Ad
IACOBVM Regem.
Non commendatus, sed commendabilis adsum:
Cur commendarer noscenti cuncta IACOBO?
A la louange du Roy de la grande BRETAIGNE.
ODE.
COmme a ton los ie ne pretens
Peindre moings qu'vn vainqueur du temps:
Las! l'humeur meurt a ma visee:
Ne m'estonnant de cest effet,
Si la Nature t'ayant fait
Se trouua bien toute epuisee.
Elle le fut heureusement
Et ie le suis confusement:
Sans commencer aucun langage
Mes leures ont seichè leurs bords:
Nature tarit ses thresors,
Mais en acheuant son ouurage.
Quand je seruirois dans mes vers
Le Nectar a tout l'vniuers
D'vn coup restraint a ma personne,
Pouuant obliger au courrous
Et rendre Iupiter ialous
Pour me voir donner ce qu'il donne,
Encor ie viendrois irriter
Tes graces que ie veux chanter:
Car louant celle, & fes merueilles
Par qui mon chant commenceroit,
Chacune en cholere diroit
Ne sommes nous toutes pareilles?
Toutesfois ie suis emportè
D'vn courant de necessitè:
Belles Charites, je vous iure
Que si ie peche en commençant
Vous trouuerez qu'en finissant
Ie repare bien ceste iniure.
IAQVES, qui n'es pas moings ton Roy.
Que des peuples mis soubs ta loy:
Oy ma voix qui vers toy s'eslance.
Tu luy feras bon iugement
Soleil, qui luis incessamment
Dans le signe de la Balance.
Au grand debord de ton scauoir
Tant de veritè se fait voir
Qu'elle ne peut estre descrite:
Et tous les doctes sont tesmoins
Qu'il en demeure beaucoup moins
Au profond puits de Democrite.
Estant certain qu'en ce bas lieu
Vn Roy doibt representer Dieu,
Tu chassas l'ignorant nuage
Et t'accomplis tout en effet
Sçachant bien que rien d'imparfait
Ne pourroit estre son image.
Gardant le pourtraict de Pallas
Troye ne pouuoit cheoir en bas:
Des tiens l'asseurance est supreme
Car ils te gardent ô grand Roy
Et si ne gardent pas en toy
Le pourtraict, mais Minerue mesme.
Marquons ton esprit nompareil
Auec l'hierogliphe dvn oeil:
Mais non, l'erreur seroit extreme:
L'oeil ne se voit que ches autruy
Mais ton esprit voit tout ches luy
Et si n'est veu que de luy mesme.
Vous, qui dites qu'en ces bas lieux
On n'oyt les doux accords des Cieux,
Que vostre erreur est manifeste!
Oyez le parler seulement
Et vous oyrrez soudainement
Toute l'harmonie celeste.
Castor, & Pollux, deux flambeaux,
Sur les antennes des vaisseaus
Presageoient bon port au nauire:
IAQVES, qui luit pareillement
Du sceptre, & de l'entendement,
Tient bien asseuré son Empire.
Bien plus clair y doibt voir vn Roy
Que les peuples qu'il tient soubs soy:
La Nature enseigne le mesme
En ce que le bas element
Est plus espais infiniment
Que n'est pas l'element supreme.
Auec l'oeil de sa notion
IAQVES voit en perfection
Que dans les basses creatures
Tout ce qu'on trouue de parfait
L'autheur de Nature le fait
Eclater aux superieures.
Il voit (& si voit a lafois
Que c'est vne leçon aux Roys)
Qu'aux mixtes sa sagesse assemble
La vertu de chaque element,
Trouue aux plantes pareillement
Ce que les mixtes ont ensemble.
Puis il contemple aux animaux
Tout le Parfait des vegetaux:
Apres ce grand Roy vient ensomme
Descouurir auec son flambeau
Que l'animal n'a rien de beau
Qu'on ne puisse trouuer en l'homme.
