans: Sages propos ma bouche annoncera, Graves discours mon coeur entamera: A mes beaux mots l'oreille je veux tendre, Et sur mon luth [Page]grand's choses vous apprendre.

¶ Pourquoi serai-je en mes maux estonné,
Quoi que je sois clos & environné
D'un dur souci, qui talonne mes pas
Pour me surprendre & renverser en bas?
Aucuns se sont à leurs tresors tenus,
Se faisans fiers de leurs grands revenus:
Mais nul n'en peut faire son frere vivre,
N'offrir à Dieu rançon qui le delivre.
¶ Car le rachat de leur ame est trop cher
Pour estre fait: quoi qu'on vueille tascher
De vivre ici perpetuellement,
Sans jamais voir fosse ni monument:
Veu qu'on y voit les sages se mourir,
Le fol, le sot également perir.
En delaissant leur tant chere chevance,
Mesmes à ceux dont ils n'ont connoissance.
¶ Et toutefois tout le discours qu'ils sont,
C'est qu'à jamais leurs maisons dureront,
Que leur logis & places de leur nom
De fils en fils porteront leur renom.
Mais telles gens ont beau estre seigneurs,
Ils ne sçauroient maintenir leurs honneurs:
Ains periront du tout ces grosses testes,
Et s'en iront semblables à des bestes.
*⁎* ¶ Leur train ne tend qu'à fole van [...]
Et toutefois à grand' hastiveté
Leurs fols enfans vont coustumierement
Suivans le train de cét enseignement.
Ils seront mis en terre par troupeaux:
D'eux se paistra la mort en leurs tōbeaur [...]
Des bons sera la compagnie heureuse,
Au poinct du jour sur eux victorieuse.
¶ Eux & leur lustre à neant tourneront,
De leurs maisons à la fosse ils iront:
Mais de la mort Dieu me rachetera,
Car comme sien il me retirera.
Ne crain dōc point quād quelqu'un aurasres
Devenu riche, & en honneurs accreu:
Car en mourant ses tresors il ne serre,
Et ses honneurs avec lui on n'enterre.
¶ En cette vie ils ont eu passe- temps,
Et loiient ceux qui se donnent bon temps
Mais ils suivront leurs peres aux bas lieux
Sans jamais voir lumiere de leurs yeux.
Conclusion, quand un homme avancé
En grands honneurs, en devient insensé,
Il n'est plus hōme, ains aux bestes ressemble,
Desquelles meurtame & corps tout en [...]ble.

PSEAUME L.
Pseaume de doctrine. Deus deorum Dominus locutus.

[...] LE Dieu, le Fort, l'Eternel parlera, Et haut & Clair la terre appellera: De l'Orient jusques à l'Occident, Devers Sion Dieu clair & évident Appa­roistra orné de beauté toute: Nostre grand Dieu viendra n'en faites doute.

¶ Ayant un feu devorant devant lui,
D'un vehement tourbillon circuï,
Pour appeller & terre & ciel luisant,
Et juger là tout son peuple: En disant,
Assemblez moi mes saincts, qui par fiance
Sacrifians ont pris mon alliance.
¶ (Et vous les cieux, direz en tout endroit
Son jugement, car Dieu est Juge droit:)
Enten mon peuple, & à toi parlerai:
Ton Dieu je suis, rien ne te celerai:
Par moi repris ne seras des ossrandes
Qu'en sacrifice ai voulu que me rendes.
¶ Je n'ai besoin prendre en nulle saison
Bouc de tes parcs, ni boeuf de ta maison,
Tous animaux des bois sont de mes biens:
Mille troupeaux en mille mōts sont miens:
Miens je connois les oiseaux des montagnes,
Et Seigneur suis du bestail des campagnes.
*⁎* ¶ Si j'avois faim, je ne t'en dirois rien:
Car à moi est le monde & tout son bien.
Suis-je mangeur de chair de gros taureaux?
Ou bois-je sang de boucs ou de chevreaux?
A l'Eternel loiiange sacrifie:
Au Souverain rend tes voeux & t'y fie.
¶ Invoque moi quand oppressé seras,
Lors t'aiderai, puis honneur m'en feras.
Aussi dira l'Eternel au méchant,
Pourquoi vas-tu mes edicts tant preschact,
Et prens ma Loi en ta bouche maligne,
Veu que tu as en haine discipline:
¶ Et que mes dits jettes & ne reçois?
Si un larron d'aventure apperçois,
Avec lui cours: car autant que lui vaut,
T'accompagnant de paillards & ribaux:
Ta bouche mets à mal & médisances,
Ta langue brasse & fraudes & nuisances.
¶ Causant assis pour ton prochain blasmer,
Et pour ton frere ou cousin dissamer:
Tu fais ces maux, & cependant que rieus
Je ne t'én dis, tu m'estimes & tiens
Semblable à toi: mais quoi que tard le face
T'en reprendrai quelque jour en ta face.
¶ Or entendez cela, je vous suppli',
Vous qui mettez l'Eternel en oubli,
Que sans secours vous ne soyez défaits:
Sacrisians loiiange, honneur me faits,
Dit le Seigneur: & qui tient cette voye,
Douter ne faut que mon salut ne voye,

PSEAUME LI.
Pseaume de priere. Miserere mei Deus, secundúm.

[...] MIsericorde au pauvre vicieux, Dieu tout puissant, selon ta grand' cle­mence: Use à ce coup de ta bonté immense, Pour effacer mon fait perni­cieux. Lave moi, Sire, & relave bien fort, De ma commise iniquité mauvaise, Et du peché qui m'a rendu si ord, Me nettoyer d'eau de grace te plaise.

¶ Car de regret mon coeur vit en émoi,
Connoissant, las! ma grand' faute presente:
Et qui pis est mon peché se presente
Locéssamment noir & laid devant moi.
En ta presence à toi seul j'ai forfait:
Si qu'en donnant arrest pour me défaire,
Jugé seras avoir justement fait,
Et vaincras ceux qui diront du contraire.
¶ Helas! je fçai, & si l'ai toûjours sçeu
Qu'iniquité prit avec moi naissance
J'ai d'autre part certaine connoissance
Qu'avec peché ma mere m'a conceu.
Je sçai aussi que tu aimes de fait
Vraye equité dedans la conscience:
Ce que n'ai eu, moi à qui tu as fait
Voire les secrets de ta grand' sapience.
¶ D'hyssope donc par toi purgai serai,
Lors me verrai plus net que chose nulle:
Tu laveras ma trop noire macule,
Lors en blancheur la neige passerai.
Tu me feras joye & liesse ouïr,
Me revelant ma grace interinée:
Lors sentirai croistre & se réjouïr
Mes os, ma force, & vertu declinée.
*⁎* ¶ Tu as eu l'oeil assez sur mes forfaits:
Détourne d'eux ta courroucée face:
Et te suppli' non seulement essace
Ce mien peché, mais tous ceux que j'ai fais:
O Createur, vueille en moi créer
Un coeur tout pur, une vie nouvelle:
Et pour encor te pouvoir agréer,
Le vrai esprit dedans moi renouvelle.
¶ De ton regard je ne sois reculé:
Et te suppli' au lieu de me détruire,
Ton Saint Esprit de mon coeur ne retire,
Quand tu l'auras en moi renouvellé.
Redonne-moi la liesse que prit
Et ton salut mon coeur jadis infirme:
Et ne m'ostant ce libre & franc Esprit,
En icelui pour jamais me confirme.
¶ Alors, Seigneur, je suivrai tes sentiers,
Et les ferai aux iniques apprendre:
Si que pecheurs à toi se voudront rendre.
Et se viendront convertir volontiers.
O Dieu, ó Dieu de ma salvation,
Delivre-moi de ce mien sanglant vice:
Et lors ma bouche en exultation
Chantera haut ta bonté & justice.
¶ Ha! Seigneur Dieu, ouvre mes levres donc:
Car closes sont jusqu'à tant que les ouvres,
Mais moyennnant qu'à les ouvrir tu oeuvres,
J'annoncerai tes loiianges adonc.
Si tu voulois sacrifice mortel
De boucs & boeufs, & conte tu en sisses,
Je l'eusses offert: Mais en Temple n'Autel
Ne te sont point plaisans tels sacrifices.
¶ Le sacrifice agreablé & bien pris
De l'Eternel, c'est une ame dolente,
Un coeur froissé, une ame penitente:
Ceux-la, Seigneur, ne te sont à m [...]pris.
Traite Sion en ta benignité,
O Seigneur Dieu, & par tout fortifie
Jerusalem ta tres humble cité,
Ses murs aussi en bref temps edifie.
¶ Alors auras des coeur bien disposez,
Oblations telles que tu demandes:
Alors les boeufs, ainsi que tu commandes,
Sur ton Autel seront mis & posez.

PSEAUME LII.
Pseaume de consolation. Quid gloriaris in malitia.

[...] DI moi malheureux, qui te sies En ton authorité, D'où vient que tu te glorifies De ta méchanceté? Quoi que soit, de Dieu le secours A tous los jours sont cours.

¶ Ta langue à mal faire s'adresse,
Et semble proprement
Un rasoir assilé qui blesse
Et coupe finement:
Malice aimes mieux que bonté,
Le faux que verité.
¶ De tous propos qui peuvent nuire
A párler tu te mets:
Aussi Dieu te viendra destruire,
Fausse langue, à jamais:
Trenchée, arrachée de Dieu
Seras hors de ton lieu.
¶ Méchant jusques à la racine
Tu seras arraché:
Les justes voyans ta ruïne
Auront le coeur touché:
De tes malheurs ils se riront:
Et voilà qu'ils diront,
¶ C'est celui qui n'a daigné prendre
L'Eternel pour soustient:
Car il a mieux aimé s'attendre
Et sier en son bien:
C'est lui qui s'est fortifié
De sa grand' mauvaistié.
¶ Mais moi qui n'ai & n'aurai onque
Qu'en la benignité
De l'Eternel espoir quelconque,
Serai ainsi planté
Qu'un verd olivier an mllieu
De la maison de Dieu.
¶ Lors, Seigneur, de cette vengeance
Sans fin te benirai:
A ton sainct Nom plein de puissance
Du tout m'arresterai:
Car ta bonté fait mille biens
A tous ceux qui sont tiens.

PSEAUME LIII.
Pseaume de doctrine. Dixit insipiens in corde suo, Non est Deus.

[...] LE fol malin en son coeur dit & croit Que Dieu n'est point, & cor­rompt & renverse Ses moeurs, sa vie, horribles faits exerce: Pas un tout seul ne fait rien bon ni droit, Ni ne voudroit.

¶ Dieu du haut Ciel a regardé ici
Sur les humains aveques diligence,
S'il en verroit quelqu'un d'intelligence,
Qui d'invoquer la divine merci
Fust en souci.
¶ Mais tout bien veu, a trouvé que chacun
A fourvoyé, tenant chemins damnables:
Ensemble tous sont faits abominables:
Et n'est celui qui face bien aucun,
Non jusqu'à un.
¶ N'ont-ils nul sens tous ces pernicieux,
Qui sont tout mal, & jamais ne se changent?
Qui cōme pain mon pauvre peuple māgent,
Et d iuvoquer ne sont point soucieux
Le Dieu des Cieux.
¶ Ils trembleront sans nulle occasion,
Car Dieu rompra les os des adversaires:
Et puis que Dieu méprlse tes contraires,
Tu leur seras, ô ville de Sion,
Confusion.
¶ O qui & quand de Sion sortira
Pour Israël secours en sa soussrance?
Quand Dieu mettra son peuple à delivrance,
De joye alors Israël jouïra,
Jacob rira.

PSEAUME LIV.
Pseaume de priere. Deus in nomine tuo salvum.

[...] O Dieu tout puissant, sauve moi Par ton Nom & force immortelle: Et pour defendre ma querelle, Fai sortir la force de toi: Oi l'oraison que je ferai, Plaise toi l'oreille me tendre, O Eternel, afin d'entendre Tous les mots que je te dirai.

¶ D'un coeur barbare & furieux
M'envahit la troupe ennemie:
serribles gens cherchent ma vie,
Qui n'ont point Dieu devant leurs yeux.
Si est-ce que Dieu m'entretient
Par le prompt secours qu'il me donne:
Dieu, dis-je, se trouve en personne
En la bunde qui me soustient.
¶ C'est lui qui retomber fera
Nous ces maux sur mon adversaire:
Quand tu viendras pour les désaire,
Ta loyauté lors se verra.
Alors de franche volonté
Ferai sacrifice loiiable:
Loiiant ton fainct Nom venerable,
Qui est tout rempli de bonté.
¶ Car à mes maux tu as pourveu,
En m'ottroyant ma delivrance:
Et de ceux faire la vengeance
Qui m'ont haï, mon o [...]il t'a veu.

PSEAUME LV.
Pseaume de priere. Exaudi, Deus, orationem meam.

[...] EXauce, ô mon Dieu, ma priere, Ne te re ti re point arriere De l'o­raison que je presente, Enten à moi, exauce moi, Tandis qu'en priant de­vant toi, Je me complains & me tourmente.

¶ J'ois l'ennemi qui me menace,
Et le méchant qui me pourchafle,
Car sans fin leur méchant courage
Me brasse quelque lascheté,
Et suis par eux persecuté
D'un coeur tout enstammé de rage.
¶ Dedans moi mon pauvre coeur tremble,
Frayeurs de mort toutes ensemble
Vierment fur moi pour me detruire.
Crainte m'assaut & tremblement,
Couvert suis d'épouvantement,
Qui m'a contraint en fin de dire:
¶ Las! qui me donnera des ailes,
Comme aux craintives colombelles,
Afin de m'envoler bien viste,
Et me reposer? car voilà,
Jusqu'aux deserts, & par delà,
Je m'en irois faire mon giste.
¶ Je me sauverois de viteffe
De ce mauvais vent qui me presse,
Et de la tempeste soudaine.
Perce leur la langue & les perds:
Car de torts & debats divers,
Seigneur, j'ai veu leur ville pleine.
¶ Jour & nuict outrage & querelle
Sont autour des murailles d'elle:
Au milieu d'elle est fascherie,
Violence & méchanceté:
En elle ont logis arresté
Toute cautelle & tromperie.
*⁎* ¶ De fait celui qui me dissame
Ne montra one ce coeur infame,
Autrement enduré je l'eusse.
Nul sur moi ne va s'elevant
Qui me haït auparavant:
Car de lui caché je me fusse.
¶ Mais toi, jadis second moi-mesme,
Dont je faisois mon maistre mesme,
Avecques pivaute si grande:
Qui nos secrets communiquions
A grand plaisir, & qui allions
Au Temple sainct tous d'une bande.
¶ Que la mort les happe & les serre,
Si que tous viss viennent en terre:
Car entr'eux toute violence
En leur logis a pris son lieu:
Mais moi j'invoquerai mon Dieu,
Et mon Dieu fera ma defense.
¶ Prier veux soir & matinée,
Et au milieu de la journée,
Que ma priere il ne rejette:
Ains me retire à sauveté
Du combat qui m'est appresté:
Car sur moi grand troupe se jette.
¶ Dieu m'orra, Dieu, dis-je, immuable,
De qui l'empire est perdurable,
Les punira de leurs malices:
Car de Dieu m'ont crainte ni peur,
Et jamais ne changent de co [...]u [...],
Mais sont obstiner en leurs vices.
¶ Le méchant a osé essendre
Ses mains pour ses amis surprendre,
Violant l'amitié jurée:
Ses propos semblent en sortant
Plus mols que beurre & nonobstant
Guerre en son coeur est enserré.
¶ Sa parole est douce & plaisante
Comme baume, & si ost pereante
Ainsi qu'une pointe affilée.
Remets tout à Dieu, qui viendra
Te soulager, & ne voudra
Jamais justice ellre foulée.
¶ C'est toi, ô Dieu, qui dans la fosse
Les viendras en ruine grosse
Precipiter par ta puissance:
Car gens meurtriers & decevans
N'achevent à demi leurs ans:
Mais moi, l'aurai en toi fiance.

PSEAUME LVI.
Pseaume de priere. Miserere mei Deus, quoniam.

[...] MIsericorde à moi pauvre affligé, O Seigneur Dieu, car me voilà mangé De ce mechant qui me tient assiege, Et tous les jours m'oppresse: Mes en­vieux me devorent sans ceffe, Car contre moi un grand nombre se dresse, O Dieu tres-haut: mais quand la peur me presse, En toi mon espoir j'ai.

¶ A l'Eternel loiianges chanterai,
De sa promesse en Dieu m'asseurerai:
Et par ainsi rien ne redouterai
Que l'homme puisse faire.
Tous mes propos ils tournent au cōtraire
Journellement, & leur plus grand affaire,
C'est de penser à me nuire & méfaire
De leur plus grand pouvoir.
¶ De s'amaffer ils font tout leur devoir,
De s'embuscher, d'épier pour sçavoir
Quels pas je fais: tant desirent avoir
Ma vie en leur puissance.
En tous dangers ils ont cette asseurance,
Que de leurs tours depend leur delivrance:
Mais, ô Seigneur, par ta juste vengeance
Les peuples tu rabas.
*⁎* ¶ Tu sçais combien j'ai couru haut & bas:
En tes vaisseaux mes pleurs serrez tu as,
Voire ma peine, ô Dieu, n'est-elle pas
En ton registre écrite?
En t'invoquant verrai tourner en suite
De mes haineux la bande déconfite,
J'en suis tout seur: car mon Dieu, ma con­duite
Me favorisera.
¶ Le Seigneur Dieu par moi loiié sera
De sa promeffe, & mon coeur chantera
Loiiange à Dieu, lequel me donnera
La chose à moi promise.
En l'Eternel mon esperance ai mise,
D'homme vivant je ne crains l'entreprise:
Mais à tes voeux ma personne est soûmise,
O Dieu, vers ta bonté.
¶ Un jour, Seigneur, j'en serai acquité,
En te loiiant ainsi qu'as merité,
M'ayant tiré par ta benignité
De mortelle ruïne.
Tu me soustiens de peur que ne ruïne,
Mais devant toi, ô Seigneur, je chemine
Entre ceux-là qu'encores illumine
Du monde la clarté.

PSEAUME LVII.
Pseaume de priere. Miserere mei, Deus, miserere.

[...] AYes pitié, ayes pitié de moi: Car ô mon Dieu, mon ame espere en toi: Et jusqu'à tant que ces méchans rebelles Soient tous passez, esperance ni foi Jamais n'aurai qu'en l'ombre de tes ailes.

¶ Au Dieu tres-haut mon cri s'adressera,
Au Dieu lequel tout mon cas parfera:
Bonté & Foi, ce grand Dieu que j'adore,
A mon secours du ciel venir fera,
Rendant confus celui qui me devore.
¶ Mon ame, helas! est parmi des lions,
Boute-feux m'ont enclos par millions:
Lances & dards sont leurs dents emouluës,
Leurs langues sont, en Ieurs detractions,
Glaives perçans de leurs pointes aiguës.
*⁎* ¶ Eleve toi, ô Dieu, deffus les cieux,
Ci bas par tout ton los soit glorieux:
[...] ont tendu des rete pour me furprēdre:
Ils m'ont foulé: ils ont ces envieux
Fait un fossé devant moi pour me prendre.
¶ Eux-mesmes sont tombez en seur fossé,
Mon coeur en est, ô Dieu, tout redressé:
Mon coeur s'égaye, estant plein d'affeurance:
Voire, Seigneur, pour ton los exaucé,
Chanter, prescher de telle delivrance.
¶ Sus donc, ma langue, ores réveille-toi:
Psalterions, levez-vous avec moi:
Au poinct du jour je laisserai ma couche,
Et ton honneur par tout, mon Dieu, mon
Roi,
Je chanterai des doigts & de la bouche.
[...] Car jusqu'au ciel s'éleve ta bonté,
jusqu'au plus haut de l'air ta verité
Dresse la teste. Or donc, Seigneur, dé­montre
Que sur les cieux se tient ta Deïtie:
Et fai par tout que ta gloire se montre.

PSEAUME LVIII.
Pseaume de consolation. Si vere utique justitiam.

[...] ENtre vous Conseillers qui estes Liguez & bandez contre moi, Dites un peu en bonne foi, Est-ce jusuce que vous faites? Enfans d'Adam, vous meslez­vous De faire la raison à tous?

¶ Plûtost vos ames déloyales
Ne pensent qu'à méchanceté,
Et ne pensez qu'iniquité
En vos balances inegale:
Car les méchans des qu'ils sont nez,
Du Seigneur sont alienez.
¶ Ils ne font depuis leur naissance
Que se fourvoyer en mentant,
Et portent du venin autant
Qu'un serpent tout plein de nuissance,
Ou qu'un aspic sourd & bouchant
Son oreille contre le chant.
¶ Tel n'oit la voix magicienne
Des enchanteurs, tant soient prudents,
Casse leur la gueule & les dents,
O Dieu, par la puissance tienne:
Romps la machoire aux lionceaux,
Qui ont, ô Dieu, le coeur si faux.
*⁎* ¶ Ainsi que l'eau courant grand' erre
D'eux-mesmes ils s'écouleront:
Et les traits qu'ils décocheront
Tomberont en pieces à terre:
Ils se fondront à la façon
Qu'on voit fondre le limaçon.
¶ Ainsi que l'enfant qui trépasse,
Sans avoir veu jour ni clarté:
Comme un fruit hors sa meureté,
Il faut que Dieu brise & fracasse
Leurs jeunes épines, devant
Qu'elles s'élevent plus avant.
¶ Alors tout plein d'e [...]ouïssance
L'innocent qu'on a oppressé
Voyant dérompu & cassé
Le pervers par juste vengeance,
Dedans le sang se baignera
De ce [...]méchant: Et puis dira,
¶ L'innocent ne perd point sa peine,
C'est un poinct du tout asseuré,
Quoi que le juste ait enduré:
C'est une chose bien certaine
Qu'il est un Dieu, qui juge ici
Les bons & les mauvais aussi.

PSEAUME LIX.
Pseaume de priere. Eripe me de inimicis meis.

[...] MOn Dieu l'ennemi m'environne, Ta bonté donc secours me donne: Garde moi des gens irritez Qui dessus moi se sont jettez. Delivre moi de l'adversaire, Qui ne demande qu'à mal faire: Sauve moi des sanglantes mains De ces meurtriers tant inhumains.

¶ Car voilà, ma vie ils épient,
Les plus forts contre moi se lient:
Voire, Seigneur, sans nul forfait,
Ou qu'en rien leur aye méfait.
Ils s'apprestent en diligence
Sans que leur aye fait offense:
Leve-toi donques & les voi,
Te mettant au devant de moi.
¶ Toi, dis-je, Dieu des exercites,
O grand Dieu des Israëlites,
Vien faire visitation
De toute terre & nation:
Et à celui point ne pardonne
Qui par malice à mal s'adonne.
Ils vont au soir qu'on ne voit riens
Cà & là grondans comme cl [...]ens.
¶ Ils trottent, jasent, & médisent.
Leurs propos sont dards qu'ils aiguissent:
Car, disent-ils, quoi que ce soit
Qui est-ce qui ucus appercoit?
Mais un jour de leurs vanteries
Faudra, Seigneur, que tu te ries:
Et de tous peuples glorieux
Te moqueras devant leurs yeux.
¶ Sa force dépend de la tienne:
Et-pour ce aussi quoi qu'il avienne,
J'attendrai tout coi ton secours:
Car je n'ai que Dieu pour recours.
Dieu, dont j'ai la bonté connuë,
Previendra ma déconvenuë,
Faisant que fur mes ennemis
Mes desirs à fin seront mis.
*⁎* ¶ Mais ne leur oste pas la vie,
De peur que mon peuple l'oublie:
Ains par ta force les épars,
Et dissipe de toutes parts.
Dieu nostre bouclier d'asseurance,
Renverse les par ta puissance:
Leur bouche & propos pleins d'excez
Leur font assez tous lours procez.
¶ Qu'ils soient pris par leur orgueil mesme,
Car leur malice est si extréme,
Que maudissons & lasches tours
Sont leurs propos de tous les jours.
Or donques ton ire s'allume,
Qui les détruise & les consume:
Voire consume tellement,
Qu'ils soient perdus totalement.
¶ Afin qu'on vienne à reconnaistre
Le Dieu de Jacob comme Maistre,
Qui son empire estend sur tout
Du monde jusqu'au dernier bout.
Ils reviendront sur la vesprée,
Et de fureur démesurée
Ainsi comme chiens hurleront,
Et la cité circuïront.
¶ Mais un jour la faim aspre & forte
Les chassera de porte en porte,
Et faudra qu'ils s'aillent coucher
Sans avoin trouvé que mascher.
Alors à gorge déployée
Par moi chantée & publiée
Ta force & ta bonté sera,
Dés que le jour se montrera.
¶ Car tu as esté ma retraite,
Et en mes maux seure cachette:
De toi donc, ô Dieu mon support,
De chanter ferai mon effort:
Car mon Dieu est ma forteresse,
Et n'eus jamais mal ni détresse,
Que ne l'aye experimenté
Dieu envers moi plein de bonté.

PSEAUME LX.
Pseaume de priere. Deus repulisti nos, &c.

[...] O Dieu, qui nous as deboutez, Qui nous as de toi écartez, Jadis contre nous irrité, Tourne toi de nostre costé. Tu as nostre païs secous, Et casse à force de coups: Gueri sa playe qui le presse: Car tu vois comment il s'abbaisse.

¶ Ton peuple as traitté rudement,
Et d'un vin d'estourdissement
Tu l'as repeu & abreuve:
Mais depuis tu as elevé
L'enseigne de tes serviteurs,
Qui te reverent en leurs coeurs,
Afin que haut on la déploye,
Et que ta verité se voye.
¶ Or done afin que tes amis
Echapent à leurs ennemis,
Sauve nous par ton bras puissant,
Et répon à moi languissant.
Mais quoi? Dieu m'a déja ouï,
Et de son saint lieu rejouï:
Sichem sera mon heritage,
Le val de Succoth mon partage.
*⁎* ¶ De Galaad la region
Sera de ma possession:
Et de Manassé tout le bien
Sans nulle doute sera mien.
Ephraïm peuple grand & fort
Sera de mon chet le support:
Juda du regne l'affeurance,
Pour en establir l'ordonnance.
¶ Les Moabites au surplus
Je ne veux estimer non plus,
En dépit de leurs mauvaistiez,
Qu'un vaisseau pour laver mes pleds.
Contre Edom peuple glorieux
Je jetterai mes souliers vieux:
Sus, Palestins, faites moi feste
De ma victoire qui s'apreste.
¶ Mais par qui serai-je en seurté
Conduit en la forte cité?
Qui est-ce qui me conduira
En Edom, & m'y guidera?
Ne sera-ce pas toi, ô Dieu,
Qui nous chassois de lieu en lieu,
Et n'accompagnois nos armées
De tes faveurs accoustumées?
¶ Donne nous ton secours d'enhaut
Contre celui qui nous affaut:
Car qui n'a que le terrien
Pour sa fauvegarde, n'a rien.
Dieu nous rendra preux & vaillans
Encontre tous nos affaillans,
Renversant par sa vertu grande
De nos haineux toute la bande.

PSEAUME LXI.
Pseaume de priere. Exaudi, Deus, deprecationem meam.

[...] ENten pourquoi je m'écrie, Je te prie, O mon Dieu, exauce moi: Du bout du monde, mon ame, Qui se pasme, Ne reclame autre que toi.

¶ Monte moi dessus la roche,
Dont l'approche
Et l'accez ne m'est permis:
Car tu es ma forteresse
Et adresse
Contre tous mes ennemis.
¶ Dedans ton faint Tabernacle,
Habitacle
A jamais je choisirai:
Recours tres-seur & fidele
Sous ton aile
Je sçai que je trouverai.
¶ Car de ce que je desire,
Tres-cher Sire,
Il t'a pleu me faire un don:
Et m'as donné en partage
L'heritage
De ceux qui craignent ton Nom.
¶ Année dessus année
Ordonnée
A ton Roi s'adjositera:
Si que toûjours asseurée
Sa durée
De siecle en siecle sera.
¶ Devant Dieu sans fin ni terme
Sera ferme
Son regne en toute seurté:
Appreste, ô Dieu, qui le garde,
Ses deux gardes,
Ta Grace & ta Verité.
¶ Voilà comme en cantiques
Authentiques
Sans fin loiier je te veux:
Afin qu'un soul jour ne passe,
Qu'en ta face
Je ne te paye mes voeux.

PSEAUME LXII.
Pseaume de consolation. Nonne Deo subjecta erit.

[...] MOn ame en Dieu tant seulement Trouve tout son contentement: Car lui seul est ma fauvegarde: Lui soul est mon roc éleve, Mon salut, mon fort éprouvé: De tomber trop bas je n'ai garde.

¶ Jusques à quand brasserez-vous
La mort & la perte de tous?
Vous-mesines cherrez en ruïne,
Ainsi qu'un vieil mur tout penchant,
Ou qu'un vieil manoir trébuschant,
Qui de soi-mesme se ruïne.
¶ Ceux qu'il plaist à Dieu de hausser,
Ces gens ne font rien que penser
A les abbaisser & détruire.
Ils prennent plaisir à mentir,
Leur parler est doux au sortir,
Mais leur coeur ne sait que maudire.
¶ Mais quoi? mon ame, seulement
Atten ton Dieu patiemment,
Car en lui mon espoir je fonde.
Lui seul est mon roc asseuré,
Mon salut, mon lieu remparé,
Crainte je n'ai qu'on me confonde.
*⁎* ¶ Dieu est ma gloire & mon secours,
Dieu est mon fort & mon recours:
Peuples ayez en lui fiance:
Venez en tout temps devant lui
Vous décharger: car c'est sur lui
Qu'il faut affeoir sa confiance.
¶ Mais quant aux hommes ce n'est rien:
Les plus grands, dis-je, & tout leur bien
N'est que vanité qu'on adore:
Et qui eux & rien peseroit
L'un contre l'autre, il trouveroit
Qu'un rien est plus pesant encore.
¶ N'asseurez jamais vos desseins
Dessus outrages ni larcins:
Gardez-vous d'esperance fole:
Si biens vous viennent à planté,
Vostre coeur ne soit point planté
En une chose si frivole.
¶ Dieu a dit, voire une & deux fois,
Et j'en ai entendu la voix,
Qu'à lui appartient toute force.
O Dieu, tu es benin & doux,
Car un jour tu rendras à tous
Selon que de vivre on [...]'efforce.

PSEAUME LXIII.
Pseaume de priere. Deus, Deus meus, ad te de, &c.

[...] O Dieu, je n'ai Dieu fors que toi, Dés le matin je te reclame, Et de ta foif je sens mon ame Toute pasmé e dedans moi, Les pauvres sens d'hu­meur tous vuides De mon corps mat & alteré, Toûjours, Seigneur, t'ont desiré En ces lieux deferts & arides.

¶ Afin qu'encores une fois
Je voye ta force & ta gloire
Comme dedans ton Sanctuaire
Je l'ai contemplée autrefois.
Car mieux vaut que la vie mesme
Ta grace & ta benignité:
Dont par ma bouche recité
Sans fin sera ton los supréme.
¶ Ainsi ton los je chanterai
Tant que ma vie soit éteinte:
Ton nom & puistance tres-sainte
A jointes mains j'invoquerai.
Ainsi que de moëlle & de graisse
Je me sens tout rassasié,
Et d'un chant à toi dedié,
Tout joyeux de chanter ne cesse:
*⁎* ¶ Lors qu'en mon lict il me souvient
De ta souveraine puissance,
Et que de toi la souvenance
Le long de la nuict m'entretien.
Car en mes détreffes mortelles
De ton secours m'as fait jouïr,
Qui me fait ores réjouïr,
Caché sous l'ombre de tes ailes.
¶ Mon ame de si prés te suit,
Que nullement ne t'abandonne,
Et ta main soûtient ma personne
Contre tout homme qui me nuit.
Mais ces gens qui me font la guerre,
Taschant ma vie consumer,
On verra fondre & abysmer
Jusqu'au plus profond de la terre.
¶ En pieces un jour sera mis
Au fil du glaive & par la voye
Aux renards servira de proye
L'amas de tous mes ennemis.
Alors joyeux de la victoire
Le Roi en Dieu s'ejouïra:
Tout homme aussi Dieu benira
Qui reconnoit le Dieu de gloire.
¶ Car quelque mensonge au sortir
Que la fausse bouche propose,
Il faut qu'un jour elle soit close,
Sans qu'on l'en puisse garantir.

PSEAUME LXIV.
Pseaume de priere. Exaudi, Deus, orationem.

[...] ENten à ce que je veux dare, Quand je te prie sauve moi, Que de mes ennemis l'essroi Ne vienne ma vie destruire, Souverain Sire.

¶ Cache-moi loin de l'entreprise
Des ennemis fins & couverts,
Et des complots de ces pervers,
Dont la vie à tout mal apprise
Est tant reprise.
¶ Ils ont des langues assettées,
Aussi perçantes que poignards:
Au lieu de fléches & de dards,
Paroles aigrement lettées
Ont ajustées.
¶ Afin d'en donner une atteinte
A l'innocent couvertement:
De sorte que soudainement
Mainte personne ils ont atteinte
Sans nulle crainte.
¶ Ils sont obstinez à méfaire:
Parlent de me tendre leurs rets,
Disans comme gens asseurées,
Qui sçaura rien de cette assaire
Que voulons faire?

*⁎* *⁎*

¶ Pour trouver finesses subtiles,
Ils sont curieux jusqu'à tout:
Et vont cherchans jusques au bout,
Mesmement les plus dissiciles
Aux plus habiles.
¶ Mais Dieu sur lequel je m'asseure,
Son trait sur eux décochera,
Quand pas un d'eux n'y pensera:
Dont suivra bien-tost la blesseure
Soudaine & seure.
¶ Par leur propre langue execrable
Eux-mesmes se ruïneront:
Alors plusieurs s'estonneront,
Voyant le mal insupportable
Qui les accable.
¶ Tous alors rendront témoignage
Des hauts effets du Souverain,
Et tous craintiss deffous sa main
Reconnoistront en leurs courages
Ses grands ouvrages.
¶ Mais le juste en réjouïssance
A l'Eternel s'arrestera:
Et qui de coeur entier sera,
Chantera de Dieu la puissance
En asseurance.

PSEAUME LXV.
Pseaume d'action de graces. Te decet hymnus, Deus, &c.

[...] O Dieu, la gloire qui t'est deuë T'attend dedans sion: En ce lieu te sera rendu ë Des voeux l'oblation. Et d'autant que la voix entendre Des tiens il te plaira, Tout droit à toi se venir rendre Toutes gens on verra.

¶ Toutes manieres de malices
Avoient gagné sur moi:
Mais tous nos pechez & nos vices
Sont abolis de toi.
Heureux celui qui veux élire,
Et prés de toi loger,
Afin que chez toi se retire
Pour jamais n'en bouger.
¶ Des biens du palais de ta gloire
A plein nous soulerons:
Des biens de ton saint Sanctuaire
Tous repeus nous serons.
Selon ta bonté indicible,
O Dieu! qui nous maintiens,
En haute façon & terrible
Tu répondras aux tiens.
¶ En toi espere tout le monde,
Jusqu'aux lointains païs,
Qui sont de la grand' mer profonde
Enclos & circuïs.
Des tes puissances redoutables
Tout ceint & revestu,
Tu tiens les monts fermes & stables
Par ta grande vertu.
¶ Les slots de la grand' mer bruyante
Tu peux faire cesser:
Des peuples l'émeute inconstante
Soudain peux rabaisser.
Voyant tes oeuvres nompareilles,
Peuples de tous costez
Sont estonnez de tes merveilles,
Tant soient-ils écartez.
*⁎* ¶ Du bout qui le jour nous envoye
Jusques en l'Occident,
C'est ta bonté qui nous ottroye
Tout plaisir évident.
Si la terre est de soif tarie,
Tu la viens visiter,
Et les grands tresors de ta pluye
Sur el [...]e degoutter.
¶ L'eau qui de tes ruisseaux regorge
Vient la terre nourrir,
Afin que le froment & l'orge
Puisse croistre & meurir.
Ses rayons enyvres & trempes,
Ses sillons applanis:
Tu l'amolis & la destrempes,
Et son germe benis.
¶ La saison couronnée & ceinte
De tes biens on peut voir:
Des hauts cieux ta demeure sainte
La graisse fais pleuvoir.
Les deserts avec leurs logettes
De pluye fais jouïr:
Dont les costaux & montagnettes
Semblent se réjouïr.
¶ Alors voit-on par les campagnes
Mille troupeaux divers,
Et les entre-deux des montagnes
De grands bleds tous couverts.
Et semble tout ce bien champestre
Réjouïr de ses chants,
Alors qu'on le voit apparajstre,
Et montagnes & champs.

PSEAUME LXVI.
Pseaume d'action de graces. Jubilate Deo omnis terra.

[...] OR sus loiiez Dieu tout le monde, Chantez le los de son renom: Chan­tez [Page]si haut que tout redonde De la loiiange de son Nom. Dites, O que tu es terrible, Seigneur, en tout ce que tu fais! Tes haineux, tant es invincible, Te flatent pour avoir la paix.

¶ Soit ta Majesté glorieuse
Adoree en tout l'univers:
Soit ta loiiange precieuse
Chantée en chan sons & en vers.
Venez, voyez en vos courages
Les faits de Dieu: voyez s'il est
Grand & terrible en ses ouvrages
Vers les humains quand il lui plaist.
¶ Il a tari la mer tant fiere,
Et depuis encores par lui
A pied sec passa la riviere
Son peuple, & s'en est réjoui.
Sa seigneurie est eternelle.
Son oeil s'étend jusques aux Gentils:
Quiconques a lui se rebelle
Sera toûjours des plus petits.
¶ Peuples, chacun de vous s'employe
A donner loiiange au Seigneur:
Faites qu'en tout le monde on n'oye
Rien que sa gloire & son honneur.
C'est lui qui garde nostre vie
Si souvent de passer le pas:
C'est lui qui malgré toute envie
Fait que nos pieds ne glissent pas.
¶ Car tu nous as mis à l'épreuve,
Tu nous as, dis-je, examinez,
Et comme l'argent qu'on épreuve
Par feu tu nous as affinez.
Tu nous as fait entrer & joindre
Aux filez de nos ennemis:
Tu nous as fait les reins estreindre
Des liens où tu nous as mis.
*⁎* ¶ On a monté dessus nos tesles
Comme sur le dos d'un chameau,
Nous avons comme pauvres bestes
Passé par le feu & par l'eau:
Puis tu nous as de pleine grace
A plein rafraichis, dont je veux
En ta maison devant ta face
Sacrifiant rendre mes voeux.
¶ Voire mes voeux que je confesse
Mes levres t'avoir adressez,
Lesquels au temps de ma détresse
J'ai de ma bouche prononcez.
Mainte bien belle & grasse beste
Sur ton Autel veux consumer:
Beliers & boeufs & boucs j'appreste,
Pour devant toi faire fumer.
¶ Vous craignans Dieu & sa puissance,
Venez m'ecouter en ce lieu,
Racontant en éjouïffance
Les biens qu'ai receu de mon Dieu.
Quand ma bouche a fait sa priere,
Il m'a ouï à chaque fois:
Si que ma langue a eu matiere
De le loiier à pleine voix.
¶ Si à quelque méchante chose
Mon coeur eut alors regardé,
Mon Dieu eut eu l'oreille close
A ce que j'eusse demandé.
Mais pour certain je puis bien dire
Que le Seigneur m'a entendu:
Et pour mieux écouter mon dire,
Doux & attentif s'est rendu.
¶ Loiié soit mon Dieu favorable,
Qui m'a volontiers écouté,
Et de moi pauvre miserable
N'a point retiré sa bonté.

PSEAUME LXVII.
Pseaume d'action de graces. Deus misereatur-nostri.

[...] DIeu nous soit doux & favorable, Nous benissant par sa bonté, Et de son visage amiable, Nous face luire la clarté: Afin que sa voye En terre se voye, Et que bien à point Chacun puisse entendre Où tous doivent tendre pour ne perir point.

¶ Seigneur, que les peuples te chantent,
Tous peuples te chantent, Seigneur:
Peuples te chantent & rechantent,
S'éjouïssans de ton honneur.
Car ta bonté grande
Aux peuples commande
Equitablement:
Et sous ta conduite
La terte est conduite
Bien & seurement.
¶ Chacun, ô Dieu, honneur te porte,
Tous peuples chantent l'honneur tien:
La terre ses fruits nous apporte,
Dieu, nostre Dieu nous face bien:
Dieu, dis-je, nous face
Connoître sa grace,
En nous benissant:
Et la terre toute
Autre ne redoute
Que le Tout-puissant.

PSEAUME LXVIII.
Pseaume de loüange & de reconnoissance publique. Exurgat Deus.

[...] QUe Dieu se montre seulement, Et on verra soudainement Abandonner la place: Le camp des ennemis épars, Et ses haineux de toutes parts Fuïr devant sa face. Dieu les fera tous enfuïr, Ainsi qu'on voit s'évanouïr Un amas de fumée: Comme la cire aupres du seu, Ainsi des méchans devant Dieu La force est consumé e.

¶ Cependant devant le Seigneur
Les justes chantent son honneur
En toute éjouïssance:
Et de la grand' joye qu'ils ont
De voir les méchans qui s'en vont,
Sautent à grand' puissance.
Chantez du Seigneur le renom,
Psalmodiez, Ioiiez son Nom,
Et sa gloire immortelle:
Car sur la nuë il est porté,
Et d'un nom plein de ma [...]esté,
L'Eternel il s'appelle.
¶ Réjouïssez-vous devant lui,
Qui est des pauvres sans appui
Le pere debonnaire:
Qui le droict des veuves foustient,
Devant Dieu, dis-je, qui se tient
En son saint Sanctuaire.
Dieu fait avoir pleine maison
A ceux qui ont longue saison
Sans nuls enfans soufferte:
Delivre les siens enferrez,
Tient les rebelles enserrez
En leur terre deserte.
*⁎* 1 ¶ Lors que ton peuple tu menois,
O Dieu, & que tu cheminois
Par le desert horrible,
Les cieux fondirent en sueur:
La terre trembla de la peur
De ta face terrible.
Le mont de Sion ébranlé,
Dieu, Dieu d'Israël a branlé
Regardant ton visage:
C'est toi, puissant Dieu, qui as fait
Degoutter la pluye à souhait
Dessus ton heritage.
¶ Quand il a esté mal en poinct,
Tu l'as redressé de tout poinct,
Là les troupeaux demeurent:
Tu l'emplis de biens infinis,
Dont les plus pauvres tu fournis,
Que sans secours ne meurent.
C'est toi, Seigneur, par ta bonté,
Qui as l'argument presenté
A l'armée pudique
De nos pucelles qu'on ouït,
Lors que l'ennemi s'enfuït,
Prononcer ce cantique:
¶ Or s'en sont fuïs les grands Rois,
Les grands Rois, dis-je, & leurs arrois
S'en sont suïs grand' erre:
Celles qui n'avoient point sorti
De la maison, ont départi
Et leurs biens & leur terre.
Quoi que ternis & bazanez
Des ennuis qu'on vous a donnez,
Vous ne differiez gueres
De ceux que l'on voit tous noircis
D'avoir esté toûjours assis
A l'ombre des chaudieres.
¶ Vous reluirez comme feroit
L'aile d'un pigeon qui seroit
De fin argent brunie:
Dont le pennage estincelant
Fait sembler l'aile en Pair volant
De plus fin or jaunie.
Car dés lors que Dieu Tout-puissant
Alloit les grands Rois renversant
En la terre promise,
Le païs devint blanc & beau,
Ainsi que la neige au coupeau
Du mont Salmon assise.
*⁎* 2 ¶ C'est le mont de Dieu merveil­leux,
O mont de Basan l'orgueilleux,
Mont levë jusqu'aux nuës!
Monts haut montez, d'où vient ceci
Que nous venez heurter ainsi
De vos roches cornuës?
Il plaist à Dieu de retenir
Ce mont ici pour s'y tenir:
Telle est sa bien vueillance.
Parquoi, le Seigneur desormais,
Voire, qui plus est, à jamais
Y fera demeurance.
¶ Anges à grandes legions
Servans à Dieu par millions
Sont sa gendarmerie:
Entre laquelle en son sainct lieu,
Comme en Sina, nostre grand Dieu
Estend sa seigneurie.
O Dieu, tu es en haut monté,
Et de ton ennemi donté
As enmené la bunde:
Tu as en apres mis à part
Tes dous, pour nous en faire part
Par ta bonté tres-grande.
¶ Tu as défait tes ennemis,
Afin que parmi tes amis
Tu faces ta demeure.
Or loiié soit Dieu tous les jours,
Dieu, dis-je, qui de son secours
Nous soustient & assenre.
Nostre Dieu nous est Dieu Sauveur,
Dieu qui montre aux siens sa faveur
Par mainte delivrance.
C'est l'Eternel, Seigneur tres fort,
Qui les issuës de la mort
Retient en sa puissance.
*⁎* 3 ¶ C'est Dieu, & non autre, qui rompt
A grands coups la teste & le front
De la troupe ennemie:
Frapant là perruque de ceux
Qui ne sont jamais paresseux
En leur méchante vie.
Je defendrai mon peuple éleu,
Dit le Seigneur, car il m'a pleu
De Basan l'orgueilleuse:
Sain & sauf tirer je le veux
Dehors du goussre dangereux
De la mer orageuse.
¶ Si que ton pied baigné sera
Dans le sang qui regorgera
De la tuërie extreme:
Et tes chiens le sang lecheront
De tes ennemis qui cherront,
Voire de leur chef mesme.
O Dieu, cheminer on t'a veu,
Mon Dieu, mon Roi, & apperceu
Marcher avec ton Arche:
Chantres te devancoient de prés,
Les joiieurs d'instrumens apres
Marchoient d'une demarche.
¶ Avec les tambours au milieu
Chantoient les loiianges de Dieu
Les filles assemblées,
Disans, O race d'Israël,
Loiiez le Seigneur Eternel
Es sainctes assemblées.
Et là Benjamin est venu,
Qui de petit est devenu
Chef des autres Provinces.
Juda le fort s'y est trouvé,
Zabulon y est arrivé,
Nephtali & ses Princes.
*⁎* 4 ¶ Ton Dieu t'envoye & te fait voir,
Israël, tout ce grand pouvoir,
Conduisant ton assaire.
O Dieu! qui nous veut tant aimer,
Vien cét oeuvre en nous confirmer
Qu'il t'a pleu de nous faire.
De ton sainct Temple ta bonté
Secoure ta saincte Cité,
Rois te feront offrandes.
Dissipe donc de toutes parts,
Avec leurs lanees & leurs dards,
Ces armées tant grandes.
¶ Renverse tous ces forts taureaux,
Défai des peuples les troupeaux,
Et toute leur bataille:
Ren les muties humiliez,
Se faifans fouler à tes pieds,
En t'apportant leur taille.
Grands Seigneurs d'Egypte viendront,
Mores à grand' haste étendront
Au seul Dieu les mains jointes.
Chantez à Dieu, Princes & Rois:
Psalmodiez à pleine voix
Ses loiianges tres-sainctes.
¶ Je dis le Seigneur glorieux,
Plus haut monte que tous les cieux
Qu'il a formez lui-mesme:
Qu'il fait alors qu'il veut tonner
Haut sa grosse voix resonner
Par son pouvoir supréme.
Confessez qu'il est Tout-puissant
Sur Israël resplendissant,
En sa gloire indicible:
Qui a dans le ciel élevé
Certain témoignage engravé
De sa force invincible.
¶ O Seigneur, tu es redouté
Pour ces lieux où ta saincteté
Est ainsi épanduë:
Dieu d'Israël, tu es celui
Qui es de ton peuple l'appui,
Gloire t'en soit renduë.

PSEAUME LXIX.
Pseaume de prophetie & de priere. Salvum me fac, Deus.

[...] HHlas! Seigneur, jo te pri' sauve moi, Car les eaux m'ont saisi jusques [Page]à l'ame: Et au bourbier tres-profond & infame, Sans fond ni rive enfondré je me voi. Ainsi plongé l'eau m'emporte, si las De m'écrier, que j'en ai gorge seche: Et de mon Dieu attendant le soulas, De mes deux yeux la vigueur se desseche.

¶ J'ai contre moi, helas! & à grand tort,
Plus d'ennemis que de cheveux en teste:
Ceux qui ma mort voudroient voir toute preste,
Et sans raison je vois prendre renfort.
Ainsi faudra que par moi soit rendu
Ce que n'ai pris. O Dieu, tu sçais connaistre
Si je suis fol, comme ils ont pretendu,
Et mon forfait caché ne te peut estre,
¶ O Seigneur Dieu, qui peux sous ton pou­voir
Faire trembler des armes la puissance,
Fai que ceux-là qui ont en toi fiance
Honte par moi ne puissent recevoir.
Dieu d'Israël, ceux qui t'ont reclamé
Ne soient rendus honteux par mon dom­mage:
Car c'est pour toi que suis ainsi blasmé,
Et que vergogne a couvert mon visage.
*⁎* 1 ¶ Mes freres m'ont tenu pour e­stranger,
Méconnu m'ont les enfans de ma mere:
Car de ton Temple, ô Dieu, en qui j'espere,
Le zele ardent est venu me manger.
De ces méchans dont tu es blasonné
J'ai dessus moi senti tomber le blasme:
Las! j'ai pleuré, & mon ame a jeusné,
Mais tout cela m'est tourné en diffame.
¶ Vestu me suis d'un sac en ce dur temps,
Mais je leur ai servi de farcerie:
Entre les grands je sers de moquerie,
Aux banqueteurs de ris & passe-temps.
Mais, ô mon Dieu, j'ai vers toi mon re­cours
En la saison de ta volonté bonne,
Las! répon moi, ainsi comme le cours
De ta bonté & seur secours l'ordonne.
¶ Delivre moi des ces bourbiers profonds,
Et ne permets que du tout j'y ensondre:
Delivre moi quand on me veut confondre,
Et de ces eaux qui n'ont rive ni fonds.
Fai que le fil de cette eau où je suis
Point ne m'emporte, & qu'au goussre je n'entre,
Fermant sur moi la gueule de son puits,
Pour m'engloutir au profond de son vētre.
¶ Ta bonté n'est que douceur & pitié:
Exauce moi, Seigneur, en mes demandes:
Déploye en moi tes pitiez les plus grandes,
Pour me montrer visage d'amitié.
Ne cache point ton regard glorieux
A ton servant: car je suis en destresse.
Haste toi donc, ô Dieu tres gracieux,
D'ouïr la voix que ton servant t'adresse.
*⁎* 2 ¶ Approche toi en mon adversité
De ma pauvre ame, & rachete ma vie:
Voire en depit de la troupe ennemis,
Vien me recourre en ma captivité.
Tu sçais tres-bien l'opprobre où je suis mis,
Quel deshonneur, quelle honte on m'a faite:
Devant tes yeux sont tous mes ennemis,
Et as d'iceux connoissance parfaite.
¶ Opprobre m'a rompu le pauvre coeur a
Las! je languis, sans trouver assistance
D'homme vivant, quoi que j'eusse esperance
Que l'on auroit pitié de ma langueur.
Quand j'esperois l'aide que je n'ai pas,
Support ni aide en nul lieu n'ai trouvée:
Ils m'ont donné du fiel en mon repas,
Et de vinaigre ont ma soif abreuvée.
¶ Fai que leur table & les banquets qu'ils font
Soit un apast qui leur vie extermine:
Fai leur tourner en mortelle ruïne
Tout le plaisir & le repos qu'ils ont.
Obscurci leur veuë, tellement
Que de leurs yeux toute clarté s'en aille:
Romps leur les reins continuellement,
Si qu'en marchant pied & force leur faille.
*⁎* 3 ¶ Répan sur eux ton indignation:
Vien les faisir en ta fureur dépite:
En leurs maisons, sans qu'un seul y habite a
Tout soit desert en desolation.
Car d'asstiger celui que tu frapois
Ces malheureux n'ont eu aucune honte:
Et si quelqu'un tu blesses une fois,
Incontinent son mal leur sert de conte.
¶ Entasse leur peché dessus peché:
De ta bonté soit leur troupe bannie:
Soient effacez de ton livre de vie,
Qu'avec les bons leur nom ne soit couché.
Quelque assligé & dolent, quant à moi,
Qu'ores je sois, tu seras me retraite:
Dont chanterai, ô Dieu, le Nom de toi,
Magnifiant ta loiiange parfaite.
¶ Et ces chansons au Seigneur mieux plai­ront
Que boeuf ni veau qui ongle & corne porte:
Tous craignans Dieu & gens de bōne sorte
Seront joyeux alors qu'ils me verront.
Et là dessus le coeur leur reviendra,
Car Dieu entend les plus pauvres du monde:
Le Seigneur, dis-je, en mépris ne tiendra
Les siens serrez en la fosse profonde.
¶ Terres & cieux, loiiez ses grand's bontez,
Mer, & poissons qui nagez en icelle:
Car Dieu viendra garder Sion la belle,
Et bastira de Juda les citez.
Là demeurront les servans du Seigneur,
Pour s'y tenir & eux, & leur lignee,
Et de tous ceux qui aiment son honneur
La demeurance est en elle assignée.

PSEAUME LXX.
Pseaume de priere. Deus in adjutorium meum intende.

[...] O Dieu, où mon espoir j'ai mis, Vien soudain à ma delivrance: Sei­gneur, que ton aide s'avance Encontre tous mes ennemis. Quiconques pour­chasse mon ame Soit rempli de honte & d'émoi: Quiconques, dis-je, en veat à moi Tourne en arriere tout infame.

¶ Ceux qai dessus moi pourchassé
On dit, Ha, ha, à gorge onv [...]te,
Puissent avoir pour leur de [...]te
Le deshonnenr qu'ils m'or [...] orassé.
S'égaye de ton assistance
Quiconques a vers toi [...]:
Quiconques aime ton secours
Chan [...] à jamais ton excellence.
¶ O Dieu, accour hastivement
Vers moi tant pauvre & miserable:
Tu es mon aide secourable,
Seigneur, secour moi vistement.

PSEAUME LXXI.
Pseaume de priere. In te, Domine, speravi.

[...] J'Ai [...] mon esperance, Garde moi done, Seigneur, D'et [...]rnd deshonneur. Ottroye moi ma delivrance, Par ta misericorde, Et ton se­cours m'accorde.

¶ Ten moi ton oreille & me garde,
Sois mon lieu de recours
Où j'entre tous les jours.
Tu as mandé ma sauvegarde,
Car je n'ai forte place
Ni chasteau, que ta grace.
¶ Hors de la main du méchant homme,
Hors, dis-je, de la main
Du pervers inhumain.
Tire moi, mon Dieu: car en somme
Je m'attens & adresse
A toi dés ma jeunesse,
¶ Dés lors que naissance j'ai prise,
Sortant du fonds du corps
Dont tu m'as mis dehors,
J'ai sur toi ma fiance assise:
Ta gloire haut dressée
J'ai sans cesse annoncée,
*⁎* 1 ¶ On m'a tenu pour monstre estrange:
Toutesois si es-tu
Ma force & ma vertu.
Fai que tous les jours ta loiiange
Et ta gloire excellente
A pleine voix je chante.
¶ Au temps de vieillesse chenuë
En mon insirmité
Point ne sois rejetté.
Quand ma force a rien devenuë
Delaira ma personne,
Ta main ne m'abandonne.
¶ Car de mes ennemis la bande
Contre moi proprement
A tenu parlement:
Et contre moi de fureur grande
Ceux qui mon ame spient
Tous ensemble se lient.
¶ Sus, sus, disent-ils, qu'on Pempoigne,
Il est laissé de Dieu,
Sans secours d'aucun lieu.
O Dieu, ta face ne s'éloigne:
Mon Dieu, vient tost estendre
Ton bras pour me defendre.
¶ Tous les ennemis de ma vie
Soient confus & perdus:
Soient de honte éperdus
Ceux qui de me nuire ont envie,
Tandis qu'en patience
J'attendrai ta defence.
*⁎* 2 ¶ Outre ta loiiange ordinaire,
Ma bouche annoncera
Ta justice, & dira
Les graces que m'as daigné faire,
Nonobstant que le conte
D'icelles me surmonte.
¶ Je cheminerai d'asseurance,
Contemplant les hauts faits
Que le Seigneur a faits:
Et maintiendrai la fouvenance
De tes seules justices,
Et tes grands benefices.
¶ Enseigné m'as des ma jeunesse:
Tes merveilles aussi
J'ai dites jusqu'ici.
Parquoi en ma blanche vieillesse
Ne me delaisse encore,
O mon Dieu! que j'adore.
¶ Tant que ta force aye contée
Aux vivans, & à ceux
Qui viendront apres eux.
Ta justice est en haut montée,
O Dieu! car nompareilles
Sont tes grandes merveilles.
*⁎* 3 ¶ O Dieu! qui est à toisemblable:
Qui m'as tant de travaux,
Tant fait sentir de maux:
Et puis par ta main secourable
Ma vie ia perduë
Dereches m'as renduë.
¶ Des creux abismes de la terre
Me tirer il t'a pleu,
Tu as mon regne accreu.
Et quand on m'a fait forte guerre,
Me tournant ton visage
Tu m'as donné courage.
¶ Parouoi, mon Dieu, sur mes violes
Sera l'honneur chanté
De ta fidelité.
Sainct d'Israël qui me consoles,
Il faut que mon luth jouë
Pseaumes que je te vouë.
¶ Mes levres d'une joye extréme
Psalmodiront, Seigneur,
Ta gloire & ton honneur.
Mon ame répondra de mesme,
Estant toute clevée
Vers toi qui Pas sauvée.
¶ Ma langue aussi pour ta justice
Sans cesse publier
Je te veux dedier.
Car de mes haineux la malice
De honte as éperduë.
Et du tout confonduë.

PSEAUME LXXII.
Pseaume de doctrine, touchant Pestat & gouvernement politique. Dens, judicium tuum regi da.

[...] TEs jugemens, Diea veritable, Eaille au Roi pour regner: Vueilles ta justice équitable Au fils du Roi donner: Il tiendra ton peuple en justice, Chassant l'iniquité: A tes pauvres fera propice, Leur gardant équité.

¶ Les peuples verront aux montagnes
La paix croistre & meurir:
Et par costeaux & par campagnes
La justice stcurir.
Ceux du people estans en détresse
L'auront pour defenseur,
Le pauvre il gardera d'oppresse,
Rebuttant Poppresseur.
¶ Ainsi un chacun & chacune,
O Roi, t'honorera
Sans fin, tant que Soleil & Lune
Au monde éclairera.
Il vient comme pluye agreable
Tombant sur prez fauchez,
Et comme rofée amiable
Sur les terroirs fechez.
¶ Lui regnant, fleuriront par voye
Les bons & gracieux
En longue paix, tant qu'on ne voye
De Lune plus aux cieux.
D'une des mers large & profonde
Jusques à l autre mer,
D'Euphrates jusqu'au bont du monde
Roi se fera [...]ommer.
[...]thiopes viendront grand' erre
S'encliner devant lui:
Ses haineux baiferont la terre
A Phonneur d'icelui.
Rois d'Isles & de la mer creuse
Viendront à lui prefens,
Et rois d'Arabie Pheurcuse
Pour lui faire presens.
*⁎* ¶ Tous autres rois viendront sans doute
A lui s'humilier,
Et le voudra nation toute
Servir & supplier:
Gardez-vous d'esperance sole:
Si biens vous viennent à planté,
Vostre coeur ne soit point planté
En une chose si frivole.
¶ Dieu a dit, voire une & deux fois,
Et j'en ai entendu la voix,
Qu'à lui appartient toute force.
O Dieu, tu es benin & doux,
Car un jour tu rendras à tous
Selon que de vivre on [...]'efforce.

PSEAUME LXIII.
Pseaume de priere. Deus, Deus meus, ad te de, &c.

[...] O Dieu, je n'ai Dieu fors que toi, Dés le matin je te reclame, Et de ta foif je sens mon ame Toute pasmé e dedans moi, Les pauvres sens d'hu­meur tous vuides De mon corps mat & alteré, Toûjours, Seigneur, t'ont desiré En ces lieux deferts & arides.

¶ Afin qu'encores une fois
Je voye ta force & ta gloire
Comme dedans ton Sanctuaire
Je l'ai contemplée autrefois.
Car mieux vaut que la vie mesme
Ta grace & ta benignité:
Dont par ma bouche recité
Sans fin sera ton los supréme.
¶ Ainsi ton los je chanterai
Tant que ma vie soit éteinte:
Ton nom & puistance tres-sainte
A jointes mains j'invoquerai.
Ainsi que de moëlle & de graisse
Je me sens tout rassasié,
Et d'un chant à toi dedié,
Tout joyeux de chanter ne cesse:
*⁎* ¶ Lors qu'en mon lict il me souvient
De ta souveraine puissance,
Et que de toi la souvenance
Le long de la nuict m'entretien.
Car en mes détreffes mortelles
De ton secours m'as fait jouïr,
Qui me fait ores réjouïr,
Caché sous l'ombre de tes ailes.
¶ Mon ame de si prés te suit,
Que nullement ne t'abandonne,
Et ta main soûtient ma personne
Contre tout homme qui me nuit.
Mais ces gens qui me font la guerre,
Taschant ma vie consumer,
On verra fondre & abysmer
Jusqu'au plus profond de la terre.
¶ En pieces un jour sera mis
Au fil du glaive & par la voye
Aux renards servira de proye
L'amas de tous mes ennemis.
Alors joyeux de la victoire
Le Roi en Dieu s'ejouïra:
Tout homme aussi Dieu benira
Qui reconnoit le Dieu de gloire.
¶ Car quelque mensonge au sortir
Que la fausse bouche propose,
Il faut qu'un jour elle soit close,
Sans qu'on l'en puisse garantir.

PSEAUME LXIV.
Pseaume de priere. Exaudi, Deus, orationem.

[...] ENten à ce que je veux dare, Quand je te prie sauve moi, Que de mes ennemis l'essroi Ne vienne ma vie destruire, Souverain Sire.

