EXAMEN pacifique de la Doctri­ne des Huguenots. PROVVANT CONTRE les Catholiques rigoureux de nostre temps & particulierement contre les ob­ie [...]tions de la response faicte a l'Apologie C [...]tholique, que nous qui sommes membres de l'Eglise Catholique Apostolique & Romaine ne deurions pas condemner les Huguenots pour heretiques iusques a ce qu'on ait faict nouuelle preuue.

A PARIS Octob. 1589

A tous fideles subiects du Roy, & principalement aux Catholiques de­sireux du repos de l'Eglise & de l'estat.

IL y a trente ans que nous auons euguerre quasi conti­nuelle contre les Huguenots cōme contre rebelles & here­tiques: nagueres nous auons apperceu, que la premiere o­pinion que nous auons eu d'eux, estoit conceue a tort: il pourroit bien estre que nous sommes aussi deceus en la seconde, & que le tems qui nous a descouuert qu'ils ne sont pas rebelles nous pourra descouurir aussi qu'ils ne sont pas heretiques: Quoy qu'il en soit il seroit a souhai­ter que nous eussions vne opinion charitable d'eux, Iusques a ce qu'on aye fait nouuelle preuue.

L'Aspre dissention en la relligion a esté la source de tous nos maux, c'est elle qui les a pro­duit, c'est elle qui les nourrit encores: dont est venu que ceux qui sont auiourdhuy les pertur­bateurs de l'estat, ont en vn mesme instant [Page] commencé de susciter les troubles en ce Royau­me, & de renouueller & aigrir les dissentions que nous auons en la relligion. De maniere que les practiques des chefs de la ligue & les ser­mons turbulēs de plusieurs praedicateurs (car ie ne les blasme pas tous) ont esté comme les ge­meaux d'Hippocrate qui tousiours alloyent en­semble tousiours rioyent ensemble, & peut estre, que ceux ci aussi pleureront ensemble. Et l'ex­perience à monstré que les langues des vns ont plus faict de mal que les espées des autres.

Voila la raison pourquoy au commence­ment de ces derniers troubles, l'Apologie Catholique a tasché d'adoucir ceste furie, & refuter les calumnies tant contre le droit du Roy, que contre sa Religion. Or ceste Apologie a esté en partie refutée, mais si froidement que chacun a peu cognoistre que toutes les calom­nies contre le droit de sa succession, n'estoyent que masques de l'ambition de ses ennemis. Et le Roy defunct (que dieu absolue) deuant sa mort a veu, & vous tous par sa mort voyez quel estoit leur but.

Restent seulement les raisons contre sa re­ligion, laquelle comme ie ne veux defendre, aussi ie n'ose encores condamner. Ny voyie pour aucune preuue que le refutateur de l'Apo­logie ameine pourquoy nous debuions Iuger si [Page] absolument que les huguenots sont heretiques bien que differens en l'explication de quelques points en relligion d'auec nous. Ce qui m'a esmeu il y a plus d'vn an de respondre aux dites raisons. Mais trouuant l'argument de grand poix, i'ay pensé estre plus propre d'en escrire vn traicté entier a part, que de respondre aux obiections rammassees d'autruy, ce qui m'a faict supprimer ce que i'auois desia escrit, & differer ce que ie deliberois d'escrire.

Et croy que ie l'eusse differé long temps si les nouuelles Tragiques de l'assassinat commis en la personne de nostre feu Roy, ne m'eussent ramenteu, que mesmes cest acte horrible pro­cedoit de ceste source: & que sur ce fondement que les erreurs des huguenots sont si enormes ils bastissent toutes leur raisons par lesquelles ils se persuadent, qu'on se peut seruir de tous moyens licites ou illicites pour les destruire, & ensemble ceux qui les fauorisent.

Or il y a vne autre raison qui m'a aussi in­duit a poursuiure ma deliberation. C'est qu'il a pleu a Dieu nous donner vn Roy different en opinion d'auec nous, mais tel qui (sa religion seulement exceptée) pour la grandeur & hon­neur de la France n'a iamais eu son pareil. Ce qui me faict croire quelque opinion qu'il aye pour le present, que Dieu la reserué, aprez tant [Page] de troubles en son Eglise pour quelque grand soulagement & bien d'icelle.

Dieu ne faict iamais chose extraordinai­re sans vn but extraordinaire. Or comme ex­traordinairement Dieu a fauorisé sa maiesté, personne ne le peut mieux cognoistre que ses ennemis, d'autant que par leur moyen Dieu l'a auancé. Ses ennemis ont pensé en allumant la guerre en France, le ruiner de bonne heure, & ces guerres ont accreu sa reputation & ses for­ces. Ses ennemis impatiens de delay ont pensé par menées iniustes contraindre le feu Roy de proceder auec plus de violence contre luy, qu'il n'auoit faict auparauant, & ces meneês ont esté la ruine de ses ennemis & la cause de sa recōci­liatiō auec le Roy. Bref ses ennemis luy ont mis les armes en main pour les deffaire, & les moyens par lesquels ils l'ont voulu chasser hors de Guienne l'ont mené au coeur de la France. & les mesmes moyens par lesquels ils luy ont voulu oster la vie luy ont donné le Royaume. Pensons nous que Dieu ait fait tant dechoses pour neant? Qu'estce donc que nous pouuons apprendre de tout cela, sinon que Dieu s'est courroucé quand nous ne luy voulons pas per­mettre de disposer de son Eglise comme il veut ains le voulons preuenir par nostre sa­gesse. Voila pourquoy ie proteste deuant Dieu que si i'estois le plus grand ennemi que le Roy [Page] aye, toutefois ie penserois que Dieu pour nulle autre occasion ne luy a faict tant de graces, que pour nous punir, qui par iniustes moyens & par vn zele impatient auons voulu ruyner la religion reformée, bien que fausse.

Il pourroit donobien aduenir, que si nous changeons de train Dieu en changera aussi. Et comme les moyens par lesquels nous auons pensé auancer nostre relligion l'ont reculée Ainsi Dieu par les mesmes moyens par lesquels nous craignons estre en empeschement a nostre relligion, l'auancera. Et comme Dieu s'est serui du Roy pour maintenir la religion reformée quand nous le voulions contraindre d'embras­ser la nostre, ainsi il se seruira de son moy en pour establir nostre Religion si nous le voulons laisser (tant qu'il plaira a Dieu) viure en la sienne. Car les grandes oeuures de Dieu sont tousiours contre l'attente des hommes. Et quant a moy considerant les euidentes graces que Dieu luy a faict. Ie ne puis penser qu'il le veuille laisser ainsi, ains quil acheuera son oeuure en luy, & s'il est en erreur qu'il le reduy­ra a la cognoissance de sa verité.

Mais c'est a Dieu de le faire non pas a nous, Autremēt nostre desir trop hastif de con­uertir sa maiesté pourra empescher sa conuer­sion, ou pour le moins l'vtilité que sa conuersion [Page] apporteroit. Car outre ceque Dieu (comme i'ay dit) ne benit iamais les actions de ceux qui le veulent preuenir par impatience, sa conuer­sion ne peut estre ny forcée ny subite. La quali­té de sa Maieste est telle, qu'elle ne peut estre for­cée, & son naturel tel qu'il ne le veut pas. Moins encores subite: Il a pris ce pli des le ber­ceau, lequel ne se peut oster que peu a peu.

Mais ci aprez quand le Roy en vne con­ference paisible verra ses ministres vaincus, & leurs raisons, par lesquelles luy & eux ont esté alienez de nostre foy, solidement refutées ie di s'il plaist a Dieu alors, de lui ouurir les yeux, que sa conuersion sera mille fois plus vti­le a l'Eglise, que s'il n'eust iamais esté d'autre relligiō, ou s'il l'eust changée deuant que d'estre paisiblement Roy.

L'exemple de sa conuersion seroit lors la conuersion d'vn million, & s'il eust esté tou­siours de nostre relligion, nous n'aurions ia­mais cest exemple. Et s'il eust changé deuant que de posseder le Royaume, on pourroit soupconner plusieurs causes de sa conuersion qui empescheroyent le fruict qui en reuiendroit a l'Eglise. Mais si la paix estant establie au Royaume, Dieu alors par moyens ordinaires changeoit son coeur, ceux qui l'ont veu con­stant en sa relligion pendant que la profession [Page] d'icelle estoit si dangereuse a son estat, ne pense­ront iamais qui'l l'eust quitté e sans raisons e­uidentes, & lors sa conuersion apportera a l'E­glise l'vtilité que nous desirons. Ayons donc vn peu de patience, & quand le temps se­ra plus a propos proposons a sa maiesté ceste condition que lui mesme nous a premierement proposé, ascauoir qu'il assemble les plus doctes de l'vne & de l'autre relligion. pour debatre amiablement les points qui sont en different, Afin que la paix de l'estat soit accompagnée de celle de l'Eglise: & s'il plaisoit a sa Maiesté de ce faire (comme ie n'en fais doubte aucune) ie m'asseure que tels moyens peuuent estre te­nus en la dite conference, que plusieurs choses seront descouuertes lesquelles iusques a present ont esté cachées a tous deux. Non que ie pense qu'aucune nouueauté en relligion puisse estre trouuée (ia a Dieu ne plaise que ie pensasse ain­si) Ains que les moindres questions du diffe­rent peuuent estre reconciliées les inutiles omi­ses, & les grandes esclaircies par preuues plus euidentes.

Et ne faut pas que l'vne part ou l'autre, en imaginant que les points sont desia assez de­battus, pense qu'vne telle conference soit inuti­le, car bien qu'a peine on puisse trouuer plus fortes preuues que celles desquelles on s'est serui [Page] par ci deuant: si estce que c'est autre chose de prouuer, autre de satisfaire. Or il ne faut pas tascher maintenant de vaincre ains de gai­gner les deuoyez, & cela i'ose dire & le puis prouuer contre qui que ce soit, que ny l'un ny l'autre parti, en aucune conference tenue ius­ques a present a suiui telle procedeure qu'il de­uoit & pouuoit suiure pour satisfaire au parti aduersaire, ou pour esclaircir les doubtes.

Quant a moy bien que ie sois le moindre entre vn million que se sont embrouillez es disputes de nostre siecle, si est ce que i'ose entre­prendre, de reduire les points du different a vne issue si courte, & prescrire tels moyens de les traicter, que la verité se descouurira mieux, en ceste seule conference, qu'en toutes autres disputes qui ont esté depuis que Mar­tin Luther s'est opposé au Pape. Et neantmoins l'issue sera telle & les moyens tels, que person­ne, ny de l'vne ny de l'autre relligion (selon ses propres maximes) ne les pourra reiecter. Ie serois impudent de le dire, si ie n'estois asseuré de le pouuoir monstrer. Mais ie scay les sub­terfuges des vns & des autres, ie scay leurs sophismes, & scay le moyen d'y preuenir.

Mais le temps n'est pas encores propre, il faut auoir l'estat paisible & les esprits paisi­bles. Et sur tout vuides de preiugé. Car si [Page] nous Catholiques venons ouir vne dispute re­solus auant que d'y aller que les huguenots sont desia condemnez pour heretiques, eux au contraire qu'ils entendent desia l'escripture mieux que S. Augustin, & qu'elle est toute claire de leur costé, que seruira la conference? Les prebstres & les ministres peuuent estre tant resolus qu'ils veulent pource qu'ils enseig­nent, mais nous ne le deburions estre pource que nous apprenons. La fin qu'ils se proposent est la victoire, Mais la sin que nous cherchons est la verité, Et si nous l'auons desia trouuée pourquoy la cherchons nous? Que si nous croy­ons sans chercher nous pouuons estre deceus.

Voici la principalle cause qui m'a faict renou­ueller mon dessein d'escrire de ce point de mo­deration, afin que par la moderation de nos e­sprits nous puissions estre praeparez a vne con­ference, en ceste conference descouurir la verité, & en descouurant la verité establir la paix en l'Eglise de Dieu. Mais me deffiant de mon insuffisance, & craignant d'employer mon labeur en vain: dautre part aussi desi­reux de voir vne vnion en religiō, i'ay mieux aimé hasarder mon trauail passé en publiant la responce que i'auois desia faicte, que la perte d'vn nouueau.

La raison pourquoy moy qui suis Catholique [Page] reprends plustost nostre rigeur contre les Hu­guenots que la leur contre nous, veu qu'en ce­la tous deux faillent egallement, est dautant que celuy qui veut reformer vn autre, doibt commencer par soy mesme.

L'importunité & l'arrogance de mon ad­uersaire me faict quelques fois escrire moins Catholiquement. Ce que ie n'ay pas faict pour refuter la religion Catholique, ains pour mon­ster que les erreurs des Huguenots ne sont pas si grossiers que nous nous persuadons, scachant cōme i'ay dict, qu'il n'y a rien, qui iusques icy ait plus supprimé la verité que le peu d'estime que l'vne part faict des raisons de l'autre. Ce que (Dieu scait) procede d'ignorance, & tant plus quelqu'vn est docte, tant plus de difficulté trouue il a refuter son aduersaire.

Comme cest vne chose certaine que l'ig­norance engendre la vehemence, & la vehe­mence empesche la verité d'estre descouuer­te. Car la vehemence de ceux qui tiennent la verité rend ceux qui sont en erreur plus ve­hements, & la vehemence de ceux qui sont en erreur les aueugle.

Voila la vraye intention de mon discours, auquel bien que i'aye vsé peut estre de quel­ques raisons qui par iuges rigoureuz pourroy­ent estre estimées trop fauorables aux opinions [Page] nouuelles, si estce que mon intention n'est pas par iceluy de seduire aucun, ny le destourner de la soy de nos perez, ains seulement de pur­ger les esprits de preiugé, Iusques a ce qu'on face nouuelle preuue. Et si telle preuue se faict (sans laquelle ie n'espere aucune vnion en l'E­glise) ie t'adiure (cher lecteur) de quelque re­ligion que tu sois d'y apporter vn esprit vuide de preiugé. Tel esprit ie souhaite en toy, ie proteste que ie l'ay en moy mesme & prie Dieu de le confermer en nous tous.

Amen.

Faultes eschappées en l'Impression.

PAg. 1 lig. 16 pas. lig. 18. deuoyez. lig 25 ceste. pag. 5 lig 18 estoient. Pag 2 lig 2 ostes (il). Pag 6 li 7 i'en li 15 lieu. lig 16 se reputent. en marge, lises premiere. Pag 7 li 14 excommuniez. Pag 11 lig 3 liures. lig. 4. premier. Pag. 12. li 2 cheute. en mar­ge lisez France. Pag 16 li. 28. lisez veritable. Pag 22. lig. 15 & 16 lisez Sacrements. Pag 25. lig. 12. du Nouueau. Pag 26. li. 21. de­faut. lig. 25 aucun. Pag. 27. lig. 27 lisez de. Pag 36. lig. 2 Monta­niste. mesme lig. Origene. Pag. 37. lig. regardons. Pag. 44. lig. 2. Telesphorus. Pag. 45. lig. 22. introduit. Pag. 48. lig. 27. der­niers. Pag. 49. lig. 8. appellée. Pag. 51. 6. la doctrine. lig. 13. sont. Pag. 52. 17. errer. Pag. 56. 4. lisez en dernier. Pag. 69. lig. 25. ieusne. Pag. 70. lig. 4. blasme. Pag. 83. li 11. les opini­ons. Pag 87 li 18 arrests. Pag 93 lig 1. appartient. lig. 4. ostez (la) lig 26. lises desobeissant. Pag 94. lig. 3. souldre. lig. 27. ses. Pag. 103. lig. 11. feinte aulieu de saincte. Pag. 105. lig. 4. deuroit. lig. 7. vne autre. Pag. 109. lig. 18. ces mysteres. Pag 110. lig. [...]0. induire. Pag. 111. lig. 10. ses opinions. lig. 11. qu'il est. Pag. 120. 27. Instruictes. Pag. 125. li 23. l'Eglise.

Argument du Liure.

L'Apologie Catholique à tasché de purger les Huguenots, d'hae­resie, par deux raisons: dont la premiere est, que la religion pretendue reformée n'est pas heretique en soy, d'autant que la substance de la Foy Catholique, est receue des Huguenots, & les caeremonies qu'ils reiettent ont esté Incogneues en l'Eglise ancienne: des quels deux points, asca­uoir la doctrine, & les Caeremonies toute reli­gion est composée. La seconde est, que leur reli­gion n'a pas esté condemnée, par aucun Iuge­nent legittime: veu que deuant le Concile de Trente, on ne les à pas condamnez en vn Con­cile general, & que le dit Concile de Trente n'est paes legittime, ni approuué en France: à raison dequoy encores que les Huguenots fussent deuoyées de la vraye foy, toutefoys on ne doibt pas proceder contre eux, come contre Hae­retiques, Iusques àce qu'ils ayentreceu l'arrest de condemnation par vn Concile General: cōme Il ne faut pas faire mourir par Iustice vn mal­faicteur, bien qu'il soit coulpable, Iusques a ce qu'on luy ait faict son procez.

Or L'autheur de la response à c'este Apologie en la seconde partie de son liure, continuant [Page 2] depuis le cinquieme chapitre iusques Au 15. il trauaille fort à refuter, les raisons susdites: Au 5. chap. il propose seulement sa Methode: An 6. Il monstre que la religion des Huguenots est toute autre que la catholique: Au septieme que les caeremonies de l'Eglise Romaine ont esté ob­seruées de l'Eglise primitiue: Au huictiene, que la doctrine pretendue reformée à esté condem­nee par anciens Conciles: Au 9. 10. 11. 12. 13. & 14. Il defend le Concile de Trente, dont le 11. 12. & 13. prouue que le dit Concile est legi­time en soy: le 9. 10. & 14. qu'il est approuué en France: selon lequel ordre, Ie diuiser ay ma defence en ces 6. chapitres.

  • Au premier, ie prouueray contre les rai­sons de son sixieme chapitre, que les Catho­liques & Huguenots s'accordent tellement en doctrine, qu'ils sont d'vne mesme foy & reli­gion.
  • II Au second, contre son 7. chap. que les Catholiques aussi bien que les Huguenots ne s'accordent auec l'Ancienne l'Eglise en matie­re de caeremonies & que pourtant les Huguenots ne sont pas à condemner.
  • III Au troisieme contre son huictieme chapitre, qu'ils n'ont pas esté deuant le Con­cile de Trente publiquement & legitimement condemnéz.
  • [Page 3]IV Au 4. contre son 11. 12. & 13. Chapi­tre, que le Concile de Trente n'est pas legi­time.
  • V Au cinquiefme, contre ses 9. & 10. & 14. Chapitres qu'il n'est pas receuen France.
  • VI. Au sixieme & dernier, ie conclurray, que les Huguenots peuuent à bon droit estre reputès membres de l'Eglise Catholique, Aposto­lique & Romaine.

CHAP. I. Que les Catholiques, & Huguenots s'accordent tellement en doctrine, qu'ils sont d'vne mes­me foy, & relligion.

C'Est vne chose manifeste, que ceux qui sont d'vne mesme Eglise & religion peuuent neantmoins a­uoir des opinions diffe­rentes en Theologie. Au­gustyn ne s'accordoit pas auec S. Ierosme, ni Epiphanius auec Chry­sostome, ni Cyprian auec Corneille, ni Ire­nee auec Victor. L'vne part sans doubte estoit en erreur, touts neantmoins ont esté docteurs approuués de l'Eglise, & touts saincts. Chasque erreur donc ne separe pas vn homme de l'Eglise, & ne faut auoir esgard au nombre des erreurs mais à la qualité. Arrius estoit d'accord auec les Catholiques, en toutes choses horsmis en vne seule, tellement que le changement, d'vn mot voire d'une seule lettre, eust appaisé le different; & toutefois [...] c'est le plus grand haeretique que l'Eg­lise ait lamais eu. Origene au contraire [Page 5] desaccordoit, d'auec les autres anciens docteurs, en vne Infinité de choses, & neantmoins a esté estimé membre de l'Eg­lise.

Or donc pour voir si les Huguenots, sont d'autre relligion que nous, Il ne faut pas considerer s'ils ont des erreurs ou non, ni le nombre de leurs erreurs, ains seulemēt la nature: ascauoir quels erreurs doiuent estre estiméz haeresies, & si les leurs sont tels.

Deux choses (selon l'opinion des Ca­tholiques) font les erreurs deuenir haere­sies: l'vne, quand l'crreur est si enorme de soy, que en tout temps celuy est haeretique qui le tient; de maniere que deuant que le Concile de Nice eust rien Iugé, Ebion, Paulus Samosatenus, & Arrius stoient haeretiques entant qu'ils ont nié la diuinité eternelle du fils de Dieu.

La seconde chose qui (selon nostre opi­nion) faict vn erreur deuenir haeresie est quand on Tient quelque opinion en doc­trine contre le decret d'vn Concile general. Tellement que l'heresie ne gist pas en la meschanceté de l'opinion, mais en la resi­stence à l'ordonnance de l'Eglise, Cōme l'opinion de S. Cyprian touchant la rebap­tisation [Page 6] des enfans, n'estoit pas haeresie en luy d'autant qu'on n'anoit rien encores arresté a'l'en cōtre. Mais maintenant (disons nous) que l'opinion est condemnee legitimement ce seroit haeresie en vn autre qui la tien droit. Or touchāt c'este seconde espece d'haeresie, Ie parleray au troisieme chap. en cestuy ci Ie traicteray seulement de la premiere, as­cauoir, si les erreurs des Huguenots sont si enormes de soy qu'ils destruisent le fonde­ment de la foy, & par consequēt les empes­chent d'estre de mesme religion auec nous. La primets raison.

Voyons donc cōme nostre aduersaire tasche de prouuer le contraire. ‘En premier leu (dit il) touts les deux partis tant l'Eglise Pag. 20. Catholique, que nos aduersaires, reputent les vns les autres pour haeretiques.’ Ie respons, que ie ne trouue àucune Impossibilité, pour­quoy ils ne puissēt estre touts deux deceus. Car deux freres estants en colere, peuuent bien renoncer l'vn a l'autre, & toutefois Ils ne laissent pour cela de demeurer tousiours freres. Ciril & Theodoret s'entriniurioyēt comme haeretiques: & si ne l'vn ne l'autre ne l'estoit pourtant, tellement que ceste raison est tiree seulement de la passion des hommes quand la raison les a abandonnez.