Ayant paracheué ce cours
Il s' entretient de ce discours:
Ce qu'on voit ailleurs en parcelles
Doibt estre tout au nompareil,
Aussi scait on que le Soleil
A les vertus vniuerselles.
Au prix d'vn soin laborieux
Apollon luy vendit des yeux
Dont la clarté luy donne a rire
De maint espais aueuglement:
Celluy la doibt voir clairement
Qui doibt voir sur tout vn Empyre.
L'oeil est nourri du plus pur sang
Et le Roy qui tient mesme rang
Doibt apporter la diligence
A s'instruire parfaictement
Et nourrir son entendement
De la plus pure intelligence.
IAQVES, qui luisplus grand par toy
Que par la qualité de Roy.
Ce n'est pas pour toy que ie tire
Limage du royal debuoir
Puis qu'on y peut clairement voir
Ce qu'aux autres Roys on desire.
Que tes sceptres sont abatus
Au prix des celestes vertus
Qui font qu'aucun ne te seconde!
Ce n'est qu'vn peu d'or seulement
Ou l'oeil contemple vn Diamant
Inestimable a tout le monde.
Tels tes propos, qu'est en chaleur
Vne fontaine au voyageur:
Aussi c'est bien chose certaine
(Et ie ne dis rien de nouueau)
Qu'ils sont la belle, & la claire eau
Qui vient reiallir d' Hypocrene.
Nul n'est plein de scauoir, grand Roy
Qu'en estant eloignè de toy:
Mais on se console en sa peyne
Sçachant que ce n'est vn abus
Que sans estre loing de Phoebus
Phoebè mesme n'est jamais pleine.
Mais pour t'approcher, & te voir
Si l'on est vuide de scauoir
Par vne disgrace commune:
O des Roys le plus digne Roy
Sifaut il estre aupres de toy
Afin d'estre plein de fortune.
Astre d'ineffable vertu
On voit que Pithon abatu
Expire a ta clartè premiere:
Python c'est la nue d'erreur
Ou plustot vne nuict d'horreur
Qui s'en fuit deuant ta lumiere.
Ce monstre estant mort par tes dards
(Agreable obiect des regards)
Pour n'estre ingratement iniques
Ayant vaincu ce grand vainqueur
Nous debuons bien a ton honneur
Renouueller les ieus Pythiques.
IAQVES, l'eguillon du debuoir
Nous oblige a les faire voir:
Car il est plus que raisonnable
O adorable Maiesté
Qu'ils soient veus pour la verité
S'ils le furent pour vne fable.
On creut en chaque nation
Fille de l'Admiration
Celle de qui la face est peinte
De tant de diuerses couleurs,
Et qu'on scait courriere des pleurs
Dont le Ciel rend la terre enceinte.
O Roy, qui manifestement
Luis en terre celestement:
Aussi ta notion supreme
Ton scauoir parfaict & diuers
Fait bien croire a tout l'vniuers
Que tu es le fils de la mesme.
Iris n'eust ce los, ô grand Roy,
Auec plus de raison que toy
Car bien qu'vne pluye feconde
Soit ce qu'elle annonce aux humains,
La pluye d'or cheoit de tes mains
Sur les beaus esprits de ce monde.
Tu t'en es reseruè le soin
Qui sur leur aride besoin
Haste le cours de tes Pactoles:
Et Parnasse, on chante par tout
Que tu ne serois point debout
Sises mains n'estoient tes deux poles.
IAQVES est ton vnique appuy
Et chacun scait que c'est a luy
A qui tu doibs ta subsistance:
Il t'affranchit de l'occident,
Bref tu n'es rien que l'accident
Et ce Monarque est la substance.
Muses, vostre celeste Choeur
Prend les premiers feux de son coeur
Auec ses plus douces oeillades:
Il vous est, ô troupeau sçauant,
Cella que le chesne viuant
Fut iadis aux Hamadryades,
Quelle est sa liberalité
Belle & royalle qualité!
