[Page] DISCOVRS VERITABLE DE DIVERSES CONSPIRATIONS nagueres descouuertes contre la propre vie de la tresexcellente Maiesté de la Roine: par assassinemens autant barbares, comme sa conseruation a esté miraculeuse de la main du tout puissant, opposée aux desseings pernicieux de ses Anglois rebelles, & aux violences de ses trespuissants ennemis estrangers.
A LONDRES Imprimé par Charles Yetsweirt Esq. Nouembr. 1594.
RECIT VERITABLE DE MAINTES conspirations horribles Complottées par plusieurs traistres & rebelles Anglois auec quelques puissans ennemis estrangers contre la propre personne de la tresexcellente Maieste de la Royne.
C'Est vne chose hors de doubte, que la diuersite des Iudgemens des hommes est au iourdhuy grande par le monde sur les actions de ces deux grands Rois & Princes, ascauoir la Roine d'Angleterre & le Roy d'Espagne, durant le cours de leurs inimities & querelles: de forte, que de part & d'autre, les amis & ennemis, selon qu'ils sont pousséz de leurs humeurs, repaissent aussi le monde de rapports proportionnez a leurs affections passionées, cestui ci condemnant, cestuy la recommendant, les actions de l'un ou de l'autre.
Si n'y a il en toutes choses qu'vne verité, au niueau de laquelle touts rapports doiuent estre compasséz & reforméz. Et ne fault poinct doubter, qu'entre tous peuples il ny en ait tousiours de toutes sortes de degres & vocations, lesquels, sans se laisser emporter au vent de la faueur de l'un ou de l'autre de ces deux grands Princes par les aisles [Page 4] de leurs affections & passions desordonnées, scauent bien mettre du poix & du temperement à la precipitation de leurs iugements, sans prononcer ou mettre en auant ny sentence ny opinion partialle, so it en faueur, ou bien en disgrace & desfaueur de l'vn de ces deux Princes.
Or ceux de ceste tierce espece & disposition estans en grand nombre, en cas qu'ils puissent estre pleinement informez par preuues manifestes & suffisantes, des actions & des iustes causes des comportemens mutuels de ces Princes l'vn enuers l'autre, & par ce moien poser vn fondement solide à leurs condemnations ou approbations: sans doubte, par leurs opinions bien digerees & leurs iugemens affermis sur le fondement d'vne verité indubitable, oultre le contentement & satisfaction particuliere qu'ils en recuilleront, ilz viendront en oultre à dessiller les yeux de plusieurs qui maintenant sont partializez, à ce que par le lustre & le regard de la verité, ilz puissent reformer leurs conceptions & discours, & iuger des actions de ces deux Princes selon la regle d'equité & droicture.
Mais de former vne conclusion tellement fortifiée de bonnes preuues, qu'elle puisse donner resolution aux esprits qui restent en suspens, & conueincre l'erreur de plusieurs, qui sans malice affectée sont aultrement persuadez: c'est chose à l'aduenture, [Page 5] qui peult sembler de prime face, ou du tout impossible, ou du moins certes tresdifficile.
Et toutesfois, attendu que pour la pluspart les faux rapports prennent leur forme & fondement sur des coniectures extrauagantes & des opinions particulieres, que les esprits des hōmes bizarrez viennent à tordre en diuers sens & contraires, plustost que sur la connoissance d'vne verité bien prouuée & du tout inuariable: ceste seule preuue de laquelle nous vserons, comme estant la plus propre, pourra satisfaire à bon droict, à tous ceux qui paisiblement vouldront acquiescer à la force de la verité & raison: c'est d'exposer à la veuë publicque des hommes, les faicts & actions de ces deux grands Princes: et ce auec vne clarte si manifeste, que la verité ne puisse honestement estre desmentie ni desfiguree par vn sens contraire. Par cela tout le monde conoistra clairement, combien sont iniustes & deshonestes les actions du Roy d'Espagne & de ses ministres à l'encontre de la Roine d'Angleterre: & combien ilz sont contraires à tous reglements militaires, aux respects mutuels des Princes, & à touts exemples d'humanité Chrestienne obseruez de tout temps, mesmes en l'ardeur des guerres, cōtentions, & querelles qui suruiennent entre les Princes. Car ceux-cy ont laschement attenté de rauir la [Page 6] vie à la Roine d'Angleterre, non par armes & par les actiōs ordinaires de la guerre, mais clandestinement & par assassinats recerchéz en diuerses sortes: Chose qui depuis le commencement du monde, lors que Cain le premier meurtrier tua son frere Abel, à tousiours esté detestée & de Dieu & des hommes: c'est ainsi que ce Roy à tousiours voulu poursuiure le cours de ses iniustes & ambitieuses entreprinses pour ranger soubz l'honneur de ses conquestes les Prouinces & Roiaumes d'vne telle Princesse apres qu'il l'auroit ainsi valereusement veincue. Cela dy ie estant à plein verifié par vne manifestation indubitable des actions du Roy d'Espagne d'vn costé, sans que iamais on ait attenté ny pourpensé aucun faict semblable de la part de la Royne d'Angleterre, tout le monde pourra toucher au do it le quel de ces deux Princes est à condamner, & les actions à detester selon la regle d'honnesteté & iustice.
