[Page] [Page] LA COPIE D'VNE LETTRE ENVOYEE D'AN­GLETERRE A DOM BERNARDIN de Mendoze Ambassadeur en France pour le Roy d'Espagne.

PAR LAQVELLE EST DECLARE l'estat du Roiaume d'Angleterre, contre l'attente de Dom Bernardin & de tous ses par­tizans Espagnols & aultres.

Encores que ceste lettre fust enuoiée à Dom Bernardin de Mendoze, toutesfois de bon heur, la Copie d'icelle, tant en Anglois qu'en François, a esté trouuée en la chambre de RICHARD LEYGH Seminaire, lequel n'a­gueres fut executé pour crime de leze-Maiesté & trahison commise au temps que l'armée d'E­spagne estoit en mer.

Nouuellement Imprimé.

1588.

LA COPIE D'VNE LETTRE ENVOYEE D'AN­GLETERRE A DOM BERNAR­din de Mendoze Ambassadeur en France pour le Roy d'Espagne.

MONSEIGNEVR, lors que der­nierementie vous faisois vn ample discours de l'estat de ce pais, & de l'attente continuelle en laquelle nous estions du secours tant desiré & promis, ie n'eusse iamais estimé auoir vne si lamentable occasion d'vn second escrit, comme elle s'offre maintenant par le triste changement des affaires d'estat pardeca: Si ne me puis-ie re­tenir (bien que ce soit auec autant de souspirs que nous auōs eu de desirs) que ie ne vous tienne aduerti de nostre condition, autant veritable que miserable, selon que moy & mes semblables en pouuons iuger. Car comme ainsi soit que vostre Seigneurie a eu iusques icy des long temps, la principale entremise, tant pardeca, qu'en France, de toutes nos affaires entre le Roy Catholique, assisté de tous les potentats de la saincte Ligue, & tous ceux de ce pais lesquels font profession d'obeissance à l'Eglise Romaine: I'espere que par la cōparaison que vous ferez de ceste grande esperance passée, aue le desespoir present de [Page 2] toutes choses, il se presentera quelque nouueau & meilleur discours à vostre esprit, par lequel l'estat & de nous & de nos amis absens à present deploré, puisse estre releué en nouuelle esperāce & plus certaine asseurance d'vn bon succes, qu'il n'est aduenu iusques icy. Pour cest effect i'ay iu­gé L'estat d'An­gleterre selon l'opinion des Catholiques. estre necessaire de vous biē informer quelle est à present la disposition de ce pais, tout aultre que n'agueres nous n'en faisions nostre compte & dedans & dehors le Roiaume.