Mais comme prouue il que les Catho­liques [Page 7] estiment les Huguenots haeretiques. ‘l'Eglise Catholique (dit il) a condemné par le Pag. 21. Concile de Trente plusieurs opinions des Luthe­riens.’ Ie responds (selon ma premiere distin­ction) que c'est autre chose de rendre vne opinion haeresie par condemnation, autre de l'estimer telle, de sa propre nature: si les Huguenots sont haeretiques par condem­nation, ou non, nous en parlerons ci aprez. au 3. 4. & 5. chapitres. Maintenant nous disputons seulement de la nature de leur erreur, dont sa preuue n'est rien a propos. Mais (dit il) a Rome chasque Ieudy sainct, le Pag. 21. Pape les declare excommunionez, & defend a touts Catholiques, la lecture de leurs liures.’ Aussi excommunie il le mesme iour touts pecheurs, entre lesquels il n'ose nier que plusieurs ne soyent de l'Eglise, autrement luy mesmeseroit cōdemné pour haeretique, par le Concile de Constance, qui a iugé cō ­tre Iean Hus, que l'Eglise consistoit aussi bien des meschans que des bons, & cōme les liures des Huguenots sont defendus, aussi sōt les oeuures de Machiauelle, Aretin Boccace, & de plusieurs autres Catho­liques.

Mais voyons quelle opinion les Hugue­nots ont de la doctrine des Catholiques.

[Page 8]Caluin (dit il) escrit que les principaux points de doctrine en l'Eglise Romaine, sont presques Pag. 21. du tout abolis, & l'vsage des Sacramens en Plu­sieurs facons corrompu.’ Il n'est besoing d'explication, les paroles mesmes font la response, Il ne dit pas que les Sacre­mens sont totalement ostéz, mais l'vsage d'iceux en plusieurs facons corrompu: ni que les principaux points de la religion Chrestienne, sont entierement destruicts mais presque abolis. vn homme peut estre presque tué, & si ne laisser pas pour cela de viure.

Secondement pour prouuer que leur re­ligion La seconde raison. est differente d'auec la nostre, Il am­eine les disputes du Peche originel, du Franc arbitre, de la iustification, des meri­tes & plusieurs autres controuerses qu'il iuge de plus grande cōsequēce. C'est la plus grande pitié du monde, d'ouir la pluspart des prescheurs de l'vne & de l'autre religi­on, manier ces questions, quand Dieu scait que pour la pluspart ils combattent auec leur propre ombre, & ne scauent pas ce que leur aduersaire Tient, ce qui aduient de la subtilité des mots inuentés par le diable pour troubler le repos de l'Eglise, l'vn en­tendant ce mot de iustificatiō en vne facon, [Page 9] l'autre en vne autre, l'vn la foy en vne facon l'autre en vne autre, l'vn la grace en vne fa­con, l'autre en vne autre: & ainsi du reste: ce que nous disons estant veritable, cōme nous prenons le mot, ce qu'ils disent estant veritable cōme ils le prennent, tellement que si le desir de contention estoit osté on trouueroit, que beaucoup de ces disputes desquelles les oreilles du peuple sont rem­plies, ne sont que subtilitez de l'eschole tou­chant etymologies seulement & definiti­ons de mots. Dont il aduint, qu'au colloque de Ratisbone, les Catholiques & les pro­testans, tomberent d'accord, en la que­stion du peché originel, de la praedestinatiō, du Franc arbitre, & de plusieurs autres points. Ce qui mesmes est confessé par l'e­uesque Lindanus, l'vn des plus aspres en­memis, Lindanus in praefa­tione, in li­brum de querela pacis. que les Huguenots ayent. Et tou­tefois, l'autheur de ceste response est si mal­auisé, que de faire son chois principalemēt de ces questions pour monstrer le different qui est entre eux & nous. Quant a moy, ie ne veux entreprendre de reconcilier les di­tes questions, & ne scay (pour confesser Franchement mon ignorance) si on le peut faire ou non. Mais de cela suis ie bien asseu­ré, que la difference n'est pas si grande qu'on [Page 10] la iuge. Ie ne veux pas aussi rechercher trop exactement le poinct du different: cōme I'espere que quelqu'vn le pourra faire ci aprés. Mais seulement ie parleray des di­tes questions en telle sorte qu'elles sont cō ­munement entendues par les plus doctes de l'vne & de l'autre religion, & en ceste signification ie di, que (pour aucune chose que i'aye veu iusques icy) les erreurs des Huguenots. ne sont pas si grands qu'ils les empeschent d'estre membres de l'Eglise Catholique. Or, pour mieux esclarcir cela ie reduiray ces questions soubs ces 4, chefs ascauoir 1. L'escripture. 2. La iustification. 3. La priere, 4. Et les Sacremens.

Quant a l'escriture, il charge seulement l'Escripture les Huguenots d'vn erreur, ascauoir de re­ietter les liures de Tobie, de Iudith, des pag. 23. Machabees, & les autres qu'ils appellent Apocryphes, Iesquels ont esté approuuez cōme Canoniques par le Cōcile de Trente, sur quoy ie responds, que les Huguenots ne les reiettēt pas ains les estimēt cōme saincts escrits, & pleins de pieté, voire de plus gran­de authorité que quelque autre liure que ce soit seulement ils ne les mettent pas en pa­reil rang que les liures qui sont escrits, en la langue saincte. Ce qui me semble que [Page 11] Bellarminus Iesuite leur accorde; car en Tom. 1. Cont. 1. lib. cap. 4. faisant la diuision des liures du viel Testa­mēt, il en faict deux rangs. Mettant les liur­res receus des Huguenots, au premer rang, & ceux qui sont appellez Apocryphes au second. & encores que l'opinion des Hu­guenots en ce point, soit condemnee, par le Concile de Trente, toutefois le Concile de Laodicée, est de leur aduis, S. Ierosme aussi, Origene, & mesme Nicolas Lira le Cardinal Caietā, & plusieurs autres Piliers de l'Eglise Romaine. Tellement que ie voudrois bien scauoir, si cest erreur des Hu­guenots est si enorme, que pour ceste cause Ils soyent necessairement haeretiques, pour quoy ce mesme erreur n'a pas empesché S. Ierosme d'estre sainct, ni le Cardinal Caë­tan, d'estre Catholique.

Or soubs la iustification, ie compren tous Iustifica­tion. les differens mentionnez par la responce, qui ont esté iugés en la 6. session du Con­cile de Trente, touchant, 1. la source. 2. La matiere. 3. L'instrument. 4. & les effects de nostre iustification. Par la source de nostre iu­stification, i'entens ceste disposition par l'aquelle nostre nature (come nous Catholi­disons) estant & preuenue & accompagnee de la grace de Dieu, se prepare a la iustifica­tion [Page 12] cest a dire l'operation de l'arbitre qui demeure en l'homme aprez sa cheut. Or pour iuger de ce different l'arbitre de France. Arbitre. Page. 24. l'homme doit estre consideré en ces trois estats; ascauoir deuant la cheute d'Adam, apres la cheute, & au temps de regenera­tion, aprez qu'il est releué. Or en ce point tout ce qui est necessaire a vn Chrestien de croire, est, que l'homme deuant la cheute d'Adam, auoit la volunté libre tant de bien quede malfaire, que par sa cheute il aperdu la liberté de bien faire, & que par grace, en la regeneration, il la recouuré derechef. Iusques icy les Catholiques & les Hugue­nots sont d'accord. Or donc la controuerse que nous imaginons, gist seulement en la maniere cōme le dit arbitre est affranchi; les Huguenots disants que la grace de Dieu l'affranchit, en y adioustant nouuelles for­ces, desquelles il a esté du tout destitué, les Cathol. disans pareillement que la grace de Dieu l'a mis en liberté, mais en deliant les liens esquels sa volunté estoit tellement captiuée, quelle ne pouuoit mettre en effect les forces qu'elle auoit. Voicy le vray diffe­rent qu'on faict entre eux touchant ce point, auquel encore que les Huguenots soyent deceus, toutefois leur erreur n'est [Page 13] pas dangereux, d'autant qu'il ne renuerse pas le fondement de la foy. Car il faut en ce point principalemēt regarder deux choses, la iustice de Dieu en punissāt le peché d'A­dam de ceste captiuité, & sa misericorde en nous deliurant. Or si les Huguenots faillent, ils faillent seulement en augmen­tant la iustice, & la misericorde de Dieu, entant qu'ils disent que l'arbitre n'est pas seulement lié mais occis. Car la mort est vne punition plus griefue, que la prison & cest vne grace plus grande, donner a la volonté, vie, queliberté. Mais quel besoing a le peuple de se rompre la teste, touchant ces Metaphores de lier & tuer, lesquelles il ne peut comprendre? c'estassez qu'il scache qu'on ne peut riē faire de bien sans la grace de Dieu, & que chacun die auec S. Augu­stin, que Librement faire, vient de la nature humaine, bien faire vient de la grace mal faire de la nature corrompue, ce qui cōprend toute la doctrine de l'arbitre, & qui est con­fessé tant par les Catholiques que par les Huguenots.

La seconde chose que I'ay obseruè en la Iustice in­haerente. Pag. 24. iustificatiō est la matiere ascauoir mon si la iustice iufuse en nous par grace ou celle de christ qui nous est imputee parsoy, est celle [Page 14] par la vertu de laquelle nous sōmés iustes deuant Dieu laquelle questiō est toute vne auec celle de la iustification par la seule foy cōbien que nostre aduersaire en face deux, pour multiplier le nōbre de ses controuer­ses, tant il est desireux de contention. Or touchāt ce point, les Huguenots n'ont au­cun erreur, au fondemēt, & substance de la question, & par ainsi quelque erreur qu'ils ayēt aux circūstāces, ils ne laissent pas pour cela d'estre bons Cathol. come vn arbre dont la racine, le tronc, & les brāches prin­cipales, sont saines, peut estre vn bon arbre, encores que quelque Rameau soit corrom­pu. Or les Catholiques, & les Hugue­nots sont d'accord en la racine de ceste question, asc. que deux choses nous sont necessaires, d'estre quittes de peché, & d'estre douez de iustice; destre depouillez de nos vieux habillements, & reuestus de nouueaux.

Quant a la premiere, les Catholiques & les Huguenots sont d'accord, que nous sommes absous de nos pechez & deliurez de l'enfer, seulement par le sang de Iesus Christ.

Touchant le second point, touts deux aussi tiennent, que pour entrer au ciel il [Page 15] faut que nous ayons iustice, & que ceste iu­stice vient de Christ.

Or la Iustice de Christ, ou bien est inhae­rente en luy, & estimée cōme nostre, a rai­son de nostre foy en luy; ou bien, inhaerente en nous, mais procedante de luy, estant infuse en nos coeurs par sa grace, que les Huguenots appellent sanctification. Fina­lement tant les Huguenots que les Catho­liques confessent qu'il y a & l'vne, & l'autre Iustice. Seulement le different gist en celà, ascauoir, laquelle de ces deux Iustices, ou bien la Iustice inhaerente en Christ, mais reputée nostre, ou bien la Iustice inhaerēte en nous mais procedante de Christ, est celle en vertu de laquelle, nous sommes rē ­dus Iustes deuant Dieu. Et que nous im­porte, si vn autre paye nostre debte pour nous, ou s'il nous donne de l'argent pour la payer nous mesmes? de maniere que tous deux recognoissent la mesme racine, le mesmes tronc, les mesmes branches de ce­ste question; seulement ils ne sont pas d'ac­cord touchāt les petits rainseaux qui croi­ssent sur l'vne des branches. Voire ils re­cognoissent les mesmes rainseaux, & ne debattent que sur lequel de ces deux, il se faut appuyer. Car les Huguenots confes­sent, [Page 16] que touts ceux qui sont sauuez, sont aussi sanctifiez, cest a dire qu'ils ont ceste iustice que les Catholiques appellent in­haerente, ou Iustice seconde, mais ils disent qu'ils n'osent pas se fier en icelle, ainz seu­lement en la iustice inhaerente en Christ, & parfoy estimée la leur. or veu que ceste iu­stice de Iesus Christ, est par consentement de touts parfaicte, ilse peut bien trouuer quel (que) erreur en la doctrine des huguenots mais il n'en peut arriuer aucun danger. Cōme celuy, qui s'appuye sur vn rameau fort, peut bien estre deceu, en pensant vn autre estre foible; mais sans doubte il ne tombera pas, pendant qu'il embrassera ce­luy, qui ne scauroit iamais se rompre.

Maintenant suit l'instrument par lequel Coniuncti­on de foy & de grace. Page. 25. nous embrassons ceste iustice asc. la foy touchant la nature de laquelle les Hugue­nots tiennent encor vn erreur, par lequel ils nient (comme il dit) que la grace tuisse estre perdue sans perdre la foy. Ce qui n'est qu'vne cauillation, touchantla double sig­nification du mot de foy; Car si nous di­sōs que la foy n'est autre chose que de croi­re, que Dieu est tel, & tel, qu'il a faict telles & telles choses, Bref, que toute la doctrine Chrestienne est veritabile; Les Huguenots [Page 17] ront (auec S. Iaques) que les Diables croy­ent ainsi, & ont la foy sans auoir grace. De maniere que l'erreur des Huguenots n'est qu'au mot; dautant qu'ils tiennent que la foy de celuy qui est destitué de la grace de Dieu, & de la charité, ne merite pas le tiltre honorable de foy iustifiante et que telle foy est l'instrument seulement par lequel nous sommes iustifiez, qui est tousiours ac­compagnèe de grace, & suiuie de bonnes oeuures. Ce que aussi nous disons, qu'vne foy sans charité est vne foy sans forme, or veu que la forme donne l'estre a la chose, vne vraye foy ne scauroit subsister sans cha­rité, tellement que tant les Huguenots que les Catholiques diront qu'vne parfaicte foy ne scauroit estre sans charité. Seulement nous parlons en diuers termes, les Hugue­nots appelans la foy sans charité foy histo­rique, ou morte: & nous foy sans forme. Mon Dieu, quelle pitié de voir la simplicité de la foy Chrestienne, embrouillée de ces subtilités.

Restent les effects de nostre iustification, ascauoir les bonnes oeuures, par lesquelles nous Catholiques ne disons pas que l'homme deuient iuste, ains qu'estant desia iustifié, il croist en iustice, c'est a dire de iu­ste [Page 18] deuient plus iuste, estant ainsi regeneré, Merites des oeutes. & en estat de grace, il peut (comme nostre aduersaire dit) de telle sorte accomplir la loy, Pag. 24. que cela merite vrayement & proprement la vie eternelle.’ Quant a l'accomplissement de la loy, veu que les Huguenots taschent tant qu'ils peuuent de l'accomplir, encores qu'ils errent en disant qu'ils ne le peuuent faire; toutefois nostre Seigneur mesme leur en a promis pardon, en la parabole du fils, qui refusa de faire la volonte de son pere & toutefois la fit.

Or pour retourner aux merites des oeuu­res, les Catholiques plus polis, nient direc­tement qu'elles meritent, sans qu'elles soyent teinctes du sang de Christ. Or ie m'asseure qu'entre dix mille Catholiques il ne s'en trouuera pas vn seul, qui entende ce que signifiēt les oeuures teinctes du sang de Christ. Mais que simplement sans autre addition ils diront, qu'ils esperent meriter le ciel par leurs oeuures. Tellemēt qu'il y a trois diuerses opinions touchant ceste question.

La premiere est des Catholiques com­muns, qui sont mille fois plus en nombre, & qui disent simplement, qu'on peut meri­ter la vie eternelle parles oeuures.

[Page 19]La seconde, des Huguenots qui nient tout a plat que les bonnes oeuures meritēt: ains seulement. (disent ils) Dieu de sa pure grace, pour l'amour de son fils leur donne salaire.

La troisieme est des Iesuites, & de quel (que) peu de doctes Catholiques, qui nient qu'aucunes oeuures meritent de soy, ains seulement celles qui sont teintes (cōme i'ay dit) du sang de Christ. Laquelle opinion accorde beaucoup mieux auec la doctrine des Huguenots, qu'auec l'opinion, de la multitude des Catholiques: car vne chose teincte, n'est pas changée en substance, comme le cuiure doré demeure tousiours cuiure. La teinture seulement, & l'or, rend la chose plus agreable a l'oeil, & ainsi nos oeuures, qui sont de nature corrompues, bien quelles soyent teintes du sang de Christ, sont tousiours corrompues, mais la teinture & l'or les rend acceptables a Dieu▪ & pour l'amour de son sang, elles sont salariées. Que si d'auenture ils font cō ­science d'vser de ce mot de Merite. Oyons ce que S. Bernard dit. ‘On ne peut (dit il) me­riter la vie eternelle par aucunes bonnes oeuu­res.’ Cap. 1. de annuntia­tione beatae virginis. Non pas que S. Bernard pour cela ait este Huguenot. Car ie scay bien, qu'vn [Page 20] Iesuite auec quelque belle distinction, le pourroit faire parler en Catholique, quoy qu'il ait pensé. Faisons donc la mesme grace aux Huguenots, & faisons la mesme distinction en interpretāt leurs paroles qu'ē explicant celles de S. Bernard, & ils seront en ce point aussi bon Catholiques que S. Bernard, ou nous.

Le quatriesme point est la priere, asca­uoir Priere. Pag. 26. s'il faut inuoquer les saincts ou non: lequel different, gist en deux points, l'vn est,, s'il leur faut adresser nos prieres; l'au­tre, s'ils prient pour nous. Touchant le premier ie di que les Catholiques mesmes constituent deux extremitez; ascauoir, de ne les inuoquer point, comme font les Hu­guenots; & de les honorer trop, c'est a dire de leur attribuer cest honneur, qui appar­tient proprement a Dieu, que les Schola­stiques appellent latrie. Et si aucun faict ce­la, eux mesmes l'estiment Idolatre. Or le pauure peuple qui n'entend pas le Graec, ny ce que veut dire Latrie, ny comprend au­cune autre mediocrité, sinon de les adorer ou de ne les adorer point, va a la bonne foy, adorant auec pareille deuotion, nostre dame, & les autres Saincts, que Dieu mes­mes, de maniere qu'a grand peine (voire, [Page 21] par le iugement des Catholiques) les Ca­tholiques mesmes peuuent euiter Idola­trie.

Or quant a l'autre extremité, les Catho­liques, qui maintiennent l'inuocation des Saincts, disent seulement qu'il est licite de les inuoquer, non pas qu'il est illicite de ne les inuoquer pas, tellement qu'il peut ar­riuer du danger, en suiuant la doctrine Ca­tholique bien que veritable; & n'en scau­roit arriuer aucun, en suiuant celle des Hu­guenots, encore qu'il y ait de l'erreur. Da­uantage, les Huguenots disent, quil les faut honorer, ce qu'ils peuuent bien faire sans les inuoquer. Comme vn subiect pourra bien honorer son souuerain estant absent, quand bien de sa vie il ne luy auroit pre­senté aucune requeste.

Pour le second point, ascauoir mon s'ils prient pour nous, ou non: ie di qu'il y a des Huguenots qui diront qu'ouy, & Caluin mesme ne le nie pas, ains il dit qu'il ne se donne de peine, pour scauoir s'ils le font ou non, Or s'il y a entr'eux quelqu'un qui le nie quel danger y a il? Bellarminus, le Tom. 1. Cont. 6. lib. 2. grand maistre des controuerses, dit que les Saincts au ciel prient pour les ames qui cap. 15. sont en Purgatoire; & les ames du Purga­toire [Page 22] pour ceux qui sont en terre. Et toute­fois il confesse, que Petrus a Soto, nie le premier, & S. Thomas d'Aquin le second. Or veu que le Purgatoire importe plus au Pape que paradis, ie ne voi pas pourquoy les Huguenots, seront plustost haeretiques pour desaccorder auec les Catholiques en l'intercession des Saincts au ciel, que les Catholiques pour desaccorder entr'eux mesmes, touchant l'intercession tant des ames, que pour les ames en Purgatoire.

Le dernier point auquel les Huguenots se sont deuoyez de la foy romaine, est tou­chant Sacrements les Sacraments, esquels, le nombre, Nombre Pag. 25. la nature, & les particuliers Sacraments sont a considerer: & se sont premierement mescontez au nombre, d'autant qu'ils n'en comptent que deux. Encores que le Con­cile de Trente ait iugé, qu'il y en a sept, la­quelle obiection est fort friuole, entant que le different gist plustost aux mots qu'en la chose. Car prenant ce mot Sacremēt pro­prement. S. Augustin dit qu'il n'y en a que De doctri­na Christi­ana lib. 3. cap. 9. deux, ascauoir, le Baptesme & l'eucharistie. Dauantage c'est vne phrase commune par­mi nous Catholiques, de dire, que touts les Sacremēs sont couléz du costé de nostre Seigneur. Or il ne coula de son costé que [Page 23] sang & eau. Ce, qui representoit (selon l'interpretation de Chrysostome, Cirille, & autres anciens) les deux Sacremens de l'Eglise, ascauoir le Baptesme par l'eau, & le calice de l'Eucharistie, par le sang. Et nos docteurs Catholiques ne font autre re­sponce a ceci sinon, que ces deux Sacre­mens, ont quelque dignité par dessus les autres, qui n'est autre chose, sinon dire qu'il y a deux Sacremens principaux, & plusieurs inferieurs. Ce qui est le mesme que les Huguenots disent, mais en diuers termes: eux disans, qu'il n'y en a que deux proprement; nous qu'il n'y en a que deux principalement. nous disans aussi qu'il y en a plusieurs inferieurs, eux qu'il y en a aussi plusieurs, si nous parlons des Sacre­mens, en la signification generale.

Car Melanchthon & Caluin aussi disent que l'ordre, est vn Sacrement mais non pas commun a tous, & ne diront nos docteurs Catholiques autrement. Aussi confesse­ront ils auec S. Paul, que le mariage est vn Sacrement, en ceste signification generale que les anciens ont tourné le mot Graec. Bref ils diront qu'il y en a sept, mais non pas seulement 7. & de faict, il n'y a aucun des anciens Peres, qui ait Iamais trouué ce [Page 24] nombre de sept. De maniere que si les Hu­guenots ne peuuent si iustemēt rencontrer sur le nombre, veu que l'ancienne Eglise, ne la sceu faire aussi, on les peut bien con­demner d'ignorāce en Arithmetique, mais leur erreur en Theologie, ne peut estre grand.

Mais il dira qu'ils sont deceus, en la na­ture Difference entre noz Sacraments & ceus de la loy. Pag. 26. mesmes des Sacremens, d'autant qu'ils les nient estre distinguez en force & en vertu, des Sacremens de l'Ancienne loy, & conferer grace. Ie respond que c'est vne calumnie, car les Huguenots les distinguent des Sa­cremens de l'ancien Testament, & disent qu'ils conferent grace. que veulent ils da­uantage? Mais non pas (ce dit il) ex opere operato Or donc le different n'est pas, as­cauoir si nos Sacrements conferent plus de grace, & ont plus d'efficace, que les Sa­crements de la loy, ou non: Mais en la ma­niere, en laquelle ceste grace est conferée, ascauoir si le different entre nos Sacremēts & ceux du Viel Testament, gist en cela, que les vns conferent grace ex opere operato, & les autres non. Laquelle distinction a esté nagueres inuētée en l'escole: incogneue en l'ancienne Eglise, & malentendue en la mo­derne. Dauātage si cesté dissentiō entre eux [Page 25] suffit pour prouuer qu'ils soyent de deux religiōs les Catholiques mesmes seront de diuerse religion entr'eux. Car la plus­part dit auec nostre aduersaire que nul Sa­crement de la loy ne cōfere grace ex opere operato; toutefois S. Bonauenture, & l'es­scot dient que la Circoncision conferoit grace ex opere operato, tellement que (se­lon leur opinion) la Circoncision, & par consequent quelques Sacremens de l'anci­enne loy, auoyent autant d'efficace, que ceux de Nouueau Testamēt, qui est le mes­me erreur duquel il charge les Huguenots.