Or ie dy qu'il ne se peult nier, que la vie de la Roine d'Angleterre n'ait este cy deuant & souuentesfois recerchée par des meurtriers apostez, desquels plusieurs ont esté apprehendez, iustement condamnez, & publicquement executez à mort. Et en quelques vngs de tels attentats ont este enueloppez aucuns des ministres du Roy d'espagne Bernardin de Mendoze comme Bernardin de Mendoze & ses semblables. [Page 7] Mais oultre tout cela, que le mesme n'ait esté notoirement proiecté & poursuiui, principalement par les practiques Espagnoles, cela fut, n'a pas long temps, du tout manifesté par l'apprehension, confession, condemnation, & execution de trois Portugais, lesquels apres auoir este saisis, atteints, conueincus, & selon leur propre confession, condamnez, quand ilz furent es places de leur execution, demanderent, pur ce regard, pardon à Dieu publiquement auec signes d'une vraie repentance, & persisterent constamment iusques à la fin en leurs affirmatiues, auec grandes exclamations contre le Roy d'Espagne & ses ministres, par lesquels ilz auoient este mis en besoigne & pur la fin seellerent de leur propre sang leurs confessions estre veritables.
Ceux qui furent ainsi condemnez, estoient vn certaine Docteur Lopez Portugais, de long temps Lopez aiant eu cest honneur d'auoir esté retenu pour domestique & l'vn des medecins de la Royne, les aultres estoient aussi Portugais nagueres reconciliez & reduictz au seruice du Roy d'Espagne: & neant moins auec quelques couleurs & pretextes, residens ou frequentans en ce Roiaume. L'vn estoit nomme Stephano Ferrera de Gama, aiant Stephano Ferrera de Gama iusques alors esté tenu en Portugal, pour homme de quelque qualité et en bonne reputation et estime, [Page 8] l'aultre estoit Manuel Lewis Tinoco, lequel Manuel Lewis Tinoco. auoit acces et credit auec les counseillers du Roy d'Espagne en Bruxelles.
Or furent ces trois solicitez et amorcez par promesses de grandes recompenses d'attenter vn si vilain acte & horrible, & d'en promettre l'effect, & ce, en la personne d'vne dame, d'vne fille, d'vne Roine sacree, d'vne qui a regné auec plus d'honneur & de felicité par lespace de trentesix ans entiers, & auec plus de ioie et de contentement de son peuple, qu'aucun aultre de ses predecesseurs, sans ceder à pas vn d'entre eux. Et pour verifier comment & par qui ceux ci furent pratiquez pour l'execution d'vn faict tant enorme, les preuues que sur cela nous auons maintenant à produire en feront foy suffisante: lesquelles consistent en vn fidelle recit des confessions des parties tant par leurs propres bouches, que par les escrits qu'ils en ont faictz de leurs mains, esquelles ilz ont persisté constamment iusques à la mort auec repentance de leurs faultes.
Premierement le medecin Lopez, lequel deuoit Lopez. perpetrer ce forfaict par poizon quil donneroit à sa Maiesté, a cōfessé que ces dernieres annees il auro it este in duict à faire secretement seruice au Roy d'Espagne par le moien d'vn certain Manuel Andrada Manuel Andrada. Portugais, hōme pour lors fort emploié en [Page 9] France par dom Bernardin Ambassadeur là resident Bernardin pour le Roy d'Espagne. Par cestui là Lopez receut vn ioiau de grand prix garni d'vn grand Diamant & d'vn grand Rubi, que le dict Andrada Andrada luy presenta de la part de Christofero de Moro special counseiller du Roy d'Espagne, duquel aussi, Christofero de Moro selon qu'il disoit, il receut & apporta au mesme Docteur de la part du Roy mesme d'Espagne, vn accolade pour l'accourager à lui continuer son seruice à couuert.
Lopez confessa en oultre, auoir esté informé du desir affectionné du Roy d'Espaigne, pour le Lopez gaigner à son seruice: non seulement par Andrada, Andrada mais aussi par Roderoquo Marques Portugais homme communément employé en semblables Roderoquo Marques pratiques par le Roy d'Espaigne. Le medecin donc gaigné par telles inductions, donna son consentement, & enuoya souuent en secret des aduertissements au Roy d'Espaigne, touchant les occurrences & actions de la Maiesté de la Royne, selon qu'a raison de sa charge, il en pouuoit auoir cognoissance.
Apres cela, sur les diuerses ouuertures qui luy furent faites, il consentit à ceste damnable entreprise d'oster par poison la vie à la Roine sa Maitresse, sur la promesse de recompense qui luy fut faite de la somme de 50000. escuts. A ceste fin il enuoya [Page 10] premierement à Calais Andrada pour conferer Andrada. auec le Comte de Fuentes: puis attiltra l'aultre Fuentes Stephano Ferrera de Gama Stephano Ibarra. Lopez Gomez d' Auila Fuentes Portugais appellé Stephano Ferrera de Gama, pour escrire des lettres à Stephano Ibarra, Secretaire du Roy à Bruxelles: lesquelles furent enuoiées, selon l'ordonnance de Lopez, par Gomez d'Auila Portugais, pour asseurer le Secretaire Ibarra & le Comte de Fuentes, que suiuant sa promesse il entreprendroit resoluement de depescher par poison la Maiesté de la Royne: pourueu qu'ilz eussent pouuoir pour luy deliurer la somme de cinquante mille escuts, dont on luy auoit fait offre.