Vous scauez combien long temps nous a­uons esté retenus en ferme esperance de change­ment d'estat en ce pais, par les obtestations & instantes solicitations de la saincteté du Pape, du Roy Catholique, & aultres potentats de la Saincte Ligue, entreprenans l'inuasion & con­queste de ce Royaume: tellement que sur vostre asseurance & fermes promesses, nous estions de long temps persuadez, que le Roy Catholique s'estoit entierement chargé d'vne enterprise si haulte & glorieuse. Par ce moy en nous en a­uons attendu d'an en an l'execution, estans par vous nourris & soustenuz en continuelle espe­rance, & souuentesfois solicitez par vos instan­tes requestes & persuasions, d'accourager parde­cà nos partizans, à ce qu'ils ne fussent point es­branslez (comme plusieurs estoient) par tant & tant de delais: mais se tinssent appareillez pour se ioindre auxforces estrangeres, lesquelles vien­droient pour ceste inuasion. Ceneantmoins il y [Page 3] a eu tant de remises & prolōgations de la venuë de ces forces Roiales, specialement par la mer, que iusques à ce p [...]intemps nous en estions en desespoir. Lors vous nous donnastes aduis en toute asseurance, que tous ces grans preparatifz du Roy faictz en trois ou quatre ans, estoiēt en­tierement prestz, & sans aucune doubte entre­roient ce prochain esté en nostre mer, auec des forces si puissantes, que nulle armèe d'Angle­terre, voire de toute la Chrestienté, ne leur pour­roit resister, non pas mesme les attendre & leur ozer faire teste. Et encores, pour plus grande seureté, & pour mettre hors de doubte ceste cō ­queste pretendue, à ce grand appareil se deuoit ioindre la puissante armée mise sus & tenue preste és pais bas tout l'an passé par le Duc de L'Armée du Duc de Parme en Flandres. Parme: auec laquelle il deuoit abborder, & ce Royaume estre soudain conquis, estant assailli tout ensemble tant par mer, que par terre. A ce­la estoient adioustées plusieurs raisons, desquel­les on tiroit ceste conclusion, qu'il ne se trouue­roit icy grande resistance ny par mer ny par terre: mais que le parti le plus fort, se ioindroit auec les forces estrangeres. Et de faict, sans telles aides au dedās, ie scay qu'on a tousiours doub­té que toutes les forces estrangeres fussent ba­stantes, contre ce Roiaume, lequel est fossoié de la mer àl'entour, & peuplé d'vne nation la plus forte & puissante qui soit en la Chrestienté. Or auons-nous cōtinué toute ceste année en l'espe­rance [Page 4] de l'abbord de ces armées, pour y prendre Esperāce de vi­ctoire par l'Ar­mée d'Espagne auee l'aide d'vn parti en Angleterre cest [...]st [...]. parti & y ioindre nostre assistance: en attente asseurée d'vne pleine victoire, iusques à ce mois dernier. Mais helas! ô mortelle destresse, nous sommes tous forcez de lamentertant en ce pais, que dehors, nostre soudain precipice d'vne haultesse de ioie sans mesure, en vneabisme de desespoir sans fons & sans riue: voire vne cheute & ruine si subite, que ie la puis dire auoir esté veuë de nos propres yeux, en l'espace d'huict ou neu [...]iours en ce dernier mois de Iuillet. Ce qui fut, depuis que la grandearmée Catholicque Toute l'espe­rāce d'Espagne faillie en neu [...] iours. commenca de su [...]gir és costes d'Angleterre, ius­ques à ce qu'elle fut contraincte de fuir de la co­ste de Flanders prochaine de Calais, vers ie ne scay quelles parties du Nord les plus froides & glacées. Alors toutes nos esperances & tous nos bastimens, selon qu'il en appert à present, d'vne conqueste imaginaire, ont esté entierement renuersées, comme si c'estoit par vn tremble­ment de terre: les chasteaux de nostre confiance ont esté mis par terre, lesquels sembient bien à present auoir esté bastis en l'air, ou sur les fl [...]ts & vagues de la mer. Biē est-il certain qu'ils sont pris & emportez au gré du vent, voire mesme hors de nos pensées. Et sur cela, ie suis tant e­stonné que ie ne scay que penser, d'vn ouurage de si long tēps proiecté & si soudain renuersé: veu que par quelque discours que ce soit, cela ne peut proceder des hommes ou de quelque puis­sance [Page 5] mondaine, mais seulement de Dieu. Que si cela est vray (comme nul ne peut attribuer ail­leurs qu'à la puissance de Dieu ce grand change­ment & renuersemēt de nostre infortunée espe­rance) certainement il est dangereux & doub­teux de iuger du droict de la cause, laquelle par tāt d'années nous auons demenée. Et pour cer­tain La reformation par force du Pape prinse en mauuaise partdes Anglois. ie trouue de ma conoissance plusieurs bons & sages personnages, ayans secretement conti­nué des long temps en vne deuote affection à l'authorité du Pape, lesquels