¶ Cache-moi loin de l'entreprise
Des ennemis fins & couverts,
Et des complots de ces pervers,
Dont la vie à tout mal apprise
Est tant reprise.
¶ Ils ont des langues assettées,
Aussi perçantes que poignards:
Au lieu de fléches & de dards,
Paroles aigrement lettées
Ont ajustées.
¶ Afin d'en donner une atteinte
A l'innocent couvertement:
De sorte que soudainement
Mainte personne ils ont atteinte
Sans nulle crainte.
¶ Ils sont obstinez à méfaire:
Parlent de me tendre leurs rets,
Disans comme gens asseurées,
Qui sçaura rien de cette assaire
Que voulons faire?

*⁎* *⁎*

¶ Pour trouver finesses subtiles,
Ils sont curieux jusqu'à tout:
Et vont cherchans jusques au bout,
Mesmement les plus dissiciles
Aux plus habiles.
¶ Mais Dieu sur lequel je m'asseure,
Son trait sur eux décochera,
Quand pas un d'eux n'y pensera:
Dont suivra bien-tost la blesseure
Soudaine & seure.
¶ Par leur propre langue execrable
Eux-mesmes se ruïneront:
Alors plusieurs s'estonneront,
Voyant le mal insupportable
Qui les accable.
¶ Tous alors rendront témoignage
Des hauts effets du Souverain,
Et tous craintiss deffous sa main
Reconnoistront en leurs courages
Ses grands ouvrages.
¶ Mais le juste en réjouïssance
A l'Eternel s'arrestera:
Et qui de coeur entier sera,
Chantera de Dieu la puissance
En asseurance.

PSEAUME LXV.
Pseaume d'action de graces. Te decet hymnus, Deus, &c.

[...] O Dieu, la gloire qui t'est deuë T'attend dedans sion: En ce lieu te sera rendu ë Des voeux l'oblation. Et d'autant que la voix entendre Des tiens il te plaira, Tout droit à toi se venir rendre Toutes gens on verra.

¶ Toutes manieres de malices
Avoient gagné sur moi:
Mais tous nos pechez & nos vices
Sont abolis de toi.
Heureux celui qui veux élire,
Et prés de toi loger,
Afin que chez toi se retire
Pour jamais n'en bouger.
¶ Des biens du palais de ta gloire
A plein nous soulerons:
Des biens de ton saint Sanctuaire
Tous repeus nous serons.
Selon ta bonté indicible,
O Dieu! qui nous maintiens,
En haute façon & terrible
Tu répondras aux tiens.
¶ En toi espere tout le monde,
Jusqu'aux lointains païs,
Qui sont de la grand' mer profonde
Enclos & circuïs.
Des tes puissances redoutables
Tout ceint & revestu,
Tu tiens les monts fermes & stables
Par ta grande vertu.
¶ Les slots de la grand' mer bruyante
Tu peux faire cesser:
Des peuples l'émeute inconstante
Soudain peux rabaisser.
Voyant tes oeuvres nompareilles,
Peuples de tous costez
Sont estonnez de tes merveilles,
Tant soient-ils écartez.
*⁎* ¶ Du bout qui le jour nous envoye
Jusques en l'Occident,
C'est ta bonté qui nous ottroye
Tout plaisir évident.
Si la terre est de soif tarie,
Tu la viens visiter,
Et les grands tresors de ta pluye
Sur el [...]e degoutter.
¶ L'eau qui de tes ruisseaux regorge
Vient la terre nourrir,
Afin que le froment & l'orge
Puisse croistre & meurir.
Ses rayons enyvres & trempes,
Ses sillons applanis:
Tu l'amolis & la destrempes,
Et son germe benis.
¶ La saison couronnée & ceinte
De tes biens on peut voir:
Des hauts cieux ta demeure sainte
La graisse fais pleuvoir.
Les deserts avec leurs logettes
De pluye fais jouïr:
Dont les costaux & montagnettes
Semblent se réjouïr.
¶ Alors voit-on par les campagnes
Mille troupeaux divers,
Et les entre-deux des montagnes
De grands bleds tous couverts.
Et semble tout ce bien champestre
Réjouïr de ses chants,
Alors qu'on le voit apparajstre,
Et montagnes & champs.

PSEAUME LXVI.
Pseaume d'action de graces. Jubilate Deo omnis terra.

[...] OR sus loiiez Dieu tout le monde, Chantez le los de son renom: Chan­tez [Page]si haut que tout redonde De la loiiange de son Nom. Dites, O que tu es terrible, Seigneur, en tout ce que tu fais! Tes haineux, tant es invincible, Te flatent pour avoir la paix.

¶ Soit ta Majesté glorieuse
Adoree en tout l'univers:
Soit ta loiiange precieuse
Chantée en chan sons & en vers.
Venez, voyez en vos courages
Les faits de Dieu: voyez s'il est
Grand & terrible en ses ouvrages
Vers les humains quand il lui plaist.
¶ Il a tari la mer tant fiere,
Et depuis encores par lui
A pied sec passa la riviere
Son peuple, & s'en est réjoui.
Sa seigneurie est eternelle.
Son oeil s'étend jusques aux Gentils:
Quiconques a lui se rebelle
Sera toûjours des plus petits.
¶ Peuples, chacun de vous s'employe
A donner loiiange au Seigneur:
Faites qu'en tout le monde on n'oye
Rien que sa gloire & son honneur.
C'est lui qui garde nostre vie
Si souvent de passer le pas:
C'est lui qui malgré toute envie
Fait que nos pieds ne glissent pas.
¶ Car tu nous as mis à l'épreuve,
Tu nous as, dis-je, examinez,
Et comme l'argent qu'on épreuve
Par feu tu nous as affinez.
Tu nous as fait entrer & joindre
Aux filez de nos ennemis:
Tu nous as fait les reins estreindre
Des liens où tu nous as mis.
*⁎* ¶ On a monté dessus nos tesles
Comme sur le dos d'un chameau,
Nous avons comme pauvres bestes
Passé par le feu & par l'eau:
Puis tu nous as de pleine grace
A plein rafraichis, dont je veux
En ta maison devant ta face
Sacrifiant rendre mes voeux.
¶ Voire mes voeux que je confesse
Mes levres t'avoir adressez,
Lesquels au temps de ma détresse
J'ai de ma bouche prononcez.
Mainte bien belle & grasse beste
Sur ton Autel veux consumer:
Beliers & boeufs & boucs j'appreste,
Pour devant toi faire fumer.
¶ Vous craignans Dieu & sa puissance,
Venez m'ecouter en ce lieu,
Racontant en éjouïffance
Les biens qu'ai receu de mon Dieu.
Quand ma bouche a fait sa priere,
Il m'a ouï à chaque fois:
Si que ma langue a eu matiere
De le loiier à pleine voix.
¶ Si à quelque méchante chose
Mon coeur eut alors regardé,
Mon Dieu eut eu l'oreille close
A ce que j'eusse demandé.
Mais pour certain je puis bien dire
Que le Seigneur m'a entendu:
Et pour mieux écouter mon dire,
Doux & attentif s'est rendu.
¶ Loiié soit mon Dieu favorable,
Qui m'a volontiers écouté,
Et de moi pauvre miserable
N'a point retiré sa bonté.

PSEAUME LXVII.
Pseaume d'action de graces. Deus misereatur-nostri.

[...] DIeu nous soit doux & favorable, Nous benissant par sa bonté, Et de son visage amiable, Nous face luire la clarté: Afin que sa voye En terre se voye, Et que bien à point Chacun puisse entendre Où tous doivent tendre pour ne perir point.

¶ Seigneur, que les peuples te chantent,
Tous peuples te chantent, Seigneur:
Peuples te chantent & rechantent,
S'éjouïssans de ton honneur.
Car ta bonté grande
Aux peuples commande
Equitablement:
Et sous ta conduite
La terte est conduite
Bien & seurement.
¶ Chacun, ô Dieu, honneur te porte,
Tous peuples chantent l'honneur tien:
La terre ses fruits nous apporte,
Dieu, nostre Dieu nous face bien:
Dieu, dis-je, nous face
Connoître sa grace,
En nous benissant:
Et la terre toute
Autre ne redoute
Que le Tout-puissant.

PSEAUME LXVIII.
Pseaume de loüange & de reconnoissance publique. Exurgat Deus.

[...] QUe Dieu se montre seulement, Et on verra soudainement Abandonner la place: Le camp des ennemis épars, Et ses haineux de toutes parts Fuïr devant sa face. Dieu les fera tous enfuïr, Ainsi qu'on voit s'évanouïr Un amas de fumée: Comme la cire aupres du seu, Ainsi des méchans devant Dieu La force est consumé e.

¶ Cependant devant le Seigneur
Les justes chantent son honneur
En toute éjouïssance:
Et de la grand' joye qu'ils ont
De voir les méchans qui s'en vont,
Sautent à grand' puissance.
Chantez du Seigneur le renom,
Psalmodiez, Ioiiez son Nom,
Et sa gloire immortelle:
Car sur la nuë il est porté,
Et d'un nom plein de ma [...]esté,
L'Eternel il s'appelle.
¶ Réjouïssez-vous devant lui,
Qui est des pauvres sans appui
Le pere debonnaire:
Qui le droict des veuves foustient,
Devant Dieu, dis-je, qui se tient
En son saint Sanctuaire.
Dieu fait avoir pleine maison
A ceux qui ont longue saison
Sans nuls enfans soufferte:
Delivre les siens enferrez,
Tient les rebelles enserrez
En leur terre deserte.
*⁎* 1 ¶ Lors que ton peuple tu menois,
O Dieu, & que tu cheminois
Par le desert horrible,
Les cieux fondirent en sueur:
La terre trembla de la peur
De ta face terrible.
Le mont de Sion ébranlé,
Dieu, Dieu d'Israël a branlé
Regardant ton visage:
C'est toi, puissant Dieu, qui as fait
Degoutter la pluye à souhait
Dessus ton heritage.
¶ Quand il a esté mal en poinct,
Tu l'as redressé de tout poinct,
Là les troupeaux demeurent:
Tu l'emplis de biens infinis,
Dont les plus pauvres tu fournis,
Que sans secours ne meurent.
C'est toi, Seigneur, par ta bonté,
Qui as l'argument presenté
A l'armée pudique
De nos pucelles qu'on ouït,
Lors que l'ennemi s'enfuït,
Prononcer ce cantique:
¶ Or s'en sont fuïs les grands Rois,
Les grands Rois, dis-je, & leurs arrois
S'en sont suïs grand' erre:
Celles qui n'avoient point sorti
De la maison, ont départi
Et leurs biens & leur terre.
Quoi que ternis & bazanez
Des ennuis qu'on vous a donnez,
Vous ne differiez gueres
De ceux que l'on voit tous noircis
D'avoir esté toûjours assis
A l'ombre des chaudieres.
¶ Vous reluirez comme feroit
L'aile d'un pigeon qui seroit
De fin argent brunie:
Dont le pennage estincelant
Fait sembler l'aile en Pair volant
De plus fin or jaunie.
Car dés lors que Dieu Tout-puissant
Alloit les grands Rois renversant
En la terre promise,
Le païs devint blanc & beau,
Ainsi que la neige au coupeau
Du mont Salmon assise.
*⁎* 2 ¶ C'est le mont de Dieu merveil­leux,
O mont de Basan l'orgueilleux,
Mont levë jusqu'aux nuës!
Monts haut montez, d'où vient ceci
Que nous venez heurter ainsi
De vos roches cornuës?
Il plaist à Dieu de retenir
Ce mont ici pour s'y tenir:
Telle est sa bien vueillance.
Parquoi, le Seigneur desormais,
Voire, qui plus est, à jamais
Y fera demeurance.
¶ Anges à grandes legions
Servans à Dieu par millions
Sont sa gendarmerie:
Entre laquelle en son sainct lieu,
Comme en Sina, nostre grand Dieu
Estend sa seigneurie.
O Dieu, tu es en haut monté,
Et de ton ennemi donté
As enmené la bunde:
Tu as en apres mis à part
Tes dous, pour nous en faire part
Par ta bonté tres-grande.
¶ Tu as défait tes ennemis,
Afin que parmi tes amis
Tu faces ta demeure.
Or loiié soit Dieu tous les jours,
Dieu, dis-je, qui de son secours
Nous soustient & assenre.
Nostre Dieu nous est Dieu Sauveur,
Dieu qui montre aux siens sa faveur
Par mainte delivrance.
C'est l'Eternel, Seigneur tres fort,
Qui les issuës de la mort
Retient en sa puissance.
*⁎* 3 ¶ C'est Dieu, & non autre, qui rompt
A grands coups la teste & le front
De la troupe ennemie:
Frapant là perruque de ceux
Qui ne sont jamais paresseux
En leur méchante vie.
Je defendrai mon peuple éleu,
Dit le Seigneur, car il m'a pleu
De Basan l'orgueilleuse:
Sain & sauf tirer je le veux
Dehors du goussre dangereux
De la mer orageuse.
¶ Si que ton pied baigné sera
Dans le sang qui regorgera
De la tuërie extreme:
Et tes chiens le sang lecheront
De tes ennemis qui cherront,
Voire de leur chef mesme.
O Dieu, cheminer on t'a veu,
Mon Dieu, mon Roi, & apperceu
Marcher avec ton Arche:
Chantres te devancoient de prés,
Les joiieurs d'instrumens apres
Marchoient d'une demarche.
¶ Avec les tambours au milieu
Chantoient les loiianges de Dieu
Les filles assemblées,
Disans, O race d'Israël,
Loiiez le Seigneur Eternel
Es sainctes assemblées.
Et là Benjamin est venu,
Qui de petit est devenu
Chef des autres Provinces.
Juda le fort s'y est trouvé,
Zabulon y est arrivé,
Nephtali & ses Princes.
*⁎* 4 ¶ Ton Dieu t'envoye & te fait voir,
Israël, tout ce grand pouvoir,
Conduisant ton assaire.
O Dieu! qui nous veut tant aimer,
Vien cét oeuvre en nous confirmer
Qu'il t'a pleu de nous faire.
De ton sainct Temple ta bonté
Secoure ta saincte Cité,
Rois te feront offrandes.
Dissipe donc de toutes parts,
Avec leurs lanees & leurs dards,
Ces armées tant grandes.
¶ Renverse tous ces forts taureaux,
Défai des peuples les troupeaux,
Et toute leur bataille:
Ren les muties humiliez,
Se faifans fouler à tes pieds,
En t'apportant leur taille.
Grands Seigneurs d'Egypte viendront,
Mores à grand' haste étendront
Au seul Dieu les mains jointes.
Chantez à Dieu, Princes & Rois:
Psalmodiez à pleine voix
Ses loiianges tres-sainctes.
¶ Je dis le Seigneur glorieux,
Plus haut monte que tous les cieux
Qu'il a formez lui-mesme:
Qu'il fait alors qu'il veut tonner
Haut sa grosse voix resonner
Par son pouvoir supréme.
Confessez qu'il est Tout-puissant
Sur Israël resplendissant,
En sa gloire indicible:
Qui a dans le ciel élevé
Certain témoignage engravé
De sa force invincible.
¶ O Seigneur, tu es redouté
Pour ces lieux où ta saincteté
Est ainsi épanduë:
Dieu d'Israël, tu es celui
Qui es de ton peuple l'appui,
Gloire t'en soit renduë.

PSEAUME LXIX.
Pseaume de prophetie & de priere. Salvum me fac, Deus.

[...] HHlas! Seigneur, jo te pri' sauve moi, Car les eaux m'ont saisi jusques [Page]à l'ame: Et au bourbier tres-profond & infame, Sans fond ni rive enfondré je me voi. Ainsi plongé l'eau m'emporte, si las De m'écrier, que j'en ai gorge seche: Et de mon Dieu attendant le soulas, De mes deux yeux la vigueur se desseche.

¶ J'ai contre moi, helas! & à grand tort,
Plus d'ennemis que de cheveux en teste:
Ceux qui ma mort voudroient voir toute preste,
Et sans raison je vois prendre renfort.
Ainsi faudra que par moi soit rendu
Ce que n'ai pris. O Dieu, tu sçais connaistre
Si je suis fol, comme ils ont pretendu,
Et mon forfait caché ne te peut estre,
¶ O Seigneur Dieu, qui peux sous ton pou­voir
Faire trembler des armes la puissance,
Fai que ceux-là qui ont en toi fiance
Honte par moi ne puissent recevoir.
Dieu d'Israël, ceux qui t'ont reclamé
Ne soient rendus honteux par mon dom­mage:
Car c'est pour toi que suis ainsi blasmé,
Et que vergogne a couvert mon visage.
*⁎* 1 ¶ Mes freres m'ont tenu pour e­stranger,
Méconnu m'ont les enfans de ma mere:
Car de ton Temple, ô Dieu, en qui j'espere,
Le zele ardent est venu me manger.
De ces méchans dont tu es blasonné
J'ai dessus moi senti tomber le blasme:
Las! j'ai pleuré, & mon ame a jeusné,
Mais tout cela m'est tourné en diffame.
¶ Vestu me suis d'un sac en ce dur temps,
Mais je leur ai servi de farcerie:
Entre les grands je sers de moquerie,
Aux banqueteurs de ris & passe-temps.
Mais, ô mon Dieu, j'ai vers toi mon re­cours
En la saison de ta volonté bonne,
Las! répon moi, ainsi comme le cours
De ta bonté & seur secours l'ordonne.
¶ Delivre moi des ces bourbiers profonds,
Et ne permets que du tout j'y ensondre:
Delivre moi quand on me veut confondre,
Et de ces eaux qui n'ont rive ni fonds.
Fai que le fil de cette eau où je suis
Point ne m'emporte, & qu'au goussre je n'entre,
Fermant sur moi la gueule de son puits,
Pour m'engloutir au profond de son vētre.
¶ Ta bonté n'est que douceur & pitié:
Exauce moi, Seigneur, en mes demandes:
Déploye en moi tes pitiez les plus grandes,
Pour me montrer visage d'amitié.
Ne cache point ton regard glorieux
A ton servant: car je suis en destresse.
Haste toi donc, ô Dieu tres gracieux,
D'ouïr la voix que ton servant t'adresse.
*⁎* 2 ¶ Approche toi en mon adversité
De ma pauvre ame, & rachete ma vie:
Voire en depit de la troupe ennemis,
Vien me recourre en ma captivité.
Tu sçais tres-bien l'opprobre où je suis mis,
Quel deshonneur, quelle honte on m'a faite:
Devant tes yeux sont tous mes ennemis,
Et as d'iceux connoissance parfaite.
¶ Opprobre m'a rompu le pauvre coeur a
Las! je languis, sans trouver assistance
D'homme vivant, quoi que j'eusse esperance
Que l'on auroit pitié de ma langueur.
Quand j'esperois l'aide que je n'ai pas,
Support ni aide en nul lieu n'ai trouvée:
Ils m'ont donné du fiel en mon repas,
Et de vinaigre ont ma soif abreuvée.
¶ Fai que leur table & les banquets qu'ils font
Soit un apast qui leur vie extermine:
Fai leur tourner en mortelle ruïne
Tout le plaisir & le repos qu'ils ont.
Obscurci leur veuë, tellement
Que de leurs yeux toute clarté s'en aille:
Romps leur les reins continuellement,
Si qu'en marchant pied & force leur faille.
*⁎* 3 ¶ Répan sur eux ton indignation:
Vien les faisir en ta fureur dépite:
En leurs maisons, sans qu'un seul y habite a
Tout soit desert en desolation.
Car d'asstiger celui que tu frapois
Ces malheureux n'ont eu aucune honte:
Et si quelqu'un tu blesses une fois,
Incontinent son mal leur sert de conte.
¶ Entasse leur peché dessus peché:
De ta bonté soit leur troupe bannie:
Soient effacez de ton livre de vie,
Qu'avec les bons leur nom ne soit couché.
Quelque assligé & dolent, quant à moi,
Qu'ores je sois, tu seras me retraite:
Dont chanterai, ô Dieu, le Nom de toi,
Magnifiant ta loiiange parfaite.
¶ Et ces chansons au Seigneur mieux plai­ront
Que boeuf ni veau qui ongle & corne porte:
Tous craignans Dieu & gens de bōne sorte
Seront joyeux alors qu'ils me verront.
Et là dessus le coeur leur reviendra,
Car Dieu entend les plus pauvres du monde:
Le Seigneur, dis-je, en mépris ne tiendra
Les siens serrez en la fosse profonde.
¶ Terres & cieux, loiiez ses grand's bontez,
Mer, & poissons qui nagez en icelle:
Car Dieu viendra garder Sion la belle,
Et bastira de Juda les citez.
Là demeurront les servans du Seigneur,
Pour s'y tenir & eux, & leur lignee,
Et de tous ceux qui aiment son honneur
La demeurance est en elle assignée.

PSEAUME LXX.
Pseaume de priere. Deus in adjutorium meum intende.

[...] O Dieu, où mon espoir j'ai mis, Vien soudain à ma delivrance: Sei­gneur, que ton aide s'avance Encontre tous mes ennemis. Quiconques pour­chasse mon ame Soit rempli de honte & d'émoi: Quiconques, dis-je, en veat à moi Tourne en arriere tout infame.

¶ Ceux qai dessus moi pourchassé
On dit, Ha, ha, à gorge onv [...]te,
Puissent avoir pour leur de [...]te
Le deshonnenr qu'ils m'or [...] orassé.
S'égaye de ton assistance
Quiconques a vers toi [...]:
Quiconques aime ton secours
Chan [...] à jamais ton excellence.
¶ O Dieu, accour hastivement
Vers moi tant pauvre & miserable:
Tu es mon aide secourable,
Seigneur, secour moi vistement.

PSEAUME LXXI.
Pseaume de priere. In te, Domine, speravi.

[...] J'Ai [...] mon esperance, Garde moi done, Seigneur, D'et [...]rnd deshonneur. Ottroye moi ma delivrance, Par ta misericorde, Et ton se­cours m'accorde.

¶ Ten moi ton oreille & me garde,
Sois mon lieu de recours
Où j'entre tous les jours.
Tu as mandé ma sauvegarde,
Car je n'ai forte place
Ni chasteau, que ta grace.
¶ Hors de la main du méchant homme,
Hors, dis-je, de la main
Du pervers inhumain.
Tire moi, mon Dieu: car en somme
Je m'attens & adresse
A toi dés ma jeunesse,
¶ Dés lors que naissance j'ai prise,
Sortant du fonds du corps
Dont tu m'as mis dehors,
J'ai sur toi ma fiance assise:
Ta gloire haut dressée
J'ai sans cesse annoncée,
*⁎* 1 ¶ On m'a tenu pour monstre estrange:
Toutesois si es-tu
Ma force & ma vertu.
Fai que tous les jours ta loiiange
Et ta gloire excellente
A pleine voix je chante.
¶ Au temps de vieillesse chenuë
En mon insirmité
Point ne sois rejetté.
Quand ma force a rien devenuë
Delaira ma personne,
Ta main ne m'abandonne.
¶ Car de mes ennemis la bande
Contre moi proprement
A tenu parlement:
Et contre moi de fureur grande
Ceux qui mon ame spient
Tous ensemble se lient.
¶ Sus, sus, disent-ils, qu'on Pempoigne,
Il est laissé de Dieu,
Sans secours d'aucun lieu.
O Dieu, ta face ne s'éloigne:
Mon Dieu, vient tost estendre
Ton bras pour me defendre.
¶ Tous les ennemis de ma vie
Soient confus & perdus:
Soient de honte éperdus
Ceux qui de me nuire ont envie,
Tandis qu'en patience
J'attendrai ta defence.
*⁎* 2 ¶ Outre ta loiiange ordinaire,
Ma bouche annoncera
Ta justice, & dira
Les graces que m'as daigné faire,
Nonobstant que le conte
D'icelles me surmonte.
¶ Je cheminerai d'asseurance,
Contemplant les hauts faits
Que le Seigneur a faits:
Et maintiendrai la fouvenance
De tes seules justices,
Et tes grands benefices.
¶ Enseigné m'as des ma jeunesse:
Tes merveilles aussi
J'ai dites jusqu'ici.
Parquoi en ma blanche vieillesse
Ne me delaisse encore,
O mon Dieu! que j'adore.
¶ Tant que ta force aye contée
Aux vivans, & à ceux
Qui viendront apres eux.
Ta justice est en haut montée,
O Dieu! car nompareilles
Sont tes grandes merveilles.
*⁎* 3 ¶ O Dieu! qui est à toisemblable:
Qui m'as tant de travaux,
Tant fait sentir de maux:
Et puis par ta main secourable
Ma vie ia perduë
Dereches m'as renduë.
¶ Des creux abismes de la terre
Me tirer il t'a pleu,
Tu as mon regne accreu.
Et quand on m'a fait forte guerre,
Me tournant ton visage
Tu m'as donné courage.
¶ Parouoi, mon Dieu, sur mes violes
Sera l'honneur chanté
De ta fidelité.
Sainct d'Israël qui me consoles,
Il faut que mon luth jouë
Pseaumes que je te vouë.
¶ Mes levres d'une joye extréme
Psalmodiront, Seigneur,
Ta gloire & ton honneur.
Mon ame répondra de mesme,
Estant toute clevée
Vers toi qui Pas sauvée.
¶ Ma langue aussi pour ta justice
Sans cesse publier
Je te veux dedier.
Car de mes haineux la malice
De honte as éperduë.
Et du tout confonduë.

PSEAUME LXXII.
Pseaume de doctrine, touchant Pestat & gouvernement politique. Dens, judicium tuum regi da.

[...] TEs jugemens, Diea veritable, Eaille au Roi pour regner: Vueilles ta justice équitable Au fils du Roi donner: Il tiendra ton peuple en justice, Chassant l'iniquité: A tes pauvres fera propice, Leur gardant équité.

¶ Les peuples verront aux montagnes
La paix croistre & meurir:
Et par costeaux & par campagnes
La justice stcurir.
Ceux du people estans en détresse
L'auront pour defenseur,
Le pauvre il gardera d'oppresse,
Rebuttant Poppresseur.
¶ Ainsi un chacun & chacune,
O Roi, t'honorera
Sans fin, tant que Soleil & Lune
Au monde éclairera.
Il vient comme pluye agreable
Tombant sur prez fauchez,
Et comme rofée amiable
Sur les terroirs fechez.
¶ Lui regnant, fleuriront par voye
Les bons & gracieux
En longue paix, tant qu'on ne voye
De Lune plus aux cieux.
D'une des mers large & profonde
Jusques à l autre mer,
D'Euphrates jusqu'au bont du monde
Roi se fera [...]ommer.
[...]thiopes viendront grand' erre
S'encliner devant lui:
Ses haineux baiferont la terre
A Phonneur d'icelui.
Rois d'Isles & de la mer creuse
Viendront à lui prefens,
Et rois d'Arabie Pheurcuse
Pour lui faire presens.
*⁎* ¶ Tous autres rois viendront sans doute
A lui s'humilier,
Et le voudra nation toute
Servir & supplier:
Car delivrance il donra bonne
Au pauvre à lui pleurant:
Et au chetif qui n'a personne
Qui lui soit secourant.
¶ Aux assligez & miserables
Sera doux & piteux,
Sauvant les vies lamentables
Des pauvres soussreteux.
Les gardera de violence
Et dol pernicieux,
Ayant leur sang par sa clemence
Tres-cher & precieux.
¶ Chacun vivra, l'or Arabique
A tous départira:
Dont sans fin, ce Roi magnifique
Par tout on benira.
De peu de grains force blé, somme
Les épies chacun an
Sur les monts bruiront en Pair, comme
Les arbres du Liban.
¶ Fleurira la troupe civile
Des bourgeois & marchands,
Multiplians dedans la ville
Comme herbe par les champs.
Sans sin bruira le nom & gloire
De ce Roi nompareil:
De son renom sera memoire
Tant qu'y aura Soleil.
¶ Toutes nations asseurées
Sous ce Roi vigoureux
S'en irons vantans bien heurées,
Et le diront heureux
Dieu, le Dieu des Israëlites,
Qui sans secours d'aucun
Fait des merveilles non petites,
Soit loiié d'un chacun.
¶ De sa gloire tres-accomplie
Soit loiié le renom,
Soit toute la terre remplie
Du haut los de son nom.

PSEAUME LXXIII.
Pseaume de doctrine. Quàm bonus Israël Deus.

[...] SI est-ce que Dieu est tres-doux A son Israël, voire à tous Qui gardent en toute droiture Leur conscience entiere & pure. Mais j'ai esté tout prest à voir Mes pieds le bon chemin laisser, Et mes pas tellement glisser, Que ie me suis veu prest de choir.

¶ Car j'estois envieux du bien
De ces fols qui ne valent rien,
Ft ne pouvois sans grand mal-aise
Voin les méchans tant à leur aise.
Can detenus ils ne sont point
Des laugueurs tirans à la mort:
Ils ont le corps alaigre & fort:
Ils sont dispos & en bon poinct.
¶ Quand tout le monde est en travaux,
Ceux-ci n'ont ni peine ni maux:
Si quelque affliction nous donte,
Ceux-ci ne se trouvent du conte.
Pourtant l'orgueilleux comme un carquant
Lace leur gros col arrogant:
Et sont d'outrages ces pervers
Comme d'une robe couverts.
¶ La graisse leur pousse les yeux
Eors de leur chef malicieux:
Et bien souvent ont davantage
Que n'a desiré leur courage.
Son [...], dissolus en tous leurs faits,
Farlentdes faux tours qu'ils ont faits
Aux justes par eux tourmentez,
Et parlent comme hauts montez.
*⁎* 1 ¶ Leur bouche entreprēd bien d'aller
[...]usques au cie [...] pour en parler:
[...]ieur langue tant fausse & vilaine
[...] tout le monde se pourmeine,
Et les enfans de Dieu pourtant
Reviennnnt toíijours à ceci,
En se voyant verser ainsi
L'eau d'angoisse à boire d'autant,
¶ Et s'en vont disans, L'Eternel
De son haut trône supernel
Est-il possible qu'il regarde
Ici bas pour y prendre garde?
Ceux-ci ne valent rien du tout,
Et toutefois on voit comment
Ils vivent tant heureusement,
Munis de biens jusques au bout.
¶ Pour neant donc ai-je tasché
Que mon coeur ne fust entaché,
Et par soigneuse diligence
Lavé mes mains en innocence.
C'est done à tort que suis seru,
Et assigé journellement:
En vain reçois-je chastiment
Dés que le jour est apparu.
¶ Mais voulant user de ces mots,
Je pecherai en mon propos:
Car, quoi que soit, voila la race
Des enfans de ta sainte grace.
Pourtant j'ai tasché grandement
A me resoudre sur cela:
Mais toûjours ce point me sembla
Fascheux en mon encendement,
¶ Jusques à tant qu'au sacre lieu
Suis venu au temple de Dieu:
Des méchans la derniere issuë,
Alors ai-je bien apperceuë.
Quand tout est dit telles gens sont
Eu lieux dangereux & glissans:
Parquoi tout soudain renversans
Aux creux abismes ils s'en vont.
*⁎* 2 ¶ Lors chacun s'ebahit comment
Ils ont peu tant soudainement
Ainsi défaillir & se fondre,
Et tant horriblement confondre,
Fntre les humains effacé
Sera le lustre de leur bien,
Ainsi qu'un songe qui n'est rien
Dés que le dormir est passé.
¶ Si est-ce qu'en mon pensement
Je me troublois fort aigrement:
Je sentois, dis-je, ma pensée
Bien fort poignante & offensée.
Mais j'avois perdu mes esprits:
Mesmement je n'estois point moi,
Mais une beste devant toi,
Quand à toi ainsi je me pris.
¶ Or quelque assaut qu'aye senti,
J'ai toûjours tenu ton parti:
D'autant qu'en mes grandes oppresses
Tu prens ma main, & me redresses.
Le conseil que m'as ordonné,
Me guidera fidelement:
Tant qu'a gloire & contentement
Je serai ensin amené.
¶ De tout ce qu'au ciel j'apperçoi,
Qui sera mon Dieu fors que toi?
Me forgerai-je en ce bas monde
Quelque divinité seconde?
Je sens ma force defaillir,
Seigneur, & mon coeur empiré;
Mais tu m'es un roe asseure,
Et appui qui ne peut faillir.
¶ Car c'est lui qui t'eloignera,
Il est seur qu'il renversera:
Et faut que tout homme perisse
Qui n'est loyal à ton service.
A toi me veux done adresser,
Car mieux ne me peut avenir,
Qu'a mon Dieu toûjours me teni [...],
Et ses merveilles annoncer.

PSEAUME LXXIV.
Pseaume de priere. Ut quid, Deus, repulisti, &c.

[...] D'Où vient, Seigneur, que tu nous as épars, Et si long-temps ta fureur enstammée: Vomit sur nous tant épesse sumée, Voire sur nous les brebis de tes parcs.

¶ Las! sonvien-toi de ton peuple acqucsté
De si long-temps, de ce tien heritage
Qu'as acheté & pris en ton partage:
De Sion, dis je, où ton siege a esté.
¶ Debout, Seigneur, vien pour exterminer
A tout jamais la sacrilege bande,
Dont la fierté a bien esté si grande,
D'oser ainsi ton fainct lieu ruïner.
¶ Là où jadis tes faits surent chantez,
Là ont jetté leurs cris épouvantables:
Là ont dressé leurs trophées damnables,
Là mesme ils ont leurs trophées plantez.
¶ Chacun a veu travailler ces pervers
A demolir ta saincte forteresse,
Comme au milieu d'une forest épesse
Menans la hache à tors & à travers.
¶ Tes beaux lambris taillez si richement,
Dont ta maison n'agueres fut ornée,
Avec grands conps de hache & de coignée
Sont maintenant brisez entierement.
¶ Ils ont, helas! de leurs mains embrasé
Le propre heu de ton fainct Tabernacle,
Et violé de ton Nom l'habitacle,
Lequel ils ont éntierement rasé.
¶ Sus, ont-ils dit, Saccageons-les du tout:
Et sur cela d'une mortelle guerre
Tous les faincts lieux qui furent en la terre
Ils ont par seu consumez jusqu'au bout.
*⁎* 1 ¶ Las! nous n'avons nul signe ac­coustumé
De ta faveur: Prophetes nous defaillent:
Nous n'avons nuls qui adresse nous baillent,
Quand cessera ton courroux allumé?
¶ Jusques à quand, ô Dieu, soussriras-tu
Que l'ennemi tant d'outrage te face?
Est-ce à jamais qu'une si grande audace
Méprisera de ton Nom la vertu?
¶ D'où vient cela que ta main tu retiens,
Et que de nous ta dextre tu retires,
Si saut-il bien un jour que tu la tires
Hors de ton sein pour secourir les tiens.
¶ C'est toi, ô Dieu, qui d'ancienneté
M'as gouverné, & devant tout le monde:
Quand j'ai esté en peine plus prosonde,
Hors du danger mille fois m'as jetté.
¶ Tu as sendu la mer par ton pouvoir,
Et dans les eaux assommé les baleines:
Si que les bords & rives toutes pleines
De monstres grands accablez nous fis voir.
¶ Tu as baillé le grand monstre des eaux
Aux habitans du desert pour viande:
Tu as tiré par ta puissance grande
Hors du rocher fontaines & ruiffeaux.
¶ Tu as tari des grands sleuves le cours:
Le jour est tien, tienne est la nuict hu­mide:
Car c'est ta main qui a fait & qui guide
Du beau Soleil la clarté tous les jours.
¶ C'est toi qui as selon ta volonté
Distribué de ce monde l'espace:
L'esté brûlant, & l'hyver plein de glace,
Ne sont-ils pas ouvrage de ta bonte?
*⁎* 2 ¶ Souvienne-toi cóme tes ennemis,
O Eternel, ta gloire ont abaissée:
Et cette gent d'une rage insensee
De mépriser ton sainct Nom s'est permis.
¶ Ne livre point entre les mains, helas!
De ces cruels ton humble tourterelle:
N'oublie point d'oubliance eternelle
Les tiens qui n'ont ni secours ni soulas.
¶ Souvienne-toi de l'accord qu'as traitté,
Veu que la terre ainsi qu'ensevelie
En nuict prosonde & de méchans remp [...],
Gemit dessous tel faix d'iniquité.
¶ Ne souffre point retourner tout honte [...]
Ton serf foulé: plûtost, Seigneur, ottroye
Juste argument de chanter en grand' joye
Ton Nom tres-saint aux povres soussrete [...],
¶ Eveille-toi, poursui ton droit, Seigne [...],
Souvienne-toi de cét outrage infame,
Dont cette gent insensée te blasme
De jour en jour dépitant ton honneur,
¶ N'oublie point leurs cris tous pleins de
Ni de la gent contre toi outrageuse [...],
Le bruit tout plein de rage impetu [...]e,
De plus en plus montant jusques au ciel.

PSEAUME LXXV.
Pseaume d'action de graces & doctrine. Consitebimur tibi.

[...] O Seigneur, loiié sera, Loiié sera ton renom: Car la gloire de ton Nom Prés de nous s'approchera: Et de nous seront chantez Les hauts faits de tes bontez.

¶ Estant mon terme venu,
Je jugerai droitement:
Du païs le fondement
S'en va, s'il n'est soustenu:
Mais ses pilliers ja déjoints
Par moi seront tost rejoints.
¶ Ne soyez plus insensez,
Dirai-je à ces estourdis:
Et vous méchans tant hardis,
Vostre corne ne dressez:
Ne dressez la corne en haut,
Parlant plus gros qu'il ne faut.
¶ Car ce n'est point du Levant,
Ponent, ni Septentrion,
Que vient l'exaltation.
Ni grandeur d'homme vivant:
Dieu seul regnant à son gré
Hausse & baisse le degré.
¶ Dieu tient en ses fortes mains
Un vaisseau tout rougissant
Du vin dont le Tout-puissant
Verse dessus les humains:
Tous les méchans en boiront,
Et la lie en succeront.
¶ Pendant ce temps en mes chants
Du Dieu de Jacob les faits
Je veux chanter à jamais,
Rompant la corne aux méchans:
Mais les bons tout au rebours
Seront haussez tous les jours.

PSEAUME LXXVI.
Pseaume d'action de graces. Notus in Judaeâ Deus.

[...] C'Est en Judée proprement Que Dieu s'est acquis un renom: C'est en If ra cl voirement Qu'on voit la force de son Nom: En Salem est son Ta­bernacle, En Sion son fainct ha bi ta cle.

¶ Là voit-on par lui sracassez
Avec un essort nompareil
Traits, arcs, éc [...]s, glaives cassez,
La guerre & tout son appareil:
Montrant les faits bien plus terribles,
Que ces brigands ne sont horribles.
¶ On a pillé comme endormis
Ces coeurs tant braves & hautains:
Ces preux & vaillans ennemis
N'ont jamais sçeu trouver leurs mains.
Un seul mot qu'en ire tu jettes
Endormit chevaux & charettes.
¶ Tu es terrible & plein d'essroi.
Toi, dis-je, & non autre qui soit:
Et qui durera devant toi,
Dés que ton courroux s'apperçoit?
Du ciel a tonné ta sentence,
Terre en trembla, & sit silence.
¶ Alors, ô Dieu tu te levas
Pour tes jugemens prononcer,
Et au plus petits d'ici bas
Leurs delivrances annoncer:
Car les humains en leur colere
Sont la matiere de ta gloire.
¶ Quelque jour tu viendras trousser
Le reste de ces furieux:
Sus donc, qu'on vienne s'amasser
Pour voüer & payer ses voeux,
Vous qui avez à toutes henres
Autour du Seigneur vos demeures.
¶ Offrez vos dons à lui, qui est
Terrible à venger son mépris,
A lui qui peut, quand il lui plaist,
Vendanger des Rois les esprits:
Plein de frayeur épouvantable
Aux Rois de la terre habitable.

PSEAUME LXXVII.
Pseaume de doctrine. Voce mea ad Dominum.

[...] A Dieu ma voix j'ai haussée, Et ma clameur a dieffëe: A Dieu ma voix a monté, Et mon Dieu m'a é [...]outé. Au jour de ma grand' détresse Dieu a é sté mon adresse, Et du soir au lendemain Je lui ai tendu la main.

¶ Mon ame en telle grevance
Refusoit toute allegeance:
Mon Dieu mesme m'étonnoit
Alors qu'il m'en souvenoit.
Quoi que d'affection grande
Je fisse à Dieu ma demande,
Mon coeur plein d'adversité
Sans cesse estoit agité.
¶ Tonjours ouverte ma veuë
Estoit de Dieu retenuë,
Et n'avois tout abatu
De parler nulle vertu.
Alors la saison passée
Me revint en la pensée,
Et les ans pieça passez
Furent par moi repensez.
¶ De ma har [...]e chanteresse
Il me souvenoit fans cesse,
Et mon coeur rempli d'ennuis
Meditoit toutes les nuicts.
Toute mon intelligence
Cherchoit à grand' diligence
L'isluë de tout ceci,
Et me complaignois ainsi:
¶ Est-ce à jamais que la grace
De l'Eternel me dechasse?
Est-il dit que desormais
Il ne m'aimera jamais?
Cette bonté tant prisée
Est-elle toute épuisée?
N'aura jamais plus de lieu
La promesse de mon Dieu?
*⁎* ¶ Dieu a-t'il plus souvenance
D'user de sa bien-vueillance?
Me clorra-t'il sa bonté
Par son courroux surmonté?
C'est, ai-je dit, à cette heure
Que mon Dieu veut que je menre:
Le Souverain a change
Le bras qui m'a soulagé.
¶ Pnis me vinrent en memoire
Ces grands exploits pleins de gloire,
Et les terribles effets
Des grands efforts qu'il a faits.
Lors par moi considerees
Furert ses oeuvres sacrées,
Et de ses faits devisant,
Voila que j'allois disant:
¶ O Dieu, ce que tu scais faire
Se voit en ton Sanctuaire,
Et n'y a divinité
Pareille à ta Deïté.
O Dieu, tu fais les merveilles
Qui sont du tout nompareilles:
C'est toi qui fais ton pouvoir
Aux pauvres appercevoir.
¶ Tu as par ta force adextre
Recoux ton peuple, & fait estre
Du bon Jacob les enfans
Et de Joseph triomphans.
Les eaux, les eaux, dis-je, en crainte
Ont veu ta majesté sainte,
Et l'abysme plus profond
En a tremblé jusqu'au fond.
¶ Alors les plus grosses nuës
Ont leurs grand's eaux épanduës,
Et du son qui en sortit
Tout ce haut ciel retentit.
Cà & là tes traits volerent,
Tes gros tonnerres roulerent,
Et d'un éclair enstammé
Fut tout le monde allumé.
¶ Terre en trembla longue espace,
Puis sans laisser nulle trace,
Au travers des grandes eaux
Tu sis sentiers tous nouveaux:
Ta [...]t que tu as en sranchise
Par Aaron & par Moyse
Comme tes brebis mené
Le peuple à toi assigné.

PSEAUME LXXVIII.
Pseaume d'exhortation. Attendite, popule meus.

[...] SOis ententif mon peuple, à ma [...]octrine, Soit ton oreille entierement encline A bien ouïr tous les mots de ma bouche: Car maintenant il faudr [...] que je touche Graves propos, & que par moi soient dits Les grands secret [...] des oeuvres de jadis.

¶ Oeavres par nous jadis bien écoutées,
Quand nos ayeuls nous les ont recitées,
Qu'à leurs ens [...]ns voulons faire connaître,
Voire à ceux-là qui font encore à naître,
Le los, la force, & merveilleux pouvoir
De ce grand Dieu voulons faire seavoir.
¶ Dieu en Jacob son alliance a mise,
En Israël il a sa Loi asiise,
Et ordonné qu'elle fust enseignée
Par nos ayeuls de lignée en lignée:
Si qu'un tel bien à la posterité
De pere en fils toûiours soit recité:
¶ Afin qu'en Dieu soit toute leur attente,
Et de ses faits la memoire presente
A bíen garder ses statuts les appelle:
N'ensuivans point le coeur traistre & rebelle
De leurs maieurs, qui n'ont eule coeur droit,
Ni envers Dieu l'esprit ferme & adroit.
*⁎* 1 ¶ Telle a ested Ephraïm la semence,
Qui bien armée, avec l'experience
De bien tirer, n'a fait chose qui vaille,
Tournant le dos au jour de la bataille:
N'ayant de Dieu le contract maintenn,
Ni de sa Loi le droit chemin tenu.
¶ De l'Eternel les oeuvres & merveilles
Veuës par eux grandes & nompareilles
Ils ont bien-tost aifément oubliées:
Les oeuvres, dis-je, & force déployées
Dedans Egypte, en Soan, & au sçeu
De leurs ayeuls, qui eux-mesmes' l'ont veu.
¶ Il a fendu les grand's vagues prosondes,
Passé sa gent tout au travers des ondes,
Et retenu la mer emmoncelée,
Guidé les siens de jour par la nuée,
Et puis dressë un grand slambeau luisant
Qui toute nuict les alloit conduifant.
¶ Il a brise les rocs par sa puissance,
Pour ab [...]euver son peuple en abondance
Dans le desert, là où mesmes des veines
Des durs rochers il tira des fontaines,
Ft fit partir telle abondance d'eaux,
Qu'il en could sleuves à grands ruisseaux.
*⁎* 2 ¶ Ce nonobstāt dereches ils [...]
Contre leur Dieu, & ainsi Pirricerent
Dans le desert, le tentans en eux- [...]
Et pour fournir a leurs desirs extremes,
Ont demandé viandes fur le lieu.
Jusqu'a venir murmurer contre Dieu.
¶ Dieu, dirent-ils, en terre si deserte
Pourroit-il bien donner table couverte?
Du roc frapé grandes eaux font forties,
Voire soudain rivieres sont parties:
Mais pourroit il donner du pain aussi,
Et puis de chair paistre son peuple ici?
¶ Dieu les ouït, duquel Pire enstammée
Contre Jacob fut soudain allumée.
Dieu, dis-je, émeu de fureur non petite
Prit en dédain son peuple Israëlite,
Pour n'avoir creu à Dieu, & pour app [...]
N'avoir choisi le salut d'icelui.
¶ Car ja devant ces choses avenuës
Dieu avoit fait commandement aux noë [...]
Et du haut ciel ouvert déja la porte,
Pleuvant fur eux la manne en telle sorte,
Qu'à ces méchans qui crioient à la faim,
Mcsmes du ciel il envoya du pain.
*⁎* 3 ¶ L'homme mortel (merveilles [...] estranges)
S'estoit repeu du pain mesmes des Anges,
Voire soulé à suffisance pleine:
Dieu toutefois par sa force soudaine
Fit émouvoir au ciel un double venr,
L'un du Midi, & l'autre du Levant.
¶ Puis fit sur eux menu comme poussiere
Pleuvoir la chair, voire en telle maniere,
Qu'il n'y a point plus de sable au rivage,
Qu'on vid pleuvoir d'oiseaux par cét orage,
De tous costez dans le camp arrangez,
Où ils avoient leurs pavillons rangez.
¶ Par ce moyen cette troupe gourmande
Fut tout son soul repeuë de viande.
Dieu leur donnant selon leur convoitise,
Leur saim cessa, non pas leur gourmandise [...]
Mais tous crevez avoient encor la chair
[...]ntre les dents, & la vouloient mascher:
Quand l'Eternel émeut cont'eux son ire,
[...]t vint d'entr'eux tous les plus gros détrui­re:
[...]uis d'Israël mit bas toute l'elite.
[...]sais pour cela cette race maudite
[...]e laissa pas de poursuivre son train,
Et ne creut point aux faits du Souverain.
*⁎* 4 ¶ Voila pourquoi leurs jours & leurs années
Furent bien-tost à neant terminées.
Alors chacun voyant sa mort presente
[...]echerche Dieu, & à lui se presente:
Dés le matin chacun est appresté
Pour requerir du Seigneur la bonté.
¶ Alors chacun se souvint qu'en détresse
L'Eternel seul estoit leur forteresse,
Et que Dieu seul de force souveraine
Estoit celui qui les tiroit de peine.
Mais quoi que soit, rien que fard ne sortoit
Hors de leur bouche, & leur langue mētoit:
¶ Car devāt Dieu n'estoit leur ame entiere,
Ni veritable en sa Loi droituriere:
Ce neantmoins, tant il est pitoyable,
Il essaça leur faute abominable:
Les épargnant: & souvent se contint,
Et la plûpart de son ire retint.
¶ Il se-souvint que leur pauvre nature
N'estoit que chair sujette a pourriture,
Et comme un vent qui fans retour se passe,
Combien de fois, & combien longue espace
Dans le desert ces gens l'ont irrité?
Combien de fois au desert contristé?
*⁎* 5 ¶ A tenter Dieu cette gent adōnée
A son mestier est toujours retournée,
Comme voulant enclorre en ses limites
Le Tout-puissant, Sainct des Israëlites:
Ne pensant point au bras qu'il sit sentir
A leurs haineux pour les en g [...]rantir.
¶ C'est lui qui mit ses signes tant horribles
Dedans l'Egypte, & miracles terribles
Dedans Soan, faisant que leurs rivieres
Devinrent fang, voire toutes entieres:
Mesmes aussi leurs ruisseaux, tellement
Qu'on n'en eust peu gouster tant seulement.
¶ Puis envoya toutes sortes de mou [...]ches
Pour les manger jusques dedans leurs cou­ches:
Les sit détruire aux grenoiiil es insectes,
Donna leurs fruits & vignes toutes faites
Aux vermisseaux: & de tons ces méchans
Tout le labeur aux cigales des champs.
¶ Gresta d'enhaut leurs vignesdej [...] prestes,
Sur leurs siguiers envoya ses tempestes:
Tout leur haras meurtrit a coups de [...]reste.
De foudre & seu leur besta [...]l pesle-mesle:
Bref déchargea sa coler? sur eux,
Sa grand' fureur, son courroux rigeureux.
¶ Les sit [...]unir & poursuivre à outrance
Par les espits de sit juste veng [...]ance.
Fit faire place a son ire mortelle.
Sans épargner: & d'une facon telle,
Que leur bestail pour leur [...] donné
Put à la peste & mort abandonne.
*⁎* 6 ¶ Dedans Egypte il [...]lut que mou­russert
Tous les aisnez, en queique part qu'ils fufi [...]t:
Es pavillons de Cham race traitresse,
Dieu fit faillir la sleur de la jeunesse:
Puis fit sortir les moutons de ses parcs,
Et les guida par les deserts épars.
¶ Il les guida seurement & sans crainte,
Couvrit es eaux la multitude esteinte
De leurs haineux: leur ouvrit le passage
Pour arriver à son saint heritage,
Jusques au mont precieux & exquis
Que par son bras lui-mesme s'est acquis.
¶ Il déchassa les gens devant leur face,
Donna leur terre à son peuple en leur place,
Et y logea d'Israël les lignées:
Mais nonobstant ces graces signalées
Ils ont tenté & fasché l'Eternel,
Et n'ont garde son contract solennel:
¶ Mais en suivant la trace mensogere
De leurs ayeuls, sont tournez en arriere,
Et recourbez comme un arc decevable.
Par maint' idole & service damnable
Ils ont tant fait, que le grand Dieu jaloux
A dessus eux deployé son courroux.
*⁎* 7 ¶ Car l'Eternel informé de leur vice
Prit un dépit si grand de leur malice,
Qu'en dédaignant bien fort sa gent eleuë,
Laissa Silo sa maison depourveuë,
Et ce divin Tabernacle a quitté,
Où il avoit longuement habité.
¶ Soussrit mener sa force prisonniere,
Livra sa gloire entre la main meurtriere
De l'ennemi, & sa gent tant méchante
A la merci de l'épée sanglante:
Tant fut alors son courroux allumé
Contre Israël son heritage aimé.
¶ Les feux ardents la force devorerent
Des jeunes gens, les filles demeurerent
Sans nul festin, ni los de mariage:
Prestres facrez cheurent en ce carnage:
Les veuves mesmes en si grandes douleurs
N'ont eu loisir de répandre leurs pleurs.
¶ Mais sur cela comme quand la personne
Apres bien boire engloutie de somne,
Finalement s'ecrie & se réveille:
Dieu s'eveilla, & rendit la pareille
Aux ennemis qu'en derriere il frapa,
Et d'eternel dissame envelopa.
*⁎* 8 ¶ Mais il quitta de Josech l'habi­tacle.
Et d'Ephraïm Jaissant Je tabernacle,
Dedans Juda prit sa maison choisie,
Dedans Sion sa montagne cherie,
La où se voit par lui ecifié
Le haut palais a lui foul dedié.
¶ Son Palais, dis-je, & maison dedié [...];
Qu'il a lui-mesme a jamais appuyée
Autant [...] plus que cette terre ronde:
Puis a choisi seul des hommes du monde
Son serviteur David, quoi que ce soit.
Au bean milieu des brebis qu'il paissoit.
¶ L [...] il le prit prés son bestail champestre
Et lui commit son peuple pour le paistre:
Lui commit, dis- [...]e, Israël son partage:
Et pource aussi David de frane courage
Toujours deputs a ce penple mene,
Et sou, sa m [...]in sagement gouverne.

PSEAUME LXXIX.
Pseaume de priere. Deas, venerunt gentes, &c.

[...] LEs gens entrez sont en ton heritage, Ils ont pollu, Seigneur, par leur outrage Ton Temple fainct, Jerusalem destruite, Si qu'en monceaux de pier­res l'ont reduite. Ils ont baillé les corps De tes serviteurs morts Aux cor­beaux pour les paistre: La chair des bien-vivans Aux animaux suivans Bois & plaine champestre.

¶ Entour la ville où fut ce dur esclandre,
Las! on a veu le sang d'iceux épandre
Ainsi comme eau jettée à l'aventure,
Sans que vivans leur donnast sepulture.
Ceux qui nos voisins sont
En opprobre nous ont,
Nous mocquent, nous dépitent:
Nous nous voyons blasmez,
Et par ceux dissamez
Qui entour nous habitent.
¶ Helas! Seigneur, jusques à quand seras-ca?
Nous tiendras-tu pour jamais hors de grace?
Ton ire ainsi embrasce ardra-t'elle
Comme une grand' stamme perpetuelle?
Tes indignations
Epan sur nations
Qui n'ont ta connoissance:
Ce mal viendroit a point
Aux royaumes qui point
N'invoquent ta puissance.
¶ Car ceux-là ont toute presques éteinte
Du bon Jacob la posterité sainte,
Et en desert totalement tournée
La demeurance à lui par toi donnée.
Las! ne nous ramentoi
Les vieux maux contre toi
Preparez a grand's sommes:
Haste-toi, vienne avant
Ta bonté nous sauvant,
Car fort assligez sommes.
*⁎* ¶ A sliste-nous nostre Dieu secourable,
Pour l'hōneur haut de ton Nom venerable:
Délivre-nous, & te montre propice,
En éloignant les fleaux de ta juslice.
Qu'on ne die au milieu
Des gens, Où est leur Dieu?
Mais puni leurs offenses:
Vueilles de toutes parts
Des tiens le sang epars
Venger en nos presences.
¶ Des prisonniers le gemissement vienne
Jusques au ciel en la presence tienne:
Les condamnez, & ceux qui ja se mearent,
Fai que vivans par ton pouvoir demeurent,
A nos voisins ausli
En leur sein endurci
Sept sois vueilles leur rendre
Le blasme & deshonneur
Que contre toi, Seigneur,
Ont ofé entreprendre.
¶ Et nous alors tō vrai peuple, & tes hōmes,
Et qui troupeau de ta pasture sommes,
Te chanterons par siecles innombiables,
De fils en fils preschent tes faits [...].

PSEAUME LXXX.
Pseaume de priere. Qui regis Israël, intende.

[...] O Pasteur d'Israël écoute, Toi qui conduis la troupe toute De Joseph ainsi qu'un troupeau: Montre nous ton vi sa ge beau, Toi qui te sieds en majesté Entre les Cherubins monté.

¶ Seigneur, sai marcher ta puissance
Devant [...]phraïm, & t'avance
Vers Manasl'é & Benjamin:
Radresse vers [...] ous ton chemin,
Afin que parmi ces assauts
Soyons garentis de tous maux.
¶ O Dieu qui vois comme on nous mene,
Fai que ta bonté nous ramene:
Fai luire sur nous de tes yeux
Le regard doux & gracieux:
Et nous voil [...] hors de tourment
Par un doux regard seulement.
¶ Jusques à quand, Dieu des armées,
Seront tes fureurs allumées
Contre la priere des tiens?
Tu nous as au lieu de tes biens
Repeus d'angoisses & douleurs,
Tu nous as abreuvez de pleurs.
¶ Tu nous as contre nos plus proches
Mis en quer [...]lles & reproches:
Nos haincux s'en moquent bien fort,
Rallie nous, ô Dieu tres-fort:
Fai luire sur nous ta clarté,
Et nous serons a sauveté.
*⁎* Jadis ta vigne as transportée
Hors de l'Egypte, & l'as plantée
Au lieu dont maint peuple as chassé,
Tu lui as son lieu agencé,
Si que de ces bourgeons tous verds
On a veu les champs tous couverts.
¶ On a veu des monts l'estenduë
Cachée en son ombre epanduë,
Et ses rameaux haut forjettez
Comme les cedres hauts montez,
Et ses jettons loin épandus
Du sleuve à la mer estendus.
¶ D'où vient qu'ayant rompu sa haye,
Tu l'as aux passans mis en proye?
D'où vient que les sangliers des bois
L'ont toute gastée à la fois?
Pourquoi des champs les animaux
Ont ils devore ses rameaux?
¶ O Dieu des armées, retourne,
Et que d'erhaut ton oeil se tourne
Pour cette vigne visiter
Que ta main a daigné planter:
Ce provin, dis-je, cultivé,
Pour rendre ton Nom elevé.
¶ Las! elle est en cen [...]re reduite,
Elle est entierement destruite,
Tous p [...]rissent par ton courroux.
Esten ta main, ô Dieu tres-doux,
Sur l'homme à ton bras appuyé,
Et que tu t'es fortisié.
¶ Lors nous n'aurons jamais envie
De te laisser. Ren-nous la vie,
Et nous chanterons ton honneur
Restabli-nous, dis-je, S [...]igneur:
Fai luire sur nous ta clarté,
Et nous ferons à fauveté.

PSEAUME LXXXI.
Pseaume d'action de graces. Exultate Deo Adjutori nos [...]ro.

[...] CHantez gayement A Dieu nostre force, Que tout hautement Au Dieu d'Israël Chant perpetuel Chanter on s'essorce.

¶ Qu'on oye chansons
De douce musique:
Qu'on oye les sons
De harpe & tambour:
Le luth à son tour
Sonne son cantique.
¶ Au premier du mois
Sonnez la trompette,
A toutes les fois
Que pour faire honneur
A son droit Seigneur
Israël fait feste.
¶ Envers Israël
Telle est Pordonnance:
Car c'est l'Eternel
Qui l'a decreté
Pour signe arre [...]
De son alliance.
¶ Lors que traverla
Sa gent veyagera
D'Egypte, & [...],
Sans qu'elle eust [...]ouvoir
D'entendre ou [...]voir
Leur langue estrangere.
*⁎* 1 ¶ De des [...]us son dos
La charge ai oftée,
Arriere des pots,
(Labeur inhumain)
J'ai fait que sa main
Se trouve écartée.
¶ Vers moi as couru
Quand on t'a fait guerre:
Je t'ai secouru,
Je t'ai exaucé,
Me tenant m [...];
D [...]dans mon tonnerre.
¶ Je t'ai é rouve
Es eaux de que [...]elle,
Et t'ayant trouvé
D'un co [...]ur endutci,
Je parlai ainsi
A ton coeur rebrlle:
¶ Mon peuple, enten [...]
Et mon alliance
Ferai ave [...] [...]:
O il tu voulois
D' [...]outer m [...] [...]
Avoir patience!
¶ Ch [...] toi [...]n n'au [...]
Auite Dieu quelconcue
Ft [...]'adoreras.
Hors le Souverain
Au [...]un Dieu forain.
Ne letviras onque.
¶ Car je suis ton Dieu
D'essence eternelle,
Qui t'ai en ce lieu
Mis & attiré,
T'ayant retiré
D'Egypte cruelle.
*⁎* 2 ¶ Ouvre seulement
Ta bouche bien grande,
Et soudainement
Ebahi seras
Quand tu la verras
Pleine de viande.
¶ Mais mon peuple éleu
L'oreille me tenore
N'a jamais voulu:
Mesme estant prié,
Ne s'est soucié
Jamais de m'entendre.
¶ Moi done irrité
L'ai baillé en proye
A la dureté
De son coeur pervers:
A tors & travers,
Pour suivre sa voye.
¶ Helas! que ma gent
N'a ma voye ouïe.
Et que diligent
Israël tout droit
N'a du chemin droit
La sente suivie!
¶ J'eusse en moins de rien
Peu vaincre & désaire
Tout ennemi sien,
Et mon bras tourné
Fust tost ruïné
Tout sien adversaire.
¶ Tous ses ennemis
Remplis de destresse
Sous lui j'eusse mis:
Et ce temps heureux
Fust duré pour eux
Sans sin & sans cesse.
¶ De sleur de froment
Jamais n'eust eu saute,
Voire abondamment
Je l'eusse soulé
Du miel découlé
De la roche haute.

PSEAUME LXXXII.
Pseaume de doctrine. Deus, stetit in synagogua.

[...] DIeu est assis en l'assemblée Des Princes qu'il a assemblée, Et des - plus grands est au milieu, Pour y presider comme Dieu. Jusques à quand juges iniques, Ferez - vous jugemens obliques, Et vers ces méchans dece­veurs Userez - vous de vos faveurs?

¶ Faites au plus ch [...]iss justice,
Jugez pour l'orphelin sans vice:
Justitiez l'homme so [...]é,
Et le pauvre à tort accablé.
Garentisiez de s [...]herie
Le [...]auvre & lasslige qui crie,
Et les triez d'entre les mains
De ces cruels tant inhumains.
¶ Mais dequoi sert la connoissance?
Ils n'ont esprit ni connoissance,
Et suivent leur aveug'ement.
Tout deust-il choir entierement.
Or estes vous, je le confesse;
Comme petits Dieux en hautesse:
Vous estes. dis-je, triomphans,
Comme estans de Dieu les ensans.
¶ Si vous faut il mourir en somme,
Comme on voit mourir un autre homme
Vous Princes, si passerez-vous,
Et cherrez comme l'un de nous.
O Dieu! leve-toi à grand' erre,
Et t'en vien gouverner la terre:
Car à toi de droit appartient
Tout peuple que terre soustient.

PSEAUME LXXXIII.
Pseaume de priere. Deus, quis similis erit tibi?