Mais sa cognoissance l'ordonne:
Aux esprits grands & surhumains,
Non a ceux qui n'ont que des mains
Pour receuoir ce qu'on leur donne.
Ce bon Roy s'est representè
Que la rosee en quantitè
Venant cheoir a la pleine Lune
Oblige les Roys aux biensfaits,
L'Amour du Ciel les ayant faits
Pour tousjours en pleine fortune.
Vn Roy, naissant prend sa rondeur:
L'or n'augmente point sa grandeur:
L'ame des siens il doibt paroistre:
Or nostre ame diuinement
Donne a nos corps l'accroissement
Sans qu'elle vienne iamais croistre.
Estant tout pouuoir, la bontè
Veut que l'on soit tout volontè:
L'honneur s'vnit a la largesse
Qui rauit tout de ses appas;
D'ailleurs l'Ocean ne peut pas
Arriuer a la seicheresse.
Lá qualitè des puissans Roys
Rit de Penie, & de ses loys:
Ils ont leur fortune exaltee
Iusques au zenith du pouuoir,
Si bien qu'on ne les sçauroit voir
Sans voir la corne d'Amalthee.
Prendre, c'est vne passion;
Donner, vne noble action:
On voit quelle est sa gloire ensomme
Et comme elle eclate en tout lieu:
Faisant du bien, on est vn Dieu,
Le receuant, on n'est qu'vn homme:
Grand Roy, tu donnes a foison
Mais sans desplaire a la raison:
Ce n'est l'humeur, mais bien l'elite
Qui fait sans cesse agir tes mains,
Et tu ne semes tes beaus grains
Que dedans le champ dumerite.
La Laconie (ou lon dit faux)
Iettoit ses fils pleins de defauts
Dans la fondriere de Taygete:
Qui n'est des Graces ennobly
Sent de mèsme que ton oubly
Au creux de son fleuue le iette.
Auprez de IAQVES seulement
Les vertus ont leur element
Et toutes les ames dorees:
Non comme aux plages de l'erreur.
Ou le Soleil est en horreur
Et les tenebres adorees.
Mais i'ay desia fait deux pour traicts
Non pas egallé les beaus traicts
Dont l'effort du Ciel fut le père:
Mes defauts seruoient de tesmoins
Que ie les ferois beaucoup moins
Que ie ne me viendrois defaire.
Grand Monarque, si ta valeur
M'auoit fait part dè sa chaleur,
Ie m'esleuerois de la terre
Et m'en irois dire au Soleil
Qu'il n'a mesme de feu pareil
Lors que le Lyon le reserre.
En toy le Dieu des bataillons
Eleue ses plus gros bouillons:
Tout periroit deuant ta flame
Si la valeur qui vit en toy
N'auoit la iustice, & la foy
Pour les deux gardes de ton ame.
Mars, bien qu'il ayt formè ton coeur,
Trouueroit son fils son vainqueur:
S'il te venoit faire la guerre
Il seroit doux deuant ton fiel;
La gloire qu'il a dans son Ciel
Il la perdroit dessus ta terre.
Pallas n'a point d'enseignement
Qui n'orne ton entendement:
La mesme n'est moings animee.
Dans ton coeur, son siege e [...]ternel,
Que quand du cerueau paternel
On la vit sortir toute armee.
Auec ceste double vertu
Quels Roys ne dethronnerois tu?
Tout se rendroit a ton tonnerre
Si tes desirs relligieux
Ne visoient plus au gain des Cieux
Qu'a la conqueste de la terre.
Ceux la chercheroient bien la mort
Qui mettroient leur guerrier effort
Contre tes forces indomptees:
Plus viste que n'est mon parler
Tu ferois sacrifice a l'air
De la vie de ces Anthees.
Trois royaumes, que tu repais
Du miel d'une eternelle paix,
Doiuent bien donner de l'enuie
A tant de Royaumes pallis,
Mesme a celluy des fleurs de lys
Qui n'a qu'vne mourante vie.