commencent de bransler & discourir en leur esprit, que ceste voye de reformatiō pretēdue par sa saincteté, ne peult estre agreable & approuée de Dieu. Card'auoir quitté l'ancienne procedeure de l'Eglise par l'excommunication, en laquelle gist l'exer­cice du glaiue spirituel, pour vsurper le glaiue tēporel & le mettre en la main d'vn Monarque, a fin d'enuahir ce Royaume par force d'armes, voire, pour destruire & la persōne de la Roine, & tout le peuple qui luy obeit, (lequel pour vray ceste année a verifié estre comme infini & in­uincible) cela faict qu'aucuns commencent de dire que ce desseing par violence, par massa­cres & conquestes, n'est nullemēt conuenable à la doctrine soit de Christ, soit de Saint Pierre, & de Sainct Paul ses Apostres. Et de faict, ie pnis dire à vostre Seigneurie, que ie trouue à present vn grand nōbre de peuple sage, aultrement con­tinuāt en son ancienne Religiō, lequel condāne [Page 6] secretement ceste pretēdue reformation auec le feu & le sang. Iusques la que i'ay oui vn bon Theologien alleguer le texte de Sainct Gre­goire en ces mots. Quid de Episcopis qui verbe­ribus timeri volunt, Canones dicant, benè pater­nitas vestra nouit: Pastores sumus, non percusso­res: Noua enim est praedicatio quae verberibus exigit fidem. I'ay obtenu de luy ceste sentence, pource qu'elle me sembloit fort charitablement escrite. Mais laissant ceste auctorité, ie puis di­re La publication praecipitée de la cōqueste pretendue d'An­gleterre deuāt que l'armée E­spagnole fust preste à porté grand dom­mage. pour certain, qu'il n'y a rien qui ait apporté tant de dommage à ceste entreprinse, que ceste publication hastiue & mal à propos, faicte en ce Roiaume (deuāt que l'armée d'Espagne fust pre­ste à y faire voile) de plusieurs poinctz escrits, imprimez, & semez par tout le pais, pour faire entendre au peuple, que tout ce Roiaume seroit occupé & conquis, que la Roine seroit extermi­née, & que toute la Noblesse, ensemble ce qu'il y a de gens de reputation, d'honneur & de biens qui luy obeissent & la voudroient defendre en resistant à ceste inuasion, seroient arrachez de fonds en comble, auec leurs familes: & leurs estats, honneurs, maisons & terres distribuées aux conquereurs. Ce sont choses lesquelles vni­uersellemēt ont esté prinses en si mauuaise part, que les coeurs du peuple de toutes qualités ont esté esmeus, les vngs de cholere, les aultres de crainte, & tous sans exception, resolus de hazar­der seurs vies pour resister à toute sorte de con­queste: [Page 7] de laquelle chacun peult dire que ce Roi­aume n'a point esté menace ces 500. ans passez, & d'auantage. Or furent ces desseings appor­tez en ce Roiaume auec bonne creance, non­point en secret, mais par escrits publiques & imprimez, tellement, qu'ils prindrent viue ra­cine au coeur du peuple de toutes sortes. Et de­faict, c'estoient choses fort croiables. Premiere­men [...], La publication hastiue de la Bulle du Pape end [...]mmage [...] la cause. à cause d'vne nouuelle Bulle laquelle i'ay venë publier de n'agueres à Rome par sa Sain­cteté, auec beaucoup plus de seuerité, qu'aulcun aultre de [...]es predecesseurs n'auoient faict, par laquelle la Roine estoit maudicte & priuée de sa Couronne, & l'entreprinse & conqueste de ce Roiaume commise, en l'authorité du Pape, au Roy Catholicque. Ce qu'il execute­roit auec ses armées tant par mer que par terre, pour en pozer la Couronne sur sa teste, ou l'as­signer à tel potentat que le Pape & luy nomme­roient. Suiuit en second lieu, vne ample explica­tion Les liures du Cardinal Alle [...] firent tort à la Conqueste pr [...] tendue. de ceste Bulle par vn nombre de liures An­glois Imprimez en Anuers ce mois d'Auril der­nier, & enuoiez par decà, à l'instant qu'on estoit en attente de l'armée Espagnole. L'original en auoit esté escrit par Reuerend pere le Cardinal Allen, nommé par son propre escrit le Cardi­nal d'Angleterre. Or estoit ce liure dicté d'vn stile si violent, picquant & amer, voire (disent les aduersaires) si arrogant, faux & diffamatoire, cōtre la persōne de la Royne & du Roy Henry [Page 8] huictiesme son pere, contre sa noblesse & son conseil: que pour certain i'estois grandement naüré en mon coeur, voiant tant de bons per­sonnages, mesmement de nostre religion, estre ainsi offencez, qu'il se trouuast en vn qui est mis au rang des peres de l'Eglise, & qui est subiect naturel de ceste Couroune, (encores qu'au dire des aduersaires il soit né de fort bas lieu) des pro­pos si deshonnestes, indignes, irreuerens & vio­lens, des menaces tant furieuses & sanglantes, contre la Roine & la noblesse, voire tout le peu­ple de sa propre patrie.