[...] O Dieu! ne sois plus à recoi, O Dieu! ne demeure plus coi, Et plus [Page]longuement ne t'arreste: Car de tes ennemis la bande, S'émouvant de fu­ri [...] grande, A contre toi levé la teste.

¶ Contre ton peuple proprement
Ils ont arresté sinement
Ce que leur malice imagine:
Et contre ceux qui pour retraite
Sont retirez en ta cachette
Toute leur cautelle machine.
¶ Sus, ont-ils dit, qu'ils soient désaits,
Que de ce peuple & de ses faits
Soit abolie la memoire:
Et que du peuple Israëlite
Mention grande ni petite
Ne soit plus au monde notoire.
¶ Tous coutre toi ont conjuré,
Contre toi ont accord juré
Iduméens, Isinaëlites,
De Moab & d'Agar la race:
Et contre toi levent la face
Les Gabalins & Ammonites:
¶ Les Philistins & Amalec,
Les habitans de Tyr avec,
Toutes leurs forces y déployent:
Assyriens en veulent essre,
Et pour servir de leur bras dextre
Aux ensans de Loth ils s'employent.
¶ Fai leur comme en autre saison
Tu sis sur les eaux de Cison
A Madian en forte guerre,
Quand Sisare & Jabin perirent
Dedans En-dor, & ne servirent
Que d'autant de siens sur la terre.
*⁎* ¶ Fai leur comme à leur chef Oreb,
Et à leur autre chef Ze [...]h,
A Zeba. Salmuna leurs Princes:
Qui avoient dit que par puissance
Ils adjoindroient la demeurance
De l'Eternel à leurs provinces.
¶ Comme une bille va roulant,
Et le tourbillon saboulant
A son gre le sestu promeine:
Comme un seu qui met tout en slamme
Une forest, & qui enslamme
Des grands monts la cime hautaine:
¶ Ainsi ton orage, ô mon Dieu!
Les poursuive, & de lieu en lieu
Les épouvante ta tempelle.
Leur face de honte soit [...],
Asin, Seigneur, que par contrainte
De ton Nom ils fa [...]ent enqueste.
¶ Soient de plus en plus eperdus,
Troublez, honteux, voire perdus:
Asin qu'ils ayent connoissance
Par esset du Nom que tu portes
D'Eternel, & qu'en toutes sortes
Terre te doit obeïssance.

PSEAUME LXXXIV.
Pseaume de priere. Qu.m dilecta tabernacula.

[...] O Dieu des armees combien Le sacré Tabernacle tien Est sur toutes choses aimable! Mon coeur languit, mes sens ravis Defaillent apres tes par­vis. O Seigneur Dieu tres-desirable. Bref, coeur & corps vont s'élevant Jus­ques à toi, grand Dieu vivant.

¶ Les passereaux trouvent logis,
Et les hirondelles leurs nios:
Helas! gra [...]d Dieu [...]es exercites,
Mon Dieu. m [...]n Roi me soustenant,
Où est-ce que sont maintenant
Les autels esquels tu habites?
Bien-heureux qui en ta maison
Te loüera en toute faiton.
¶ O que bien-heureux est celui
Dont tu es la sorce & l'appui,
Et ceux qui ont au coeur ta sente!
Passant le val sec & hideux
Des meuriers chacun courageux
Aveques peine diligente
Fontaines & pui [...]s cavera,
Que mesme la pluye emplira.
*⁎* ¶ De force en force ils marcheront
Jusques à l'heure qu'ils pourront
En Sion devant Dieu se rendre.
O Dieu des armes! Eternel,
De ton haut trône supernel
Vueilles mes prieres entendre:
Dieu de Jacob, en cét émoi,
Je te supplie, exauce moi.
¶ O Dieu, qui es nostre pavois,
Regarde ton Oinct cetre sois:
Car bien mieux vant en to [...]tes sortes
Un jour chez toi que mille ailleurs:
Et sont les estats bien m [...]ille [...]rs
Des simples gardes de [...]es [...]rtes,
Qu'avoir un logis de beauté
Entre les méchans arresté.
¶ Car nostre Seigneur Dieu tres-doux
Est soleil & bonclier pour nous,
Qui nous donra gloire & grace:
Et à tous ceux-là qui vont droit
Nostre bon Dieu en tont endroit
De bien saire point ne se lasse,
Bref, Dieu tres-fort, heureux je [...]cròi
L'homme qui s'appuye sur toi.

PSEAUME LXXXV.
Pseaume de doctrine. Benedixissi, Domine, terram.

[...] AVec les tiens, seigneur, tu as sait paix, Et de Jacob les prisonniers las [...]hez: Tu as quitté à [...] gent ses mesaits, Voire tu as couvert tous ses pechez: Tu as loin d'eux ton dépit [...]etiré, Et ton courroux violent moderé. O Dieu, en qui gist le salut de nous, Restabli nous appaisant ton courroux.

¶ Est ce à toâjours que ton ire estendras,
Et ta furcur de fils en fils ira?
Plútost, Seigneur, la vie nons rendras,
Dequoi ton peuple en toi s'éjouïra.
O Eternel, quoi ne nous ayons fait,
Demontre-nous ta grace par esset:
Et nonobstant tous nos saits vicieux,
Ottroye-nous ton salut glorieux.
¶ Mais quoi? je veux écouter que dira
Le Seigneur Dieu: car à ceux là qui sont
Doux & benins, de paix il parlera,
Et eux aussi plus sages deviendront.
Certes à ceux qui en crainté ont recou [...]
A sa bonté, prochain est son secours:
A celle sin qu'au lieu de tout mechef
Sa gloire habite entre nous derechef.
¶ Misericorde & Foi lors se joindront,
Justice & Paix s'accoller on verra:
Foi sortira de terre contre-mont,
Justice en bas du ciel regardera.
Dieu mesmement nous dōnera ses fruits,
Qui nous seront par la terre produits:
Bref d'evant lui juste gouvernement
Ira son train sans nul empeschement.

PSEAUME LXXXVI.
Pseaume de priere. Inclina, Domine, aurem tuam.

[...] MOn Dieu, preste moi l'oreille Par ta bonté nompareille, Repon moi, car plus n'en puis, Tant pauvre & af fli gé suis. Garde je te pri' ma vie, Car de bien saire ai envi e: Mon Dieu garde ton servant En

l'espoir de toi vivant.
¶ Las! de faire te recorde
Faveur & misericorde
A moi qui tant humblement
T'invoque journellement.
Et donne liesse à l'ame
Du serf lequel te reclame:
Car mon coeur, ô Dieu des Dieux,
[...]'eleve à toi jusqu'aux cieux.
¶ A toi mon coeur se transporte,
O Dieu, bon en toute sorte,
Et à ceux plein de secours
Qui à toi vont à recours.
Donques la priere mienne
A tes oreilles parvienne:
Enten, car il est saison,
La voix de mon oraison.
¶ Dés qu'angoisse me tourmente,
A toi je crie & lamente:
Parce qu'á ma triste voix
Tu répons souventefois.
Il n'est Dieu a toi semblable,
Ni qui te soit comparable,
Ni qui se puisse vanter
De tes oeuvres imiter.
*⁎* ¶ Toute humaine creature
Qui de toi a pris facture
Viendra te glorisier,
Et ton Nom magnifier.
Car tu es grand à merveilles
Et fais choses nompareilles:
Aussi as-tu l'honneur tel
D'estre seul Dieu immortel.
¶ Mon Dieu, montre moi tes voyes,
Afin qu'aller droit me voyes:
Et sur tout mon coeur non seint
Puisse craindre ton Nom saint.
Mon Seigneur Dieu, ta hautesse
Je veux celebrer sans cesse,
Et ton saint Nom je pretens
Glorisier en tout temps.
¶ Car tu as à moi indigne
Montré ta bonté, benigne,
Tirant ma vie du bord
Du bas tombeau de la mort.
Mon Dieu, les pervers mastaillent,
A grand's troupes sur moi saillent,
Et cherchent à mort me voir,
Sans à toi regard avoir.
¶ Mais tu es Dieu pitoyable,
Prompt à merci & ployable,
Tardif à estre irrité,
Et de grand' fidelité.
En pitié donc me regarde,
Baille ta force & ta garde
Au foible serviteur tien,
Et ton esclave soustien.
¶ Quelque bon signe me donne
Qui mes ennemis estonne,
Quand verront que toi, Sauveur,
Me presteras ta faveur.

PSEAUME LXXXVII.
Pseaume de priere & de prophetie. Fundamenta ejus in, &c.

[...] DIeu pour fonder son tres-seur habitacle Es monts sacrez a pris asse­ction, Et mieux aimé les portes de Sion, Que de Jacob nul autre Tabernacle.

¶ O que de toi grandes choses sont dites,
Cité de Dieu! car Egypte & Babel,
Dit le Seigneur. auront un honneur tel,
Qu'entre nies gens elles seront écrites.
¶ Du Tyrien, du Philistin, du More
Il sera dit, Un tel est né de là:
Voire on dira, cettui-ci, cettui-là
Est de Sion, où le vrai Dieu s'adore.
¶ Dieu la viendra munir de sa puissance,
L'Eternel, dis-je, un jour enrollera
Un chacun peuple, & d'un chacun dira,
Tel peuple a pris en Sion là n [...]illance.
¶ Chantres alors à gorge déployée,
Haut-bois aussi chanteront son honneur.
Bref, dedans toi sera, dit le Seigneur.
De tous mes biens l'abondance employée.

PSEAUME LXXXVIII.
Pseaume de priere. Domine, Deus salutis meae, &c.

[...] O Dieu Eternel, mon Sauveur, Jour & nuict devant toi je crie: Par­vienne ce dont je te prie Jusques à toi, par ta faveur. Vueilles, helas! Poreille tendre A mes clameurs pour les entendre.

¶ Car j'ai mon soul d'adversité,
Déja ma vie est mise en terre,
Et parmi ceux-là qu'on enterre
Mon nom est déja recité:
Je suis ainsi qu'un personnage
Qui n'a ni force ni courage.
¶ Je suis entre les morts transi,
Franc & quitte de cette vie:
Comme une personne meurtrie
Dont tu n'as cure ni souci,
Qui est au sepulcre couchée,
Et que ta main a retranchée.
¶ Tu m'as jusques au fond plongé
Des fosses noires & terribles:
Et tes fureurs les plus horribles
De dessus mon chef n'ont bougé:
Bref, tu m'as accablé la teste
Des plus grands slots de ta tempeste.
¶ Estrangé m'as de mes amis,
Et rendu vers eux execrable,
Me voila pauvre miserable,
Enclos au lieu où tu m'as mis,
Sans qu'il y ait nulle puissance
De plus recouvrer delivrance.
*⁎* ¶ Mes yeux sont ternis de langueur:
Seigneur, à toi je me viens rendre
Tous les jours, & mes mains te tendre:
Car montreras-tu la vigueur
De tes puissances les plus fortes
Sur les personnes déja mortes?
¶ Les morts viendront-ils à sortir,
Afin de prescher tes merveilles?
Pourront tes bontez nompareilles
Dans les sepulcres retentir,
Et ta fidelité reluire
En ceux que mort a peu destruire?
¶ Se pourront és tenebres voir
Les grands essets de ta puissance,
Et en la terre d'oubliance
Ta justice s'appercevoir?
Si est-ce, ô Dieu, qu'à toi je crie,
Et dés le matin je te prie.
¶ Las! pourquoi suis-je rejetté?
Pourquoi caches-tu ton visage?
Las! je languis dés mon jeune âge,
En mille sortes tourmenté,
Soustenant tes frayeurs mortelles
Aveques peurs assiduelles.
¶ Tes fureurs ont sur moi passé,
Tes épouvantemens horribles
M'accablent: deluges terribles
Me tiennent tous les jours presté:
Tout cela, dis-je, dont je tremble,
Tout à l'entour de moi s'assemble.
¶ Tu as écarté loin de moi
Ma compagnie plus privée,
Si que ma personne est privée
De tous amis en cét émoi:
Car au milieu de mon angoisse
Je ne voi nul qui me connoisse.

PSEAUME LXXXIX.
Pseaume de priere. Misericordias Domini, &c.

[...] DU Seigneur les bontez sans fin je chanterai, Et sa fi de li té à jamais prescherai: Car c'est un poinct conclu que sa grace est bastie Pour durer à jamais comme on voit establie Dans le pourpris des cieux leur course invariable, Signe seur & certain de son dire immuable.

¶ J'ai sait, dit le Seigneur, un accord affeuré
Aveques mon éleu, & par serment juré
A David mon servant, de faire que sa race
A jamais dureroit: voire auroit cette grace,
Que du trône royal on verroit l'heritage
Sans fin continuer en son heureux lignage.
¶ Les cieux preschent, Seigneur, tes actes merveilleux.
Et ta verité luit en tes Saints bien-heureux:
Car y a-t'il aucun és nuës plus hautaines,
Lequel puisse égaler tes forces souveraines?
Y a-t'il mesme aucune Angelique puissance,
Qui soit à comparer à ta divine Essence?
¶ Dieu au milieu des Saints est plein de Majesté:
Des siens environné, & d'iceux redouté,
D Seigneur, sous lequel toute force est plo­vable:
O puissant Eternel, qui est à toi semblable?
Ta Majesté, Seigneur, de toutes parts est ceinte
De ferme loyauté & constance sans feinte.
*⁎* 1 ¶ C'est toi qui as pouvoir sur les flots de mer.
Et qui peux l'abbaisser s'elle veut écummer.
Tu as vaincu l'Egypte ainsi qu'à coups d'épée,
Et de tes ennemis la force dissipée.
Les hauts cieux sont à toi, tienne est toute la terre.
Tu as fondé le mōode, & tout ce qu'il enserre.
¶ Tu as fait le Midi & le Septentrion:
Hermon avec Tabor s'égayent en ton Nom.
Ton bras est tout-puissant, ta main forte & robuste,
Ta dextre est élevée, & de ton trône juste
Justice & Equité gardent ferme la place:
Clemence & verité marchent devant tà face.
¶ O peuple bien-heureux qui tesait honorer:
Car tel ne peut faillir à toûjours prosperer,
En suivant la clarté de ton oeil debonnaire,
Et s'égaye en ton Nom d'une joye ordinaire,
Se voyant de nouveau par ta ferme justice
Tous les jours honoré de quelque benefice.
¶ Car si nous sommes forts, l'honneur t'en appartient:
Sinous avons pouvoir, tout cela ne nous vient
Que de ta grand' bonté: veu que nostre de­fense
Ne gist qu'au seul Seigneur: & si on nous ossense,
Le Roi qui nous defend n'a force niadresse,
Que du saint d'Israël qui ce biē nous adresse.
*⁎* 2 ¶ C'est toi qui as jadis parlé par ta merci
A tes bons serviteurs, & leur as dit ainsi
En sainte vision, J'ai mon aide assignée
Sur le Puissant, auquel j'ai ma grace donnée:
L'élisant d'entre ceux que mon peuple j'ap­pelle.
C'est affavoir David mon serviteur sidele.
¶ De mon saint oignement j'ai mon Oinct dedié:
Et pour ce aussi mon bras est sur lui appuyé,
Afin qu'en tous assauts toûjours je le rēforce:
Si que son ennemi ne pourra par sa force
Jamais le ruïner: & sous la main inique
Il ne succombera par effort tyrannique:
¶ Mais plûtost ses haineux devant lui frois­serai,
Et tous ses ennemis à plein je déferai:
Ma foi & ma douceur aura pour compagnie,
Et sa corne en mon Nom sera haut ānoblie:
De l'une de ses mains la mer lui ferai prēdre,
Et de l'autre il viendra jusqu'aux fleuves s'étendre
¶ Tu es, medira-t'il, voire tout hautement,
Et mon Pere, & mon Dieu, & mon seur fondement.
Moi aussi d'autre part lui ferai cette grace
D'essre mon fils aisné, & des Rois l'outre­passe.
Ma faveur lui sera à toûjours affeurée,
Et tres ferme à toûiours ma promessejurée.
*⁎*; 3 ¶ l'establirai sa race à perpetuïté,
Et ne sera non plus son regne limité,
Que des cieux la durée. Et si paravanture
Ses fils laissent ma Loi, & de marcher n'ont cure,
En suivant mes edits, mais par outrecui­dance
Transgressent mes statuts, & ma sainte or­donnance:
¶ Enqueste j'en ferai pour punir leurs mé­faits,
Envoyant mes sleaux vangeurs de leurs forfaits:
Mais ma grace pourtant ne sera point cassée,
Ni ma foi envers lui aucunement saussée:
Car mon accord promis jamais je ne viole,
Et ne veux rien chager en ma ferme parole.
¶ J'ai sur ma sainteté une fois fait serment,
Dont je ne mentirai à David nullement,
Qu'à tout jamais sera sa race perdurable,
Et son tròne royal non moins ferme & durable
Qu'est en haut le Soleil & la lune luisante,
Pour témoigner és cieux ma veritécōstante.
¶ Et toutefois tu l'as dédaigné & chassé,
Tu t'es, dis-je, Seigneur, à ton Oinct cour­roucé:
Tu as envers ton serf quitté ton alliance,
Soiiillé & renversé sa royale excellence,
Abbatu tous les murs de ses places fournies,
Et du tout ruïné ses forteresses munies.
*⁎* 4 ¶ Il est à l'abādon des passans exposê,
Il est de ses voisins moqué & méprisé:
Tu as haussé la main aux cruels adversaires,
Et de joye rempli le cocur de ses contraires:
Tu lui as rebouché de son glaive la taille,
Et ne ne l'as affermi au fort de la bataille.
¶ Las! tu as effacé le lustre de son nom,
Et par terre abbatu son trône de renom:
Tu lui as abregé la sleur de sa jeuaesse,
Tu l'as couvert de honte. Helas! donques sans cesse
Voudrois-tu te cacher? & de ton ire ar­dente
La slamme sera-t'elle à jamais permanente?
¶ Souvienne-toi quel temps m'est pour vi­vre ordonné:
Car as-tu pour neant l'hōme ainsi façonné?
Où est l'hōme vivant qui de la mort échape,
Et que la forte main du sepulcre n'attrape?
Helas! Seigneur, où est ta clemence an­cienne
Jurée à ton David par la verité tienne?
¶ Souvien-toi de l'opprobre à tes serviteurs fait,
Et que je porte au sein l'outrage & le forfait
De plusieurs gens, Seigneur, qui t'assaillent d'injures,
Et qui vont diffamans de ton Christ les allures.
Or soit de l'Eternel la loüange eternelle,
Ainsi, ainsi soit-il, en la troupe fidele.

PSEAUME XC.
Oraison de Moyse serviteur de Dieu. Domine, refugium.

[...] TU as esté, Seigneur, nostre retraite, Et seur recours de lignée en ligné e: Mesme devant nulle montagne née, Et que le monde & la terre [Page]fust faite, Tu estois Dieu déja comme tu es, Et comme aussi tu seras à jamais.

¶ Quand il te plaist, tu fais l'homme dis­soudre,
Disant ainsi, Creatures mortelles,
Je vous enjoins de retourner en poudre:
Car devant toi mille années sont telles
Comme nous est le jour passé d'hier,
Ou d'une nuict seulement un quartier.
¶ Tu viens verser dessus eux ton orage:
Lors ils s'en vont comme un songe qui passe,
Et ne leur faut que d'un matin l'espace
Pour les fener ainsi comme l'herbage,
Verd au matin avec sa belle fleur,
Fauché le soir sans force ni couleur.
¶ Car ton courroux nous détruit & ruïne,
Et grandement épouvantez nous sommes
Par ta fureur, quand ta face divine
Met devant soi tous les pechez des hommes,
Appercevant de ses clairs yeux ouverts
Jusques aux sonds des secrets plus couverts.

*⁎* *⁎*

¶ Ensin voila que nos beaux jours deviēnent
Par ton courroux, & la vie s'envole
Aussi soudain qu'en l'air fait la parole.
Ainsi nos jours volontiers ne reviennent
Qu'à septante ans, ou quatre-vingts pour ceux
Qui ont le corps plus fort & vigoureux.
¶ Encor la fleur de cette vie est telle,
Qu'on est toûjours on peine & en martyre:
Elle s'en fuït, & nous aveques elle.
Et qui connoist la force de ton ire?
Car mesme au pris qu'on connoist ton pouvoir,
Ton ire aussi se fait appercevoir.
¶ Or donc, Seigneur, appren-nous à com­prendre
Combien est court le cours de nostre vie:
A celle sin que nous n'ayons envie
De l'employer qu'à ta sagesse apprendre.
Retourne, helas! combien languirons-nous?
Et sur tes serss appaise ton courroux.
¶ Dés le matin ta bonté nous remplisse,
A celle fin qu'en liesse en joye
Le cours entier de nos jours s'accomplisse:
Et tout plaisir maintenant nous ottroye,
Au lieu des ans & jours tant douloureux,
Qu'avons senti ton courroux rigoureux.
¶ En tes servans soit ton oeuvre apparente,
Et ta grandeur en leurs enfans reluise:
Autour de nous soit la gloire excellente
De nostre Dieu, & nos oeuvres conduise:
Voire, Seigneur, de nous pauvres humains
Condui toûjours & l'ouvrage & les mains.

PSEAUME XCI.
Pseaume de doctrine. Qui habitat in adjutorio Altissimi.

[...] QUi en la garde du haut Dieu Pour jama is se re╌ti╌re, En ombre bonne & en fort lieu Re╌ti╌ré se peut di╌re, Conclu donc en l'entende­ment, Dieu est ma garde seure, Ma haute tour & sondement, Sur lequel je m'asseure.

¶ Car du subtil laqs des chasseurs
Et de toute l'outrance
Des pesliferez oppresseurs
Te donra delivrance.
De ses plumes te couvrira,
Seur seras sous son aile:
Sa defense te servira
De targe & de rondelle.
¶ Si que de nuict ne craindras point
Chose qui épouvante,
Ni dard, ni sagette qui poind,
De jour en l'air volante:
Ni peste aucune cheminant
Lors qu'en tenebres sommes,
Ni mal soudain exterminant.
En plein midi les hommes.
¶ Quand à ta dextre il en cherroit
Mille, & mille à senestre,
Leur mal de toi n'approcheroit,
Quelque mal que puisse estre:
Mais sans essroi devant tes yeux
Tu les verras défaire,
Regardant les pernicieux
Recevoir leur salaire.
*⁎* ¶ Et tout pour avoir dit à Dieu
Tu es la garde mienne:
Et avoir mis en si haut lieu
La confiance tienne.
Mal-heur ne te viendra chercher,
Tien-le pour [...] vraye,
Et de ta maison approcher
Ne pourra nulle playe.
¶ Car il fera commandement
A ses Anges tres dignes
De te garder soigneusement,
Quelque, part que chemines.
Par leurs mains seras soûlevé,
Asin que d'aventure
Ton pied ne choppe, & soit grevé
Contre la pierre dure.
¶ Sur lionceaux & sur aspics,
Sur lions pleins de rage,
Et sur dragons qui valent pis,
Marcheras sans dommage.
Car voici que Dieu dit de toi,
D'ardent amour m'honore:
Il sera garenti par moi,
Car mon Nom il adore.
¶ M'invoquant je l'exaucerai
Toûjours pour le defendre,
En dur temps avec lui serai,
A son bien veux entendre.
Et faire de ses ans le cours
Tout à son desir croistre:
En effet quel est mon secours
Je lui ferai connoistre.

PSEAUME XCII.
Pseaume de consolation. Bonum est consiteri Domino.

[...] O Que c'est chose belle De te loüer, Seigneur, Et du Tres-haut l'hon­neur Chanter d'un coeur sidele: Preschant à la venu ë Du matin ta bonté, Et ta fi de li té Quand la nuict est ve nu ë.

¶ Sur la douce musique
Du Manicordion,
Luth & Psalterion,
Et Harpe magnifique.
Joye au coeur m'ont livrée
Tes ouvrages tres-saints:
Dont és saits de tes mains
Il faut que me recrée.
¶ O Dieu, quelle hautesse
Des oeuvres que tu fais,
Et quelle est en tes faits
Ta prosonde sagesse!
A ceci rien connaistre
Ne peut l'homme abruti,
Et le sot abbessi
Ne scait ce que peut estre.
¶ Que les pervers verdissent
Comme l'herbe des champs,
Et des actes méchans
Les prompts ouvriers fleurissent:
Pour en ruïne extréme
Trebucher à jamais:
Mais, ô Seigneur, tu es
A jamais Dieu supréme.
*⁎* ¶ Voici, tes haineux, Sire,
Tes haineux defaudront,
Et les méchans viendront
A se fondre & détruire.
Mais cependant ma corne
En haut tu leveras:
Et marcher me feras
Haut comme une licorne.
¶ l'aur [...]i tesse graissée
D'huile fresche, & mes yeux
Verront sur mes haineux
L'esset de ma pensée.
De ces pervers damnables
Qui mille maux me sont,
Mes oreilles orront
Nouvelles agreables.
¶ Ainsi crosstra le juste,
Verdoyant chacun an,
Comme un cedre au Liban,
Et la palme robuste.
Bref, les heureuses plantes
De la maison de Diea
Seront au beau milieu
Des parvis florissantes.
¶ Mesmes en leur vieillesse
Produiront fruits divers:
Car vigoureux & verds
On les verra sans cesse.
Pour prescher la droiture
Du Seigneur mon appui,
Sans qu'il y ait en lui
Aucune forfaiture.

PSEAUME XCIII.
Pseaume de consolation. Dominus regnavit, decorem.

[...] DIeu est regnant de grandeur tout vestu, Ceint & paré de force & de vertu, Ayant le monde appuyé tellement, Qu'il ne peut estre ébranlé [Page] [...] [Page] [...] [Page] [...] [Page] [...] [Page] [...] [Page] [...] [Page] [...] [Page] [...] [Page]nullement.

¶ Ferme dés lors ton saint trône a esté,
O Dieu, qui es de toute eternite.
Le son est grand d'un fleuve impetueux,
Grand est le son des flots tempestueux.
¶ Mais quoi que soit l'Ocean courrouce,
Et le bruit grand de son flot entassé,
Le Souverain eslant assis és cieux
Est bien plus grand & redoutable qu'en.
¶ O Eternel, fideles & certains
Sont tes edits & témoignages saints,
Suivant lesquels en tout temps & saison
Ta Sainteté ornera ta maison.

PSEAUME XCIV.
Pseaume de consolation. Deus ultionuni Dominus, &c.

[...] O Eternel! Dieu des vengeances, O Dieu punisseur des offenses, Fai toi connoistre clairement. Toi gouverneur de l'univers, Hausse toi pour rendre aux pervers De leur orgueil le payement.

¶ Jusques à quand des méchans la bande,
Jusqu'a quand en fierté si grande,
Seigneur, les malins se riront?
Ceux qui à mal prennent plaisir,
De gaudir auront le loisir,
Et bravement se vanteront.
¶ O Seigneur, ton peuple ils outragent,
Ton sainct heritage ils fourragent,
Et pillent sans nulle merci:
Meurtrisfent veuve & estranger,
Tuent l'orphelin sans danger:
Et qui plus est, disent ainsi.
¶ Dieu n'en scait rien: & somme toute,
Le Dieu de Jàcob ne voit goutte
En nos faits si bien agencez.
O les plus fols & idiots
D'entre le peuple! ô pauvres sots!
Serez-vous toûjours insensez?
¶ Celui qui a planté l'oreille,
Et formé des yeux la merveille,
N'orra-t'il point, ni ne verra?
Lui qui sur les gens a pouvoir,
Et de qui dépend tout sçavoir,
Jamais ne vous corrigera?
*⁎* ¶ Las! le Seigneur sçait qui nous som­mes,
Et que les pensées des hommes
Ne sont rien que vanité.
Heureux qui est appris de toi,
Et qui bien instruit en ta Loi,
Seigneur, y a bien profité:
¶ Afin qu'en seurté il repose,
Quand le plus dur temps lui propose
Toute angoisse & adversité:
Cependant que le tombeau creux
Se cave au méchant mal-heureux,
Pour fin de sa felicité.
¶ Car jamais Dieu n'aura courage
D'abandonner son heritage,
Quittant de son peuple l'appui:
Mais quand son temps propre il verra,
Justice à son poinct menera,
Et les bons courront apres lui.
¶ Où est celui qui me secouro
Contre les malins, & qui [...]coure
S'opposer au méehant pour [...]noi?
Si Dieu ne m'eust son bras tendu,
J'eusse esté bien-tost estendu
Dans le sepulere tout coi.
¶ Lors que j'ai pehse [...] que la plante
De mon pied s'en alloit glissante,
Soustenu m'as par ta bonté:
Et as recree mes esprits,
Seigneur, lors que j'estois épris
D'angoisse & de perplexité.
¶ Quelle est, ô Dieu, ta convenance
Avec le siege de grevance,
N'autorisant que le tort?
Ils en veulent aux gens de bien:
Et combien qu'ils ne valent rien,
Condamnent l'innocent à mort.
¶ Mais mon Dieu est ma soustenance,
Et l'appui de mon esperance:
Payez seront de leurs forfuits:
L'Eternel les ruïnera,
Nostre Dieu les abysmera
Par les propres maux qu'ils ont faits.

PSEAUME XCV.
Pseaume de doctrine. Venite exultemus Domino.

[...] SUs, égayons-nous au Seigneur, Et chantons hautement l'honneur De [Page]nostre salut & defense. Hastons nous de nous presenter Devant sa face & de chinter Le los de sa magnificence.

¶ Car c'est le grand Dieu glorieux,
Grand Rol par deslus tous les Dieux,
Qui dedans sa main tient la terre:
Voire jusqu'au lieu plus profond,
Et de la cime jusqu'au fond
Tient des monts la hauteur en serre.
¶ A lui seul la mer appartient,
Car il l'a saite & la soustient,
Et la terre est sa creature.
Sus done, tombons, enclinons-nous
Devant l'Eternel à genoux,
Nous pauvres, humains sa facture.
¶ Il est nostre Dieu tout-puissant,
Nous son peuple qu'il va paissant
Comme troupeau de sa conduite.
Oyans donc auiourd'hui sa voix,
Gardez vostre coeur qu'une fois
S'endurcislant ne se dépite:
¶ Comme en Meriba és deserts,
Et Massa, vos peres pervers.
Dit le Seigneur, jadis me sirent:
Où longuement ils m'ont tenté,
Et souvent experimenté
Par mes ouvrages qu'ils y virent,
¶ Durant quarante ans en effet
Cette race de gens m'a fait
Dix mille ennuis: dont je disoye,
Voici bien un peuple insensé,
Et qui n'a nullement pensé
A seavoir de son Dieu la voye.
¶ Et pour ce estant en mes esprits,
De juste fureur tout épris,
Je jurai pour chose asseurée,
Si jamais ces méchans ici,
Puis qu'ils se defient ainsi,
Dedans mon repos ont entrée.

PSEAUME XCVI.
Pseaume de prophetie & d'action de graces. Cantate Domino, &c.

[...] CHantez à Dieu chanson nouvelle, Chantez, ô terre universelle: Chan­tez, & son Nom benissez, Et de jour en jour annoncez Sa delivrance solen­nelle.

¶ Preschez à tous peuples sa gloire,
Et de ses grands faits la memoire:
Car il est grand, & sans douter,
Plus à loüer & redouter
Que tous les Dieux qu'on sçauroit croire.
¶ Car ces Dieux qui les gens estonnent
Sont vains, & ceux qui s'y adonnent:
Mais l'Eternel a fait les cieux,
Force & empire glorieux
Vont devant lui, & l'environnent.
¶ Puissance & Majesté sans feinte
Se tiennent en sa maison sainte.
Sus donques, tous peuples, venez,
Toute force & gloire donnez
A l'Eternel en toute crainte.
*⁎* ¶ Loüez l'Eternel d'une sorte,
Qui à sa grandeur se rapporte:
Venez humblement, nations,
Et prenant vos oblations,
Passez de ses parvis la porte.
¶ Qu'un chacun, dis-je, se rassemble,
Asin a'dorer tous ensemble
Devant l'Eternel, au pourpris
De son sanctuaire de prix,
Et que toute la terre en tremble.
¶ Toute gent, où elle puisse estre,
Die que l'Eternel est maistre:
Car le monde il establira
Pour jamais alors qu'il sera
Justement conduit par sa dextre.
¶ Qu'on oye donc sous cét empire
Cieux s'éjouïr, la terre rire,
Tonner l'Ocean spacieux:
Champs s'égayer, & avec eux
Les forests sa loüange bruire.
¶ Car il est, car il est en voye,
Afin qu'à la terre il pourvoye:
Jugeant le monde justement,
Et tous peuples entierement,
Sans qu'en rien jamais il fourvoye,

PSEAUME XCVII.
Pseaume de doctrine avec prophelie. Dominus regnavit exult.

[...] L'Eternel est regnant, La terre maintenant En soit joyeuse & gaye, Toute isle s'en égaye: Espaifse ob scu ri té Cache sa Majesté: Justice & jugement Sont le seur fondement De son trône arresté.

¶ Grands seux estincelans
Devant lui sont brûlans
Pour ses haineux éprendre,
Et les reduire en cendre.
Son éclair foudroyant,
Du monde flamboyant
Reluit tout à l'entour:
La terre tout autour
S'estonne en le voyant.
¶ Comme la cire au feu,
Il n'y a devant Dieu,
Grand Dieu de tout le monde,
Montagne qui ne fonde.
Voire mesme des cieux
Le grand tour spacieux
A sa justice veu,
Et la terre apperceu
L'Eternel glorieux.
*⁎* ¶ Soient confus & défaits
Tous ces Dieux contrefaits,
Et toutes ces gens foles
Qui servent leurs idoles.
O Dieux, venez-y tous
L'adorer à genoux:
Sion qui l'a ouï,
D'un coeur tout réjouï
S'égaye aveques vous.
¶ Tes jugemens, Seigneur,
Ont fait que ton honneur
Et gloire ont celebrée
Les filles de Judée.
Car en ta Majesté
Tu es plus haut monté
Que ces terrestres lieux:
Mesmes sur tous les Dieux
Tu es haut exalté.
¶ Vous de Dieu les amis,
Montrez coeurs ennemis,
Voire du tout contraires
A tous méchans affaires.
Car il tient de ses Saincts
La vie entre ses mains:
Si on les veut fascher,
Il peut les arracher
Aux tyrans inhumains.
¶ Le clair jour est semé
Au juste bien-aimé:
Tout plaisir, quoi qu'il tarde,
Aux droits de coeur se garde.
Vous donc, justes, venez,
Et joye demenez
En l'honneur de son Nom,
Et à son sainct renom
Toute gloire donnez.

PSEAUME XCVIII.
Pseaume de doctrine avec prophetie. Cantate Domino canticum.

[...] CHantez à Dieu nouveau cantique, Car il a puissamment ouvré, Et par sa force magnifique Par soi-mesme il s'est delivré. Dieu a fait le salut connoistre Far lequel sommes garantis, Et sa justice fait paroistre En la presence des Gentils.

¶ De sa bonté plus cordiale
Il lui a pleu se souvenir,
Et de sa verité loyale
Pour son Israël maintenir.
Le salut que Dieu nous envoye
Jusqu'au bout du monde s'est veu,
Sus donc, qu'en plaisir & en joye
Tout cét Univers soit émeu.
¶ Qu'on crie, qu'on chante, & resonne,
Et de la harpe & de la voix:
Que devant Dieu, dis-je, on entonne
Nouveaux cantiques cette fois.
Devant sa face glorieuse
Cors & clairons soient éclatans,
Tonne la grand' mer spacieuse,
Et le monde & ses habitans.
¶ Que devant Dieu les fleuves mesme,
Frapent des mains tout éjouïs,
Voire crier de joye extréme
Les plus durs rochers soient ouïs.
Car il vient regir & conduire
Tout cét Univers, & sera
Juste & droiturier son empire,
Quand tout peuple il gouvernera.

PSEAUME XCIX.
Pseaume de consolation. Dominus regnavit irascantur.

[...] OR est maintenant L'Eternel regnant, Peuples obstinez En soient estonnez: Cherubins sous lui Lui servent d'appui: Que la terre toute Tremblant le redoute.

¶ Grand est le Seigneur
Assis en honneur
Au mont de Sion:
Toute nation
Le voit haut monté:
Dont sera chanté
Son grand Nom terrible
Et sainct au possible.
¶ Ce grand Roi tant fort
N'aime rien si fort
Que droit jugement:
Droit gouvernement
Il a ordonné,
Et Jacob mené
Par son soin & cure
En toute droiture.
¶ Sus donc, en ce lieu
Loüez nostre Dieu,
Tous humiliez
Tombez à ses pieds,
Car sainct est son Nom.
Moyse & Aaron
Ont bien fait l'office
De son sacrifice.
*⁎* ¶ C'est celui auquel
Jadis Samuel
Addressoit sa voix,
Quand tout à la fois
Le peuple crioit,
Et son Dieu prioit,
Qui à leur semonce
Donnoit sa réponse.
¶ Des nuës des cieux
Il parloit à eux,
Montrant haut & clair
Sa colomne en l'air:
Eux aussi gardoient
Ses loix, & tenoient
Chere l'ordonnance
De son alliance.
¶ O Dieu de nous tous,
Tu leur fus si doux:
Que de les ouïr
Et faire jouïr
De grace & pardon:
Toutefois selon
Leurs grands malefices
Punissans leurs vices.
¶ Soit loüé tout haut
Nostre Dieu d'enhaut:
Soit à deux genoux
Adoré de vous,
Au mont qui lui plaist:
Car c'est lui qui est
Dieu rempli, sans seinte,
De gloire tres-saincte.

PSEAUME C.
Pseaume d'action de graces. Jubilate Deo omnis terra.

[...] VOus tous qui la terre habitez, Chantez tout haut à Dieu, chantez: Servez a Dieu joyeusement, Venez devant lui gayement.

¶ Sçachez qu'il est le Souverain,
Qui sans nous, nous fit de sa main,
Nous, dis-je, son vrai peuple acquis,
Et le troupeau de son pasquis.
¶ Entrez és portes d'icelui,
Loüez-le & celebrez chez lui,
Par tout son honneur avancez,
Et son tres-sainct Nom beniflez.
¶ Car il est Dieu plein de bonte,
Et dure sa benignité
A jamais: voire du Tres-haut
La verité jamais ne faut.

PSEAUME CI.
Pseaume de doctrine, touchant l'estat & gouvernement politique. Misericordiam & judicium, &c.

[...] VOuloir m'a pris de mettre en écriture Pseaume parlant de bonté & droituré: Et je le veux à toi, mon Dieu, chanter, Et presenter.

¶ Tenir je veux la voye non nuisible:
Quand viendras-tu me rendre Roi paisible?
D'un coeur tout pur conduirai ma maison
Avec raison.
¶ Rien de mauvais d'y voir n'aurai envie,
Car je hais trop les méchans & leur vie:
Un seul d'entr'eux autour de moi adjoint
Ne sera point.
¶ Tout coeur ayant pensée déloyale
Délogera hors de ma cour royale:
Et le méchant n'y sera bien venu,
Non pas connu.
¶ Qui par médire à part son prochain greve,
Qui a gros coeur & les sourcils éleve,
L'un mettrai bas, l'autre soussrir pour vra [...]
Je ne pourrai.
¶ Mes yeux seront fort diligens à querre
Les habitans fideles de la terre,
Pour estre à moi qui droite voye ira,
Me servira.
¶ Qui s'étudie à user de fallace,
En ma maison point ne trouvera place:
De moi n'aura mensonger ni baveur
Bien ni faveur.
¶ Mais du païs chaf [...]erai de bonne heure
Tous les méch [...]s, tant qu'un seuln'y demeure,
Pour du Seigneur nettoyer la cité
D'iniquité.

PSEAUME CII.
Pseaume de consolation. Domine, exaudi orationem.

[...] SEigneur, enten ma requeste, Rien n'empesche ni n'arreste Mon cri d'al­ler jusqu'à toi, Ne te cache point de moi. En ma douleur nompareille Tourne vers moi ton oreille, Et pour m'ouïr quand je crie, Avance toi, je te prie.

¶ Car ma vie est consumée
Comme vapeur de fumée,
Mes os sont secs tout ainsi
Qu'un tison: mon coeur transi
Ainsi qu'une herbe fauchée
Perd sa vigueur retranchée:
Si que je n'ai soin ni cure
De prendre ma nourriture.
¶ Mes os & ma peau se tiennent
Pour les ennuis qu'ils soûtiennent:
Dont, helas! ma triste voix
Pleure & gemit tant de fois.
Je suis au butor semblable
Du desert inhabitable:
Je suis comme la choiiette
Qui fait au bois sa retraitte.
¶ Comme durant son veuvage
Le passereau sous l'ombrage
D'un toit couve ses ennuis,
Ainsi je passe les nuits.
Mes haineux m'ont dit outrages,
Et de furieux courages
Font de moi un formulaire
De maudisson ordinaire.
*⁎* 1 ¶ Au lieu de pain la poussiere
Est ma vie coustumiere:
Mon bruvage en mes douleurs
Je meste aveques mes pleurs,
Pour la fureur de ton ire:
Car m'ayant élevé, Sire,
Tu m'as fait si dure guerre,
Que j'en suis allé par terre.
¶ Mes jours passent comme une ombre
Qui s'en va obscur & sombre:
Je suis fené & seché
Comme foin qu'on a fauché.
Mais, ô Seigneur, ta demeure
Eternellement demeure,
Et de ton Nom venerable
La memoire est perdurable.
¶ Tu te releveras donques.
Et auras, si tu l'eus onques,
Pitié & compassion
De ta cité de Sion.
Car il est temps que tu ayes
Compassion de ses playes,
Puis que voyons terminée
La saison qu'as assignée.
¶ Car jusqu'aux pierres d'icelle
S'estend de tes serfs le [...]e,
Ayans pitié de la voir
Tout en poudre se déchoir.
Peuples trembleront en crainte
Devant ta Majesté sainte,
Et de tous Rois l'excellence
Craindra ta magnificence.
¶ Car Sion toute défaite
S'en va du Seigneur refaite:
Lui qui nous a recouru,
En sa gloire est apparu.
De ses pauvres solitaires
Les complaintes ordinaires
Il n'a point mis en arriere,
Ni méprisé leur priere.
*⁎* 2 ¶ En registre sera mise
Une si grande entreprise,
Pour en faire souvenir
A ceux qui sont à venir.
Et la gent à Dieu sacrée,
Comme de nouveau creée,
Lui chantera la loiiange
De cè bien-fait tant estrange.
¶ Car le Seigneur debonnaire
Du haut de son Sanctuaire,
Voire du plus haut des cieux,
Vers terre a baissé les yeux,
Pour ouïr la voix plaintive
De sa pauvre gent captive,
Et la tirer de la peine
De mort qui lui est prochaine:
¶ Asin que de Dieu la gloire
Dedans Sion soit notoire,
Et le los de sa bonté
En Jerusalem chanté:
Quand des gens les assemblées
Seront toutes assemblées,
Et les Rois de leur puissance
Lui rendront obeïssance.
*⁎* 3 ¶ Voyant ma force amortie
En chemin, & de ma vie
Par lui racourci le cours,
J'ai dit, ô Dieu mon secours,
Ne m'aba point sans resource
Au beau milieu de ma course:
Car tes ans qui point ne muent
D'âge en âge continuent.
¶ La terre as faite & assise,
C'est toi qui la main as mise
Aux cieux pour les compasser,
Et tout cela doit passer:
Mais quant á toi, tu demeures
Pendant qu'arrivent les heures,
Qu'ils vieilliront ainsi comme
Les habillemens d'un homme.
¶ Comme une robbe qu'on porte,
Tu les changeras de sorte,
Qu'eux & le lustre qu'ils ont
Pour certain se changeront.
Mais quand à toi, Dieu supréme,
Tu te tiens toûjours de mesme,
Et ta constante durée
Est pour jamais asseurée.
¶ Et pourtant, selon ta grace,
De tes serviteurs la race
Aura logis arresté,
Voire à perpetuïté:
Et de tes Saints la semence
Sera devant ta prefence
En asseurance establie,
Sans jamais estre assoiblie.

PSEAUME CIII.
Pseaume d'action de graces. Benedic, anima mea, Domino.

[...] SUs loiiez Dieu, mon ame, en toute chose, Et tout cela qui dedans moi repose, Loiiez son Nom tres-sainct & accompli: Presente à Dieu loii­anges & services, O toi, mon ame! & tant de benefices, Qu'en as re­ceu, ne les mets en oubli.

¶ Mais le beni, lui qui de pleine grace
Toutes tes grand's iniquitez essace,
Et te guerit de toute infirmité.
Lui qui rachete & retire ta vie
De dure mort qui t'avoit asservie,
T'environnant de sa benignité.
¶ Lui qui de biens à souhait & largesse
Emplit ta bouche, en faisant ta jeunesse
Renouveller, comme à l'aigle royal.
C'est le Seigneur, qui toûjours se recorde
De faire droit par sa misericorde
Aux oppressez, tant est Juge loyal.
¶ Au bon Moyse, afin qu'on ne fourvoye,
Manifester voulut sa droite voye,
Et aux enfans d'Israël ses hauts faits.
C'est le Seigneur en [...]lin à pitié douce,
Prompt à merci, & qui tard se courrouce,
C'est en bonté le parfait des parfaits.
¶ Il est bien vrai, quand par nostre incōstance
Nous l'ossensons, qu'il nous menace & tāce:
Mais point ne tient son coeur incessāment.
Selon nos maux point ne nous fait: mais certes
Il est si doux, que selon nos dessertes
Ne nous veut pas rendre le chastiment.
¶ Car à chacun qui craint lui faire faute,
La bonté sienne il démontre aussi haute,
Comme sont hauts sur la terre les cieux:
[...]
[...]
Aussi loin qu'est la part Orientale
De l'Occident, à la distance egale,
Loin de nous met tous nos faits vi [...]ieux.
*⁎* ¶ Comme aux enfans est piteux un bon pere,
Ainsi pour vrai à qui lui obtempere,
Le Seigneur est de douce affection:
Car il connoist dequoi sont faits les hommes,
Il sçait tres bien, helas! que nous ne sōmes
Rien sinon poudre & putrefaction.
¶ A herbe & foin semblent les jours de l'homme,
Pour quelque temps il fleurit ainsi comme
La fleur des chamos qui nutriment reçoit:
Puis en sentant d'un froid vent la venuë,
Tourne à neant, tant que plus n'est connuë
Du lieu auquel n'agueres fleurissoit.
¶ Mais la merci de Dieu est eternelle
A qui le craint: & trouveront en elle
Les fils des fils justice & grand' bonté.
J'entens ceux-là qui son contract obser­vent,
Et qui sa Loi en memoire reservent,
Pour accomplir sa sainte volonté.
¶ Dieu a basti, sans qu'il branle, n'empire,
Son trône aux cieux: & dessous son empire
Tous autres sont & soûmis & ployez.
Or loiiez Dieu, Anges de vertu grande,
Anges de Dieu, qui tout ce qu'il comande
Faites si-tost que parler vous l'oyez.
¶ Benissez Dieu, son armée tant sainte,
Ministres siens, qui d'accomplir sans feinte
Ses mandemens n'estes point paresseux:
Tous ses hauts faits en chacun sien royaume,
Benissez Dieu: & pour clorre mon Pseaume,
Loiiez-le aussi, mon ame, aveques eux.

PSEAUME CIV.
Pseaume de loiiange. Benedic, anima mea, Domino.

[...] SUs, sus, mon ame, il te faut dire bien De l'Eternel: ô mon vrai Dieu, combien Ta grandeur est excellente & notoire! Tu es vestu de splendeur & de gloire: Tu es vestu de splendeur proprement, Ni plus ni moins que d'un accoustrement, Pour pavillon qui d'un tel Roi soit digne, Tu tends le ciel ainsi qu'une courtine.

¶ Lambrissé d'eaux est ton palais vouté:
Au lieu de char sur la nuë est porté:
Et les forts vents qui parmi l'air soûpirēt,
Ton chariot avec leurs ailes tirent.
Des vents aussi diligens & legers
Fais tes herauts, postes & messagers:
Et foudre & feu, fort prompts à ton service,
Sont les sergens de ta haute justice.
¶ Tu as assis la terre rondement
Par contrepoids, sur son vrai fondement:
Si qu'a jamais sera ferme en son estre,
Sans se mouvoir n'a dextre n'a senestre.
Auparavant de profo [...]de & grand' eau
Couverte estoit ainsi que d'un manteau:
Et les grand's eaux faisoient toutes à l'heure
Dessus les monts leur arrest & demeure.
¶ Mais aussi-tost que les voulus tancer,
Bien-tost les fis partir & s'ava [...]cer:
Et à ta voix qu'on oit tonner en terre,
Toutes de peur s'enfuïrent grand' erre.
Montagnes lors vinrent à se dresser,
Pareillement les vaux à s'abbaisser,
En se rendant droit à la propre place
Que tu leur as établi de ta grace.
*⁎* 1 ¶ Ainsi la mer bornas par tel cōpa [...],
Que son limite elle ne pourra pas
Outrepasser: & fis ce beau chef-d'oeuvre,
Afin que plus la terre elle ne coeuvre.
Tu fis descendre aux vallées les eaux,
Sortir y fis fontaines & ruisseaux,
Qui vont coulans, & passent & murmurent
Entre les monts qui les plaines emmurent.
¶ Et c'est afin que les bestes de [...] champs
Puissent leur soif estre là étanchans,
Beuvans à gré toutes de ces breuvages,
Toutes, je dis, jusqu'aux asnes sauvages.
Dessus & prés de ces ruisseaux courans
Les oiselets du ciel sont demeurans,
Qui du milieu des fueilles & des branches
Font resonner leurs voix nettes & franches.
¶ De tes hauts lieux par art autre qu'humain,
Les monts pierreux arrouses de ta main:
Si que la terre est toute soule & pleine
Du fruit venant de ton labeur sans peine.
Car ce faisant, tu fais par monts & vaux
Germer le foin pour jumens & chevaux:
L'herbe à servir l'humaine creature,
Lui produisant de la terre pasture.
¶ Levin pour estre au coeur joye & confort,
Le pain aussi pour rendre l'homme fort:
Semblablement l'huile afin qu'il en fasse
Plus reluissante & joyeuse sa face.
Tes arbres verds prennent accroissement,
O Seigneur Dieu! les cedres mesmement
Du mont Liban, que ta bonté supréme
Sans artifice a plantez elle-mesme.
¶ La font leurs nids, car il te plaist ainsi,
Les passereaux & les passes aussi:
De l'autre part sur hauts sapins besogne
Et y bastit sa maison la cigogne.
Par ta bonté les mōts droits & hautains
Sont le resuge aux chevres & aux dains:
Et aux conils & liévres qui vont viste
Les rochers creux sont ordonnez pour giste.
*⁎* 2 ¶ Que dirai plus? la claire Lune fis,
Pour nous marquer les mois & jours prefix:
Et le Soleil, dés qu'il leve & éclaire,
De son coucher a connoissance claire.
Apres en l'air les tenebres épars,
Et lors se fait la nuict de toutes parts,
Durant laquelle aux champs sort toute beste
Hors des sorests pour se jetter en queste.
¶ Les lionceaux mesmes lors sont issans
Hors de leurs creux, bruyans & rugissans
Apres la proye, afin d'avoir pasture
De toi, Seigneur, qui sçais leur nourriture.
Puis aussi-tost que le Soleil fait jour,
A grands troupeaux revont en leur sejour:
Là où tous cois se couchent & reposent,
Et en pa [...]tir tout le long du jour n'osent.
¶ Et alors sort l'homme sans nul danger,
Pour s'aller droit à son oeuvre ranger,
Et an labeur, soit de champs, soit de prée,
Soit de jardins, jusques à la vesprée.
O Seigneur Dieu! que tes oeuvres divers
Sont merveilleux par ce grand univers!
D que tu as tout fait par grand' sagesse!
Bref, la terre est pleine de ta largesse.
¶ Quant à la grand' & spacieuse mer,
On ne sçauroit ni nombrer ni nommer
Les animaux qui nagent en son onde,
Grands & petits, dont par tout elle abonde,
En cette mer navires vont errant,
Puis la baleine horrible monstre & grand,
Y as formé, qui bien à l'aise y noue,
Et à son gré par les ondes se jouë.
*⁎* 3 ¶ Tous animaux à toi vont à recours
Les yeux au ciel: afin que le secours
De ta bonté à repaistre leur donne,
Quand le besoin & le temps s'y adonne.
Incontinent que tu leur fais ce bien
De le donner, ils se paissent du tien:
Et n'est plûtost ta large main ouverte,
Que de tous biens planté leur est offerte.
¶ Dés que ta face & tes yeux sont tournez,
Arriere d'eux, ils sont tous estonnez:
Si leur esprit tu retires, ils meurent,
Et en leur poudre ils revont & demeurent.
Si ton esprit derechef du transmets,
En telle vie alors tu les remets
Qu'auparavant, & de bestes nouvelles
En un moment le terre renouvelles.
¶ Or soit toûjours regnant & florissant
La Majesté du Seigneur Tout-puissant:
Plaise au Seigneur prendre rejouïssance
Aux oeuvres faits par sa haute puissance.
Le Dieu, je dis, qui fait horriblement
Terre trembler d'un regard seulement
Voire qui fait (tant pe [...] les sçache atteindre)
Les plushauts monts d'ahan suer & craindre,
¶ Quant est de moi, tant que vivant serai.
Au Seigneur Dieu chanter ne cesserai:
A mon vrai Dieu plein de magnificence
Pseaumes serai tant que j'aurai essence.
Je le suppli' qu'en propos & en son
Lui soit plaisante & douce ma chanson:
Cela estant, retirez-vous tristesse,
Car en Dieu seul m'éjouïrai sans cesse.
¶ De terre soient infideles exclus,
Et les pervers, si bien qu'il n'en soit plus.
Sus sus, mon coeur, Dieu où tout bien abonde
Te faut loiier, loiiez-le tout le monde.

PSEAUME CV.
Pseaume d'action de graces. Confiremini Domino.

[...] SUs, qu'un chacun de nous sans cesse Louë du Seigneur la hautesse: Que son sainct Nom soit reclamé, Soit entre les peuples semé Le renom grand & precieux De tous ses gestes glorieux.

¶ Qu'on chante, & qu'on lui psalmodie,
Et que ses merveilles on die:
S'égay e, dis-je, en son Nom saint,
Quiconque l'honore & le craint:
Tout coeur cherchant le Tout-puissant,
S'éjouïsse en le benissant.
¶ Cherchez Dieu & son excellence,
Cherchez sans cesse sa presence:
Ses hauts faits ne soient oublie [...],
Soient ses miracles publiez,
Et les jugemens annoncez
Qu'il a lui-mesme prononcez.
¶ Vous d'Abraham son serf fidela
La semence perpetuelle,
Enfans du bon Jacob venu [...],
Que Dieu pour siens a retenus:
C'est nous desquels Dieu est le Dieu,
Quoi qu'il seigneurie en tout lieu.
*⁎* 1 ¶ Car il a toûjours souvenance
De cette eternelle alliance
Qu'il a promise de son gré
Jusques au milliéme degré:
Dont l'accord tel qu'il l'arresta
Avec Abraham il traitta.
¶ Je dis l'alliance jurée
Avec Isaac, & asseurée
A Jacob, tellement qu'elle est
Un tres-seur & certain arrest,
Et de Dieu avec Israël
Un vrai accord perpetuel.
¶ Je ferai, dit-il, estre tienne
La region Canaéenne:
Ton partage determiné
Te sera en elle assigné.
Quoi qu'ils fussent en tels dangers,
Peu de gens, & tous estrangers.
¶ De lieu en lieu ils cheminerent,
Et d'un peuple à l'autre arriverent:
Mais Dieu ne soussrit nullement
Qu'on les grevast aucunement:
Ains pour l'amour d'eux quelquesfois
Il a puni jusques aux-Rois.
*⁎* 2 ¶ A mes Oincts, dit-il, ne méfaites,
Et ne touchez à mes Prophetes.
Puis apres fit venir la saim,
Et rompit la force du pain:
Mais aux siens à temps il pourveut
D'avant-coureur qui leur éleut.
¶ C'est Joseph, par ingratitude
Vendu en dure servitude,
Et depuis aux ceps enserré,
Et bien durement enferré,
Jusqu'au au temps & poinct assigné
Que Dieu en avoit ordonné.
¶ Puis quand Dieu l'eut à suffisance
Eprouvé par son ordonnance,
Le Roi mesme de sa maison
Envoya jusqu'à la prison,
Quoi qu'il fust grand dominateur,
Querir de Dieu le serviteur.
¶ Puis de serviteur le fit maistre,
Pour tout son domaine connaistre,
Et grands aussi bien que petits
Tenir sous soi assujettis,
Et donner bonne instruction
Aux sages de la nation.
*⁎* 3 ¶ Lors fit Israël son entrée
En Egypte, & dans la contrée
De Cham le bon Jacob logea,
Où Dieu l'accreut & l'hebergea,
Tellement que ses ennemis
A son gré lui furent soûmis.
¶ Mais Dieu tout-puissant & tout sage
Tourna au rebours leur courage,
Afin que d'un coeur animé,
Contre son peuple bien-aimé,
Ils machinassent mille maux
A ses serviteurs plus loyaux.
¶ Sur cela Moyse il envoye,
Aaron aussi est mis en voye,
Ses serviteurs choisis tous deux,
Qui accomplirent sur iceux
La charge qu'il leur fit avoir
De signes terribles à voir.
¶ Il leur envoya des tenebres
Des plus obscures & funebres:
Et en rien nul de ces deux-là
A sa charge ne rebella.
En fang tourna tous leurs ruisseaux,
Tua les poissons en leurs eaux.
*⁎* 4 ¶ Il fit des grenoiiilles produire
Pour empuantir & détruire
Jusques aux chambres de leurs Rois:
Fit en parlant tout à la fois
Mouches & moucherons divers
Voler du païs au travers.
¶ Donna pour la pluye la gresse,
Avec la soudre pesse-mesle:
Frapa leurs vignes & figuiers,
Brisa maint arbre en leurs quartiers.
Parla, & vinrent à monceaux
Les hannetons & sautereaux.
¶ Ainsi fut toute herbe mangée,
Leurs fruits & leur terre rongée:
Il a leurs aisnez abbatus,
La s [...]eur de toutes leurs vertus:
Et fut à tirer diligent
Les siens garnis d'or & d'argent.
¶ Il n'y eut en toute leur bande
Foiblesse petite ni grande:
Ceux d'Egypte es [...]oient mesmement
Joyeux de leur departement:
Car la frayeur qu'ils eurent d'eux
Les avoit rendu tous peureux.
*⁎* 5 ¶ Pour leur couverture une nuë
Fut parmi le ciel estenduë:
Un brandon luisoit toute nuit,
Afin qu'Israël fust conduit.
Quoi plus? quand Israël voulut
Avoir des cailles, il en pleût.
¶ Il les repeut du pain celeste,
Et quand la soif leur fust molesse,
D'un roc fit rivieres couler,
Et par les deserts se rouler:
Car de son dire il lui souvint,
Et d'Abraham son serf non feint.
¶ Ainsi tira son peuple en joye,
Et ses éleus parmi la voye
Alloient chantans de ses hauts faits,
Tant que de maints peuples défaits
Leur donna les possessions,
Et le labeur des nations:
¶ Afin qu'ils eurent souvenance
De bien garder son ordonnance,
Et fussent toûjours curieux
D'avoir ces statuts precieux.
Soit donques d'un chant solennel
A jamais loiié l'Eternel.

PSEAUME CVI.
Pseaume de consolation. Confitemini Domino, quoniam.

[...] LOiiez Dieu, car il est benin, Et sa bonté n'a point de fin. Où est ce­lui qui la proiiesse De l'Eternel re ci te ra, Et tous les faits de sa hautesse [Page]Entierement nous chantera.

