DECLARATION DE LA REYNE Mere du Roy tres-Crestien, Contenant les raisons de sa sortie des pais-bas, Et Le desaueu d'un Manifeste qui cour soubs son Nom, sur le mesme Subject.
Imprimé a Londres par GEORGE THOMASON, demeurant a la Rose an Cemitiere de Saint Paul 1638.
Avec permission.
Declaration de la Reyne Mere du Roy tres-Crestien, contenant les raisons de sa sortie des pais-bais, & le desauen d'un Manifeste qui cour soubs son Nom, sur le mesme Subject.
LEs personnes de ma qualité éstant eslevées sur le theatre du monde, & leurvie continuellement exposée au regard public, lon a dit auec beaucoup de sens, que dautant plus grande est leur condition, dautant moindre est leur libertè: Car bien que leur conscience ne les oblige a respondre de leurs actions qu 'a Dieu, qui seul est Juge de leur debuoir, leur honeur les contrainct sounent de rendre compte, mesme de leurs secretes pensées, au commun des hommes qui est juge de leur reputation.
Si mon atriuée en flandre, qui monstroit quelque chose d'estrange, a fair parler beaucoup toute la Crestienté, ma sortie de ce mesme lieu, qui a eu des circonstances & des suites asses extraordinaires, ne fait guere moings parler toute l'Europe. [Page 2]Mais comme la mauuaise fortune â aussy peu de quoy recompenser les justes louanges, que la bonne en a trop pour payer les flateries: La misere de la mienne en lun & en lautre temps, a fait qu'il s'est trouué plus de langues & de plumes interessées pour me blasmer, que de charitables pour me deffendre.
Aussy i' apprens maintenant de toutes parts qu'on essaye par divers moyens de descrier le desseing & la forme de ma retraitte des pais-bas, soit par lettres qui s'escriuent en diuers lieus, soit par memoires relations & gazettes, qui senuoient & se debitent, soit par manifestes qui courent dans le monde, mesme soubz mon nom, l'un desquelz est paruenu imprimé jusques a moy, qui est vne piece laquelle semble auoir pour fin ma justification, mais qui ne tend qu 'a me nuire, & a me brouiller en effect de tous costés. Bref je descouure qu 'on n'obmet rien d'imaginable pour donner des interpretations sinistres a cette retraite.
Or comme i'ay subject de craindre que tant d'artifices ne preuallent contre la sincerité de mes intentions, & la verité de ma conduitte: speciallement que ce pretendu manifeste qui passe pour mien, n'ait encores desormais plus de force en [Page 3]cette qualité, apres auoir esté veu publicquement en mes mains, ce qui luy seruiroit d'approbation tacite si je le dissimulois. Ja'y creu debuoir a ma reput [...]tion, & a mes vrais interests, vne declaration publicque contenant le desadueu de cette piece, & d'autres semblables, s'il s'en trouue aulcunes: ensemble les principaux motifs qui m'ont portée a me retirer des pais-bas, les rencontres qui mont faict passer en Angleterre, et la resolution en laquelle je suis auiourdhuy, affin qu'on nait plus lieu d'en parler diversement, ou a mon desavantage.
Je desire qu'n chacun scache, que lors que je me suis refugiée dans la Flandre, j'ay regardé ce lieu la comme vn port voifin, ou je suis accourue pour fuir la tempeste qui m'agittoit, mais non pas comme vn pais que j'eusse voullu choisir pour y demeurer, ou pour y prendre quelque establissement: J'estois attachée a la France par des lieus trop puiffants pour auoir eu de telles pensées.
Je veux bien aufly qu'on scache qu'en tout le temps que j'ay sejourné dans les pais-bas, soit pendant la pais, soit apres la rupture suruenue entre les deus coronnes, mes principaus soings & mes meilleurs souhaits, ont tousiours eu pour object [Page 4]ma reconciliation auec le Roy, Monsieur mon filz, que je ne me suis jamais cachée de ce desir, mesme que le Roy Catholicque, Monsieur mon beaufilz, m'a tousiours tesmoigné qu'il l'estimoit iuste & louable.