Tes peuples plus heureus centfois
D'estre a toy que d'estre alleurs roys,
Ne demandent la iouissance
D'vn estat plus delicieux,
Car Iupin, sans les mettre aux Cieux,
N'en a pas mesme la puissance.
Paix, deesse aux celestes yeux,
Tes fleurs embellissent ces lieux:
Paix, du paradis la figure,
Et toute l'amorce d'Amour,
On doibt ton bien heureus seiour
A la verge de ce Mercure.
Peuple, le comble des plaisirs
Te doibt bien priuer de desirs:
Encor vn heur plus magnifique
Naist de la paix de tes beaus iours
Puis que Dieu demeure tousiours
Dessus la terre pacifique.
Des nerfs de IAQVES seulement
Tu recois tout ton mouuement:
Voy ton debuoir, & ne t'esgare:
Tu scais bien, si tu n'es brutal,
'Quil t'est ce qu'un cheueu fatal
Fut a Nisus Roy de Megare.
Tu ne doibs enuier encor
Les possesseurs du siecle d'or:
Et s'il fut iadis vne fable:
Tes grands biens, & ton doux repos
Forcent ta bouche a ces propos
Qu'il est maintenant veritable.
Grand Roy, qui voit ton iugement
Te voit agir celestement:
Si le Ciel n'esloigne la terre
Non plus d'un que d'autre costé,
Porus n'est de toy mieux traitté
Que ceux que Penie reserre.
Le plus grand ne t'a pour fauteur
Mais tous comme soubs l'Equateur
Viuent dessoubs ton regne Auguste:
Tu sçais qu'en ce terrestre lieu
Vn Roy tient la place de Dieu
Et ne le peut s'il n'est bien iuste.
Le foible ayant a faire au fort
Ne craint deuant toyson effort:
Et ceste asseurance reserre
De voir briser ce coeur felon,
Et de t'auoir pour Apollon
Si ce Python luy fait la guerre.
La justice engeance des cieux
N'est pas moings nette, & belle aux yeux
Que lors qu'elle te fut donnee
Et tu choisirois le cercueil
Plustot que les liurer au dueil
De voir leur fille abandonnee.
Ainsi doncques si sagement
IAQVES donne son iugement
Qu'il semble au Soleil qui deserre
Tous les eclats qu'il areceus
Sans voir plus long temps le dessus
Quil voit le dessous de la terre.
Apollon se met en courrous
Quand ses airs se donnent a tous
Ie scay que sa lyre est tachee
De l'abus commis tant de fois,
Et qu'vn crime s'attache aux doigts
Qui l'ont profanement touchee.
Si ie la manie, Phoebus
Tu vois bien que c'est sans abus:
Rien que les ames glorieuses
Ie ne fay briller dans mes vers,
Et ne metz leurs feuillages verds
Que soubs des pierres precieuses.
Ce grand Roy, mon present obiect,
Soubs sa haulteur voït tout abiect
Et la plus eloquente Muse
Y trouuant tous les beaus excez
Non pourroit iamaïs dire assez
Que par la bouche de l'Excuse.
Mais loüons la blanche vertu
Dont il est en Ange vestu:
Elle rend son coeur diaphane:
Et diuinement possedé
Montre bien qu'il a succedé
A tous les thresors de Diane.
IAQVES d'vn courage constant
Va la mere perle imitant
Qui ne prend d'eau pas vne goute
Qui ne soit venue du Ciel:
Tous les plaisirs luy sont du fiel
Hors ceux que le Ciel veut quil gouste.
L'Amour, qui de la terre est nè
Et qui iamais n'a rien gaignè
Que ce qui se colle ala terre,
Ne pourroit estre son vainqueur
Ny mesme approcher de son coeur
Pource que le Ciel le reserre.
Sa raison ne le peut nommer
Du nom d'Amour, mais bien d'amer:
Et sa sagesse nous propose
Que la folie regne en nous
Quand le plus laid monstre de tous
S'appelle la plus belle chose.