C'est à contrecoeur, & grandement à con­trecoeur, qu'il me faille faire vn tel rapport du cō ­seil totalement mauuais & des procedeures des­reglées & indiscretes d'vn tel Cardinal. Le monde parloit desia assés estrangement de sa promotion en telle place, comme s'ily auoit e­sté aduancé par corruption de la soeur du Pape: oultre le gre du college des Cardinaulx. Mais quoy qu'il en soit, l'intention du Sainct Pere & le desir aussi dudict Cardinal, sans ces fatales & sanglantes praedictions & menaces d'vne fu­ture inuasion & conqueste, eussent peu auoir leur effect par les forces notables du Roy Ca­tholique.

Or pour donner plus de credit à ces progno­stications La multitude de liures pub­liez pour mon­strer la gran­deur de l'armée d'Espagne ap­porte aussi dō ­mage. effroiables, fut aussi adioustée vne es­pece d'aultres liures Imprimez en Espagne & trāslatez en Francois (cōme on dict) de par vo­stre [Page 9] Seigneurie, contenant de longues & parti­culieres descriptiōs & catalogues des Armades, de Castille, d'Andelouzie, de Biscaie, de Gui­pousque, de Portugal, de Naples, de Sicile, de Raguze & d'aultres contrées du Leuant, auec vn amas infini de prouisions de toutes sortes pour ladicte armée: suffisant, comme on estime, pour la conqueste de plusieurs Roiaumes & Seigneuries. Or fut-ce vn grand argument pu­blié par les aduersaires, pour resueiller les esprits de la Noblesse d'Angleterre contre les Espag­nols. Ce sut vne inuention tres-pernic [...]ense pour monstrer l'intention de ceste conqueste non seulement de l'Angleterre, mais aussi de toute l'isle de Bretague. Car chaq'un estoit aduerti de remarquer en la description de ceste Armade vn tel denombrement de Princes, Marquis, Contes, Seigneurs appellez Aduenturiers sans office ny paie. Et derechef vn aultre nombre de personnes de qualité & honneur, & entre iceux plusieurs Capitaines & gens de cōmandement, sans charge, mais neantmoins prenans solde, & pour ceste cause nommez Entretenidos, qu'on pouuoit presumer que tous ceux-cy n'estans point pour faire seruice en l'Armade, auoiēt en­treprins ce voiage pour occuper la place de tou­te la noblesse d'Angleterre & d'Escosse. Or ceste fiction trouua plus de creance qu'elle ne meri­toit. Les forces de vray, estoient estrangement grandes & puissantes, mais ces liures passoient, [Page 10] tellement mesure en leurs amplifications, que toute la Chrestienté ne pourroit auoir faict, ou faire plus grāds preparatifz contre les Sarrazins ou les Turcs. Par ces mo [...]ens, la Roine auec son L'aduertisemēt de la grandeur des Armades sit que la Roine prepara les for­ces de son Roi­aume oultre la constume. Roiaume estant ainsi aduertie & esmeue, print occasiō auec l'aide de son peuple, non seulemēt tres-affectionné vers sa Maiesté (comme elle en estoit bien persuadée) mais aussi extremement irrité, de mettre sus toutes leurs forces, pour se defendre contre ces conquestes prognostiquées. Lors on vit auec vne grand vistesse incroiable tous les coings de ce Roiaume fourmiller de gens arméz, tāt à cheual, comme à pied, & iceux tellement conduictz, exercez & faconnez à la guerre, que de nulle aage il ne s'est veu chose semblable en ce Roiaume. L'argent n'y a point esté espargné pour la prouisiō de cheuaux, d'ar­mes, pouldres & aultres choses necessaires. Il n'a point manqué de pionniers, chariages & viures en chaque Comté du Roiaume sans aucune ex­ception, pour attendre la venue des armées. Et pour ceste fourniture generale, chacun offroit volontairement, les vngs en grand nombre, le seruice de leurs personnes sans aucun gage: les aultres, de l'argēt pour les armes & pour la solde des soldats, facon estrange & non iamais ouie, soit en ce Roiaume, soit ailleurs. Or ceste raison generale incitoit tout le monde à contribuer li­beralement, àscauoir qu'il n'estoit pas temps, de penser à l'espargne d'vne partie, lors qu'il falloit [Page 11] resister à vne conqueste laquelle menacoit d'vne perte vniuerselle.