Jl est vray qu'ayant trauaillé pour mon accōmodement l'espace de sept années sans aucun fruict, & descouurant par l'aduis des plus sages non passionés ny interessés, par le bon raisonnement, & par l'experience mesme, qu'il s'eslognoit plustost qu'il ne s'aduançoit apre [...] tant de soings employez a le rechercher: que le lieu ou je demeurois sembloit m'estre vn perpetuel obstacle a toutes les aduenues qui m'y pouuoyent conduire, tant a cause de la rupture qui continuoit, que par d'autres fortes considerations. Je recognus en fin qu'il m'estoit expedient de viure aumoings quelque temps en vn lieu non suspect, et comme la saison se trouua propre a boire des eaues de Spa, lors que j'entrois en ces deliberations, je me resollus d'aller faire quelque sejour dans les terres des Liegeois, quisont neutres, esperāt par ce moyen prendre vn bon remede pour ma santé, & pareillement vn bon poste pour aduancer ma reconciliation.
Voila quel fut mon project sans rien determiner [Page 5]sur le subject de mon retour en Flandres: Et a n'en mentir point cette incertitude ou j'estois m'empescha de communicquer les particularitez de ce desseing a mon Nepueu le Cardinal Infant, joinct les occupations de la campagne qui le tenoient esloigné de moy sur le point de mon partement, en sorte qu'elles ne me permirent pas de luy dire adieu moymesme.
Je m'acheminay donc en partant de Bruxelles pour aller droict a Liege, ou j'estois attendue avec expectation, comme je fus receue auec applaudissement dans les Villes de sa dependance: enquoy j'ay subject de scauoir beaucoup de gré aux Magistrats du pais des ordres qu'ilz auoient dōnés pour ma reception par tout ou je debuois m'arrester. Neantmoings ayant depesché en Hollande & en dautres endroits, affin de pourueoir a ma seuretè pendant le sejour que j'auois a faire dans les terres de Liege: outre qu'il se rencontra quantité de difficultés pour y asseurer ma demeure, il s'en descouurit encore vn plus grand nombre qui en pourroient empescher ma sortie, s'il arriuoit que je fusse necessitée d'aller ailleurs. De maniere que preuoyant tous ces accidens par les aduis qui venoient de ceux que j'auois enuoyéz, en recognoissant [Page 6]vne partie sur les lieux, & trouuant le passage libre par la Hollande: j'estimay qu'il ny auoit point de temps a perdre pour chercher vne assiette seure & tranquille, qui m'estoit la chose la plus importante a lors, veu lestat flottant ou je me rencontrois. Ainsy pour ne la pas commettre au hazard & a des euenemens si doubteux, je pris ce parti sur le champ de passer en Angleterre, comme le plus affuré.
Mais auant que de continuer ce discours, je ne scaurois obmettre le succes dont il a pleu a Dieu fauouriser mon voyage, qui, est tel, qu'il a surpassé veritablament ce que j'eusse pû souhaitter. Mon Cousin le Prince d'Orange qui vint au deuant de moy jusques a l'entrée du pais, me receut en l'equipage ou i'estois, (qui me pouuoit rendre mescognoissable,) de me sme qui si mon adversité m'cut seruy de lustre, & que j'eusse esté en aussy grand esclat qu'on mayt veue dans ma plus haute prosperité. Pour ce qui est des Estats ilz m'ont traictée non seullement comme vne Princesse de ma condition qui demandoit passage; mais comme ilz eussent pû faire vn Roy triomphant qui le [...] fut allé visiter pour leur donner part des ses victoires. Et pour le regard de ma Cousine la Princesse [Page 7]d'Orange, qui m'a tousiours accompagnée par toute la Hollande, elle a vescu si respectueusement, & si obligeament aucc moy, faict si agreablement l'honneur du pais & de ses maisons ou elle m'a logée, que j'eusse pû m'imaginer estre dans les miennes, n'eut esté que ma mauuaise fortune m'auoit trop accoustumée a scavoir qu'elles n'estoient plus en ma possession. Quant a l'accueil que m'a faict le Roy de la grand Bretaigne Monsieur mon beaufilz, tout ce que i'en pourrois dire seroit bien au dessoubs de ce que chacun a veu, & de ce que j'ay recognu moy mesme. Par sa magnificence extraordinare a mon entrée dans Londres, Il a publié l'estime qu'il faisoit de ma personne: par sa resiouissance qui paroissoit sur son visage, & sur celluy de tous ses subjects; il a monstré combien ma presence luy estoit chere. Mais sur tout j'aduoue que la veritable amitié que j'ay leue dans son coeur, la franchise de son procedé, & les tendres affections en mon endroict de la Reyne Madame ma fille, qui ont a la verité peu d'exemples, m'ont tellement soullagée de mes afflictions pressantes, que je ne scay comment j'aurois pû l'estre dauantage quant Dieu m'eut enuoyé du ciel vn Ange pour me consoller. De sorte que je n'eusse [Page 8]eu dans tout mon voyage, que des matieres de joye, si les mesmes choses qu'on preparoit pour me plaire, ne m'eussent esté parcillement des subjects de triste meditation: en ce qu'elles me faisoient penfer que le feu Roy Monfeigneur paroissoit bien encore viuant en ma personne dans les pais estrangers, mais qu'en effect sa memoire mesme sembloit morte pour moy dans son Royaume.