Or ont esté toutes ces mesmes choses confirmées par les deux aultres Portugais Ferrera & Lewis: lesquels aussi, selon leur confession, conspirerent Ferrera Lewis en la mesme enterprise auec la Medecin. Et encores que le delay de cest exploit soit veritablement aduenu par la bonté & prouidence de Dieu speciale enuers ceste sienne Royne & Princesse, neantmoins, tant le Medecin, que les deux aultres Portugais, ont confessé ce retardement auoir este du tout contre leur intention & propos: pour nauoir peu estre fournis à temps les cinquante mille escuts: lesquels on promettoit bien de iour en iour, mais la prouision en estoit retardée, pource que le Roy d'Espagne ne trouuoit à propos de commettre vn affaire de telle importance à Andrada Andrada [Page 11] homme estimé de trop basse estoffe. Il desiroit plustost que cest affaire fust mesnagé par Ferrera Ferrera homme de reputation plus grande. Le Docteur donc ayant derechef asseuré par cestuy là l'execution de son vilain & malheureux desseing: en fin par l'ordonnance du Roy d'Espagne les lettres de change, pour ceste somme, furent de liurées par le Comte de Fuentes. Cela arriua au mesme instant qu'il pleut à la bonté de Dieu tant enuers sa Maiesté Fuentes que tout son estat & son peuple, permettre que ceste conspiration fust heureusement descouuerte, par le grand soing & diligence de l'un des Seigneurs du priué Conseil de sa Maiesté: & par ce moyen, tous ces trois criminels furent distinctement apprehendez auec leurs lettres & escrits, esquels estoient exprimez, auec leurs actions & conseils, les reglements pour cest effect des conseilliers Espagnols, tant en Espagne, qu'a Bruxelles.
Le second Criminel qui estoit Stephano Ferrera Stephano Ferrera de Gama de Gama, a confessé auoir eu premierement intelligence de ceste deliberation d'empoyzonner sa Maiesté par l'adresse du Comte de Fuentes & du Secretaire Ibarra: lequel cōseil Manuel Lewis afferme Fuentes Ibarra Manuel Lewis pareillemēt auoir esté par luy notifié à Ferrera tant par escrit, que par paroles, de la part des susdits deux conseillers. En oultre Ferrera confesse Ferrera [Page 12] auoir receu diuerses lettres sur ce subiect de Christofero Moro, & mutuellement luy auoir enuoié responce Christofero Moro▪ pour le tenir informé de ses procedures: comme aussi il auoit receu diuerses lettres de Manuel Lewis resident à Bruxelles, touchant les occurrenses Manuel Lewis de delà. A confessé d'auantage auoir escrit des lettres par mandement du Docteur Lopez au Secretaire Jbarra, par lesquelles il faisoit offre & Lopez Ibarra promesse au nom de Lopez de l'exploict de cest horrible faict de l'empoizonnement de la Royne, Lopez auec la cōdition de remunerer. Lopez de la somme de 50000 escuts. Que ces lettres furent protées à Lopez Ibarra, par Gomez d'Auila Portugais, par l'addresse Ibarra Gomes d' Auila Lopez Gomez Manuel Lewis Ferrera Fuentes Ibarra Ferrera & aux fraiz du Docteur Lopez: ce que Gomez a semblablement confessé. D'aultre part Manuel Lewis fut aussi expressément enuoié en Angleterre vers Ferrera par le Comte de Fuentes & Jbarra, pour l'induire à conferer promptement auec Lopez touchant ceste enterprise, ce que luy Ferrera, confessé auoir faict à diuerses fois.
La confession de Manuel Lewis porte qu'il fut premierement informé de ce desseing d'empoisonner Manuel Lewis la Roine par le Comte de Fuentes, lequel par son Secretaire luy fit monstrer la lettre escrite Fuentes par Andrada au dit Comte au nom du Docteur Andrada pour effectuer ceste enterprise, laquelle lettre alors luy deposant auroit leuë. A confessé pareillement [Page 13] que lors qu'il fut enuoié en Angleterre par ledit Comte de Fuentes pour traicter auec le Docteur Fuentes Stephano Ferrera Lopez Ferrera & auec Stephano Ferrera sur l'execution de ce forfaict, le Comte le requist de faire que Lopez fust bien aduerti par Ferrera, que le Comte auoit receu mandement du Roy d'Espagne, d'induire Lopez à l'execution de son faict en toute diligense, Lopez pour donner au Roy par ce moien, vne plaisante & gaillarde Pasque. Ainsiarriua il en Angleterre là ou par trois diuerses fois il eut conference sur ce subiect: apres que sur son partement de Bruxelles, le Comte de Fuentes & le Secretaire Jbarra, luy Fuentes Ibarra firent prester serment d'estre fidelle & secret en cest affaire, ce qu'il fit en leur presence.