Or venons aux Sacremens particuliers Efficace d [...] Baptesme. entre lesquels il ne fait mention que de trois ascauoir du Baptesme. du Sacrement de l'autel: & de la penitence. Touchant le Bap­tesme, Pag. 23. Ils afferment, dit il ‘que le peché origi­nel est inhaerent de telle sorte en l'homme, que ny par le Baptesme, ny par autre remede, il ne se peut oster aucunement.’ Ie responds, que les Huguenots dient aussi bien que les Catho­liques que l'homme est acquitté du peché originel par le Baptesme, ce qui suffit a vn Chrestien de croire en ce point. Et le diffe­rent gist seulemēt en la subtilité du mot s'il doibt estre appellé pechè ou non. Les Ca­tholiques disans qu'il est tellementacquitté [Page 26] que la cōcupiscence qui demeure, ne doibt pas estre appellée peché. Les Huguenots disans, qu'elle peut bien estré appellée pe­chè, toutefois ils confessent auec les Ca­tholiques que l'homme en est entierement absous, & deschargé, tellemēt qu'elle n'est pas reputée comme peché. Et pourtant ils n'ostent non plus la grace receue au Bap­tesme, bien qu'ils s'estiment tousiours pe­cheurs, que le debteur nie la bonté de son crediteur, en confessant qu'il a receu ceste faueur, queses debtes luy soyent remises, se recognoissant neantmoins tousiours deb­teur. Comme que ce soit, le peché est remis, le debteur est deschargé. Que pouuons nous desirer dauantage?

Peut estre maintenant il dirá, qu'encore Enfants morts sans baptesme. que les Huguenots n'errent pas tant au be­nefice receu par le Baptesme, toutefois ils ne comprennent pas bien le dommage qui arriue par le defant d'iceluy. Car ils affer­ment (dit il) que les enfans des Chrestiens peuuent estre estimez iustes, & entrer an Ro­yaume Pag. 24. du ciel sans Baptesme, encores que Iesus Christ ait dit, si aucum n'est regeneré d'eau & du S. Esprit, il ne peut entrer au Royaume des cieux.’ Ie respons, que les Huguenots ne disent pas que tous les enfans des Chresti­ens [Page 27] morts sans Baptesme sont sauués, ains ceux la seulement que Dieu en son conseil eternel a choisis. Tellement que la question n'est pas touchant le Baptesme, mais tou­chant l'election de Dieu, dont il ne scauroit arriuer aucun danger, en confessant nostre ignorance, & remettant les decrets de Dieu a son bon plaisir. Ce que les Hugue­nots font, car ils ne particularisent pas quels enfans sont esleus, ains ne veulent pas en­trer au cabinet de Dieu, pour dire que tels & tels ne peuuent estre sauuez.

Or s'il me respond que l'election de Dieu n'estiamais sans moyens seconds, Tellemēt que le baptesme estant le moyen, par le quel il sauue ceux qu'il a esleu; cest vn signe manifeste, que celuy qui est priué du Bap­tesme, est priué aussi de l'election. ie re­sponds que il y a des Catholiques qui dient qu'on peut estre sauué sans moyens secōds. S. Damascene, S. Brigide & autres Ca­tholiques tiennent que l'ame de l'Empe­reur Traian a esté deliurée de l'enfer par les prieres de S. Gregoire, bien qu'il mou­rut payen, & sans Baptesme. Or donc si ceux ne sont pas haeretiques qui disent que la misericorde de Dieu est si grande, qu'il sauue vn qui a peché actuellement, qui est [Page 28] mort sans foy & sans Baptesme: pourquoy seroit ce haeresie, de dire qu'il sauue quel­que fois les petits enfans, qui n'ont eu que le peché originel? Car cest chose trop plus extraordinaire, de retirer quelqu'vn de l'en­fer, que d'empescher qu'on y entre. Et la grace que Dieu a fait a vn, il la peut faire aussi a plusieurs.

Or quant au Passage de S. Iean, ie de­mande si l'eau dont il parle, doibt estre prise pour le lauement exterieur? S'il dit non, le passage ne faict rien contre les Hugue­nots. S'il dit ouy, alors le voeu ne suffit pas sans l'eau, ce qui est contraire a l'opi­nion de nostre aduersaire mesme, & de touts nos autres Catholiques.

Or ne trouuant pas en la doctrine des Baptesme de Iean. Huguenots grand chose a blasmer touchāt le baptesme de Christ: il vient au Baptesme de Iean, qui selon l'opinion des Huguenots ne differe en rien de celuy de Christ. Icy premierement ie di, que touts les Hugue­nots ne tiennent pas ceste opinion: secon­dement que ce different n'est pas de grande importance; car ceux qui tiennent ceste opinion ne la tiennent pas pour amoindrir le baptesme de Christ: Car ils ne l'estimēt pas estre de Iean, mais de Christ, admini­stré [Page 29] par Iean, deuant sa venue, comme par les Apostres aprez. Finalement ceste dis­pute n'est pas touchant le baptesme que le peuple recoit, ains du baptesme de Iean qu'il ne recoit pas, & par ainsi, ne luy im­porte pas beaucoup, d'entendre la force & vertu d'iceluy.

Suit maintenant le Sacrement de l'autel Transub­stantiation. Pag. 26. qui comprend deux differens proposez par la response, ascauoir la presence de Christ en iceluy: & le sacrifice de la messe. Quant au premier les Huguenots sont d'accord auec les Catholiques en la chose mesme, ascauoir que nostre Seigneur est vrayemēt present au S. Sacrement, & que nous man­geons son corps & beuuons son sang. Seu­lement la difference gist en la maniere, en laquelle il est present, & en laquelle nous le mangeons. Lequel erreur ne peut estre au fondement de la foy, dautant que selon l'opinion de nos docteurs Catholiques, il a esté libre a vn chacun pour mille ans aprez la mort de Christ, de croire la dite presence en telle maniere qu'ils ont voulu, moyennant qu'ils la creussent: dont il est manifeste que ce n'est que le malheur des Huguenots d'estre en ce siecle de l'Eglise tant rigoureux; car autrement ils n'eussent [Page 30] pas esté haeretiques. Car plusieurs des an­ciens peres ont esté infectés du mesme er­reur. Theod. 2. Dialog. Gelas. lib. de duabus naturis. Theodoret & Gelasius mesmes qui a esté Pape, ont dit en paroles expresses, qu'aprés la consecration de ces Saincts my­steres la nature, & la substance du pain de­meure tousiours. Il est bien vray, que les Hu­guenots, peuuent estre blasmez pour auoir renouuellé cest erreur quand ils voyent que l'Eglise Romaine, & qui plus est le Pape mesme l'a condemné. Toutefois d'autant que Gelasius qui a este aussi Pape, a tenu le mesme erreur; nous qui sommes bons Ca­tholiques, le deurions adoucir, tant que nous pourrions, pour le credit du siege A­postolique.

Or quant au sacrifice de la Messe, touts Le Sacri­fice de la messe. Page. 26. deux confessent auec S. Paul, qu'il n'y a qu'vn sacrifice pour les pechez. Asc. celuy de Iesus Christ sur la croix, de maniere que les Catholiques dient qu'ils ne font pas vne nouuelle oblation, ains seulement quils repetent la premiere, quand ils celebrent l'Eucharistie, en laquelle Christ est conti­nuellemēt offert. Mais d'autant que S. Paul dit, non seulement qu'il n'y a qu'vn sacri­fice, Heb. 7. & 10. mais aussi que Iesus Christ n'a esté of­fert qu'vne fois, ceste nostre doctrine a bien [Page 31] besoing d'vne interpretation subtile. Ce que personne a mon aduis n'a sceu mieux faire, que S. Thomas d'Aquin, lequel dit, Que la celebration de ce Sacrement est nommée immolation de Christ pour deux regards, le pre­mier Th. part 13. Arti. 1. dautant que Augustin dit que les signes sont appelez par les nōs des choses dont ils sont signes, Le second d'autant que par ce Sacrement nous sommes participans de la mort de Iesus Christ. Voyons donc commēt les Huguenots s'ac­cordent auec S. Thomas, en ces deux ma­nieres d'offrir Iesus Christ. Quant a la pre­miere pource qu'elle est tirée de S. Augu­stin, escoutons ses paroles. Celuy ne ment pas (dit il) qui dit que Iesus Christ est offert touts les iours, car si les Sacrements n'auoyent vne certaine resemblance des Choses, desquelles Ad Bonif. Epist. 23. ils sont Sacremens, ils ne seroyent pas Sacre­mens du tout, & acause de ceste resemblance ils prennent ordinairement les noms des choses mes­mes. Selon laquelle interpretation les Hu­guenots diront que Iesus Christ est offert au Sacrement, d'autant que les Sacremens ont le nom des chosés qu'ils signifient: & pourtant veu que l'Eucharistie signifie la mort de Iesus Christ, on peut donner le mesme tiltre, a l'Eucharistie, qu'a sa mort: & dautant qu'il a esté offert par sa mort, les [Page 32] Huguenots diront aussi, qu'il est offert en l'Eucharistie a raison (comme dit S. Au­gustin) de ceste resemblance.

Touchant le second regard pour lequel S. Thomas dit que l'eucharistie est appellée immolation de Iesus Christ, ascauoir d'au­tant qu'en ce Sacremēt nous sommes par­ticipans de la mort de Iesus Christ: les Hu­guenots aussi s'y accorderont. Car c'est leur maniere ordinaire de parler, qu'en la cene ils participent a la mort & passion de Iesus Christ. Mais s'il y a quelque autre troisieme facon en laquelle il ait esté offert, sans doubte ce n'est pas chose d'impor­tance. Car S. Thomas a esté si bon Catho­lique si subtil Logicien, & sur tout si bien versé es distinctions & autres stratagemes de l'Eschole, qu'il n'eust Iamais faict men­tion, seulemēt de deux manieres de l'offrir s'il y en auoit quelque troiseme de conse­quence.

Le dernier Sacrement dont il faict men­tion Penitence. Page. 26. est la penitence, en laquelle l'autheur de la response n'obserue aucun different, ains, la nomme seulement de maniere que ie ne voy pas ce qu'il trouue a redire en la doctrine des Huguenots. Mais pour es­plucher son intention, ie trouue que le dif­ferent [Page 33] qu'il y a gist principalement en ces deux points. Ascauoir si la dite Penitence doibt estre appellée Sacrement ou non. Se­condement touchant les parties d'icelle. Quant au premier poinct qui est du tiltre de Sacrement, ce n'est qu'vne dispute du mot, cōme i'ay monstré cy dessus, quād i'ay parlé du nombre des Sacremens. Quant aux parties, ascauoir Contrition, confessi­on & satisfaction, s'il blasme les Hugue­nots dautant qu'ils ne les estiment pas pro­prement estre parties d'icelle, Ie di que tous Catholiques ne tiennēt pas qu'elles le soy­ent. Car Durand n'en faict que deux parties ascauoir la confession, & l'absolution, & l'Escot dit qu'il n'y en a qu'vne seulement, ascauoir l'absolution.

Mais si la question est si ces trois choses y sont requises, les Huguenots diront qu'elles le sont, ascauoir qu'il est necessaire d'auoir contrition & douleur de coeur, de cōfesser & recognoistre nos pechez a Dieu, voire qu'il est vtile de les Confesser aux pa­steurs de l'Eglise, mais non pas necessaire. Dautant que (selon le iugement des doctes Catholiques) la confession auriculaire, n'a In Annot. ad lib. Tert. de paeniten­tia. pas esté ordonnée de Dieu, ni de long temps practiquée en l'Eglise. Comme Beatus [Page 34] Rhenanus qui a esté Catholique a bien ob­serué.

Finalement quant a la satisfaction elle se considere en ceste vie: & en la vie future en Purgatoire. Quant a la satisfaction en ceste vie les Huguenots l'approuuēt, car ils tien­nent qu'il est necessaire de satisfaire aux hommes que nous auons offencez. Et pour le regard des Pechez enuers Dieu de re­nouueller nostre vie, & dauantage ils con­fessent que Dieu punit en ceste vie par af­flictions temporelles mesmes ceux aus­quels les pechez sont pardonnez.

Vray est quils nient qu'il y ait aucune sa­tisfaction Purgatoire▪ Pag. 26. ou punition aprez la mort asca­uoir le Purgatoire, Mais leur erreur en cela ne peut estre grand. Dautant que S. Au­gustin le faict vne chose probable & non ne­cessaire, disant seulement que peut estre il Lib. 21. de ciuitate Dei Cap. 26. est veritable, outre ce que les Catholiques mesmes n'en sont pas d'accord entr'eux Quelques vns disent qu'il est sur la terre, les autres dessous, aucuns ne le mettent ni dessus ni dessous mais en l'air. Quelques vns disent que touts les esleus y doibuent aller, voire les Apostres mesmes & les Mar­tyrs. Autres seulemēt ceux qui n'ont point en ceste vie pleinemēt satisfaict pour leurs [Page 35] pechez, quelques vns y mettent le feu ma­teriel, aucuns le feu & l'eau, autres ni l'vn ni l'autre. Finalement il y en a qui disent que les ames y sont affligées par les Diables autres par les Anges, autres ny par les vns ny par les autres. Comme peut donc ceste questiō estre si necessaire, ou il y a tant d'in­certitude qu'on ne scache (cōme i'ay mon­stré) ny ou il est, ni qui y entrent, ny par qui ils sont punis, ny ce qu'ils endureront. Donc la difference entre les Catholiques & les Huguenots gist en cela que les Hu­guenots ne le croyent pas, & les Catho­liques ne scauent ce qu'ils croyent.

Voici en bref les opinions des Huguenots, touchant les points dessus mentionez. Es­quels on peut voir, que leurs erreurs ne sont pas en la substance de la foy, & pour cela ne les empeschent pas d'estre de l'E­glise, & de la religion Catholique. Car chasque erreur en Theologie ne separe pas les hommes de l'Eglise. S. Cyprian estoit Anabaptiste touchant le point de rebap­tiser les enfans; toutefois Martyr. S. Ie­rosme (comme i'ay monstré cy deuant) esti­moit les liures de l'escriture Apocryphes, que le Concile de Trente a iugé estre Ca­noniques, & toutefois a este canonisé pour [Page 36] sainct. Tertullian, vn des anciens peres e­stoit Montanise. Vn seul Origne auoit autant d'erreurs que touts les Huguenots: toutefois a esté vn des docteurs plus renō ­mez de l'Eglise. & pour descendre plus bas en combien de questions de Theologie de­saccordoyent Scotus, & Thomas d'Aquin les deux principaux pilliers de la Theolo­gie Scholastique? Melchior Canus, & Bel­larminus, accusent Caëtan de plusieurs er­reurs, lequel neantmoins estoit du venera­ble College des Cardinaux. Les Iacobins & les cordeliers, n'ont peu Iamais s'accor­der touchant la cōception de nostre Dame bien que tous deux fussent bons Catho­liques. tellemēt que ie di (que) les Huguenots peuuent estre Catholiques aussi, veu quils tiennēt le fondemēt de salut, encores qu'ils mettent quelques tuiles hors de rang sur le toict de la maison, & bastissent foin & chaume, moyennant que ce soit (comme dit S. Paul) sur le fondement, autrement nous pourrions conclurre, que les Martyrs, les Saincts, les anciens peres, les docteurs de l'Eglise, les principaux scholastiques, les Cardinaux, voire les Catholiques mesmes ne sont pas Catholiques.

CHAP. II. Que les Catholiques aussi bien que les Hugue­nots ne s'accordent auec l'ancienne Eglise en matiere de Caeremonies, & que pourtant les Huguenots ne sont pas a condemner.

COmmenous tegardons es hōmes, leur corps, & leurs accoustremēts: aussi nous considerons en l'Eglise, la doctrine & les caeremonies, quant a la doctrine, ou corps de la relligion, i'ay mon­stré au premier chapitre, que les Hugue­nots ont le cerueau, le coeur, le foye, & tou­tes les parties vitales entieres, cest a di [...] qu'ils tiennēt encores touts les points prin­cipaux de la foy. & que le plus qu'on leur scauroit reprocher, est qu'ils ayent quelques verrues & taches en la peau, i'entens qu'el­ques erreurs, aux circonstances, & en la maniere, d'appliquer la dite foy. Or quant aux accoustremens & caeremonies de la re­ligion, ie confesse que l'Eglise des Hugue­nots, n'est pas du tout si braue ny si bien pa­rée, (que) l'Eglise Romaine, & pour cela, est vo­lontiers mal venue, & mesprisée, aux cours des grāds Princes, & Monarques du mōde. [Page 38] Et cela ie iuge estre la Cause pourquoy, l'A­pologie Catholique a tasché d'excuser les simples & nues ceremonies de l'Eglise re­formée, non pas pour blasmer les beaux & sumptueux habits de l'Eglise Catholique, ains pour monstrer qu'il ne faut auoir tel esgard a ceste simplicité exterieure, que de les condemner sans les ouir. Comme vn officier seroit par trop seuere, qui empes­cheroit vn pauure homme de presenter sa requeste a son Prince, pour n'estre pas ha­billé en courtisan.

La raison par laquelle l'Apologie les ex­cuse, est que l'Eglise ancienne se conten­toit iadis de pareille simplicité. Or sur ceste occasion l'autheur de la response, pense a­uoir gaigné vn grand auantage, sur l'Apo­logie Catholique, dautant (ce dit il) quil peut prouuer que plusieurs des Caeremonies, que Pag. 27. reiectent les Huguenots, sont tresaciennes.’ A­quoy ie respons que i'accepte volontiers, ce qu'il octroye. Ascauoir quil ne peut prouuer, que toutes les Caeremonies de l'Eglise Romaine soyent anciennes, ains (comme il dit) plusieurs, & quant a ces plu­sieurs desquelles il fait mention, afin qu'on voye comme elles sont impertinentes, ie monstreray ces deux choses.

[Page 39]Premierement qu'il ne prouue pas con­tre les Huguenots que l'Eglise Romaine s'accorde auec l'ancienne es dites Caere­monies.

Secondement qu'encores que l'ancien­ne l'Eglise en ait vsé, toutefois les Hugue­nots ne sont pas a cōdemner pour les auoir quitté.

Quant au premier point, mon intention Que l'eglise Romaine ne s'accorde auec l'anci­enne en ma­tiere de cae­remonies. n'est pas, de condemner les caeremonies de nostre mere saincte Eglise: Mais veu que nos gens sont si rigoureux, que d'em­pescher, nostre accord pour vne chose si indifferente, comme les Caeremonies; i'ay pris la hardiesse de luy contredire, & de monstrer que les Huguenots peuuent re­spondre aux raisons qu'il allegue: ce que ie ne di pas, pour les iustifier, mais afin que nous ne nous persuadions si absolument, que toutes choses facent si clairement pour nous, oyons donc comme les Huguenots respondront aux seixe exemples qu'il am­eine.

Le premier exemple, est le signe de la Le signe de la croix. Page. 27. croix, touchant lequel les Huguenots con­fesseront, qu'il a esté en vsage anciennemēt mais que l'vsage en a esté introduit en l'E­glise pour vne occasion particuliere & pro­pre [Page 40] seulement a ce siecle la. Car les Payens parmi lesquels les Chrestiens con­uersoyent en ce temps la, auoyent ac­coustumé quand ils rencontroyent quel­ques Chrestiens, de faire le signe de la Croix par opprobre, d'autant que le Dieu quils adoroyent, auoit esté pendu en vne croix. Tellement que les Chrestiens pour monstrer quils n'auoyent pas honte d'v­ne telle mort, en toutes leurs actions faisoyent le dit signe. Or ceste occasion maintenant est ostée, & par ainsi les Hu­guenots diront qu'il n'est aucun besoing d'en continuer l'vsage, non plus que d'ap­pliquer l'emplastre a vne playe ia gue­rie.

Quant a l'oraison faicte vers l'orient ie Oraison faicte vers l'orient. Pag. 28. n'ay iamais cogneu Huguenot, qui pensast, qu'il soit illicité de prier vers l'orient, ny Catholique qu'il soit illicite, de prier vers les autres coins du monde. Qui a il donc a dire entr'eux, sinon d'vne cou­stume indifferente, l'aquelle n'a pas este ob­seruée anciennement en toutes Eglises? Car Socrates dit, qu'en l'Eglise d'Antio­che Socrat. lib. 5 cap. 21. l'autel estoit du tout au contraire, asca­uoir vers l'occident.

Touchant l'inuocation de l'Eucharistie, [Page 41] nostre aduersaire dit, quil appert par Sainct Basile, quon vsoit alors, & des le temps des A­postres, L'inuocati­on de l'Eu­charistie. Pag. 28. d'inuocation, quand on monstroit l'Eu­charistie, Ie responds, que ces Paroles ne font rien contre les Huguenots: Car on peut bien vser d'inuocation, pendant que le Sacrement est celebré, & cependant, l'in­uocation estre de Dieu, & non du sacremēt. Il est bien vray qu'il y auoit vne priere par­ticuliere ordonnée pour cefaict la, que S. Basile estimoit estre tradition des Apo­stres. Mais les Catholiques mesmes ne ti­ennent plus la mesme formule de prier. Et on ne peut scauoir par aucune antiquité, quelle estoit la forme de ceste priere dont parle S. Basile. De maniere que si ceste pri­ere estoit vne tradition Apostolique, nostre Eglise a esté peu soigneuse de la guarder, ce qui me faict croire, que nous auons soubs le tiltre de traditions Apostoliques, quel­ques choses qui ne le sont pas: Car il será aussi facile d'inuenter quelque tradi­tion que nous n'auons pas receue, que de nous oublier de celles que nous auons receu: Car Dieu ordinairement ou il oste la memoire, adiouste de l'inuētiō, et souvēt du iugement. Estant tressagement faict, ayant per du vne tradition, d'en mettre vne [Page 42] autre en sa place, pour tenir tousiours le nō ­bre entier.