De mille plaisirs apparens
Il trompe nos yeux adherens
Pendant qu'auec nous il seiourne:
Et nous ne voyons qu'il est faus
Et ne descouurons ses defauts
Si ce n'est lors qu'il s'en retourne.
Qu'il liure d'ames au trespas
Par le poison de ses appas?
Il cache vn veritable orage
Soubs vn feint calme d'amytiè,
Et, grand Roy, ce n'est sans pytiè
Que du port tu vois leur naufrage.
Et peut estre vnique ca bas
Victorieux de ses combats
Tu t'en eriges le trophee:
Bien que le monde soit amer
Par la saleure de sa mer
Tu passes comme vn autre Alphee.
I'auoue bien qu'il faut touiour
Estre amoureux d'un bel amour:
Aymons celluy qui ne nous change
De lyons en lieures peureux,
Mais qui d'vn changement heureux
Fait qu'vn homme deuient vn Ange.
L'Amour est certes precieux
Qui prend sa naissance des Cieux:
Grand Roy, qu'il t'eslance de flesches
Dont il te blesse heureusement?
Ton coeur nauré profondement
Entre en paradis par ces breches.
Grand IAQVES, que tu t'embellis
Habitant tousiours dans les lis?
Tu vis si nettement ensomme
Que quand tu quitteras ce lieu
Afin de t'approcher de Dieu
Tu ne sembleras pas vn homme.
L'heresie, dont les esprits
Sont lethargiquement surpris;
Se sent de toy si fort pressee
Que ceste Meduse en mechef
N'attend plus qu'a perdre le chef
Par le glaiue de ce Persee.
Elle expire desia soubs toy
Braue Champion de la foy
A qui tu gaignes la couronne
Mettant ses ennemys a bas,
Et toutesfois tu ne combas
Que des forces qu'elle te donne:
Grand Roy, ton coeur deuotieux
Paye bien ce qu'on doibt aux Cieux:
Ta flame pour eux allumee
Y monte auec sa nettetè,
Au lieu qu'ailleurs l'impuretè
Ne leur donne que sa fumee.
Que l'esprit demeure confus
Pensant a bien peindre tes feux
Ame royalle, & toute belle!
Et quil sent foibles ses efforts
Quand il contemple en tes thresors
La Nature surnaturelle!
Quelle Clemence estalles tu?
Ceste incomparable vertu
Brille en Soleil dedans ton ame:
Elle vient reiouir les yeux
Auec des rayons gracieux
Et ne s'arme iamais de flame.
Mais elle passe doucement
Par dessus l'acte seulement:
Et sa soeur a le coup plus rude
Dont les pecheurs sont assenez
Lors que les vices forcenéz
S'y trouuent auec habitude.
Quand tu viens employer ses mains
Les forfaits son bien inhumains:
Tu scais qu'vn mauuais deuient pyre
Et s'emporte estant supportè:
Faire viure l'impunitè
C'est faire mourir vn Empire.
Labelle Astree, qui grand Roy,
Est tousiours vierge aupres de toy:
Ne fait voir tes graces suyuies
De ce miserable remords
D'auoir donné beaucoup de morts
Pour auoir sauuè peu de vies.
Quand la faute a tant de noirceur
Soudain dedans son espaisseur
Tu lances Themis toute nue
Auec vn acier furieux:
Ainsi le plus bel oeil des Cieux
Forme des verges dans la nue.
La vertu t'a pour defenseur
Et le vice pour punisseur:
A ces deux iustement extreme
Tu viens rire, & te despiter:
Le secours naist de Iupiter
Et les foudres partent du mesme.
Au bien qu'on dit de toy, l'excez
Ne peut iamais auoir d'accez:
Grand'ame, belle PANCHARITE,
Le debuoir enioint qu'a grands flots
On face arriuer tout le los
Ou le Ciel mit tout le merite.
IAQVES, que ce chant abattu
Fait de restes a ta vertu?