Aussi apporta il vn particulier message du Comte à Ferrera, pour haster le Docteur Lopez à l'execution de son faict auec promesses d'honneurs Ferrera Lopez & de recompenses par dessus les 50000 escuts, & de grands aduācements pour les enfans du Docteur: L'asseurant qu'il auoit mandement du Roy d'Espagne, de donner à Lopez tout ce qu'il Lopez voudroit demāder, pour mener à fin ceste grande entreprise. Pour la fin, Manuel Lewis auoit aussi Manuel Lewis Fuentes apporté par mandement du Comte de Fuentes deux lettres de change d'vne somme d'argent pour estre monstrées au Docteur Lopez, & ainsi haster l'execution de cest affaire. Mais Ferrera & Lopez Ferrera [Page 14] Lopez, furent apprehendez deuant que lesdictes Lopez lettres de change fussent presentées & monstrées à Lopez: Et neantmoins sur la recerche qui s'en fist, elles furent puis apres trouuées sur Manuel Lewis Manuel Lewis Gonzalo Gomez Pedro de Carreras Ian Pallacios Francisco de Torres & sont encores en estre pour estre exibées & veuës, aians esté escrites par vn Gonzalo Gomez à Pedro de Carreras, & vn aultre par le mesme Gomez à Ian Pallacios: en laquelle lettre est faicte mētion de fairele paiement à quelqu'vn designé par le nom de Francisco de Torres, mais en effect & verité à Manuel Lewis. Car en diuerses affaires maniées par ledict Lewis, selon sa propre confession, on estoit d'accord qu'il prendroit le nom de Francisco de Torres.
Sa confession porte d'auantage, que quand Gomez d' Gomez d' Auila Ferrera Fuentes Auila, eut porté les lettres de Ferrera pour certiorer le Comte de Fuentes, que Lopez aiant l'asseurance de 50000. escuts, effectueroit son entreprise: Ledict d'Auila demeura tout vn mois sans responce, d'autant que le Comte attendoit plus ample resolution d'Espagne. Gomez neantmoins retourna apportant parole à Ferrera que si tost que le Comte auroit du Roy resolution plus certaine, Manuel Lewis seroit enuoié en Angleterre auec la mesme resolution. Et c'est suiuant cela, que ceste resolution aiant esté apportée d'Espagne, Manuel Lewis dict auoir esté enuoié en Angleterre [Page 15] auec deux lettres, l'un du Comte, l'autre d' Jbarra, dattées à Bruxelles le 12. & 14. de Decemb. 1593. Ibarra
Il se pourroit tirer beaucoup d'autres preuues des manifestes circonstances exprimées tant en l'examen de ces trois hommes, qu'en leurs escrits, partie interceptez par le chemin, partie saisiz auec eux, lors qu'ilz furent apprehendez: pour verifier que la source de ces malheureux desseings & plusque paiennes actions, est procedée du Roy d'Espagne & de ses conseillers. Mais attendu la cōcurrence entiere, sans aucune contrarieté ou varieté, de ces trois Portugais en toutes leurs confessions cy dessus recitées, la preuue est asses notoire, qu'ils estoient attiltrez à cest effect, nomméement par les counseillers du Roy d'Espagne, lesquels aussi se disent auoir eu mandement de leur Roy pour cest effect: sans qu'autrement il y eust en eux aucune mauuaise disposition ou malice precedente enuers sa Maiesté, & sans aucune iniure ou dommage par eux receus de la part ou de la Royne, ou de ses subiects. Et sur cela la repentance de Manuel Lewis pour son forfaict contre sa Maiesté est bien Manuel Lewis considerable, selon que bien peu deuant sa mort, aiant escrit de sa propre main le recit de tous ses comportements en ceste action, il en faict la conclusion par ces paroles: Dieu doint par sa diuine mercy que toutes ces choses machinées & proiectèes [Page 16] par le Roy d'Espagne contre la Maiesté de la Roine, ne puissent iamais auoir aucun effect. Et Dieu doint par sa bonté que toutes ces traisons ainsi ourdies puissent estre descouuertes & rompues, en prolongeant par longues années la vie de sa Maiesté, auec adiunction de plus grands estats, selon qu'elle le merite & que ses loiaux subiects le desirent.
Or ces choses bien considerées informent à plein tout le monde, pour iuger, nonobstant tous desguisemens contraires, auec quelle fureur & barbarie la Royne d'Angleterre est indignement oultragée: Et combien le Roy d'Espagne, par le propre tesmoignage de ses Counseillers intimes, merite d'estre condamné deuant Dieu & les hommes: si ce n'est qu'apres, en estre informé, il se vueille descharger de l'imputation & diffame d'vn si vilain crime deuant Dieu, par vne punition convenable de ses Counseillers, tant pour leurs propres faictz que pour leurs rapports & diffames: si tant est que faussement ilz les aient forgez de luy, qui eft leur Roy & leur Prince. Mais en cas qu'il mesprize de s'aquiter de ce deuoir, nul ne pourra blasmer sa Maiesté si elle se pouruoit par quelque aultre voie, ce que iusques à present elle a differé de faire: comme aussi elle a negligé la publication de ce subiect odieux, si non entant qu'il a esté [Page 17] rendu notoire, par l'examen & iugement qui s'en est faict au veu & sceu d'vn chacun, en la ville de Lōdres: sa Maiesté aiant esperé depuis ce temps là, que quelque chose se feroit de la part dudict Roy, pour se lauer d'vne tache si laide & infame: de la quelle aultrement, il demeurera flestri iusques à la fin du monde.
Or maintenant, pour plus ample cōfirmation que ces premiers attentats ont esté forgez en la boutique des ministres du Roy d'Espagne, il est expedient qu'vn chacun connoisse que ceste conspiration aiant esté descouuerté, confessée, publicquement punie ce mois de Iuin dernier, par l'execution de ces trois Portugais: Neantmoins soudain apres que ce desseing des Portugais fut aneanti, il se renouä & conclud à Bruxelles vne seconde coniuration semblable, pour l'assassinement de sa Maiesté, de laquelle estoit l'auctheur principal le secretaire Stephano Ibarra, qui en procuroit S. Ibarra l'execution par certains Anglois: lesquels aussi par la mesme bonté de Dieu furent apprehendez arriuans en Angleterre, pour attenter ce forfaict execrable.