Le quatriesme exemple, est de la bene­diction Benediction de l'eau du baptesme. Page. 28. de l'eau du Baptesme. Or les Hugu­enots confesseront auec S. Basile, que l'eau du baptesme doit estre benie, mais ils nient ceste benediction auoir esté telle iadis, que celle que nous auons, dautāt quils disent (que) l'eau, & toutes autres creatures sont desia sanctifiées de Dieu, & particulierement, que l'eau en nostre Baptesme n'a aucun be­soing de benediction pour la rendre plus saincte, d'autant que S. Chrysostome dit, que Christ par son Baptesme a sanctifié toutes Homil. 27. in Iohan. eaux. Que si mon homme veut encores da­uantage que necessairement l'eau du Bap­tesme, doiue estre benie en telle sorte qu'on faict pour le present. Ie di que Eusebe escrit, que Cōstantin le grand, vouloit qu'on bap­tisast, dedans le Iordain, & toutefois ie n'ay iamais ouy dire, que toute la riuiere du Iordain, fust d'eau benite.

Ils diront le mesme de la consecration de Consecratiō & vsage de l'huile au baptesme. Pag. 28. l'huile: le mot de consecration au commē ­cement ne signifiant autre chose que l'in­stitution du signe a vn vsage sainct, & quant a l'vsage de l'huile, comme l'ancienne l'E­glise en vsoit au Baptesme, aussi vsoit elle [Page 43] de miel, & de laict, qui ne sont plus en vsage Tereul. lib. de corona militis. en l'Eglise Romaine. Pourquoy donc se­ront les Huguenots plus blasmez pour le defaut, d'vne caeremonie, que les Catho­liques pour le defaut de l'autre. Et cela suf­fit aussi pour improuuer l'autre exemple qui s'ensuit, ascauoir que l'Eglise Romaine Pag. 28. accorde auec l'ancienne en toutes Caeremonies du Baptesme.’

L'Exemple suiuant est du ieusne de Ca­resme, Ieusne de Caresme. Pag. 28. estimé par S. Ierosme vne tradition Apostolique. Sur quoy les Huguenots re­spondront, que Epiphanius dit, que cest Epiph. hae­res. 75. Hieroni. contra Li­uisi. vne tradition Apostolique de Ieusner les Mecredis & Vendredis, hormis entre Pas­ques & Pentecoste, auquel temps le mes­me S. Ierosme, au mesme liure cité par la response, dit qu'il est illicite de Ieusner, & toutefois les Catholiques ieusnent les ven­dredis au mesme temps. Pourquoy donc seront les Huguenots plus a blasmer, pour s'esloigner de la coustume de l'ancienne E­glise, en l'obseruation de 40. iours deuant Pasques, que les Catholiques pour desac­corder d'auec la mesme Eglise en l'obserua­tion de 50. iours apréz? Tiercement ils di­ront auec Spiridion, ‘quils osent manger chair en Charesme, dautant qu'ils sont Chresti­ens.’ [Page 44] Et qu'ils ne sont pas tenus de ieusner dautant qu'ils sont Laics. Car Telesphorns qui a esté Pape, dit que luy mesmes auoit Epist. decret ordonné le ieusne de Caresme seulement pour les Clercs.

Touchant le sacrifice pour les morts, il Sacrifice pour les morts. Page. 28. appert par S. Cyprian, Cirille, Chryso­stome, & autres Peres, qu'on faisoit menti­on entre les morts (pour lesquels ils sacri­fioyent) des Apostres & des Martyrs, qui vont (selon le iugement de touts) tout droit au ciel, & n'ont aucun besoing de telle oblation, qu'on offre auiourdhuy pour le soulagement des ames des trespassez. tel­lement que les Huguenots diront, qu'il faut dire (que) les ames des saincts de paradis, sont aidées de nos oblatiōs, ce que les sages Ca­tholiques ne diront pas: ou que le dit sa­crifice pour les morts, n'estoit autre chose qu'vne commemoration pendant qu'on celebroit l'Eucharistie, ce que les sages Hu­guenots ne blasmeront pas.

Le dixieme exemple est du Baptesme Baptesme des enfans. des enfans, lequel les Huguenots approu­uent aussi bien que les Catholiques.

Quant a l'admixtion de l'eau auec le vin L'admixtiō de l'eau & du vin au calice. dans le calice: selon le iugement de S. Tho­mas, ce n'est pas chose si necessairement [Page 45] requise, & l'Eglise Romaine mesmes desac­corde en l'vsage d'icelle, auec la coustume Missa Chry­sostomi. de l'ancienne Eglise, entant que nous vsons d'eau froide, ou S. Chrysostome monstre qu'en son temps l'eau estoit chaude.

Le 12. exemple, est du perpetuel coeli­bat, Perpetuel coelibat. Pag. 28. ce que les Huguenots ne blasmeront pas, mais ils diront que l'obseruation en ce tēps la enestoit voluntaire, & non forcée, & qu'on n'estoit pas contrainct de le vouer. Comme Theodoret dit, en expliquant le 4. chap. de la premiere a Timothée. Ie ne blasme pas le coelibat (dit il) mais i'accuse ceux qui par ordonnances, contraignent les hommes de le suiure.

Le 13. exemple est de la vie solitaire ou La vie soli­taire. Pag. 29. contemplatiue, laquelle vie les Huguenots ne veulent absolumēt condemner, mais biē ils diront quelle estoit anciennemēt tout au­tre, que celle de nos Hermites, & Anacho­retes d'auiourdhuy. Car ceux qui ont les premiers introduits ceste facon de viure, l'ont obserué seulement au temps de perse­cutiō, pour fuir l'Idolatrie, & les occasions d'estre forcés aux actions illicites par les ty­rans qui regnoyent, comme l'histoire Ec­clesiastique Sozom. Hist. 1. c. 13. tesmoigne en la vie de S. Paul & S. Antoine, les deux premiers Hermites.

[Page 46]Or pour les ordres des moynes, les Hu­guenots nommeront le temps & l'année, Ordres des moines. Pag. 29. quand chacun d'iceux a esté inuenté, & combien que en l'Eglise primitiue le nom de moyne fust desia vsité, toutefois ils e­stoyent tout autres gens que nos moynes d'auiourd huy. Car premierement ils gag­noyent leur vie, a la sueur de leur visage, se­condement plusieurs d'entreux estoyent mariez, comme escrit Athanase. Finalemēt Atha. ad Seraph. les Huguenots diront qu'il n'y eut iamais moyne en la primitiue Eglise, qui ait tué vn Roy, ny aucun Catholique en ce temps la quil'eust approuué.

Reste l'election des viandes, laquelle les Election des viandes. Pag. 29. Huguenots approuuent, moyennāt que ce soit par discretion, & non par conscience, selon la coustume de l'ancienne Eglise. Et pour mieux esclarcir cela, il mesēble, qu'on peut faire distinction, entre election de vi­andes, & difference de viandes: Car les Hu­guenots diront, qu'il n'y a point de diffe­rence de viandes, quant a la relligion, d'au­tant qu'il est licite de manger toutes sortes de viandes indifferement, sans faire consci­ence; mais qu'on peut pour humilier sa chair, s'abstenir de telles viandes, qui inci­tent plus a concupiscence. Laquelle absti­nence, [Page 47] dautant qu'elle est remise a la discre­tion, & au chois de celuy qui ieusne, pour­roit estre propremēt appellée electiō de viā des, car les Apostres (cōme dit l'hist. Eccl.) auoyent laissé en la liberté de chacū, d'vser tant Trip. hist. 9. cap. 38. es Ieusnes, qu'es autres iours, de telles viandes qu'on voudroit. la ou les ieusnes de l'Eglise Romaine (diront, les Huguenots) doiuent plustost estre appellez prescription de vian­dez, qu'election: dautant que l'election est volontaire, & leur abstinence est estreinte.

Finalement quant aux iours de festes, les Iours des festes. Pag. 29. quels il nomme icy tradition Apostolique, ie di que l'histoire Ecclesiastique monstre tout le contraire. Car Socrate dit en ter­mes ex prez. Que les Apostres n'ont rien or­donné Lib. 5. c. 22 touchant les iours de festes. Dauantage ceux qui les ont estimez estre ordonnez par les Apostres, ont esté forcés en fin de met­tre l'obseruation d'icelles entre les choses indifferentes. Car de touts les iours de fe­stes, il ny en a aucun qui ait este obserué a­uec plus de deuotiō que le iour de Pasques, lequel l'Eglise Occidentale celebroit au di­manche, l'orientale aux autres iours: l'vne confirmant sa coustume par la tradition de Pierre, & de Paul, l'autre par la tradition de Iean & de Philippe, dont la controuerse [Page 48] a este ainsi appaisée entre Polycarpe, & Vi­ctor euesque de Rome, que l'obseruation en Sozom. li. 7. cap. 19. seroit libre, or les Huguenots ne blasment pas simplement l'obseruation des festes, ains l'obseruation forcée. Car en Angle­terre, en Allemaigne, en Suisse, & es au [...]res païs ou la religion pretendue reformée, est establie, on retient encores plusieurs festes, sans que les Huguenots de France, les blas­ment.

Mais posons le cas que l'vsage de toutes Que les Hu guenots ne sont pas a blasmer pourquitter les caeremo­nies de l'an­cienne E­glise. les caeremonies susdites, ait este tel en l'E­glise ancienne, qu'en la Romaine: Toute­fois ie di que touts ces exēples ne font rien a propos. Dautant que les caeremonies (commei'ay dit) ne sont que les accoustre­mens, qui changent de facon bien souuent, & sont accommodées au temps & au lieu, ce que nostre aduersaire confesse luy mes­mes. Car scachant que la plus grande par­tie de nos caeremonies a esté incogneue des anciens. Il n'a autre response, que cela, qui mesmes suffit pour luy respondre, cest asca­uoir, quil n'appartient pas beaucoup, a la matie­re ascauoir mon si les caeremonies Ecclesiastiques Pag. 27. estoient en vsage en la primitiue Eglise, ou si elles ont este innouées, en ces dermers temps.’ Or l'Escripture (diront les Huguenots) [Page 49] prononce la mesme malediction, contre ceux qui adioustent que contre ceux qui ostent, de maniere que s'il est licite a l'E­glise Romaine d'adiouster aux caeremonies anciennes, il nous est licite aussi (diront ils) d'en oster, principalement celles qui ont esté adioustées.

Secondement l'Eglise est appellé pri­mitiue, ou au regard de soy, d'autant quelle est vrayement ancienne, ou bien au regard de la moderne, d'autant qu'elle est plus an­cienne que la nostre. Or si nous parlons de l'Eglise comme elle est ancienne en soy, les Huguenots diront qu'il n'y a aucune ressē ­blance des caeremonies de l'Eglise moder­ne, aux ceremonies anciennes: mais parlant de celle qui est plus ancienne que la nostre (duquel temps seulement sont tirez les ex­emples de nostre aduersaire) ils diront qu'ē ­cores que la pluspart de nos caeremonies soyent du tout differentes, toutefois ily en auoit trop pour lors en l'Eglise, tellement que S. Augustin en son temps se plaignoit fort, de la multitude d'icelles.

Finalement, comme l'ancienne Eglise auoit quelques ceremonies que les hugue­nots n'ont pas, aussi en auoit elle aucunes que l'Eglise Romaine n'a pas, comme le [Page 50] laict & le miel au Baptesme: la coustume de plonger l'enfant trois fois aux fonds, la­quelle a este ostée (comme dit S. Thomas) pour euiter la calumnie des Sabellians, qui sur ceste occasion, reprochoyent aux Chre­stiens qu'ils adoroyent trois Dieux. Dont on peut receuillir, combien les ceremonies sont indifferentes, pendant qu'il n'y a point d'abus, & de l'autre costé combien il est li­cite voire necessaire de les oster pour pre­uenir vn plus grand inconuenient. Dont on peut dire cela pour les Huguenots, quils ne se desuoyent pas en ce point de la cou­stume de l'ancienne Eglise, entant que ils ne mesprisent pas plusieurs ceremonies, cōme elles estoyent anciennement praticquées. Toutefois les reiectent maintenant quand elles sont changées en telle superstition, que nos plus doctes Catholiques se moc­quent du pauure peuple, qu'eux mesmes ont abusé.

CHAP. III. Que la doctrine des Huguenots n'a pas esté con­demnée par aucun iugement legittime de­uant le Concile de Trente.

IVsques icy i'ay parlé de la reli­gion des Huguenots, en soy, tant en doctrine, qu'es cere­monies: ascauoir que les ceremonies sont choses indif­ferentes, & que leurs erreurs en doctrine ne sont pas au fondement de la foy: de ma­niere qu'ils ne sont pas haeretiques au re­gard de la meschanceté de leurs opinions. Voyons maintenant, s'ils le font par con­demnation. Or nostre aduersaire pour les conuaincre, ameine les decrets de plusieurs conciles: ausquels auant que respondre, ie proposeray quatre considerations.

La premiere est, si vn concile general, & legittime peut errer ou non, en la substance de la foy, d'autant qu'il est cōposé d'hom­mes, au tesmoignage desquels, (comme dit S. Augustin) il n'y a point de certitude: on August. Epist. 112. peut adiouster foy a l'Escriture (dit il) sans doubter, mais pour le regard, de touts autres tes­moings & tesmoignages, Il est licite de les croire [Page 52] ou de ne les croire pas. Tellement que ce pri­uilege est seulement donné a l'escripture, d'estre d'vne certitude irrefragable. Or s'il est ainsi, touts les passages tirez de l'autho­rité des Conciles sont sans poix, si ce n'est qu'ils les prouuent par l'escripture. Mais veu que cest la response commune des hu­guenots, ie ne m'en seruiray, ains comme vn vray Catholique, ie confesseray pour vne maxime infaillible, qu'un concile le git­time & general, ne peut errer en la substāce de la foy.

La seconde est, ascauoir mon, si vn tel Concile general peut errer, sinon en la substance de la foy, pour le moins es autres points de Theologie de moindre conse­quence. Or s'il peut erreur en telles choses, alors veu que i'ay monstré que les erreurs des Huguenots ne sont pas en la substance de la foy, les Conciles peuvent errer au iu­gement des controuerses qui sont entre eux & nous. & alors ceste seconde espece d'heresie que nous faisons est superflue & leurs erreurs nestants pas haeresies de leur nature, ne peuuent estre rendus haeresies par cōdemnation. Car la raison pourquoy celuy est haeretique, qui resiste aux decrets d'vn concile est d'autant que par ce moyen [Page 53] il resiste au iugement du S. Esprit lequel infailliblement accompagne le Concile. Or si le S. Esprit, n'est promis au Concile sinon entant, qu'il traicte des choses neces­saires a salut: ceux qui tiennent des opini­ons contraires au Concile en autres choses ne resistent pas au iugement du S. Esprit: & par consequent ne sont pas haeretiques. Or Stapleton professeur des controuerses a Stapleton. princip. Doctri. Douay vn des plus doctes Catholiques de nostre temps & qui plus exactemēt a escrit de cest argument, tient que le S. Esprit est promis d'assister aux Conciles, seulement es choses necessaires, & qu'es autres ils peu­uent Defensio fi­dei Triden. lib. 4. errer: Et Andradius mesme qui de­fendle Concile de Trente, au mesme liure qu'il le defend comme general, legittime, & sain en matiere de la foy, condemne la traduction vulgaire de la Bible, comme corrompue, non obstant que le dit Concile l'ait approuuée cōme Authentique, & de­fendu Cōcil. Trid. sess. 3. a touts de la condemner, sous quel­que praetexte que ce soit. Tant peu il se fioit au iugement des Conciles, es choses qui n'estoient de l'essence de la foy.

Mais confessant qu'vn Concile legittime ne peut du tout errer. Toutefois il y a en­cores vne troisieme difficulté, Asc. si les [Page 54] Conciles qu'il cite contre les Huguenots, sont legittimes, ce qu'vn Catholique pour­roit nier, d'autant qu'il se trouue en iceux plusieurs nullitez, en la maniere de proce­der qui ne se trouuent pas es Conciles an­ciens, comme ie monstreray au chapitre suiuant, quand ie parleray du Concile de Trente. Or les Huguenots seront contens d'estre iugez par les Anciens conciles qui ont esté 600. ans aprés Iesus Christ, iusques a ce que (comme ils dient) Le Pape obte­nantla Monarchie en l'eglise, a osté la liber­té aux Conciles, & assubiecti les voix des autres Euesques a la sienne. Or touts les Conciles alleguez par nostre aduersaire ont esté depuis ce temps là.

Reste maintenant la quatriesme difficul­té, ascauoir mon, si les Huguenots ont esté iustement condemnez par les derniers Cō ­ciles. Or de ces 4. considerations on peut obseruer combien est friuole sa vanterie des Conciles, dautant qu'il ne scauroit rien conclurre, sans qu'il aye liberté de donner aux Conciles telle authorité qu'il veut, de faire legitimes tels conciles qu'il veut, & de faire parler les conciles comme il veut. L'homme le plus innocent du monde peut estre conuaincu par telles preuues, si on [Page 55] veut croire sans autre examination tout ce que chasque tesmoing produira contre luy, & quand son ennemi aura la liberté d'eslire des tesmoings a son plaisir, & de iuger de leur tesmoignages.

Mais pour retourner a nostre propos, voyons maintenant si les Huguenots sont legitimemēt condemnez par les Conciles qu'il ameine, ou non. Ce que l'Apologie Catholique nie, en quoy (selon mon aduis) il monstre grand zele a la Religion Ro­maine: Car voyant tant de monde infecté de la doctrine des Huguenots, dautant qu'elle n'est pas encores condemnée par for­me legittime de procés. Il s'efforce de per­suader aux Catholiques de faire assembler vn concile legittime, pour les confuter, a fin que les Huguenots soyent bien satisfai­cts, voyent leurs erreurs, & n'ayent aucune excuse de reiecter la doctrine de l'Eglise Romaine.

Mais voyant que plusieurs Catholiques seditieux, qui ont plus de desir de tuer leurs corps, que de sauuer leurs ames, empeschēt vne action si saincte, soubs couleur, qu'ils sont desia condemnez par autres Conciles l'Apologie Catholique faict tresbien, de leur remonstrer qu'ils ne deuroyent laisser [Page 56] pour cela de pour suiure vne si bonne entre­prise, d'autant que les premiers arrests par lesquels les Huguenots ont esté condem­nez n'ont pas esté au dernier ressort: & que pour cela les Huguenots en peuuent ap­peller: de maniere qu'il faut que nous leur facions le procez derechef, pour les condē ­ner, par vn tel arrest, qu'eux mesmes ne scau royent recuser. Or nostre aduersaire respōd qu'il n'est pas besoing de faire cela, & qu'ils sont desia legittimement conuaicus par vn tel iugement; Ce qu'il monstre par deux raisons.

L'vne est que la doctrine de l'Eglise Ro­maine a esté publiquemēt establie par cōci­les generaux deuant le Concile de Trente.

L'autre que la religion des Huguenots est la mesme, que celle des anciens haere­tiques ia condemnez.

Quant a la premiere, la principale contro­uerse Transub­stantiation. (dit il) gist au Sacrement de la Cene l'a­quelle n'est pas seulemēt iugée, par le Concile de Trente, mais par les dix plus anciens Conciles de Pag. 29. l'Eglise.’ Or pour confirmation de cela, il cite les Conciles de Vercelle, de Tours, de Vienne, Constance, de Florence, & de 5. autres tenus a Rome; dont le principal a esté celuy de Latran sous Innocent 3. ce [Page 57] sont les 10. conciles que nostre aduersaire appelle les plus Anciens de l'Eglise. Certai­nement l'Eglise donc a esté long temps sans conciles: car le plus ancien de ceux ci a esté mille ans aprés le temps des Apostres. Mais peut estre il entend l'Eglise Romaine, comme elle est differente en doctrine de l'Eglise ancienne, ascauoir que les dits cō ­ciles sont les plus anciens de ceste Eglise, qui vn peu deuant la celebration des susdits Conciles, deueint nouuelle Eglise, cest a dire tout autre que la premiere, & par ainsi il n'estime pas ces conciles simplement an­ciens: mais les plus anciens de l'Eglise qui n'est pas ancienne. Or ie m'esbahi pour­quoy il est si mal aduisé de donner cest ad­uantage aux Huguenots, de conclurre de ces paroles, que nostre Saincte Eglise Ro­maine est nouuelle, & occasion au peuple de scauoir par sa cōfession qu'elle est telle. Au­quel in conuenient l'autheur de l'Apologie Catholique a beaucoup mieux preuenu. Car scachāt tresbien que nous ne pouuons prouuer la doctrien de l'eglise Romaine par anciens conciles, il desire plustost, qu'on tas­chast d'en assembler vn nouueau: depeur qn'en citant les autres lesquels de faict ne sont pas anciens, le peuple vint par ce [Page 58] moyen a soupconner que nostre doctrine est nouuelle.

Mais pour retourner ausdils Conciles outre ce que touts sont nouueaux, ily en a 7. qui ne sont pas approuuez comme gene­raulx, des plus doctes defenseurs de la re­ligion Romaine. & pourtant, selon le iuge­ment mesmes desdits Catholiques, peuuent errer, & par consequent il est licite d'en ap­peller a vn general, de maniere que la re­baptisation des enfans ayant esté condem­née par le Pape Corneille, en vn Concile particulier tenu a Rome, & la dicte sentēce approuuée par le Pape Estienne. S. Cypri­an neantmoins tenoit tousiours la dite opi­nion, accusant les deux Papes & le Concile d'erreur: ce que sans doubte il n'eust faict, s'il eust pensé que l'authorité d'vn concile particulier fust sans appel, au moyē dequoy entre lesdits Conciles qu'il cite il ny en a que trois, ascauoir celuy de Latran, de Vi­enne, de Florence, estimez des Catholiques mesmes generaux. & par consequent seu­lement trois qui peuuent iuger au dernier ressort.

Quant a celuy de Latran qui est le plus Concile de Latran. ancien des trois, les Huguenots le peuuent recuser pour deux regards, le premier d'au­tant [Page 59] qu'il est moderne, & tenu en tel temps, ou les voix des hommes ne furent point li­bres ains contrainctes & assuietties a la vo­lonté du Pape. Le second dautant que par le iugement des Catholiques mesmes qui ont esté depuis ledit Concile, la doctrine establie en iceluy a este iugée contraire a la parole de Dieu, de maniere que l'Escot vn des plus signalés docteurs de la Theologie scholastique, dit qu'on pourroit trouuer vne interpretation de ces mots (cecy est mon corps) meilleure, & plus accordante auec la raison & la parole de Dieu que le Concile n'a pas donné. pensons nous donc que les Huguenots estimeront, vn tel Con­cile d'authorité suffisante pour les condem­ner, veu que les Catholiques mesmes con­fessent, qu'il a mal interpreté l'escripture.