Mon art a ta Nature cede
Et la puissance me default
De mettre en oeuure comme ïl faut
Ce Diamant qui tout excede.
On trouue assez souuent dequoy
Orner de louanges vn Roy:
Et le moindre escriuain enserre
Vne aulne dans l'entendement
S'il doibt mesurer seulement
La grandeur de toute sa terre.
Mais quand il faut tirer aux yeux
Ces graces qui viennent des Cieux
Iustice, pleine intelligence,
Foy, valeur auec Charitè:
C'est a faire a la Deitè
Qui seule leur donna naissance!
Nous te les voyons posseder
Et tous contraints de te ceder,
Dont l'ame demeure rauie:
Ces vertus en toy font seiour,
Belles estoilles qui touiour
Reluisènt au Ciel de ta vie,
Monarque tu n'as qu'a ioüyr
Et pour iamais te resiouoir
Dans la plus nette iouyssance:
Souhaiter quelque plus doux miel
Ce seroit demander au Ciel
Ce qui n'est point en sa pùissance.
Ta belle ANNE se fait bien voir
Le riche effort de son pouuoir:
Et ta royalle ame saisie
De l'extase de ses appas
Trouue que les meilleurs repas
Ne sont pas ceux de l'Ambrosie.
Ie voudrois bien dedans mes vers
La peindre aux yeux de l'vniuers:
Si n'y peut elle estre tiree:
La Louange auec tremblement
L'ose commencer seulement
Comme Apelles fist Cytheree.
Mais voicy l'Admiration
Dont la force, & l'affection
Brillent d'un visible auantage:
Elle adiouste maint diuin trait
A ce que la Louange a fait
Et vient paracheuer l'ouurage.
Et quel oeil maintenant ne voit
Que celluy la se deceuoit
Qui soub's des lunetes brunies
A restraint les Graces a trois!
Voyant ANNE, on voit a la fois
Que les Graces sont infinies.
Grand Roy, tu te peux bien vanter
Que les regards de Iupiter
Ne sçauroient pas voir dauantage:
Iunon n'espand vn plus beau iour
Quand mesmè les yeux de l'Amour
Seroient iuges de son visage.
Mais a grand peyne i'apercoy
Le chef d'oeuure d'Anne & de toy
Tant il me iette d'estincelles:
Si bïen que par vn tel excez
Chacun le recognoit assez
L'effect de deux causes si belles.
Il fera croire en toutes parts
Que le Ciel ne garde plus Mars:
Que son effroyable tonnerre
Donne la palleur a tous lieux,
Et s'il fut vne fable aux Cieux,
Quil est veritable sur terre.
Il verra le danger, riant
Comme il feroit, se mariant:
Aussi, courtisant la Memoire,
Le peril vaincu de son coeur
Viendra marier son vaincqueur
Auec vne immortelle gloire.
Tout le plus des perfections
N'esgalle que ses actions:
Et Dieu! quelle heureuse planete
Eclairera sur les humains
S'il te vient rapporter des mains
Aussi bien comme de la teste.
Tous les coeurs demandent a Dieu
Que CHARLES ne prenne ton lieu
Qu'apres que le viellard de Grece
Sera surmonté de tes ans
Aussi bien comme nostre temps
Te voit vainqueur de sa sagesse.
Maint gros volume est presenté
A ton oeil pere de clarté:
Ceste quantité qui t'approche
Me m'espouuante aucunement
Puis que tu scais qu'vn Djamant
Vaut mieux que la plus grande roche.
Vn Cygne eclate vjuement
Entre les feux du Firmament:
Si Mailliet, qui chante ta gloire,
Est vn Cygne, & tel creu de toy,
Fay luy cest honneur, ô grand Roy,
Qu'il luise au Ciel de ta memoire.
Vne incomparable ferueur
Luy naistroit de tant de faueur:
Si ce vent souffloit dans ses voyles
O des Roys le plus glorieux
Sa Muse sans baisser les yeux
Ne pourroit point voir les estoilles.