Maintenant pour reprendre la suitte de mon discours ou je l'ay quittée. Jay a dire que je ne pense pas ayant desduict naisuement ce qui s'est passé en ma retraicte de Flandre, qu'on me puiffe imputer d'avoir negligé ma reputation pour auoir verllé au bien de mes affaires, ny qu'il soit mal aysé de persuader a ceux qui en jugeront fainement, que je n'ay rien faict en cette retraicte, en ses circonstances & ses suites, non plus qu'en tout le temps que j'ay fejourné dans les pais-bas, qui soit contre les loix de la gratitude: j'adiouste que je n'cuffe mesme rien faict contre la bienscance quant au fortis des terres d'Espagne je fusse demeurée dans la Hollande, qui luy est ennemie, pour ce que je n'cusse pas en cette occasion cherché la Hollande comme ennemie d'Espagne, mais [Page 9]comme amye & confederée de France. Et cette quallité de la Hollande qui m'estoit pour lors advantageufe, n'estoir point nuisible a l'Espagne, en ce qu'olle me profitoit: desorte que demeurant en Hollande, je n'eusse apporté nul prejudice a l'Espagne, en me bien faisant.
Et quant aux bruits qu'on a faict courir, que j'allois en Hollande pour deseruir Espagne, & que des miens par mon ordre auoient baillé le plan de plufieurs places des pais-bas a Mon Cousin le Prince d'Orange, ce bruit la est fi ridicule qu'il ne merite qu'ne responce de raillerie. Certes j'aurois eu bonne grace de faire veoir par c'et exemple a mon Coufin le Prince d'Orange, qui me recevoit si humainement, comme je traictois bien mes hostes quant je n'estois plus ches cux: et dailleurs en luy donnant bonne impression de ma probité, je luy cusse faict cognoistre que je l'avois encore meilleure de sa preuoyance, la jugeant telle qu'il n'auoit pas soing de se pouruoir du plan de toutes les places des pais-bas; vraiement cella cust passé pour vn beau compliment a mon arriuée.
Aussy ce bruit la est il dautant digne de risée, q'un autre tout contraire qu'on a voullu gliffer est faux, & d'une inuention malicicuse, que j'estois [Page 10]passée en Hollande pour traicter la trefue, ou bien pour faire des praticques contre les pais [...], & contre mon Cousin le Prince d'Orange soubz le pretexte d'hospitalité.
Mais le temps ayant faict veoir, mesme aux plus simples, que ces bruits n'ont rien de vray, comme la raison a tousiours faict comprendre aux sages qu'ilz n'auoient point de vrai-semblance: je me veux arrester a ce qui est de plus grand pois, & pour toute justification de mes desseings & de ma conduicte, declarer ingenuement qu'els ont esté les mouuemens de ma volonté, au regard de France & d'Espagne pendant que j'ay seiourné dans les pais-bas, & pourquoy je m'en suis retirée.