Or touchant le concile de Vienne, cest Concile de Vienne. erreur (dit il) y est condemné ascauoir, qu'il ne faut faire aucun honneur & reuerence a la Sain­cte Pag. 32. Eucharistie, lequel erreur personne n'ignore, qu'il ne soit aussi de Caluin, & de touts les Sa­cramentaires.’ Ie dy que nostre aduersaire & tels que luy, font grand tort a l'Eglise Ro­maine, en donnant occasion aux Hugue­nots de reprocher aux Catholiques, quils sont menteurs & calumniateurs: car ceux [Page 60] de la religion ne disent pas (comme il les faict parler) qu'il ne faut faire aucun hon­neur & reuerence a l'Eucharistie, ainsqu'il ne la faut pas adorer comme les Catho­liques font.

Le dernier Concile est celuy de Florence, Concile de Florence. l'authorité duquel les Huguenots peuuent reietter, dautant qu'il desaccorde d'auec les autres Conciles. Car le concile de Basle, & de Constance, que nostre aduersaire nō ­bre icy parmi les conciles generaux, ont iugé que l'authorité du Concile est par des­sus le Pape, ou le Concile de Florence faict le Pape par dessus le Concile: laquelle sen­tence n'est pas seulement (comme i'ay dit) contraire aux conciles de Basle, & de Con­stance, mais repugnāte au iugemēt de touts les Theologiens de Paris de ce temps la. tel­lemēt; q si les Huguenots font mal en de­saccordāt auec le Cōcile de Florence, ils le font par l'exēple des Theologiens Catho­liques, & d'autres conciles, voire qui (mes­mes par le iugement de nostre aduersaire) sont generaux.

La seconde doctrine de laquelle il fait mē ­tion Franc Ar­bitre. est le Franc Arbitre, lequel pour auoir nié, les Manichéens & autres haeretiques ont esté condemnés par S. Augustin, S. Ie­rosme, [Page 61] S. Leon &c. Or ie respons que les hu­guenots ne le nient pas en telle maniere que les dits haeretiques ont faict. Cōme on peut biē obseruer en la doctrine des Manichéens lesquels faisoient deux necessaires princi­pes, l'vn du biē, & l'autre du mal; & par ainsi nioient simplemēt le Franc arbitre tant de mal que de bien faire: quand il aura monstré que les Huguenots tiennent aucune telle opinion, ses exemples seront a propos.

Dauantage il conferme la mesme opini­on par 4. Conciles asc. par vn particulier tenu en Frāce, par ceux d'Aurāges, de Sens, & de Constance. Ie respons qu'il seroit tres­aisé d'interpreter, lesdits Conciles sans les reietter en ce point du Franc arbitre. Mais pour faire court, ie ne prendray la peine de les examiner, d'autant que trois d'iceux sont particuliers, & pour cela (comme i'ay desia monstré) peuuent errer, & on en peut appeller. Quant au quatriesme, qui est ce­luy de Constance, bien qu'il soit nommé general par nostre aduersaire. neantmoins Bellarmin, approuue seulement 18. conci­les Tom. 1. Cont. 4. lib. 1. cap. 5. pour generaux & legittimes, au rang desquels cestuy cy n'est pas.

La troiseme haeresie dont il parle qui est celle Enfans morts sans baptesme. par laquelle les Huguenots tiennent que les [Page 62] petits enfans qui meurent sans Baptesme, ne pe­rissent point, est (dit il) assés manifeste. Et com­ment? ‘Par tant de tesmoignages (dit il) de le­scripture, Pag. 39. par tant de decrets des saincts conciles par tant de responces des Saincts Peres.’ Et tou­tefois il n'allegue (que) deux passages de S. Au­gustin, lequel comme de faictil a tenu ceste opinion, que les enfans ne peuuēt estre sau­uez sans Baptesme, aussi a il tenu quils ne peuuēt estre sauuez sans receuoir l'Euchari­stie, laquelle opinion nos Catholiques mesmes condemnent, pourquoy donc se­royent les Huguenots plustost haeretiques, pour desaccorder auec S. Augustin, en vn sacrement, que les Catholiques de reietter son iugement touchant l'autre. Veneration des images.

Le quatriesme point est la veneration des images, laquelle a este confirmée par le se­cond concile de Nice, auquel ie puis oppo­ser le Concile de Francfort celebré depuis ledit concile, lequel a mesprise l'authorite de ce concile de Nice, & condemné les de­crets d'iceluy. Et ne sert rien a nostre ad­uersaire de dire que ces tesmoignages ont assez de poix enuers les Catholiques, Car au Concile de Francfort, il n'y en auoit pas d'autres que Catholiques, & les legats mesmes du Papey assisterēt. Voicy tous les [Page 63] Conciles que nostre aduersaire a receuilli contre les Huguenots, lesquels touts, hor­mis celuy de Latran de Vienne de Florence & ce dernier de Nice, sont particuliers, & par consequent arrests qui peuuent estre annullez & cassez. & puis, de ces quatre qui par aucuns sont estimez generaux, le pre­mier (i'entens celuy de Latran) a iugé (selon l'opinion de l'Escot tresgrand Catholique) contre la parole de Dieu. Les paroles qu'il tire du second, ascauoir de Vienne, ne font rien a propos. le iugement du troisieme as­cauoir celuy de Florence, a esté contraire aux arrests des Conciles de Basle, & de Constance. Le dernier de Nice, a esté con­demné par le Concile de Francfort. Pour­quoy donc cederont les Huguenots a l'au­thorité de tels conciles, d'auec lesquels les Catholiques mesmes, voire Conciles de Catholiques desaccordent? Comme pour­rons nous donc esperer de les conuertir par telles preuues? Cōuoquons des nouueaux conciles: donnons audience indifferente a leurs ministres, refutons leurs raisōs en leur face: autrement nous ne reduirons iamais les Huguenots desuoyez au vray chemin.

La seconde raison par laquelle nostre ad­uersaire, refute les Huguenots, est d'autant [Page 64] qu'ils s'accordent en doctrine auec les an­ciens Que la doc­trine des Huguenots n'est pas la mesme que celle des an­ciens haere­tiques ia cōdemnés. haeretiques, 1. ascauoir auec les Arriēs qui par le tesmoignage de S. Augustin, ont reietté la priere pour les trespassez, 2. les Ieusnes assignez, 3. la differēce de l'Euesque & du simple Prestre, 4. auec Iouinian & Vigilance, touchant la continence & virginité, 5. les merites & recompenses des saincts, 6. la veneration des reliques, 7. l'inuocation des saincts, 8. & l'election des viandes.

Ie respons premierement que comme vn Retract. liu. 2. cap. 18. bon Catholique peult errer aussi vn haere­tique quelques fois peut dire la verité. S. Cyprian & Ticonius Donatiste ayants di­uersement exposé vn passage de la Saincte Escricture, S. Augustin reietta l'interpre­tation de S. Cyprian & approuua celle de Tyconius. Tellement qu'il ne suffit pas de mōstrer qu'vn haeretique ait tenu vne telle & telle opinion s'il ne monstre que la dite o­pinion est haeresie. Secondement i'ay mon­stré au chapitre precedent, que l'vsage des choses indifferentes pouuoit estre legitti­me en l'ancienne Eglise, & toutefois illicite en la nostre, tellement que les Huguenots peuuent iustemēt blasmer les mesmes cho­ses, que les dits haeretiques ont iniustement [Page 65] blasmé, iusques a ce que nous prouuions non seulement que les dites choses sont les mesmes, mais encore qu'il n'y a point plus grand abus maintenant esdites choses, qu'il y auoit anciennemēt. Or quant aux opini­ons suiuantes, les Huguenots diront, que ny les peres les tenoyent en telle maniere que maintenant les Catholiques les tien­nent, ny que les haeretiques les blasmoyent comme font les Huguenots. Ainsi que nous verrons par les exemples suiuans.

Premierement touchant les haeretiques Priere pour les morts. qui nient la priere pour les morts, il se trompe au nom. Car ce n'a pas este Arrius qui la reietté, ains Aerius, on dit bien qu'il tenoit aussi l'opinion d'Arrius, mais ie ne vois pas comment cela peut auoir lieu, si ce que dit Bellarminus est vray, ascauoir que Aerius s'accordoit auec les Catholiques quant a Tom. 1. Cont. 5. lib. 3. c. 19. l'interpretatiō du Symbole, ce qui me semble, qu'vn Arrien n'eust peu faire. Mais posé qu'il fust Arrien: les Huguenots diront, que l'Eglise au commencement ne faisoit qu'vne cōmemoration des trespasséz, dau­tant (comme i'ay obserué au chap. prece­dent) que on faisoit aussi mention des A­postres, & de ceux qui sont desia au ciel. Or ceste commemoration (diront les Hugue­nots) [Page 66] a engendré la priere pour les morts, ceste priere a produit le Purgatoire, le Pur­gatoire les pardons, & les pardons ont ap­porté l'argent aux coffres du Pape. Or (di­ront ils) pendant que les derniers abus n'e­stoyent pas en l'Eglise, si aucun eust blas­mé ceste coustume de faire commemo­ration des morts, il se fust monstré estre d'vn esprit contentieux. Voire ils diront d'a­uantage qu'on pouuoit conniuer aux petits abus principallement en telles choses qui auoyent apparence de charité, comme a­uoit la priere pour les morts, & qui incitoy­ent les payens a priser la foy Chrestienne. Mais quand ceste occasion a cessé & les a­bus sont deuenus si grands (cōme ils disent) il n'est plus temps de conniuer, & n'y a au­tre moyen de corriger ces abus, qu'en o­stant les premieres occasions, bien que le­geres d'elles mesmes, dont ils sont proce­dez. De maniere que si nous voulons mon­strer que les Huguenots sont semblables aux anciens haeretiques en blasmant la prie­re pour les morts, il faut monstrer aussi, que l'ancienne Eglise pour deliurer les dits trespassez de purgatoire a faict la mesme marchandise de pardons & indulgences, que l'Eglise Romaine faict. Autrement l'a­bus [Page 67] n'estant pas le mesme, les choses ne me­ritent pas pareil blasme. Et ceux qui les blas­ment, ne sont en pareille faute.

2 Touchāt les ieusnes assignez, ie suis tres­marri Ieusnes as­signés. qu'en disant que les Huguenots sui­uent les anciens haeretiques, il leur donne occasiō de se reuenger de nous, & de prou­uer que nous au contraire suiuons les anci­ens haeretiques. Car Eusebe dit que Mon­tanus Hist. lib. 5. cap. 16. l'haeretique, fust celuy qui ordonna les loix des ieusnes: Veu qu'anciennement les ieunes assignez n'estoyent establis pour autre intention que pour garder l'ordre, sans contraindre la conscience d'aucun. Dont certainement celuy qui les blasmoit auoit tort, veu qu'il n'y auoit point de su­perstition. Mais depuis (diront les Hugue­nots) la superstition est deuenne telle, que le iour mesme (dautant qu'il est veille d'vn tel Sainct) est reputé plus sainct que les au­tres iours. Et par ainsi cest ordre a engen­dré la superstition & pour euiter la supersti­tion, l'ordre peut estre changé.

3 Or quant a la distinction du Prestre Distinction de l'Eues (que) et du sim­ple prestre. & de l'Euesque, ils diront qu'au commen­cement ils ont esté egaux mais que depuis les vns furent esleués en quelque dignité par dessus les autres, & qu'en fin vn est de­uenu [Page 68] Monarche par dessus touts. Or diront les Huguenots deuant ceste Monarchie v­niuerselle du Pape, il n'y auoit telle raison de blasmer la distinction des degrez des Pasteurs, laquelle estoit en soy tollerable, ny du tout inutile, mais ils diront quil est ma­nifeste que les peres n'estimoyent pas que ceste distinction fust ordonnée de Dieu, ains seulement vne ordonnance Positiue, pour garder (comme dit S. Ierosme) l'vniō en l'Eglise: ‘vn Prebstre (dit il) est le mesme qu'vn Euesque, mais aprez en tout le monde a Con. 1. cap. Epist. ad Titum, esté ordonné qu'un fust choisi par dessus les au­tres, a fin que la semence de scisme puisse estre ostée,’ toutefois il confesse, ‘que les Euesques plustost par coustume que par ordonnāce de Dieu sont superieurs aux Prestres.’

4 Le quatrieme point auquel il dit que Mariage & virginité. les Huguenots ensuiuent les anciens haere­ti ques, est touchant le mariage & virginité. ce qui est vne pure calomnie, car les Hu­guenots ne disent pas auec Iouinian, que le mariage est simplement egal a la virginité, ains en telle signification que S. Augustin Hieroni. lib. ad ver­sus vigilan. dit qu'il n'ose preferer la virginité de S. Iean au mariage d'Abraham, ny auec vigilance qu'il estoit illicite de faire vn Prebstre sans qu'il ait este premierement marié. Mais auec ce [Page 69] sainct homme Paphnutius qu'il estoit licite a vn prestre d'estre marié.

5 Touchant les merites & recompen­ses Merites & recompen­ses des saincts. des Saincts, ie n'entens pas ce qu'il veut dire, s'il entend que les Saincts recoiuent recompense, de leurs bonnes oeuures les Huguenots s'y accorderont. Mais, s'il par­le des oeuures de supererogation, gardées (comme on dit) au thresor de l'Eglise, & ap­pliquées aux ames d'autruy par les indul­gences du Pape, Les Catholiques mesmes diront, que l'Eglise en a este mille ans en pareille ignorance que▪ les Huguenots, car Dieu nagueres pour le bien & auancement du Pape a reuelé ce Thresor caché si long temps, & l'vsage profitable des indulgen­ces.

6. & 7. Quant aux reliques ie di que le Veneration des saincts & des leurs reliques. mesme S. Ierosme qui a escrit contre Vigi­lance, pour auoir blasmé les reliques des Saincts, au mesme liure cōtre le mesme Vi­gilāce Hierosm. lib contra vigi­lan. approue les veilles des Saincts. Tou­tefois pour l'abus qui se faisoit de nuict es dites veilles, les Catholiques mesmes les ont defendues, & on ieusné seulement es veilles des Saincts, bien que les iours reti­ennent encor le nom des veilles. Or donc il faut dire que les Catholiques mesmes, [Page 70] sont condemnés par S. Ierosme, aussi bien que les Huguenots, ou que l'abus rend les choses dignes de blasme en vn temps & hors de blasmé en vn autre, & ainsi il ne faut pas considerer si les Huguenots s'ac­cordent auec Vigilance, en la reprehēsion des reliques, mais s'il n'y a point d'auantage d'abus maintenant, en la veneration d'icel­les qu'au temps de S. Ierosme. Car ils ne blasment pas les reliques simplement, ains i'ay ouy plusieurs Huguenots dire que s'ils estoyent asseurez d'auoir aucun ancien monument de nostre Seigneur, ou de ses Apostres, qu'ils en feroyent grand compte, & l'estimeroyēt beaucoup plus, qu'aucune medaille ou antiquité des anciēs Romains, a plus forte raison donc honorent ils leurs personnes, encore qu'ils ne les inuoquent pas, maintenant qu'ils sont morts, dautant (ce disent ils) qu'eux mesmes leur ont de­fendu de ce faire, pendant qu'ils ont vescu. Tellemēt que si nous voulons prouuer que les Huguenots sont ennemis de l'honneur des Apostres: il faut prouuer par leurs es­crits que telle estoit leur volonté, d'estre in­uoquez. Autrement les Huguenots nous diront qu'ils honorent les saincts mieux que les Catholiques en ayant tel soing a­prez [Page 71] leur mort de garder leurs preceptes. Estant manifeste que cest enfant aime le plus son pere defunct, qui est plus soigneux d'obseruer sa derniere volonte.

8 La derniere opinion des anciens hae­retiques, Election des viandes. qu'il ameine, est l'election des vi­andes, touchant laquelle les Huguenots donneront aussi la mesme responce, qu'aux autres obiections asc. qu'il estoit illicite de condemner l'election des viandes en ce temps la, & toutefois licite de la blasmer maintenant, dautant que c'estoit alors vn ordre sans forcer les consciences, & si quel­qu'vn replique qu'en l'Eglise on faict le mesme, que seulement la populace estime vne viande plus saincte qu'vne autre, & que les doctes Catholiques tiennent que le peché de manger chair es iours defendus est seulemēt pour le regard de l'ordonnāce, & non pour le regard de la nature des vian­des: d'ou vient donc que Durand le grand defenseur des Ceremonies de nostre Eglise, se sert de ceste raison, pour confirmer l'ab­stinence de manger chair. que le poisson est Lib. 6. cap. de alijs ieiunijs. vne viande plus saincte, d'autant qu'au temps du deluge, Dieu maudist la terre, & les choses qu'elle auoit produit, mais non pas l'eau.

Voyci les anciennes haeresies rescusci­teez [Page 72] (comme il dit) par les Huguenots: mais a tort: car ils ne deuroyent pas estre paran­gonnez aux haeretiques, iusques a ce que nous ayons prouué, que l'Eglise Romaine non seulement s'accorde auec l'ancienne esdites choses, mais aussi es circonstances, car ces choses qui pour la pluspart sont ce­remonies, sont d'elles mesmes indifferen­tes, & le droict vsage, ou l'abus, les faict licites ou illicites, & par consequent, il est ores licite, ores illicite de les blasmer. Cō ­me il n'eust pas esté licite de rompre le ser­pent d'airain pendant qu'il a esté sacrement mais necessaire de le rompre quand il deu­int Idole.

CHAP. IV. Que le Concile de Trente n'est pas legittime.

GRaces a Dieu nous som­mes en fin venus au S. Concile de Trente, Con­cile certainement dont nostre aduersaire abesoing de faire grand cas, car les preuues tirées des Con­ciles precedents, n'ont esté que de deux [Page 73] où trois questions, & icelles plustost con­iectures probables, que preuues. Mais quant au Concile de Trente, il refute ouuertement, toutes les heresies que les Huguenots maintiennent. Au moyen de quoy nostre aduersaire se tourmente plus en la defence d'iceluy, qu'en aucune autre question que ce soit, cōbien qu'il n'vse d'au­cune preuue tout a faict pour le confirmer, ains seulemēt responde a quelques obiecti­ons de l'Apologie Catholique, lesquelles ie trouue en nombre trois.

La premiere qu'en iceluy le Pape a faict office de iuge & de partie, & que luy mes­me a conuoqué le Concile & y a prae­sidé.

La seconde que ceux qui poursuiuoyent la reformation n'y ont pas esté ouis.

La troisiesme, que d'autāt que les Hugu­enots peuuent alleguer plusieurs nullites, tant en la forme qu'aux decrets arrestez au dit concile, nous ne sōmes pas obligez d'a­cepter sans examination les ordonnances d'iceluy, dautant que S. Iean nous a com­mandé d'esprouuer les Esprits.

1 A la premiere obiection que le Pape Obiection, cap. 11. a esté iuge & partie. Il respond en premier lieu. ‘Que le Pape ne doibt perdre le droict [Page 74] de conuoquer les Conciles, & depresider en iceux Pag. 47. car il a obtenu ce droit au parauant 1500. ans.’ Les Huguenots seulement trencheront de ceste somme 500. ans. Esquels le Pape ne conuoquoit les anciens Conciles, n'y y presidoit. Le premier de Nice a esté conuo­qué par Constantin le grand; celuy de Con­stantinople par Theodose l'ancien: celuy d'Ephese, par Theodose le ieune: celuy de Calcedoine par l'Empereur Martian. Et le mesme peut on dire de ceux qui ont pre­sidé en iceux. Au Concile de Nice Osius Euesque de Cordube presida: au Con­cile d'Ephese, Cirille Archeuesque d'A­lexandrie: Et ainsi des autres, mais cela suf­fit pour vne verité si manifeste.

2 Secondement il respond, ‘qu'il ne re­pugne pas a l'equité d'vn grand Prince, de pou­uoir estre iuge & partie, car le Prince souuerain Pag. 47. est tousiours iuge iusqu'a ce qu'il soit legittime­ment declaré este decheu de sa principauté. Combien mesme que contre luy soit intenté le­procez.’ Ie di qu'il y a vn troisieme, qui iuge entre le Prince & le subiect, quand il y a procez entre eux. et bien que le dit iuge soit officier du Prince, siestce qu'il peut iuger en dernier ressort contre luy, & ne se trou­ue aucun Prince, s'il n'est tyran qui voulust [Page 75] reuoquer le dit iugement, comme le Pape a cassé les arrests qui furent donnez par les Conciles de Basle, & de Constance contre luy. Mais quand bien i'auray confessé, qu'vn prince souuerain peut estre iuge en sa propre cause, toutefois cela doit estre entendu d'vn procez de petite conse­quence. Mais quand le different gist en ce­la, ascauoir mon s'il est Roy legittime ou nō, nous nous pourrions bien asseurer, qu'il n'en seroit iamais deposé si luy mesme e­stoit l'arbitre. Et tel est le premier article du procez intenté contre le Pape. Les Hugu­enots nient qu'il soit souuerain de l'Eglise. Ce different doncques comment (ie vous supplie) sera il vuidé, s'il n'y a autre iuge que luy?

3 Tiercement il monstré par exemples, (que) le Pape Marcellin, Sixte 3. Symmachus, Leon, Alexandre Euesque d'Alexandrie, Cirille, & Leon le premier, ont este iuges, en leur propre cause. ‘Or quant a S. Mar­cellin quād il eust donné (dit il) de l'encens aux Idoles, il s'en alla s'accuser au Concile de Sinues­se, toutefois personne n'osa prononcer sentence Pag. 47. a l'encontre de luy, mais touts les Euesques, d'v­ne voix s'escrierent, pere iuge de ta bouche mes­me ta cause.’ Ie respons premierement, [Page 76] Concile de [...] lequel des le commencement, commence son pro­pos [...]. [...] auoir rien dit au parauant, [...]. [...] il est aisé a voir que cest vn Concile forgé, quand il introduit Diocletiā l'Empereur parlant auec Sainct Marcellin a Rome, & l'induisant a Idolatrie, veu que lors Diocletian estoit en Nicome­die ville de Bithinie. Tirecement qu'il y a beaucoup a dire entre le iugement d'vne action manifeste, & d'vn droit debatu; car S. Marcellin estoit accusé d'vne action de­laquelle il estoit manifestement coulpable. De maniere que les Euesques scachans que ce Pape ne nioit pas le faict, & qu'il s'en repentoit, luy offrirent de se rapporter au iugement qu'il donneroit contre soy mes­me. Cōme si vn iuge disoit a vn larron pris sur le faict, tu vois que tu es manifestement coulpable, tu scais la punitiō ordonnée par la Loy a tels crimes, que pēses tu auoir me­rité? di hardiment, ie ne veux autre iuge (que) toy mesme. Certainement ce seroit vne cō ­sequēce bien agreable a touts malfaicteurs, de conclurre la dessus qu'ils ne deuroyent auoir autres iuges qu'eux mesmes.