¶ Bien-heureux qui va droitement,
Et ne fait rien que justement:
O Seigneur, de moi te souvienne,
En l'amour que portes aux tiens:
Ce salut jusqu'à moi s'en vienne
Duquel ton peuple tu soustiens.
¶ Si que les biens je puisse voir,
Qu'à tes éleus tu fais avoir,
Et du plaisir j'aye l'usage,
Duquel ta gent tu fais jouïr:
Et qu'avec ton saint heritage
Je puisse à plein me réjouïr.
*⁎* 1 ¶ Helas! & [...]os peres & nous
T'avons offensé entre tous:
Nos forfaits sont par trop iniques:
Commis avons grand' lascheté:
De tes faits d'Egypte authentiques
Nos peres soigneux n'ont esté.
¶ Consideré n'ont en leur coeur
De tes hauts faits la grandeur:
Ains Israël fier à outrance
Prés de la mer se rebella:
Mais Dieu démontrant sa puissance,
Pour son Nom les tira de là.
¶ Il tança la mer des roseaux,
Dont soudain tarirent les eaux:
Au travers des goussres horribles
Comme en païs sec les guida,
Et malgré les forces terribles
De leurs ennemis les garda.
¶ Il les sauva contre l'essort
De l'ennemi puissant & fort:
Sur les haineux les flots tournerent,
Si qu'un seul n'en fut exempté:
Les siens creurent lors, & loiierent
[...]on secours experimenté.
*⁎* 2 ¶ Mais ils oublierent soudain
Tous les ouvrages de sa main,
Et son conseil ils n'entendirent:
Ains de concupilcence épris,
Mesme au desert ils entreprirent
De tenter Dieu par grand mépris.
¶ Alors il leur donna plaisir
De manger selon leur desir:
Mais leurs corps gourmans en décheurent:
Puis sur Moyse de plein gré
Au camp par envie ils s'émeurent
Et contre Aaron prestre sacré.
¶ Sous Abiram terre s'ouvrit,
Et sous Dathan qu'elle couvrit:
Flammes dedans leur camp s'éprirent,
Le feu les méchans devora.
Un veau dans Oreb ils fondirent,
Dont chacun l'image adora.
¶ Ainsi changerent le Seigneur
(Qui fut leur gloire & leur honneur)
En l'image d'un boeuf qui broute:
Dieu & ses hauts faits publiez
Au travers de l'Egypte toute
Furent tost par eux oubliez.
*⁎* 3 ¶ Ils oublierent les hauts faits,
Qu'au païs de Cham il a faits,
Et mainte merveille terrible
Qu'en la mer rouge il declara:
Dont émeu de courroux horrible
De les perdre il delibera.
¶ Moyse lors son serf éleu,
Soudain que ce mal il eut veu,
Vient entre-deux devant sa face
Cette aspre fureur détourner,
Afin qu'un tel mal ne leur fasse.
Qui les vienne tous raïner.
¶ Ils ont eu aussi en mépris
La region de si grand prix:
En son dire n'ont eu fiance:
Ils ont murmuré maintefois,
Et n'ont rendu obeïssance
En oyant du Seigneur la voix.
¶ Et pour ce aussi le Souverain
En élevant contr'eux sa main,
Fit un grand serment de détruire
Eux & leurs enfans és deserts,
Et de les épandre en son ire
Es païs lointains & divers.
*⁎* 4 ¶ A Baalpeor neantmoins
Tost apres leurs coeurs furent joints,
Pour manger des morts les ossrandes:
Dont en ses indignations
Dieu les frapa de playes grandes,
Piqué par leurs devotions.
¶ Lors Phinées homme de fait,
Vint, & vengeant un tel forfait,
Fit cesser l'ire épouvantable:
Et lui sut ce fait alloiié
Pour chose si juste & notable,
Qu'à jamais en sera loiié.
¶ Mais Dieu par eux fut irrité
En Meriba, & dépité,
Jusques à n'épargner Moyse,
Qu'ils tourmenterent jusques-là,
Que doutant de son entreprise
Trop legerement il parla.
*⁎* 5 ¶ Ils n'ont les peuples ruïnez
Que Dieu leur avoit ordonnez:
Mais parmi eux ils se mes [...]erent,
Apprenans leurs faits mal-heureux:
Et leurs images adorerent,
Qui furent un piege pour eux.
¶ Car les cruels & inhumains
Sacrifierent de leurs mains
Au diable leurs fils & leurs filles:
Et firent du sang innocent
De leurs miserables familles
A leurs idoles un present.
¶ Ces meurtriers rendirent pollu
Le païs jadis bien voulu:
En leurs damnables entreprises
Ils se sont tous contaminez,
Suivans leurs fausses paillardises,
Où du tout se sont adonnez.
¶ L'ire du Seigneur en fuma,
Et contre sa gent s'alluma,
Pour haïr son propre heritage:
Et pourtant aux mains des Gentils,
Et à leurs haineux pleins de rage
Les rendit tous assujettis.
*⁎* 6 ¶ Leurs haineux les ont assligez,
Ployez sous leur main & rangez:
Souvent ils ont eu delivrance:
Mais ils ont toûjours resisté,
Et n'ont eu ni mal ni nuissance
Que par leur propre iniquité.
¶ Si a-t'il en affliction
Jetté l'oeil sur sa nation,
Quand il a leur clameur ouïe:
De son accord s'est souvenu,
Et sa bonté s'est repentie
Du mal-heur à eux avenu.
¶ Il leur a rendu gracieux
Leurs detenteurs plus furieux.
O nostre Dieu, ta bonté vueille
Nous sauver, & pour ton faint Nom
D'entre les peuples nous recueille,
Pour magnifier ton renom.
¶ Soit le Seigneur Dieu d'Israël
Benit d'un los perpetuel,
Qui dure à jamais & sans cesse:
Soit par le peuple répondu,
Ainsi soit. Bref, de sa hautesse
Le los soit par tout épandu.

PSEAUME CVII.
Pseaume de doctrine. Confitemini Domino, quoniam.

[...] DOnnez au Seigneur gloire, Il est doux & clement, Et sa bonté no­toire Dure eternellement. Ceux qu'il a rachetez, Qu'ils chantent sa hau­tesse, Et ceux qu'il a jettez Hors de la main d'oppresse.

¶ Les ramassant ensemble
D'Orient, d'Occident,
De l'Aquilon qui tremble,
Et du Midi ardent.
Si d'aventure errans
Par les deserts se treuvent,
Demeurance querans,
Et que trouver n'en peuvent:
¶ Et si l'aspre famine,
Et la soif sans liqueur,
Les travaille & les mine
Et le corps & le coeur:
Pourveu qu'à tel besoin
Crians à Dieu lamentent,
Subit il les met loin
Des maux qul les tourmentent:
¶ Et droit chemin passable
Leur montre & fait tenir,
Pour en ville habitable
Les faire parvenir.
Lors de Dieu vont chantans
Les bontez nompareilles,
Cà & là racontans
Aux hommes ses merveilles.
*⁎* 1 ¶ Il rend l'ame assouvie
Qui de soif languissoit,
Soulant de biens la vie
Qui de faim perissoit.
Ceux qui sont resserrez
En tenebres mortelles,
Enchainez, enferrez,
Et souffrans peines telles.
¶ Pour avoir la parole
De Dieu mise à mépris,
Et tenu pour frivole
Son conseil de haut prix:
Quand par tourmens leurs coeurs
Humiliez demeurent,
Abbatus de langueurs,
Sans que nuls les sequeurent:
¶ Pourveu qu'à Dieu s'adressent.
L'invoquans au besoin,
Tous les maux qui les pressent
Tost il renvoye au loin.
Des prisons les met hors
Mortelles & obscures,
Rompans leurs liens forts,
Cordes & chaines dures,
¶ Les bontez nompareilles
De Dieu lors vont chantans,
Cà & là ses merveilles
Aux hommes racontans:
D'avoir jusqu'aux courreaux
Brisé d'airain les portes,
Et de fer les barreaux
Rompu de ses mains sortes.
¶ Les fols qui les supplices
Sentent de leurs pechez,
Et qui sont par leurs vices
Malades assechez:
Dont le coeur tout repas
Et viande abomine,
Et qui sont prés du pas
De la mort qui les mine:
¶ Pourveu qu'à Dieu s'adressent,
L'invoquant au besoin,
Tous les maux qui les pressent
Tost il renvoye au loin.
D'un seul mot qu'il transmet
Leur donne santé telle,
Que du tout hors les met
De ruïne mortelle.
¶ Les bontez nompareilles
De Dieu lors vont chantans
Cà & là ses merveilles
Aux hommes racontans.
A Dieu d'ardent desir
Loiiange sacrifient,
Et avec grand plaisir
Ses oeuvres magnifient.
*⁎* 2 ¶ Ceux qui dedans galées
Dessus la mer s'en vont,
Et en grand's eaux salées
Mainte trafique font:
Ceux-là voyent de Dieu
Les oeuvres merveilleuses,
Sur le profond milieu
Des vagues perilleuses.
¶ Le vent, s'il lui commande,
Souffie tempestueux,
Et s'enfle en la mer grande
Le slot impetueux.
Lors montent au ciel haut,
Puis aux gouffres descendent,
Et d'effroi peu s'en faut
Que les ames ne rendent.
¶ Chancellent en yvrogne,
Troublez du branlement,
Tout leur sens les éloigne,
Perdent l'entendement.
Mais si à tel besoin
Crians à Dieu lamentent,
Subit il les met loin
Des maux qui les tourmentent.
¶ Fait au vent de tempeste
Sa fureur rabaisser:
Fait que la mer s'arreste,
Fait ses ondes cesser.
L'orage retiré,
Chacun joye demene,
Et au port desiré
Le Seigneur Dieu les mene.
¶ Les bontez nompareilles
De Dieu lors vo [...]t chantans,
Cà & là ses merveilles
Aux hommes racontans.
Parmi le peuple bas
Le surh [...]ussent en gloire,
Et ne le taisent pas
Des grands au consistoire.
*⁎* 1 ¶ Lui qui les eaux prosondes
En desert convertit,
Et les sources des ondes
Asseche & divertit
Lui qui steriles fait
Terres grasses & belles,
Et tout pour le forfait
Des habitans d'icelles.
¶ Qui deserts d'humeur vuides
Convertit en grand's eaux,
Et lieux secs & arides
En sources & ruisseaux:
Et qui là fait venir
Ceux qui de faim languissent,
Lesquels pour s'y tenir
Des villes y bastissent.
¶ Y semer champs se peinent,
Et vignes y planter,
Qui tous les ans ameinent
Fruit pour les substanter.
Là les remplit de bien,
Les croist, les continuë,
Et leur bestail en rien
Il ne leur diminuë.
¶ Puis décroissans de nombre,
Viennent à rarité,
Par maux & par encombre,
Et par sterilité.
Riches, nobles & grands,
Méprisez il renvoye,
Par deserts lieux errans,
Où n'est chemin ni voye.
¶ Et éleve & delivre
Le pauvre hors d'ennui:
Et force gens fait vivre
Comme un troupeau sous lui.
Ce voyans, ont aux coeurs
Les justes joye enclose,
Et de Dieu les moqueurs
S'en vont la boache close.
¶ Qui a sens & prudence
Garde à ceci prendra,
Lors la grande clemence
Du Seigneur entendra.

PSEAUME CVIII.
Pseaume de priere. Paratum cor meum, Deus.

[...] MOn coeur est dispos, ô mon Dieu, Mon coeur est tout prest en ce lieu De te chauter tout, la fois [...]antiques de main & de voix: Psalterion réveille toi, Harpe ne demeure a recoi: Car je veux debout comparoistre, Dés que le jour vient à paroistre.

¶ Seigneur, je te celebrerai
Entre les gens, & te dirai
De toutes mes affections
Pseaumes entre les nations.
Car ta grande benignité
Plus haut que les cieux a monté:
Et ta verité, sans rien seindre,
Jusques aux nuës vient atteindre.
¶ O Dieu, leve toi sur les cieux,
Montre toi par tout glorieux,
Pour tirer les tiens hors d'emoi:
Ten moi la main exauce moi.
Mais quoi? Dieu m'a déja ouï,
Et de son sainct lieu rejouï:
Sichem sera mon heritage,
Le val de Succoth mon partage.
¶ De Galaad la region
Sera de ma possession.
Et de Manassë tout le bien
Sans nulle doute sera mien.
Ephraïm peuple grand & fort
Sera de mon chef le support,
Et du royaume l'asseurance,
Dont Juda sera l'ordonnance.
¶ Les Moabites au surplus
Je ne veux estimer non plus,
En dépit de leurs mauvaistiez,
Qu'un vaisseau pour laver mes pieds.
Contre Edom peuple glorieux
Je jetterai mes souliers vieux:
Sus, Palestins, faites moi sesse
De ma victoire qui s'appreste.
¶ Mais par qui serai-ie en seurté
Conduit en la forte cité?
Qui est-ce qui me conduira
Jusqu'en Edom & guidera?
Ne sera-ce pas toi, ô Dieu,
Qui nous chassois de lieu en lieu,
Et n'accompagnois nos armées
De tes faveurs accoustumées.
¶ Donne nous ton secours d'enhaut
Contre celui qui nous assaut:
Car qui n'a que le terrien
Pour sa sanvegarde n'a rien.
Dieu nous rendra preux & vaillans
Encontre tous nos assaillans,
Renversant par sa vertu grande
De nos haineux toute la bande.

PSEAUME CIX.
Pseaume de priere. Deus, laudem meam ne tacueris.

[...] O Dieu, mon honneur & ma gloire, Ne vueilles maintenant te taire: Car c'est contre moi que s'adresse La bouche méchante & traistresse, Et la fausse langue qui ment, A parler de moi faussement.

¶ Sans cause ils m'ont pris en querelle,
Et m'ont livré guerre mortelle:
Pour Pamour que leur ai montrée,
Ils ont sur moi haine jurée:
Mais la priere m'a esté
Pour resuge en adversité.
¶ Pour bien ils ne m'ont sait que peine,
Pour amour m'ont rendu la haine:
Mets-le, Seigneur, en la puissance
D'un méchant rempli de nuisance:
L'ennemi plein de cruauté
Soit toûjours prest de son costé.
¶ Quand il viendra devant le Juge,
Toûjours pour méchant on le juge:
Toute sa priere & requeste
Tourne en peché dessus sa teste.
Meure tost, & lui dépourveu,
Soit à son office pourveu.
¶ Sa semence soit orpheline,
Sa femme veuve, & par famine
Aillent ses fils de porte en porte
Cherchans leur vie en toute sorte:
Ayans delaissé leur maison,
Pauvre & vuide en bonne saison.
¶ L'usurier tous ses biens attrape,
A Pestranger rien n'en échappe:
Homme vers lui ne se recorde
D'estendre sa misericorde:
Nul n'y ait qui par amitié
De ses orphelins ait pitié.
*⁎* 1 ¶ Soit sa race ostée du monde,
Et dés la lignée seconde
Soit sa maison toute abolie:
Le Seigneur jamais ne s'oublie
De ses ayeuls, pour les pechez
Dont ils ont esté entachez.
¶ Jamais ne soit la saute esteinte
Du mal dont sa mere est atteinte:
Ses sor faits & fautes mortelles
Soient devant toi perpetuelles:
Soit de dessus la terre osté
Son nom à perpetu [...]é.
¶ D'autant qu'il n'a eu souvenance
D'aider le pauvre en sa souffrance,
Plûtost la personne oppressée,
Chetive, lasse, & angoissée
Il a tourmentée à grand tort,
Jusqu'à lui pourchasser la mort.
¶ Il a aimé la malencontre,
Fai done, Seigneur, qu'il la rencontre:
La bonne encontre il a haïe,
De lui bonne encontre s'enfuïe:
Soit de tout mal entortillé,
Comme s'il en fust habillé.
¶ Ainsi comme eau dedans son ventre
Tout mal-heur découle & y entre,
Et comme huile penetrative
Jusques dedans ses os arrive,
Et soit continuellement
Sa ceinture & son vestement.
¶ Tel soit de par Dieu le salaire
Des oeuvres de mon adversaire,
Et de toute langue maligne
Qui va parlant de ma ruïne:
Mais toi, mon Dieu, en cét émoi,
Pour ton Nom favorise moi.
*⁎* 2 ¶ Sauve-moi, mon Dieu favorable,
Par ta bonté tant secourable:
Car je suis pauvre & plein d'oppresse,
Et mon coeur transi de détresse:
Je decline & m'en vais déchoir
Ainsi qu'une ombre sur le soir.
¶ De place en place je sautelle,
Ainsi comme une sauterelle:
[...]e sens de mes genoux les jointes
De jeusner lasches & déjointes:
Mon pauvre corps attenué
Est de graisse tout dénué.
¶ Mesmes en ces peines tant dures,
Encor me sont-ils mille injures,
Et regardans ma peine amere,
Branlent la teste en vitupere:
Mais aide-moi, mon Dieu, mon Roi,
Et par ta bonté sauve-moi:
¶ Afin que leur fasses connaistre
Que c'est-ci Poeuvre de ta dextre,
Et qu'une telle delivrance
Ne vient sinon de ta puissance:
Ils me maudiront nonobstant,
Mais tu me beniras pourtant.
¶ Levent hardiment leur hautesse,
Il faut que honte les abaisse,
Et qu'a m'éjouir je m'adonne.
Vergogne donc les environne,
Et couvre tous entierement
Ainsi comme un habillement.
¶ Ma bouche lors en ses cantiques,
Voire és assemblées publiques,
Chantera de Dieu l'excellence:
Qui au pauvre a fait assistance,
Et secours contre ceux donné
Qui l'avoient à mort condamné.

PSEAUME CX.
Pseaume de doctrine & de prophetie. Dixit Dominus Domino.

[...] LE Tout-puissant à mon Seigneur & Maistre A dit ce mot, A ma dextre te sieds, Tant que j'aurai renversé & fait estre Tes ennemis le scabeau de tes pieds.

¶ Le sceptre fort de ton puissant Empire
Enfin sera loin de Sion transmis
Par l'Eternel, lequel te viendra dire,
Regne au milieu de tous tes ennemis.
¶ De son bon gré ta gent bien disposée,
Au jour tres-sainct de ton sacre courra:
Et aussi dru qu'au matin chet rosée,
Naistre en tes fils ta jeunesse on verra.
¶ Car l'Eternel sans changer de courage
A de toi seul dit, & juré avec,
Grand Prestre & Roi tu seras en tout âge,
En suivant l'ordre au bon Melchisedec.
¶ A ton bras droit Dieu ton Seigneur & Pere
T'assistera aux belliqueux arrois,
Là où pour toi au jour de sa colere
Rompra la teste à Princes & à Rois.
¶ Sur les Gentils exercera justice,
Remplira tout de corps morts envahis,
Et frapera pour le dernier supplice
Le chef regnant sur beaucoup de païs.
¶ Mesme en passant au milieu de la plaine,
De l'eau courante à grand' haste il boira:
Par ce moyen àyant victoire pleine,
La teste haut tout joyeux levera.

PSEAUME CXI.
Pseaume d'action de graces. Confitebor tibi, Domine.

[...] DU Seigneur Dieu en tous endroits, En l'assemblée des plus droits, De chanter à Dieu coustumiere, La gloire je confesserai, Et sa loüange annoncerai D'une assection toute entiere.

¶ Du Seigneur sont grands les essets,
Et qui bien contemple ses faits,
Vrai contentement y rencontre.
Ce n'est que gloire & majesté
De ce qu'il fait, & sa bonté
Par tout eternelle se montre.
¶ Le Seigneur par ses saits exquis,
A jamais un bruit s'est acquis
De douceur & de bien-vueillance.
Il a soustenu & soustient
Ceux qui l'ont craint & se souvient
A jamais de son alliance.
*⁎* ¶ A son peuple il a fait sçavoir
Quel est l'esset de son pouvoir,
Leur donnant des gens l'heritage.
Ce n'est que seure loyanté,
Ce n'est que tres-juste equité
Quand il met la main à l'ouvrage.
¶ Tous les mandemens qu'il a faits
Sont seurs & fermes à jamais,
Faits en verité & droiture:
Il a son peuple delivré,
Accord avec lui a juré,
Voire un accord qui toûjours dure.
¶ Son Nom est redoutable & saint:
Reverer Dieu de coeur non seint,
C'est le chef de vraye fagesse,
Sage est celui qui fait ceci,
Et se peut asseurer aussi
Qu'il en sera loüé sans cesse.

PSEAUME CXII.
Pseaume de consolation. Beatus vir qui timet Dominum,

[...] O Bien-heureuse la personne Qui craint l'Eternel, & s'adonne Du tout à sa Loi tres-entiere: Sa race en terre sera forte: Car Dieu benit en toute sorte Des bons la race droituriere.

¶ D'un tel la maison tres-heureuse
En tous biens sera plantureuse,
Et la justice perdurable:
Dieu de sa clarté belle & pure
Eclaire leur nuict plus obscure,
Comme doux, bon, & pitoyable.
¶ Le debonnaire donne & preste,
Par raison ses affaires traitte,
De jamais branler il n'a garde.
De l'homme qui fuyant le viçe
S'adonne à tout bien & justice
La memoire à jamais se garde,
¶ Il ne craint mauvaise nouvelle:
Car son coeur jamais ne chancelle,
Ayant au Seigneur sa fiance.
Sa conscience bonne & sainte
Attend fermement & sans crainte
Sur ses ennnemis la vengeance.
¶ De ses biens il donne & dispense
Aux pauvres en leur indigence:
Sa justice dure sans cesse:
Sa corne plus elle est grevée,
D'autant plus haut est elevée
En honneur & toute hautesse.
¶ Les méchans voyans cette chose,
De dépit auront bouche close:
En grincant les dents de colere,
Ils en deviendront tous étiques:
Mais eux & leurs desirs iniques
Periront, quoi qu'ils sçachent faire.

PSEAUME CXIII.
Pseaume d'action de graces. Laudate pueri Dominum.

[...] ENfans qui le Seigneur servez, Loüez-le, & son Nom élevez, Loüez son Nom & sa hautesse. Soit presché, soit fait solennel Le Nom du Sei­gneur eternel, Par tout, en ce temps & sans cesse.

¶ D'Orient jusqu'en Occident
Doit estre le los évident
Du Seigneur, & sa renommée.
Sur toutes gens le Dieu des Dieux
Est exalté, & sur les cieux
S'éleve sa gloire estimée.
¶ Qui est pareil à nostre Dieu,
Lequel fait sa demeure au lieu
Le plus haut que l'on sçauroit querre:
Et puis en bas veut devaler
Pour toutes choses contempler
Qui se font au ciel & en terre?
¶ Le pauvre sur terre gisant
Il éleve, en l'authorisant,
Et le tire hors de la bouë,
Pour le colloquer aux honneurs
Des seigneurs, voire des seigneurs
Du peuple que sien il avouë.
¶ C'est lui qui remplit à foison
De tres-beaux ensans la maison
De la semme qui est sterile:
Et lui fait joye recevoir,
Quand d'impuissante à concevoir,
Se voit d'enfans mere fertile.

PSEAUME CXIV.
Pseaume d'action de graces. In exitu Israël de AEgypto.

[...] QUand Is ra ël hors d'Egypte sortit, Et la maison de Jacob se par­tit D'entre le peuple estrange, Juda fut fait la grand' gloire de Dieu, Et Dieu se fit Prince du peuple Hebreu, Prince de grand' loüange.

¶ La mer le vid qui s'enfuït soudain,
Et contre-mont l'eau du fleuve Jordain
Retourner fut contrainte?
Comme moutons montagnes ont failli,
Aussi en ont les costaux tressailli
Comme agnelets en crainte.
¶ Qu'avois-tu mer à t'enfuïr soudain?
Pourquoi à mont l'eau du sleuve Jordain
Retourner fut contrainte?
Pourquoi avez, monts, en moutons sailli?
Pourquoi, costaux, en avez tressailli
Comme agnelets en crainte?
¶ Devant les yeux du Seigneur qui tout peut
Devant le Dieu de Jacob, quand il veut,
Terre tremble craintive:
Je dis le Dieu, le Dieu convertissant
La pierre en lac, & le rocher puissant
En fontaine d'eau vive.

PSEAUME CXV.
Pseaume de priere. Non nobis, Domine, non nobis.

[...] NOn point à nous, non point à nous, Seigneur, Mais à ton Nom donne gloire & honneur, Pour ta grace & soi seure. Pourquoi diroient les gens en se moquant, Où est ce Dieu qu'ils vont tant invoquant? Où est-il à cette heure?

¶ Certainement nostre Dieu tout parfait
Reside aux cieux, & de là haut il fait
Tout ce qu'il veut en somme:
Mais ce qu'adore & sert tout autre gent,
Idoles sont faites d'or & d'argent,
Ouvrage de main d'homme.
¶ Bouche elles ont, sans parler ni mouvoir:
Elles ont yeux, & ne sçauroient rien voir:
C'est une chose morte.
Oreilles ont, & ne sçauroient ouïr:
Elles ont nez, & ne sçauroient jouïr
D'odeur douce ni forte.
¶ Elles ont mains ne pouvans rien toucher:
Elles ont pieds, & ne sçauroient marcher,
Gosier, & point ne crient.
[...]els & pareils sont tous ceux qui les sont,
It ceux lesquels à leur recours s'en vont,
Et tous ceux qui s'y fient.
*⁎* ¶ Toi Israël, arreste ton espoir
Sur le Seigneur, c'est ta force & pouvoir,
Bouclier & sauvegarde.
Maison d'Aaron, arreste ton espoir
Sur le Seigneur, c'est ta force & pouvoir,
Lequel te fauve & garde.
¶ Vous craignās Dieu, arrestez vôtre espoit
Sur tel Seigneur, car c'est vostre pouvoir,
Sous qui l'ennemi tremble.
Le Seigneur Dieu de nous souvenir a,
Plus que jamais Israël [...]nira,
Les fils d'Aaron ensemble.
¶ A ceux qui sont de l'offenser craintiss
Grands biens a faits, depuis les plus petits
Jusqu'à ceux de grand âge.
Les biens & dons que pour vous faites il a,
Il fera croistre à vous & à ceux-là
De vostre parentage.
¶ Puis que benis estes & bien-aimez
Du grand Seigneur, qui les cieux a formez,
Et terre faconnée.
Le Seigneur s'est reservé seulement
Les cieux pour soi, la terre entierement
Aux hommes a donneé.
¶ O Seigneur Dieu, l'hōme par mort transi
Ne dit ton los, ni quiconques aussi
En la fosse devale:
Mais nous vivans, par tout où nous irons,
De bouche & coeur le Seigneur benirons
Sans fin, sans intervalle.

PSEAMUE CXVI.
Pseaume d'action de graces. Dilexi, quoniam exaudiet, &c.

[...] J'Aime mon Dieu, car lors que j'ai crié, Je sçai qu'il a ma clameur entendu ë: Et puis qu'il m'a son oreille tendu ë, En mon dur temps par moi sera prié.

¶ La mort m'avoit en ses pieges surpris,
Trouvé m'avoient les mortelles angoisses:
J'estois saisi de douleurs & tristesses,
Quand à prier par ces mots je me pris:
¶ Las! sauve moi qui suis des plus chetiss:
Et je trouvai le Seigneur secourable:
Nostre Dieu, dis-je, est doux & pitoyable,
Et volentiers garde les plus petits.
¶ Car quād j'estois de langueur tout recreu,
Delivré m'a mon Dieu que je reclame:
Retourne donc en ton repos, mon ame,
Puis que de Dieu ce bien-fait as receu.
¶ Puis qu'as gardé ma vie de la mort,
Mes yeux de pleur, & mes pieds de ruïne,
C'est devant toi qu'il faut que je chemine
Durant ma vie, ô mon Dieu mon support.

*⁎* *⁎*

¶ J'ai creu, & pour ce ai-je à parler aussi:
Las! ma pauvre ame estoit fort tourmētée,
Tant que j'ai dit d'ardeur precipitée,
Tout homme est faux, & je le trouve ainsi.
¶ Mais que rendrai-je à Dieu pour ses bien. faits?
C'est qu'en prenant de loüange la tasse,
Pour témoigner qu'il m'a sauvé de grace,
L'invoquerai pour les biens qu'il m'a faits.
¶ A Dieu rendrai dés maintenāt mes voeur,
Mesme devant Passemblée ordinaire:
Dieu pour certain de tout sien debonnaire
Tien le trépas tres-cher & precieux.
¶ Or donc Seigneur, car ton servant je suis,
Ton servant, dis-je, & fils de ta chambriere,
C'est toi qui as mes liens mis arriere,
Dont je te veux offrir ce que je puis.
¶ C'est affavoir loüange d'un franc coeur,
En reclamant ton Nom plein d'excellence,
Et te rendant mes voeux en la presence
Du peuple tien, comme ton serviteur.
¶ Dans ta maison chanterai ton honneur,
En ta cité Jerusalem la saincte.
Sus donc, venez, chacun, en toute crainte
Aveques moi celebrer le Seigneur.

PSEAUME CXVII.
Pseaume d'exhortation. Laudate Dominum omnes gentes.

[...] TOutes gens, loüez le Seigneur, Tous peuples, chantez son honneur: Car son vouloir benin & doux Est multiplié dessus nous, Et sa tres-ferme ve ri té Demeure à per pe tu ï té.

PSEAUME CXVIII.
Pseaume d'action de graces & de prophetie. Consitemini Domino.

[...] REndez à Dieu loüange & gloire, Car il est benin & clement: Qui plus est, sa bonté notoire Dure perpetuellement. Qu'Israël ores se recorde De chanter solennellement, Que sa grande mi se ri cor de Dure perpe­tuellement.

¶ La maison d'Aaron ancienne
Vienne tout haut presentement
Confesser que la bonté sienne
Dure perpetuellement.
Tous ceux qui du Seigneur ont crainte,
Viennent aussi chanter comment
Sa bonté pitoyable & sainte
Dure perpetuellement.
¶ Ainsi que j'estois en détresse,
En invoquant sa Majesté,
Il m'ouït, & de cette presse,
Me mit au large à sauveté.
Le Tout-puissant qui m'ouït plaindre,
Mon parti toûjours tenir veut:
Qu'ai je donc que faire de craindre
Tout ce que l'homme faire peut?
*⁎* 1 ¶ De mon costé il se retire
Avec ceux qui me sont amis:
Ainsi cela que je desire
Je verrai en mes ennemis.
Mieux vaut avoir en Dieu fiance,
Qu'en l'homme qui est moins que rien:
Mieux vaut avoir en Dieu fiance,
Qu'au Prince & au grand terrien.
¶ Beaucoup de gens, c'est chose seure,
M'assiegerent de tous costez:
Au Nom de Dieu, ce dis-je à l'heure,
Ils seront par moi rebutez.
Ils m'avoient enclos par grand' ire,
Enclos m'avoient tous mutinez:
Au Nom de Dieu, ce vins-je à dire,
Ils seront par moi ruïnez.
¶ Ils m'avoient enclos comme abeilles,
Et furent ces fols & hautains,
Au Nom du grand Dieu des merveilles,
Comme feu d'épines esteints.
Tu as, importun adversaire,
Rudement contre moi couru,
Pour du tout tiébucher me faire:
Mais l'Eternel m'a secourn.
¶ Le Tout-puissant est ma puissance,
C'est l'argument, c'est le discours
De mes vers pleins d'éjouïssance,
C'est de lui que j'ai eu secours.
Aux maisons de mon peuple juste
On n'oit rien que joye & confort:
On chante, on dit, Le bras robuste
Du Seigneur a fait grand essort.
*⁎* 2 ¶ De l'Eternel la main adextre
S'est élevée à cette fois:
Dieu a fait vertu par sa dextre,
Telle est du bon peuple la voix.
Arriere ennemis & envié,
Car la mort point ne sentirai:
Mais je demeurerai envie,
Et les faits du Seigneur dirai.
¶ Chastié m'a, je le confesse,
Chastié m'a, puni, batu:
Mais point n'a voulu sa hautesse
Que par mort je fusse abbatu.
Ouvrez-moi les grand's portes belles
Du saint Temple aux justes voijé:
Afin que j'entre par icelles,
Et que Dieu soit par moi loüé.
¶ Ces grandes portes somptueuses
Sont les portes du Seigneur Dieu:
Les justes gens & vertueuses
Peuvent passer tout au milieu.
Là dirai ta gloire supréme,
Là par moi s [...]ras celebré:
Car en adversité extréme
Exaucé m'as & delivré.
*⁎* 3 ¶ La pierre par ceux rejettée
Qui du bastiment out le loin,
A esté ashse & plantée
Au principal endroit du coin.
Cela est une oeuvre celeste,
Faite pour vrai du Dieu des dieux,
Et un miracle manifeste
Lequel se presente à nos yeux.
¶ La voici Pheureuse journée,
Que Dieu a faite à plein desir:
Par nous soit joye demenée,
Et prenons en elle plaisir.
O Dieu Eternel, je te prie,
Je te prie ton Roi maintien:
O Dieu, je te prie & reprie,
Sauve ton Roi, & l'entretien.
¶ Benit soit qui au Nom tres-digne
Du Seigneur est venu ici:
O vous de la maison divine,
Nous vous benissons tous aussi.
Dieu est paissant doux & propice,
Et nous donne lumiere à gre:
Liez le boeuf du facrisice
Aux cornes de l'autel sacré.
¶ Tu es le seul Dieu que j'honore,
Aussi sans fin te chanterai
Tu es le seul Dieu que j'adore,
Aussi sans fin t'exalterai:
Rendez à Dieu loüange & gloire,
Car il est benin & clement:
Qui plus est, sa bonté notoire
Dure perpetuellement.

PSEAUME CXIX.
Pseaume de consolation. Beati immaculati in via, &c.

I. ALEPH.

[...] Bien-heureuse est la personne qui vit Avec entiere & saine conscien ce, Et qui de Dieu les sainctes Loix ensuit. Heureux qui met tout soin & di­ligence [Page]A bien garder ses statuts precieux, Et qui de lui pourchasse la science.

¶ Certainement ceux ne sont vicieux
Qui vont suivans le chemin qu'il ordonne,
Et d'aller droit sont toûjours curieux.
Ton vouloir est que chacune personne
Par dessüs tout, bien & étroitement
A maintenir tes mandemens s'adonne.
¶ A mon vouloir qu'il te pleust tellement
Dresser mes pas où ta Loi me convie,
Que fourvoyer n'en puisse aucunement:
Car loin sera de deshonneur ma vie
Tant qu'aurai l'oeil sur tes Loix arresté,
Et que j'aurai de les sçavoir envie.
¶ Alors par moi tu seras exalté
D'un coeur tout droit, quand j'aurai peu cō ­prēdre
Tes jugemens tous remplis d'équité.
Or à garder tes statuts veux entendre:
Mais je te prie qu'en mon infirmité
Trop longuement ne te fasses attendre.

II. BETH.

¶ Cōment pourront jeunes gens s'amender
Pour vivre mieux? en prenant pour adresse
Ce qu'il t'a pleu nous dire & commander.
De toutmon coeur je t'ai cherché sās cesse:
Or donc, Seigneur, hors ton cōmandement,
Je te suppli', fourvoyer ne me laisse.
¶ Dedans mon coeur & en l'entendement,
Tes dits je porte, afin que ne t'offense,
Mais que plûtost chemine droitement.
O Eternel, ton Nom plein d'excellence
Est à bon droit sur tous magnifié:
De tes, edits montre-moi la science.
¶ Mes levres ont presché & publié
Les jugemens de ta Loi équitable,
Sans que j'en aye un seul point oublié.
Tou témoignage & chemin veritable
M'est un plaisir, que ne veux moins priser
Que tous les biens de la terre habitable.
¶ De tes edits on m'orra deviser,
Et tascherai d'avoir la connoissance
De tes sentiers, où je veux droit viser.
En tes statuts prendrai réjouïssance,
Et veux si bien en ton dire adviser,
Qu'à tout jamais j'en aurai souvenance.

III. GUIMEL.

¶ Espan tes biens dessus moi ton servant,
A celle fin qu'aye le don de vie,
Pour bien garder ta parole en vivant.
La veuë m'est, helas! toute faillie,
Eclaire moi, afin que de mes yeux
Vove en ta Loi ta grandeur infinie.
¶ Estranger suis en ces terrestres lieux:
Or donc, Seigneur, connoissance me baille
De tes edicts, pour toûjours aller mieux.
Et jour & nuit moncoeur tant se travaille
A bien sçavoir chacun tien jugement,
Que peu s'en faut que force ne me faille.
¶ Tous orgueilleux tu traites rudement,
Et sont maudits tous ces mechans courages
Qui vont ainsi contre ton mandement.
Chasse de moi tous blâmes & outrages,
Et le fascheux mépris où je me voi.
Pource que j'ai gardé tes témoignages.
¶ Tous les plus gros en leur siege apperçol
Causans de moi, voire tout à leur aise:
Mais lors ton sers ne pense qu'à ta Loi.
Ta Loi, Seigneur, est tout cequi m'appaise,
C'est le conseil que j'ai autour de moi,
Pour en avoir secours en mon mal-aise.

IV. DALETH.

¶ Je suis, helas! comme si j'estois mis
Déja en terre, & attaché tout co [...]tre:
Ren moi la vie, ainsi que m'as promis.
En maint affaire & fascheuse rencontre
Je t'ai requis, & tu m'as répondu,
Répon encor, & tes statuts me montre.
¶ Ton mandement par moi soit entendu,
Et lors j'aurai sur ta Loi merveilleuse
L'esprit du tout arresté & tendu.
Mon ame helas! est si fort angoisseuse,
Qu'elle se fond: vueille me rassurer,
Je te suppli, par ta promesse heureuse.
¶ Du chemin tors, Seigneur, vien me tirer:
Et par pitié ta sainte Loi m'envoye
Qui du danger me vienne retirer.
Car j'ai choisi la seure & droite voye,
Et tiens mon oeil toûjours comme attaché
Sur tes edits, de peur que ne fourvoye.
¶ Puis donc, Seigneur, que j'ai si prés tasché
A ne passer ta divine ordonnance,
Fai que ne sois d'infamie entaché.
Lors je courrai de toute ma puissance
En tes chemins, quand auras détaché
Et mis mon coeur en pleine delivrance.

V. HE.

¶ Je te suppli', Seigneur, vouloir sur tout
De tes statuts les droits sentiers m'apprēdre,
Pour me les voir tenir jusques au bout.
Ottroye moi esprit pour les comprendre:
Lors ne faudrai à ta Loi maintenir
De tout mon coeur taschāt à ne méprendre.
¶ Mais condui-moi pour me faire tenir,
Sans fourvoyer de tes edits la sante,
Car plaisir n'ai qu'à les entretenir.
Ploye mon coeur & toute mon entente
A bien sçavoir tout ce qu'as ordonné,
En ne permets qu'avarice le tente.
¶ Tourne mon oeil, qu'il ne soit adonné,
A faux regards, & mon coeur sortisie
En tes sentiers, où l'as acheminé.
A moi ton serf confirme & verisie
Ce qu'as promis: voire à moi qui te veux
Craindre sur tout, & qui sur toi me fie.
¶ Repousse au loin cét opprobre honteux
Que je crains tant: car tu es pitoyable
En nous jugeant, plûtost que dépiteux.
Voilà, Seigneur, de ta Loi desirable
Sur toute chose est mon coeur convoiteux:
Délivre-moi par ta grace amiable.

VI. VAU.

¶ Fai-moi sentir l'esset de ta merci,
Me preservant des dangers de ce monde,
D'autant, Seigneur, que l'as promis ainsi.
A celle fin qu'au pervers je réponde,
Duquel je suis blasmé & detesté,
Pource que sur ton dire je me sonde.
¶ Fai que toûjours ta pure verité
Soit en ma bouche, & pour jamaiss'y tienne:
Car à tes droits je me suis arresse.
Et ne sera jamais que ne maintienne
Ta sainte Loi, & que de mon pouvoir
Tant que vivrai ne la garde & soustienne.
¶ Lors me pourra chacun appercevoir
Au large mis, pour autant que je sonde
Tes saints edicts, & tasche a les sçavoir.
Devāt les Rois & grāds Seigneurs du mōde
Ton témoignage alors j'annoncerai,
Sans que jamais vergogne me confonde.
¶ Lors de bon coeur je me delecterai
En cette Loi que nous as adressée:
Car toûjours l'ai aimée & l'aimerai.
A tes statuts tiendrai l'ame dressée,
Et mes deux mains à tes oeuvres mettrai,
Pour te servir de fait & de pensée.

VII. ZAIN.

¶ Souvienne toi de tout ce qu'as promis
A moi ton sers: car depuis ta promesse
Tout mon espoir en toi, Seigneur, j'ai mis.
C'est cela seul qui mes esprits redresse,
Qui me preserve & remet en vigueur
Incontinent que j'ai quelque détresse.
¶ Les orgueilleux souvent en ma langueur
Se sont moquez: mais pour leur arrogance
Hors de ta Loi n'ai détourné mon coeur.
J'ai eu plûtost, Seigneur, en souvenance
Quel jugement toûjours tu en as fait:
Chose qui m'a donné grande allegeance.
¶ Si qu'en pensant au damnable forsait
De ces pervers qui ta Loi ont laissée,
Je tremble tout de l'horreur de leur fait.
Mainte chanson j'ai bastie & dressée
Sur tes statuts, quand trouvé [...]e me suis
Hors mon païs plein de triste pensée.
¶ Je n'ai failli, mesines toutes les nuicts,
A t'invoquer, afin que je gardasse
Ta sainte Loi en mes plus grands ennuis.
Bref, j'ai de toi toûjours eu cette grace,
Que j'ai voulu, & veux tant que je puis,
Tes mandemens garder, quoi que je fasse.

VIII. HETH.

¶ O Dieu, tu es ma part & tout mon bien,
J'ai proposé de garder ta parole
A tout jamais fidelement & bien.
Or donc, Seigneur, ta pitié me console,
Je t'en supplie affectueusement,
Et ne soit point ta promesse frivole.
¶ J'ai éplusché mes faits soigneusement,
Voilà pourquoi mes pieds je viens remettre
Au droit chemin de ton enseignement.
Et je n'ai point voulu longuement mettre:
Mais tout soudain à toi me suis rangé,
Et de tes Loix suis venu m'entremettre.
¶ Les malins m'ont pillé & saccagé:
Mais nonobssant leur fureur tant cruelle,
Jamais ta Loi de mon coeur n'a bougé.
Je voi tes droits d'une justice telle,
Que relever je me veux pour chanter
En plein minuict ta loüange immortelle.
¶ Ceux qui tes Loix veulent executer
Ceux qui de Dieu en leurs coeurs ont la crainte,
Voilà les gens que je veux frequenter.
La terre est pleine & toute son enceintè
Des biens, Seigneur, que lui viens pre­senter:
Rempli-moi donc de ta doctrine sainte.

IX. TETH.

¶ Seigneur, tu as de tes biens épandu
Sur moi ton serf, en suivant tes promesses:
Car je m'y suis de tout temos attendu.
Je te suppli', qu'en bon sens tu me dresses,
Et bon sçavoir: car pour certain je croi
Que vrayes sont & seures tes adresses.
¶ Avant que d'estre ainsi battu de toi,
De bien aller je n'avois soin ni cure:
Mais maintenant je chemine en ta Loi.
O Dieu, tu es tout bon de ta nature,
Et liberal à tes biens dispenser:
Montre moi donc tes droits pleins de droi­ture.
¶ Les orgueilleux me sont venus brasser
Maints faux rapports: mais pourtant je ne cesse
De tout mon coeur tes edits embrasser.
Leurs coeurs sont pris & tous figez de graisse:
Mais moi, Seigneur, quand plaisir veux avoir,
Droit à ta Loi, non ailleurs je m'adresse.
¶ Un plus grand bien n'eusse peu recevoir,
Que de sentir ma personne oppressée,
Pour acquerir de ta Loi le sçavoir.
D'or ou d'argent grosse somme amassée,
N'est rien au prix de ta Loi bien sçavoir,
Que tu nous as toi-mesme prononcëe.

X. JOD.

¶ Tes propres mains m'ont fait & façōné,
Donne moi donc l'esprit de sçavoir faire
Le mandement que tu nous as donné.
Alors ceux-là qui craignent te déplaire,
En me voyant sur ton dire appuye,
S'éjouïront beaucoup de cét affaire.
¶ Quand par ta main le monde est chastié,
Las! je voi bien que la cause est tres-bonne,
Et qu'a bon droit tu m'as humilié.
Je te suppli' que ta bonté me donne
Quelque secours en mon affliction,
Comme ton dire & promesse l'ordonne.
¶ Vienne sur moi ta grand' compassion,
Et je vivrai: car en ta Loi & crainte
Gist mon plaisir & consolation.
Soient tous consus ceux qui sous couleur feinte
Me font du mal, & mon coeur cependant
Ne pense à rien qu'à ta doctrine sainte.
¶ Retourne à moi tout homme pretendant
Aveques moi te reverer & craindre,
Tout homme aussi ta doctrine entendant.
Mon coeur entier sans rien slechir ni feindre
Tes Loix ensuive, asin qu'en t'attendant,
D'estre confus je ne me puisse plaindre.

XI. CAPH.

¶ De ton salut je suis tant desireux,
En attendant de ton dire l'issuë,
Que mon esprit en est tout langoureux.
Je suis lassé d'avoir en haut la veuë,
Disant, ô Dieu! en qui je me suis fie,
Quand m'aideras en ma déconvenuë?
¶ Je suis retrait (tant je suis ennuyé)
Comme une peau mise a la cheminée,
Et si n'ai rien de tes Loix oublié.
Las! qu'elle espace est encore ordonnéd
D'entendre bien chacun de tes edits.
Alors j'irai parlant de bonne audace
De ta promesse, & dirai rondement
Que tes edicts sont droits & sans fallace.
¶ Je te suppli' vouloir tout promptement,
Pour me sauver, sur moi ta main estendre:
Car j'ai choisi ton saint commandement.
C'est toi duquel je veux salut pretendre:
Car je ne puis, Seigneur, aucun plaisir
Hors de ta Loi ni pourchasser ni prend [...].
¶ Pour te loüer de vivre j'ai desir:
Car de ta grace à moi toûjours montrée
Tu ne voudras, Seigneur, me dessaisir.
Helas! je suis la brebis égarée,
De me chercher, Seigneur, pren le lois [...]
Car en mon coeur ta Loi est demeutée.

PSEAUME CXX.
Pseaume de priere & de complainte. Ad Dominum cum tribularer.

[...] ALors qu'affliction me presse, Ma clameur au Seigneur j'adresse: Car quand je viens à le semondre, Jamais ne faut à me répondre. Contre ces levres tant menteuses, Contre ces langues tant flateuses, Vueilles, Seigneur, par ta bonté, Mettre ma vie à sauveté.

¶ Vien-ça menteur, quel avantage
Te viendra de ce faux langage?
En quoi te sera profitable
Cette langue ainsi decevable?
Tes mots sont fleches acerées,
D'une puissante main tirées:
Et tes propos envenimez,
Charbons de genevre allumez.
¶ Helas! combien m'est ennuyeuse
Cette demeure mal-heureuse,
Au dessous des tentes maudites
Des Kedarins & Mesechites!
Parmi ces nations cruelles,
Qui n'aiment rien que les querelles,
J'ai trop sejourné la moitié,
Moi qui ne cherche qu'amitié.
¶ J'ai beau leur parler de concorde,
Leur coeur jamais ne s'y accorde:
Quand je les veux garder de battre,
Alors sont-ils prests à combattre.

PSEAUME CXXI.
Pseaume de consolation. Levavi oculos meos in montes.

[...] VErs les monts j'ai levé mes yeux, Pensant avoir d'enhaut Le se­cours qu'il me faut: Mais en Dieu qui a fait les cieux Et cette terre ronde, Maintenant je me fonde.

¶ Marcher te fera seurement,
Et te viendra veiller,
Sans jamais sommeiller.
Voici, d'Israël voirement
La garde toûjours veille,
Mesme point ne sommeille.
¶ Dieu te garde & couvre d'enhaut:
Tu as prest & en main
Le grand Dieu souverain.
De jour ne sens le Soleil chaud,
La Lune morsondante
De nuict ne t'est nuisante.
¶ Contre tous dangers desormais
Ton ame il gardera:
A tes faits baillera
Dés maintenant & à jamais,
Et l'issuë & l'entrée
Tres-bonne & asseurée.

PSEAUME CXXII.
Pseaume de consolation. Laetatus sum in his quae, &c.

[...] INcontinent que j'eus ouï, Sus, allons le lieu vi si ter, Où le Seigneur veut habiter, O que mon coeur s'est réjou ï! Or en tes porches entreront Nos pieds, & sejour y feront, Jerusalem la bien dressée: Jerusalem, qui t'en­tretiens Unie avecques tous les tiens, Comme cité bien po li cé e.

¶ Là doivent les peuple aller,
Les peuples, dis-je, du Seigneur,
Et pour celebrer son honneur,
Par son mandement s'assembler.
C'est le lieu du siege assigné,
Du siege à David ordonne,
Et aux siens, pour faire droiture.
Prions qu'en toute seureté
Demeure la saincte Cité,
Et tous ceux-là qui d'elle ont cure.
¶ Puissent de paix estre munis
Tes sorteresses & chasteaux:
Tes maisons & palais tant beaux
De tous biens se trouvent garnis.
Pource que rangez dedans toi
Mes sreres & prochains je voi,
Faut que pour toi priere face.
A cause aussi du sacré lieu
De la saincte maison de Dieu,
Il n'est bien que ne te pourchasse.

PSEAUME CXXIII.
Pseaume de priere. Ad te levavi oculos meos, &c.

[...] A Toi, ô Dieu, qui es là haut aux cieux Nous élevons nos yeux: Comme un servant qui pressé se voit estre N'a recours qu'à son maistre, Et la servante a l'oeil sor sa maistresse Aussi tost qu'on la blesse, Vers nostre Dieu nous regardons ainsi, Attendant sa merci.

¶ Helas! Seigneur, aye pitié de nous,
Aye pitié de nous:
Car tellement nous dédaignent les hōmes,
Que tous souls nous en sommes:
Tāt de brocards les grāds sur nous dégor­gent,
Que nos coeurs en regorgent:
Et sommes pleins du mépris odieux
De tous ces glorieux.

PSEAUME CXXIV.
Pseaume d'action de graces. Nisi quia Dominus, &c.

[...] OR peut bien dire Israël maintenant, Si le Seigneur pour nous n'eust point esté, Si le Seigneur nostre droict n'eust porté, Quand tout le [Page]monde à grand' sureur venant Pour nous meurtrir dessus nous s'est jetté.

¶ Déja fussions vifs devorez par eux,
Veu la sureur ardente des pervers:
Déja fussions sous les eaux à l'envers:
Et tout ainsi qu'un flot impetueux
Nous eussent tous abismez & couverts.
¶ Par dessus nous leur gros & sorts tor­rens
Fussent déja passé & repassé.
Loüé soit Dieu, lequel n'a point laisse
Le peuple sien tomber entre leurs dents
Pour le manger, comme ils avoient pen [...].
¶ Comme l'oiseau du silé se defait
De l'oiseleur, nous sommes échapez,
Rompant le laqs qui nous eust attrape [...]:
Voilà comment le grand Dieu qui a fait
Et terre & ciel, nous a developez.

PSEAUME CXXV.
Pseaume de doctrine. Qui confidunt in Domino, &c.

[...] TOut homme qui son esperance En Dieu asseurera, Jamais ne verse­ra, Mais aura si grande asseurance, Que Sion montagne tres - ferme N'est point plus ferme.

¶ Comme Jerusalem est ceinte
De monts de toutes parts,
Ainsi que de remparts:
Dien autour de sa troupe sainte
Est & sera qu'on ne l'offense,
Seure defense.
¶ Car ce n'est à toûjours qu'il laisse
Les siens entre les mains
Des tyrans inhumains:
De peur qu'une trop longue oppresse
En fin ne les force de faire
Mauvaise affaire.
¶ Aide toute bonne personne,
Traine, ô Dieu, ces pervers
Cheminans de travers,
Avec ceux dont le coeur s'adonne
A tout mal: & aux tiens accorde
Toute concorde.

PSEAUME CXXVI.
Pseaume d'action de graces. In convertendo Dominus, &c.

[...] ALors que de captivité Dieu mit Sion en liberté, Advis nous estoit proprement Que nous songions tant seulement: Bouches & langues à suf­fire Avoient dequoi chanter & rire: Chacun disoit, voyant ceci, Dieu fait merveilles à ceux-ci.

¶ A dire vrai, Dieu pour ce coup
Des biens nous ottroye beaucoup,
Et d'icelui nous recevons
Tout le plaisir que nous avons.
Ramene donques toute entiere
Ta gent n'aguere prisonniere,
Comme arrousant tout au travers
Les païs plus secs & deserts.
¶ Ceux qui aveques larmes d'oeil
Auront semé, perdront le dueil,
Se trouvans joyeux & contens
Quand de moissonner sera temps.
Vrai est qu'en douleur bien amere
Semeront leur semence chere:
Mais tous joyeux ils porteront
Les gerbes qu'ils en cueilliront.

PSEAUME CXXVII.
Pseaume de doctrine. Nisi Dominus aedificaverit.

[...] ON a beau sa maison bastir, Si le Seigneur n'y met la main, Cela n'est que bastir en vain. Quand on veut villes garantir, On a beau veiller & guet­ter, Sans Dieu rien ne peut profiter.

¶ Quoi qu'avant jour soyez levez,
Et bien tard vous couchiez en pleurs,
Repeus maigrement en douleurs,
Vous-mesines en vain vous grevez:
Mais à tout coeur Diea bien-aimant
Dieu donne tout comme en dormant.
¶ Voilà, quand l'homme peut avoir
Pour heritier quelque enfant sien,
C'est de Dieu que lui vient ce bien:
C'est Dieu qui lui fait recevoir
Par sa grand' liberalité
Le guerdon de posterité.
¶ Puis les ensans venus en sleur
Deviennent gens rudes & forts,
Et si bien dispos de leurs corps,
Qa'un traict décoché de roideur
D'un bras robuste & bien adroit
Ne frape plus fort ui plus droit.
¶ Heureux qui leurs carquois auront
De telles sleches bien fournis:
Car en estans si bien munis,
Jamais consondus ne seront:
Mais consondront ouvertement
Leurs haineux en plein jugement.

PSEAUME CXXVIII.
Pseaume de doctrine touchant l'estat du mesnage. Beati omnes qui timent.

[...] BIen - heureux est quiconque Sert à Dieu volontiers, Et ne se lassa onques De suivre ses sentiers. Du labeur que sais faire Vivras com­modement, Et ira ton affaire Bien & heureusement.

¶ Quant à l'heur de ta ligne,
Ta semme en ta maison
Sera comme une vigne
Portant fruict à soison:
Et autour de ta table
Seront tes enfans beaux,
Commme un rang delectable
D'oliviers tous nouveaux.
¶ Ce sont les benesices
Dont sera jouïssant
Celui qui fuyant vices
Craindra [...]e Tout puissant.
De Sion Dieu sublime
Te fera tant de bien,
De voir Jerosolyme
En tes jours aller bien.
¶ Et verras de ta race
Double posterité,
Et sur Israël grace,
Paix, & felicité.

PSEAUME CXXIX.
Pseaume d'action de graces. Saepe expugnaverunt, &c.

[...] DEs ma jeunesse ils m'ont fait mille assauts: Is ra ël peut à cette heure bien dire, Dés ma jeunesse ils m'ont fait mille maux, Mais ils n'ont pû [Page]me vaincre ni destruire.

¶ J'en porte encor les marques jusqu'aux os:
Tantiqu'à me voir semble qu'une charruë
M'ait labouré tout au travers du dos,
Trainant le soc sur ma pauvre chair nuë.
¶ Or le Seigneur qui tout fait justement,
De ces méchans à coupé lé cordage:
Puisse perir ainsi honteusement
Quiconque veut à Sion faire outrage.
¶ Tel homme puisse à l'herbe ressembler
Qu'on voit croissant dessus quelque muraille,
Et y slestrir, sans que pour l'assembler
Ni en cueillir quelque fruit on travaille.
¶ Jamais d'icelle on ne vid moissonne [...]
S'en retourner aveques sa brassëe,
Encore moins emporter le glaneur
Dessous son bras quelque reste amassée.
¶ Jamais aussi ceux qui passent par là
Ne vont disans, Le Seigneur vous beni [...]
Au Nom de Dieu puissiez-vous en cela
Belle moisson trouver, & bien fournie.

PSEAUME CXXX.
Pseaume de priere. De profundis clamavi, &c.

[...] DU fonds de ma pensée: Au fonds de tous ennuis, A toi s'est a­dressée Ma clameur jour & nuict. Enten ma voix plaintive, Seigneur, il est saison: Ton oreille ententive Soit à mon oraison.

¶ Si ta rigueur expresse
En nos pechez tu tiens,
Seigneur, Seigneur, qui est ce
Qui demeura des tiens?
Or tu n'es point severe,
Mais propice à merci:
C'est pourquoi on revere
Toi, & ta Loi aussi.
¶ En Dieu je me console,
Mon ame s'y attend,
En sa serme Parole
Tout mon espoir s'étend.
Mon ame à Dieu regarde
Matin & sans sejour,
Plus matin que la garde
Assise au poinct du jour.
¶ Qu'Israël en Dieu fonde
Hardiment son appui:
Car en Dieu grace abonde,
Et secours est en lui.
C'est celui qui sans doute
Israël jettera
Hors d'iniquité toute,
Et le rachetera.

PSEAUME CXXXI.
Pseaume de consolation. Domine, non est exaltatum est cor.

[...] SEigneur, je n'ai point le coeur fier, Je n'ai point le regard trop haut, Et a rien plus grand qu'il ne faut Ne voulus jamais aspirer.

¶ Si je n'ai fait taire & donté
De si pres tout mon appetit,
Que je semble à l'enfant petit
Qui de sa mere est delaicté:
¶ Si je ne suis, dis-je, rendu
Pareil à l'enfant tout foiblet
Auquel on a osté le laict,
Content suis de n'estre entendu.
¶ Atten du Seigneur le soulas
Jusques à perpetuïté:
Et d'esperer en sa bonté
Israël jamais ne soit las.

PSEAUME CXXXII.
Pseaume de priere. Memento, Domine, David.

[...] VUeilles, Seigneur, estre recors, De David & de son tourment: [Page]Lui qui à Dieu a fait serment, Dieu de Jacob, le fort des forts, Et fait voeu solennellement.

¶ Voilà que je promets, dit-il,
Jamais en ma maison n'irai,
Ni sur mon lictine monterai:
Je ne clorrai jamais sourcil,
Jamais les yeux ne fermerai.
¶ Que je ne trouve un certain lieu
Qu'au Seigneur je puisse assigner,
Et qu'un lieu ne voye ordonner,
Où de Jacob le puissant Dieu
Desormais vueisle sejourner.
¶ Or voilà donques nous avons
Maintenant entendu où c'est:
Sur tous lieux Ephrata te plaist,
Et ta demeure nous trouvons
Dedans le champ de la forest.
¶ Là nous irons te visiter
Deyant le siege où tu veux seoir,
De t'adorer ferons devoir.
Sus donc, vien pour y habiter,
Toi, & l'Arche de ton pouvoir.
¶ Soient de justice en bien vivant
Vestus les Prestres de la Loi:
Tes Saints soient loin de tout émoi,
Soustien pour David ton servant
Le Roi oinct & regnant par toi.

*⁎* *⁎*

¶ Dieu a juré en verité
A David, voire & le fera,
Disant, En ton trône sera
Quelqu'un de ta posterité
Que ma main y establira.
¶ Et si mon contract & mes dits,
Ainsi que montrez leur seront,
Tes enfans gardent, ils auront
Encore ce bien, que leurs fils
Sans fin en ton trône serront.
¶ Car Dieu a choist & voulu
Sion, afin de s'y loger:
Je ne veux plus, dit-il, changer:
Ce lieu me plaist, je l'ai éleu,
Afin de jamais n'en bouger.
¶ Ses pauvres soulerai de pains,
De tous biens je les fournirai:
Ses Prestres j'environnerai
De mon salut & tous ses Saints
A plein réjouïr je ferai.
¶ David y steurira par moi,
Et sa cornē y élevera:
Là dedans posée sera
La lampe apprestée à mon Roi,
Et sa clarté y donnera.
¶ Je veux de honte & deshonneur
Envelopper ses envieux,
Faisant sleurir devant leurs yeux
Dessus son chef rempli d'honneur
Son diadéme precieux.

PSEAUME CXXXIII.
Pseaume de doctrine. Ecce quàm bonum, & quàm, &c.

[...] O Combien est plaisant & souhaitable, De voir ensemble en con­corde amiable Freres unis s'entretenir! Cela me fait de l'onguent souvenir Tant precieux, dont parfumer je voi Aaron le Prestre de la Loi.

¶ Et qui depuis la teste vient descendre
Jusqu'à Ja barbe, & enfin se vient rendre
Aux bords du sacré vestement.
Comme l'humeur se voit journellement
Du mont Hermon, & Sion décourir,
Et le païs d'embas nourrir.
¶ Ainsi pour vrai cette assemblée heu­reuse
Sent du Seigneur la saveur plantureuse,
Voire pour jamais ne mourir.

PSEAUME CXXXIV.
Pseaume de doctrine. Ecce nunc benedicite Dominum.

[...] OR sus, serviteurs du Seigneur, Vous qui de nuit en son honneur Dedans sa maison le servez, Loüez-le, & son Nom elevez.

¶ Levez les mains au plus haut lieu
De ce tres-sainc temple de Dieu,
Et le los qu'il a merité
Soit par vos bouches recité.
¶ Dieu qui a fait & entretient
Et terre & ciel par son pouvoir,
Du mont Sion, où il se tient,
Ses biens te fasse appercevoir.

PSEAUME CXXXV.
Pseaume de doctrine. Laudate nomen Domini.

[...] CHantez de Dieu le renom, Vous serviteurs du Seigneur: Venez pour lui faire honneur, Vous qui avez eu ce don D'estre habitans au milieu Des parvis de nostre Dieu.

¶ Loüez Dieu, car il est bon:
Psalmodiez en son Nom,
Car il est plaisant & doux.
Il a choisi entre tous
Jacob, & Israël pris
Pour son tresor de grand prix.
¶ Car l'Eternel, sçai-je bien,
Est si grand, que tous les dieux
Aupres de lui ne sont rien:
Qui fait en terre & és cieux,
Voire aux goussres de la mer,
Ce qu'il lui plaist consommer.
¶ Du bout de la terre en haut
Il fait les nuës monter:
Les éclairs, quand il le faut,
Il fait en pluye éclater.
Et sortir de ses tresors
Les vents tant rudes & forts.
¶ D'Egypte les premiers nez
Il a tué de ses mains,
Soit qu'ils fussent les aisnez
Du bestail ou des humains.
Egypte, il t'a fait sçavoir
Choses terribles à voir.
¶ Il a défait Pharaon,
Et toutes ses legions,
Occis Rois & nations,
Témoin le fort Roi Sehon,
Og le grand Roi de Basan,
Et tous ceux de Chanaan.
¶ A son peuple d'Israël
Il a leur païs cedé,
Duquel il sut possedé
En titre perpetuel.
Ton Nom, Dieu plein de bonté,
Dure à perpetuïté.
*⁎* ¶ De Dieu le Nom sleurissant
D'âge en âge durera:
Car l'Eternel Tout-puissant
Son peuple gouvernera,
Estant appaise de coeur
Vers son pauvre serviteur.
¶ Les images des Gentils
Ne sont rien qu'or & argent,
Oeuvres d'hommes abrutis,
Pour abuser mainte geut.
Bouche elles ont sans mouvoir,
Et des yeux pour ne rien voir.
¶ Sans ouïr oreilles ont,
Et ne peuvent respirer.
Tels seront ceux qui les font,
Et qui les vont adorer:
Et qui est fol jusques-là,
De se fier en cela?
¶ Vous du Seigneur les enfans,
Chantez le los du Seigneur:
Enfans d'Aaron triomphans,
Rendez à Dieu tout honneur:
Vous de Levi la maison,
Loüez-le en toute saison.
¶ Vous tous qui le reverez,
Rendez son los solennel
Soit haut loüé l'Eternel,
Qu'en Sion vous adorez,
Et qui veut pour n'en bouger
En Jerusalem loger.

PSEAUME CXXXVI
Pseaume d'action de graces. Confitemini Domino, &c.

[...] LOüez Dieu tout hautement, Car il est doux & element: Et sa grand' benignité Dure à per pe tu ï te.