J'ay gardé ce temperament en tout le temps que j'ay passé dans la Flandre, que mes affections aussy bien-que mes deportemens, ont tousiours esté neutres pour ce qui a regardé les affaires publicques entre la France & l'Espagne. Les assistances que je receuois d'Espagne d'une part, & de lautre les attachemens que j'auois a la France, m'obligeoient d'en vser ainsy. Et a parler nettement, j'eusse creu faire autant contre la justice, tandis que j'ay demeuré dans les terres d'Espagne, & vescu a ses despens, de prendre le parti de France [Page 11]au prejudice d'Espagne, qu'il cut estè contre mon inclination de prendre celluy d'Espagne, au prejudicede France. Et quoy que ce pretendu Manifeste en exagerant les plaintes qu'il faict d'Espagne soubz mon nom, ait coullé artificieusement, que j'ay beaucoup affectionné le bien de ses affaires, ce qui est vn venin couuert pour me nuire du costé de France. La verité est qu'Espagne ne m'a pas d'autre obligation pour ce point la, que d'auoir tousiours souhaitté passionnement l'union & la concorde entre les deux coronnes, dont j'auois autrefois jetté les fondemens par vne double alliance entre Elles: et d'auoir desiré grandement apres la rupture, de contribuer tout ce qui eut dependu de moy, pour le restablissement de la paix.
A Dieu ne plaise que j'eusse voullu payer les nouuelles obligations que j'auois a l'Espagne, aux despens des antiennes que j'ay contractées auec la France par le lien de mon mariage. C'est a elle a qui j'ay voué mes premieres affections: C'est elle qui les conseruera perpetuellement auec les cendres du feu Roy Monseigneur.
Mais a Dieu ne plaise aussy, que pour quelque aduantage qui m'en peut venir du costé de France, il me tōbast en la pensée de desaduouer les obligations [Page 12]que j'aya l'Espagne. Je scay trop que le dernier degré de l'ingratitude, c'est de nier les bienfaicts, taut s'en faut je les publieray tousiours hautement par tout. Et je confesse qu'il me deplaist asses de n'auoir point d'autre moyen pour m'en acquitter qu'en me louant en toutes occasions, comme je say en cellecy, de la subsistance que m'a donnée le Roy Catholicque Monsieur mon beaufilz pendant sept années, & des preuues d'amour cordial que j'ay receues de la Reyne Madame ma fille: des soings qu'a eu de ma personne feu ma soeur l'Infante, qui ne m'a dailleurs pas moings edifiée par sa vertu, qu'elle m'a consollée par ses bons offices, de la courtoisie & bonne volonté en mon endroit de mon Nepueu le Cardinal Infant: qui sont des effects que je refere aussy principallement au Roy Catholicque Monsieur mon beaufilz, a l'intention duquel mon Nepueu & ma deffuncte soeur l'Infante, n'ont faict que joindre leurs naturelles dispositions.
Apres cella je suis bien esloignèe de vouloir affoiblir ces tesmoignages publics que je desire confirmer en tous lieux, par quelques plaintes contre aucuns de ses Ministres. Et c'est en quoy je suis encor notablement offencée par les autheurs [Page 13]de ce pretendu Manifeste, d'en auoir exposé de fauses a la veue du monde soubz mon nom: Au contraire il m'importe qu'on scache, comme il est vray, que quant il y auroit eu des manquemens en mon endroit par la faulte de quelques vns des Ministres qui sont en Flandres, ce qui eut esté contre les ordres du Roy Catholicque Monsieur mon beaufilz: le bon traictement que je receuois du Maistre, cust couuert a mon esgart l'inobseruation des seruiteurs: Et bien qu'il ne m'en eust pas osté le sentiment, la discretion m'auroit apris a le taire.
Il ne sera jamais dit aussy, que ce qui partira de moy contienne rien de semblable: Mais bien l'entiere satisfaction que j'ay du Roy Catholicque Monseur mon beaufilz. Et j'ay depesché expres en partant de la Haye vers mon Nepueule Cardinal Infant, pour luy temoigner ces sentimens de ma recognoissance, & pour luy faire entendre a quelle intention je suis sortie des pays-bas; qui est la mesme ou je persiste aujourdhuy, & que je veux clairement exprimer pour conclure cette declaration.