Les noms de ceux-là sont Edmond Yorke & E. Yorke R. Williams Richard VVilliams maintenant prisonniers en la tour de Londres, lesquels ont confessé le faict en la maniere qui sera dicte: Et le tiers de leur cō pagnie [Page 18] estoit vn nommé Yong, qui deuoit estre emploie à tuer l'vn des principaux & grands Yong Conseillers d'Angleterre.
Edmond Yorke, confesse que quand on traicta Edmond Yorke auec luy d'attenter contre sa Maiesté, on luy monstra, par l'entremise de Hugues Owen Anglois rebelle & pensionnaire d'Espagne, vne assignation Hugues Owen par escrit, soubz signée du secretaire Jbarra, pour asseurance du paiement de la somme de quarante Ibarra mille escuts qui luy seroit donnée par le Roy d'Espagne, au cas quil vint à tuer la Royne, ou qu'il assistast Richard VVilliams ou quelque aultre que Richard Williams ce fust, en l'execution de ceste entreprise. Dict que ceste assignatiō fut puis apres deliurêe comme en depost, à vn vieil Anglois Iesuite & rebelle nommé Holt: le quel, en vne consultation serieuse Holt de certain nombre d'Anglois, là luy monstra semblablement, & aiant mis en auant, puis baisé le sacrement de l'autel, fist serment en la presence de luy, Yorke, & des aultres rebelles, que Yorke sans doubte il luy feroit paiement de la somme contenue, incontinent apres l'execution du faict.
Or ceste nouuelle conspiration excitée par le billet d'assignation obtenu d'Ibarra, a eu son progres Ibarra & auancement par les consultations malicieuses de plusieurs des subiectz notoirement fugitifz & rebelles de sa Maiesté, & neantmois maintenus [Page 19] par les pensions de roy d'Espagne. Les noms de ceux qui principalement se sont de nagueres emploiez en ceste cospiratiō, sont, VVilliam Stanley, W. Stanley, Holt, Throgmortō, H. Owen, D. Gifford, Worthingtō, C. Paget, Tipping E. Garret, M. Moodie, E. Yorke R. William, Holt Jesuite, Thomas Throgmorton, Hugues Owen, D. Gifford, D. VVorthington, Charles Paget, vn Tipping, Edouard Garret & Michel Moodie, d'esquels, chacun en particulier, les choses qui ensuiuent sont testifiées par les confessions & depositions d'Edmond Yorke & Richard VVilliams, tous deux ici nagueres apprehendez & mis en seure garde.
Ceste confession est, qu'il se fist à Bruxelles trois consultations diuerses par les dessus nommez, là ou du commencement, VVilliam Stanley emploia W. Stanley toutes les persuasiōs à luy possibles enuers lesdits Edmond Yorke & Richard VVilliams, à ce qu'ils entreprinsent E. Yorke R. Williams d'attenter à la vie de sa Maiesté: accourageant notamment Yorke, par l'exemple de Yorke son Oncle, & luy donnant instruction pour le cours de ses procedeures, & par quels moiens il viendroit à bout de son entreprise. Et se peult bien verifier, que ledit Stanley n'est pas nouueau apprentif au mestier de ceste espece de traison: car Stanley peu de temps auparauant, luy mesmes, auec vn certain Jaques son lieutenant, aiant appellé pour conseil spirituel à leur ayde deux vrais suppostz du Iaques diable ascauoir Shirwood & Holt, ilz pratiquerent Shirwood Holt [Page 20] vn Irlandois nomme Patrick Cullen escrimeur & Patrick Cullen pensionnaire du Roy d'Espagne. Et luy persuaderent de venir clandestinement en Angleterre, pour tuer sa Maiesté. A quoy aiant donné son consentement, Stanley & Jaques luy fournirent la somme Stanley Iaques de trente liures sterling pour son voiage, auec l'offre d'vne grande recompense. Et sur cela, estant arriué, pris & deuëment conueincu de ce desseing, il confessa le tout en la maniere que nous venons de le reciter, dont s'ensuiuit la condemnation & execution de sa personne.
Ce ne seroit pas bien tost faict qui vouldroit exprimer toutes les circonstances d'vne aultre traison bien estrange & dressée d'vne façon nouuelle, en laquelle ont esté longuement occupez le Cardinal Iesuite Allain & VV. Stanley: s'y rencontrant Allain W. Stanley Th. Worghington aussi Th. VVorthington prestre tresindigne. Leur desseing esto it d'exciter vne soudaine rebellion en Angleterre, en induisant le Seigneur Ferdinand Ferdinand Strange Strange filz & heritier du Comte Derby, à vsurper le tiltre de la Coronne d'Angleterre. Pour cest effect ils persuaderent vn Richard Hesketh Gentilhomme Richard Hesketh du quartier de Lancastre, bien cogneu dudit Seigneur Strange, pour luy faire comprēdre & gouster l'aduis du Cardinal Allain & de plusieurs L. Strange aultres: qui estoit de l'induire à vouloir Allain prendre le tiltre de Roy & luy donner asseurance [Page 21] d'y estre maintenu par le moien des thresors & des forces estrangeres. Et en cela s'emploia ledit Hesketh auec toute diligense & auec maintes raisons, Hesketh desquelles il estoit venu bien instruict & fourny. Mais le dit Seignieur Strange nouuellement L. Strange Comte Derby par le deces de son pere, sur ceste rencontre de Hesketh, plein qu'il estoit de prudence & deuoir, mit cest Hesketh en arrest, lequel Hesketh apres le fidelle rapport du Comte, estant apprehendé & aiant confessé tout le faict auec ses circonstances, sans plus long proces, fut condamné sur sa propre confession: & maudissant ses instructeurs auec grand signe de repentance, fut executé au mois de nouembre de lannée precedente.