¶ Chantez le Dieu glorieux
Elevé sur tous les dieux:
Car sa grand' beniguité
Dure à perpetuïté.
¶ Donnez gloire & tous honneurs
Au grand Seigneur des seigneurs:
Car sa grand' benignité
Dure à perpetuïté.
¶ Donnez loüange à celui
Qui fait grands faits sans autrui:
Car sa grand' benignité
Dure à perpetuïté.
¶ Il a les hauts cieux formez,
Et par grand art consommez:
Car sa grand' benignité
Dure à perpetuïté.
¶ Il tient estendu sur l'eau
De la terre le fardeau:
Car sa grand' benignité
Dure à perpetuïté.
¶ Es cieux tant bien composez:
Les grands stambeaux a posez:
Car sa grand' beniguité
Dure à perpetuïté.
¶ Du Soleil a fait l'entour
Pour dominer sur le [...]our:
Car sa grand' benignité
Dure à perpetuïté.
¶ Astres & Lune il conduit
Pour dominer sur la nuit:
Car sa grand' benignité
Dure à perpetuïté.
¶ Ceux d'Egypte il a batus,
Et leurs aisnez abbatus:
Car sa grand' benignité
Dure à perpetuïté.
¶ Il a retiré d'entr'eux
Son Israël langoureux:
Car sa grand' benignité
Dure à perpetuïté.
¶ Par sa main & par l'essort
De son bras puissant & fort:
Car sa grand' benignité
Dure à perpetuïté.
*⁎* ¶ De la mer les flots hideux
Il a départis en deux:
Car sa grand' benignité
Dure à perpetuïté.
¶ Et par ses flots entassez
[...]es enfans il a passez:
Car sa grand' benignité
Dure à perpetuïté.
¶ En mer a versé le Roi
Pharaon & son arroi:
Car sa grand' benignité
Dure à perpetuïté.
¶ Son peuple ainsi gouverné
Par le desert a mené:
Car sa grand' benignité
Dure à perpetuïte.
¶ Il a les Rois attrappez,
Et pour son peuple trappez:
Car sa grand' benignite
Dure à perpetuïté.
¶ Il a par ses grands efforts
Lui-mesme occis les plus forts:
Car sa grand' benignité
Dure à perpetuïté.
¶ Sa main a reduit à rien
Schon Roi Amorrhéen:
Car sa grand' beniguité
Dure à perpetuïté.
¶ Il a par un mesme effet
Le Roi de Basan défait:
Car sa grand' benignité
Dure à perpetuïté.
¶ Et le païs tant exquis
Il a pour son peuple acquis:
Car sa grand' benignité
Dure à perpetuïté.
¶ Acquis, dis-je, à Israël
En titre perpetuel:
Car sa grand' benignité
Dure à perpetuité.
¶ Tant plus grand mal nous avient,
Tant plus de lui nous souvient:
Car sa grand' benignité
Dure à perpetuïté.
¶ Et nous delivre des mains
Des ennemis inhumains:
Car sa grand' benignité
Dure à perpetuïté.
¶ C'est lui tout seul qui de fait
Nourrit tout ce qu'il a fait:
Car sa grand' benignité
Dure à perçetuïté.
¶ Bref, du grand Dieu des hauts cieux
Loüez le Nom precieux:
Car sa grand' benignité
Dure à perpetuïté.

PSEAUME CXXXVII.
Pseaume de complainte. Super slumina Babylonis.

[...] EStans assis aux rives aquatiques De Babylon, pleurions melancoliques, Nous souvenan, du païs de Sion: Et au milieu de l'habitation, Où de [Page]regrets tant de pleurs épandismes, Aux saules verds nos harpes nous pen­dismes.

¶ Lors ceux qui là captiss nous emmenerēt,
De les sonner fort nous importunerent:
Et de Sion les chansons reciter.
Las! dismes-nous, qui pourroit inciter
Nos tristes coeurs à chanter la loüange
De nostre Dieu en une terre estrange?
¶ Or toutefois puisse oublier ma dextre
L'art de harper, avant qu'on te voye estre,
Jerusalem, hors de mon souvenir:
Ma langue puisse à mon palais tenir,
Si je t'oublie, & si jamais j'ai joye,
Tant que premier ta delivrance j'oye.
¶ Mais dōc, Seigneur, en ta memoire imprime
Les fils d'Edom, qui sur Jerosolyme
Crioient au jour que l'on la destruisoit:
Souvienne-toi qu'un chacun d'eux disoit,
A sac, à sac, qu'elle soit embrasée,
Et jusqu'au pied des fondemens rasée.
¶ Aussi seras, Babylon, mise en cendre,
Et tres-heureux qui te sçaura bien rendre
Le mal dōt trop de prés nous viens toucher.
Heureux celui qui viendra arracher
Les tiens enfans de ta mammelle impure,
Pour les froisser contre la pierre dure.

PSEAUME CXXXVIII.
Pseaume d'action de graces. Confitebor tibi Domine, &c.

[...] IL faut que de tous mes esprits, Ton los & pris J'exalte & prise: Devant les grands me presenter pour te chanter J'ai fait emprise. En ton saint Temple adorerai, Celebrerai Ta renommée, Pour l'amour de ta grand' bonté Et feauté Tant estimée.

¶ Car tu as fait ton Nom tres-grand,
En te montrant
Vrai en paroles.
Dés que je crie tu m'entens
Quand il est temps
Mon coeur consoles.
Dont les Rois de chacun païs
Fort ébahis,
T'ont loüé, Sire,
Apres qu'ils out connu que c'est
Un vrai arrest
Que de ton dire.
¶ Et de Dieu, ainsi que je fais,
Chantent les faits
A sa memoire:
Confessans que du Tout-puissant
Resplendissant
Grande est la gloire:
De voir ci bas tout ce qu'il faut
De son plus haut
Trône celeste:
Et de ce qu'estant si lointain,
Grand & hautain
Se manifeste.
¶ Si au milieu d'adversitê
Suis agité,
Vif me preserves:
Sur mes ennemis inhumains
Jette les mains,
Et me conserves.
Et parseras mon cas tout seur,
Car ta douceur
Jamais n'abaisses:
Ce qu'une fois as commencé
Et avancé
Tu ne delaisses.

PSEAUME CXXXIX.
Pseaume de consolation. Domine, probasti me, &c.

[...] O Dieu, tu connois qui je suis, Tu sçais tout cela que je puis: [Page]Soit que sois assis ou debout, Tu me connois de bout en bout: Et n'ai nul­le chose conceuë, Que n'ayes de loin appercenë.

¶ Soit que je marche ou sois couché
Je te voi soudain approché:
De ma vie tout le sentier
T'est dés long-temps tout coûtumier:
Je n'ai pas le mot sur la langue,
Que déja tu sçais ma harangue.
Derriere & devant tu me tiens
Environné de tes liens:
Tu as posé sur moi ta main:
Ton sens est pour moi trop hautain:
Et ne pourrois de ta sagesse
Jamais atteindre la hautesse.
¶ Si ton esprit veut m'attraper,
Où irai-je pour échàper?
Où m'ensuirai-je devant toi?
M'ensuyant aux cieux je t'y voi:
Et si dans les abysmes j'entre
Je t'y trouverai jusqu'au centre.
¶ Pose que j'attache à mon corps,
Afin d'aller jusques aux bords
De l'Ocean faire sejour,
Les ailes de l'aube du jour:
Ta main, s'il te plaist, de l'estendre
Viendra m'y poursuivre & m'y prendre.
¶ Si je dis, La nuit pour le moins
Me couvrira à tous témoins,
Au lieu de jour me servira:
La nuit point ne me couvrira:
Car la nuit t'est splendeur entiere,
Et tenebres te sont lumiere.
¶ Car mes reins jusqu'au plus prosond
Sont à toi, qui m'as dans le fond
Du ventre dont je suis sorti
Couvert toi mesmes & basti:
Et certes d'un cas tant estrange
A jamais te rendrai loüange.
*⁎* ¶ Pour vrai merveilleux sont tes faits,
Et pour ce austi de tes effets
Mon coeur pourchasse le sçavoir:
La vigueur que je puis avoir
Ne t'est cachée ni secrete,
Car en lieu secret tu l'as faite.
¶ Tu m'as tissu & façonné
Es cavernes dont je suis né:
Tes yeux m'ont veu tout imparfait:
Un [...]eul membre n'en estoit fait,
Qu'en ton livre estoit toute écrite
L'oeuvre que le temps a produite.
¶ O combien me sont precieux
Tes conseils! ô combien d'iceux
La somme est sorte à projetter!
Car si je les veux tous conter,
Il s'en trouvera davantage
Que de sablon sur le rivage.
¶ Eucore suis-je apres ton conseil
Un chacun jour à mon réveil:
O Eternel, quand tu voudras
Tuër le méchant par ton bras,
Alors, ô toi, bande meurtriere,
Tire toi hardiment arriere.
¶ Je dis tes ennemis, Seigneur,
Qui ont blasonnné ton honneur,
Et qui s'élevent faussement.
O Seigneur, je hai voirement
Tes haineux: & qui t'est contraire,
Ne l'ai-je pas pour adversaire?
¶ Je les hais tous totalement,
Et les estime entierement
Pour mes ennemis à jamais.
O Dieu, pren mon coeur, & le mets
A l'épreuve, afin de connaistre
Entierement quel il peut estre.
¶ Fai l'experience de moi,
Sonde bien mon coeur, & le voi:
Voi si je me suis arresté
Au chemin de méchanceté:
Que ta bonté où me je fonde
Me guide és sentiers de ce monde.

PSEAUME CXL.
Pseaume de priere. Eripe me, Domine, &c.

[...] O Dieu, donne moi delivrance De cét homme pernicieux, Preserve moi de la nuisance De cét homme malicieux.

¶ Lui & les siens qui lui ressemblent
Brassent en leur coeur mille maux,
Et me preparent & assemblent
Tous les jours combats tous nouveaux.
¶ Leurs fausses langues outrageuses
Ils affilent comme un serpent,
Et sous leurs levres venimeuses
Venin de vipere s'épand.
¶ Garde moi de la main cruelle
Du méchant: preserve mes pas
De l'outrageux, qui par cautelle
Me veut precipiter en bas.
¶ Les orgueilleux m'ont par sinesse.
Leurs pieges & rets estendus,
Et par la voye où je m'adresse
Leurs trébúchets ils ont tendus.
¶ Lors j'ai dit en ferme fiance,
Tu es mon Dieu, ô Eternel,
Vueilles ottroyer audiance
A ma clameur, Dieu supernel.
¶ Dieu mon maistre & mes fortes armes
Pour me garder en tout méchef.
C'est toi qui au jour des alarmes
As couvert & muni mon chef.
¶ N'ottroye aux méchans qui me grevent,
Seigneur, l'esset de leurs desirs:
Et ne souffre point qu'ils s'elevent,
Amenans à fin leurs plaisirs.
¶ Le chef de cette compagnie
Qui m'enclost puisse recevoir
Sur soi l'ennui & fascherie
Que sa langue m'a fait avoir.
¶ Charbons leur tombent sur la teste,
Dieu les abysme tellement
Par sa foudroyante tempeste,
Qu'ils n'en relevent nullement.
¶ L'homme pervers en son langage
Sur terre établi ne sera:
L'homme adonné à faire outrage,
Le mal qu'il fait le chassera.
¶ Je sçais que Dieu fera justice
A celùi qui est affligé:
Et qui fait au pauvre injustice
Un jour par lui sera jugé.
¶ Pour vrai ton Nom plein d'excellence,
Seigneur, les justes chanteront,
Et pour jamais en ta presence
Les droituriers habiteront.

PSEAUME CXLI.
Pseaume de priere. Domine, clamavi ad te.

[...] O Seigneur, à toi je m'écrie, Plaise toi donques te haster, Et vueilles ma voix écouter: Car c'est toi qu'en criant je prie.

¶ Mon oraison à toi se rende
Comme le parsum de l'encens:
Reçoi mes mains que je te tends,
Ainsi que du velpre l'offrande.
¶ Serre, Seigneur, en telle sorte
De mes deux levres tout l'enclos,
Et retien leur guichet tout clos,
Si fermement que mal n'en sorte.
¶ N'encline point mon coeur aux vices
Pour commettre méchanceté
Avec ces gens d'iniquité,
Ou pour gouter de leurs delices.
¶ Que sur moi le juste tempeste,
Si me sera-t'il toûjours doux:
Et non plus que baume ses coups
Jamais ne blesseront ma teste.
¶ Mais quoi? encore quelque espace,
Et je verrai ces mal heureux
Si miserables, que pour eux
Il faudra que priere face.
¶ Quand leurs gouverneurs execrables
Du haut en bas seront jettez,
Lors seront mes dits écoutez,
Comme benins & amiables.
¶ Comme en fendant ou bois ou pierre
Tout vole en pieces & morceaux,
Ainsi tout joignant nos tombeaux
Nos os épars gisent par terre.
¶ Mon Dieu, quelque assaut qu'on me baille
Je tiens mes yeux fichez sur toi:
Tu es mon espoir & ma foi.
Ne permets que le coeur me faille.
¶ Garde moi d'estre pris au piege
Que ces mal-heureux m'ont tendu,
Et du rets que m'a estendu
La fausse bande qui m'assiege.
¶ Mais le Seigneur d'un coup attrape
En ces filets tous ces pervers,
Et cependant tout au travers,
Voire sain & sauf j'en échappe.

PSEAUME CXLII.
Pseaume de priere. Voce mea ad Dominum, &c.

[...] J'Ai de ma voix à Dieu crié, J'ai de ma voix mon Dieu prié, J'é­pans tout mon coeur devant lui, Et lui declare mon ennui.

¶ Quoi qu'en moi de douleur épris
S'envelopent tous mes esprits,
Tu sçais l'endroit par où je doi
Sortir des lieux où je me voi.
¶ Par les chemins où j'ai passé
Leur trébuchet ils m'ont dressé:
Et quand çà & là j'ai tout veu
Nul ami ne m'a reconnu.
¶ Bref, tout moyen me semble osté
D'échaper de quelque costé:
Et ne se peut un seul trouver
Qui ait souci de me sauver.
¶ Seigneur, je t'adresse mon cri,
Tu es mon espoir, je le di:
En tout le monde il n'y a rien
Fors que toi où gise mon bien.
¶ Enten ma clameur, car je suis
Tant accablé que plus n'en puis:
Garde moi des malicieux
Qui sont sur moi victorieux.
¶ Tire moi de cette prison,
Afin que je chante ton Nom:
Et les bons m'environneront
Quand en moi tes biens ils verront.

PSEAUME CXLIII.
Pseaume despriere. Domine, exaudi orationem

[...] SEigneur Dieu, oi l'oraison mienne, Jusqu'à tes oreilles parvienne Mon humble supplication, Selon la vraye merci tienne, Répon moi en affliction.

¶ Avec ton serviteur n'estrive,
Et en plein jugement n'arrive
Pour ses offenses lui prouver:
Car devant toi homme qui vive
Juste ne se pourra trouver.
¶ Las! mon ennemi m'a fait guerre,
A prosterné ma vie en terre,
Encor ne lui est pas assez:
En obscure fosse il m'enserre
Comme ceux qui sont trépassez.
¶ Dont mon ame ainsi empressée
De douleur se trouve oppressée,
Pensant que m'as abandonné:
Je-sens dedans moi ma pensée
Troublée, & mon coeur estonné.
¶ En cette fosse obscure & noire
Des jours passez j'ai eu memoire:
Là j'ai tes oeuvres meditez,
Et pour consort consolatoire
Les faits de tes mains recitez.
¶ Là dedans à toi je soûpire,
A toi je tends mes mains, ô Sire,
Et mon ame en sa grand' clameur
A soif de toi & te desire,
Comme seche terre l'humeur.

*⁎* *⁎*

¶ Haste toi, sois moi secourable,
L'esprit me faut: de moi coupable
Ne cache ton visage beau:
Autrement je m'en vais semblable
A ceux qu'on devale au tombeau.
¶ Fai moi done ouïr de bonne heure
Ta grace, car en toi m'asseure:
Et du chemin que tenir doi
Donne moi connoissance seure,
Car j'ai levé mon coeur à toi.
¶ O Seigneur Dieu, mon esperance,
Donne moi pleine deliviance
De mes poursuivans ennemis,
Puis que chez toi pour asseurance
Je me suis à resuge mis.
¶ Enseigne moi comme il saut faire
Pour bien ta volonté parfaire,
Car tu es mon vrai Dieu entier:
Fait que ton Esprit debonnaire
Me guide & meine au droit sentier.
¶ O Seigneur, en qui je me fie,
Restaure moi & vivisie
Pour ton Nom craint & redouté:
Retire de langueur ma vie,
Pour montrer ta juste bonté.
¶ Tous les ennemis qui m'assaillent,
Fai par ta merci qu'ils defaillent,
Et ren consondus & destruits
Tous ceux qui ma vie travaillent,
Car ton humble serviteur suis.

PSEAUME CXLIV.
Pseaume d'action de graces. Benedictus Dominus Deus.

[...] LOüé soit Dieu ma force en tous alarmes, Qui duit mes mains à ma­nier les armes. Et rend mes doigts habiles aux combats: Sa grand' bonté est sur moi haut & bas. C'est mon chasteau, mon roc, ma delivrance: C'est mon bouclier, c'est ma seule esperance: C'est lui qui a malgré tous en­nemis, Ce peuple mien à mon pouvoir soûmis.

¶ Qu'est-ce de l'homme, ô Dieu & de son estre,
Que ta bonté le daigne reconnaistre?
Qu'est-ce de l'homme & de sa race aussi,
Pour l'estimer digne de ton souci?
Tout bien conté, l'hōme est si perissable,
Qu'il n'est à rien qu'à un rien comparable:
Et ses beaux jours, tous apparensqu'ils sont,
Soudain & tost cōme une ombre s'en vont.
¶ Baisse, Seigneur, tes hauts cieux pour de­scendre,
Frape les monts, fai-les fumer & fendre,
Lance l'éclair, dissipe ces pervers,
Lasche tes traits, romps-les tout au travers.
Ten-moi d'enhaut ta main qui me délivre
De ces grand's eaux, ren moi sain & délivre
D'entre les mains & terribles dangers
De ces enfans bastards & estrangers.

*⁎* *⁎*

¶ Car de leur bouche ils ont dit menterie,
Et leur main est la main de tromperie,
Chanson nouvelle, ô Dieu, je te dirai,
Sur harpe & luth ton los j'entonnerai.
C'est toi, ô Dieu, qui sauves & qui gardes
Les Rois puissans: c'est [...]toi qui contregardes
David ton serf de ces glaives trenchans
Qu'avoient sur lui dégainé les méchans.
¶ Délivre-moi, & de la main me garde
De cette race estrangere & bastarde,
Car de sa bouche elle a dit faussete,
Et sa main est la main de lascheté.
Nos fils, Seigneur, soient ainsi que des plantes
Dés leur tendreur robustes & puissantes:
Nos filles soient des pilliers hauts & droits,
Tels qu'on peut voir aux maisons des grands Rois.
¶ De tous anglets toutes especes sortent:
Quant aux brebis par milliers elles por­tent:
Et du bessail puissent les legions
Par les citez aller par millions.
Nos boeufs puissans tirent tout à leur ai­se:
En nos citez n'y ait aucun mes-aise:
Ne soit besoin de sa maison sortir.
Nul cri d'essroi n'y puisse retentir.
¶ O bien-heureux le peuple à qui Dieu donne
Tranquillité si heureuse & si bonne!
Heureux pour vrai se peut bien renommer,
Qui pour son Dieu l'Eternel peut nommer.

PSEAUME CXLV.
Pseaume d'action de graces. Exaltabo te Deus meus.

[...] MOn Dieu, mon Roi, haut je t'éleverai, Et ton Nom saint sans fin je benirai: Je veux ton los chacun jour publier, Et pour jamais ton Nom glorifier. Le Seigneur est tres-grand & admirable, Et sa grandeur n'est à nous comprenable: De pere en fils ses saits on magnifie, Et sa puissance entre iceux se publie.

¶ Penser ne veux qu'à la gloire & splen­deur
De ta hautesse, & à cette grandeur
Dont va parlant, ô Dieu tres-glorieux,
Tout ton ouvrage exquis & merveilleux.
Tes faits, Seigneur, portent seur témoi­gnage
De ta puissance en maint terrible ouvrage:
Moi donc aussi ferai devoir sans cesse
De celebrer avec eux ta hautesse.
¶ Du fouvenir de ta bonté, Seigneur,
Chacun d'iceux est tres-prompt enseigneur,
Et tout le cours par eux nous est conté
De ta constante & ferme loyauté.
Dieu est benin & de douceur immense,
Tardis à ire, & tout plein de clemence,
Doux envers tous: & sur toute son oeuvre
Ses grand's pitiez à toute heure il decoeuvre.

*⁎* *⁎*

¶ Or donc, Seigneur, tout ce que tu as fait
Te donne los d'un ouvrier tout parfait:
Mais entre tout l'ouvrage de tes mains,
Tu es benit & loüé de tes Saints.
De ton royaume ils annoncent la gloire [...]
Et publians ta puissance notoire,
A tous humains ta force ils font connoistre,
Et la grandeur de ton regne apparoistre.
¶ Ton regne, ô Dieu, est un regne à to [...] ­jours,
Et ton empire à jamais à son cours:
Ta main soustient ceux qui s'en vont tōber,
Releve ceux qu'on voit ja succomber.
A toi, Seigneur, s'attend ta creature,
Et en son temps tu lui donnes pasture:
Ouvrant ta main par ta faveur tres-grande,
Tous animaux tu fournis de viande.
¶ Le Seigneur est tres-juste en tous ses faits,
Et tres-benin és oeuvres qu'il a faits:
Il est prochain de celui qui le quiert,
Et d'un vrai coeur l'invoque & le requiert.
A ceux qui l'ont en crainte & reverence
De leurs desirs donra l'experience:
A leurs clameurs l'oreille il viendra tēdre,
Et de tous maux les garder & defendre.
¶ Dieu pour certain garde tous ses amïs,
Et destruira ses pervers ennemis.
Ma bouche donc sa loüange dira,
Et toute chair sans fin le benira.

PSEAUME CXLVI.
Pseaume d'action de graces. Lauda, anima mea Dominum.

[...] SUs, mon ame, qu'on beni e, Le Souverain: car il faut Tant que du­rera ma vi e, Que je loüe le Tres-haut: Et tant que je durerai, Pseaumes je lui chanterai.

¶ Ne mettez vostre asseurance
En nul Prince terrien,
N'ayez en l'homme esperance
Qui au besoin ne peut rien:
Quand son soussle s'en ira,
En terre il retournera.
¶ Avec lui mainte entreprise
S'évanouïra soudain.
Heureux auquel favorise
Du Dieu de Jacob la main,
Et qui a pour tout secours
A l'Eternel son recours.
¶ C'est lui qui par sa puissance
A fait la terre & les cieux,
Et la mer & l'abondance
De ce qui est en iceux
Et maintient sa verité
Jusqu'à perpetuïté.
*⁎* ¶ Ceux ausquels ont fait injure
Il vient defendre d'enhaut:
Il donne à ceux nourriture
Ausquels le vivre defaut:
Et par lui sont déliez
Ceux qu'on tenoit bien liez.
¶ A ceux-là qui rien ne voyent
L'Eternel donne des yeux:
De redresser ceux qui ployent
L'Eternel est curieux:
L'Eternel aime & soustient
Qui justement se maintient.
¶ L'Eternel dessous sa garde
Defend le pauvre estranger:
Garantit & contregarde
L'orphelin en tout danger:
Envoye aux veuves support,
Gardant qu'on leur fasse tort.
¶ Les méchans il sçait destruire
Et renverser tous leurs tours:
L'Eternel en son empire
Est permanent à toûjours.
Sion, ton Dieu voirement
Demeure eternellement.

PSEAUME CXLVII.
Pseaume d'action de graces. Laudate Dominum, quoniam, &c.

[...] LOüez Dieu, car c'est chose bonne Qu'à nostre Dieu loüange on don­ne: C'est, dis-je, une chose plaisante De le loöer & bien-seante: Puis que c'est lui qui de sa grace Sa Jerusalem a bastie, Il convient aussi qu'il ramasse Sa gent çà & là departie.

¶ Il guerira ceux qui defaillent
Pour les grands maux qui les travaillent,
Et mettra dessus leurs blosseures
Bonnes medecines & seures.
Car il [...]çait mesmes des estoilles
Entierement toute la somme:
Et n'y a pas une d'icelles
Que selon leurs noms il ne nomme.
¶ Pour vrai nostre Seigneur & maistre
Est le plus grand qui pourroit estre,
Et d'une force tres-immense,
Et d'une infinie prudence.
L'Eternel consorte & soulage
Ceux qu'assliction tient en serre,
Et des méchans toute la rage
Rabaisse & renverse par terre.
¶ Sus donc, que sa loüange on die,
Qu'à nostre Dieu on psalmodie,
Qui remplit le ciel de broüées,
Et le couvre tout de nuées:
Et puis sa pluye goutte à goutte
Dessus les terres en degoutte,
Pour faire croistre les herbages
Jusques és monts les plus sauvages.
*⁎* ¶ Au bestail il donne pasture,
Aux corbillats leur nourriture,
Craquetans en leur nid sans cesse
De necessité qui les presse.
Dieu ne prend plaisir à la taille
D'un fort cheval pour la bataille:
La jambe viste & diligente
D'un coureur point ne le contente.
¶ Mais il prend son éjouïssance
En ceux qui craignent sa puissance,
Et qui totalement dependent
De sa clemence qu'ils attendent.
Toi Jerusalem cite sainte,
Celebre l'Eternel en crainte:
Et de ton Dieu Sion la belle,
Chante la loüange immortelle.
¶ Car c'est lui qui munit tes portes
De verroux & barres tres fortes,
Et mesme au milieu de tes places
Fournit tes enfans de ses graces.
C'est lui qui par ses exercites
Nourrit la paix en tes limites:
C'est lui qui t'emplit & engraisse
De tout le plus beau blé qui naisse.
¶ C'est, lui qui sa parole en voye
Par la terre, & soudain envoye
On voit courir devant sa face
Son dire tout plein d'efficace.
C'est lui qui couvre mont & plaine
De neige à floquets comme laine,
Et qui vient la bruïne épandre
Tout aussi menu comme cendre.
¶ C'est lui par sequel sont lancées
A gros billots les eaux glacées:
Et qui sera de peau si dure,
Qu'il puisse endurer sa froidure?
Mais sa glace est soudain fonduë
Qu'elle a sa parole entenduë,
Et dés la premiere sousslée
De son vent l'eau est écoulée.
¶ Quoi plus? c'est lui qui maniseste
A Jacob son vouloir celeste,
Et de toute sienne ordonnance
Donne à Israël connoissance.
Tous peuples du monde habitable
N'ont pas un traittement semblable,
Car ses ordonnances sacrées
Il ne leur a point declarées.

PSEAUME CXLVIII.
Pseaume d'action de graces. Laudate Dominum de coelis.

[...] VOus tous les habitans des cieux, Loüez hautement le Seigneur: Vous les habitans des hauts lieux, Chantez hautement son honneur. Anges, chantez sa renommée: Loüez-le, toute son armée, Lune & Soleil, loüez son Nom: Esto [...]les, chantez son renom.

¶ Loüez-le vous cieux les plus hauts:
Loüez-le, nuës pleines d'eaux:
Bref, tout l'ouvrage supernel
Louë le Nom de l'Eternel.
Car apres sa parole dite,
Cette oeuvre fut faite & construite,
Et le tout il a mesuré
D'un cours à toujours asseuré.
¶ Il en a fait un mandement
Qui se garde infailliblement:
Balaines aussi avec eux,
Loüez-le au prosond de vos creux.
Feux, gresle, neige, & glaces froides.
Vents de tempeste forts & roides,
Executans sa volonté,
Preschez le los de sa bonté.
¶ Loüez son Nom, monts & cossaux,
Arbres fructiers, cedres tres-hauts,
Bestes sauvages sans raison,
Et tout bestail de la maison.
Bestes sur la terre rampantes,
Bestes parmi le ciel volantes,
Rois & peuples de toutes parts,
Princes & Gouverneurs épars.
¶ Filles, enfans, jeunes & vieux
Chantez son los à qui mieux mieux:
Car son seul Nom est haut levé,
Et sur terre & cieux eleve.
De ses Saints la corne a haussée,
Dont leur loüange est avancée:
D'Israël, dis-je, par exprés,
Peuple qui lui touche de prés.

PSEAUME CXLIX.
Pseaume d'action de graces. Cantate Domino canticum.

[...] CHantez à Dieu chanson nouvelle, Et sa loüange solennelle, Des bons parmi la compagnie Maintenant soit ouye. I [...] ra ël s'égaye en son coeur De l'Eternel son Createur: Et d'un tel Roi soient triomphans De Sion les enfans.

¶ Son Nom sur la slute s'entonne,
Qa'au tambour chanson ou lui sonne.
Et dessus la harpe accordante
Sa loüange se chante.
Car Dieu en sa gent prend plaisir,
Laquelle il a voulu choisir:
Et les petits honorera
Des biens qu'il leur fera.
¶ Un jour auront ses debonnaires
Plaisirs & joyes ordinaires,
Voire en leurs licts chanter de joye
Il faudra qu'on les oye.
De Dieu en leur gosier auront
Les loüanges: & porteront
Dedans leur main, chantant leurs chants
Un glaive à deux tranchans:
¶ A fin de destruire & defaire
T [...]ute nation adversaire,
Et punir leur outrecuidance
D'une juste vengeance.
Voire pour mener prisonniers
Leurs Rois & Princes les plus fiers,
Et dedans leurs seps bien serrez
Les tenir enserrez:
¶ En les punissant de la sorte
Que leur sentence écrite porte,
Telle est de ses Saints l'excellence
Et la magnificence.

PSEAUME CL.
Pseaume d'action de graces. Laudate Dominum in sanctis.

[...] OR soit loüé l'Eternel De son saint lieu supernel: Soit, dis-je, tout hautement Loüé de ce firmament Plein de sa magnificence. Loüez­le tous ses grands faits: Soit loüé de tant d'effets, Témoins de son ex­cellence.

Soit joint avecques la voix
le plaisant son du haut-bois:
Psalterions à leur tour,
Et la harpe & le tambour
Haut sa loüange resonnent.
Phifres éclatent leur ton,
Orgues, musette, & bourdon
D'un accord son los entonnent.
¶ Soit le los de sa bonté
Sur les cymbales chanté,
Qui de leur son argentin
Son Nom sans cesse & sans sin
Fassent retentir & bruire,
Bref, tout ce qui a pouvoïr
De souster & se mouvoir,
Chante à jamais son empire.
FIN DES PSEAUMES.

LES COMMANDEMENS DE DIEU.
Exode XX.

[...] LEve le coeur, ouvre l'oreille, Peuple endurci, pour [...]couter De ton Dieu la vo [...] nompareille, Et ses commandemens goüter.

¶ Je suis, dit-il, ton Dieu celeste,
Qui t'ai retiré hors d'émo [...],
Et dé servitude moleste:
Tu n'auras autre Dieu que moi.
¶ Tailler ne te feras image
De quelque chose que ce soit:
Si honneur lui fais & hommage,
Ton Dieu jalousie en reçoit.
¶ En vain son Nom tant venerable
Ne jureras, car c'est mépris:
Et Dieu ne tiendra incoupable
Qui en vain son Nom aura pris.
¶ Six jours travaille, & au septiéme
Sois du repos observateur,
Toi & les tiens: car ce jour mesine
Se reposa le Createur.
¶ Honneur à pere & mere porte,
A sin de tes jours alonger
Sur la terre qui tout apporte,
Là où Dieu t'a voulu loger.
¶ D'estre meurtrier ne te hazarde,
Mets toute paillardise au loin.
Ne sois larron donne t'en garde.
Ne sois menteur ni faux témoin.
¶ De convoiter point ne t'avienne
La maison ni femme d'autrui,
Son servant, ni la beste siennè,
Ni chose aucune essant à lui.
¶ O Dieu, ton parler d'essicace
Sonne plus clair que fin alloi:
En nos coeurs imprime la grace
De t'obeïr selon ta Loi.

LE CANTIQUE DE SIMEON.
Luc II. CL. MA.

[...] OR laisse, Createur, En paix ton serviteur, En sulvant ta pro­messe, Puis que mes yeux ont eu Ce credit d'avoir ven De ton salut Padresse.

¶ Salut mis au devant
De tout peuple vivant,
Pour l'ouïr & le croire:
Ressource des petits
Lumiere des Gentils.
Et d'ssraël la gloire.

LOUE SOIT DIEU.

TABLE DES PSEAUMES.

A
  • AUx paroles que je veux 5
  • A toi mon Dieu, mon coeur 25
  • Apres avoir constamment 40
  • Ainsi qu'on oit le cerf bruire 42
  • Ayes pitié, ayes pitié de moi 57
  • A Dieu ma voix j'ai haussée 77
  • Avec les tiens, Seigneur, 85
  • Alors qu'assliction me presse 120
  • A toi, ô Dieu, qui es là haut 123
  • Alors que de captivité 126
B
  • BIen-heureuse est la personne 119
  • Bien-heureux est quiconques 128
C
  • C'Est en sa tres-sainte cité 48
  • C'est en [...]udée proprement 76
  • Chantez gayement 81
  • Chantez à Dieu chanson nouvellé 96
  • Chantez à Dieu nouveau cantique 98
  • Chantez de Dieu le renom 135
  • Chantez à Dieu chanson 149
D
  • DE tout mon coeur t'exalterai 9
  • D'où vient cela, Seigneur, 10
  • Donne secours, Seigneur, il 12
  • Debat contre mes debateurs 35
  • Du malin le méchant vouloir 36
  • Dés qu'adversité nous offense 46
  • Di moi, malheureux qui te fies 52
  • Dieu nous soit doux & favorable 67
  • D'ou vient, Seigneur, que tu 74
  • Dieu est assis en l'assemblée 82
  • Dieu pour sonder son tres-seur 87
  • Dieu Seigneur les bontez sans fin 89
  • Dieu est regnant de grandeur 93
  • Donnez au Seigneur gloire 107
  • Du Seigneur Dieu en tous 111
  • Dés ma jeunesse ils m'ont fait 129
  • Du sonds de ma pensée 130
E
  • EXauce, ô mon Dieu, ma 55
  • Entre vous conseillers qui 58
  • Enten à ce que je crie 61
  • Enten à ce que je veux dire 64
  • Enfans qui le Seigneur servez 113
  • Essans assis aux rives aquatiques 137
H
  • HElas, Selgneur, je te prie 69
I
  • JUsques à quand as establi 13
  • Je t'aimerai en toute obeïssance 18
  • J'ai mis en toi mon esperance 31
  • Jamais ne cesserai de magnifier 34
  • J'ai dit en moi, De prés 39
  • J'ai mis en toi mon esperance 71
  • J'aime mon Dieu, car lors que 116
  • Incontent que j'eus ouï 122
  • Il faut que de tous mes esprits 138
  • J'ai de ma voix à Dieu crié 142
L
  • LE fol malinen fon coeur 14
  • Les cieux en chacun lieu 19
  • Le Seigneur ta priere entende 20
  • La terre au Seigneur appartien [...] 24
  • Le Seigneur est la clarté qui 27
  • Las! en ta fureur aiguë 38
  • Le Dieu, le Fort, l'Eternel 50
  • Le fol malin en son coeur dit 53
  • Les gens entrez sont en ton 79
  • L'Eternel est regnant 97
  • Loüez Dieu, car il est 105
  • Le Tout-puissant à mon Seigneur 110
  • Loüéz Dieu tout hautement 136
  • Lolié soit Dieu ma force en 144
  • Loüez Dieu, car c'est chose 147
M
  • MOn Dieu, j'ai en toi 7
  • Mon Dieu, mon Dieu, 22
  • Mon Dieu me paist sous sa 23
  • Misericorde au pauvre vicieux 5 [...]
  • Misericorde à moi pauvre assligé 56
  • Mon Dieu l'ennemi m'environue 59
  • Mon ame en Dieu tant seulement 62
  • Mon Dieu, preste moi l'oreille 86
  • Mon coeur est dispos, ô mon 108
  • Mon Dieu, mon Roi, haut je 145
N
  • NE vueilles pas, ô Sire, 6
  • Ne sois fasché si durant 37
  • Non point à nous, non point 115
O
  • O Seigneur, que de gens 3
  • O nostre Dieu & Seigneur 8
  • O Dieu, qui es ma forteresse 28
  • O bien-heureux celui dont 32
  • O bien-heureux qui juge 4 [...]
  • Or avons-nous de nous oreilles 44
  • Or sus tous humains 47
  • O Dieu tout-puissant sauve 54
  • O Dieu, qui nous as deboutez 60
  • O Dieu, je n'ai Dieu fors que 63
  • O Dieu, la gloire qui t'est deuë 65
  • Or sus loüez Dieu tout 66
  • O Dieu, où mon espoir j'ai 70
  • O Seigneur, loué sera 75
  • O Pasteur d'Israël écoute 80
  • O Dieu, ne sois plus à recoi 83
  • O Dieu des armées, combien 84
  • O Dieu, Eternel, mon Sauveur 88
  • O que c'est chose belle 92
  • O Eternel, Dieu des vengeances 94
  • Or est maintenant l'Eternel 99
  • O Dieu, mon honneur & ma 109
  • O bien-heureuse la personne 112
  • Or peut bien dire Israël maintenant 124
  • On a beau sa maison bassir 127
  • O combien est plaisant & 135
  • Or sus, serviteurs du Seigneur 134
  • O Dieu, tu connois qui le suis 139
  • O Dieu, donne moi delivrance 140
  • O Seigneur, à toy je m'écrie 141
  • Or soit loöé l'Eternel 150
P
  • POurquoi font bruit & 2
  • Propos exquis faut que 45
  • Peuples oyez, & l'oreille prestez 49
Q
  • QUi au conseil des malins 1
  • Quand je t'invoque, helas! 4
  • Qui est-ce qui conversera 15
  • Que Dieu se montre seulement 68
  • Qui en la garde du haut Dieu 91
  • Quand Israël hors d'Egypte 114
R
  • REveillez-vous peuple fidele 33
  • Revenge moi, pren la querelle 43
  • Rendez à Dieu loüange & 118
S
  • SOis moi, Seigneur, ma garde 16
  • Seigneur, enten à mon 17
  • Seigneur, le Roi s'éjouïra 21
  • Seigneur, garde mon 26
  • Seigneur, puis que m'as 30
  • Si est-ce que Dieu est tres-doux 73
  • Sois ententif mon peuple à ma 78
  • Sus, égayons-nous au Seigneur, 95
  • Seigneur, enten ma requeste 102
  • Sus, loüez Dieu, mon ame 103
  • Sus, sus, mon ame, il te saut 104
  • Sus, qu'un chacun de nous 105
  • Seigneur, je n'ai point le coeur 111
  • Seigneur Dieu, oi l'oraison 143
  • Sus, mon ame, qu'on benie 145
T
  • TEs jugemens, Dieu verit [...]e 72
  • Tu as esté, Seigneur, 9 [...]
  • Toutes gens loüez le Seigneur, 1 [...]
  • Tout homme qui son esperance 12 [...]
V
  • VEu que du tout en Dieu 11
  • Vous tous Princes & 19
  • Vous tous qui la terre habitez 100
  • Vouloir m'a pris de mettre 101
  • Vers les monts j'ai levé 121
  • Vueilles, Seigneur, estre 132
  • Vous tous les habitans de 148

L'Oraison de Nostre Seigneur Jesus Christ.

PEre de nous, qui es la haut aux cieux,
Sanctifié soit ton Nom precieux,
Avi [...]nne tost ton saint Regne parfait,
Ton vueil en terre ain [...] qu'au ciel soit fait:
A ce jourd'hui sois nous ta [...] debonnaire
De nous donnes nostre pain ordinaire.
[...]ardonne nous les maux ve [...] to [...] commis
Comme faisons à tous nos ennemis.
Et ne permets en ce bas teritoire,
Tentation sur nous avoir victoire:
Mais du malin cauteleux & su [...]til
Deli [...]re-nous, ô Pere, Ainsi soi [...]-il.

Les Articles de la F. O. I.

JE croi en Dieu le Pere Tou [...]-puissant,
Qui crea terre & ciel res [...]lendissant,
Et en son Fils unique Jesus Christ,
Nostre Seigneur, conceu du saint Esprit;
Et de Marie entiere Vierge né:
Dessous Pilate à tort passionné,
Crucisié, mort, en croix estendu:
Au tombeau mis, aux enfers descendu,
Et, qui de mort reprit vie au tiers jour:
Monta là sus au celeste sejour,
Là il se sied à la dextre du Pere,
Pere eternel, qui tout peut & tempere:
Et doit encor' de là venir ici
Juger les morts, & les vivans aussi.
AU saint Espris ma f [...]rme foi est mise
Je croi la sainte & catholique Eglise,
E [...]tre des saints & des fideles une
Vraye union, entr'e [...]x en tout commune:
De nos peche [...] pleine remission:
Finalement croi la vie eternelle,
Telle est ma foi, & veux mourir en elle.

Priere pour dire avant le repas.

TOutes choses attendent apres toi, Sei­neur, & tu leur donne [...] viandes en leur temps.

Quand tu leur donnes, elles la recueil lent, & quand: tu ouvres ta main, elles f [...]nt rassasiées de biens.

SEigneur, auquel gi [...] la plenitude de tous biens, vueilles estendre ta, benedi­c [...]ion sur nous tes pauvres se [...]viteurs, & nous sanctifier les dons lesquels nous rece­vons de ta largesse, afin que nous en puis­sions user sobrement & purement selon ta honne volonté: & par ce moyen te recon­noistre Pere & Autheur de toute benigni­té, cherchant toûjours, principalement le pain spirituel de ta Parole, dont nos ames [...]oient nourries eternellement, par Jesus Christ ton Fils nossre Seigneur, Amen.

Deuteronome 8. ‘L'homme ne vit pas du pain seulement, mais de toute parole procedante de la bouche de Dieu.’

Autre priere avant le repas.

O Soverain Pasteur & Maistre,
Regarde ce troupeau petit:
Et de tes biens soussre le paistre,
Sans desordonné appetit:
Nourrissant petit à petit,
A ce jourd'hui ta creature,
[...]ar Jesus qui pour nous vessit,
Un corps sujet à nourriture:
Mangeons, beuvons, reconnoissans
Q [...] tous biens sont de Dieu venans.

Action de graces pour dire apres le repas.

QUe toutes nations loüent le Seigneur, que tous peuples lui chantent loüan­ge.

Car sa misericorde est multipliée sur nous, & sa verité demeure eternellement.

SEigneur Dieu, nous te rendons graces de tous les benefices que nous recevons assiduellement de ta main: de ce qu'il te plaist nous substanter en cette vie corpo­relle, nous administrant toutes nos necessi­tez, & singulierement de ce qu'il t'a plea nous regenerer en l'esperance d'une meil­leure vie, laquelle tu nous as revelée par ton saint Evangile, te prians qu'il te plaise ne permettre point que nos assections so­vent ici enracinées en ces choses corrupti­bles: mais que nous regardions to [...]jours plus haut attendans nostro Seigneur Jesus Christ, jusqu'à ce qu'il apparoisse en nostre redemption, Amen.

Autre priere apres lei repas

PEre eternel qui nous ordonnes
N'avoir souci du lendemain,
Des biens que pour co jour nous donnes
Te remercions d'un coeun humain:
Or puis qu'il t'a pleu de ta main
Donner au corps manger & boire,
Plaise toi du celeste pain.
Paistre nos ames en ta gloire.
Loüange à Dieu de tous sos biens,
Qui nous nourrit comme ensans siens.

PRIERE POƲR SE PREPARER à la Sainte Cene.

SEigneur Dieu, nous nous presentons de­vant ta face, reconnoissans que nous ne sommes pas dignes de nous presenter à ce celebre banquet de viandes sacrées, que tu prepares ce jourd'hui à tes éleus, si tu ne nettoyes & purifies nos coeurs de toutes salletez & ordures. si tu n'estensle bras de ta misericorde sur nous pauures pecheurs, que tu vois ici humiliez & abatus à tes pieds a­vec une grande contrition de coeur de t'a­voir offenlé. Pardonne nous, Seigneur, & nous reçoi ce jourd'hui à ta Sainte Table au nombre de tes enfans. Seigneur Dieu, qui par le sang precieux de ton Fils bien­aimé nous as rachetez de la servitude du peché [...] maintenant que nous voici au milieu de ton peuple pour t'adorer & invoquer, & pour gouster & savourer ce qui nous don­ne la vie eternelle: Fai nous cette grace, ô Eternel, que puissions attentivement é­couter ta Parole, laquelle nous sera preschée & annoncée par un de ceux que tu as esta­blis Pasteurs en ton Eglise: afin qu'estans preparez par içelle, puissions, aidez de la soi, prendre dignement le corps & le sang de nostre Sauveur: car sans iceux nous ne pouvons avoir part à la vie eternelle de tes bien-aimez, Que nous reconnoissions à bon escient nostre pauvreté & misere, & que nous detestions serieusement les pechez, qui ont couté si cher à icelui ton Fils, qui est la lumiere qui nous eclaire, nostre guide asseurée, le pain qui nous rassasie, & qui nous sera ce jour presenté & rom­pu, pour nous estre un memorial authen­tique de sa mort, un gage sacré de l'union sacrée que nous avons avee lui, un lien é­troit de concorde avec nos prochains, un ferme appui de nostre foi, un seau excellent de ta grace, & un comfort en la vie & en la mort. O Seigneur nostre bon Dieu & Pére, combien a esté grande ta charité envers nous, qui ne sommes que pauvres vers de terre rampans en nos ordures, de l'avoir livré & donné pour nous sauver & retirer de la mort & damnation eternelle, que nous avions justement meritée, de l'avoir fait soussrir jusques-là, que son ame estant angoislée, il a prononcé ces paroles, Mon ame est saisie de trissesse jusques à la mort: mon Dieu, mon Dieu, pourquoi m'as tu abandonné? Seigneur bon Dieu, subvien à nostre infir­mité, & nous confirme en l'alliance des promesses de ton Evangile: reçoi nous au nombre de tes enfans: épan en nos coeurs ton amour, & toutes autres graces celestes par les effets de ton Esprit, afin qu'en re­cevant aujourd'hui cettui nostre Redemp­teur, nous prenions accroissement en la foi & esperance de nostre salut, en toute sain­tété & justice. Nous avons, ô Eternel, re­pentance de nos fautes passées, & desirons vivre d'oresnavant selon ta parole, met­tans toute nostre fiance en ta misericorde, & ne cherchons ni esperons nostre salut qu'en ton Fils le Sauveur du monde, cro­yans en ses promesses que lui mesine a pro­noncées de sa bouche: assavoir, qu'il nous veut vrayement faire participans de son corps & de son sang, afin que nous le posse­dions tout entier, & en telle sorte qu'é­tans faits chair de sa chair, & os de ses os, il vive en nous, & nous en lui eternelle­ment.

O Dieu, que ta prudence est admirable, de nous avoir appresté une table perma­nente en ton Eglise, pour y donner le pre­cieux corps de ton Fils à tous fideles, en nourriture spirituelle & vivifiante à toû­jours: nous ayant ainsi voulu rendre cer­tains queson corps ne pouvoit estre destruit au tombeau: que nous l'aurions pour ja­mais glorieux & triomphant de la mort au milieu de nous; & combien qu'il mon­tast aux cieux, il nous demeureroit toûjours present, pour nous guider seurement par ta Parole, & par evidens signes de ta grace, au Royaume celeste.

Vueilles donc, ô nostre Dieu, que de vraye sincerité de coeur, & d'une affecti­on pure, nous recevions ce jourd'hui avec une certitude de foi lecorps & le sang de no­stre Seigneur Jesus: que nous jouïssions de lui & de tous ses biens, tout ainsi que lui estant vrai Dieu & vraihomme, est veritablement le pain vif defcendu du ciel, pour nous vivi­fier & rendre bien-heureux à jamais: & que par ce sacré mystere nous participions vrayement au nouveau & eternel Testa­ment, à sçavoir l'alliance de grace, pour perseverer tellement en cette, lieureuse so­cieté de son corps, que de lui nous tirions incessamment vigueur & vie: & estans unis avec lui, nous vivions aussi avec toi nostre Createur.

Ce sont les choses que nous attendons aujourd'hui de toi que dignement nous ce­lebrions avec ton Eglise la memoire tres­sainte de nostre Sauveur, de nous exercer mesmes en icelle tous les jours de nostre vie, annoncans le benesice de sa mort, jus­qu'à ce qu'il vienne juger le monde en la resurrection de toute chair: si que pour­suivans en cette maniere nostre course d'une bonne conscience en la communion des Saints, ô nostre Dieu & Pere, nous al­lions en paix à la mort & sans rien craindre, puis que Christ est nostre garend, nostre vie, & la couronne asseurée de nostre es­perance. Amen.

Priere en approchant de la sainte Table.

MOn Dieu, mon Pere, éleve mon coeur à toi, donne moi ton Saint Esprit. Fai moi la grace d'approcher de cette sainte Table avec une humble repentance, & avec un desir ardent en Jesus Christ no­stre Seigneur. Donne-moi de recevoir ce saint Sacrement avec une serme foi en ta Parole, qu'en recevant ces signes visibles de la main, je reçoive par foi le corps & le sang de Jesus Christ, mort pour moi en nourriture de vie eternelle, que j'en rem­porte la paix & la joye spirituelle, qui est propre à tes enfans, avec un amour ardent envers toi, mon Dieu, & une ferme re­solution [Page]de confacrer desormais ma vie à ton service jusques à ce que je voye ta face, & que mon ame soit recueillie avec Jesus Christ mon Sauveur, qui l'a rachetée par sa mort.

Priere & action de graces apres la Communion.

SEigneur mon Dieu, mon Pere, tu as consolé mon ame, tu m'as repeu de tes biens: tu as réjouï mon coeur par le té­moignage de ton amour: combien dou­ces sont tes consolations, combien sont excellents les effets de ta bonté envers ceux qui te craignent, qui suis-je, moi pau­vre pecheur & sujet à malediction, que tu daignes recevoir à ta Table, & me don­ner ton Fils mort pour mes pechez, en nourriture de vie eternelle? En quoi suis­je meilleur que tant de personnes ausquels tu ne fais point cette grace? Seigneur, ce n'est point pour aucune vertuqui soit en moi, mais tu veux estre glorifié en bien faisant aux indignes, & m'as voulu rendre exemple de ta faveur. Dont aussi je te louërai, mon Dieu, & te glorifierai en tout le cours de ma vie, & j'estimerai desormais tout au­tre chose n'estre que vanité au prix de la douceur & excellence de ta grace. Tu es tout mon bien, ma joye & consolation: C'est ce dont je te supplie, ô mon Dieu & que je te demande de tout mon coeur: car tu ne nous élargis pas seulement tes bien-faits: mais aussi tu nous fais la grace d'en bien user, quelques grandes que so­yent tes graces envers moi, elles me se­roient inutiles, & ne pourrois en user sans l'assistance de ton Esprit. Donne-moi donc cét Esprit, qui est l'Esprit de sanctificati­on, l'Esprit d'adoption qui seelle en mon coeur Ies promesses, & y témoigne con­tinuellement que je suis de tes enfans. Que la grace que tu m'as faite demeure toûjours imprimée en ma memoire. Que la souve­nance de l'amour incomprehensible que tu nous as porté en Jesus Christ, serve'à embra­ser mon coeur en ton amour.

Que sa mort serve à mortifier mes a [...]e­ctions mondaines, afin d'estre fait con­forme à sa resurrection, par une nouve [...] ­té de vie. Que son ascension au ciel servet élever mon coeur au Ciel, où il est mo [...] pour nous preparer lieu, afin que ma con­versation desormais soit comme Bourge [...] des Cieux. Augmente ma foi, fal qu'elle soit operante par charité, & par toutes sor­tes de bonne oeuvres. Rempli mon coeur de joye spirituelle, qui serve à digerer les amer­tumes de cette vie presente: & me donne la paix, laquelle le monde ne connoist point. Subvien à mon infirmité, & me fortifie en ce combat que j'ai contre ma chair, & co [...] ­tre les tentations du monde & du diable. Mon Dieu, mon Sauveur, & mon Re­dempteur, je me fie en ta Parole, je me re­pose en tes promesses, je me rends en ton amour, quand je passerois par la vallée d'ombre de mort, je ne craindrois point: car ton baston & ta houlette sont ceux qui me consolent: je sçai que ni la mort, ni tou­te la puissance de l'ennemi, ne me separe­ront jamais de l'amour que mon Dieu m'a porté en son Fils bien-aimé. Toutes cho­ses tournent en bien à ceux qui aiment Dieu, leurs maux leur sont remedes: la mort mesme, qui est essroyable de sa nature, est celle qui m'approchera de mon Dieu. Sous cette apparence hideuse la Sauveur Jesus vient à nous, & nous apporte un present de vie eternelle. Mon Dieu me sauvera, & m'ayant delivré de toute mauvaile oeuvre, me recueillira en son Royaume. Là je ver­rai l'accomplissement des choses qui nous ont esté presentées en cette sainte Table. Là j'embrasserai mon Sauveur Jesus. Là je puiserai en la source de vie. Là je ver­rai mon Dieu, & serai transformé en sa ressemblance, & rassasié de sa presence, Ainsi soit-il.

LA FORME DES PRIERES ECCLESIASTIQUES.

Les jours ouvriers le Ministre fait telle priere que bon lui semble, l'accommodant au temps & à la matiere qu'il traitte en sa predication.

Pour les Dimanches au matin, on use com­munement de la forme qui s'ensuit.

PRIERE.

Nostre aide soit au nom de Dieu qui a fait le ciel & la terre. Amen.

EXHORTATION.

MEs freres, qu'un chacun de vous se presente devant la face du Seigneur, avec confession de ses fautes & pechez, en suivant de son coeur mes paroles.

CONFESSION.

SEigneur Dieu, Pere eternel & tout-puis­sant, nous confessons & reconnoissons sans feintise devant ta sainte Majesté, que nous sommes pauvres pecheurs, conceus & nez en iniquité & corruption, enclins à mal faire, inutiles à tout bien: & que de nostre vice nous transgressons sans fin & sans cesse tes saints Commandemens. En quoi faisant, nous acquerons par ton juste jugement ruine & perdition sur nous. Tou­tesfois, Seigneur, nous avons déplaisir en nous-mesmes de t'avoir offensé, & con­damnons nous & nos vices, avec une vraye repentance desirant que ta grace subvienne à nostre calamité.

Vueilles donc avoir pitié de nous, Dieu & Pere tres-benin, & plein de misericorde, au Nom de ton Fils Jesus Christ nostre Seigneur. Et en effaçant nos vices & ma­cules, élargi nous & augmente de jour en jour les graces de ton saint Esprit: afin que reconnoissans de tout nostre coeur nostre in­justice, nous soyons touchez de deplaisir, qui engendre une droite penitence: la­quelle nous mortifiant à tous pechez, pro­duise des fruits de justice & d'innocence, qui te soient agreables, par icelui Jesus Christ nostre Seigneur, Amen.

Cela fait, on chante en l'assemblée quelque Pseaume: puis le Ministre commence derechef à prier, pour demander à Dieu la grace de son saint Esprit, afin que sa parole soit fidele­ment exposée à l'honneur de son Nom, & à Pedification de l'Eglise, & qu'elle soit re­teuë en, telle humilité & obeïssance qu'il appar­sient.

La forme est à la discretion du Ministre.

En la fin du sermon le Ministre, apres avoir fait les exhortations à prier, commence en cette maniere.

DIeu Tout-puissant, Pere celeste, tu nous as promis de nous exaucer en nos requestes qùe nous te ferions au Nom de ton Fils bien-aimé Jesus Christ nostre Seigneur: & aussi nous sommes instruits par la doctrine de lui & de ses Apostres de nous assembler en son Nom, avec pro­messe qu'il sera au milieu de nous, & qu'il sera nostre intercesseur envers toi pour im­petrer toutes choses dont nous consentirons. sur la terre.

Premierement, nous àvons ton com­mandement de prier pour ceux que tu as constituez sur nous Superieurs & Gouver­neurs: en apres pour toutes les necessitez de ton peuple, & mesmes de tous hom­mes. C'est pourquoi en confiance de ta sainte doctrine & de tes promesses, d'au­tant que devant ta face & au Nom de ton Fils nostre Seigneur Jesus nous sommes ici assemblez, nous te supplions assectueuse­ment, nostre bon Dieu & Pere, au Nom de nostre Sauveur unique & Mediateur, vueille nous parta clemence insinie gratuite­ment pardonner nos ossenses, & telle­ment attirer & élever à toi nos pensées & nos desirs, que de tout nostre coeur nous te puissions requerir, voire selon ton bon plaisir & volontë, laquelle seule est raison­nable.

Nous te prions donc, Pere celeste, pour tous Princes & Seigneurs tes serviteurs, ausquels tu as commis le regime de ta ju­stice: & singulierement pour N. N. qu'il te plaise leur communiquer à tous ton Es­prit, seul bon & vrayement principal: journellement leur augmenter: tellement que reconnoissans en vraye foi Jesus Christ ton fils nostre Seigneur estre le Roi des Rois, & Seigneur sur tous Seigneurs, com­me tu lui as donné toute puissance au ciel & en la terre, ils cherchent de le servir, & exalter son regne en leur domination, gouvernans leurs sujets, qui sont les crea­tures de tes mains, & les brebis de ta pa­sture, selon ton bon plaisir, afin que tant ici que par toute la terre estans maintenus en bonne paix, nous te servions en toute sainteté & honnesteté, & qu'estans delivrez de la crainte de nos ennemis, nous te puissions rendre loiiange en toute nostre vie.

Aush nous te prions, Pere veritable & Sauveur, pour tous ceux que tu as ordon­nez Pasteurs à tes fideles, & ausquels tu as commis la charge des ames, & la dispen­sation de ton sacré Evangile: que tu les conduises par ton Saint Esprit, afin qu'ils soient trouvez fideles & lovaux Ministres de ta gloire: ayans toûjours ce but, que toutes les pauvres brebis égarées soient re­cueillies [Page]& reduites au Seigneur Jesus Christ, principal Pasteur, & Prince des Evesques, afin que de jour [...]en jour elles profitent & accroissent en lui à toute ju­stice & sainteté. D'autre part, vueille de­livrer toutes tes Eglises de la gueule des loups ravissans, & de tous mercenaires qui cherchent seulement leur ambition ou pro­ [...]it, & non point l'exaltation de ton saint Nom, & le saint de ton troupeau.

Apres, nous te prions, Dieu tres-benin, & Pere misericordieux, pour tous hommes generalement, que comme tu veux estre re­connu Sauveur de tout le monde en la re­demption faite par ton Fils Jesus Christ, que ceux qui sont encore estranges de sa connoissance, estans en tenebres & captivi­te d'erreur & d'ignorance, par l'illumina­tion de ton saint Esprit, & par la predica­tion de ton Evangile, soient reduits à la droite voye de salut, qui est de te connoi­stre seul vrai Dieu & celui que tu as en­voyé Jesus Christ: que ceux que tu as déja visitez par ta grace, & illuminez par la connoistance de ta parole, croissent jour­nellement en bien, estans enrichis de tes benedictions spirituelles, afin que nous t'a­dorions tous ensemble d'un coeur & d'une bouche, & donnions honneur & hommage à ton Christ, nostre Maistre, Roi, & Legislateur.

Pareillement, ô Dieu de toute consolati­on, nous te recommandons tous ceux que tu visites & chasties par croix & tribulati­ons: les peuples que tu assliges par peste, guerre, ou famine: les personnes battuës de pauvreté, prison, maladie, bannisse­ment, ou autre calamité de corps ou af­fliction d'esprit: que tu leur vueilles faire entendre ton affection paternelle, qui est de les chastier pour leur amendement, afin que de tout leur coeur ils se convertissent à toi: & qu'estans convertis, ils reçoivent une entiere consolation, & soient delivrez de tous maux.

Singulierement nous te recommandons tous nos pauvres freres qui sont dispersez sous la tyrannie de l'Antechrist, estans de­stituez de la pasture de vie, & privez de la liberté de pouvoir invoquer publiquement ton S. Nom: mesme qui sont detenus pri­sonniers, ou persecutez par les ennemis de ton Evangile: qu'il te plaise, ô Pere de grace, les fortifier par la vertu de ton Es­prit, tellement qu'ils ne defaillent jamais, mais qu'ils persistent constamment en ta sainte vocation: les secourir & les assister comme tu connois qu'il en est besoin, les con­soler en leurs afflictions, les maintenir en ta garde contre la rage des loups & les augmen­ter en tous les dons de ton Esprit, afin qu'ils te glorifient tant en la vie qu'en la mort.

Finalement, ô Dieu & Pere, ottroye nous aussi à nous qui sommes ici assemblez au Nom de ton Saint Fils Jesus, à cause de sa Parole, ( lo' de sa sainte Cene) que nous re­connoissions droitement & sans hypocrisie en quelle perdition nous sommes naturelle­ment, & qu'elle condamnation nous me­ritons & amassons de jour en jour sur nous par nostre mal-heureuse vie & desor­donnée: afin que voyans qu'il n'y a rien de bien en nous, & que nostre chair & nostre sang ne sont point capables de posseder en heritage ton Royaume, de toute nostre af­fection & en ferme fiance nous nous ren­dions entierement à ton cher Fils Jesus no­stre Seigneur, seul Sauveur & Redempte [...] afin que lui habitant en nous, mortifie no­stre vieil Adam, nous renouvellant en u [...] ­meilleure vie, par laqùelle ton Nom, selon qu'il est saint & digne, soit exalté & glori­fié par tout & en toutes places. Pareille­ment que tu ayes la seigneurie & le gon­vernement sur nous tous: & que journel­lement & de plus en plus nous apprenions [...] nous soûmettre & assujettir à ta Majesté: tellement que tu sois Roi & Dominateur par tout, conduisant ton peuple par le scep­tre de ta Parole & par la vertu de ton Esprit, & confondant tes ennemis par la force de ta verité & justice.