Son second exemple est de Sixte troisie­me ‘Lequel (dit il) estant accusé a'adultere, [Page 77] voulut assembler vn Concile soubs l'authorité de l'Empereur, mais on ne voulut & n'osa on oncques cognoistre de sa cause, que les Euesques Pag. 4 [...]. ne fussent touts assemblés, & qu'ils n'eussent sceu du Pape s'il vouloit ou non, qu'on iugeast sa cause.’ Ie di que ce nestoit qu'vne grace particuliere, que l'Empereur Valentinian luy octroya a raison de son innocence. Car le Pape mesme voulut que les autres iugeassent de sa cause. Mais il ne s'en­suit pas que chasque Pape en chasque cause doiue auoir le mesme priuilege: ains plustost le contraire. Ascauoir que le Pape Sixte cinquiesme qui ne veut estre iugé par autruy le doibt estre, pour ce que Sixte troisieme qui le vouloit estre ne le fut pas.

Car il n'est pas besoing de iuger celuy dont l'innocence est manifeste. Et comme c'estoit vn signe d'innocence en l'vn de se submettre au iugement: Ainsi en l'autre refuser tout iugement hors-mis le sien, est vn tesmoignage qu'il se sent coulpable. Mais ie demande si ce priuilege donné a Sixte, doibt estre tiré en cōsequence, ou nō? S'il dit non, l'exemple n'est rien a propos. s'il dit ouy, les Catholiques s'y opposeront. Car Bellarmin confesse qu'es crimes enor­mes [Page 78] vn Concile peut estre assemblé, pour Tom. 1. Cont. 4. li. 1. cap. 9. iuger du Pape. Mais par auenture il ne pense pas que Sixte fust accusé d'vn crime enorme. Et c'est la raison (cōme ie pense) pourquoy il ne nōme pas sa faute, ains qu'il dit seulement, qu'il fust accusé d'Adultere. Veu que il fust accuse d'auoir violé vne re­ligieuse, ce que nous autres bons Catho­liques n'appellons pas adultere, ains sacri­lege.

Le troisieme exemple est de Symmache le consentement duquel (dit il) fust demandé Pag. 48. pour conuoquer le Concile mesmes auquel il fust accusé. Les Huguenots ne desireront autre chose, du Pape sinon qu'il face cōme Sym­mache a faict. Car iacoit qu'il donna son consentement d'assembler le Concile. Tou­tefois quand il fust assemblé il ne fist pas of­fice de iuge, ains auec toute humilité, se purgea deuantle Concile des crimes a luy imposez.

Le quatriesme exemple est de Leon troi­sieme. Pag. 48. & 49. Duquel faict la verité est, que ceux de Rome s'estans fort courroucez contre Leon, acause que Charlemaigne les auoit contraincts de luy iurer fidelité, luy impo­serent par malice plusieurs faux crimes. Mais quand Charlemaigne vint a Rome, [Page 79] pour la crainte qu'ils eurent de luy, ils n'ose­rent entreprēdre de prouuer lesdits crimes: ains estans interroguez, ils crierent tous que le siege Apostolique ne pouuoit estre iugé de personne. Lequel cri ne tesmoigne autre chose, sinon que le naturel d'un peu­ple est de tomber d'vne extremité en l'au­tre. Voila pourquoy aiants premierement calumnié le Pape par malice, puis aprez pour r'entrer en grace, l'ont flatté de peur. Oyons ce qui s'ensuit. ‘Arrius (dit il) ne dis­puta il pas autrefois de la foy auec Alexandre & toutefois le dit Alexandre fust iuge au Con­cile? Au Concile d'Ephese Cirille ne presida il Pag. 48. pas, lequel toutefois estoit l'vne des parties? Au concile de Calcedoine, qui estoit ce qui praesidoit sinon le Pape Leon? Veu toutefois que tout le dif­ferent estoit entre luy & Dioscorus?’ Ie di que le different d'Alexandre, Ciril, & Leon, auec les dits haeretiques, ne les touchoit nō plus que touts les autres Euesques de l'Eglise, mais celuy du Pape est vne querelle par­ticuliere estant question de la dignité de sa personne. Dauantage, Ciril n'estoit pas pre­sident pour approuuer & casser les decrets, comme bon luy sembleroit, ains seulement le premier pour l'ordre, & au reste il n'auoit (que) sa voix particuliere, ou le Pape a sa voix [Page 80] negatiue, pour reietter tout le Concile, voire vniuerselle, pour establir ce qu'il veut sans le Concile. Et quant a Alexandre, il nestoit ni iuge ni president. Ains vn Euesque priué parmi les autres. Finalemēt au Con­cile de Calcedoine. Leon ne s'y trouua aucunement, & Anatolius Eues (que) de Con­stantinople y presidoit.

4 Finalement il conclud que le Pape peut estre iuge, veu que (ce dit il) il n'est pas seul iuge, mais a plusieurs compagnons & Page. 49. collegues,’ ie respons qu'il a esté seul iuge aux Conciles modernes, & que les autres Euesques n'ont pas esté ses compagnons ains ses vassaux. Car tout ce que le Con­cile ordonne est nul, sans la confirmation du Pape. (Comme l'abrogation des Con­ciles de Francfort, de Basle, & de Constāce nous en faict foy) dautre part quand le Pa­pe seul faict vne ordonnances sans Concile elle est de mesme poix que les ordonnan­ces du plus sainct Concile qui puisse estre. Car les aduocats du Pape disent qu'il ne scauroit errer en matiere de la foy, quand bien il donneroit son iugement sans l'aduis du Concile, & qu'vn concile peut errer s'il ne le cōfirme. A quel propos donc luy sont adioincts les autres Euesques pour com­pagnons, [Page 81] quand il peut faire tout sans eux, & eux ne peuuent rien faire sans luy.

2 LA Seconde obiection de l'Apologie Obiection cap. 12. Catholique, ascauoir que les Huguenots n'ont pas esté ouis, est premierement (ce dit il) refutée de ce liure que les Protestants ont intitulée Causa cur Electores. Car ils confes­sent en iceluy liure qu'ils ont este appellez a ce Page. 50. Concile, & derechef qu'il se lit en trois endroits du Concile plusieurs amples saufconduits, par lesquels estoit donnée pleine liberté aux dits Protestants de venir au Concile.’ Voila en bref sa responce.

A la quelle ie replique premierement, que le liure duquel il faict mention, ne rend pas raison pourquoy ils ne vindrent pas au Concile, mais pourquoy ils iugerent la maniere de proceder au dit Concile, telle que leur venue n'eust de rien serui: mais a quel propos respond il qu'ils y ont esté ap­pellez? l'Apologie ne dit pas qu'ils n'y ont pas este appellez, ains qu'ils n'y ont pas esté ouis. Car ce n'est pas assez a vn iuge, d'ap­peller les deux parties deuant luy, s'il ne donne audience qu'a l'vne. Et ainsi est il ad­uenu au Concile de Trente. Car Brence & autres Theologiens de Sueue, furent enuoyez pas le Duc de Virtēberg, mais on [Page 82] ne leur permit pas de disputer quād ils vin­drent. Melanchthon aussi & autres Mini­stres de Saxe estoyent en chemin, mais s'en retournerent estans aduertis par l'Ambas­sadeur de l'electeur Maurice, qu'ils ne pour­royent estre ouis.

Secondement ie di, qu'encore qu'il leur eust esté permis de disputer & qu'ils eussent esté ouis, toutefois les conditions furent du tout iniques, car ils demanderent d'auoir voix decisiue auec les autres du Concile selon la forme du sauf conduit octroyé aux Bohemiens par le Concile de Basle. Mais les peres Trentains n'en voulurent rien ac­corder, ains refuserent toutes autres voix decisiues, hors-mis des Theologiens Ca­tholiques.

Tiercement les Huguenots ont bien oc­casion de se deffier de leurs saufs conduits. Car Iean Hus auoit sauf conduit de l'Em­pereur Sigismond, pour venir au Concile de Constance, toutefois y estant venu y fust bruslé.

3 Quant a la troisieme obiection qui Obiection cap. 13. est que l'Apostre nous commēde d'esprou­uer les esprits, s'ils sont de Dieu ou non, il respond que l'Apostre ne parle pas des choses ia certaines & definies en l'Eglise, mais trop bien Page. [...]1. [Page 83] des nouuelles & ambigues comme sont celles de nos traistres aduersaires.’ Tout beau, tout be­au, il n'y a personne qui die qu'il faut prou­uer vne chose certaine, mais qu'il ne faut pas croire sans preuue que la chose soit cer­taine: car encores qu'vne chose soit cer­taine en soy, toutefois si elle ne nous est pas certaine, nous la pourrons bien esprouuer, pourceque sans la preuue nous n'en scauri­ons auoir ceste certitude. Mais il est licite (ce dit il) d'esprouuer opinions des Hugue­nots dautant qu'elles sont nouuelles & ambi­gues. Page. 51. Or donc s'il est licite d'esprouuer les nouuelles, ie di qu'il est licite aussi d'esprou­uer les vieilles. Car deux opinions oppo­sées sont relatiues, tellement que nous ne scaurions prouuer que les nouuelles sont fausses, sans prouuer quant & quant que les vieilles sont veritables. & quant a l'am­biguité de la doctrine des Huguenots. Ie di (que) si elle est ambigue elle n'est pas certaine­ment fausse, & si leur doctrine n'est pas certainement fausse, celle des Catholiques n'est pas certainemēt veritable, & par con­sequent (selon le iugement mesme de no­stre aduersaire) il est licite de l'esprouuer. Mais voyons les raisons pourquoy il con­clud qu'il n'est pas licite d'esprouuer, lesprit [Page 84] du Concile.

1 ‘Premierement (dit il) s'il les failloit touts esprouuer, il nous seroit par ce moyen loisible, d'e­sprouuer l'esprit du Concile de Nice, Constanti­nople, Ephese, & Calcedoine, & s'ensuiuroit, de cela qu'il faudroit derechef reuoquer les Pag. 52, haeresies impies d'Arrius, Macedonius, Nesto­rius, Eutiche: il faudroit derechef prouuer mes­mes l'Escripture saincte, les oracles des Prophe­tes, l'histoire de Moyse, & finalement le S. E­uangile, & a la fin il conclud, que si les choses qui sont vne fois approuuées & ordonnées par les Saincts Conciles, doiuent estre tenues pour certaines, il n'y a nulle raison de souffrir que les decrets du Concile de Trente soyent reuoquez en doubte.’

Ie respon qu'il faut tenir les decrets des premiers conciles certains, & toutefois qu'il est licite de reuoquer en doubte les or­donnances du Concile de Trente, dont on scauroit alleguer plusieurs raisons. Neant­moins pour ceste fois ceste ci suffirá, c'est qu'en chasque Concile il faut deliberer & mesurer, auant que iuger, & le iugement du Concile qui a mesuré droictement, & iugé selon la droite mesure, ne doibt estre reuoqué en doubte. Or pour scauoir si on a bien mesuré, il faut considerer la reigle, & [Page 85] la maniere de mesurer par icelle.

Or les Huguenots diront que la reigle par laquelle le Concile de Nice a mesuré estoit seulement l'Escripture ou la parole escripte, Cōme tesmoignent les paroles de Constantin. Toute contention seditieuse mise Theod. lib. 10. cap. 70. a part, debatons les choses controuerses par tes­moignage des Escriptures diuinement insperées.

La maniere de mesurer, estoit d'appli­quer la doctrine a la dite reigle ou escriptu­re, & de la receuoir ou reietter selon qu'elle estoit conforme, ou contreuenante a la dicte reigle. Or le Concile de Trente a failli (diront les Huguenots) en toutes ces cir­constances.

Car premierement il a iugé auant que mesurer dautant que auant que venir au Concile chascun s'estoit ia proposé de con­demner les Huguenots.

Secondement en examinant & mesurant les questions, il n'a pas mesuré par la paro­le escripte seulement, ains aussi par les tra­ditions, cōme il fust ordonné a la quatries­me s'ession dudit Concile, tellement qu'il mesuroit quelquefois sans reigle, ou bien a­uec vne reigle contraire a celle du Concile de Nice.

Tiercement quand bien il eust mesuré [Page 86] par la vraye reigle toutefois il n'appliquoit pas la doctrine a la reigle, ains plustost pli­oit la reigle pour l'accōmoder a la doctrine cest a dire, destournoit l'Escripture par vne interpretation violente a son opinion, car en la mesme quatriesme session, fust ordon­né qu'on ne pourroit donner autre interpre­tation, que celle qui s'accorderoit auec la doctrine de l'Eglise Romaine, de maniere qu'au lieu de mesurer leur doctrine par la reigle, ils ont mesuré la reigle par leur do­ctrine.

2 Mais il dit dauantage contre l'espreuue 2 Raison. des esprits, que s'il failloit prouuer tout, il faul­droit reuocquer en doubte les liures-mesmes de l'escripture. Ie respons que non, & que mes­mes Pag. 52. il ne sensuit pas, qu'il fauldroit reuoc­quer en doubte les liures approuuez des an­ciens conciles, d'autant qu'on reietre quel­ques vns approuuez par le cōcile de Trente veu que le iugement dudit concile en ce point est suspect aux Catholiques mesmes, Car Sixtus Senensis, vn grand Catholique voire depuis le Concile de Trente a reietté comme Apocryphes les 7. derniers chapi­tres d'Ester, que le Concile de Trente a ap­prouué, ce qu'il n'eust i'amais faict, s'il eust estimé, estre chose illicite d'esprouuer l'E­sprit [Page 87] dudit Concile.

3 Tiercement il dit si les choses ia iugées 3 Raison. & definies pouuoyent estre remises en question quelle fin y auroit il es controuerses? Ie respon Pag. 52. que la raison n'est pas suffisante pour em­pescher l'espreuue des Conciles, d'autant que par ce moyen nous mettons fin aux controuerses. Car il ne suffit pas d'y mettre fin, sans estre asseuré que la fin en soit bon­ne, & les Arrians aussi nous eussent peu persuader, de nous arrester au iugement de leur concile d'Ariminum, pour mettre fin aux controuerses. A quoy nostre aduersai­re ne scauroit donner autre response, sinon que leur concile n'estoit pas legittime, & que le Concile de Trente l'estoit. Or donc ie di ques'il ne faut pas esprouuer les arre­stes d'vn Concile, pour le moins il faut es­prouuer si le concile est legittime ou non. Or pour ceste fois nous ne demandons rien dauantage. Et cela en despit de qui que ce soit, doibt estre accordé. Car s'il failloit simplement s'arrester sur l'authorite des Conciles communement estiméz legitti­mes par nos pasteurs, sans nous enquerir dauantage, il n'y a raison aucune pourquoy les Grecs croyroyent plustost le 2. Con­cile de Nice, qui a approuué les images, [Page 88] que celuy de Constantinople assēblé de 300 de leurs propres Euesques qui les a cōdēné.

La quatriesme raison pourquoy il oste la 4 Raison. liberte au peuple d'esprouuer la doctrine est tirée du 17. chap. du Deuteronome ou il est commandé de s'enquerir des Prebtres & Leuites & au iuge ordonné pour lors, des questions difficiles. ‘Et Moyse (dit no­stre aduersaire) n'adiouste pas, esprouuez les esprits des iuges & des Prestres, ains si quel­quun s'enorguellit ne voulant pas obeir au commandement du Prestre qu'il meure par la Pag. 53. sentence du iuge. Et n'est dissemblable ce que nostre Dieu dit. en son Euangile selon S. Mat­thieu 23. les Scribes & Pharisiens, sont assis en la chaire de Moyse, faictes & gardez tout ce qu'ils vous diront.’ Quant au comman­dement de Moyse, il fust donné aux Iuifs, dont Rabbi Selomo conclud qu'il faut croire, tout ce que les Prebtres des Iuifs disent, or veu que leur prestres interpre­tent les Propheties de Christ autrement que les Chrestiens, vn Iuif dira que Christ n'est pas venu, par ce que leurs prestres le nient: & selon que nostre aduersaire dit, il ne faut pas esprouuer l'Esprit de leurs Pre­stres. Ie demande donc quelle response il donnera aux Iuifs, & ie luy donneray la [Page 89] mesme, ascauoir que ces paroles sont adi­outées au passage, Selon la Loy: cest a dire qu'il leur faut obeir entant, que leurs com­mendemens s'accordent auec la Loy, ce que nous ne pouuons scauoir sans les es­prouuer, de maniere que nostre aduersaire aura son chois ou bien de confesser qu'il ne nous est pas defēdu par ce passage desprou­uer l'esprit des Prestres, ou bien de se con­fesser soy mesme estre Iuif.

5 Au passage de S. Matthieu, dautant 5. Raison. qu'il dit qu'il n'est pas dissemblable, la re­sponse aussi sera semblable. Car nostre Seigneur n'a pas simplement commendé d'obeir aux Pharisiens en toutes choses mais de n'estre pas tellement scandalisez par leur vie, que nous refusions de leur o­beir quand ils disent bien. Car s'il failloit simplement adiouster foy a leurs paroles sans preuue. Pourquoy croirons nous Matth. 27. que Iesus Christ est le fils de Deu? quand le souuerain Sacrificateur disoit, qu'il auoit blasphemé, en s'appelant ainsi.

6 Sa derniere raison est tirée du Concile 6. Raison. des Apostres, Acts. 15. il a pleu au S. Esprit Pag. 53. & a nous. Dont il conclud, que l'Esprit de Dieu est si infailliblemēt attaché a vn cōcile legittime, que nous ne deuons reuocquer en [Page 90] doubte les ordonnances, d'iceluy & S. Paul mesme (dit nostre Aduersaire) ne volut point esprouuer les enseignemens du Concile des Apo­stres, Ains comme dit S. Luc. Act. 16. il Leur Page. 54. donna a garder ce qui auoit esté decreté par les Apostres & anciens de Ierusalem. Ie demā ­deroy volontiers d'vn de nos docteurs Ca­tholiques, a quel propos il y a tant de dispu­tes, & consultations en nos Conciles, si le S. Esprit les guide infailliblement: sa re­sponce sera, que la prouidence ordinaire de Dieu est telle, qu'il leur assiste par son E­sprit, quand ils vsent de leur part de la dili­gence qu'il appartient, & non autrement. Comme il ne rend point la terre fertile, si­nō quād le laboureur l'a cultiuée, & y a semé lebled, vsant de l'industrie qu'il doibt. Ce qui mesme est euident par ce passage, asca­uoir que les Apostres ont vsé de l'industrie & des moyens conuenables pour resouldre les doubtes proposées. Veu qu'il est dit, qu'aprés longue dispute Pierre se leua. Dont on peut conclurre, que l'Esprit n'est que conditionellement promis a vn Concile, ascauoir quand le dit Concile de sa part vse d'industrie & de moyens pour esplucher la verité, & qu'il peut estre destitué de l'E­sprit de Dieu, s'il nese sert des dits moyens: [Page 91] de maniere qu'encores que nous ne deui­ons pas esprouuer les decrets d'vn Concile qui a tenu ces moyens, toutefois nous pou­uons bien espouuer s'il a tenu ces moyens ou non. Car autrement nous ne pouuons estre asseurez que l'esprit de Dieu l'ait ac­compagné. Ie scay bien que les Huguenots demanderont autre preuue, non seulement des moyens de proceder, mais aussi des ar­ticles cōclus. Mais afin que les Huguenots n'ayent double auantage sur nous, nous fe­rons bien premierement de monstrer, que le Concile de Trente a tenu ces iustes moy­ens, & alors nous n'aurons qu'vne chose a faire, ascauoir de iustifier les articles, qui sont si difficiles a prouuer, qu'on fera tres­sagement de differer tant qu'on peut, & de vuider touts autres differentes deuant.

CHAP. V. Que le Concile de Trente, n'apas encores esté receuen France.

COmme les Roix de France ne doibuent rien auoir en plus grande recommendation que d'estre heritiers de la vertu de leurs predecesseurs, aussi ne [Page 92] doibuent ils estre plus soigneux d'aucune chose, que d'euiter les occasions qui leur pourroyēt oster la reputatiō de ceste vertu, & monstrer, qu'ils soyent moindres en zele & pieté que leurs ancestres. Lesquels (cōme chacun scait) ont tousioursesté estimés fils aisnez de l'Eglise, & principaux appuis du siege Apostolique, & pour ceste cause ont receu plus de priuilegez & plus d'honneurs acause de cezele, qu'aucū autre prince de la Chrestienté. Or veu (que) le Cōcile de Trente a establi tant de decrets, directemēt contre lesdits priuileges, & dignitez, qu'a il faict autre chose, (que) publier au monde (que) les rois de present ont moins de zele que les anciēs, & sont indignes des honneurs qui leur ont esté attribuez. Tellemēt (que) nos derniers rois ont reietté le dit Concile, dautant qu'ils ne le pouuoient approuuer sans se reprouuer soy mesmes, ni le publier sans publier au monde vne cōfession honteuse, de leurs de­merites. Or pour venir au point, ie m'arre­steray seulement aux obiections de l'Apo­logie Catholique, que nostre aduersaire re­fute, lesquelles sonttrois ascauoir.

Que les Rois de France ont tousiours re­ietté le dit Concile.

Qu'il a reuocqué en doubte la preseance [Page 93] & premier Rang qui apportient a nos Roix en toutes assemblées.

Qu'il y a plusieurs decrets du dit concile directement, contre la la liberté de l'Eglise Gallicane, & la maiesté du Roy.

Quant au premier point, qu'il n'a pas esté Obiection. cap. 9. receu de nos Roix, il respond en general: que ceste obiectiō, ne blesse pas tant le concile, qu'elle est cōtumelieuse enuers nos Roix de France▪ car que tasche il autre chose (dit il) sinō de persuader Pag. 42. a vn chacun, que nos Roix ont esté scismatiques, & desobeissants a l'Eglise vniuerselle. Ie re­spons que ce n'est pas chose nouuelle aux Roix de France de s'opposer aux Conciles de l'Eglise Romaine. Veu que non seulemēt le Concile de Trente, a este reietté du Roy Henry 2. & de touts ses enfans qui ont esté Rois aprez luy. Mais le general Concile de Vienne aussi n'a iamais esté entieremēt re­ceu en Frāce. Et cōme le Roy Henry 2. a de­fendu a ses Euesques de se trouuer au cōcile de Trente, Ainsi le Roy Charles septieme ne voulut (que) les siens se trouuassent a celuy de Basle, toutefois il na pas esté (comme nostre aduersaire voudroit cōclurre) scismati (que) ni desobeisant a l'Eglise vniuerselle. Mais voy­ons cōme il prouue, que le cōcile de Trente Raison. Pag. 43. est receu de nos Roys. ‘Il y a encores des lettres [Page 94] (dit il) de Charles 9. par lesquelles il honore & Pag. 43. reuere le dit Concile.’ Nostre aduersaire mes­me en la mesme page, pour sould [...]e ceste obiection que le Roy Henry 2. a defendu a ses Euesques d'aller a ce Concile, n'a autre responce sinon, ‘qu'il n'est pas necessaire de si curieusement rechercher ce que Henry au­roit Pag. 43. faict du commencement, car l'admission ou reception d'vn Concile (dit il) ne doibt pas estre prise du commencement, mais trop bien de la fin:’ selon laquelle reigle ie respon aussi, que les lettres de Charles neufuieme, qu'il enuoya deuant que le Concile fust conclu ne prouuent pas qu'il l'ait approuué, dau­tant qu'il a refusé de le receuoir, quand il fust fini. Car si la reiectiō d'iceluy par Hen­ry second deuant la fin, ne prouue pas qu'il l'aict reiecté, l'honneur que Charles neu­fuieme luy a faict aussi deuant la fin ne prouue pas qu'il l'ait receu.