Mais pour retourner à nostre nouueau complot, le Iesuite Holt estoit communément assis en forme de president en ces consultations: & comme Holt chef de toutes ces conferences & cōspirations persuada Yorke & VVilliams auec grande vehemence, d'entreprendre cest attentat, les obligeant par Yorke Williams voeus & sermens à l'execution diceluy: & leur ad-ministrant à tous deux le sacrament: ce qu'il fist le baisant luy mesme, il les asseura par iurement solennel de leur recompense, leur monstrant le billet d'assignation pour les 40000 escuts, signé de la main de Stephano Ibarra, lequel estoit commis à sa garde pour l'asseurance du paiement. Disoit Stephano Ibarra▪ [Page 22] aussi ledit Holt à Yorke, ven que souuent lest Anglois Holt auoient failli à l'execution de ceste entreprise, si maintenant Yorke & ses compagnons n'en venoiēt à bout, que cy apres il y emploieroit des estrangers: qui est vn argument d'vn traistre inueteré en sa malice. Et à la verité desia par longues armées il s'est trouué en tous les complots de traison qui se sont dressez contre sa patrie, comme le traistre qui plus y est bandé & embesongné auec toute violence, par dessus tous ses complices. Aussi seruit il de tresmauuais pere spirituel, quelque peu de mois auparauant, à l'Irlandois Patrik Cullen cy dessus mentionné, pour luy garentir son entreprise Patrick Cullen touchant la mort de la Royne.
Thomas Throgmorton se trouua pareillement meslê en ces consultations & conspirations, esquelles Thomas Throgmorton Yorke Williams Yorke & VVilliams furent solicitez d'attenter cest horrible faict: pour l'accomplissement duquel, particulierement il emploia aussi ses discours.
Fut aussi en ces conferences Hugues Owen, là ou il donna son aduis, en quelle maniere on deuoit H. Owen attenter ceste execution, & en ceste mesme conference, il monstra le billet d'assignation signê de la main d' Ibarra, pour 40000. escuts: lequel Ibarra il commist à la garde de Holt, pour la satissaction Holt Yorke d'Yorke & des aultres.
[Page 23] Les Docteurs Gifford & VVorthington, tousdeux Gifford Worthington faifans profession d'enseigner la theologie, mais neantmoins contre toute vraie theologie, se trouuerent aussi en ces cōferences: & par grandes persuasions soliciterent Yorke & VVilliams, à l'execution Williams de cest acte. Et auoit ce mesme VVorthington peu de mois auparauant emploié tout son esprit Worthington & labeur ensemble auec le Cardinal Allain & Allain Stanley Stanley, pour susciter vne rebellion & s'establir vn Roy, au detriment & ruine de cest estat & de sa Maiesté, selon que cy dessus il á esté recité.
Charles Paget est oit aussi present en ces menées & conspirations, induisant Yorke à ceste entreprise: C. Paget Yorke & alors mesme fut conclud que Michel Moodie seroit aussi emploié de son costé en l'exploict M. Moodie de ce mesme acte: & qu'argent luy seroit fourni par Paget & Throgmorton pour les frais Paget Throgmorton qu'il luy fauldroit faire, à la poursuite de ceste practique.
En oultre, Edmond Yorke afferme que là furent E. Yorke Tipping E. Garret aussi designez vn Tipping Anglois, & Edmond Garret Enseigne, auec vn Wallon & vn Bourguignon pour ceste mesme entreprise: ce qui se rapporte du tout à d'aultres confessions, notamment de Paul VVheele, lequel a quitté le seruice de Stanley, P. Wheele Stanley pour ce qu'il s'essaioit de l'induire à vn pareil attentat à l'encontre de sa Maiesté.
[Page 24] Est semblablement affermé par Yorke & vvilliams que Yong, le tiers d'entr'eux maintenant prisonnier, Williams Yong s'estoit auparauāt offert à Holt parses lettres, d'attenter aussi ce faict luy mesme: ayant, de Holt plus, voué & pris sur soy, de tuer le principal & de plus grand nom, d'entre les Conseillers de la Royne.
Ces trois hommes Yorke, Williams & Yong, Yorke Williams Yonge s'estoient resolus, estans arriuez en Angleterre, de se mettre au seruice de quelques vns des seigneurs du Conseil de la Royne, qui sont or dinairement pres de sa personne, pour auoir acces plus libre a la Cour, & par ce moien, cercher chacun d'entre eux plus à propos leurs oportunités, d'attenter ce qu'ilz auoient proiecté contre sa Maiesté. A quoy pour paruenir, ilz disent auoir eu plusieurs cōseils & desseings selon l'opportunité des tēps & des places. Suiuant cela Yorke estant arriué à Calais Yorke cercha les moiens vers l'vn des seigneurs du priué Conseil de sa Maiesté, d'obtenir vn passeport pour son asseurance plus grande. Mais leur meschant desseing estoit desia si bien descouuert, que bon ordre auoit este mis de les apprehender des leur premiere arriuée comme de faict ilz furent pris & mis en seure garde.