Et ainsi, que toute puissance & hautesse contrevenante à ta gloire soit de jour en jour détruite & abolie, jusques à ce que l'accomplissement de ton Royaume vien [...]e, & que la perfection en soit du tout essa­blie, quand tu apparoistras en jugement en la personne de ton Fils. Que nous avec toutes les creatures te rendions une vraye & parfaite obeïssance: ainsi que tes Anges celestes ne demandent sinon d'executer tes commandemens: & que par ce moyen ta volonté soit accomplie sans nulle contradi­ction, & que tous se rangent à te servir & complaire, renonçans à leur propre vou­loir, & à tous les desirs de leur chair. Que nous cheminans en l'amour & en la crainte de ton Nom, soyons nourris par ta bonté [...] & que tu nous donnes toutes choses qui nous sont necessaires & expedientes pour manger nostre pain paisiblement, afin que voyans que tu as soin de nous, nous te re­connoissions mieux nostre Pere, & atten­dions tous biens de ta main, ostans & re­tirans nostre fiance de toutes les creatures, pour la mettre entierement en toi & en ta benignité. Et parce que durant cett: vie mortelle nous sommes pauvres pecheurs, si pleins de fragilité que nous defaill [...]s assiduellement, & nous fourvoyons de [...] droite voye: qu'il te plaise nous pardon­ner nos fautes, par lesquelles nous sommes redevables à ton jugement, & que par cet­te remission tu nous delivres de l'obligation de la mort eternelle en laquelle nous soa­mes. Qu'il te plaise donc ne nous imp [...] ­ter point le mal qui est en nous: tout airsi que par ton commandement nous oublioes les injures qu'on nous sait: & au lieu de chercher la vengeance, procurons le bien de nos ennemis.

Finalement, qu'il te plaise pour l'averir nous soustenir par ta vertu, afin que par l'infirmité de nostre chair nous ne treou­chions point. Et d'autant que de nous­mesmes nous sommes si debiles, que nous ne pourrions demeurer fermes une minue de temps: D'autre part, que nous sommes circuis & assaillis continuellement de tart d'ennemis, que le diable, le monde, le [Page]Peché, & nostre propre chair ne cessent de [...]ous faire la guerre: vueille nous forti­ [...]er par ton Saint Esprit, & nous armer de [...]es graces, afin que nous puissions constam­ [...]ient resister à toutes tentations, & per­severer en cette bataille spirituelle, jus­ques à ce que nous obtenions une pleine victoire, pour triompher eternellement en ton Royaume avec nostre Capitaine & Protecteur nostre Seigneur Jesus Christ, Amen.

Le jour qu'on doit celebrer la sainte Cene, [...] adjouste au precedent ce qui s'ensuit.

ET comme nostre Seigneur Jesus non seulement t'a une fois ossert en la croix son corps & son sang pour la re­mission de nos pechez, mais aussi nous les veut communiquer pour nourriture en vie eternelle, fai nous cette grace, que d'une vraye sincerité de coeur & d'un rele ardent nous recevions de lui un si grand benefice: c'est qu'en certaine soi nous jouïssions de son corps & de son sang, soire de lui tout entierement, comme lui estant vrai Dieu & vrai homme, est verita­blement le saint pain celeste pour nous vi­ [...]ifier: afin que nous ne vivions plus en rous-mesmes & selon nostre nature, laquel­le est toute corrompuë & vicieuse: mais que lui vive en nous, pour nous conduire à la vie sainte, bien-heureuse, & perma­nente à jamais: Que par ce moyen nous soyons faits vrayement participans du nou­ [...]eau & eternel Testament, assavoir de l'alliance de grace: estans certains & as­seurez que ton bon plaisir est de nous estre eternellement l'ere propice, ne nous im­putant point nos fautes: & comme à tes enfans & heritiers bien-aimez, de nous pourvoir de toutes choses necessaires tant au corps comme à l'ame: afin qu'incessam­ment nous te rendions gloire & actions de graces, & magnifions ton Nom par oeu­vres & par paroles. Donne nous donc en cette maniere, Pere celeste, de celebrer aujourd'hui la memoire bien-heureuse de ton cher Fils, nous exercer en elle, & an­noncer le benefice de sa mort: afin que recevans nouvel accroissement & fortifica­tion en foi & en tout bien: de tant plus grande fiance nous te nommions nostre Pere, & nous glorifions en toi, Amen.

Apres avoir achevé la sainte Cene, on use de cette action de graces, ou semblable.

PEre celeste, nous te rendons loüanges & graces eternelles, de ce que tu nous as elargi un tel bien à nous pau­vres pecheurs, de nous avoir attirez à la Communion de ton Fils Jesus Christ nostre Seigneur, l'ayant livré pour nous à la mort, & nous le donnant en viande & nourri­ture de vie eternelle. Maintenant aussi ot­troye nous ce bien, de ne permettre que jamais nous mettions en oubli ces choses, mais plûtost que les ayans imprimées en nos coeurs nous croissions & augmentions assiduellement en la Foi, laquelle fructisie en toutes nos bonnes oeuvres, & qu'en ce faisant nous ordonnions & poursuivions toute nostre vie à l'avancement de ta gloire, & à l'edification de nos prochains, par ice­lui Jesus Christ ton Fils, qui en l'unité du saint Esprit vit & regne avec toi Dieu be­nit eternellement, Amen.

La benediction qu'on fait au depart du peu­ple, selon que nostre Seigneur avoit ordonné en la Loi, Nombre 6.

LE Seigneur vous benisse, & vous con­serve. Le Seigneur face luire sa face sur vous, & vous soit propice. Le Seigneur retourne son visage envers vous, & vous maintienne en bonne prosperité, Amen.

D'autant que l'Ecriture nous enseigne que les pestes, les guerres & autres telles adversitez. sont des visitations de Dieu, par lesquelles il punit nos pechez: quand nous les voyons ve­nir, il nous faut reconnoistre que Dieu est cour­rovcé contre nous: & alors, si nous sommes vrais fideles, nous avons à reconnoistre nos fau­tes pour nous desplaire en nous-mesmes, retour­nans au Seigneur en repentance & amende­ment de vie: & à le prier en vraye humilité, afin d'obtenir pardon.

A cette cause, si nous voyons quelquefois que Dieu nous menace: afin de ne point tenter sa vatience, mais plûtost prevenir son jugement, lequel autrement nous voyons estre alors appa­reillé, il est bon d avoir un jour or donné tou­tes les semaines, auquel specialement ces choses soient remontrées, & duquel on face des prie­res & supplications, selon l'exigence du temps.

Dont s'ensuit une forme propre à cela.

Pour le commencement du Sermon, il y a la confession generale des Dimanches cy-dessus mise.

En la fin du Sermon, ayant fait les remon­trances comme Dieu afflige maintenant les hom­mes à cause des crimes qui se commettent sur toute la terre, & que le monde est abandonnē à toute iniquité: apres aussi avoir exhorté le peuple à se convertir & amender sa vie, pareil­lement à prier Dieu pour obtenir misericorde, on use de la forme d'oraison qui s'ensuit.

DIeu tout-puissant, Pere celeste, nous reconnoissons en nous-me [...]mes, & confessons, comme la verité est, que nous ne sommes pas dignes de lever les yeux au Ciel pour nous presenter devant ta face: que nous ne devons pas tant presumer que nos oraisons soient exaucées de toi, si tu regardes ce qui est en nous. Car nos con­sciences nous accusent, & nos pechez ren­dent témoignage contre nous: & nous sça­vons que tu es juste Juge, qui ne justifies pas les pecheurs & iniques, mais punis les fautes de ceux qui ont transgressé tes com­mandemens. Ainsi, Seigneur, en conside­rant toute nostre vie, nous sommes confus en nos coeurs, & ne pouvons autre chose sinon nous abbatre & desesperer, comme si nous estions déja. és abysmes de la mort. Toutefois, Seigneur, puis qu'il t'a pleu par ta misericorde infinie de nous commander que nous t'invoquions au jour de no­stre détresse; & d'autant plus que nous defaillons en nous mesmes, que nous ayons nostre refuge à ta souveraine bonté: puis aussi que tu nous as promis de re­cevoir nos requestes & supplications, non [Page]point en considerant quelle est nostre pro­pre dignité, mais au nom & par le merite de nostre Seigneur Jesus Christ, lequel tu nous as constitué Intercesseur & Advocat, renoncans à toute fiance humaine, nous prenons hardiesse en ta seule bonté, pour nous adresser devant toi, & invoquer ton saint Nom pour obtenir misericorde.

Premierement, Seigneur, outre les bene­fices infinis que tu distribuës commune­ment à tous les hommes de la terre, tu nous as fait tant de graces speciales qu'il nous est impossible de les reciter, n'y mesmes sussisamment comprendre.

Singulierement, il t'a pleu nous appeller à la connoissance de ton saint Evangile, nous retirant de la miserable servitude du diable où nous essions, nous delivrant de la maudite idolatrie & des superstitions oû nous estions plongez, pour nous conduire en la lumiere de ta verité. Et neanmoins, par ingratitude & méconnoistance, ayans oublié les biens que nous avons receus de ta main, nous avons decliné, nous destour­nans de toi apres nos convoitises: nous n'a­vons pas rendu l'honneur ni l'obeïssance à ta sainte Parole telle que nous devions: nous ne t'avons point exalté & magnifié comme il appertenoit: & bien que tu nous ayes toûjours fidelement admonestez par ta Parole, nous n'avons point écouté tes remontrances. Nous avons donc peché, Seigneur, nous t'avons offensé, pourtant nous recevons confusion sur nous & igno­minie, reconnoissans que nous sommes griévement coulpables devant ton jugement: & que si tu nous voulois traitter selon que nous en sommes dignes, nous ne pouvons attendre que mort & damnation. Car quand nous voudrions nous excuser. nostre conscience nous accuse, & nostre iniquité est devant toi pour nous condamner. Et de fait, Seigneur, nous voyons par les cha­stimens qui nous sont déja avenus, comme tu as esté à bon droit courroucé contre nous. Car puis que tu es juste & equita­ble, ce n'est pas sans cause que tu affliges les tiens. Ayans donc esté battus de tes verges, nous reconnoissons que nous t'a­vons irrité contre nous. Et maintenant nous voyons encore ta main levée pour nous punir: car les glaives dont tu as ac­coûtumé d'executer ta vengeance sont maintenant déployez, & les menaces que tu fais contre les pecheurs & iniques sont toutes appareillées.

Or quand tu nous punirois beaucoup plus rigoureusement que tu n'as fait jusques à cette heure, & que pour une playe nous aurions à en recevoir cent: mesmes que les maledictions, desquelles tu as autrefois corrigé les fautes de ton peuple d'Israël tomberoient sur nous: nous confessons que ce seroit à bon droit, & ne contredisons pas que nous ne l'ayons bien merité.

Toutefois. Seigneur, tu es nostre Pere, & nous ne sommes que terre & sange: tu us nostre Createur, & nous sommes les oeu­vres de tes mains: tu es nostre Pasteur, nous sommes ton troupeau: tu es nostre Redempteur, nous sommes le peuple que tu as racheté: tu es nostre Dieu, nous sommes ton heritage. C'est pourquoi te te courrouce point contre nous pour nous corriger en ta fureur. N'aye point memoire de nostre iniquité pour la punir: mais cha­stie nous doucement en ta benignité. Pour nos demerites ton ire est enssammée: mais qu'il te souvienne que ton Nom est invo­que sur nous, & que nous portons ta mar­que & ton enseigne. Entretien plûtost l'oeuvre que tu as commencé en nous par ta grace, afin que toute la terre connoisse que tu es nostre Dieu & Sauveur. Tu sçais que les morts qui sont és enfers, & ceux que tu auras défaits & confondus, ne te louë­ront point: mais les ames tristes & deso­lées, les coeurs abbatus, les consciences op­pressées du sentiment de leur mal, & assa­mées du desir de ta grace, te donneront gloire & loüange. Ton peuple d'is [...]aël t'a provoqué à ire plusieurs fois par son iniqui­té: tu l'as assligé par ton juste jugement: mais quand il s'est converti à toi, tu l'as toû­jours receu à pitié. Et quelques griéves que fussent ses offenses, pour l'amour de ton alliance que tu avois faite avec tes serviteurs, Abraham, Isaac, & Jacob, tu as destourné tes verges & maledictions qui leur estoient preparées, tellement que leurs oraisons n'ont jamais esté repoussées de toi. Nous avons par ta grace une alliance beaucoup meil­leur que nous te pouvons alleguer: assa­voir celle que tu nous as faite & establie en la main de Jesus Christ nostre Sauveur, la­quelle tu as voulu estre écrite de son lang, & ratifiée par sa mort & passion. Pour­tant, Seigneur, renonçans à nous-mesmes & à toute esperance humaine, nous recou­rons à cette alliance bien heureuse, par la­quelle nostre Seigneur Jesus t'offrant son corps en sacrifice nous a reconciliez à toi. Regarde donc, Seigneur, en la face de ton Christ, & non pas en nous: afin que par son intercession ton ire soit appaisee, & que ton visage reluise sur nous en joye & salut, & d'oresnavant vueille nous recevoir en ta sainte conduite, & nous gouverner par ton Esprit qui nous regenere en une meilleure vie, par laquelle Ten Nom soit sanctisié.

Et bien que nous ne soyons pas dignes d'ouvrir la bouche pour nous mesmes, & de te requerir en nostre necessité: nean­moins puis qu'il t'a pleu nous commander de prier les uns pour les autres, nous te prions pour tous nos pauvres freres & mem­bres, que tu visites de tes verges & chasti­mens, te supplians de détourner ton ire d'eux: nommément pour N. N. Qu'il te souvienne, Seigneur, qu'ils sont tes enfans comme nous: & bien qu'ilst'ayent ossense, ne laisse pas de poursuivre sur eux ta bonté & misericorde, laquelle tu as promise de­voir estre perpetuelle envers tous tes side­les. Vueilles donc regarder en pitié toutes tes Eglises, & tous les peuples que tu as maintenant assligez ou par peste, ou par guerre: les personnes battuës de tes ver­ges, soit de maladie, prison ou pauvreté, [Page]les consolant tous selon que tu connois qu'ils en ont besoin, & en leur faisant profiter tes chastimens à leur correction, les confirmer en bonne patience, & mo­derer ta rigueur: & enfin en les delivrant; leur donner pleine matiere de se réjouïr en ta bonté & de benir ton saint Nom. Singulierement qu'il te plaise avoir l'oeil sur ceux qui travaillent pour la querelle de ta verité, tant en general qu'en particulier, pour les confirmer en constance invincible, les dessendre, les assister en tout & par tout, renversant toutes les pratiques & com­plots de leurs ennemis & les tiens: te­nant leur rage bridée, les rendant confus en l'audace qu'ils entreprennent contre toi & les membres de ton Fils. Et ne per­mets point que la Chrestienté soit du tout desolée: ne permets point que la me­moire de ton Nom soit abolie en la terre: ne permets point que ceux sur lesquels tu as voulu que ton Nom fust invoqué, peris­sent: & que les Turcs, Payens, & autres Infideles se glorifient en te blasphemant.

Nous te prions aussi, Pere celeste, pour tous Princes & Seigneurs tes serviteurs, ausquels tu as commis le regime de ta ju­stice: & singulierement pour N. N. Qu'il te plaise leur communiquer à tous ton Es­prit, seul bon & vrayement principal, journellement leur augmenter: tellement que reconnoissans en vraye foy Jesus Christ ton Fils nostre Seigneur estre le Roi des Rois & Seigneur sur tous Seigneurs, comme tu lui as donné toute puissance au ciel & en la terre, ils cherchent de le servir & exal­ter son regne en leur domination, gou­vernans leurs sujets, qui sont les creatures de tes mains, & les brebis de ta pasture, selon ton bon plaisir: afin que tant ici que par toute la terre estans maintenus en bon­ne paix, nous te servions en toute sainteté & honnesteté: & qu'estans delivrez de la crainte de nos ennemis, nous te puissions rendre loüanges en toute nostre vie.

Aussi nous te prions, Pere veritable & Sauveur, pour tous ceux que tu as ordon­nez Pasteurs à tes fideles, & ausquels tu as commis la charge des ames & la dis­pensation de ton sacré Evangile: que tu les conduises par ton saint Esprit, afin qu'ils soient trouvez fideles & loyaux mini­stres de ta gloire; ayans toûjours ce but, que toutes les pauvres brebis égarées soient recueillies & reduites au Seigneur Jesus Christ, principal Pasteur, & Prince des E­vesques: afin que de jour en jour elles profi­tent & accroissent en lui à toute justice & sainteté. D'autre part, vueille delivrer toutes tes Eglises de la gueule des loups ravissans, & de tous mercenaires qui cherchent seulement leur ambition ou pro­fit, & non point l'exaltation de ton saint Nom, & le salut de ton troupeau.

Apres, nous te prions, Dieu tres-benin & Pere misericordieux, pour tous hom­mes generalement, que comme tu veux estre reconnu Sauveur de tout le monde en la redemption faite par ton Fils Jesus Christ, que ceux qui sont encore estranges de sa connoissance, estans en tenebres & captivité d'erreur & d'ignorance, par l'illu­mination de ton S. Esprit, & par la pre­dication de ton Evangile, soient reduits à la droite voye de salut qui est de te con­noistre seul vrai Dieu, & celui que tu as envoyé, Jesus Christ: que ceux que tu as dé­ja visitez par ta grace, & illuminez par la connoissance de ta Parole, croissent jour­nellement en bien, estans enrichis de tes benedictions spirituelles, afin que tous en­semble t'adorions d'un coeur & d'une bou­che, & donnions honneur & hommage à ton Christ, nostre Maistre, Roi & Legislateur.

La Forme d'administrer le BAPTESME.

Il est à noter qu'on doit apporter les enfans pour baptiaer, ou le Dimanche, ou les autres jours au Sermon: afin que comme le Baptesme est une reception solennelle en l'Eglise, il se face en la presence de l'assemblée.

Le Sermon estant achevé on presente l'enfant. Et alors le Ministre commence à dire,

Nostre aide soit au Nom de Dieu qui a fait le ciel & la terre. Amen.

Presentez-vous cét enfant pour estre baptizé?

Responce.

Ouï.

Le Ministre.

NOstre Seigneur nous montre en quelle pauvreté & misere nous naissons tous, en nous disant qu'il nous faut renaistre. Car s'il faut que nostre nature soit renou­vellée pour avoir entrée au Royaume de Dieu, c'est signe qu'elle est du tout perverse & maudite. En cela donc il nous admo­neste de nous humilier & nous déplaire en nous-mesmes: & en cette maniere il nous prepare a desirer & requerir sa grace, par laquelle toute la perversité & malediction de nostre premiere nature soit abolie. Car nous ne sommes pas capables de la re­cevoir, que premierement nous ne soyons vuides de toute fiance de nostre vertu, sa­gesse, & justice, jusques a condamner tout ce qui est en nous.

Or quand il nous a remontré nostre mal­heur, il nous console semblablement par sa misericorde, nous promettant de nous rege­nerer par son saint Esprit en une nouvelle vie, laquelle nous soit une entrée en son Royaume. Cette regeneration consiste en deux parties: c'est, que nous renoncions à nous-mesmes, ne suivans point nostre propre raison, nostre plaisir & propre vo­lonté: mais que c [...]ptivans nostre entende­ment & nostre coeur à la sagesse & justice de Dieu, nous mortifions tout ce qui est de nous & de nostre chair: puis apres, que [Page]nous suivions la lumiere de Dieu, pour complaire & obtemperer à son bon plaisir, comme il nous le montre par sa parole, & nous y conduit par son Esprit. L'accom­plissement de l'un & de l'autre est nostre Seigneur Jesus, duquel la mort & passion a une telle vertu, qu'en y participant nous sommes ensevelis à peché, afin que nos con­voitises charnelles soient mortifiées. Pa­reillement, par la vertu de sa resurrecti­on nous ressuscitons en une nouvelle vie, qui est de Dieu, entant que son Esprit nous conduit & gouverne, pour faire en nous les oeuvres qui lui sont agreables. Toutefois le premier & principal poinct de nostre salut, c'est que par sa misericorde il nous remet toutes nos fautes, ne nous les imputant point, mais en effaçant la memoire, afin qu'elles ne nous viennent point en conte en son jugement. Toutes ces graces nous sont conferées quand il lui plaist de nous incorporer en son Eglise par le Baptesme: car en ce Sacrement il nous testifie la remission de nos pechez. Et pour cette cause il a ordonné le signe de l'eau, pour nous figurer que comme par cét element les ordures corporelles sont nettoyées, ainsi il veut laver & purifier nos ames, afin qu'il n'y apparoisse plus aucune macule. Puis apres il nous represente no­stre renouvellement, lequel gist (comme il a esté dit) en la mortification de nostre chair, & en la vie spirituelle laquelle il produit en nous.

Ainsi nous recevons double grace & be­nefice de nostre Dieu au baptesme, moyen­nant que nous n'aneantissions point la vertu de ce Sacrement par nostre ingratitude: c'est que nous y avons un certain témoi­gnage que Dieu nous veut estre Pere pro­pice, ne nous imputant point nos fautes & offenses. Secondement, qu'il nous assi­slera par son Saint Esprit, afin que nous puissions batailler contre le diable, le pe­ché, & les convoitises de nostre chair jus­ques à en avoir victoire, pour vivre en la liberté de son regne, qui est le regne de ju­stice.

Puis donc qu'ainsi est que ces deux cho­ses sont accomplies en nous par la grace de Jesus Christ, il s'ensuit que la vertu & substance du Baptesme est comprise en lui. Et de fait nous n'avons point d'autre lave­ment que son sang, ni d'autre renouvelle­ment qu'en sa mort & resurrection. Mais comme il nous communique ses richesses & benedictions par sa Parole, ainsi il nous les distribuë par ses Sacremens.

Or nostre bon Dieu ne se contentant point de nous avoir adoptez pour ses en­fans, & receus en la communion de son Eglise, a voulu encore estendre plus amplement sa bonté sur nous. C'est en nous promettant qu'il sera nostre Dieu & de nostre lignée, jusques en mille generations. Pourtant, bien que les enfans des fideles soient de la race corrompuë d'Adam, il ne laisse pas toute­fois de les accepter par la vertu de cette alliance, pour les avoiier au nombre des siens. A cette cause il a voulu dés le com­mencement qu'en son Eglise les enfans re­ceussent le signe de la Circoncision, par lequel il representoit alors tout ce qui nous est aujourd'hui montré par le Baptesme, Et comme il commandoit qu'ils fussent cir­concis, aussi il les avoüoit pour ses enfans, & se disoit estre leur Dieu comme de leurs peres.

Maintenant donc, puis que le Seigneur Jesus est descendu en la terre, non point pour amoindrir la grace de Dieu son Pere: mais pour épandre l'alliance de salut par tout le monde, laquelle estoit pour lors enclose entre le peuple des juifs: il n'y a point de doute que nos en­fans ne soient heritiers de la vie qu'il nous a promise. Et pourtant saint l'aul dit que les enfans des fideles sont Saints, pour les discerner d'entre les enfans des Payens & infideles. Pour cette raison no­stre Seigneur Jesus Christ a receu les en­fans qu'on lui presentoit, comme il est écrit au 19. chapitre de saint Matthieu: Alors lui surent presentez des petits en­fans, afin qu'il mist les mains sur eux, & qu'il priast: mais les disciples les reprenoient. Et Jesus leur dit, Laissez les petits enfans venir à moi, & ne les empeschez point: car à tels est le Royaume des cieux.

Puis qu'il denonce que le Royaume des cieux leur appartient, qu'il leur impose les mains, & les recommande à Dieu son Pere; il nous instruit sussisamment que nous ne les devons point exclurre de son Eglise. En suivant donc cette regle, nous recevrons cét enfant en son Eglise, afin qu'il soit fait participant des biens que Dieu a promis à ses fideles. Et premierement nous lui presenterons par nostre oraison, disans tous de coeur humblement:

SEigneur Dieu, Pere eternel & tout-puissant, puis qu'il t'a pleu par ta cle­mence infinie nous promettre que tu seras Dieu de nous & de nos enfans, nous te prions qu'il te plaise de confirmer cette grace en l'enfant present, engendré de pere & de mere, que tu as appellez en ton E­glise: & comme il t'est offert & consacré de par nous, que tu le vueilles recevoir en ta sainte protection, te deelarant estre son Dieu & Sauveur, en lui remettant le pe­ché originel, duquel est coupable toute la lignée d'Adam: puis apres le sanctifiant par ton Esprit, asin que quand il viendra en âge de connoissance, il te reconnoisse & adore comme son seul Dieu, te glorifi­ant en toute sa vie, pour obtenir toûjours de toi remission de ses pechez. Et afin qu'il puisse obtenir telles graces, qu'il te plaise l'incorporer en la communion de no­stre Seigneur Jesus, pour estre participant de tous ses biens, comme l'un des mem­bres de son corps. Exauce nous, Pere de mi­sericorde, afin que le Baptesme que nous lui communiquons selon ton ordonnance, produise son fruit & sa vertu telle qu'elle nous est declarée par ton Evangile.

[Page]

Nostre Pere qui es és cieux: Ton Nom soit: sanctisié. Ton regne vienne. Tu volonté soit faite en la terre comme au ciel. Donne nous aujourd'hui nostre pain quotidien. Et nous pardonne nos offenses commenous pardonnons à ceux qui nous ont offensez. Et ne nous in­dul point en tentation, mais delivre nous du malin. Car à toi est le regne, la puissance, & la gloire, es siecles des siecles, Amen.

Puis qu'il est question de recevoir cét enfant en la compagnie de l'Eglise Chre­stienne, vous promettez, quand il vien­dra en âge de discretion, de l'instruire en la doctrine qui est receuë au peuple de Dieu, comme elle est sommairement com­prise en la Confession de foi que nous a­vons tous, assavoir, Je croi en Dieu le Pere tout-puissant, &c.

Vous promettez donc de mettre peine de l'instruire en toute cette doctrine, & generalement en tout ce qui est contenu en la sainte Ecriture du viel & nouveau Te­stament, a ce qu'il le reçoive comme certaine parole de Dieu venante du ciel. Item vous l'exhorterez à vivro felon la re­gle que nostre Seigneur nous a baillee en la Loi, laquelle sommairement consiste en ces deux points, Que nous aimions Dieu de tout nostre sens, nostre coeur & puis­sance: & nostre prochain comme nous­mesmes. l'areillement selon les admoni­tions qu'il a faites par ses Prophetes & A­postres, à ce que cét enfant renoncant à soi-mesme & à ses propres convoitises, se dedie & consacre à glorifier le Nom de Dieu & de Jesus Christ, & à edifier ses prochains.

Apres la promesse faite, on, impose le nom à l'enfant, & alors le Ministre le baptize; en disant.

N. Je te baptize au Nom du Pere, & du Fils, & du S. Esprit.

Le tout se dit à haute voix en laugue vul­gaire, d'autant que le peuple qui assiste là, doit estre témoin de ce qui s'y fait, à quoi est re­quise l'intelligence: & aussi asin que tous so­yent edifiex, en reconnoissant & reduisant en memoire quel est le fruit & l'usage de leur Bap­tesme.

La maniere de celebrer la Sainte CENE.

Il faut noter que le Dimanche devant que la Sainte Cene soit celebrée, on le denonce au peuple: Premierement, afin que chaçun se pre­pare & dispose d la recevoir dignement & en telle reverence qu'il appartient. Secondement, qu'on n'y presente point les enfans, sinon qu'ils soient bien instruits, & ayent fait profession de leur foi en l'Eglise. Tiercement, afin que s'il y a des estrangers qui soient encores rudes & ignorans, ils viennent se presenter pour e­stre instruits en particulier. Le jour qu'on la fait, le Ministre en touche en la fin du Ser­mon: ou bien s'il est necessaire en fait le Ser­mon entierement, pour exposer au peuple ce que nostre Seigneur veut dire & signifier par ce mystere, & en quelle sorte il nous le faut recevoir.

Puis, apres avoir fait les prieres & la con­fession de foi, pour testifier au nom du peuple que tous veulent vivre & mourir en la do­ctrine & religion Chrestienne, il dit à haute voiut.

ESCOUTONS mes freres. comme Jesus Christ nous a institué sa sainte Cene selon que saint Paul le recite au chap. [...].de la premiere Epistre aux Corinthiens.

J'ai recen, dit-il, du Seigneur ce que je vous ai baillé. C'est que le Seigneur Je­sus en la nuict qu'il fut livré prit du pain, & apres avoir rendu graces le rompit, & dit, Prenez, mangez, ceci est mon corps qui est rompu pour vous, faites ceci en memoire de moi. Semblablement, apres avoir soupé, il prit la coupe, disant, Cette coupe est le nouveau Testament en mon sang: saites ceci, toutesfois & quantes que vous en boirez, en memoire de moi: c'est que quand vous mangerez de ce pain, & boirez de cette coupe, vous annoncerez la mort du Seigneur jusques à ce qu'il vienne. Partant qaiconque mangera de ce pain, ou boira de la coupe du Seigneur indignement, sera coupable du corps & du sang du Sei­gneur. Qu'un chacun donc s'éprouve soi­mesme, & ainsi qu'il mange de ce pain, & qu'il boive de cette coupe: Car quiconque en mange & en boit indignement, mange & boit sa condamnation, ne discernant point le corps du Seigneur.

Nous avons ouï, mes freres, comment nostre Seigneur a fait sa Cene entre ses disciples, & par cela il nous demontre que les estrangers, c'est à dire, ceux qui ne sont point de la compagnie de ses fide­les, n'y doivent point estre admis. C'est pourquoi suivant cette regle, au nom & en l'authorité de nostre Seigneur Jesus Christ, j'excommunie tous idolatres, blas­phemateurs, contempteurs de Dieu, he­ritiques, & toutes gens qui font fectes à part pour rompre l'union de l'Eglise: tous parjures, tous ceux qui sont rebelles à pe­res & à meres, & à leurs superieurs, tous seditieux, mutins, bateurs, noiseux, adul­teres, paillards, larrons, avaricieux, usuri­ers, ravisseurs, yvrognes, gourmands, & tous ceux qui menent une vie scandaleuse: leur denonçant que s'ils ne se repentent ils ayent à s'abstenir de cette sainte table, de peur de polluër & contaminer les vian­des sacrées que nostre Seigneur Jesus Christ ne donne sinon à ses domestiques & fideles.

Pourtant, selon l'exhortation de saint Paul, qu'un chacun éprouve & examine sa conscience, pour sçavoir s'il a une vraye re­pentance de ses fautes & s'y déplaist, desi­rant de vivre d'oresnavant saintement & selon Dieu. Sur tout s'il a sa fiance en la [Page]misericorde de Dieu, & cherche entie­rement son salut en Jesus Christ; & renon­çant à toute inimitié & rancune, a bonne intention & courage de vivre en concorde & charité fraternelle avec ses prochains.

Si nous avons ce témoignage en nos coeurs devant Dieu, ne doutons nullement qu'il ne nous avouë pour ses enfans, & que le Seigneur Jesus n'adresse sa parole à nous pour nous introduire à sa table, & nous presenter ce saint Sacrement, lequel il a communiqué à ses Disciples.

Et bien que nous sentions en nous beau­coup de fragilité, & de miserè, comme de n'avoir point la foi parfaite, mais d'estre enclins à incredulité & defiance: comme de n'estre point entiérement si adonnez a servir Dieu & d'un tel zele que nous de­vrions, mais d'avoir à batailler journelle­ment contre les convoitises de nostre chair: neanmoins, puis que nostre Sei­gneur nous a fait cette grace d'avoir son Evangile imprimé en nostre coeur pour re­sister à toute incredulité, & nous a donné ce desir & affection de renoncer à nos propres desirs pour suivre sa justice & ses faints commandemens: soyons tous cer­tains que les vices & imperfections qui sont en nous n'empescheront point qu'il ne nous reçoive & nous face dignes d'avoir part en cette table spirituelle. Car nous n'y ve­nons point pour protester que nous soyons parfaits ni justes en nous-mesines: mais au contraire, en cherchant nostre vie en Jesus Christ, nous confessons que nous som­mes en la mort. Entendons donc que ce Sacrement est une medecine pour les pau­vres malades spirituels, & que toute la dignité que nostre Seigneur requiert de nous; c'est de nous bien reconnoistre pour nous déplaire en nos vices, & avoir tout nostre plaisir, joye & contentement en lui seul.

Premierement donc croyons à ces pro­messes, que Jesus Christ, qui est la verité infaillible, a prononcées de sa bouche: assa­voir, qu'il nous veut vrayement faire par­ticipans de son corps, & de son sang, afin que nous le possedions entierement: en telle sorte qu'il vive en nous, & nous en lui. Et bien que nous ne voyons que d [...] pain & du vin, toutefois ne doutons point qu'il n'accomplisse spirituellement en [...]s ames tout ce qu'il nous demontre exte [...]i­eurement par ces signes visibles: c'est à dire, qu'il est le pain celeste pour nous re­paistre & nourrir à vie eternelle. Ainst, que nous ne soyons point ingrats à la bon­té infinie de nostre Sauveur, lequel déploye toutes ses richesses & ses biens en cette tà­ble pour nous les distribuer. Car en se don­nant à nous, il nous rend témoignage que tout ce qu'il a est nostre. Partant rece­vons ce Sacrement comme un gage, que la vertu de sa mort & passion nous est impu­tée à justice, tout ainsi que si nous l'avions sousserte en nos propres personnes. Que nous ne soyons point si pervers de nous re­culer, où Jesus Christ nous convie si douce­ment par sa Parole: mais en reputant la dignité de ce don precieux qu'il nous fait, presentons nous à lui d'un zele ardent, afin qu'il nous face capables de le recevoir.

Pour ce faire, élevons nos esprits & nos coeurs en haut, où est Jesus Christ en la gloire de Dieu son Pere, & d'où nous l'at­tendons en nostre redemption. Et ne nous amusons point à ces elemens terriens & corruptiblés que nous voyons à l'oeil & touchons à la main, pour le chercher li, comme s'il estoit enclos au pain ou au vin. Car alors nos ames seront disposées à estre nourries & vivifiées de sa substance, quand elles seront ainsi élevées pardessus toutes choses terrestres, pour atteindre jusques au ciel, & entrer au Royaume de Dieu où il habite. Contentons nous donc d'avoir le pain & le vin pour signes & témoigna­ges, cherchans spirituellement la verité où la Parole de Dieu promet que nous la trou­verons.

Cela fait, les Ministres distribuent le pain & la coupe au peuple, ayant adverti qu'on y vienne avec reverence & en bon ordre. Cepen­dant on chante quelques Pseaumes, ou on lit quelque chose de l'Ecriture, convenable à ce qui est signifié par le Sacrement.

En la fin on use d'action de graces, comme il a esté dit.

La maniere de celebrer le MARIAGE.

Il faut noter que devant que de celebrer le Mariage, on le publie en l'Eglise par trois Di­manches: asin que si quelqu'un y sçdvoit quel­que empeschement, il le vinst denoncer de bon­ne heure: ou si aucun y avoit interest qu'il s'y peust opposer.

Cela fait, les parties se viennent presenter au commencement du sermon. Alors le Mini­stre dit:

Nostre aide soit au Nom de Dieu qui a fait le ciel & la terre, Amen.

DIEU nostre Pere apres avoir crée le ciel & la terre, & tout ce qui est en eux, crea & forma l'homme a son image & semblance, qui eust la dominati­on & seigneurie sur les bestes de la terre, les poissons de la mer, & les oiseaux du ciel: disant apres avoir creé l'homme, il n'est pas bon que l'homme soit seul, fai­sons lui un aide semblable à lui. Et nostre Seigneur sit tomber un gros sommeil sur Adam: & ainsi qu'Adam dormort, Dieu prit une de ses costes & en forma Eve: donnant à entendre que l'homme & la femme ne sont qu'un corps, une chair, & un sang. C'est pourquoi l'homme laisse pere & mere, & est adherant à sa semme, laquelle il doit aimer ainsi que Jesus aime son Eglise, c'est à dire, les vrais Fideles & Chrestiens, pour lesquels il est mort. [Page] [...]t aussi la femme dolt servir & obeïr à [...]on mari en toute sainteté & honnesteté, [...]ar elle sujette & en la puissance du mari [...]ant qu'elle vit avec lui. Et ce saint Maria­ [...]ge institué de Dieu est de telle vertu, que [...]par icelui le mari n'a point la puissance de son corps, mais la femme: aussi la femme n'a point la puissance de son corps, mais le mari. C'est pourquoi estans conjoints de Dieu, ils ne peuvent estre separez, si ce n'est pour quelque temps du consentement de l'un & de l'autre, pour vaquer à jeusne & oraison: gardans bien d'estre tentez de Satan par incontinence. Et partant ils doi­vent retourner ensemble. Car pour évi­ter la paillardise, un chacun doit avoir sa femme, & une chacune femme son mari: tellement que tous ceux qui n'ont point le don de continence sont obligez par le commandement de Dieu de se marier: afin que le saint temple de Dieu, c'est à dire nos corps, ne soient point violez & corrom­pus. Car puis que nos corps sont les mem­bres de Jesus Christ, ce seroit un trop grand outrage d'en faire les membres d'une pail­larde. C'est pourquoi on les doit garder en toute sainteté. Car si aucun viole le temple de Dieu, Dieu le destruira.

Vous donc (nommant l'espoux & l'es­pouse) N. & N. ayans la connoissance que Dieu l'a ainsi ordonné, voulez vous vivre en ce saint estat de Mariage, que Dieu a si grandement honoré? avez vous un tel propos comme vous témoignez ici devant sa sainte assemblée, demandans qu'il soit approuvé?

Respondent,

Ouï.

Le Ministre.

Je vous prens tous qui estes ici presens en témoins, vous priant d'en avoir souve­nance. Toutefois s'il y a aucun qui y sça­the quelque empeschement, ou qu'aucun d'eux soit lié par mariage avec autre, qu'il le die.

Si personne n'y contredit, le Ministre dit ainsi:

Puis qu'il n'y a personne qui contredise, & qu'il n'y a point d'empeschement, no­stre Seigneur Dieu confirme le saint pro­pos qu'il vous a donné, & vostre com­mencement soit au Nom de Dieu qui a sait le ciel & la terre, Amen.

Le Ministre parlant à l'espoux, dit ainsi:

Vous N. Confessez ici devant Dieu & sa sainte assemblée, que vous avez pris & prenez pour vostre femme & espouse N. ici pre­sente, laquelle vous promettez garder, en l'aimant & entretenant fidelement, ainsi que le devoir d'un vrai & fidele mari est à sa semme, vivant saintement avec elle, lui gardant foi & loyauté en toutes choses, se­lon la Parole de Dieu & son saint Evangile.

Respond.

Ouï.

Puis parlant à l'espouse, il dit:

Vous N. confessez ici devont Dieu & sa sainte affemblée, que vous avez pris & pre­nez N. ici present pour vostre legitime ma­ri, auquel vous promettez obeïr, lui servant & estant sujette, vivant saintement, lui gardant foi & loyauté en toutes choses, ain­si qu'une fidele & loyale espouse doit à son mari, selon la Parole de Dieu, & son saint Evangile?

Respond.

Ouï.

Puis le Ministre dit:

Le Pere de toute misericorde, qui de sa grace vous a appellez à ce saint estat, pour l'amour de Jesus Christ son Fils, qui par sa sainte presence a sanctifié le Mariage, faisant là le premier miracle devant ses A­postres, vous donne son saint Esprit, pour le servir & honorer ensemble d'un commun accord, Amen.

Ecoutez l'Evangile, comme nostre Sei­gneur veut que le saint Mariage soit gardé, & comme il est ferme & indissoluble, se­lon qu'il est écrit en saint Matthieu au dix­neufiéme chapitre: Les Pharisiens s'appro­cherent de lui, le tentans, & disans: Est­il permis à l'homme de delaisser sa femme pour quelque occasion? Lui répondant, dit, N'avez-vous point leu, que celui qui fit l'homme dés le commencement, fit le masle & la femelle? & dit, pour ce l'hom­me delaissera pere & mere, & s'ajoin­dra à sa femme. & seront deux en une chair: & uinsi ils ne sont plus deux, mais une chair. Donc ce que Dieu a conjoint que l'homme ne le separe point.

Croyez à ces saintes paroles que nostre Seigneur Jesus a proferées, comme l'E­vangeliste les recite: & soyez certains que nostre Seigneur Dieu vous a conjoints au saint Mariage. C'est pourquoi vivez sa in­tement ensemble, en bonne dilection, paix, & union: gardans vraye charité, foi, & lo­yauté l'un à l'autre, selon la parole de Dieu.

Prions tous d'un coeur nostre Pere.

DIEU tout-puissant, tout-bon & tout-sage, qui dés le commencement as preveu qu'il n'estoit pas bon que l'homme fast seul, a cause dequoi tu lui as creé une aide semblable à lui, & as ordonné que deux fussent un: nous te prious & requerous humblement, puis qu'il t'a pleu appeller ceux-ci au saint estat de Mariage, que de ta grace & bonté, tu lear vueilles donner & envoyer ton saint Esprit, afin qu'en vraye & ferme foi, selon ta bonne volon­té, ils y viyent saintement, surmontans tou­tes mauvaises affections, edifians les au­tres en toute honnesteté & chasteté, leur donnant ta benediction, ainsi qu'à tes fi­deles serviteurs Abraham, Isaac & Jacob: qu'ayans une sainte lignée, ils te loiient & servent, l'apprenans, & la nourrissans à ta loiiange & gloire, & à l'utilité du pro­chain, à l'avancement & exaltation de ton saint Evangile. Exauce nous, Pere de mi­sericorde, par nostre Seigneur Jesus Christ ton tres-cher Fils, Amen.

Nostre Seigneur vous remplisse de tou­tes graces, & en tout bien vous donne de vivre ensemble longuement & sainte­ment.

Avertissement aux Lecteurs touchant le Catechisme.

C'A esté une chose que l'Eglise a toûjours euë en une singuliere recommantlation, d'instruire les petits enfans en la doctrine Chrestienne. Et your ce faire, non seulement on avoit anciennement les Escoles, & commandoit-on à un chacun de bien endoctriner sa famille: man aussi l'ordre public estoit par les temples, d'examiner les petits enfans sur les points qui doivent estre communs entre tous les Chrestiens. Et afin de procéder par ordre, on usoit d'un for mulaire, qu [...]on nommoit CATECHISME. Depuis, le diable en dissipant l'Eglise, & faisant l'horrible ruine dont on voit encores les enseignes en la plûpart du monde, a détruit cette sainte police, & n'a laissé que je ne sçai quelles reliques, qui ne peuvent sinon engendrer superstition, sans aucunement edifier. C'est la Confirmation, qu'on appelle, où il n'y a que singeries, sans au­cun fondement. Ainsi, ce que nous mettons en avant, n'est sinon l'usage qui de toute ancienneté à esté observe entre les Chrestiens: & n'a jamais esté delaissé, que quand l'Eglise a esté du tout corrompuë.

LE CATECHISME, C'est à dire, LE FORMULAIRE D'INSTRUIRE les enfans en la Chrestienté, fait en maniere de Dialogue, où le Ministre inter­roge, & l'Enfant répond.
DES ARTICLES DE LA FOI.

DIMANCHE I.

Le Ministre.

QUelle est la principale fin de la vie humaine?

L'Enfant.

C'est de connoistre Dieu.

M.

Pourquoi dis-tu cela?

E.

Pource qu'il nous a créez & mis au mon­de pour estre glorifié en nous. Et il est bien raisonnable que nous rapportions nostre vie à sa gloire, puis qu'il en est le commen­cement.

M.

Et quel est le souverain bien des hom­mes?

E.

Cela mesme.

M.

Pourquoi l'appelles-tu le souverain bien?

E.

Pource que sans cela nostre condition est plus mal-heureuse que celle des bestes brutes.

M.

Par cela donc nous voyons qu'il n'y a nul si grand mal-heur que de ne vivre pas selon Dieu?

E.

Il est vrai.

M.

Mais quelle est la vraye & droite con­noissance de Dieu?

E.

Quand on le connoist afin de l'honorer.

M.

Quelle est la maniere de le bien ho­norer?

E.

C'est que nous ayons toute nostre fi­ance en lui: que nous le servions en obeïs­sant à sa volonté: que nous le requerions en toutes nos necessitez, cherchans en lui salut & tous biens, & que nous reconnois­sions tant de coeur que de bouche, que tout bien procede de lui seul.

DIMANCHE II.

M.

OR afin que ces choses soient dedui­tes par ordre, & exposées plus au long, quel est le premier poinct?

E.

C'est d'avoir nostre fiance en Dieu.

M.

Comment cela se peut-il faire?

E.

C'est premierement de le connoistre tout-puissant & tout bon.

M.

Suffit-il de cela?

E.

Non.

M.

La raison?

E.

Pource que nous ne sommes pas dignes qu'il demontre sa puissance pour nous aider, ni qu'il use de sa bonté envers nous.

M.

Que faut il donc plus?

E.

Que nous soyons certains qu'il nous ai­me & nous veut estre Pere & Sauveur.

M.

Comment connoissons-nous cela?

E.

Par sa Parole, où il nous declare sa misericorde en Jesus Christ, & nous asseure de sa dilection envers nous.

M.

Le fondement donc d'avoir vraye si­ance [Page]en Dieu, c'est de le connoistre en Jesus Christ?

E.

Ouï.

M.

Mais quelle est en somme la substance de cette connoissance?

E.

Elle est comprife en la confession de foi que font tous les Chrestiens, laquelle on appelle communement le Symbole des Apostres: pource que c'est un sommaire de la vraye creance qu'on a toûjours tenu en la Chrestienté: & aussi qui est tirée de la pure doctrine Apostolique.

M.

Recite ce qui y est dit.

E.

‘JE croi en Dieu le Pere Tout-puissant, Createur du ciel & de la terre. Et en Jesus Christ son Fils unique nostre Seigneur: qui a esté conceu du Saint Esprit, né de la Vierge Marie. A souffert sous Ponce Pilate, a esté crucifié, mort, & enseveli. Est de­scendu aux enfers. Le troisiéme jour est ressus­cité des morts: Il est menté aux Cieux: Il est assis à la dextre de Dieu le Pere Tout-puis­sant. Et de là il viendra juger les vivans & les morts. Je croi au Saint Esprit. Je croi la sainte Eglise universelle: La communion des Saints: La remission des pechez: La resur­rection de la chair: La vie eternelle. Amen.’

DIMANCHE III.

M.

POur bien expliquer cette Confes­sion par le menu, en combien de parties la diviserons-nous?

E.

En quatre principales.

M.

Quelles?

E.

La premiere sera de Dieu le Pere. La seconde, de son Fils Jesus Christ, en la­quelle est recitée toute l'histoire de nostre redemption. La troisiéme, du Saint Esprit. La quatriéme, de l'Eglise, & des graces de Dieu envers elle.

M.

Veu qu'il n'y a qu'un Dieu, qui te meut de reciter le Pere, le Fils, & le Saint Es­prit, qui sont trois?

E.

Pource qu'en une seule Essence Divine nous avons à considerer le Pere, comme le commencement & l'origine, ou la cause premiere de toutes choses: Puis a­pres son Fils, qui est sa Sagesse eternelle: le Saint Esprit, qui est sa vertu & puissance, laquelle est épanduë sur toutes creatures, & neanmoins reside toûjours en lui.

M.

Par cela tu veux dire qu'il n'y a nul in­convenient, qu'en une mesme Divinité nous comprenions distinctement ces trois personnes, & que Dieu n'est pas pourtant divisé?

E.

Il est ainsi.

M.

Recite maintenant la premiere partie.

E.

Je croi en Dieu le Pere Tout-puissant, Crea­teur du ciel & de la terre.

M.

Pourquoi le nommes tu Pere?

E.

C'est au regard de Jesus Christ, qui est la Parole eternelle, engendrée de lui devant les siecles, puis estant manifesté au monde, a esté approuvé & declaré estre son Fils. Mais entant que Dieu est Pere de Jesus Christ, de là il s'ensuit qu'il est aussi le no­stre.

M.

Comment entens-tu qu'il est Tout-puis­sant?

E.

Ce n'est pas seulement à dire qu'il ait le pouvoir, ne l'exerçant pas: mais qu'il a toutes les creatures en sa main & sujettion: qu'il dispose toutes choses par sa provi­dence, gouverne le monde par sa volonté, & conduit tout ce qui se fait selon que bon lui semble.

M.

Ainsi selon ton dire, la puissance de Dieu n'est pas oisive, mais emporte da­vantage, affavoir qu'il a toûjours la main à l'ouvrage: & que rien ne se fait sinon par lui, ou avec son congé & son ordonnance?

E.

Il est ainsi.

DIMANCHE IV.

M.

POurquoi adjoustes-tu qu'il est Crea­teur du ciel & de la terre?

E.

Pource qu'il s'est manifesté à nous par ses oeuvres, il faut qu'en elles nous le cher­chions. Car nostre entendement n'est pas capable de comprendre son Essence: mais le monde nous est comme un miroir auquel nous le pouvons contempler, selon qu'il nous est expedient de le connoistre.

M.

Par le ciel & la terre n'entens-tu pas lè reste des creatures?

E.

Si fai: mais elles sont comprises sous ces deux mots, à cause qu'elles sont toutes ce­lestes ou terriennes.

M.

Pourquoi appelles-tu Dieu seulement Createur, veu qu'entretènir & conserver toûjours les creatures en leur estat, est beau­coup plus que de les avoir une fois creées?

E.

Aussi par cela n'est-il pas seulement signifié qu'il ait pour un coup mis ses oeu­vres en nature, afin de les delaisser puis apres sans s'en soucier plus: mais il faut entendre que comme le monde a esté fait par lui au commencement, aussi mainte­nant il l'entretient en son estat: tellement que le ciel, la terre, & toutes les creatures ne subsistent en leur estre sinon par sa ver­tu. Davantage, puis qu'il tient ainsi toutes choses en sa main, il s'ensuit qu'il en a le gouvernement & maistrise. C'est pourquoi entant qu'il est Createur du ciel & de la terre, c'est lui qui conduit par sa bonté, vertu, & sagesse tout l'ordre de la nature: envoye la pluye & la secheresse, les gresles, les tempestes, & le beau temps, fertilité, & sterilité, santé & maladie: en somme, il a toutes choses à commandement, pour s'en servir selon qu'il lui semble bon.

M.

Touchant les diables & les méchans, lui sont-ils aussi bien sujets?

E.

Combien qu'il ne les conduise pas par son saint Esprit, toutesfois il leur tient la bride en telle sorte, qu'ils ne se pourroient bouger, sinon autant qu'il leur permet. Et mesmes il les contraint d'executer sa volon­té, bien que ce soit contre leur intention & propos.

M.

Dequoi te sert-il de sçavoir cela?

E.

De beaucoup. Car ce seroit une pauvre chose si les diables & les iniques avoient le po [...]voir de rien faire malgré la volonté de Dieu. Et mesme nous ne pourrions jamais avoir repos en nos consciences, d'autant que nous serions en leur danger: mais quand nous sçavons que Dieu leur tient la bride serrée, tellement qu'ils ne peuvent rien que par son congé, en cela nous avons [Page]occasion de nous reposer & rejouïr, veu que Dieu promet d'estre noslre protecteur, & de nous dessendre.

DIMANCHE V.

M.

VEnons maintenant à la seconde partie.

E.

Et en Jesus Christ son Fils, &c.

M.

Que contient-elle en somme?

E.

C'est que rous reconnoislions le Fils de Dieu pour nostre Sauveur, & le moyen comme il nous a delivrez de la mort, & acquis le salut.

M.

Que signifie ce mot de Jesus, par le­quel tu le nommes?

E.

C'est à dire, Sauveur, & lui a esté im­pose de l'Ange par le commandement de Dieu.

M.

Cela vaut-il plus, que s'il eust receu ce nom des hommes?

E.

Ouï bien: car puis que Dieu veut qu'il soit ainsi appellé, il faut qu'il soit tel à la verité.

M.

Que veut dire puis apres le mot de Christ?

E.

Par ce titre est encore mieux declaré son office: c'est qu'il a esté oinct du Pere celeste, pour estre ordonné Roi, Prestre, ou Sacrificateur, & Prophete.

M.

Comment sçais-tu cela?

E.

Pource que felon l'Ecriture, l'onction doit servir à ces trois choses. Et aussi elles lui sont attribuées plusieurs fois.

M.

Mais de quel genre d'huile a-t'il esté oinct?

E.

Ce n'a pas esté d'une huile visible, com­me les anciens Rois, Sacrificateurs & Pro­phetes: mais ç'a esté des graces du S. Es­prit, qui est la verité de cette onction ex­terieure qui se faisoit le temps passé.

M.

Quel est ce Royaume dont tu parles?

E.

Il est spirituel, & consiste en la parole & en l'Esprit de Dieu, qui contiennent ju­stice & vie.

M.

Et la Sacrificature?

E.

C'est l'office & authorité de se repre­senter devant Dieu, pour obtenir grace & saveur, & appaiser son ire, en offrant un sacrifice qui lui soit agreable.

M.

Comment est-ce que tu dis Jesus Christ Prophete?

E.

Pource qu'en descendant au monde, il a esté messager & ambassadeur souverain de Dieu son Pere, pour exposer pleinement la volonté d'icelui au monde, & ainsi mettre fin à toutes propheties & revelati­ons.

DIMANCHE VI.

M.

TE revient-il quelque prosit de cela?

E.

Le tout est à nostre utilité. Car Jesus Christ a receu tous ces dons pour nous en faire participans, afin que nous recevions tous de sa plenitude.

M.

Declare moi cela plus au long.

E.

Il a receu le Saint Esprit avec toutes ses graces en perfection, pour nous en élar­gir & distribuer à chacun, felon la mesure & portion que Dieu connoist estre expe­diente. Et ainsi nous puisons de lui comme d'une fontaine tout ce que nous avons de biens spirituels.

M.

Son Royaume dequoi nous sert-il?

E.

C'est qu'estans par lui mis en liberté de conscience, & remplis de ses richeses spirituelles, pour vivre en justice & sainte­té, nous avons aussi la puislance de vaincre le diable, le peché, la chair, & le monde, qui sont les ennemis de nos ames.

M.

Et sa Sacrificature?

E.

Premierement, entant qu'il est nostre Mediateur pour nous reconcilier à Dieu son Pero: puis apres, que par son moyen nous avons accez pour nous presenter aussi à Dieu, & nous offrir en sacrifice, avec tout ce qui procede de nous. Et en cela nous sommes compagnons de sa Sacrificature.

M.

Il reste la Prophetie.

E.

Puis que cét office a esté donné au Sei­gneur Jesus pour estre maistre & docteur des siens, la fin est de nous introduire à la vraye connoissance du Pere & de sa veri­té, tellement que nous soyons écoliers do­mestiques de Dieu.

M.

Tu veux donc conclurre que ce titre de Christ comprend trois offices que Dieu a donnez à son Fils pour en communiquer le fruit & la vertu à ses fideles?

E.

Ouï.

DIMANCHE VII.

M.

POurquoi l'appelles-tu Fils unique de Dieu, Veu que Dieu nous ap­pelle tous ses enfans?

E.

Ce que nous sommes enfans de Dieu ce n'est pas de nature, mais seulement par adoption & par grace, entant que Dieu nous veut reputer tels. Mais le Seigneur lesus, qui est engendré de la substance de son Pere, & est d'une mesme essence, à bon droit est dit Fils unique: car il n'y a que lui seul qui soit naturel.

M.

Tu veux donc dire que cét honneurest propre à lui seul, & lui appartient natu­rellement: mais qu'il nous est communi­qué de don gratuit, entant que nous som­mes ses membres?

E.

C'est cela. Et pourtant au regard de cette communication il est dit ailleurs, Le premier né entre plusieurs freres.

M.

Comment est-ce qu'il est nostre Sei­gneur?

E.

Comme il a esté constitué du Pere, afin qu'il nous ait en son gouvernement, pour exercer le Royaume & la Seigneurie de Dieu au ciel & en la terre, & pour estre Chef des Anges & des fideles.

M.

Que veut dire ce qui s'ensuit apres?

E.

Il declare comme le Fils de Dieu a e­sté oinct du Pere pour nous estre Sauveur: c'est assavoir, en prenant nostre chair hu­maine, & accomplissant les choses requises à nostre redemption, comme elles sont ici recitées.

M.

Qu'entens-tu par ces deux mots, Con­ceu du Saint Esprit, Né de la Vierge Ma­rie?

E.

Qu'il a esté formé au ventre de la Vi­erge Marie, & de la propre substance d'i­celle, pour estresemence de David, comme il avoit esté predit: & neanmoins que cela s'est fait par operation miraculense du [Page]S. Esprit, sans compagnie d'homme.

M.

Estoit-il donc requis qu'il vestist nostre propre chair?

E.

Ouï, d'autant qu'il falloit que la deso­beïssance commise contre Dieu par l'hom­me fust reparée en la nature humaine. Et aussi il ne pouvoit estre autrement nostre Mediateur pour nous conjoindre à Dieu son Pere.

M.

Tu dis donc qu'il falloit que Jesus Christ fust homme pour accomplir l'office de Sanveur comme en nostre propre per­sonne?

E.

Ouï, car il nous faut recouvrer en lui tout ce qui nous defaut en nous mesmes. Ce qui ne se peut autrement faire.

DIMANCHE VIII.

M.

POurquoi cela s'est-il fait par le Saint Esprit, & non point par oeuvre d'homme, felon l'ordre de la nature?

E.

Pource que la semence humaine est d'elle-mesme corrompuë, il falloit que la vertu du Saint Esprit entrevinst en cette conception, pour preserver nostre Seigneur de toute corruption, & le remplir de sain­teté.

M.

Ainsi il nous est demontré que célui qui doit sanctifier les autres est exempt de toute macule, & du ventre de sa mere est consacré à Dieu en pureté originelle, pour nestre point sujet à la corruption univer­selle du genre humain?

E.

Je l'entens ainsi.

M.

Pourquoi de la nativité viens-tu incon­tinent à la mort, laissant toute l'histoire de sa vie?

E.

Pource qu'il n'est ici parle que de ce qui est proprement de la substance de no­stre redemption.

M.

Pourquoi n'est-il dit simplement en un mot, qu'il est mort: mais est parlé de Pon­ce Pilate, sous lequel il a souffert?

E.

Cela n'est pas seulement pour nous as­seurer de la certitude de l'histoire, mais aussi pour signifier que sa mort emporte condamnation.

M.

Comment cela?

E.

Il est mort pour souffrir la peine qui nous estoit deuë, & par ce moyen nous en de­livrer. Or pource que nous estions coupa­bles devant le jugement de Dieu comme malfaicteurs, pour representer nostre per­sonne, il a voulu comparoistre devant le siege d'un Juge terrien, & estre con­damné par la bouche d'icelui, pour nous absoudre au trône du Juge celeste.

M.

Neantmoins Pilate le prononce inno­cent; & ainsi il ne le condamne pas com­me s'il en estoit digne?

E.

Il y a l'un & l'autre: c'est qu'il est justifié par le témoignage du Juge, pour montrer qu'il ne soussre point pour ses de­merites, mais pour les nostres: & cepen­dant il est condamné solennellement par la sentence d'icelui mesme, pour denoter qu'il est vrayement nostre pleige, recevant la condamnation pour nous, afin de nous en acquitter.

M.

C'est bien dit. Car s'il estoit pecheur, [...] ne seroit pas capable de souffrir la mort pour les autres: & neanmoins, afin que sa condamnation nous soit delivrance, il faut qu'il soit reputê entre les iniques.

E.

Je l'entens ainsi.

DIMANCHE IX.

M.

CE qu'il a esté crucifié emporte-t'il quelque chose de plus que si on l'eust autrement fait mourir?

E.

Ouï, comme l'Apostre le remontre, di­sant, qu'il a esté pendu au bois pour trans­porter nostre malediction sur soi-mesme pour nous en décharger. Car se genre de mort estoit maudit de Diéu.

M.

Comment? n'est-ce pas deshonorer le Seigneur. Jesus de dire qu'il a esté sujèt à malediction, mesme devant Dieu.

E.

Non: car en la recevant, il l'a aneantie par sa vertu: tellement qu'il n'a pas laiffé d'estre toûjours benit, pour nous remplit de sa benediction.

M.

Expose ce qui s'ensuit.

E.

D'autant que la mort estoit une male­diction sur l'homme à cause du peché, Je­sus Christ l'a endurée, & en l'endurant l'a vaincuë. Et pour demontrer que c'estoit une vraye mort que la sienne, il a voulù estre mis au sepulcre comme les autres hommes.

M.

Mais il ne semble pas qu'il nous revien­ne quelque bien de cette victoire, veu que nous ne laifsons point de mourir?

E.

Cela n'empesche de rien. Car la mort des fideles n'est maintenant autre chose qu'un passage pour les introduire à une vie meilleure.

M.

De cela il s'ensuit qu'il ne nous faut plus craindre la mort comme une chose horrible, mais suivre volontairement no­stre Chef & Capitaine Jesus Christ, qui nous y precede, non pas pour nous faire perir, mais pour nous sauver?

E.

Il est ainsi.

DIMANCHE X.

M.

QUe signifie ce qui est adjousté de sa descente aux enfers?

E.

C'est que non seulement il a soussert la mort naturelle, qui est la separation du corps & de l'ame: mais aussi que son ame a esté enserrée en angoisse merveilleufe, que saint Pierre appelle, Les douleurs de la mort.

M.

Pour quelle raison cela s'est-il fait, & comment?

E.

Pource qu'il se presente à Dieu pour sa­tisfaire au nom des pecheurs, il falloit qu'il sentist cette horrible détresse en sa conscience, comme s'il estoit delaifsé de Dieu; & mesme comme si Dieu estoit courroucé contre lui. Estant en cette abys­me, il a crié, Mon Dieu, mon Dieu, pour­quoi m'as-tu laissé?

M.

Dieu estoit-il donc courroucé contre-lui?

E.

Non: mais il falloit toutefois qu'il l'af­fligeast ainsi, pour verifier ce qui a esté predit par Esaye, Qu'il a esté frapé de la main du Pere pour nos pechez, & qu'il a porté nos iniquitez.

M.

Mais comment pouvoit-il estre en une telle frayeur comme s'il estoit abandonné de Dieu, lui qui est Dieu mesme?

E.

Il saut entendre que felon sa nature hu­maine il a esté en cette extremité: Et pour ce faire, que la Divinité se tenoit pour un peu de temps comme cachée, c'est à dire qu'elle ne demontroit point savertu.

M.

Mais comment se peut-il faire que Je­sus Christ, qui est le salut du monde, ait esté en une telle condamnation?

E.