Secondement, ‘le Roy (dit il) arendu rai­son 2 Raison. Pag. 43. pourquoy les Euesques de France, ne vindrēt plustost au Concile.’ Lequel est le plus plaisant argument que i'aye iamais ouy. Car si c'est vne raison suffisante de prouuer que le Roy ait receu le Concile d'autant qu'il a rendu raison de l'absence de ces Euesques, les Princes Protestāts d'Allemaigne l'ont aussi [Page 95] receu: car ils ont escrit vn liure entier, des raisons qui les ont esmeus de s'en absenter.

Tiercement Le Roy (dit il) envoya a son o­rateur 3 Raison Pag. 43. & Ambassadeur qui au nom de sa maiesté fust assis au Concile, le Sieur de Lansac, Che­ualier de son ordre, auquel il donna pour adioinct Renauld Ferrier President au Parlement, & Guy de Faur Iuge maieur de Thoulouse. Belle preuue certainemēt, de prouuer que le Roy a cōfirmé le concile d'autant qu'il y enuoya son Ambassadeur. Comme si les Electeurs d'Allemaigne de la Confessiō d'Ausbourg ny auoyent aussi enuoyé les leurs. En quoy donc consiste la force de son argument? en ce que Monsieur de Lansac estoit che­ualier de l'ordre? ou bien qu'il estoit accō ­pagné de Monsieur du Ferrier, & de Pi­brac? Car ie ne puis apperceuoir autre sens en ces paroles, ny autre preuue de la reception du Concile. Et de faict il n'y en a aucune autre. Car le Roy n'y enuoya pas ses Ambassadeurs pour confirmer le Con­cile, ains pour l'admonester de reformer l'Eglise. Et donna expressement charge a ses Ambassadeurs de solliciter les Peres a n'arrester rien contre les Huguenots ius­ques a ce qu'il ayent premierement refor­mé les abus en la police Ecclesiastique. Et [Page 96] en cas que cela ne se fist de protester contre ledit Concile. Comme il appert pas les let­tres mesmes du Roy enuoyeés a Monsieur du Ferrier. Voy ci le sommaire du mande­ment du Roy, & des Harangues des Sieurs du Ferrier & de Pibrac, au Concile: Touts deux au nom du Roy & principalement le Seigneur du Ferrier, requerants par plu­sieurs fois, la reformation des abus de l'E­glise. Lesquelles exhortations dautant que le Concile de Trente a reietté, ils ont (selon le mandement du Roy) reiette le Concile & ne le voulurent pas signer, ny le Roy a­prez receuoir, ny la Cour de Parlement ia­mais publier, non pas mesme aprés la S. Bar­thelemi, lors que le temps sembloit plus propre a fauoriser toute chose praeiudicia­ble aux Huguenots.

Mais pour le moins les Euesques l'ont 4. Raison approuué. Car comme on lisoit (dit il) en la Pag. 53. derniere session les actes d'icelle, les Euesques y estoyent & donnerent leurs voix & suffrages.

Ie respons premierement que tant s'en faut, que le consentement de ces Euesques confirme ce Concile qu'au contraire il de­couure l'iniuste procedure d'iceluy. Car lesdits Euesques qui donnerent leurs voix & suffrages en ceste derinere session, don­nerent [Page 97] leur sentence deliberatiue sur les matieres qui auoyent este traictées aux ses­sions praecedentes Soubs Paul 3. & Iule 3. auant que les dits Euesques vinssent au cō ­cile. Chose contraire au droit ciuil, a l'equi­té mesmes & a la coustume de touts parle­ments, sieges praesidiaux, & autres iuge­mens, qui se font en corps de plusieurs iu­ges, ou ceux qui ne se trouuēt tout au long, ne sont pas receus a opiner.

Secondement il ne s'ensuit pas que les Euesques ayent approuué le Concile, dau­tant qu'ils ont donné leur consentemēt aux articles d'iceluy. Car il y a beaucoup a dire entreceux qui s'accordent en opinion auec les decrets d'vn concile, & ceux qui tiennēt ceste opinion, dautant que le Concile l'a decreté. Car nostre aduersaire s'accorde en opinion auec le diable, qu'il est escrit que Dieu auoit donné a ses Anges charge sur nostre Seigneur Iesus Christ, toutefois ie pense qu'il ne le croit pas dautant que le Diable l'a dit. Dauantage, quand ils don­nerent leur consentement aux dits articles le Concile n'estoit pas encores confirmè par le Pape. Orc'est l'opinion de nostre ad­uersaire, qu'vn concile est nul s'il n'est con­firmé par le Pape, de laquelle raison il se [Page 98] sert contre le Concile de Basle, ‘cest vne rei­gle tresnotoire (dit il) que les Conciles ne peu­uent Pag. 104. estre receus san▪ l'authorité du Pape.’ Dont il s'ensuit que ceux qui donnoient leur cō ­sentement aux dits articles tenoient encore le Concile pour nul, quand ils donnoyent leur consentement. De maniere qu'on ne scauroit prouuer par les suffrages qu'ils ont donné aux articles, qu'ils ont receule con­cile.

A la seconde obiection touchant la pre­seance 2 Obiection. du Roy tres-Chrestien, il respond en bref ainsi. ‘Que tant s'en faut que le Concile aye tasché, de diminuer l'authorité du Roy, qu'au Pag. 45. Contraire par le consentement de touts, l'Ambas­sadeur du Roy fust assis immediatement aprez celuy de l'Empereur. Mais celuy d'Hespaigne outre son ordre en vn autre lieu, afin que s'il ad­uenoit, que quelqu'vn fust assis hors de son lieu, cela ne luy peust pourtant apporter aucun preiu­dice.’ Il ne deuoit pas dire que le Concile auoit mis l'Ambassadeur du Roy aprez ce­luy de L'empereur, mais seulement que le Concile ne l'auoit pas demis du dit lieu. Car en la 22. session, les Ambassadeurs du Roy, Monsieur du Ferrier, & de Pibrac, se deffians de l'affection de ceux du Concile, entrerēt de bonne heure pour prendre leur [Page 99] seance, de maniere que le Conte de Lune Ambassadeur du Roy d'Hespaigne fist vne protestation deuant les peres, qu'on auoit occupé sa place. Dont Monsieur de Pibrac requeroit que la dite protestation ne peut preiudicier a la Praerogatiue du Roy, les Ambassadeurs duquel auoyent tousiours tenu le premier rang aprez ceux de l'Empe­reur: comme ils eurent aux Conciles de Constance & de Latran. Mais le Concile n'en voulust rien faire: & encores qu'il n'o­stast pas la place, aux Ambassadeurs du Roy, dautant qu'ils l'auoyent desia occup­pée: toutefois nostre aduersaire confesse qu'il ne voulut pas declarer (que) ceste seance leur apperteint. Car premieremēt il dit, que l' Ambassadeur d'Espaigne estoit mis hors de son rang: secondement que le Concile ne vouloit Page. 45. pas si aucun estoit assis hor: de son lieu, que cela luy peut engendrer aucun preiudice. Ce qui n'est autre chose que declarer, que le rang qu'ils auoyent permis aux Ambassadeurs du Roy de tenir pour ceste fois la, afin d'eui­ter contention, d'autant qu'ils s'y estoient desia mis contre la volonté, des Peres ne de­uoit estre praeiudiciable au droit qu'ils pen­soyentappartenir au Roy d'Hespaigne.

Secondement posant le cas que le Con­cile [Page 100] eust esté si equitable qu'il dit. Ie di tou­tefois, qu'il auoit tort en refusant de iuger ouuertement en la cause du Roy. Car on ne peut nier de prime face vne chose manifeste Mais il faut y proceder peu a peu. Dontle premier degré est de la reuoquer en doubte: n'y reuocque on volontiers vne chose ma­nifeste en doubte sans intention de la nier aprez. De maniere, qu'il est aisé a voir, que le Concile, mettant la praeseance du Roy en question, & constituant le Roy d'Hes­paigne en pareil degré que luy, pensoit au Concile suiuant le mettre au dessus.

Finalemēt encores que le Concile n'eust pas eu ceste intention ains seulemēt de por­ter egal respect a l'vn & a l'autre: toute­fois le tort demeure, n'estant pas chose mo­ins iniurieuse, de faire l'inferieur egal au superieur, que de faire l'egal superieur a l'egal.

3 Reste maintenant (dit nostre aduersai­re) 3 Obiection. cap. 14. la derniere obiection ascauoir que le Concile de Trente auroit decreté plusieurs choses contre Pag. 54. & 55. la liberté du Royaume de France, & que pour ceste cause il n'y est pas receu. Mais ceste obiec­tion ne faict rien a la chose, car nous n'agissons pas seulement de la iurisdiction Ecclesiastique, mais de la foy & religion, parquoy encores que [Page 101] les decrets du Concile touchant la reformation, ne soyent point receus en France. Toutefois les de­crets qui traictent de la foyle sont.

Nostre aduersaire ne scauroit nier que le Concile de Trente n'ait decreté contre la liberté de la France, seulement il respond que cela n'empesche pas que les autres ar­ticles touchant la foy ne soyent receus: ceste obiection ne faict rien a propos (dit il) car nous n'agissons pas de la iurisdiction Ecclesiastique. mais de la foy & religion. Et moy ie di, que ceste response n'est rien a propos, car nous ne parlons pas des decrets touchant la re­formatiō ny touchāt la foy, ains de l'autho­rité de celuy qui les a decreté. Cest a dire si la France, tient que le iugemēt du Concile de Trente, soit vn arrest sans appel, & s'il croit les articles esquels il s'accorde auec le cōcile, pour ce que le Cōcile les a decretez.

Or on ne scauroit prouuer que celuy qui croit vne chose qu'vn autre luy auroit dit, l'ait creu sur le credit du rapporteur, sās quil croye que le dit rapporteur ne voudroit ia­mais mentir, & qu'il luy adiouste foy en toutes choses. Mais la France ne se fie pas au Concile de Trente en toutes choses. Car nostre aduersaire mesme confesse quelle re­iette les decrets touchant la reformation, [Page 102] dont il s'ensuit qu'encore que la Frāce s'ac­corde, en opinion auec le Concile, touchāt les decrets qui appartiennent a la foy, tou­tefois qu'elle ne tient pas ceste opiniō, pour l'authorité du Concile mais pour quelque autre respect. Autrement il pourroit con­clurre que les Huguenots recoiuent le dit Concile, dautant qu'ils croyent plusieurs articles d'iceluy, qui sont contre les Ana­baptistes & autres haeretiques de nostre temps. Car comme ils reiettent l'authorité du cōcile en ceste partie mesme de la quelle ils recoiuent les articles, nous pouuons par mesme raison reietter tout le Concile & embrasser touts les articles. Car il y a mesme respect des articles d'une partie a l'authorité d'icelle, que des articles du tout a l'authorite du tout. Mais voyons comme il conclud que ce Concile est receu en France. Nostre aduersaire mesme confesse (dit il) que le Cōcile est re ceu des Euesques: mais qui est ce qui se voudroit persuader que les Eues­ques Page. 55. eussent autre foy & religion que le Roy a­uoit, & tout le peuple Catholique. Car comment pourroit le Roy estre appelle Treschrestien, s'il estoit contraire, en la foy aux Euesques. Et le peuple pourquoy seroit il dit les ouailles du Seig­neur s'il ne recognoissoit aucuns pasteurs?

[Page 103]Voyci en bref sa raison, les Euesques ont receu le Concile, le Roy & le peuple ont creu les Euesques, dont il conclud ainsi, que le concile a esté receu du Roy, des Euesques, Pag. 56. du clergé & pareillement de tout le peuple de France.

I'ay desia monstré qu'il n'a pas encores prouué, que les Euesques qui estoyent lors, l'ayent receu, & quant aux Euesques & cler­gé d'Auiourdhuy, bien que plusieurs ayent tasché pour l'aduancement de la Saincte Ligue, de faire receuoir ledit Concile, tou­tefois le Roy & peuple, le peuuent reietter & ne l'aisser pour cela d'estre de mesme foy qu'eux, d'autant que l'approbation du dit Concile n'est pas article de foy. Car le Concile d'Ephese a defendu expressemēt de n'adiouster autre article a la foy (que) ceux qui estoient alors receus, au nōbre desquels la reception du Cōcile de Trente n'est pas. Mais s'ils ne sont pas de la mesme foy, quel danger y a il? Le Roy (dit il) ne serapas Tres­chrestien, ny le peuple les ouailles de Christ. Pag. 55.

Or pour le Roy, dautant que ceste raison est seulement tirée de son tiltre, ie di que quand le Roy seroit le plus grand haeretique du monde, il ne pourroit estre priué de ce tiltre, Henri Huictieme Roy d'Angleterre [Page 104] receut le tiltre de defenseur de la foy, de Leon 10, pour auoir escrit contre Luther, & neantmoins le Roy Edouard 6. & la Roy­ne a present qui ont changé la religion pour la defence de laquelle il receut ce tiltre, re­tiennent tousiours ce tiltre. Et a bon droit: Car les tiltres sont personels, & propres seulement aux premiers de la race qui les recoiuent, comme Catholique a Ferdinand Roy d'Arragon, Defenseur de la foy a Hen­ry 8. d'Angleterre, mais appartient a leurs successeurs seulement, comme ornements adioincts a leur estat. Tellemēt que ce n'est pas Philippe d'Austriche qui est Catholique en ce sens lá, mais le Roy d'Hespaigne. Car considerant les Roix selon leur religion, le Roy de France peut estre aussi bon Catho­lique (que) le Roy d'Hespaigne, & le Roy d'He­spaigne aussi bon Chrestien que le Roy de France, & toutefois le tiltre de Chrestien appartient seulement a l'vn, & de Catho­lique a l'autre.

Mais sur tout, ceste raison est mal appliquée au Roy de France, car Chrestien n'est pas vn tiltre pour distinguer, vn Chrestien d'a­uec l'autre, mais pour les distinguer touts d'auec les payens: & ainsi a esté donné au Roy de France, comme au premier Prince [Page 105] d'Europe qui a reietté la foy payenne, & qui a plus combattu contre les Sarrasins, enne­mis du nom de Christ. Vray est que ce tiltre le deuoit esmouuoir, a aymer la doctrine qui est la meilleure. Mais dautant qu'on n'est pas encores d'accord laquelle des deux est meilleure, il ne faut pas prouuer vne doubte par vn autre. Car les Huguenots peuuent aussi bien vser de ceste raisō pour persuader le Roy de reformer l'Eglise, que les Catho­liques, pour l'esmouuoir de defendre la re­ligion Romaine. Mais il n'y a rien que le Roy scauroit faire plus digne de ce tiltre que de faire l'vn & l'autre, cest a dire de mainte­nir l'Eglise Romaine & de la reformer. Et n'y a nulle contradiction en ces deux cho­ses, car il n'y a meilleur moyen de faire que le fer soit de longue durée, que d'o­ster la rouillure: ny de mantenir l'Eglise Romaine, que de reformer ses abus. Mais pour donner ordre qu'on n'oste pas du fer, au lieu de la rouillure, & qu'il soit ne­antmoins bien nettoyé, il n'y a point de meilleur moyen que de faire tout au con­traire de ce que nostre aduersaire dit, cest, de laisser dormir le Concile de Trente, & d'en assembler vn autre: ou toutes les deux parties auront audience indifferente, [Page 106] au moyen dequoy, s'ily a quel (que) corruptiō en l'Eglise Romaine on la pourroit voir, pour la purger. & s'ily a de l'erreur en la do­ctrine des Huguenots, ils pourroyent estre conuanicus, & instruicts, en meilleure foy. Ce será le moyen de nous reunir touts a v­ne foy ce sera vne action vrayement digne d'vn Roy Treschrestien.

3 Mais venons au peuple, comme sera il (dit il) les ouailles de Christ s'il ne recognoist Pag. [...]5. aucuns pasteurs? Ie respons, qu'ils peu­uent bien recognoistre des Pasteurs sans croire iustement cōme les Pasteurs de leur païs, car on n'est pas tenu de bastir sa foy, sinon sur vn fondement infaillible. Mais les Catholiques mesmes Confessent que tous les Euesques d'vn pais peuuent errer en la foy. Tellement que le peuple n'est pas tou­siours tenu de fonder sa foy sur celle de ses Euesques: & par consequent peult auoir vne autre foy, & toutefois estre les ouailles de Iesus Christ, & de faict nostre Seigneur n'appelle pas ceux la ses brebis, qui escoutēt les Euesques: mais qui escoutent sa voix, as­cauoir la parole de Dieu.

Voyons maintenāt sa conclusion & ainsi Pag. 56. (dit il) le concile est honoré du Roy, des Eues­ques, du Clergé & pareillemēt de tout le peuple [Page 107] de France. Qu'il soit ainsi: il nes' ensuit pas pour cela qu'il soit receu en France: sinon qu'il monstre que touts les estats le recoi­uent, ascauoir l'Eglise, la noblesse, & le peu­ple: Mais il ne faict aucune mention de la noblesse. Ains seulement de l'Eglise, & du tiers estat, tellement que pour le plus il n'est receu que de deux estats: a raison de quoy nostre aduersaire, pour suppléer au nombre fend l'Eglise en deux parties, ascauoir es Euesques, & au clergé. Le Concile (dit il) est receu, de [...] Euesques, du clergé & pareillemēt Pag. 56. de tout le peuple de France. Diuision nouuelle des estats, dont ie masseure on n'a iamais ouy parler par ci deuāt. Iugeons donc quel­le iuste occasion la noblesse de France a maintenant de reietter le concile, quand ceux qui vouloyent faire receuoir le Con­cile, reiectent la noblesse.

CHAP. VI. Que les Huguenots peuuent a bon droict estre reputez membres de l'Eglise Catholique A­postolique & Romaine.

CE chapitre de prime face, semble estre de mesme argument que le premier, car ayant la prouué, que [Page 108] les Huguenots sont de mesme relligion que nous, il s'ensuit aussi qu'ils sont de mesme Eglise. Toutefois il me semble qu'on peut distinguer ces deux chapitres, non pas au regard de la difference qu'il y a en la nature de la chose, mais en l'humeur des hommes. Car ordinairement quand vn Huguenot veult indiure vn Catholique a son opinion, il commencetousiours par les particulieres controuerses, & ainsi par la pureté de sa do­ctrine, conclud la verité de son Eglise. Vn Catholique au cōtraire quand il veut gaig­ner vn Huguenot, il commence par l'eglise. Par la verite de l'Eglise, cōcluant la pureté de sa doctrine. Et pour la plus part si on meine l'un ou l'autre hors de ce train, il demeure court. Ce qui est vne des raisons pour lesquelles ils ne peuuent satisfaire a la partie aduerse. Car celuy qui doibt per­suader vn autre, ne doibt pas commencer par le fondement qui luy sēble estre le meil­leur, bien que de faict il le soit, mais par ce­luy qui est meilleur, selon l'imaginatiō, de celuy qu'il veut persuader. Autrement son trauail sera tousiours inutile.

Car quand vn Huguenot aura allegué mille passages, de la saincte escripture, pour prouuer la verité des points particuliers, il [Page 109] n'auancera en rien. Et pourquoy? Dautant qu'vn Catholique dira incontinent a part soy: encores que ie ne luy puisse respondre, vn autre le peut faire. Et si ie ne doibs rien croire, que ce que ie puis defendre par dispute, ie ne doibs pas croire la proces­sion du Sainct Esprit, l'vnion des deux na­tures en Iesus Christ, & autres mysteres de la saincte Trinité, lesquels i'ay creu sans les pouuoir defendre, & sans mesmes les entendre. Et ainsi l'authorite de la mesme Eglise, qui me faict croire ces mysteres sans les pouuoir defendre, me faict croire aussi le Sainct Sacrement de l'autel, le Purgatoire, &c. sans les pou­uoir defendre. De maniere que si vn Huguenot ne passe plus outre, & ne rend raison comme on se peut asseurer de ses mysteres, sans l'authorité de l'Eglise, ou bien (ce que ie trouue plus raisonnable) pourquoy il se faut entierement fier au iugement de l'Eglise en vn point, & non pas en l'autre, il ne dira iamais chose a propos. Ny les Catholiques n'auront gue­res meilleure issue de leurs persuasions. Car quand ils parlent aux Huguenots, de l'Eglise, comment l'Eglise dit cela, & comme elle ne peut errer, eux qui ne [Page 110] sont pas accoustumez a telles manieres de parler, & bastissent leur foy sur ceste per­suasion que l'Escripture est clairement de leur costé: que nous soucions nous (diront ils) de ce que l'Eglise dit, moyennant que nostre opinion accorde auec la parole de Dieu. Tellement qu'vn Catholique ne leur pourra iamais rien persuader, s'il ne com­mence par leur fondement, & prouue que l'escriture ne fait pas si clairement pour eux comme ils pensent: & alors quand ils ver­ront qu'ils ne peuuent conuaincre les Ca­tholiques par l'Escriture ils seront forcez de confesser qu'on ne peut auoir aucune as­seurance, en la foy, sans assubiettir son iuge­ment au iugement de l'Eglise, laquelle (cō ­me nous disons) selon la promesse de Christ est infailliblement accompagnée de son E­sprit. Or quant a moy, combien que mon but ne soit pas, d'indiure aucun a l'vne ou a l'autre religiō, ains de moderer les passions des hommes. Toutefois de peur de faire la mesme faute en ceste pacification, qu'ils font ordinairemēt en la procedure de leurs persuasions, i'ay pensé d'adiouster ce chapi­tre, afin que mes raisons soyent tirées du fondement de l'vne, & de l'autre religion & ainsi ayant au premier chapitre, prouué par [Page 111] l'examination des questions particulieres selon la Methode des Huguenots, qu'ils ne sont pas haeretiques, i'ay voulu aussi en ad­ioustant ce chapitre, prouuer selon la pro­cedeure des Catholiques, cest a dire selon la nature de l'Eglise, qu'ils ne sont pas haere­tiques. Car i'auroy beau dire a plusieurs ca­tholiques qu'ils tiennent les principaux points de la foy, comme nous, veu qu'ils ne mesurēt pas vn haeretique par ces opinions, ains seulement par ceste marque qu'ils sont hors de l'Eglise, & n'entendent autre Eglise que celle (que) nous appellons, Eglise Catho­lique, Apostolique, & Romaine: & estiment tous ceux hors de ceste Eglise, a qui ces trois tiltres ne sont pas donnez, quelques opini­ons qu'ils ayent. Voilá pourquoy i'ay pro­posé de prouuer, que ces trois tiltres appar­tiennent aux Huguenots.