Or maintenant encores qu'il soit bien cogneu que telles procedeures desloyalles ont souuēt esté [Page 25] essaiées: Que souuēt les coulpables ont esté pris & executez: Que plusieurs viuent en leurs cachettes non encores pris & descouuers: Encores derechef que par la bonté singuliere de Dieu & sa protectiō speciale pour la defence & conseruation de sa Maiesté, tels desseings aient souuent esté mis à neant: sur tout neantrnoins, ces deux dernieres conspirations, la premiere de ces Portugais, desseignée par le conseil & au nom du Roy d'Espagne, & ceste derniere d'Yorke & de ses complices amorcez à cela par la grande recompense que leur promettoit Yorke son Secretaire Jbarra, mettent en veuē manifeste Ibarra▪ de tout le monde, combien auec grande barbarie & inhumanité, ces infames actions prennent leur origine d'Espagne. Ioinct aussi que de là, sont maintenus par grandes pensions vne multitude d'hommes iugez traistres & fugitifz de leur patrie: lesquels toutesfois ne rendent aultre espece de seruice audit Roy, que de se rendre instruments de telles actions barbares, & de luy seruir d'espions contre leur pais mesme. En quoy neantmoins, pour le plus souuent, ilz abusent le Roy & ses ministres par mensonges controuuez: au lieu de luy faire des rapports qui soient veritables, ou d'affaires de quelque importance, & qui soient dignes de leurs pensions si grandes.
Conclusion, done ces choses estans ainsi, que [Page 26] nous auons mis en auant, pour mieux satisfaire à tous ceux qui n'ont ny le iugement corrompu, ny les affections transportées de partialitez enuers ces deux Princes, & à la descharge de la Royne au cours de tous ces desseings & actions horribles. Il se peult reconoistre d'vnchacun pour verité trescertaine, que iamais il n'y a eu aucun subiect de la Royne d'Angleterre, ny aucun aultre de quelque nation que ce soit, qui puisse estre chargé par ceux du parti du Roy d'Espagne ou aultre personne quelconque, d'auoir iamais attenté, ny faict practique, pour mettre en danger ny faire tort à la personne du Roy d'Espagne, par le sceu, ou cōmunicatiō de la Royne, ou d'aucun de ses ministres: encoresqu'il soit hors de doubte, que si sa dite Maiesté eust eu vn courage si bas & si vil, que de se souiller de practiques si infames, elle n'eust pas manqué de moiens & d'instrumens conuenables. Mais sa Maiefté estant libre de toutes telles pensées, chacun peult bien asseurément faire estat, que si quelqu'vn se fust mis en effort d'entreprendre quelque chose de semblable, elle en eust faict promptement & seuerement vne punition exemplaire & cōuenable au forfaict: ou bien l'eust faict liurer au Roy, pour luy mesme en faire la punition à son gré. Sa Maiesté n'a non plus donné aucune pensiō ny entretenement dans son Roiaume à aucun rebelle ou [Page 27] aucune personne condamnée de traison par le Roy d'Espagne. Par la contrarieté donc des actions de ces deux Princes, il se voit icy vne manifeste preuue de ce qui est tant à l'honneur & recommendation de l'vn, comme au diffame & condemnation de l'aultre, & pourtant sans aucune doubte le grand Dieu tout puissant, iuste vengeur de meschancetez tant enormes, & remunerateur de la pieté & innocence, en son temps & en deuë saison, scaura bien rendre à l'vn & à l'aultre selon leurs dessertes.
ICY POVR PLVS AMPLE ESclarcissement & certitude du faict, sont adioustées quelques lettres & Confessions des criminels, en la mesme sorte quelles sont encores en estre, escriptes de leurs propres mains sans changement aucun, ny au sens, ny aux paroles.
La confession d'Estienne Ferrera de Gama, en language Portugais, par luy soubzsignée & confirmée, au recit qui en a esté cy deuant publié le 18. Feur. 1593.
IL dict & confesse, qui dix mois passez ou enuiron, le Docteur Ruy Lopez escriuit deux lettres Lopez en sa propre maison a Londres, adressees à dom Christophero de Moro, l'esquelles lettres par le Docteur furent mises entre les mains de luy Christofero de Moro Ferrera Moro Ferrera Lopez Ferrera pour les faire deliurer audit Moro.
Ces lettres estoient escrites de la main de Ferrera, mais selon les paroles, & de la propre bouche du Docteur Lopez. Par icelles ledit Docteur promettoit de faire au Roy tout le seruice qu'il luy vouldroit commander: Et dist en particulier audit Ferrera, que le Roy estoit desia bien informè du subiect: qui estoit la cause pour laquelle le Docteur le faisoit escrire obscurement Ferrera & en paroles couuertes, tellement que luy mesmes Ferrera, ne les pouuoit bien entendre.
Il croit pour vray, que si le Roy luy eust enuoié l'argent, le Docteur eust empoyzonné la Royne, adioustant que chacun iour le Docteur luy disoit qu'il estoit prest de faire le seruice, mais qu'il n'auoit nulle responce de dela.