Il n'y a pas esté pour y demeurer. Car il a tellement senti cét horreur que nous, a­vons dit, qu'il n'en a point essé oppressé, mais a bataillé contrè la puistànce des en­fers pour la rompre & destruire.

M.

Par cela nous voyons la difference en­tre le tourment qu'il a souffert, & celui que sentent les pecheurs que Dieu punit en son ire. Car ce qui a esté temporel en lui, est perpetuel. aux autres: & ce qui a esté seulement un aiguillon pour le poindre, leur est un glaive pour les navrer à mort.

E.

C'est cela: car Jesus Christ n'a pas laissé d'esperer tostjours en Dieu au milieu de telles détresses: mais les pecheurs que Dieu damne se desesperent & dépitent contre lui, jusques à le blasphemer.

DIMANCHE XI.

M.

POuvons-nous pas bien deduire de cela quel fruit nous recevons de la mort de Jesus Christ?

E.

Ouï bien. Et premierement nous vo­yons que c'est un sacrifice par lequel il a satisfait pour nous au jugement de Dieu, & ainsi a appaisé l'ire de Dieu envers nous; & nous a reconciliez à lui. Pour le second, que son sang est le lavement par lequel nos ames ont esté purgées de toutes macules. Finalement, que par cette mort nos pe­chez sont essacez, pour ne point venir en memoire devant Dieu: & ainsi que l'obli­gation qui estoit contre nous est abolie.

M.

N'en avons-nous pas quelque autre u­tilité?

E.

Si avons: c'est que si nous sommes vrais membres de Christ, nostre vieil hom­me est crucifié, & nostre chair est morti­ficé: afin que les mauvaises concupiscences ne regnent plus en nous.

M.

Declare moi l'article suivant.

E.

C'est que le troisiéme jour il est reffuscité. En quoi il s'est demontré vainqueur de la mort & du peché. Car par sa resurrecti­on il a englouti la mort, & a rompu les liens du diable, & détruit toute sa puis­sance.

M.

En combien de sortes nous profite cet­te resurrection?

E.

La premiere est que la justice nous a e­flé pleinement acquise en elle. La seconde, que ce nous est un certain gage que nous reffusciterons une fois en immortalité glo­rieuse. La troisieme, qu [...] si nous commu­niquons vrayement à elle, nous reffuscitons dés a present en nouveauté de vie, pour servir à Dieu, & vivre saintement felon son bon plaisir.

DIMANCHE XII.

M.

POursuivons outre.

E.

Il monté au ciel.

M.

Est-il monté en telle sorte qu'il ne soit plus en la terre?

E.

Ouï, Cár puis qu'il a fait tout ce qui lui estoit enjoint du Pere, & qui estoit té­quis à nostre salut, il n'estoit plus be [...]in qu'il conversalt au monde.

M.

Que nous profite cette Ascension?

E.

Le profit en est double. Car d'autan que Jesus Christ est entré [...]n cle [...] en nostre nom, ainsi qu'il en estoit descendu pour nous, il nous y donne entrée, & nous a asseur [...] que la porte nous est maintenant ouverte, laquelle nous estoit close pour nos peche [...], Secondeinent, il comparoist la devant la face du Pere, pour estre nostre Intercesteur & Adyocat.

M.

Mais Jesus Christ montant au ciel, s'est­il tellement retiré du monde, qu'il ne soit plus, avec nous?

E.

Non: car il à dit le contraire: c'est qu'il sera prés de nous jusques à la fin?

M.

Est-ce de presence corporelle qu'il de­meure avec nous?

E.

Non: car c'est autre chose de son corps qui a esté élevé en haut, & de sa vertu, la­quelle est par tout épandue.

M.

Comment entens-tu qu'il est aslis à la dextre de Dieu son Pere?

E.

C'est qu'il a receu la seigneurie du ciel & de la terre, afin de regir & gouverner tout.

M.

Mais que sighifie la dextre, & cette assiette dont il est parlé?

E.

C'est une similitude tirée des Princes terriens, qui font seoit à leur costé dextre ceux qu'ils ordonnent Lieutenans pour gou­verner en leur nom.

M.

Tu n'entens donc sinon ce que dit Saint Paul: c'est qu'il a esté constitué Chef de l'Eglise, & exalté deslus toute princi­pauté, & qu'il a receu un nom pardessus tout nom?

E.

Voire.

DIMANCHE. XIII.

M.

POursui outre.

E.

De là il viendra juger les vivans & les morts: qui est à dire qu'il apparoistra une fois du ciel en jugement, ainsi qu'on l'y a veu monter.

M.

Puis que le jugement sera en la fin du­siecle, comment dis tu que les uns vivront alors, & que les autres seront morts, [...] qu'il est ordonné à tous hommes de mou­rir une fois?

E.

Saint Paul répond à cette question, di­sant, que ceux qui seront alors suryivans, se­ront, subitement changez: afin que leut corruption soit abolie, & que leur corp [...] soit renouvellé pour estre incorruptible.

M.

Tu entens donc que cette mutation leur sera comme une mort, pource qu'elle abolira leur premiere nature, pour les faire reffusciter en un autre estat?

E.

C'est cela.

M.

Nous revient-il quelque consolation d [...] ce que Jesus Christ doit une fois venir [...] ­ger le monde?

E.

Ouï, singuliere. Car nous sommes cer­tains qu'il n'apparoistra sinon en nostrefi­lut.

M.

Nous ne devons donc pas craindrel derniér jugement pour l'avoir en borr [...]

E.

Non pas: puis qu'il ne nous faudra venir devant autre. Juge que celui mesme qui est nostre Advocat, & qui a pris nostre cause en main pour la defendre.

DIMANCHE XIV.

M.

VEnons a la troisléme partie.

E.

C'est la foi au Saint Esprit.

M.

A quoi nous profite elle?

E.

A ce que nous reconnoissions que com­nie Dieu nous a rachetez & sauvez par Je­sus Christ: aussi il nous fait par son Saint Esprit, participans de cette redemption & du salut.

M.

Comment cela?

E.

Comme le sang de lesus Christ est no stre lavement, aussi faut-il que le Saint Esprit en arrouse nos consciences, à ce qu'elles soient lavées.

M.

Il faut à ceci une declaration plus cer­taine.

E.

C'est à dire que le saint Esprit habi­tant en nos coeurs nous fait sentir la ver­tu de nostre Seigneur Jesus. Car il nous il­lumine, pour nous faire connoistre ses graces: il les seelles & imprime en nos ames, & leur donne lieu en nous: il nous regenere, & fait nouvelles creatures: tel­lement que par son moyen nous recevons tous les biens & les dons qui nous sont of­ferts en Jesus Christ.

DIMANCHE XV.

M.

QUe s'ensuit-il?

E.

La quatriémé partie, où il est dit que nous croyons l'Eglise Catholique.

M.

Qu'est ce que l'Eglise Catholique?

E.

C'est la compagnie des Fideles que Dieu a ordonnez & éleus à la vie eternelle.

M.

Est il necessaire de croire cét article?

E.

Ouï bien, si nous ne voulons faire la mort de Jesus Christ oisive, & tout ce qui a esté recité: car le fruit qui en procede est l'Eghse.

M.

Tu dis donc que jusques à cette heure [...] a esté parlé de la cause & du fonde­ment du salut, entant que Dieu nous a re­ceus, en dilection par le moyen de Jesus Christ, & confirmé en nous cette grace parson S. Esprit: mais que maintenant est demontré l'esset & l'accomplissement de tout cela, pour en donner meilleure certi­tude?

E.

Il est ainsi.

M.

En quel sens nommes-tu l'Eglise Sainte?

E.

Pource que ceux que Dieu a éleus, il les justifie & purifie a sa sainteté & inno­cence, pour faire en eux reluire sa gloire. Et ainsi Jesus Christ ayant racheté son E­glise, l'a sanctisiée: afin qu'elle fust glorieuse & sans macule.

M.

Que veut dire ce mot Catholique, ou Universelle?

E.

C'est pour signifier que comme il n'y a qu'un Chef des fideles, aussi tous doivent estre unis en un corps. Tellement qu'il n'y a pas plusieurs Eglises, mais une seule, la­quelle est épandue par tout le monde.

M.

Et ce qui s'ensuit de la communion des Saints, qu'emporte t'il?

E.

Cela est adjousté pour mieux exprimer l'union qui est entre les membres de l'E­glise. Et aussi par cela nous est donné à en­tendre que, tout ce que nostre Seigneur fait de bien à son Eglise est pour le profit & salut de chacun fidele, pource que tous ont communion ensemble.

DIMANCHE XVI.

M.

MAis cette saintete que tu attribues a l'Eglise, est-elle maintenant par­faite?

E.

Non pas cependant qu'elle bataille en ce monde. Car il y a toûjours des reliques d'imperfections, lesquelles ne seront jamais ostées, jusques à ce qu'elle soit pleinement conjointe à son Chef Jesus Christ, duquel elle est sanctifiée.

M.

Et cette Eglise ne se peut-elle autre­ment connoistre qu'en la croyant?

E.

Il y a bien l'Eglise de Dieu visible, se­lon qu'il nous a donné les, enseignes pour la connoistre, mais il est ici parlé propre­ment de la compagnie de ceux que Dieu a élous pour les sauver, laquelle ne se peut pas pleinement voir à l'oeil.

M.

Que sensuit-il?

E.

Je croi la remission des pechez.

M.

Qu'entens-tu par ce mot de Remission?

E.

Que Dieu par sa bonté gratuite remet & quitte à ses fideles leurs fautes: telle­ment qu'elles ne viennent point en conte devant son jugement pour les punir.

M.

De cela il s'ensuit que nous ne meritons pas satissaction que Dieu nous pardonne?

E.

Ouï. Car le Seigneur Jesus a fait lé paye­ment, & en a porté la peine. De nostre part, nous ne pouvons apporter aucune recompense; mais il faut que nous rece­vions par la pure liberalité de Dieu le par­don de tous nos mé faits.

M.

Pourquoi mets-tu cét article apres l'E­glise?

E.

Pource que nul n'obtient pardon de ses pechez, que premierement il ne soit incorporé au peuple de Dieu, & perseveré en unite & communion avec le corps de Christ, & ainsi qu'il soit membre de l'E­glise.

M.

Ainsi, hors de l'Eglise, il n'y a que damnation & mort?

E.

Il est certain, car tous ceux qui se se­parent de la communauté des fideles pour faire secte à part, ne doivent esperer salut cependant qu'ils sont en division.

DIMANCHE XVII.

M.

QUe s'ensuit-il?

E.

La resurrection de la chair, & la vie eternelle.

M.

Pourquoi cét article est-il mis?

E.

Pour nous montrer que nostre felicité ne gist pas en la terre: ce qui sert à double sin. Premierement, afin que nous appreni­ons de passer par ce monde comme par un pais estrange, méprisant toutes les cho­ses terriennes, & n'y mettans point nostre coeur: puis aussi que bien que nous n'apperce­vions pas encore le fruit de la grace que le Seigneur nous a faite en Jesus Christ, nous ne perdions pas courage pourtant, mais l'attendions en patience jusques au temps de la revelation.

M.

Comment se fera cette resurrection?

E.

Ceux qui seront morts auparavant re­prendront leurs corps, neanmoins d'autre qualité, assavoir qu'ils ne seront plus su­jets à mortalité & corruption, combien que ce sera la mesme substance, Et ceux qui survivront encore, Dieu les reffuscite­ra miraculeusement par ce changement su­bit dont il a eslé parlé.

M.

Et cette resurrection ne sera-t'elle pas commune tant aux mauvais comme aux bons?

E.

Ouï bien, mais ce sera bien en diverse condition. Car les uns reffusciteront à salut & joye: les autres à condamnation & mort.

M.

Pourquoi donc est il seulement parlé de la vie eternelle, & non point aussi bien de l'Enfer?

E.

Pource qu'il n'y a rien couché en ce sommaire qui n'appartienne proprement à la consolation des consciences fideles, il nous recite seulement les biens que Dieu fait à ses serviteurs. Et ainsi il n'y est fait nulle mention des iniques qui sont exclus de son Royaume.

DIMANCHE XVIII.

M.

PUis que nous avons le fondement sur lequel la foi est appuyée, nous pourrons bien de là conclurre que c'est que la vraye foi?

E.

Ouï: assavoir une certaine & ferme connolisance de la dilection de Dieu en­vers nous, felon que parson Evangile il se declare estre nostre Pere & Sauveur par le moyen de Jesus Christ.

M.

La pouvons nous avoir de nous mesmes, ou si elle vient de Dieu?

E.

L'Ecriture nous enseigne que c'est un­don singulier du S. Esprit: & l'experience aussi le montre.

M.

Comment?

E.

Purce que nostre entendement est trop debile pour comprendre la sagesse spi­rituelle de Dieu, qui nous est revelée par [...]a foi: & nos coeurs sont enclins à defiance ou bien en fiance perverse de nous ou des creatures. Mais le Saint Esprit nous illu­mine, pour nous faire capables d'entendre ce qui autrement nous seroit incompre­hensible: & nous fortifie en certitude feelant & imprimant les promesses de salut en nos coeurs.

M.

Quel bien nous procede-t'il de cette foi quand nous l'avons?

E.

Elle nous iustifie devant Dieu, pour nous faire obtenir la vie eternelle.

M.

Comment donc? l'homme n'est-il pas justifié par les bonnes oeuvres, vivant sain­tement & felon Dieu?

E.

S'il s'en trouvoit quelqu'un parfait, on le pourroit bien nommer juste: mais en­tant que nous sommes tous pauvres pe­cheurs il nous faut chercher ailleurs nostre dignité, pour répondre au jugement de Dieu.

DIMANCHE XIX.

M.

MAis toutes nos oeuvres sont-elles tellement reprouvées, qu'elles ne nous puissent meriter grace devant Dieu?

E.

Premierement toutes celles que nous fai­sons de nostre propre nature sont vicieuses, & par consequent ne peuvent plaire à Dieu, mais il les condamne routes.

M.

Tu dis donc que devant que Dieu nous ait receus en sa grace, nous ne pouvons si­non pecher: comme un mauvais arbre ne produit que de mauvais fruits?

E.

Il est ainsi [...] car encore que nos oeuvres ayent belle apparence par dehors, si font­elles mauvaises, puis que le coeur est per­vers, lequel Dieu regarde.

M.

Par cela tu conclus que nous ne pou­vons prevenir Dieu par nos merites pour l'induire à nous bien saire: mais au contraire, ne faisans que l'irriter contre nous?

E.

Ouï: & pourtant le dis que par sa pure misericorde & bonté, sans aucune, conside­ration de nos oeuvres, il nous a agreables en Jesus Christ, nous imputant la justice d'icelui, & ne nous imputant point no [...] fautes.

M.

Comment donc dis-tu que l'homme est justifié par [...]oi?

E.

Pource qu'en croyant & recevant en vraye fiance de coeur les promesses de l'Evangile, nous entrons en possession de cette justice.

M.

Tu entens que comme Dieu nous la presente par l'Evangile, aussi le moyen de la recevoir, c'est par soi?

E.

Ouï.

DIMANCHE XX.

M.

MAis puis que Dieu nous a une fois receus, les oeuvres que nous faisons par sa grace ne lui sont-elles pas plai­sa [...]tes?

E.

Ouï bien, entant qu'il les accepte li­berulement, & non pas pour leur propre dignité.

M.

Comment ne sont elles pas digne d'e­stre acceptées, puis qu'elles procedent du Saint, Esprit?

E.

Non pas: à cause qu'il y a toujours quelque infirmité de nostre chair melé [...] parmi [...] dont elles sont soiiillées.

M.

Quel sera donc le moyen de les ren­dre agreables?

E.

Si elles sont faites en foi, c'est à dire, que là personne soit asseurce en sa consci­ence que Dieu ne les examinera pas a la rigueur: mais en couvrant les imperfecti­ons & macules par la pureté de Jesus Christ, les tiendra comme parfaites.

M.

Par cela dirons-nous que l'homme Chrestien est justisté par ses oeuvres apres que Dieu l'a appellé, ou que par elles il me­rite que Dieu l'aime pour obtenir salut?

E.

Non: mais au contraire il est dit, Que nul homme, vivant ne sera justifié devant sa face. Pourtant nous avons à prier qu'il n'entre point en jugement, ni en conte avec nous.

M.

Tu n'entens pas pourtant que les bon­nes oeuvres des fideles soient inutiles?

E.

Non: car Dieu promet de les remu­nerer amplement, tant en ce monde comme en Paradis: mais tout cela pro­cede de ce qu'il nous aime gratuitement, & ensevelit toutes nos fautes pour n'en a­voir point de memoire.

M.

Mais pouvons-nous croire pour estre ju­stifiez, sans faire de bonnes oeuvres?

E.

Il est impossible: car croire en Jesus Christ, c'est le recevoir tel qu'il se donne à nous. Or il nous promet nonseulement de nous delivrer de la mort, & rementtre en la grace de Dieu son Pere par le merite de son innocence: mais aussi de nous regenerer par son Esprit pour nous faire vivre sainctement.

M.

La foi donc non seulement ne nous rend pas nonchalans à bonnes oeuvrés: mais est la racine d'où elles sont produites?

E.

Il est ainsi: & pour cette cause la doctrine de l'Evangile est comprise en ces deux poincts, assavoir la foi & la Repentance.

DIMANCHE XXI.

M.

QU'est-ce que la Repentance?

E.

C'est une déplaisance du mal, & amour du bien, procedant de la crainte de Dieu, & nousinduisant à mortifier nostre chair, pour estre gouvernez & conduits par le Saint Esprit au service de Dieu.

M.

C'est le second poinct que nous avons touché de la vie Chrestienne?

E.

Ouï: & nous avons dit que le vrai & legitime service de Dieu consiste en ce que nous obeïslions à sa volonté.

M.

Pourquoi?

E.

Dautant qu'il ne veut pas estre servi felon nostre fantaisie, mais, à son plaisir.

M.

Quelle regle nous a-t'il donnée pour nous gouverner?

E.

Sa Loi.

M.

Quest ce qu'elle contient?

E.

Elle est divisée en deux parties, dont la premiere contient quatre. commandemens, & l'autre six: ainsi en tout ce sont dix.

M.

Qui a fait cette division?

E.

Dieu mesme, qui l'a donnée écrite à Moyse en deux Tables, & a dit qu'elle se reduisoit en dix paroles.

M.

Quel est l'argument de la premiere Table?

E.

Touchant la maniere de bien honorer Dieu.

M.

Et de la seconde?

E.

Comme il nous saut vivre avec nos pro­chains, & de ce que nous leur devons.

DIMANCHE XXII.

M.

REcite le premiere commande­ment.

E.

EScoute Israël, Je suis l'Eternel ton Dieu, qui t'ai retire du païs d'Egypte, de, la maison de servi [...]ude. Tu n' [...]uras point d'au [...]res dieux devant ma face.

M.

Expose le sens.

E.

Du commencement il fait comme une presace sur toute la Loi, car il s'attribuë au­thorité de commander, se nommant l'Eter­nel, & Createur du monde. Apres il se dit nostre Dieu, pour nous rendre sa doctrine amiable. Car s'il est nostre Sauuveur, c'est bien la raison que nous lui soyons peuple obeïssant.

M.

Mais ce qu'il dit apres de la delivrance de la terre d'Egypte, ne s'adresse-t'il pas particulierement au peuple d'Israël?

E.

Si fait bien felon le corps: mais il nous appartient aussi generalement à tous entant qu'il a delivré nos ames de la captivité spiri­tuelle du peché, & de la tyrannie du diable.

M.

Pourquoi fait-il mention de cela au commencement desa Loi?

E.

C'est pour nous admonester combien nous sommes tenus de suivre son bon plaisir, & quelle ingratitude ce seroit de faire le contraire.

M.

Et qu'est-ce qu'il requiert en somme en cé premier commandement?

E.

Que nous lui reservions à lui seul l'hon­neur qui lui appartient, sans le transporter ailleurs.

M.

Quel honneur est-ce qui lui est propre?

E.

De l'adorer lui seul, l'invoquer, avoir nostre fiance en lui: & telles choses sembla­bles qui sont attribuées à fa Majesté.

M.

Pourquoi dit il, Devant ma face?

E.

Daiitant qu'il voit & connoist tout, & est iuge des secrettes pensées des hommes, il signifie que non seulement par confesli­on exterieure il veut estre avoiié Dieu, mais aussi en pure verité, & affection de coeur.

DIMANCHE XXIII.

M.

DI le second commandement.

E.

Tu ne le feras Image taillée, n'y ressemblance aucune des choses qui sont là baut és Cieux, ni ci-bas en la Terre, ni és eaux dessous la Terre. Tu ne te prosterneras point devant elles, & neles serviras point.

M.

Veut-il du tout desendre de faire au­cune image?

E.

Non: mais il defend de faire aucune image, ou pour figurer Dieu, ou pour adorer.

M.

Pourquoi est-ce qu'il n'est point licite de representer Dieu visiblement?

E.

Pource qu'il n'y a nulle convenance entre lui qui est esprit, eternel & incom­prehensible, & une matiere corporelle­morte, corruptible & visible.

M.

Tu entens donc que c'est faire dethon­neur à sa Majesté de le vouloir represonter, ainsi?

E.

Ouï.

M.

Quelle forme d'adoration est ici con­damnée.

E.

C'est de se presenter devant une image pour faire son oraison: de flechir le genoiiil devant elle, ou faire quelque autre signe de reverence, comme si Dieu se demontroit la à nous.

M.

Il ne nous faut pas donc entendre que toute taillure ou peinture soit defe iduë en general, mais seulement toutes images qui se font pour servir Dieu ou l'honorer en choses visibles, ou bien pour en abuser à idolatrie en quelque sorte que ce soit?

E.

Il est ainsi.

M.

A quelle sin reduirons-no [...]s ce com­mandement?

E.

Comme au premier Dieu a declaré qu'il estoit seul sans autre qu'on doit adorer: aussi maintenánt il nous demontre quelle est la droite forme, afin de nous retirer [...] toutes superstitions & façons charnelles.

DIMANCHE XXIV.

M.

PAssons outre.

E.

Il adiouste une menace, Qu'il est l'Eternel nosire Dieu, fort, jaloux, visitant l'iniquité des peres sur les enfans, en la troisié­me & quatriéme generation, envers ceux qui le haïssent.

M.

Pourquoi fait-il mention de sa force?

E. Pour denoter qu'il est puiflant à main­tenir sa gloire.

M.

Que signifie-t'il par la jalousie?

E.

Qu'il ne peut endurer de compagnon. Car comme il s'est donné à nous par la bonté infinie, aussi veut-il que nous soyons entierement siens. Et c'est la chasteté de nos ames, d'estre consacrées & dediées a lui. D'autre part, c'est une paillàrdise spirituelle, de nous détourner à quelque superstition.

M.

Comment se doit-il entendre, Qu'il punit le peché des peres sur les enfans?

E.

Pour nous donner plus grande crainte, il dit, que non seulement il se vengera de ceux qui l'offensent, mais aussi que leur lignée sera maudite apres eux.

M.

Et cela n'est il point contraire à la justice de Dieu, de punir les uns pour les autres?

E.

Si nous considerons quelle est la con­dition de l'humain lignage, cette question sera vuidée. Car denature nous sommes tous maudits, & ne nous pouvons plaindre de Dieu, quand il nous laisséra comme nous sommes. Or comme il remontre sa grace & dilection sur ses serviteurs, en beniffant leurs enfans: aussi c'est un témoignage de sa vengeance sur les iniques, quand il laisse leur semence en malediction.

M.

Que dit-il plus?

E.

A fin de nous inciter aussi par douceur, il dit, Qu'il fait misericorde en mille generati­ons à ceux qui l'aiment & gardent ses comman­demens.

M.

Entend-il que l'obeïssance du fidele sauvera toute sa race, encore qu'elle soit méchante?

E.

Non pas: mais qu'il étendra jusques­là sa bonté envers ses fideles, que pour l'amour d'eux il se donnera à connoistre à leurs enfans: & non seulement les fera prosperer felon la chair, mais les sanctifiera par son Saint Esprit, pour les rendre o­beïssans à sa volonté.

M.

Mais cela n'est pas perpetuel?

E.

Non: car comme le Seigneur se reserve la liberté de faire misericorde aux enfans des iniques: aussi d'autre part, il retient le pouvoir d'élire ou rejetter en la genera­tion des fideles ceux que bon lui semble. Toutefois il le fait tellement qu'on peut connoistre cette promefse n'estre pas vaine ni frustratoire.

M.

Pourquoi nomme-t'il ici mille genera­rations, & en la menace n'en nomme que trois ou quatre?

E.

C'est pour signifier que son propre est d'user pliitost de bonté & douceur, que de rigueur ni rudesse, comme il témoigne qu'il lest enclin à bien faire, & tardif à se courroucer.

DIMANCHE XXV.

M.

VEnons au troisiéme commande­ment.

E.

Tu ne prendras point le Nom de l'Eternel ton Dieu en vain.

M.

Que veut-il dire?

E.

Il nous defend d'abuser du Nom de Dieu, non seulement en parjures, mais aussi on sermens superflus & oisifs.

M.

En peut-on donc bien user en sermens?

E.

Ouï, qui sont necefsaires: c'est à die, pour maintenir la verité quand il en est besoin, & pour entretenir charité & con­córde entre nous.

M.

Ne veut-il sinon corriger les sermens q [...] sont au deshonneur de Dieu?

E.

Par une espece il nous instruit en gene­ral de ne mettre jamais en avant le Nom de Dieu, sinon en crainte & humilité pour le glorifier. Car felon qu'il est saint & digne, aussi nous faut-il garder de le pren­dre en telle sorte, qu'il semble que nous l'ayons en mépris, ou que nous donnions occasion de le deshonorer.

M.

Comment cela se fera-t'il?

E.

Quand nous ne penserons ni ne parle­rons de Dieu ni de ses oeuvres, sinon hono­rablement & à sa loiiange.

M.

Que s'ensuit-il?

E.

Une menace, Qu'il ne tiendra point pour innocent celui qui aura pris son Nom en vain.

M.

Veu qu'il denonce ailleurs generalement qu'il punira tous transgresseurs, qu'est-ce qu'il y a ici davantage?

E.

Par cela il a voulu declarer combien il a en singuliere recommandation la gloire de son Nom, disant nommément qu'il ne souffrira pas qu'on le méprise, afin que nous soyons tant plus soigneux de l'avoir en re­verence.

DIMANCHE XXVI.

M.

VEnons au quatriemé.

E.

Aye souvenance du jour du repos pour le sanctifier. Six jours tu travailleras, & feras toute ton oeuvre: mais le septiéme jour est le repos de l'Eternel ton Dieu. Tu ne feras aucu­ne oeuvre en icelui, toi, ni ton fils, ni ta fiue, ni ton serviteur, ni ta servante, ni ton beflail, ni ton estranger qui est dedans tes portes. Car en six jours l'Eternel a fait les cieux & la terre, & la mer, & tout ce qui est en eurs, & s'est reposé au septiéme jour: & pourtant l'Eternel a benit le jour du repos, & l'a sanctifi [...].

M.

Commande-t'il de travailler six jours la semaine, pour se reposer le septiéme?

E.

Non pas simplement: mais en donnant congé de travailler six jours durant, il re­serve le septiéme, auquel il n'est pas permis de travailler.

M.

Nous defend il donc tout ouvrage un jour la semaine?

E.

Ce commandement a quelque conside­ration particuliere. Car l'observation du repos est une partie des ceremonies de la Loi ancienne. C'est pourquoi à la venue de Jésus Christ elle à esté abolie.

M.

Dis-tu que ce commandement appar­tient proprement aux Juifs, & a esté donné pour le temps de l'ancien testament?

E.

Ouï, entant qu'il est ceremonial.

M.

Comment donc? y-a-t'il quelque chose outre la ceremonie?

E.

Il a esté fait pour trois raisons.

M.

Quelles sont-elles?

E, Pour figurer le repos spirituel, pour la police Ecclesiastique, & pour le soulage­ment des serviteurs.

M.

Qu'est-ce que le repos spirituel?

E.

C'est de cesser de nos propres oeuvres, afin que le Seigneur oeuvre en nous.

M.

Comment cela se fait-il?

E.

En mortisiant nostre chair, c'est à dire, renonçant à nostre nature, afin que Dieu nous gouverne par son Esprit.

M.

Cela se doit-il faire seulement un jour la semaine?

E.

Il se doit faire continuellement: car depuis que nous avons commencé, il nous faut poursuivre toute nostre vie.

M Pourquoi donc y a-t'il un certain jour assigné pour figurer cela?

E.

Il n'est pas requis que la figure soit du tout pareille à la verité: mais il susfit qu'il y ait quelque semblance.

M.

Pourquoi le septiéme jour est-il ordonné plûtost qu'un autre?

E.

Le nombre de sept signifie perfection en l'Ecriture. Ainsi il est propre pour denoter la perpetuité. Aussi il nous ad­moneste que nostre repos spirituel n'est si­non commencé durant cette vie presente, & ne sera point parfait jusques à ce que nous fortions de ce monde.

DIMANCHE XXVII.

M.

MAis que veut dire la raison qu'al­legue ici nostre Seigneur, qu'il nous faut reposer comme il a fait?

E.

Apres avoir creé toutes ses oeuvres en six jours, il a dedié le septiéme à la consi­dération d'icelles. Et pour nous mieux conduire à ce faire, il nous allegue son exemple. Car il n'y a rien tant desirable, que d'estre conforme à lui.

M.

Faut-il toûjours mediter les oeuvres de Dieu, où s'il susfit un jour la semaine?

E.

Cela se doit faire chacun jour: mais à cause de nostre infirmité, il y a un cer­tain specialement deputé. Et c'est la po­lice que j'ai dite.

M.

Quel ordre donc doit-on garder en ce jour?

E.

C'est que le peuple s'assemble pour estre instruit en la verité de Dieu, pour faire les prieres communes: & rendre té­moignage de sa foi & religion.

M.

Comment entens-tu que ce commande­ment est donné aussi pour le soulagement des serviteurs?

E.

Pour donner quelque relasche à ceux qui sont en la puissance d'autrui. Et pareil­lement cela sert à la police commune. Car chacun s'accoustume à travailler le reste du temps, quand il y a un jour de repos.

M.

Maintenant, disons comment ce com­mandement s'adresse à nous.

E.

Touchant-la ceremonie, elle est abolie. Car nous avons l'accomplissement en Jesus Christ.

M.

Comment?

E.

C'est que nostre vieil homme est cru­ [...]ifié par là vertu de sa mort: & que par sa resurrection nous reffuscitons en nou­veauté de vie.

M.

Qu'est-ce donc qui nous en reste?

E.

Que nous observions l'ordre institué en l'Eglise, pour ouïr la parole du Seigneur, communiquer aux prieres publiques & aux Sacremens: & que nous ne contrevenions pas à la police spirituelle qui est entre les fideles.

M.

Et la figure ne nous profite-t'elle de rien?

E.

Si fait bien: car il nous la saut re­duire à la verité: c'est qu'estans vrais membres de Christ, nous delaislions nos oeuvres propres, pour nous permettre à son gouvernment.

DIMANCHE XXVIII.

M.

VEnons à la seconde Table.

E.

Honore ton pere & ta mere.

M.

Qu'entens-tu par honorer?

E.

Que les enfans soient humbles & obeïs­sans à leurs peres & meres, leur portent honneur & reverence: les aslistent, & soient à leur commandement, comme iss y sont tenus.

M.

Poursui plus outre.

E.

Dieu adjouste une promesse à ce com­mandement, disant, Afin que tes jours soient prolongez sur la terre, laquelle l'Eter­nel ton Dieu te donne.

M.

Que veut dire cela?

E.

Que Dieu donnera lougue vie à ceux qui rendront au pere & à la mere l'hon­neur qui leur est deu.

M.

Veu que cette vie est si pleine de mi­seres, comment est-ce que Dieu promet à l'homme pour une grace qu'il le fera vivre longuement?

E.

La vie terrienne: quelque miserable qu'elle soit, est une benediction de Dieu à l'homme sidele: & ne fust-ce sinon d'au­tant que Dieu lui testifie sa dilection pa­ternelle, l'entretenant en icelle.

M.

S'ensuit-il au contraire, que l'homme qui meurt-tost soit maudit de Dieu?

E.

Non. Et mesmes il aviendra quelque­fois que le Seigneur retirera plûtost de ce monde ceux qu'il aimera le plus.

M.

En ce faisant, comment garde-t'il sa promesse?

E.

Tout ce que Dieu nous promet de biens terriens, il nous le faut prendre avec condi­tion, entant qu'il est expedient pour nostre salut spirituel. Car ce seroit une pauvre chose si cela n'alloit toûjours devant.

M.

Et de ceux qui sont rebelles à pere & à mere?

E.

Non seulement Dieu les punira au jour du jugement, mais il en fera aussi la ven­geance sur leurs corps, soit en les faisant mourrir devant leurs jours, ou ignominieu­sement, ou en quelque autre sorte.

M.

Parle-t'il pas nommément de la terre de Canaan en cette promesse?

E.

Ouï bien quant aux enfans d'Israël: mais il nous faut maintenant prendre ce mot plus generalement: Car en quelque païs que nous demeurions, puis que la terre est sienne, il nous y donne nostre habitation.

M.

Est-ce là tout le commandement?

E.

Combien qu'il ne soit parlé que de pere & de mere: toutefois il faut entendre tout superieur, puis qu'il y a une mesme raison.

M.

Et quelle?

E.

C'est que Dieu leur a donné la preé­minence: car il n'y a authorité ni de peres, ni de princes, ni de tous autres superieurs, sinon comme Dieu l'a ordonné.

DIMANCHE XXIX.

M.

DI le sixiéme commandement.

E.

Tu ne tuëras point.

M.

Ne defend-il sinon d'estre meurtrier?

E Si fait bien: car puis que c'est Dieu qui parle, non seulement il nous impose loi sur les oeuvres exterieures, mais principalement sur les affections de nostre coeur.

M.

Tu entens donc qu'il y a une espece de meurtre interieur que Dieu nous defend ici?

E.

Ouï, qui est haine & rancune, & desir de mal faire à nostre prochain.

M.

Suffit-il de ne point haïr, & ne point porter mauvaise affection?

E.

Non: car Dieu en condamnant la haine, signifie qu'il requiert que nous aimions nos prochains, & procurions leur salut, & le tout de vraye affection & sans feintise.

M.

Di le septiéme commandement.

E.

Tu nè paillarder as point.

M.

Quelle est la somme?

E.

Que toute paillardise est maudite de Dieu: & pourtant qu'il nous en faut abstenir, si nous ne voulons provoquer son ire contre nous.

M.

Ne requiert-il autre chose?

E.

Il nous faut toûjours regarder la nature du Legislateur, lequel ne s'arreste pas seu­lement à l'oeuvre exterieure, mais deman­de l'affection du coeur.

M.

Qu'est-ce donc qu'il emporte?

E.

Puis que nos corps & nos ames sont temples du Saint Esprit, que nous les con­servions en toute honnesteté. Etainsi, que nous soyons chastes, non seulement de fait, mais aussi de desirs, de paroles & de gestes, tellement qu'il n'y ait nulle partie en nous soiiillée d'impudicité.

DIMANCHE XXX.

M.

VEnons au huitiéme commande­ment.

E.

Tu ne déroberas point.

M.

Veut-il seulement defendre les larcins qu'on punit par Justice, ou s'il s'estend plus loin?

E.

Il entend toutes mauvaises trafiques & moyens déraisonnables d'attirer à nous le bien de nostre prochain, soit par violence ou cautelle, ou en quelque autre sorte que Dieu n'ait point approuvée.

M.

Est-ce affez de s'abstenir du fait, ou si le vouloir y est aussi compris?

E.

Il faut toûjonrs revenir là: d'autant que le Legislateur est spirituel, qu'il ne parle pas simplement des larcins exterieurs mais aussi bien des enterprises, volontez, & deliberations de nous enrichir au détriment de nostre prochain.

M.

Que faut-il donc?

E.

Faire nostre devoir de conserver à un chacun le sien.

M.

Quel est le neufiéme?

E.

Tu ne diras point faux témoignage contre ton prochain.

M.

Nousdefend-il de nous parjurer en juge­ment, ou du tout de mentir contre nostre prochain?

E.

En nommant une espece il baille une doctrine generale, que nous ne médisions pas faussement contre nostre prochain, & que par nos detractions & mensonges no [...]s ne le blessions point en ses biens ni en [...] renommée.

M.

Pourquoi notamment parle-t'il de parjures publics.

E.

Pour nous faire avoir en plus grande horreur ce vice de médire & détracter, denotant que quiconque s'accoustume à faustement calomnier & diffamer son pro­chain, viendra bien puis apres à se perjurer en jugement.

M.

Ne defend-il sinon de mal parler, ou s'il comprend aussi mal penser?

E.

L'un & l'autre, felon la raison dessus al­leguée. Car ce qui est mauvais de faire devant les hommes, est mauvais de vouloir devant Dieu.

M.

Recite donc-ce qu'il veut dire ensomme.

E.

Il nous enseigne de n'estre pas enclins à mal juger ni detracter, mais plûtost à bien estimer de nos prochains, tant que la ve­rité le porte, & conserver leur bonne re­nommée en nos paroles.

DIMANCHE XXXI.

M.

VEnons au dernier commandement.

E.

Tu ne convoitèras point la maison de ton prochain: tu ne convoiter as point la femme dè ton prochain, ni son serviteur, ni sa servante, ni son boeuf, ni son asne, ni aucune chose qui soit à ton prochain.

M.

Veu que toute la Loi est spirituelle, comme tu as dit, & que les autres com­mandemens ne sont pas seulement pour regler les oeuvres exterieures, mais aussi les affections du coeur, qu'est-ce qui est ici dit davantage?

E.

Le Seigneur a voulu par les autres com­mandemens ranger nos affections & volon­tez, ici il veut aussi imposer loi à nos pen­sées, lesquelles emportent quelque convoi­tise & desir, & toutesfois ne viennent pas lusques à un vouloir arresté.

M.

Entens-tu que la moindre tentation qui pourroit venir en pensée à l'homme fidele soit peche, encore qu'il y resiste & n'y consente nullement?

E.

Il est certain que toutes pensées mauvai­ses procedent de l'infirmité de nostre chair, encore que le consentement n'y soit pas: mais je dis que ce commandement parle des concupiscences qui chatoiiillent & poi­gnent le coeur de l'homme, sans venir jus­ques au p [...]opos deliberé.

M.

Tu dis donc que comme les affections mauváises, qui emportent une volonté cer­tainè & comme resoluë, ont esté ci-dessus condamnées: aussi que maintenant le Sei­gneur requiert une telle integrité, qu'il n'entre en nos coeurs quélque mauvaise cu­pidité, pour les solliciter & émouvoir à mal?

E.

C'est cela.

M.

Ne pouvons-nous pas maintenant faire un sommaire de toute la Loi?

E.

Si faisons, la reduisans ä deux articles: dont le premier est, Que nous ajmions nostre Dieu de tout nostre coeur, de toute nostre ame, & de toutes nos force. Item, nostre prochain comme nous-mesmes.

M.

Qu'est-ce qu'emporte I'amour de Dieu?

E.

Si nous l'aimons comme Dieu, c'est pour [Page]avoir & tenir comme Seigneur, Maistre, auveur, & Pere: ce qui requiert crainte, conneur, fiance, obeïssance avec l'amour.

M.

Que signifie, De tout nostre, coeur, nostre [...]me, & nos forces?

E.

C'est à dire, d'un tel zele, & d'une telle [...]ehentence, qu'il n'y ait en nous nul desir, [...]nulle volonté, nulle estude, nulle cogitation, [...] qui contrevienne à cét amour.

DIMANCHE XXXII.

M.

QUel est le sens du second article?

E.

C'est que comme nous sommes si enclins naturellement à nous aimer, que cette affection surmonte toutes les autres [...] aussi que la charité de nos prochains domi­ne tellement en nos coeurs, qu'elle nous niene & conduise, & soit la regle de toutes nos pensées & nos oeuvres.

M.

Et qu'entens-tu par nos prochains?

E.

Non seulement nos parens & amis, ou oeux qui ont accointance avec nous: mais aussi oeux que nous ne connoissons pas, & mesmes nos ennemis.

M.

Quelle conjonction ont-ils avec nous?

E.

Telle que Dieu a mife entre tous les hommes de la terre, laquelle est inviolable: & ainsi ne se peut abolir par la malice de personne.

M.

Tu dis donc que si quelqu'un nous hait, cela est de son propre: mais cependant, que felon l'ordre de Dieu il ne laisse point d'estre nostre prochain, & nous le faut te­nir pour tel?

E.

Ouï.

M.

Puis que la Loi contient la forme de bien servir Dieu. l'homme Chrestien ne doit-il pas vivre felon qu'elle commande?

E.

Si fait bien: mais il y a une telle infir­mité en tous, que nul ne s'en acquite par­faitement.

M.

Pourquoi donc requiert le Seigneur une telle perfection, qui est pardessus nostre fa­culté?

E.

Il ne requiert rien à quoi nous ne so­yons tenus. Au reste, moyennant que nous mettions peine de conformer nostre vie a cè qui nous y est dit, encore que nous so­yons bien loin d'atteindre jusques á la perfe­ction, le Seigneur ne nous impute point ce qui defaut.

M.

Parles-tu en general de tous hommes, ou seulement des fideles?

E.

L'homme qui n'est point regeneré de l'Esprit de Dieu ne pourroit commencer à faire le moindre poinct qui y soit. Davan­tage, encore qu'il s'en trouvast un qui en fist quelque partie, si ne seroit-il pas quitte pourtant: car nostre Seigneur denonce que tous ceux qui ne parferont entierement le contenu d'icelle, seront maudits.

DIMANCHE XXXIII.

M.

PAr cela il faut conclurre que la Loi a double office, felon qu'il y a deux especes d'hommes?

E.

Ouï: car envers les incredules elle ne sert sinon de les redarguer, & rendre plus inexcusables devant Dieu: & c'est ce que dit Saint Paul, qu'elle est ministere de more & damnation. Envers les fideles elle a bien un autre usage.

M.

Quel?

E.

Premierement, d'autant qu'elle leur demontre qu'ils ne se peuvent justifier par leurs oeuvres, en les humiliant elle les dis­pose à chercher leur salut en Jesus Christ. Puis apres, entant qu'elle requiert plus qu'il ne leur est possible de faire, elle les admo­neste de prier le Seigneur qu'il leur donne la force & le pouvoir, & cependant de se reconnoistre toûjours coupables, afin de ne s'en orgueillir point. Tiercement, elle leur est comme une bride pour les retenir en la crainte de Dieu.

M.

Nous dirons donc, que combien que durant cette vie mortelle nous n'accom­plissions jamais la Loi: toutesfois ce n'est pas chose superfluë, qu'elle requiert de nous une telle perfection. Car elle nous montre le but où nous devons tendre, afin qu'un chacun de nous, selon la grace que Dieu lui a faite, s'essorce assiduellement d'y tendre, & s'avancer de jour en jour.

E.

Je l'entens ainsi.

M.

En la Loi n'avons nous pas une regle parfaite de tout bien?

E.

Si: tellement que Dieu ne demande sinon que nous la suivions: au contraire desavouë & reiette tout ce que l'homme entreprend de faire outre le contenn d'i­celle: car il ne demande autre sacrifice qu'obeïssance.

M.

Dequoi servent donc toutes les admo­nitions, remontrances, commandemens, & exhortations que font tant les Prophetes que les Apostres?

E.

Ce ne sont que pures declarations d'i­celle, qui ne sont pas pour nous détourner de son obeïssance, mais plûtost pour nous y conduire.

M.

Et toutesfois ne traite-t'elle pas des vo­cations particulieres?

E.

Quand elle dit qu'il faut rendre à chacun ce qui lui appartient, de cela nous pouvons bien conclurre quel est le devoir de nostre? estat chacun en son endroit. Et puis, nous avons (comme dit a esté) l'exposition par toute l'Ecriture. Car ce que le Seigneur a ici couché en somme, il le traite ci & là pour plus ample instruction.

DIMANCHE XXXIV.

M.

PUis que nous avons suffisamment parlé du service de Dieu, qui est la seconde partie de l'honorer, parlons de la troisiéme.

E.

Nous avons dit que c'est de l'invoquer en toutes nos necessitez.

M.

Entens-tu qu'il le faille invoquer seul?

E.

Ouï: car il demande cela comme un honneur propre à sa Divinite.

M.

Si ainsi est: en quelle sorte nous est-il loisible de requerir les hommes à nostre aide?

E.

Ce sont choses bien differentes: car nous invoquons Dieu pour protester que nous n'attendons aucun bien que de lui, & que nous n'avons ailleurs recours, cependant nous cherchons l'aide des hommes, entant qu'il nous le permet, & leur donne le pou­voir & le moyen de nous aider.

M.

Tu entens que ce que nous demandons secours des hommes ne contrevient pas à [Page]ce que nous devons invoquer un seul Dieu veu que nous ne mettons pas nostre fiance en eux, & ne les cherchons sinon entant que Dieu les a ordonnez ministres & dispensa­teurs de ses biens pour nous en subvenir?

E.

Il est vrai: & de fait, tout ce qui nous en vient de bien, il nous le faut prendre comme de Dieu mesme, ainsi qu'à lá veri­té il le nous envoye par leurs mains.

M.

Et ne nous faut-il pas neanmoins recon­noistre envers les hommes le bien qu'ils nous font?

E.

Si fait bien: & ne fust-ce que pource que Dieu leur fait cét honneur de nous commu­niquer sès biens par leurs mains: car en ce faisant il nous oblige à eux, & veut que nous leur soyons attenus.

M.

De cela pouvons-nous pas bien conclurre qu'il n'est licité d'invoquer Anges ni Saints qui sont decedez de ce monde?

E.

Ouï bien: car des Saints, Dieu ne leur a pas attribué cét office de nous aider & subvenir. Touchant les Anges, combien qu'il les employe pour servir à nostre salut, toute­fois si ne veut-il pas que nous les invoquions, ni que nous ayons nostre adresse à eux.

M.

Tu dis donc que tout ce qui ne convient pas à l'ordre que le Seigneur a mis, contre­vient à sa volonté?

E.

Ouï: car si nous ne nous contentons de ce que le Seigneur nous donne, cela est un signe certain d'infidelité. Davantage, si au lieu d'avoir nostre refuge à Dieu seul, sui­vant son commandement nous recourons a eux, mettans en eux quelque partie de nostre fiance, c'est idolatrie, entant que nous leur transferons ce que Dieu s'estoit reservé.

DIMANCHE XXXV.

M.

DIsons maintenant de la maniere de prier Dieu. Suffit-il le faire de langue ou si l'esprit & le coeur y est requis?

E.

La langue n'y est pas toûjours necessaire [...] mais il faut qu'il y ait intelligence & affe­ction.

M.

Comment le prouveras-tu?

E.

Puis que Dieu est Esprit, il demande toûjours le coeur, & singulierement en l'o­raison, où il est question de communiquer avec lui: pourtant il ne promet d'estre pro­chain sinon à ceux qui l'invoqueront en verité: au contraite il maudit tous ceux qui le font par hypocrisie & sans affection.

M.

Toutes prieres donc faites seulement de bouche sont superfluës?

E.

Non seulement superfluës, mais aussi dé­plaisantes à Dieu.

M.

Quelle affection doit estre en la priere?

E.

Premierement que nous sentions nostre misere & pauvreté, & que ce seutiment cause en nous une fascherie & angoisse: puis que nous avons un desir vehement d'obtenir grace devant Dieu, lequel desi­enflamme nos coeurs, & engendre en nou [...] une ardeur de prier.

M.

Cela procede-t'il de nostre nature ou de la grace de Dieu?

E.

Il faut que Dieu y travaille: car nous sommes trop stupides: mais l'Esprit de Dieu nous incite à gemissemens inenarrables, & forme en nos coeurs telle affection & tel zele que Dieu demande, comme dit Saint Paul.

M.

Est-ce à dire que nous ne devions p [...]s nous inciter & foliciter a prier Dieu?

E.

Non: mais au contraire, afin que quand nous ne sentons pas en nous telle dispositi­on, nous supplions le Seigneur qu'il l'y mette, pour nous rendre capables & pro­pre de le prier deuement.

M.

Tu n'entens pas toutefois que la langue soit du ront inutile en prieres?

E.

Non pas: car quelque fois elle aide l'es­prit, & le retient, le fortifiant, à ce qu'il ne se destourne pas si tost de Dieu. Davantage, puis qu'elle est formée pour glorifier Dieu par dessus tous les autres membres, c'est bien raison, qu'elle s'y employe en toutes sortes: & aussi le zele du coeur, par son ar­deur & vehemence, contraint souvent la langue sans qu'on y pense.

M.

Si ainsi est, qu'est-ce de prier en langue inconnue?

E.

C'est une moquerie de Dieu, & une hy­pocrisie perverse.

DIMANCHE XXXVI.

M.

QUand nous prions Dieu, est-ce à l'adventure, ne sçachans point si nous profiterons ou non, on bien si nous devons estre certains que nos prieres so­yent exaucées?

E.

Il nous faut toûjours avoir ce sondement en nos prieres, qu'elles seront receues de Dieu, & que nous obtiendrons ce que nous requerons entant qu'il sera expedient. Et pourtant Saint Paul dit, que, la droite in­vocation procede de la foi. Car si nous n'a­vons fiance en la bonte de Dieu, il nous est impossible de l'invoquer en verité.

M.

Et que sera-ce de ceux qui doutent, & ne scavent si Dieu les écoute ou non?

E.

Leurs prieres sont du tout frivoles, d'au­tant qu'elles n'ont nulles promefles: caril est dit que nous demandions en croyant, & qu'il nous sera ottroyé.

M.

Il reste de scavoir comment & à quel titre nous pouvons avoir la hardiesse de nous presenter devant Dieu, veu que nous en sommes par trop indignes?

E.

Premierement, nous avons les promesses unsquelles il nous faut arrester, sans consi­derer nostre dignité, Secondement, si nous sommes enfans de Dieu, il nous induit & pousse par son Saint Esprit à nous retirer familierement à lui comme à nostre Pere. Et afin que nous ne craignions pas de com­paroistre devant sá Majesté glorieuse, nous qui ne sommes que pauvres vers de terre, & miserables pecheurs; il nous donne nostre Seigneur Jesus pour Mectiateur, afin que par son moyen ayans accez, nous ne doutions point de trouver grace.

M.

Enters-tu qu'il ne nous faille invoquer Dieu qu'au Nom de Jesus Christ?

E.

Je l'entens ainsi: car nous en avons le [...]ommandement exprés. Et en ce faisant, il nous est promis que par la vertu de son in­tercession nos requestes nous serontottroyées.

M.

Ce n'est point donc temerite, ni fole presomption, de nous oser adresfer prive­ment à Dieu, moyennant que nous ayons [Page]Jesus Christ pour nostre Advocat, & que nous le mettions en avant, afin que Dieu par, son moyen nous ait agreables, & nous exauce?

E.

Non: car nous prions comme par sa bouche, d'autaut qu'il nous donne entreé & audiance, & intercede pour nous.

DIMANCHE XXXVII.

M.

PArlons maintenant de la substance de nos oraisons. Pouvons-nous de­mander tout ce qui nous vient en l'entende­ment, ou s'il y a quelque certaine regle là dessus?

E.

Si nous suivions nostre fantaisie, nos orai­sons seroient bien mal reglées. Car nous sommes si ignorans, que nons ne pouvons pas juger ce qui est bon de demander, aulli nos desirs sont si desordonnez, qu'il est bien necèffaire que nous ne leur laschions point la bride:

M.

Que faut-il donc?

E.

Que Dieu mesme nous enseigne selon qu'il connoist estre expedient, & quasi, qu'il nous conduise par la main, & que nous ne fassions que suivre.

M.

Quelle instruction nous a-t'il baillée?

E.

Par toute l'Ecriture il nous l'a baillée tres-ample: majs afin de nous mieux adres­ser a un certain but, il a donné un formu­laire auquel il a briévement compris tous les poincts qu'il nous est licite & expedient de demander.

M.

Recite-le.

E.

C'est que nostre Seigneur Jesus estant requis de ses Disciples qu'il les enseignast à prier, leur répond qu'ils auront à dire ainsi.

NOstre Pere qui es és Cieux: Ton Nom soit sanctifié. Ton regne vienne. Ta volonté soit faite en la terre comme au ciel. Donne nous a [...]jouril hui nostre pain quotidien. Et nous par­do [...]ne nos offences, commie nous pardonnons à ceux qui nous ont offencez. Et ne nous indui point en tentation, mais delivre nous du malin. Car à toi est le regne, la puissance, & la gloire, és siecles des siccles. Amen.

M.

Pour plus facile intelligence, di-moi combien d'articles elle contient?

E.

Six: dont les trois premiers regàrdent la gloire de Dieu sans quelque conside­ration de nous-mesmes: les autres sont pour nous, & concernent nostre bien & profit.

M.

Comment donc? faut-il demander quel­que chose à Dieu dont il ne nous revienne nulle utilité?

E.

Il est vrai que par sa bonté infinie il dispose & ordonne tellement toutes choses, que rien ne peut estre à la gloire de son Nom, qui ne nous soit mesmes salutaire. Ainsi quand son Nom est sanctifié, il nous tourne cela en sanctification: quand son regne advient, nous en sommes aucunement participans. Mais en desirant & deman­dant ces choses, il nous faut avoir seulement egard a son honneur, sans penser à nous au­cunement, ni chercher nostre profit.

M.

Selon ton dire, ces trois premieres re­questes nous sont bien utiles: mais il ne l [...]s faut faire à autre intention, sinon pour de­sirer que Dieu soit glorifié?

E.

Ouï: semblablement, encore que les trois dernieres soient deputées à desirer ce qui nous est expedient, toutefois la gloire de Dieu nous doit estre en icelles recom­mandée, tellement que ce soit la fin de tous nos desirs.

DIMANCHE XXXVIII.

M.

VEnons à l'exposition. Et devant qu'entrer plus avant, pourquoi Dieu est-il ici appellé nostre Pere, plûtost qu'autrement?

E.

D'autant qu'il est bien requis que nos consciences soient fermement asseurées, quand il est question de prier: nostre Dieu se nomme d'un mot qui n'emporte que douceur & gracieuseté, pour nous oster toute doute & perplexité, & nous donner hardieffe de venir privement à lui.

M.

Oserons-nous bien donc nous retirer familierement a Dieu, comme un enfant à son pere?

E.

Ouï: voire avec plus grande certitude d'obtenir ce que nous demanderons. Car si nous, qui sommes mauvais ne pouvons refuler à nos enfans le pain & la viande quand ils nous la demandent: tant moins le fera nostre Pere celeste, qui non seule­ment est bon, mais est la souveraine bonté.

M.

De ce nom mesme ne pouvons-nous pas bien prouver ce qui a esté dit, que la priere doit estre fondée en l'intercession de Jesus Christ?

E.

Ouï pour certain, d'autant que Dieu ne nous avouë pour ses enfans, sinon en­tant que nous sommes membres de son Fils.

M.

Pourquoi n'appelles-tu pas Dieu ton Pere, mais l'appelles nostre en commun?

E.

Chaque fidele le peut bien nommer sien en particulier: mais en ce formulaire Je­sus Christ nous enseigne de prier en com­mun, pour nous admonester que nous de­vons exercer nostre charité envers nos procháins en priant, & non pas seulement avoir soin de nous.

M.

Que veut dire cette particule, Qui es és Cieux?

E.

C'est autant comme si je l'appellois, Haut, Puissant, Incomprehensible.

M.

Comment cela, & pour quelle fin?

E.

Afin qu'en l'invoquant nous apprenions d'élever en haut nos pensées, pour ne rien imaginer de lui charnel ni terrien, & ne le point mesurer à nostre apprehension, ni l'assujettir à nostre volonté, mais adorer en humilité sa Majeste glorieuse, & aussi pour avoir plus certaine fiance en lui, en­tant qu'il est gouverneur & maistre de tout.

DIMANCHE XXXIX.

M.

EXpose maintenant la premiere de­mande.

E.

Le Nom de Dieu, c'est sa renommée, de laquelle il est celebré entre les hommes: nous desirons donc que sa gloire soit exal­tée par tout & en toutes choses.

M.

Entens-tu qu'elle puisse croistre ou di­minuer?

E.

Non pas en soi-mesme, mais c'est à dire qu'elle soit manifestée comme elle doit, & quelque chose que Dieu fasse, que toutes ses oeuvres apparoissent glorieuses comme elles sont: tellement qu'en tou­tes sortes il soit glorifié.

M.

En la seconde requeste qu'entens-tu par le regne de Dieu?

M.

Il consiste principalement en deux poincts: c'est de conduire les siens, & les gouverner par son Esprit: au contraire d'abysimer & confondre les reprouvez, qui ne se veulent rendre sujets à sa donsina­tion, afin que clairement il apparoisse qu'il n'y a nulle puissance qui puisse re­sister à la sienne.

M.

Comment pries-tu que ce regne vienne?

E.

C'est que de jour en jour le Seigneur multiplie le nombre de ses fideles: qu'il augmente de jour en jour ses graces sur eux, jusques à ce qu'il les ait du tout remplis: qu'il éclaircisse aussi de plus en plus sa ve­rité: qu'il manifeste sa justice, dont Sa­tan & les tenebres de son regne soient confondus: & que toute iniquite soit de­struite & abolie.

M.

Cela ne se fait-il pas dés-à-apresent?

E.

Si fait bien en partie: mais nous desi­rons que continuellement il croisse & soit avance, jusques à ce qu'il vienne finalement à sa perfection, qui sera au jour du juge­ment, auquel Dieu sera exalté seul, & toute creature sera humiliée sous sa grandeur, mesmes il sera tout en toutes choses.

DIMANCHE. XL.

M.

COmment requiers-tu que la volonté de Dieu soit faite?

E.

Que toutes creatures lui soient sujettes pour lui rendre obeïssance: & ainsi que tout se fasse selon son bon plaisir.

M.

Entens-tu que rien se puisse faire con­tre sa volonté?

E.

Nous requerons non pas seulement qu'il amene toutes choses a tel poinct, que cè qu'il a determiné en son conseil ad­vienne: mais que toute rebellion abbatuë, il range toutes volontez à la sienne seule.

M.

En ce faisant, ne renonçons-nous pas à nos propres volontez?

E.

Si faisons, & non seulement afin qu'il renverse nos desirs qui contrevien­nent à son bon plaisir, les rendans vains & de nul effet: mais aussi qu'il crée en nous nouveaux esprits & nouveaux coeurs: tellement que nous ne vueillions rien de nous-mesmes: mais que son Esprit vueille en nous, pour nous faire pleinement con­sentir avec lui.

M.

Pourquoi adjoustes-tu, En la terre comme au ciel?

E.

D'autant que ses creatures celestes, qui sont ses Anges, ne cherchent qu'à lui o­beir paisiblement sans nulle contrarieté, nous desirons que le semblable se fasse en la terre: c'est que tous hommes se ran­gent en obeïssance volontaire.

DIMANCHE XLI.

M.

VEnons à la seconde partie. Qu'en­tens-tu par le pain quotidien que tu demandes?

E.

Generalement tout ce qui fait beso [...] à l'indigence de hostre corps, non se [...] le­ment quant à la nourriture & ves [...]e, mais tout ce que Dieu connoist nous e [...]e expedient à ce que nous puislions mang [...] nostre pain en paix.

M.

Comment demandes-tu à Dieu q [...] te donne ta nourriture, veu qu'il no [...] commande de la gagner au travail de no [...] mains?

E.

Combien qu'il nous faille travaillet pour vivre, toutefois nostre labeur, indu­strie, & diligence ne nous nourrit pas mais la seule benediction de Dieu, laquelle est sur nos mains, & sur nostre labeur, pour le faire prosperer. Et davantage, il nous faut entendre que ce ne sont pas les viandes qui nous nourrissent, encores que nous les ayons à commandement: mais la vertu du Seigneur, qui use d'elles com­me d'instrument tant seulement.

M.

Pourquoi l'appelles-tu tien, puis que tu demandes qu'il te soit donné?

E.

C'est par la bonté de Dieu qu'il est fait nostre, encore qu'il ne nous soit point deu. Et aussi par cela nous sommes avertis de ne point desirer le pain d'autrui, mais celui que nous aurons acquis par mo­yen legitime, selon l'ordonnance de Diéu.

M.

Pourquoi dis-tu quotidien & aujour­d'hui?

E.

Cela est pour nous apprendre d'a­voir contentement, & ne point appeter plus que nostre necessité requiert.

M.

Veu que cette priere est commune à tous, comment les riches qui ont provision & abondance de biens pour long-temps, peuvent-ils demander pour un jour?

E.

Il faut que tant riches que pauvres en­tendent que tout ce qu'ils ont ne leur peut de rien profiter, sinon entant que le Sei­gneur leur en donne l'usage, & fait par sa grace qu'il nous soit profitable. Ainsi en ayant, nous n'avons rien, sinon d'autant qu'il le nous donne.

DIMANCHE XLII.

M.

QUe contient la cinquiéme deman­de?

E.

Qu'il plaise à Dieu nous pardonner nos pechez.

M.

N'y a-t'il homme vivant si juste qui n'ait besoin de la faire?

E.

Non: car le Seigneur Jesus a donné cette forme à ses Apostres pour son Eglise. Ainsi quiconque s'en vondroit exempter re­nonceroit à la communauté des Chrestiens. Et de fait l'Ecriture nous testifie, que le plus parfait voulant alleguer un poinct à Dieu pour se justifier, sera trouvé coupable en mille. Il faut donc que nous ayons tout nostre refuge à sa misericorde.

M.

Comment entens-tu que cette remis­sion nous soit faite?

E.

Comme les paroles mesmes dont Jesus Christ a usé le montrent: c'est que les pe­chez sont des dettes, lesquelles nous tien­nent obligez à condamnation de mon eternelle: nous demandons que Dieu nous en acquite par sa pure liberalité.

M.

Tu entens donc que nous obtenons re­mission [Page]de nos pechez par la bonté gratui­te de Dieu?

E.

Ouï: car nous ne pouvons nullement satissaire pour la moindre faute que nous ayons commise, si Dieu n'use envers nous de sa pure liberalité, en nous les remet­tant toutes.

M.

Quand Dieu nous a pardonné nos pe­chez, quel fruit & utilité nous en revient-il?

