CAMBRIA, OV VVALLIA.
CAmbrie, ou VVels, est la troisieme partie de Bretaigne, laquelle est separée de Lhoegrie, ou Angleterre, par les riuieres Sabrina & Dea, & de tous les autres cotés enuironnée de l'Ocean Vergiuique, ou Hibernique. Elle ha pris son nom de Cambrus, qui estoit le troisieme fils de Brutus. Les habitans l'appellent Cymbri, & les Anglois la nomment VVallia, ou VVels. Il n'y ha que ceste seule partie de l'Isle de Bretaigne qui jouïsse de ses anciens habitans, lesquels sont Bretons naturels, parlans le langage de leurs ancestres, & ignorans du tout le langage Anglois, qui est r'amassé de la langue Saxonique & autres.
Ils diuisent ceste Cambrie en trois regions, à sauoir, en Venedotie, Pouisie, & Dehenbartie. Sous Venedotie est aussi comprise l'Isle de Mona, laquelle ha esté des anciens honorée, & coneuë pour la demeure des Druides. Les habitans ensuiuent les Anglois en viure & en vesture: & pource qu'ils ne besongnent pas volontiers, & qu'ils se glorifient trop en leur noblesse, ils s'adonnent plustot au seruice du Roi & des nobles, qu'a faire quelque mestier. De là vient qu'on trouue peu de nobles en Angleterre, de qui les seruiteurs (en quoi les Anglois surmontent toutes nations) ne soient la plus-part issus de Cambrie: car ces gens estans bien nourris de potage de lait, sont agiles, bien faits de corps, & propres à tous seruices. Outre ce, d'autant qu'ils sont grands de courage, & qu'en grande pourete ils s'estiment estre nobles de race, ils sont (comme les Espagnols) plus adonnez à orner leurs corps & se tenir bièn en ordre, qu'ils ne sont aux richesses ou à la gourmandise; & apprennét si promtement les manieres de la court de la noblesse Angloise, qu'ils sont preferez aux Anglois mesmes. Toutefois ils demeurent depuis quelque temps es villes, apprennent arts mechaniques, exercent la marchandise, labourent trébien la terre, & font tous autres offices aussi bien que les Anglois. Et qui plus est, il n'y ha si poure entr'eux, qu'il ne mette quelque temps ses enfans à l'escolle pour apprendre les lettres: & ceux qui apprennent bien, ils les enuoient la plus-part és vniuersités pour y étudier en droit ciuile. D'ou il auient, que presques tous les Iuristes de ce Roiaume (tant ciuiles que spirituels) sont de Cambrie. On en trouue peu entr`eux (mesmes des plus rustauts) qui ne sache lire & escrire son propre langage, & jouër sur le Luth à leur mode. Ils ont aussi maintenant la S. Ecriture & les prieres Ecclesiastiques imprimées en leur langue. Et comme ce peuple par ci deuant ne pouant endurer aucune injure, ainsi que Tacitus recite, il auenoit entr'eux continuels debats & homicides, ainsi maintenant par la crainte des Loix, qu'ils gardent aussi bien que nulles nations, ils meinent proces & differens l'un contre l'autre jusqu'à la perte de tous leurs biens.
Ceste Cambrie, ou VVels, ainsi que les Anglois la nomment, appartient d'ancienne coutume au fils premier né du Roi d'Angleterre; à sauoir, à celui qui doit regner apres le Roi: & dés le premier jour de sa natiuité, est appellé Prince de VVels; ainsi comme en Espaigne & Portugal ils disent Prince, & en France Dauphin.
Galfridus Monomuthensis écrit qu'il y ha vn Estang es parties de VVels, auprés du fleuue Sabrina, lequel ceux qui demeurent aupres nomment Linliguna, ou l'eau de la mer (quand elle croist) s'engloutit comme en vn goufre, & ne se remplit point autant qu'il puisse couurir le bord des riues: mais quand la mer decroist, il jette hors (comme vne montaigne) ses ondes qu'il ha englouties, tellement qu'il couure & arrouse en la fin les riues. Et si ce-pendant tout le peuple de ce païs estoit la face deuant auprés, par l'aspersion des ondes en leurs vestemens, à grand'peine, ou jamais pourroit, il eschaper sans estre englouti de l'Estang. Mais aiant le dos tourné vers là, l'aspersion n'est point à craindre, quand mesme il seroit sur les bords.