Il se souuient aussi auoir dict à Peter Ferrera, que si le Roy d'Espagne vouloit enuoier l'argent, sans doubte le Docteur Lopez Peter Ferrera empoyzonneroit la Royne.
Dict en oultre que Manuel d' Andrada enuiron vn mois deuant qu'il partist d'Angleterre, luy declara, que si le Roy d'Espagne Manuel d' Andrada Lopez Dom Antonio Ferrera vouloit, le Docteur Lopez empoyzonneroit la Royne d'Angleterre & ensemble le Roy Dom Antonio: l'esquels propos estans puisapres recitez par Ferrera; le Docteur respondit, que quant au Roy, à la premiere maladie qui luy suruiendroit, il s'en alloit mourir: mais quant à la Royne, nous nauons, dict il, encores aucune responce de l'autre part.
La confession de Manuel Lewis Tinoco, escrite de sa propre main le 22. Feur. 1593.
IE Manuel Lewis Tinoco, Gentilhomme Portugais confesse que le Comte de Fuentes, Manuel Lewis Tinoco Fuentes Ibarra & le secretaire Ibarra, m'appellerent au cabinet du Comte, là ou tous deux ensemble & chacun d'eux de sa part me prindrent les mains & les mirent dans les leur, & me dirent tels propos: deuant que nous te declarions vn certain affaire de tresgrand importance, il fault que tu nous donnes ta foy & promesse, qu'encores qu'il aduint que pardela tu fusses pris des Anglois, que neantmoins tu ne le discouuriras poinct, d'autant qu'il importe au repos de toute la Chrestientè. Et apres leur auoir donné ma parole & ma foy de toute fidelité & seruice en vn tel affaire, Ils me dirent, que Stephano Ferrera de Gama, Stephano Ferrera de Gama. Lopez leur auoit escript, comment le Docteur Lopez s'estoit offert & obligé de faire mourir la Royne d'Angleterre par poizon, auec conditiō que le Roy d'Espagne luy donnast recompense conuenable à ses seruices. Tout cela se passa en la ville de Bruxelles ea la maison du Comte de Fuentes: Et, selon que ie m'en Fuentes puis souuenir, ce fut le 9. iour du mois de Decēbre dernierement passé: Ie tesmoigne toutes ces choses s'estre faictes en toute verité & certitude, comme ie les confirmé par mon serment.
Ie Manuel Lewis Tinoco, Gentilhomme Portugais confesse estre Manuel Lewis Tinoco. verité, qu'estant en Bruxelles en la maison du Comte de Fuentes, il me fist appeller & me demanda de quel pais & qualité estoit Andrada: & apresluy auoir dict ce que i'en pouuois conoistre, Andrada il commanda à son secretaire de me monstrer toutes les lettres qu' Andrada luy auoit escrites de Calais. Iceluy me mōstra trois lettres, en la premiere d'esquelles il donnoit aduis qu'il estoit de retour Andrada d'Angleterre ou il auoit esté detenu prisonnier vn long temps, & qu'il estoit enuoié par le Docteur Lopez, lequel comme zelateur & Lopez bien affectionné au seruice du Roy de Castile, estoit resolu de luy faire vn seruice si signalé que par ce moien il pouuoit en [Page 30] toute seurete prēdre satisfactiō de la nation Angloise. Mais à condition que le Roy voulust d'honneurs & faueurs recōpenser ses seruices, conuenablement à leur importance, d'autant qu'il estoit vieil & grandement endebté: desirant de trouuer repos pour ses derniers iours. Puis declarant la qualité de ce seruice, il disoit le Docteur Lopez s'estre obligé de depescher la Roine par poizon. Partant qu'il conuenoit en aduertir le Roy d'Espagne en toute haste: & que luy attē droit Lopez à Calais iusques a ce que la respōce en fustapportée de Madric.
Lettre de Manuel Lewis à Ferrera enuoiée de Bruxelles par Gomez d'Auila▪ en Dec. 1593.
LE porteur vous dira de quel prix sont estimées vos perles: Et vous aduertiray incontinent de ce qu'on vous en vouldra donner iusqu'a la derniere maille: & vous prie me faire entēdre quel ordre vous mettrez pour vous en faire tenir l'argent, & en quoy vous voulez qu'il soit emploié. Ce porteur vous dira semblablemēt quelle est nostre resolution touchant vn peu de Musc & d'Ambre que i'ay proposé d'achepter: Mais deuāt que d'en rien determiner, ie veux estre bien informé de leur prix. Que s'il vous plaist y entrer pour vostre part, i'espere que nous y ferons bon profit.
La confession de Manuel Lewis Tinoco, escrite de sa propre main le 26. Feur. 1593.
LEs lettres que iay escrites à Stephano Ferrera de Gama, Stephano Ferrera de Gama par Gomez d'Auila, concernant ce qui y est touche des perles & du prix d'icelles, estoient pour luy donner à entendre combien les nouuelles par luy enuoiées du desseing du docteur pour faire mourir la Roine, auoit esté agreables & grandement estimées par le Comte de Stephano d'Ibarra Fuentes Fuentes & Stephano d' Ibarra. Et quant au poinct qui concerne le Musc & l'ambre, le Comte de Fuentes me dist qu'il attendoit du Roy quelque resolution d'importance: & quand elle seroit venue, que ce ne seroit peu de chose. Le tout s'est ainsi passé en verité, & pour tel ie le confirmé, demandant humblement pardon de mes offences.