E.

Par ce moyen nous lui sommes a­greables, comme si nous estions justes & innocens: & nos consciences sont asseurées de sa dilection paternelle euvers nous, dont nous vient salut & vie.

M.

Quand tu demandes qu'il nous par­donne comme nous pardonnons à ceux qui nous ont offensez, entens-tu qu'en par­donnant aux hommes nous meritions par­don de lui?

E.

Non pas: car le pardon ne seroit plus gratuit, & ne seroit pas fondé en la satis­faction qui a esté en la mort de Jesus Christ, comme il doit estre. Mais entant qu'en oubliant les injures que l'on nous fait, nous ensuivons sa douceur & clemence, & ainsi nous demonstrons estre ses enfans: il nous donne cette enseigne pour nous certifier. Et d'autre part il nous signifie qu'il ne nous faut attendre en son jugement que toute severité & extréme rigueur, si nous ne sommes faciles à pardonner & faire grace à ceux qui sont coupables envers nous.

M.

Tu entens donc que Dieu desavouë ici pour ses enfans tous ceux qui ne peuvent oublier les offenses qu'on leur fait, afin qu'ils ne s'attendent pas d'estre partici­pans de cette grace?

E.

Ouï: & que tous sçachent qu'à la mesme mesure qu'ils auront fait à leurs pro­chains, il leur sera rendu.

DIMANCHE XLIII.

M.

QU'est-ce qui s'ensuit?

E.

Ne nous indui point en tentation: mais nous delivre du malin.

M.

Ne fais-tu qu'une requeste de cela?

E.

Non: car le second membre est l'ex­position du premier.

M.

Quelle est la substance d'icelle?

E.

Que Dieu ne nous laisse point trébu­cher au mal, & ne permette que nous so­yons vaincus du diable, & des mauvaises concupiscences de nostre chair, lesquelles bataillent contre nous: mais qu'il nous don­ne la force de resister, nous soustenant de sa main, & nous ayant en sa sauvegarde pour nous defendre & conduire.

M.

Comment cela se fait-il?

E.

Quand par son Esprit il nous gouverne, pour nous faire aimer le bien, & haïr le mal: suivre sa justice, & faïr le peché. Car par la vertu du Saint Esprit nous sur­montons le diable, le peché, & la chair.

M.

Cela est-il necess [...]ire à tous?

E.

Ouï. Car le diable veille toûjours sur nous comme un lion rugissant prest à nous devorer: & nous sommes si foibles & fra­giles, qu'il nous auroit incontinent abba­tus, si Dieu ne nous fortifioit pour on avoir la victoire.

M.

Que signifie le mot de Tentation?

E.

Les astuces & tromperies du diable. dont il use pour nous surprendre, selon que nostre sens naturel est enclin à estre deceu & nous decevoir: & nostre volonté est plûtost preste de s'adonner au mal qu'au bien.

M.

Mais pourquoi demandes-tu à Dieu qu'il ne t'induise point au mal, veu que ce­la est le propre office du diable?

E.

Comme Dieu par sa misericorde con­serve ses fideles, & ne permet que le diable les seduise, ni que le peché les sur­monte: aussi ceux qu'il veut punir, non seulement il les abandonne & retire sa grace d'eux, mais aussi les livre au diable, pour estre sujets à sa tyrannie: les aveu­gle, & les met en sens reprouvé.

M.

Que veut dire cette addition, Car à toi est le regne, la puissance, & la gloire aux siecles des siecles?

E.

Pour nous reduire derechef en memoi­re que nos oraisons sont plsitost fondées e [...] Dieu & en sa puissance & bonté, que non pas en nous, qui ne sommes pas dignes d'ouvrir la bouche pour le requerir. Et. aussi pour nous apprendre de clorre toutes nos prieres par sa loiiange.

DIMANCHE XLIV.

M.

N'Est-il licite de demander autre chose, sinon ce qui a esté recité?

E.

Combien qu'il nous soit libre d'uset d'autres paroles & d'autre forme & ma­niere, si est-ce que nulle oraison ne sera jamais agreable à Dieu, lequelle nese rap­porte à celle-ci comme à la regle unique de bien prier.

M.

Il est temps de venir au quatriéme membre de l'honneur que nous devons rendre à Dieu.

E.

Nous avons dit que c'est de le recon­noistre de coeur & consesser de bouche au­theur de tout bien pour le glorifier.

M.

Nous a-t il pas donné quelque regle pour ce faire?

E.

Toutes les loiianges & actions de gra­ces contenuës en l'Ecriture, nous doivent estre pour regle & enseignement.

M.

N'en a-t'il [...]ien touche en l'Oraison?

E.

Si a bien: Car en desirant que son Nom soit sanctifié, nous desirons que tou­tes ses oeuvres apparoissent glorieuses, com­me elles sont: tellement que, soit qu'il pu­nisse, il soit tenu pour juste: soit qu'il par­donne, pour miseri [...]rdieux: soit qu'il ac­complisse ses pr [...]messes, pour veritable. En somme, qu'il n'y ait du tout rien en quoi sa gloire ne reluise. Cela est lui attribuer la loiiange de tous biens.

M.

Que oeonclurrons-nous de tout ce que nous avons dit?

E.

Ce que t [...]moigne la verité, & qui a est [...] touché au commencement, assavoir, Que cette est la vie eternelle, de connoistre le vrai Dieu, & ceh [...] qu'il a envoyé Jesus Christ [...]le connoistre, dis-je, pour l'hono­rer deuëment, afin qu'il nous soit non seu­lement Maistre & Séigneur, mais aussi Pe­re & Sauveur: & que nous mutuellement lui soyons enfans, serviteurs, & peuple de­dié à sa gloire.

DIMANCHE XLV.

M.

QUel est le moyen de parvenir à un tel bien?

E.

Pour ce faire il nous a laissé sa sainte Parole, laquelle nous est comme une entrée en son Royaume celeste.

M.

Où prens-tu cette Parole?

E.

Comme elle nous est comprise aux saintes Ecritures.

M.

Comment faut-il que nous en usions pour en àvoir du profit?

E.

En la recevant en pleine certitude de conscience, comme une verité procedée du ciel, nous soûmettant à elle en droite obeïs­sance, l'aimant de vraye affection & en­tiere, l'ayant imprimée en nos coeurs pour la suivre & nous conformer à icelle.

M.

Tout cela est-il en nostre puissance?

E.

Il n'y en a du tout rien: mais c'est Dieu qui travaille en nous en telle sorte, par son Saint Esprit.

M.

Mais ne faut-il pas que nous mettions peine & diligence à ouïr & lire la doctri ne laquelle nous y est montree?

E.

Ouï bien. Et premierement, que chacun en son particulier y travaille: & sur tout, que nous frequentions les predications, aus­quelles cette Parole est exposée en l'assem­blée des Chrestiens.

M.

Entens-tu qu'il ne suffit pas de lire en sa maison, sinon que tous ensemble oyent une doctrine commune?

E.

Je l'ontens ainsi, cependant que Dieu en donne le moyen.

M.

La raison?

E.

Pource que Jesus Christ a establi cét or­dre en son Eglise, non pas pour deux ni pour trois, mais pour tous generalement: & a de­claréque c'est le seul moyen de l'edifier & en­tretenir. Ainsi, il nous faut là tous ranger, & n'estre pas plus sages que nostre Maistre.

M.

Est ce donc chose necessaire qu'il y ait des Pasteurs?

M.

Ouï, & qu'on les écoute, recevant en numilité la doctrine du Seigneur par leur bouche. Tellement que quiconque les mé prise & refuse de les ouïr, il rejette Jesus Christ, & se separe de la compagnie des fideles.

M.

Mais suffit-il d'avoir une fois esté instruit par eux, ou s'il faut continuer?

E.

Ce n'est rien de commencer si on ne poursuit & persevere toûjours. Car jusques a la fin il nous convient estre toûjours eco­liers de Jesus Christ. Et il a ordonné les Ministres Ecclesiastiques pour nous ensei­gner en son Nom.

DIMANCHE XLVI.

M.

N'Y a-il point d'autre moyen outre la Parole, par lequel Dieu se communique à nous?

E.

Il conjoint les Sacremens avec la pre­dication de sa Parole.

M.

Qu'est-ce que Sacrement?

E.

C'est un temoignage exterieur de la grace de Dieu, qui par un signe visible nous represente les choses spirituelles, afin d'imprimer plus fort en nos coeurs les pro­messes de Dieu, & nous en rendre plus certiins.

M.

Comment? un signe visible & mate­riel a-t'il cette vertu de certifier la con­science?

E.

Non pas de soi-mesme, mais entant qu'il est ordonné de Dieu à cette fin.

M.

Veu que c'est le propre office du Saint Esprit de seeller les promesses de Dieu en nos coeurs, comment attribuës tu cela aux Sacremens?

E.

Il y a grande difference entre l'un & l'autre. Car l'Esprit de Deu à la verité est celui seul qui peut toucher & émouvoir nos coeurs, illuminer nos entendemens, & assu­rer nos consciences, tellement que tout cela doit estre Jugé son oeuvre propre, pour lui en rendre loiiange. Cependant le Sei­gneur s'aide des Sacremens comme d'in­strumens inferieurs, selon que bon lui sem­ble, sans que la vertu de son Esprit en soit aucunement amoindrie.

M.

Tu entens donc que l'essicace des Sa­cremens ne gist pas en l'element exterieur, mais procede toute de l'Esprit de Dieu?

E.

Ouï, selon que Dieu veut travailler par les moyens qu'il a instituez sans deroger à sa puissance.

M.

Et qui meut Dieu de faire cela?

E.

Pour le soulagement de nostre infirmité. Car si nous estions de nature spirituelle comme les Anges, nous pourrions contem­pler spirituellement & lui & ses graces: mais ainsi que nous sommes enveloppez de nos corps, nous avons besoin qu'il use de fi­gures envers nous, pour nous representer les choses spirituelles & celestes: car autre­ment nous ne les pourrions comprendre. Et aussi il nous est expedient que tous nos sens soient exercez en en ses saintes pro­messes, pour nous confirmer en elles.

DIMANCHE XLVII.

M.

PUis que Dieu a introduit les Sa­cremens pour nostre necessité, ce seroit orgueil & presomption de penser qu'on s'en peust passer?

E.

Ouï pour certain: tellement que qui­conque s'abstient volontairement de l'usa­ge, pensant qu'il n'en a point de besoin, méprise Jesus Christ, rejette sa grace, & esteint son Saint Esprit.

M.

Mais qu [...]le certitude de grace peuvent donner les Sacremens, veu que bons & mauvais les recoivent?

E.

Combien que les incredules & méchans aneantiffent la grace qui leur est presentée par les Sacremens, si ne s'ensuit-il pas que la proprieté d'iceux ne soit telle.

M.

Comment donc, & quand est-ce que les Sacremens produisent leur effet?

E.

Quand on les recoit en foi, cherchant seulement Jesus Christ & sa grace.

M.

Pourquoi dis-tu que nous y devons chercher Jesus Christ?

E.

Pour signifier qu'il ne nous faut pas amuser au signe terrien pour chercher là nostre salut: & ne nous faut pas imagi­ner qu'il y ait là quelque vertu enclose: mais au contraire, que nous prenions le signe pour une aide qui nous conduise droitement au Seigneur Jesus, pour cher­cher en lui salut & tout bien.

M.

Veu que la foi y est requise, comment dis-tu qu'ils nous sont donnez pour nous confirmer en la foi, nous asseurant des pro­messes de Dieu?

E.

Il ne suffit pas que la foi soit seulement commencée en nous pour une fois, mais il faut qu'elle soit nourrie & entretenuë: puis qu'elle croisse journellement & soit aug­mentée en nous. Pour la nourrir donc, pour la fortifier & l'accroistre, Dieu nous donne les Sacremens. Ce que Saint Paul denoté, en disant que leur usage est de seeller les promesses de Dieu en nos coeurs.

M.

Mais n'est - ce pas signe d'infidelité quand les promesses de Dieu ne nous sont pas assez fermes d'elles-mesmes sans aide?

E.

C'est signe de petitesse & infirmité, de foi, laquelle est bien aux enfans de Dieu, qui ne [...]a [...]ssent pas pourtant d'estre fideles, mais ce n'est pas encore en perfection: car cependant que nous vivons en ce monde, il y a toûjours quelques reliques de defi­ance en nostre chair, & pourtant nous saut-il toûjours profiter & croistre.

DIMANCHE XLVIII.

M.

COmbien y a-t'il de Sacremens, en l'Eglise Chrestienne?

E.

Il n'y en a que deux communs que le Seigneur Jesus ait instituez pour toute la compagnie des fideles.

M.

Quels?

E.

Le Baptesme & la Sainte Cene.

M.

Quelle convenance & difference y a-t'il de l'un à l'autre?

E.

Le Baptesme nous est comme une en­trée en l'Eglise de Dieu. Car il nous testifie que Dieu, au lieu que nous estions étrangers de lui, nous reçoit pour ses domestiques. La Cene nous est un témoignage que Dieu nous veut nourrir & repaistre, comme un bon pere de famille a le soin de nourrir & refectionner ceux de sa maison.

M.

Pour avoir plus claire intelligence de l'on & de l'autre, disons de chacun à part. Premierement, quelle est la signification du Baptesme?

E.

Elle à deux parties: car le Seigneur nous y represente la remission de nos pe­chez: & puis nostre regeneration ou re­nouvellement spirituel.

DIMANCHE XLIX.

M.

QUelle similitude a l'e [...]u avec ces choses pour les representer?

E.

Pource que la remission des pechez est une espece de lavement par lequel nos ames sont purgées de leurs macules, ain­si que les ordures du corps sont net­toyées par l'eau.

M.

Touchant l'autre partie?

E.

Pource que le commencement de no­stre regeneration est que nôtre nature soit mortifiée: l'issuë, que nous soyons nouvelles creatures par l'Esorit de Dieu. L'eau donc nous est mise sur la teste en signe de mort: toutesfois en telle forte, que la resurrection nous est semblablement figu­rée, en ce que cela se fait seulement pour une minute de temps, & non pas pour nous noyer en l'eau.

M.

Tu n'entens pas que l'eau soit le lave­ment de nos ames?

E.

Non pas: car cela appartient au sang de Jesus Christ seulement, qui a esté é­pandu pour essacer toutes nos soiiillures, & nous rendre purs & impollus devant Dieu. Ce qui est accompli en nous quand nos consciences en sont arrousées par le Saint Esprit. Mais par le Sacrement ce - la nous est certifié.

M.

Entens-tu que l'eau nous en soit seule­ment une figure?

E.

C'est tellement une figure, que la ve­rité est conjointe avec: car Dieu ne nous promet rien en vain: c'est pourquoi il est certain qu'au Baptesme la remission des pechez nous est offerte & nous la rece­vons.

M.

Cette grace est-elle accomplie indif­fèremment en tous?

E.

Non: car plusieurs l'aneantiffent par leur perversité. Neantmoins le Sacrement ne laisse pas d'avoir une telle nature, combien qu'il n'y ait que les fideles qui en sentent l'efficace.

M.

La regeneration d'où prend-elle sa vertu?

E.

De la mort & resurrection de Christ: car sa mort a cette vertu, que par elle nostre vieil Adam est crucifié, & nostre nature vicieuse est comme ensevelie pour n'avoir plus vigueur de regner. Et la nou­veauté de vie, pour suivre la justice de Dieu, procede de la resurrection.

M.

Comment certe grace nous est-elle ap­pliquée au Baptesme?

E.

Entant que nous sommes là vestus de Jesus Christ, & y recevons son Esprit, mo­yennant que nous ne nous rendions pas in­dignes des promesses qui nous y sont don­nées.

DIMANCHE L.

M.

DE nostre costé, quel est le droit usage du Baptesme?

E.

Il gist en foi & en repentance: c'est que nous soyons certains d'avoir nostre pu­reté spirituelle en Christ: & sentions en nous & declarions à nos prochains par oeuvres, que l'Esprit d'icelui habite en nous pour mortifier nos propres desirs, afin de nous faire suivre la volonté de Dieu.

M.

Puis que cela y est requis, comment est­ce qu'on baptize les petits enfans?

E.

Il n'est pas dit que la foi & la repen­tance doivent toûjours preceder la recep­tion du Sacrement: mais seulement cela doit estre en ceux qui en sont capables. Il sussit donc que les petits enfans produi­sent, & demontrent le fruit de leur Bap­tesme apres estre venus en âge de connois­sance.

M.

Comment montreras tu qu'il n'y a point d'inconvenient en cela?

E.

Pource que la Circoncision estoit aussi bien Sacrement de penitence, comme Moyse & les Prophetes declarent: & Sacrement de foi comme dit Saint Paul. Et toutefois Dieu n'en a point exclus les petits enfans.

M.

Mais pourras-tu bien montrer qu'il y [Page]ait une mesme raison de les recevoir au Baptesme comme à la Circoncision?

E.

Ouï bien: car les promesses que Dieu avoit anciennement faites à son peuple d'Israël, sont maintenant étenduës par tout lemonde.

M.

Mais s'ensuit-t'il de cela que nous de­vions user de signe?

E.

Il est ainsi, quand le tout sera bien con­sideré. Car Jefus Christ ne nous a pas faits participans de la grace qui avoit au­paravant esté au peuple d'Israel, pour l'a­moindrir en nous, ou la rendre plus obscure qu'elle n'estoit: mais plsitost l'a éclaircie & augmentée davantage.

M.

Entens-tu que si nous ne donnions le Baptesme aux petits enfans, la grace de Dieu seroit amoindrie par la venuë du Seigneur Jesus?

E.

Ouï bien: car le signe de la bonté & misericorde de Dieu sur nos enfans, qu'ont en les anciens, nous defaudroit: lequel sert grandement à nostre consolation, & à con­firmer la promesse qui a esté faite dés le commencement.

M.

Tu entens donc, puis que Dieu se de­clarant anciennement estre Sauveur des petits ensans, a voulu cette promesse estre seellée en leurs corps par Sacrement exte­rieur, que c'est bien la raison qu'il n'y ait pas moins de confirmation depuis la venuë de Christ, veu que la mesme promesse de­aneure, & mesmes est plus clairement testi­fiée de parole, & ratifiée de fait?

E.

Ouï: & davantage, puis que c'est chose notoire que la vertu & la substance du Baptesme appartient aux petits enfans, on [...]eur feroit injure de leur dénier le signe qui est inferieur.

M.

A quelle condition donc devons-nous baptifer les petits enfans?

E.

En signe & témoignage qu'ils sont he­ritiers de la benediction de Dieu promise à la generation des fideles: afin qu'estans venus en âge ils reconnoissent la verité de leur Baptesme, pour en faire leur profit.

DIMANCHE LI.

M.

DIsons de la Cene. Et premierement, quelle est la signification d'icelle?

E.

Nostre Seigneur l'a instituée pour nous affeurer que par la communication de son corps & de son sang nos ames sont nourries en l'esperance de la vie eternelle.

M.

Pourquoi est-ce que le Seigneur par le pain nous represente son corps, & par le [...]in son sang?

E.

Pour signifier que telle proprieté qu'a le pain envers nos corps, c'est de les re­paistre & substanter en cette vie mortelle: aussi a son corps envers nos ames, c'est de [...]es nourrir & vivifier spirituellement. Pa­reillement, que comme le vin fortifie, re­fectione, & réjouït l'homme selon le corps: aussi que son sang est nostre joye, nostre re­fection & vertu spirituelle.

M.

Entens-tu qu'il nous faille communiquer vrayement au corps & au sang du Seigneur?

E.

Je l'entens ainsi. Car puis que toute la fiance de nostre falut gist en l'obeïflance qu'il a renduë à Dieu son Pere, entant qu'elle nous est imputée comme sielle estoit nostre, il faut que nous le possedions, veu que ses biens ne sont pas nostres, sinon [...] premierement il se donne à nous.

M.

Mais ne s'est-il pas donné a nous quan [...] il s'est exposé à la mort pour nous recor­cilier à Dieu son Pere, & nous delivr [...] de damnation?

E.

Si est bien: mais il ne suffit pas de cela, sinon que nous le recevions, pour sen­tir en nous le fruit & l'efficace de sa mort & passion.

M.

La maniere de le recevoir, est-ce point par foi?

E.

Ouï, nonseulement en croyant qu'il est mort & reffuscité pour nous delivrer de la mort eternelle, & nous acquerir la vie: mais aussi qu'il habite en nous, & est con­joint avec nous en telle union que le chef avec ses membres, afin de nous faire par­ticipans de toutes ses graces en vertu de cette conjonction.

DIMANCHE LII.

M.

CEtte communion ne se fait-elle sinon en la Cene?

E.

Si fait bien: car nous l'avons par la predication de l'Evangile, comme dit S. Paul, entant que le Seigneur Jesus nous y promet que nous sommes os de ses os, & chair de sa chair: qu'il est le pain de vie qui est descendu du Ciel pour nourrir nos ames: que nous sommes un avec lui com­me il est un avec son Pere: & telles choses.

M.

Qu'est-ce que nous avons au Sacrement davantage, & de quoi nous sert-il plus?

E.

C'est que cette communion est plus am­plement confirmée en nous, & comme ratifiée, combien que Jesus Christ nous soit vrayement communiqué & par le Baptes­me & par l'Evangile: toutefois ce n'est qu'en partie, non pas pleinement.

M.

Qu'est-ce donc en somme que nous avons par le signe du pain?

E.

C'est que le corps du Seigneur Jesus en­tant qu'il a une fois esté offert en sacrifice pour nous reconcilier à Dieu, nous est main­tenant donné, pour nous certifier que nous avons part en cette reconcilliation.

M.

Qu'est-ce que nous avons au signe du vin?

E.

Que le Seigneur Jesus nous donne son sang à boire entant qu'il l'a une fois épandu pour le prix & satisfaction de nos offenses, afin que nous ne doutions point d'en re­cevoir le fruit.

M.

Selon tes responses, la Cene nous ren­voye à la mort & passion de Jesus Christ, afin que nous communiquions à la vertu d'icelle?

E.

Ouï: car alors le sacrifice unlque & perpetuel a esté fait pour nostre redem­ption. C'est pourquoi il ne reste plus sinon que nous en ayons la jouïssance.

M.

La Cene donc n'est pas instituée pour f [...]ire une oblation du corps de Jesus à Dieu son Pere?

E.

Non: car il n'y a que lui seul à qui ap­partient cét office, entant qu'il est Sacrifi­cateur eternel. Mais il nous commande seulement de recevoir son corps, non pas de l'offrir.

DIMANCHE LIII.

M.

POurquoi est - ce qu'il y a double signe?

E.

Nostre Seigneur l'a fait pour nostre in­firmité, afin de nous donner à connoistre, que non seulement il est viande à nos ames, mais aussi breuvage: afin que nous cherchi­ons en lui nostre nourriture pleine & en­tiero, & non ailleurs.

M.

Tous doivent-ils user in differemment de ce [...]cond signe, assavoir de la coupe?

E.

Ouï, selon le commandement de Jesus Christ, contre lequel il n'est licite de rien attenter.

M.

Avons-nous en la Cene simplement le témoignage des choses susdites, ou si elles y sont vrayement données?

E.

Entant que Jesus Christ est la verité, il ne faut point douter que les promesses qu'il fait en la Cene n'y soyent accomplies, & que ce qu'il y figure n'y soit verifié. Ainsi selon qui le promet & represente, je ne doute pas qu'il ne nous fasse partici­pans de sa propre substance, pour nous unir avec foi en une vie.

M.

Mais comment cela se peut-il faire, veu que le corps de Jesus Christ est au ciel, & nous sommes en ce pelerinage terrien?

E.

C'est par la vertu incomprehensible de son Esprit, laquelle conjoint bien les choses separées par distance de lieu.

M.

Tu n'entens donc pas que le corps soit enclos dedans le pain, ni le sang da [...]s la coupe?

E.

Non: mais au contraire, pour avoir la verité au Sacrement, il nous faut ele­ver nos coeurs en haut au ciel, ou est Jesus Christ en la gloire de son Pere, & d'ou nous l'attendons en nostre redemption: & non pas le chercher en ces elemens cor­ruptibles.

M.

Tu entens donc qu'il v a deux choses en ce Sacrement: le pain materiel, & le vin que nous voyons à l'oeil, touchons a la main. & savourons au goust: & Jesus Christ, dont nosames sont interieurement nourries?

E.

Ouï: en telle sorte neantmoins que nous y avons mèsme témoignage, & comme un arrhe de la resurrection de nos corps, entant qu'ils sont faits participans du signe de vie.

DIMANCHE LIV.

M.

QUel en doit estre l'usage?

E.

Tel que dit Saint Paul c'est que l'homme s'éprouve foi - mesme devant que d'en approcher,

M.

En quoi se doit-il éprouver?

E.

Assavoir s'il est vrai membre de Jesus Christ.

M.

Par quels signes le pourra-t'il con­noistre?

E.

S'il a vraye foi & repentance, & s'il aime ses prochains en vraye charité, & n'est point entaché de haine, ni rancune, ni division.

M.

Mais est-il requis d'avoir une foi & charité parfaite?

E.

Il faut bien que l'une & l'autre soit entiere, & non feinte: mais d'avoir une telle perfection, à laquelle il n'y ait que redire, cela ne se trouvera pas entre les hommes. Aussi la Cene seroit instituée en vain, si nul n'estoit capable de la recevoir, sinon qu'il fust du tout parfait.

M.

L'imperfection donc ne nous empesche point d'en approcher.

E.

Mais au contraire, elle ne nous servi­roit de rien si nous n'estions imparfaits: car c'est une aide & soulagement de nostre infirmité.

M.

Ces deux Sacremens ne servent-ils point à autre fin?

E.

Si font: d'autant que ce sont signes & marques de nostre profession: c'est à dire que par elles nous protestons que nous som­mes du peuple de Dieu, & failons confessi­on de nostre Chrestienté.

M.

Que faudroit-il donc juger d'un homme qui n'en voudroit point user?

E.

Il ne le faudroit pas tenir pour Chre­stien: car en ce faisant il ne se veut point consesser estre tel, & quasi tacitement il desavouë Jesus Christ.

M.

Mais suffit-il de recevoir une fois l'un & l'autre.

E.

Le Baptesme n'est ordonné que pour une seule fois. & il n'est pas licite de le reïterer. Mais il n'est pas ainsi de la Cene.

M.

La raison?

E.

Pource que par le Baptesme Dieu nous introduit & reçoit en son Eglise: apres nous y avoir receus, il nous signífie par la Cene qu'il nous veut continuellement nourrir.

DIMANCHE LV.

M.

AQui appartient-il, tant de bapti­zer, que d'administrer la Cene?

E.

A ceux qui ont charge publique en l'Eglise d'enseigner: car ce sont choses conjointes que de prescher la Parole, & distribuer les Sacremens.

M.

N'y en a t'il pas certaine preuve?

E.

Ouï bien: car nostre Seigneur donne specialement la charge à ses Apostres tant de baptizer comme de prescher. Et tou­chant la Cene il commande que nous la fassions à son exemple. Or il avoit fait office de Ministre pour la donner aux autres.

M.

Mais les Pasteurs, qui sont dispensateurs des Sacremens, y doivent-ils admettre sans discretion tous ceux qui s'y presentent?

E.

Touchant le Baptesme, pource qu'au­jourd'hui on ne Padministre qu'aux petits enfans il n'est point besoin de discerner. Mais de la Cene, il faut bien que le Ministre reaarde de ne la point bailler à un homme qu'on connoist en estre du tout indigne.

M.

Pourquoi?

E.

Pource que ce seroit polluer & desho­norer le Sacrement.

M.

Mais nostre Seigneur y a bien receu Judas, quelque méchant qu'il fust?

E.

Son iniquité estoit encore cachée: & bien que nostre Seigneur la connust, si n'estoit-elle pas notoire a tous.

M.

Que sera-ce donc des hypocrites?

E.

Le Ministre ne les peut exclurre com­me indignes, mais doit attendre que le Seigneur ait relevé leur mechanceté.

M.

Et s'il en connoist quelques-uns indi­gnes, ou qu'il en soit averti?

E.

Cela ne sussit point pour les exclurre. [Page]finon qu'il y ait approbation suffisante, & jugement de l'Eglise.

M.

Il faut donc qu'il y ait quelque ordre & police sur cela?

E.

Ouï, si l'Eglise est bien reglée: c'est qu'on depute des personnages pour veiller sur les scandales qui pourroient estre; & qu'iceux en l'authorité de l'Eglise inte [...] ­sent la communion à ceux qui n'en [...] nullement capables, & ausquels on ne à peut donner sans deshonorer Dieu & [...] dalizer les fideles.

Fin du Catechisme.

LES DIX COMMANDEMENS de la Loi de Dieu.

EXODE XX.

  • PREFACE.

    EScoute Israël, Je suis l'Eternel ton Dieu, qui t'ai retiré du païs d'Egypte, de la maison de servitude.

  • LA PREMIERE TABLE.
    • I. TU n'auras point d'autres Dieux de­vant ma face.
    • II. Tu ne te feras image tailléè, ni ressem­blance aucune des choses qui sont là haut és Cieux, ni ci-bas en la Terre, ni és eaux dessous la Terre. Tu ne te prosterneras point devant elles, & ne les serviras. Car je suis l'Eternel ton Dieu, le Dieu fort, quiest jaloux, punissant l'iniquité des peres, fur les enfans en la troisiéme & quatriéme generation de ceux qui me haïssent, & fai­sant misericorde en mille generations à ceux qui m'aiment, & à ceux qui gardent mes Commandemens.
    • III. Tu ne prendras point le Nom de l'Eter­nel ton Dieu en vain: Car l'Eternel ne tiendra point pour innocent celui qui aura pris son Nom en vain.
    • IV. Aye souvenance du jour du repos pour le sanctifier. Six jours tu travailleras, & feras toute ton oeuvre: mais le septiéme [...]our est le repos de l'Eternel ton Dieu. Tu ne feras aucune oeuvre en icelui, toi, ni ton fils, ni ta fille, ni ton serviteur, ni ta ser­vante, ni ton bestail, ni ton estranger qui est dedans tes portes. Car en six jours l'Eternel a fait les Cieux, & la Terre, & la Mer, & tout ce qui est èniceux, & s'est reposé au septiéme jour: & pourtant l'E­ternel a beni le jour du repos, & l'a san­ctifie.
  • LA SECONDE TABLE.
    • V. HOnore ton Pere & ta Mere, afin que tes jours soient prolongez sur la terre, laquelle l'Eternel ton Dieu te donne.
    • VI. Tu ne tuëras point.
    • VII Tu ne paillarderas point.
    • VIII. Tu ne déroberas point.
    • IX. Tu ne diras point faux témoignage con­tre ton prochain
    • X Tu ne convoiteras point la maison de ton prochain. Tu ne convoiteras point la fem­me de ton prochain, ni son serviteur, ni sa servante, ni son boeuf, ni son asne, ni au­cune chose qui soit à ton prochain.

LE SOMMAIRE DE toute la Loi.
Matth. chap. 22. vers. 37.

TU aimeras le Seigneur ton Dieu de tout ton coeur, & de toute toname, & de toute ta pensée. Cettui-ci est le premier, & le grand Commandement. Et le second semblable à icelui, est,

Tu aimeras ton prochain comme toi­mesme.

De ces deux Commandemens depen­dent toute la Loi & les Prophetes.

CONFESSION DE FOI, Faite d'un commun accord par les Eglises Refor­mées du Royaume de France.

  • ARTICLE I. NOus croyons & confessons qu'il y a un seul Dieu, qui est une seule & simple Essence, spirituelle, e­ternelle, invisible, immuable, in­finie, inçomprehensible, ineffable, qui peut toutes choses, qui est toute sage, toute bonne, toute juste, & toute misericordieuse.
  • II. Ce Dieu se manifeste tel aux hommes, premierement par ses oeuvres, tant par la creation que par la conservation & condui­te d'icelles. Secondement & plus claire­ment par sa Parole, laquelle au commence­ment revelée par oracle, a esté puis apres redigée par écrit és livres que nous appel­lons l'Ecriture sainte.
  • III. Toute cette Ecriture sainte est comprise és livres Canoniques du vieil & nouveau Testament, desquels le nombre [...]ensuit. Les cinq livres de Moyse: assavoir, Genese, Exode, Levitique, Nombres, Deu­teronome. Item, Josué, Juges, Ruth, le pre­mier & second livre de Samuel, le premier & second livre des Rois, le premier & se­cond livre des Chroniques, autrement dits Paralipomenon, le premier livre d'Esdras. Item, Nehemie, le livre d'Ester, Job, les Pseaumes de David, les Proverbes ou Sen­tences de Salomon, le livre de l'Ecclesiaste, dit le Prescheur, le Cantique de Salomon. Item, le livre d'Esaïe, Jeremie, Lamenta­tions de Jeremie, Ezechiel, Daniel, Osée, Joël, Amos, Abdias, Jonas, Michée, Nahum, Abakuc, Sophonie, Aggée, Zacharie, Mala­chie. Item, le saint Evangile selon sainct Matthieu, selon sainct Marc, selon sainct Luc, & selon sainct Jean. Item, le second livre de sainct Luc, autrement dit les Actes des Apostres. Item, les Epistres de sainct Paul, aux Romains une, aux Corinthiens deux, aux Galates une, aux Ephesiens une, aux Philippiens une, aux Colossiens une, aux Thessaloniciens deux, à Timothée deux, à Tite une, à Philemon une. Item, l'E­pistre aux Hebreux, l'Epistre de sainct Jaques, la premiere & seconde Epistre de Sainct Pierre, la premiere, deuxiéme & troisiéme Epistre de sainct Jean, l'Epistre de sainct Jude. Item, l'Apocalypse ou Revelation de sainct Jean.
  • IV. Nous connoissons ces livres estre Canoniques, & regle tres-certaine de nostre foi: non tant par le commun accord & consentement de l'Eglise, que par le té­moignage & persuasion interieure du Sainct Esprit, qui les nous fait discerner d'avec les autres livres Ecclesiastiques sur lesquels, encore qu'ils soient utiles, on ne peut fonder aucun Article de foi.
  • V. Nous croyons que la Parole qui est concenuë en ces livres, est procedée de Dieu, duquel seul elle prend son authorité, & non des hommes. Et d'autant qu'elle est la regle de toute verité, contenantitout ce qui est necessaire pour le service de Dieu & nostre salut, il n'est pas loisible aux hommes, ni mesmes aux Anges d'y adjou­ster, diminuer ou changer. Dont il s'ensuit que ni l'antiquité, ni les coustumes, ni la multitude, ni la sagesse humaine, ni les ju­gemens, ni les arrests, ni les edicts, ni les decrets, ni les conciles, ni les visions, ni les miracles, ne doivent estre opposez à cette Ecriture saincte: mais au contraire, toutes choses doivent estre examinées, reglées & reformées selon elle. Et suivant cela nous advoiions les trois Symboles, assavoir, des Apostres, de Nicée, & d'Athanase, pource qu'ils sont conformes à la Parole de Dieu.
  • VI. Cette Ecriture saincte nous en­seigne qu'en cette seule & simple Essence Divine, que nous avons confessée, il y a trois personnes, le Pere, le Fils, & le Sainct Es­prit. Le Pere, premiere cause, principe & origine de toutes choses. Le Fils, sa parole & sapience eternelle. Le Saint Esprit, sa vertu, puissance & essicace. Le Fils eternel­lement engendré du Pere. Le Saint Esprit procedant eternellement de tous deux: les trois personnes non consuses, mais distin­ctes, & toutefois non divisées, mais d'une mesme essence, eternité, puissance, & ega­lite. Et en cela advoiions ce qui a esté de­terminé par les Conciles ancíens, & dete­stons toutes sectes & heresies qui ont esté [Page]rejettées par les saincts Docteurs, comme sainct Hilaire, sainct Athanase, sainct Am­broise, sainct Cyrille.
  • VII. Nouscroyons que Dieu en trois per­sonnes cooperantes, par sa vertu, fagesse, & bonté incomprehensible, a creétoutes cho­ses, non seulement le ciel, la terre, & tout ce qui y est contenu: mais aussi les esprits invisibles, desquels les uns sont decheus & trébusch [...]z en perdition, les autres ont per­sisté en obeïssance, Que les premiers s'e­stans corrompus en malice, sont ennemis de tout bien, par consequent de toute l'Eglise. Les seconds ayans esté preservez par la grace de Dieu, sont ministres pour glorifier le Nom de Dieu: & servir au salut de ses éleus.
  • VIII. Nous croyons que non seulement il a creétoutes choses, mais qu'il les gouverne & conduit, disposant & ordonnant selon fa volonté de tout ce qui advient au monde: non pas qu'il soit autheur du mal, ou que la coulpe lui en puisse estre imputée, veu que sa volonté est la regle souveraine & infail­lible d [...] toute droiture & equité: mais il a des moyens admirables de se servir telle­ment des diables & des méchans, qu'il sçait convertir en bien le mal qu'ils font, & du­quel ils sont coupables. Et ainsi en confes­sant que rien ne se fait sans la providence de Dieu, nous adorons en humilité les se­crets qui nous sont cachez, sans nous en­cuerir par dessus nostre mesure: mais plû­tost appliquons à nostre usage ce qui nous est montré en l'Ecriture saincte pour estre en repos & seureté, d'autant que Dieu, qui a toutes choses sujettes à soi, veille sur nous d'un soin paternel, tellement qu'il ne tom­bera point un cheveu de nostre teste sans sa volonté. Et cependant tient les diables & tous nos ennemis bridez en sorte qu'ils ne nous peuvent faire aucune nuisance sans son congé
  • IX. Nous croyons que l'homme ayant esté creé pur & entier, & conforme à l'i­mage de Dieu, est par sa propre faute dé­cheu de la grace qu'il avoit receuë. Et ain­si s'est aliené de Dieu, qui est la fontaine de justice & de tous biens, en sorte que sa nature est du tout corrompuë. Et estant aveuglé en son esprit, & depravé en son coeur, a perdu toute integrité sans avoir rien de reste. Et combien qu'il ait encore quelque discretion du bien & du mal, no­nobstant nous disons que ce qu'il a de clarté se couvertit en tenebres quand il est que­stion de chercher Dieu: tellement qu'il n'en peut nullement approcher par son in­telligence & raison. Et combien qu'il ait volonté par laquelle il est incité à faire ceci ou cela: toutefois elle est du tout captive sous peché: en sorte qu'il n'a nulle liberté à bien que celle que Dieu lui donne.
  • X. Nous croyons que toute la lignée d'A­dam est infectée de telle contagion qui est le peché originel, & un vice hereditaire, & non pas seulement une imitation, comme les Pelagiens ont vouln dire, lesquels nous detestons en leurs erreurs. Et n'estimons pas qu'il soit besoin de s'enquerir comme le peché vient d'un homme à l'autre, veu que c'est assez, què ce què Dieu lui avoit do [...] n'estoit pas pour lui seul, mais pour toute sa lignée: & ainsi qu'en la personne d'ice. lui, nous avons esté denuez de tous biens & sommes trébuchez en toute pauvretè & malediction.
  • XI. Nous croyons aussi que ce vice est vrayement peché qui suffit à condamner tout le genre humain, jusques aux petits enfans dés le ventre de la mere, & que pour tel il est reputé devant Dieu: mesmes qu'apres le Baptesme, c'est toûjours peché quant à la coulpe, bien que la condamna­tion en soit abolie és enfans de Dieu: ne la leur imputant point par sa bonté gratuite. Outre cela, que c'est une perversité produi­sant toûjours des fruits de malice & re­bellion, tels que les plus saints, encore qu'ils y resistent, ne laissent point d'estre enta­chez d'infirmitez & de fautes, pendant qu'ils habitent en ce monde.
  • XII. Nous croyons que de cette corru­ption & condamnation generale, en laquelle tous les hommes sont plongez, Dieu retire ceux lesquels en son conseil eternel & im­muable il a éleus per sa seule bonté & mi­sericorde en nostre Seigneur Jesus Christ, sans consideration de leurs oeuvres, laissant les autres en icelle mesme corruption & condamnation, pour demontrer en eux sa justice, comme és premiers il fait luire les richesses de sa misericorde Car les uns ne sont point meilleurs que les autres, jusques à ce que Dieu les discerne, selon son conseil immuable qu'il a determiné en Jesus Christ devant la creation du monde: & nul aus­si ne se pourroit introduire à un tel bien de sa propre vertu, veu que de nostre na­ture nous ne pouvons avoir un seul bon mouvement, ni assection, ni pensée, jusques à ce que Dieu nous ait prevenus, & nous y ait disposez.
  • XIII. Nous croyons qu'en icelui Jesus Christ tout ce qui estoit requis, à nostre salut nous a esté offert & communiqué. Le­quel nous estant donné à salut, nous a essé quant & quant fait sapience, justice, san­ctification, & redemption: en sorte qu'en declinant de lui, on renonce à la miseri­corde du Pere, où il nous convient avoir nostre refage unique.
  • XIV. Nous croyons que Jesus Christ estant la sagesse de Dieu & son Fils eter­nel, a vestu nostre chair, afin d'estre Dieu & homme en une personne, voire homme semblable à nous, passible en corps & en ame, sinon entant qu'il a esté pur de toute macule. Et quant à son humanité, qu'il a esté vraye semence d'Abraham & de Da­vid, bien qu'il ait essé conceu par la vertu secrette du Sainct Esprit. En quoi nous detestons toutes les heresies qui ont anci­ennement troublé les Eglises: & notam­ment aussi les imaginations diaboliques de Servet, lequel attribuë au Seigneur Jesus une Divinité fantastique, d'autant qu'il le dit estre idée & patron de toutes choses: & le nomme Fils personnel ou figuratif de Dieu: & finalement lui forge un corps de trois elemens incréez, & ainsi messe [Page]& destruit toutes les deux natures.
  • XV. Nous croyons qu'en une mesme personne, assavoir Jesus Christ, les deux natures sont vrayement & inseparablement conjointes & unies, demeurant neantmoins chacune nature en sa proprieté distincte: tellement que comme en cette conionction la nature Divine retenant sa proprieté est demeurée incrée, infinie, & remplissant tou­tes choses: aussi la nature humaine est de­meurée finie, ayant sa forme, mesure, & proprieté: & mesmes, bien que Jesus Christ en ressuscitant ait donné immorta­lité à son corps, toutefois il ne lui a pas osté la verité de sa nature. Et ainsi nous le considerons tellement en sa Divinité, que nous ne le dépoiiillons point de son huma­nité.
  • XVI. Nous croyons que Dieu envoyant son Fils a voulu montrer son amour & bon­té inessimable envers nous, en le livrant à la mort, & le ressuscitant pour accomplir soute justice, & pour nous acquerir la vie celeste.
  • XVII. Nous croyons, que par le sacri­fice unique que le Seigneur Jesus a offert en la croix, nous sommes reconciliez à Dieu pour estre tenus & reputez justes devant lui: pource que nous ne lui pouvons estre agreables ni estre participans de son adop­tion, sinon d'autant qu'il nous pardonne nos fautes, & les ensevelit. Ainsi nous pro­testons que Jesus Christ est nostre lavement entier & parfait: qu'en sa mort nous avons entiere satisfaction pour nous acquitter de nos forfaits & iniquitez, dont nous som­mes coupables & ne pouvons estre delivrez que par ce remede.
  • XVIII. Nous croyons que toute no­stre justice est fondée en la remission de nos pechez, comme aussi c'est nostre seule felicité, comme dit David. C'est pourquoi nous rejettons tous autres moyens de nous pouvoir justifier devant Dieu: & sans pre­sumer de nulles vertus ni merites, nous nous tenons simplement à l'obeïssance de Jesus Christ, laquelle nous est alloiiée, tant pour couvrir toutes nos fautes, que pour nous faire trouver grace & faveur devant Dieu. Et de fait, nous croyons qu'en declinant de ce fondement tant peu que ce soit, nous ne pourrions trouver ailleurs aucun repos, mais serions toûjours agitez d'inquietudes, d'autant que jamais nous ne sommes paisibles avec Dieu, jusques à ce que nous so­yons bien resolus d'estre aimez en Jesus Christ, veu que nous sommes dignes d'e­stre haïs en nous-mesmes.
  • XIX. Nous croyons que c'est par ce moyen que nous avons liberté & privilege d'invoquer Dieu, avec pleine fiance qu'il se montrera nostre Pere. Car nous n'au­rions aucun accez au Pere, si nous n'esti­ons adressez par ce Mediateur. Et pour estre exaucez en son Nom, il convient te­nir nostre vie de lui, comme de nostre chef.
  • XX. Nous croyons que nous sommes faits participans de cette justice par la seule fol: comme il est dit, qu'il a souffert pour nous acquerir le salut, afin que quiconque croira en lui, ne perisse point. Et que cela se fait d'autant que les promesses de vie qui nous sont données en lui, sont appropriées à nostre usage & en sentons l'effect, quand nous les acceptons, ne doutans point qu'e­stans asseurez par la bouche de Dieu, nous ne serons point frustrez. Ainsi la justice que nous obtenons par foi depend des promes­ses gratuites, par lesquelles Dieu nous de­clare & testifie qu'il nous aime.
  • XXI. Nous croyons que nous sommes illuminez en la soi par la grace secrete du Saint Esprit, tellement que c'est un don gratuit & particulier que Dieu depart à ceux que bon lui semble, en sorte que les fideles n'ont dequoi s'en glorifier, estans obligez au double, de ce qu'ils ont esté pre­ferez aux autres. Mesmes que la foi n'est pas seulement baillée pour un coup aux é­leus pour les introduire au bon chemin, ains pour les y faire continuer aussi jusques au bout. Car comme c'est à Dieu de faire le commencement, aussi c'est à lui de parachever.
  • XXII. Nous croyons que par cette foi nous sommes regenerez en nouveauté de vie, estans naturellement asservis à peché. Or nous recevons par foi la grace de vivre sainctement, & en la crainte de Dieu, en recevant la promesse qui nous est donnée par l'Evangile: assavoir, que Dieu nous donnera son Saint Esprit. Ainsi la foi non seulement ne refroidit pas l'assection de bien & sainctement vivre: mais l'engendre & excite en nous, produisant neceffaire­ment les bonnes oeuvres. Au reste, bien que Dieu pour accomplir nostre salut, nous regenere, nous reformant à bien faire: toutefois nous confessons que les bonnes oeuvres que nous faisons par la conduite de son Esprit, ne viennent point en conte pour nous justifier, ou meriter que Dieu nous tienne pour ses ensans, pource que nous serions toûjours flottans en doute & inquie­tude, si nos consciences ne s'appuyoient sur la satisfaction par laquelle Jesus Christ nous a aquitte [...].
  • XXIII. Nous croyons que toutes les figures de la Loi ont pris fin à la venuë de Jesus Christ. Mais combien que les cere­monies ne soient plus en usage, neantmoins la substance & verité nous en est demeurée en la personne de celui auquel gist tout ac­complislement. Au surplus, il nous faut ai­der de la Loi & des Prophetes: tant pour regler nostre vie, que pour estre con­firmez aux promesses de l'Evangile.
  • XXIV. Nous croyons, puis que Jesus Christ nous est donné pour seul Advocat, & qu'il nous commande de nous re­tirer privément en son Nom vers son Pere, & mesmes qu'il ne nous est pas licite de prier sinon en suivant la forme que Dieu nous a dictée par sa parole: que tout ce que les homme ont imaginé de l'in­tercession des Saints trépassez, n'est qu'a­bus & fallace de Satan, pour faire dévoyer les hommes de la forme de bien prier. Nous rejettons aussi tous autres moyens que les hommes presument avoir pour se rache­ter [Page]envers Dieu, comme dérogeans au sacrifice de la mort & passion de Jesus Christ. Finalement nous tenons le purga­toire pour une illusion procedée de cette mesme boutique: de laquelle sont aussi pro­cedez les voeux Monastiques, pelerinages, defenses du mariage, & de l'usage des vi­andes, l'observation ceremoniale des jours, la confession auriculaire, les indulgences, & toutes autres telles choses, par lesquelles on pense meriter grace & salut. Lesquelles choses nous rejettons, non seulement pour la fausse opinion du merite qui y est atta­ché, maisaulli parce que ce sont inventions humaines, qui imposent joug aux consciences.
  • XXV. Or pource que nous ne jouïssons de Jesus Christ que par l'Evangile, nous cro­yons que l'ordre de l'Eglise, qui a esté esta­bli en son authorité, doit estre sacré & in­violable, & pourtant que l'Eglise ne peut consister, sinon qu'il y ait des Pasteurs qui ayent la charge d'enseigner, lesquels on doit honorer & écouter en reverence quand ils sont deuëment appellez, & exercent fi­delement leur office. Non pas que Dieu soit attaché à telles aides ou moyens inferi­eurs: mais pource qu'il lui plaist nous en­tretenir sous telle bride. En quoi nous de­testons tous fantastiques, qui voudroient bien, entant qu'en eux est, aneantir le ministere, & predication de la l'arole & des Sacre­mens.
  • XXVI. Nous croyons done que nul ne se doit retirer à part, & se contenter de sa personne: mais que tous ensemble doi­vent garder & entretenir l'union de l'E­glise, se soumetans à l'instruction commune, & au joug de Jesus Christ: & ce en quel­que lieu où Dieu aura establi un vrai or­dre d'Eglise, encore que les Magistrats & leurs edits y soient contraires, & que tous ceux qui ne s'y rangent, ou s'en separent, contrarient à l'ordonnance de Dieu.
  • XXVII. Toutefois nous croyons qu'il convient discerner soigneusement & avec prudence quelle est la vraye Eglise: pource que par trop on abuse de ce titre. Nous di­sons done, suivant la parole de Dieu, que c'est la compagnie des sideles, qui s'accor­dent à suivre cette parole, & la pure religi­on qui en depend, & qui prositent en elle tout le temps de leur vie, croissans & se confirmans en la crainte de Dieu, selon qu'ils ont besoin de s'avancer & marcher toûjours plus outre. Mesme quoi qu'ils s'ef­forcent, qu'il leur convient avoir incessam­ment recours à la remission de leurs pe­chez: neartmoins nous ne nions point que parmi les fideles, il n'y ait des hypocrites & reprouvez, desquels la malice ne peut effacer le titre de l'Eglise.
  • XXVIII. Sous cette creance nous protestons que là où la parole de Dieu n'est point receuë, & où on ne fait nulle pro­fession de s'assujettir à elle, & où il n'y a nul usage des Sacremens: à parler propre­ment, on ne peut juger qu'il y ait aucune Eglise. Pourtant nous condamnons les as­semblées de la Papauté, veu que la pure ve­rité de Dieu en est bannie, esquelles les Sa­cremens sont corrompus, abastardis, [...] fiez, ou aneantis du tout: & esquelles to [...] superstitions & idolatries ont la vog [...] Nous tenons donc que tous ceux qui se me­lent en tels actes, & y communiquent, se se parent & retranchent du corps de Jesus Christ. Toutefois, pource qu'il reste en­core quelque petite trace d'Eglise en la Papauté, mesmes que la substance du Bap­tesme y est demeurée, joint que l'efficace du Baptesme ne depend pas de celui qui l'administre: nous confestons ceux qui y sont baptizez n'avoir besoin d'un second Baptesme. Cependant à cause des corrup­tions qui y sont, on n'y peut presenter les ensans sans se polluer.
  • XXIX. Quand est de la vraye Eglise, nous croyons qu'elle doit estre gouvernée selon la police que nostre Seigneur Jesus Christ a establie: c'est qu'il y ait des Pa­steurs, des Surveillans & Diacres, afin que la pure doctrine ait son cours, que les vices soient corrigez & reprimez, & que les pau­vres & tous autres assligez soient secourus en leurs necessitez: & que les assemblées se facent au Nom de Dieu, esquelles grands & petits soient edifiez.
  • XXX. Nous croyons tous vrais Pasteurs en quelque lieu qu'ils soient, avoir mesme authorité & egale puissance sous un seul chef, seul souverain, & seul universel Eves­que Jesus Christ: & pour cette cause, que nulle Eglise ne doit pretendre aucune do­mination ou seigneurie sur l'autre.
  • XXXI. Nous croyons que nul ne se doit ingerer de son authorité propre pour gouverner l'Eglise: mais que cela se doit faire par election, entant qu'il est possible, & que Dieu le permet. Laquelle excepti­on nous y adjoûtons notamment, pource qu'il a falu quelquesfois, & mesmes de nostre temps, (auquel l'estat de l'Eglise estoit interrompu) que Dieu ait suscité des gens d'une façon extraordinaire, pour dres­ser l'Eglise de nouveau qui estoit en ruïne & desolation. Mais quoi qu'il en soit, nous croyons qu'il se faut toûjours conformer à cette regle: Que tous Pasteurs, Surveil­lans & Diacres avent témoignage d'estre appe'lez à leur office.
  • XXXII. Nous croyons aussi qu'il est bon & utile, que ceux qui sont éleus pour estre superintendans, advisent entr'eux quel moyen ils devront tenir pour le regime de tout le corps: & toutefois qu'ils ne de­clinent nullement de ce qui nous en a esté donné par nostre Seigneur Jesus Christ. Ce qui n'empesche point qu'il n'v ait quel­ques ordonnances particulieres en chacun lieu, selon que la commodité le requerra.
  • XXXIII. Cependant nous excluons toutes inventions humaines, & toutes loix qu'on voudroit introduire sous ombre du service de Dieu par lesquelles on voudroit lier les consciences, mais seulement rece­vons ce qui fait & est propre pour nour­rir la concorde, & tenir chacun depuis le premier jusqu'au dernier en obeïssance. En quoi nous avons à suivre ce que nostre [Page]Seigneur Jesus a declaré quant à l'excom­munication: laquelle nous approuvons & confessons estre necessaire avec toutes ses appartenances.
  • XXXIV. Nous croyons que les Sacre­mens sont adjoustez à la parole pour plus ample confirmation, afin de nous estre [...]ages & marreaux de la grace de Dieu, & [...]ar ce moyen aider & soulager nostre foi, à cause de l'infirmité & rudesse qui est en nous: & qu'ils sont tellement signes exte­neurs, que Dieu opere par eux en la vertu de son Esprit, afin de ne nous y rien signifier en vain, toutefois nous tenons que toute leur substance & verité est en Jesus Christ: & si on les separe, ce n'est plus rien qu'ombrage & fumée.
  • XXXV. Nous en confessons seulement deux, communs à toute l'Eglise, desquels le premier qui est le Baptesme, nous est donné pour témoignage de nostre adopti­on: pource que là nous sommes entez au corps de Christ, afin d'estre lavez & net­toyez par son sang, & puis renouvelez en saincteté de vie par son Saint Esprit. Nous tenons aussi combien que nous ne soyons baptizez qu'une fois, que le profit qui nous est là signifié s'estend à la vie & à la mort, afin que nous ayons une signature perma­nente, que Jesus Christ nous sera toûjours justice & sanctification. Or combien que ce soit un Sacrement de foi & de peni­tence, neantmoins pource que Dieu reçoit en son Eglise les petits enfans avec leurs peres, nous disons que par l'authorité de Jesus Christ les petits enfans engendrez des fideles doivent estre baptizez.
  • XXXVI. Nous confessons que la saincte Cene (qui est le second Sacrement) nous est un témoignage de l'union que nous avons avec Jesus Christ: d'autant qu'il n'est pas seulement une fois mort & reffuscité pour nous, mais aussi nous repaist & nourrit vrayement de sa chair & de son sang, à ce que nous soyons un avec lui: & que sa vie nous soit commune. Or com­bien qu'il soit au Ciel jusques à ce qu'il vienne pour juger tout le monde: toutefois nous croyons que par la vertu secrette & in­comprehensible de son Esprit, il nous nour­rit & vivifie de la substance de son corps & de son sang. Nous tenons bien que cela se fait spirituellement, non pas pour mettre au lieu de l'effect & de la verté imagination ni pensée: mais d'autant que ce mystere surmonte en fa hautesse la mesure de nostre sens, & tout ordre de nature. Bref, pource qu'il est celeste, il ne peut estre appre­hendé que par foi.
  • XXXVII. Nous croyons (ainsi qu'il a esté dit) que tant en [...] la Cene qu'au Baptesme Dieu nous donne reellement & par effect ce qu'il y figure. Et pourtant nous conjoignons avec les signes la vraye possession & jouïssance de ce qui nous est là presenté. Et ainsi tous ceux qui appor­tent à la table sacrée de Christ une pure foi comme un vaisseau, reçoivent vraye­ment ce que les signes y testifient: c'est que le corps & le sang de Jesus Christ ne servent pas moins de manger & de boire à l'ame, que le pain & le vin font au corps.
  • XXXVIII. Ainsi nous tenons que l'eau estant un element caduque, ne laisse pas de nous testifier en verite le lavement interieur de nostre ame au sang de Jesus Christ, par l'efficace de son Esprit: & que le pain & le vin nous estans donnez en la Cene nous servent vrayement de norritu­re spirituelle: d'autant qu'ils nous mon­trent comme à l'oeil, la chair de Jesus Christ nous estre nostre viande, & son sang nostre breuvage. Et rejettons les fan­tastiques & sacramentaires, qui ne veulent recevoir tels singes & marques: veu que nostre Seigneur Jesus prononce, Ceci est mon corps, & cette coupe est mon sang.
  • XXXIX. Nous croyons que Dieu veut que le monde soit gouverné par loix & polices, afin qu'il y ait quelques brides pour reprimer les appetits desordonnez du monde. Et ainsi, qu'il a astabli les Royau­mes, Republiques, & toutes autres sortes de Principautez, soit hereditaires ou au­trement, & tout ce qui appartient à l'e­stat de justice, & en veut estre reconnu auteur. A cette cause il a mis le glaive en la main des Magistrats pour reprimer les pechez commis, non seulement contre la seconde table des Commandemens de Dieu, mais aussi contre la premiere. Il faut donc à cause de lui, que non seulement on endure que les Superieurs dominent, mais aussi qu'on les honore & prise en toute reverence, les tenant pour ses Lieutenans & Officiers, lesquels il a commis pour exercer une charge legitime & sainte.
  • XL. Nous tenons donc qu'il faut o­beïr à leurs loix & statuts, payer tributs, imposts, & autres devoirs, & porter le joug de subjection d'une bonne & franche volonté, encore qu'ils fussent infideles, moyennant que l'empire souverain de Dieu demeure en son entier. Ainsi nous detestons ceux qui voudroient rejetter les superioritez, mettre communauté & con­fussion de biens, & renverser l'ordre de Justice.
FIN.

PRIERE DƲ MATIN.

NOstre bon Dieu, Pere & Sauveur, puis qu'il t'a pleu nous faire la grace de paster la nuict pour venir jusques au jour pre­sent, vueille nous aussi maintenant faire ce biën, que nous l'employons tout a ton ser­vice: tellement que nous ne pensions, ne disions, ne facions rien, sinon pour te com­plaire & obëir à ta bonne volonté, afin que par ce moven toutes nos oeuvres soient à la gloire de ton Nom & à l'edification de nos prochains. Et comme il-te plaist de faire luire ton Soleil sur la terre pour nous éclairer corporellement, vueilles aussi par la clarté de ton Esprit illuminer nos en­tendemens & nos coeurs pour nos adresser à la droite voye de ta justice. Ainsi à quel­que chose que nous nous appliquions, que toûjours nostre principale fin & intention soit de cheminer en ta crainte, te servir & honorer, attendans tout nostre bien & no­stre prosperité de ta seule benediction, afin de ne rien entreprendre qui ne te soit a­greable. Divantage, travaillans tellement pour nos corps & pour la vie presente, nous regardions toûjours plus, loin, à sçavoir à la vie celesse, laquelle tu as promise à tes en­fans. Neantmoins qu'il te plaise & selon le corps & selon l'ame estre nostre prote­cteur, nous fortifiant contre toutes les ten­tations du diables, & nous delivrant de tous les dangers qui, nous pourroient ad­venir.

Et pource que ce n'est rien de bien com­mencer qui ne persevere, vueille nous non seulement pour ce jourd'hui recevoir en ta sainte conduite, mais pour toute nostre vie: continuant & augmentant journellement ta grace en nous, jusques à ce que tu nous ayes amenez à la pleine conionction de ton Fils Jesus Christ nostre Seigneur, qui est le vrai Soleil de nos ames, luisant jour & nuict sans sin & à perpetuite. Et afin que nous puis­sions obtenir telles graces de toi, vueille ou­blier toutes nos fautes passces, nous les par­donnant par ta misericorde infinie, co [...] tu as promis à tous ceux qui t'en re [...] ront de bon coeur. Exauce nous no [...] Dieu, nostre Pere & Sauveur, par no [...] Seigneur Jesus Christ, au Nom duquel no [...] te supplions comme il nous a enseig [...] disans, Nostre Pere, &c.

PRIERE DƲ SOIR.

Seigneur Dieu, puis qu'il t'a pleu [...] la nuict pour le repos de l'homme comme tu lui as ordonne le jour pour tra­vailler, vueille nous faire la grace de tel­lement reposer cette nuict selon le corps que nostre ame vueille toûjours à toi, & que nostre coeur soit élevé en ton amour & que tellement nous nous demettions de toutes solicitudes terriennes, pour nous sou­lager selon que nostre infirmité le requiert, que jamais nous ne t'oublions, mais que la souvenance de ta bonté & grace demenre toûjours imprimée en nostre menjoire & que par ce moyen nostre conscience [...] aussi bien son repos spirituel comme le corps prend le sien. Davantage, que nostre dor­mir ne soit point excessif pour complaire outre mesure à l'aise de nostre chair, mals seulement pour satisfaire à la frapilité de nostre nature, afin de nous mieux disposer à ton service. Aussi qu'il te plaise nous con­server impollus tant en nostre corps qu'en nostre esprit, & nous garder contre tous dangers, à ce que nostre dormir meline soit a la gloire de ton Nom. Et pource que le jour ne c'est point passe que nous ne t'ayons offensé en plusieurs sortes, selon que nous sommes pauvres pecheurs: ainsi que tout est maintenant caché par les tene­bres que tu envoyes sur la terre, vueilles aussi ensevelir toutes nos sautes par ta misericorde, afin que par icelles nous ne soyons point reculez de ta face. Exauce nous nostre Dieu, nostre Pere, & Sauveur, par nostre Sei­gneur Jesus Christ, au Nom duquel nous te prions, disans, Nostre Pere, &c.

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