Mon object n'a esté & n'est autre en tout ce procedé, que ma reconciliation anec le Roy Monsieur mon filz. Pour cette fin les moyens qui sembleroient [Page 14]difficiles & fascheux aux personnes de ma condition, me seront doux & faciles. Je ne compte pas entre ces moyens penibles d'affectioner ceux qu'il honnore de sa principalle confiance: Je le feray sans contraincte, & de bon coeur, quoy qu'ilz ne m'en donnassent point subject: Et suis resollue de ne rien obmettre (non pas mesme ce que je scaurois employer en vain) pour posseder l'amitié du Roy Monsieur mon filz.
C'est vn bien a la verité pretieux pour moy: Mais qui m'appartient a tant de justes tiltres, qu'on ne me blasmera non plus de le pretendre, qu'on ne me pourroit accuser sans me faire tort d'auoir en consequence le moindre souhait de participer a l'authorité du gouuernement. Je ne me pardonnerois pas a moy mesme, si j'auois eu vne tentation de cette nature, & si je ne tenois cette auctorité la autant inutille pour ma felicité particuliere, que j'estime l'amitié du Roy Monsieur mon filz, necessaire pour mon contentement parfaict.
Il sera bien aisé de croire que je suis dans ce sentiment, si lon veult en cella juger du present par l'exemple du passé, & pour cet effet jetter les yeux sur mon administration pendant ma Regence: examiner en quoy je m'en suis preualue; [Page 15]& de quel esprit j'ay gouuerné. Quant par mon malheur & célluy de la France, perdant le feu Roy Monseigneur, je fus engagée a donner mes soings & mes veilles, pour soustenir les affaires publicques qui estoint en eminent peril: deslors que le voeu commun des ordres du Royaume eut commis a ma conduitte la fortune de tout l'estat, je pense auoir oublié tellement la mienne, que la mesdisance, & mes ennemis ensemble, n'ont jamais songé de mettre en auant que je me sois quelquefois considerée pour tirer aduantage de mon auctorité: Ny que l'ambition ou l'interest, ait eu voix en quelque occasion dans mes conseils particuliers. On ne mettra pas en doubte le premier puis qu'il est constant que je n'ay voullu chercher autre gloire pour moy dans ma Regence, que de laisser a la fin le Royaume aussy tranquille & florissant soubz la conduitte d'une femme, nonobstant les troubles qui estoient suruenuz, q'un des plus grands Roys du monde l'auoit veu en mourant, apres douze années d'une profonde paix. Et quant a l'interest j'ose bien dire, sans blesser la modestie (ce qu'il semble que la France auroit peine a nier sans ingratitude) que j'ay administré de sorte le bien du Roy Monsieur mon filz, que pour [Page 16]le conseruer je l'ay regardé comme le mien propre: Mais que pour en vser, je l'ay consideré comme le bien d'autruy. Tellement qu'a la fin de tous mes trauaux, il ne m'est demeuré que la qualité de Mere; laquelle Dieu mesme ne me pourroit oster.
Ces actions dont les monumens publics seront a jamais tesmoings, sont les seuls trophées que j'ay faict dresser a ma memoire; Ces actions disie, sont les sculles citadelles, dont je me suis pourueue, & que i'ay basties dans le coeur du Roy Monsieur mon filz, dans celluy des François, & dans ma propre conscience. Mais certes pour ne me point tromper, c'est sur ce dernier fort que i'establis mes principalles esperances, & en tous euenemens ma plus solide satisfaction. Apres tout quant il arriueroit par des raisons secretes de la prouidence de Dieu, que le reste de mes iours se passast dans les disgraces, quant ie n'aurois point auant que mourir la consolation de reueoir le Roy Monsieur mon filz, ie ne laisseray pas de luy donner absente, comme ie fay, des benedictions continuelles. Et ie veux en ce cas finir ma vie, comme ie finis cette presente declaration. Priant Dieu que ces miennes benedictions, soient [Page 17]aussy efficaces pour luy, que si l'auois tousiours esté bien fauorablement traictée.
Cette declaration a esté leue publicquement deuant toute la Cour de la Reyne en presence de sa Maiesté. Apres auoir esté signée de sa main, Et par son commandement, l'original en est demeuré es mains du sieur Vicomte de Fabroni.