1 Et premierement, touchant le tiltre Catholique de Catholique, l'Eglise est dite Catholique pour trois regards, 1. Au regard de soy. 2. Au regard des Iuifs. 3. Au regard des haeretiques.

Or l'Eglise est dite Catholique, pour le Comme l'e­glise est dite Catholique au regard de soy. regard de soy, d'autant quelle est si vniuer selle, quelle comprend touts temps & touts lieux. Ascauoir le nombre vniuersel des e­leus, tant de ceux qui ont esté depuis le cō ­mencement [Page 112] du monde, & maintenant sont trespassez & triumphent au ciel, iouissan [...] des ioyez eternelles, que de ceux qui sont ordonnez a pareille felicité, soit qu'ils soy­ent desia nez, ou a naistre. Laquelle defini­tion est fondée sur l'Escripture. Car S. Paul dit, L'eglise des premiers nez qui sont escrits au Heb. 12. 23. ciel. Et qui sont escrits au ciel que les esleus? d'auec lesquels, les reprouuez sont en ce point separez, asc. que leurs noms (comme dit S. Iean) ne sont pas escrits au liure de l'Ag­neau. Apoc. 13. 8. Or donc l'Eglise consiste des esleus: lesquels ne sont pas attachez a vn lieu, ou a vn temps. Car Iesus Christ les a rachetez Apoc. [...]. 9. par son sang (dit S. Iean) de chasque lignée langue, peuple, & nation. En laquelle defini­tion les anciens peres aussi s'accordent. Tous ceux (dit S. Augustin) qui sont saincts, De rudibus Catechez. cap. 2. & hommes sanctifiéz, qui sont, qui ont esté, & qui seront, sont citoyens de la Hierusalē celeste. Et S. Gregoire Pape (afin que ma preuue soit authentique) dit que tous les esleus sont Moral in Iob. lib. 28. cap. 9. contenus au giron de l'Eglise, & tous les reprou­uez dehors. Et toutefois le pauure Iean Hus fust bruslé pour heretique pour auoir dit le mesme. O Mauuais Catholiques qui auez faict brusler vn homme comme haeretique pour n'auoir rien dit que ce qu'vn Sainct, & [Page 113] (qui plus est) vn Pape a dit deuant luy. Or donc en ceste signification ny l'Eglise Rom. ny l'Eglise qu'on appelle reformée, peut e­stre appellée proprement l'Eglise Catho­lique: ains seulement parties de la Cathol. ny mesmes pouuōs nous dire quelles soyent vrayement parties de la Catholique, ains que Dieu a dans l'Eglise Romaine, & dans l'eglise reformée des membres de la Catho­lique: cest a dire, plusieurs qui sont sauuez en l'vne, & en l'autre Eglise. Comme il y en auoit parmi les Iuifs deuant l'aduene­ment de Iesus Christ, & auiourdhuy en l'e­glise Grecque, & au Pays du Prete Giam, qui embrassent la foy Chrestienne, sans re­cognoistre le Pape. De maniere que si nous donnons le tiltre de Catholique pris en ce­ste signification, seulement a l'Eglise Ro­maine, il s'ensuiura, ou que touts Catho­liques sont esleus, & toutefois les Cath­liques mesmes escriuent que plusieurs Pa­pes sont damnez: ou que nul Iuif n'ait esté sauué deuant Christ, & ainsi Dieu n'a pas eu son Eglise en tout temps: Ou que nul Graec, ou Affricain peut estre sauué en no­stre temps, & ainsi Dieu n'auroit pas son Eglise en touts lieux. Et si nous ne donnons pas seulement a l'Eglise Romaine, ce nom [Page 114] de Catholique, il n'y a aucune raison pour­quoy l'Eglise reformée plustost que les au­tres, en doiue estre excluse. Bref quand nous parlons des hommes, en iugeant s'ils sont de ceste Eglise Catholique ou non, il faut parler selon la foy ou selon la charité: selon la foy, nous ne pouuons dire que tel ou telle soit, d'autāt que cest Dieu (dit S. Paul) 2. Tim. 2. 19. qui cognoist ceux qui sont siens. Mais si nous parlons, selon le iugement de charité, icelle veut que nous reputions touts ceux de ce­ste vraye Eglise Catholique, qui sont de l'E­glise visible, de laquelle ie parleray mainte­nant, & comme elle peut aussi estre appel­lée Catholique.

2 L'eglise, comme i'ay prouué, cōprend 2 Comme l'e­glise est dite Catholique au regard des luifs. tous les esleus, tant ceux qui sont desia au ciel, comme ceux qui sont en la terre. Ceux qui sont en terre sont meslez parmi les mes­chans, & bien que les meschans soyent or­dinairement en plus grand nombre, ils portent neantmoins le nom de la meilleure part, tellement que tant les bons que les meschans qui font confession exterieure de la vraye foy, sont estimez membres de l'E­glise, selon la parabole du filet qui conte­noit Matth. 13. tant le mauuais que le bon poisson. Ceste Eglise estoit separée commé d'vne [Page 115] paroy d'a [...]c le reste des Gentils, deuant l'aduenement de Iesus Christ, & enclose dans vn pays, & attachée a la famille d'Isra­el. Depuis l'aduenement de Iesus Christ ceste paroy (dit S. Paul) a esté rompue & Eph, 2. 14. ny Iuif ny Graec n'en est exclus. Et a rai­son de ceste difference que les Iuifs seule­ment en ce temps la auoient ce priuilege, et que maintenant nul pays ne l'a plus que l'autre, l'Eglise est dite Catholique, cest a dire espandue par tout. Et a cause qu'elle est si vniuerselle, elle est diuisée es Eglises particulieres comme au temps de S. Paul, en l'Eglise d'Ephese, de Rome, de Galatie, de Corinthe &c. nulle de ces Eglises n'ay­ant plus grand priuilege que l'autre. A raison de quoy, toute l▪Eglise est appellée Catholique. Nō pas que l'Eglise soit tousi­ours par tout, mais dautāt (que) nul pays▪ n'en est exclus, & que nul lieu n'est priuilegié. Or dautant que nul lieu n'est exclus, il se peut trouuer d'autres Eglises outre celle de Rome. Et d'autant que nul lieu n'est priui­legié, Rome mesme peut estre retranchée 3 Comme l'e­glise est dite Catholique au regard des here­tiques. de l'Eglise.

3 Tiercement l'Eglise est dite Catho­lique, au regard des Donatistes, qui nioyent que l'Eglise, fust ainsi espandue par le mōde, [Page 116] ains tenoyent quelle fust enfermée en Afri­que: dont il aduint que les Eglises qui te­noyent l'opiniō contraire, estoyēt appelléez Eglises Catholiques, mais acause de leur opinion que Eglise estoit Catholique: cō ­me auiourdhuy les Eglises qui tiennent que l'Eglise a besoing de reformatiō sont appel­lées Eglises reformées. Voila pour quoy, les plus anciens Peres n'ont iamais vsé de ce nom Catholique pour distinguer les pures Eglises, d'auec les haeretiques, ains les ap­pelloyent Orthodoxes. Mais par continua­tion de temps, dautant que les Eglises Or­thodoxes tenoyent ceste opinion que l'E­glise estoit Catholique, ou vniuerselle, ces mots Catholique & Orthodoxe, ont esté pris en mesme signification. Tellement qu'a la fin ce tiltre de Catholique n'a pas esté seulement donné a l'Eglise pour distin­guer les Orthodoxes, d'auec les Donatistes mais aussi d'auec touts autres haeretiques. Car proprement vn Catholique, n'est pas opposé a tout haeretique, ains a vn Iuif, ou a vn Donatiste. Mais pour ce que l'vsage est maistre des mots (comme nous voyons en cemot, Tyran, pris iadis en bonne part pour vn Roy, & maintenant, seulement pour vn meschant) ce mot Catholique est pris con­tre [Page 117] sa nature en la signification que i'ay dit, pour vne Eglise pure. de sorte qu'vne E­glise particuliere peut estre appellée Eglise Catholique, & plus ou moins Catholique selon qu'elle est plus ou moins pure. Telle­ment que la questiō entre les Catholiques & les Huguenots ne gist pas en ce point, as­cauoir quelle de leurs Eglises, est l'Eglise Catholique, mais laquelle est plus▪ Catho­lique, & quelle plus corrompue. Car & l'vne & l'autre peut estre Catholique en quelque mesure, pendant qu'elles tiennent la substance de la foy, comme i'ay monstré au premier chapitre, & toutes deux cor­ [...]ompues en quelque maniere: estant chose certaine que chasque Eglise visible peut a­uoir des erreurs plus ou moins. l'Eglise (dit Bernard. Gant. serm, 38. S. Bernard) pendant qu'elle est au tabernacle du corps, n'est pas venue a sa perfection de be­auté, & par ainsi elle n'est pas tout a saict belle. Car l'Eglise triumphante a seulement ce priuilege, d'estre belle, & (comme S. Paul Eph. 5. dit) sansride & sans macule. Il est bien vray que quelques fois l'Eglise est appellée belle, mais cest tousiours par comparaison. Voila pourquoy au Cantique, l'Espous dit de l'espouse, cest a dire de l'Eglise, qu'elle est la plus belle des femmes, non pas simplement [Page 118] belle (dit S. Bernard sur ce passage) ains la plus belle des femmes. Et pour la mesme rai­son elle est appellée en vn mesme verset bru­ne, & belle, ie suis brune (dit lespouse) mais ie Cant. 1. suis belle.

Ie scay bien que les anciens vsent enco­res de ce mot Catholique, pour vne distin­ction d'auec haeretique, en vne autre signi­fication, & mesme selon la propre inter­pretation du mot, faisants Catholique ou vniuersel vne marque de la vraye Eglise. Pourtant en l'ancienne Eglise, lors que toute l'eglise visible tenoit la foy receue des Apostres, & qu'vne partie de l'Eglise deuint corrompue: pour iuger de quel costé il se faut mettre, Vincensis Lirinensis a don­né vne reigle. Que ferons nous (dit il) sinon Vincen. lir. Adu. Haeres. de praeferer la santé du corps au membre pestife­ré? Et ainsi, d'autant que lors le corps de l'E­glise estoit sain, toute l'Eglise saine estoit appellée Cathol. Car tāt ce mot corps (que) ce mot cathol. emporte vniuersalité. Tellemēt que la distinction de Catholique & d'hae­retique, n'estoit autre que la distinction du corps sain, d'auec le membre corrompu. Mais quand le corps mesmes deuient cor­rompu, ceste distinction & reigle faut. Voi­la pourquoy Vincensis, faict distinction [Page 119] entre Catholique en lieu, & Catholique en temps. Et quand Catholique en lieu n'est pas vne bonne marque, il recourt au Catholique en temps. Mais (dit il) si vne Eodem lib. adu. Haeres. nouuelle contagion tasche de corrompre non seu­lement vne partie mais toute l'Eglise: alors il se faut ioindre a l'antiquité. Tellement que le different entre les Catholiques & les Hu­guenots gisant en ce poinct, ascauoir mō si le corps de l'Eglise est corrompu, il ne faut pas parler de l'Eglise Catholique selon le leu, mais selon le temps, & ceste Eglise est Catholique qui tient la religion (comme Vincensis dit) qui a esté embrasséede tout temps, & pour scauoir qu elle religion a esté embrassée de tout temps, quand l'Eglise vi­sible, ou le corps de l'eglise (cōme le mesme Vincensis dit) est corrompu: il faut recou­rir a l'antiquité. Pour dire auec Tertullian. Tert. lib. de presc. Ce qui est le premier est plus veritable. Telle­ment que celle la est l'Eglise Catholique, qui s'accorde en foy auec l'Eglise ancien­ne, de maniere que pour voir si les Catho­liques & les Huguenots sont proprement Catholiques, il faut regarder lesquels des deux tiennent la foy des Apostres, & aprez eux des anciens docteurs, & Conciles de l'Eglise.

[Page 120]Quant au tiltre d'Apostolique, l'Eglise Aposto­lique. peut estre dite Apostolique tant pour le re­gard des escrits, que des predications des A­postres. Quant a leurs escrits, les Eglises qui embrassent la doctrine cōtenue en iceux sont appellées Apostoliques, & plus ou moins Apostoliques, qu'ils s'accordent ou desaccordent plus ou moins auec la dite doctrine, tellemēt que le mot Apostolique, est tout vn auec Orthodoxe, ou Catholique en la derniere signification. Et si les Eglises des Huguenots peuuent estre appellées Catholiques ou Orthodoxes, elles peuuēt par la mesme raison estre appellées Aposto­liques, voire plus propremēt Apostoliques que Catholiques. Car les Eglises visibles (comme i'ay dit) n'estants absoluemēt ains par comparaison, plus ou moins Catho­liques, ou Apostoliques, les Huguenots pe­chent au defaut, touchant ceste marque Ca­tholi (que) & ainsi sont plustost moins Catho­liques, mais en ceste cy ils pechēt en l'excés, & sont trop Apostoliques, d'autant qu'ils sont si exacts qu'ils ne veulent rien croire, que ce que les Apostres ont escrit.

Secondement ces eglises sont appellées Apostoliques qui ont este instuictes par la viue voix des Apostres, & ou les Apostres [Page 121] ont eu leurs sieges, comme Antioche, Ie­rusalem, Ephese, Allexandrie, &c. ou les Tertul. lib. de Presc. Aug. Epist. 162. Apostres, Pierre, Iacques, Iean, & Marc l'Euangeliste, ont esté assis, & par ainsi sont de toute antiquité appelleés siegez Aposto­liques aussi bien que Rome. Or ceste signi­fication est plustost vn ornement, qu'vne marque, d'vne pure Eglise. Car Antioche, Alexandrie, Ephese & autres Eglises Grec­ques ou les Apostres ont presché, ou du tout ont abandonné le nom de Christ, ou pour le moins (selon l'opinion des Catho­liques) sont retranchées pour schisme & hae­resie de la communion de la vraye Eglise. & France, Hespaigne, Pollogne, Alle­maigne, Angleterre, D'annemarc, ou les A­postres n'ont i'amais eu Eueschéz ont esté depuis vrayes Eglises. De maniere qu'vne eglise peut estre pure sans estre Apostoli (que) en ceste signification, & vne Eglise Aposto­lique, peut estre impure.

Le dernier tiltre mais le premier en esti­me Romaine. parmi les Catholiques est celuy de Ro­maine, lequel i'ay obserué estre pris en trois diuerses facons. Premierement l'Eglise Ro­maine est prise seulemēt pour le Diocese de Rome, & au commencement seulement pour la ville de Rome: cōme au temps de [Page 122] S. Paul quand il luy escriuist separement comme il fist aussi aux Eglises de Corinthe, Ephese, Galatie, &c. Car si l'Eglise Rom. en ce temps lá eust esté estendue par tout, il n'eust eu aucun besoing d'escrire aux E­glises a part, car en escriuat a celle de Rome il eust escrit a toutes. & toutefois nos gens veulent prouuer par ceste Epistre mesmes que l'Eglise Romaine est l'Eglise Catho­lique, dautant que S. Paul dit, vostre foy est renommée par tout le monde. Comme s'il Rom. 1. 8. ne disoit le mesme a l'Eglise de Thessalo­nique vostre foy enuers Dieu est espandue en 1. Thess. 1. 8 tout lieu. Mais si l'Eglise Romaine eust esté (cōme ils veulent dire) estimée par S. Paul tout vne auec la Catholique, sans doubte son Epistre a l'Eglise Romaine eust esté ap­pellée Catholique, comme celles de S. Iean, S. Pierre, S. Iacques, & S. Iude, qui sont appellées Catholiques d'autant qu'el­les ont esté escrites a l'Eglise Catholique. Or prenant l'Eglise Romaine, en ceste sig­nification, ie confesse non seulement que les Eglises des Huguenots sont separées de l'Eglise Romaine, mais aussi toutes les au­tre Eglises Catholiques, tellemēt que tou­siours en France, on faict distinction des diuerses coustumes, de l'Eglise Romaine, & [Page 123] de l'Eglise Gallicane.

Secondement l'Eglise Romaine est prise pour l'Eglise Occidentale, tellement que l'Eglise Romaine, Latine, & Occidentale signifient vne mesme chose: pour la distin­guer dauec l'Eglise Grecque & Orientale, comme l'Empire de l'Orient & l'Empire de l'Occident ont esté appellez les Empires de Rome & de Constantinople: acause que ces deux villes ont esté les principaux sie­ges de l'Empire, & ainsi a raison de la dignité de la ville de Rome, qui estoit le siege des Empereurs qui dominoyent en l'Occident, toute la partie Occidentale e­stoit appellée l'Empire Romain, & toute l'Eglise Occidentale, l'eglise Romaine, c'est a dire l'Eglise contenue soubs l'Empire Ro­main. Or donc nous appellons l'Eglise Ro­maine, tant pour la distinguer d'auec les E­glises Grecques & Orientales, que pour monstrer qu'elle est soubs l'Empire Romain Si pour la distinguer d'auec les Eglises Grecques ou Orientales, les eglises des Hu­guenots peuuent estre membres de l'eglise Romaine, dautant qu'elles sont Occiden­tales, & non Orientales ne Grecques. Si pour le regard de l'Empire Romain, pre­nant, l'Empire Romain comme il a esté, ils [Page 124] sont aussi soubs cest Empire, & par con­sequent, soubs ceste Eglise. Mais le pre­nant comme il est, les Eglises en Alle­maigne, qui ont reietté l'authorité du Pa­pe, peuuent estre plus propremēt dites mē ­bres de l'Eglise Romaine, que Rome mes­mes. Dautant que l'Allemaigne & non pas Rome, est appellée maintenant le S. Em­pire Romain.

Finalement, l'Eglise Romaine, est enten­due pour ceux qui communiquent en foy auec l'Eglise Romaine, cest a dire qui sont de la religion Romaine. Or donc ie de­mande si on entend la religion Romaine, pour les poincts de Theologie, esquels les Huguenots sont d'accord auec nous ou pour ceux, esquels ils desaccordent, ou pour les vns & pour les autres ensem­ble.

Si pour les points esquels ils s'accordent, alors ils sont de la foy Romaine: si pour les points seulement esquels ils desaccor­dent: alors la Trinité & touts les Articles des trois Symboles, des Apostres, de Nice, & d'Athanase esquels ils sont d'ac­cord, ne sont pas Articles de la religion Romaine.

Mais si on prend la religion Romaine, [Page 125] pour touts les points d'icelle, tant pour ceux esquels ils sont d'accord, que pour les autres, ie demande encore si cest ex­act accord en toutes opinions est requis ou non? Si non, veu que les poincts esquels les Huguenots s'accordent auec les Catholiques sont plus en nombre, & de plus d'importance, que les que­stions esquelles ils desaccordent, ils peu­uent bien estre de l'Eglise & foy Ro­maine, dautant que les choses portent le nom de la meilleure partie. Comme nous appellons les hommes sanguins es­quels le sang domine, iacoit qu'ils ayent des autres humeurs. Or si nous disons qu'on ne peut estre de ceste Eglise, sans croire tout & le mesme que l'Eglise Ro­maine, ie di que pendant que nous voulons prouuer que les Huguenots ne sont pas de nostre Eglise, nous monstrons que nous n'auons aucun qui soit de l'E­glise tout a faict. Car il n'y a personne qui croye du tout comme Eglise, ny docte ny indocte.

Car cest la gloire de touts nos docteurs, d'auoir des opiniōs a part, voila pourquoy Bellarmin, le souuerain ennemi des Hugue­nots, accuse aussi touts les Cathol. d'erreur, [Page 126] qui ont esté deuant luy, & principalement ceux qui ont escrit contre les Huguenots. Cōme nostre Genebrard, Piggius, Ecchi­us, Hosius, Canus, Caëtan, l'Escot, Durand, S. Bonauenture, S. Thomas, S. Damascen, (car il n'espargne pas les Saincts) & la mes­me courtoisie fait il aux anciens peres a S. Bernard, S. Augustin, S. Chrysostome, & a grand peine s'est il abstenu de S. Paul. De maniere qu'en tant de dissentions, ou l'E­glise n'a rien creu, ou l'eglise a creu comme les vns & les autres, cest adire deux choses contraires, ou quelques vns d'eux, & peut estre touts ont creu autrement que l'E­glise.

Venons au peuple, le peuple n'entend pas la moitié de ce que nous enseignons. Et comme nous disons des choses en Theolo­gie en l'explication desquelles ils ne sont pas instruits: leurs esprits, qui se forment tousiours des Idées de ce qu'ils oyent, s'i­maginent des Chimeres en leur cerneau, & croient tout au contraire de ce que l'Eglise croit, sans y penser.

Mais nos Catholiques ont trouué vn re­mede a cela, cest que la foy implicite suffit au peuple, Cest adire de penser seulement qu'ils croyent comme l'eglise, bien qu'ils [Page 127] ne le facent pas. Or donc la foy implicite est, de croire le contraire, & de penser qu'on croit le mesme. Si donc nous pou­uons vne fois faire accroite aux Hugue­nots qu'ils croyent comme nostre Eglise en tout, bien qu'ils ne le facent pas, ils se­ront de nostre Eglise. Voyez donc si ie n'ay pas pris vne meilleure Methode de les conuertir que les autres Catholiques. Ils les vouloyent conuertir a nostre foy explicite, cest a dire, les faire croire tou­tes les particularitez de nostre foy. & moy les voyant incapables de la foy explicite, ay tasché de les faire embrasser la foy impli­cite qui est plus aisée, & de leur faire croi­re qu'ils croyent desia comme nostre E­glise: & par consequent, que leur foy est la mesme, & leur Eglise la mesme. Afin qu'ils soyent par ceste persuasion, sinon si bons Catholiques que les Prestres, pour le moins aussi bons que le peuple.

Or pour retourner a mon propos, il appert de ce que i'ay dit, que si nous requerons ceste exacte vnion en touts points, les Catholiques mesmes ne seront pas de l'Eglise Romaine, ni doctes, ni indoctes. Car les doctes ne veulent pas croire les vns comme les autres, & les in­doctes [Page 128] ne le peuuent. Et si nous nous con­tentons d'vne vnion essentielle, les Hugue­nots en peuuent estre. Dont il s'ensuit, qu'il faut confesser, que les Hugenots sont de l'Eglise Romaine, ou que les Catholiques n'en sont pas.

FIN. [Page]

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