Or ne pourrois-ie pas affermer quel nōbre s'est trouué prest en ce Roiaume, comme le sca­chant de moy-mesme: mais i'ay oui reciter, lors qu'il me faschoit le plus d'estimer qu'il fust ve­ritable, que par toute l'Angleterre vers le Leuāt, Les armé [...]s preparées e [...] tous les quar­tiers d'Angle­terre. le Ponāt, le Midy & le Septentrion, il n'y auoit endroict on l'on ne courust d'vne mesme vo­lonté & promptitude pour le seruice de la pa­trie, & que telle Prouince s'est trouuée suffisan­te pour mettre sus vne armée de vingt mille cō ­batans, & en ce nōbre, quinze mille de bien ar­mez & equippez, & en quelques Prouinces, ius­ques au nōbre de quarante mille bons hommes.

Les Comtez maritimes exposées au Midy depuis Cornouaille iusques en Kent. Et depuis Kent, vers l'Orient par Essex, Suffolk & Norfolk iusques à Lincolne (le plan desquelles contrées & de tous leurs haures vous fut parfaictement bien representé, lors que François Throgmor­ton en traicta premierement auec vostre Sei­gneurie) se sont trouuées si bien fournies de gēs de guerre, tant de leur ressort, que de l'aide des Bailliages voisins, qu'il n'y auoit place où l'on doubtast quelque abbort des forces estrange­res, qu'il ne s'y peust rēdre sur la place dans l'es­pace de 48. heures enuiron vingt mille com­batans, tant de cheual que de pied, auec artille­rie pourle camp, viures, pionniers & charia­ges. [Page 12] Et tout cela gouerné par la principale no­blesse du pais, & rāgé soubz Capitaines de grā ­de expe [...]ience. Encores ay-ie ouy vne chose, au­tant prudemment ordonnée, comme bien exe­cutée en ce temps, laquelle n'estoit point cy de­uant en praticque: c'est que comme les chefz & Toutes les bā ­des estoiēt cō duictes par les principaux Chevauers du Roi­aume. Et com­posez de leurs vassaux & ser­uiteurs. membres des compagnies particulieres estoiēt hommes bien experimentez à la guerre, aussi pourasseuter & fortifier les bandes, on fit choix des principaux Cheualiers de toutes les Pro­uinces pour amener leurs vassaux & subiectz au camp, estans hommes puissans, bien fondez & de grād reuenu. Par ce moyen toutes les for­ces ainsi composées se disposerent resoluement de tenir ferme auec leurs Seigneurs & Capitai­nes, & les chefz de se confier en leurs vassaulx & subiectz. Et sur cela ie vous diray vne chose dont on se pourroit esmerueiller, mais laquelle m'a esté cōfermée pour veritable, qu'vn certain gentilhomme en Kent a dressé vne compagnie Estrange recit de la richesse d'vne compa­gnie de gens de pied. de 150. hōmes de pied, lesquels ensemble estoiēt riches (sans y cōprendre leurs terres) de la som­me de cinq cens mille escus. Et ie vous laisse à pēser si telles gens ne combatroient pas opinia­strement pour la cōseruation de leurs biens. Or est-il en ce temps vray semblable, que plusieurs aultres compagnies ont esté composées de gens ainsi riches & puissans.

Ce m'est vn grand desplaisir d'auoir occasi­on de vous escrire d'vn tel stile, mais c'est pour [Page 13] vous representer au vif combien vous auez esté jusques icy trompé par les aduertissemens de plusieurs, lesquels n'auoient conoissance ny preuue suffisante de la verité. Et moy-mesme ie conlesse auoir esté abuzé en quelques choses, & notamment en ce que ie m'estois imaginé, que toutestois & quantes qu'il se verroit quelques forces estrangeres prestes de prendre terre en quelque part que ce fust de ce Roiaume: il ne se trouueroit qu'vn bien petit nombre d'hommes resolus pour y resister & pour la defence de la Roine, & iceux encores mal-habiles, peu exer­cez, rudes & ignorans en toutes les actions & fa­tigues de la guerre, & sans estre sulfisamment e­quippez & armez.

Ie me fantastiquois aussi que nous auiōs vn Erreur des Ca­tholicques fu­gitifz au nom­bre de leurs partizans en Angleterre. grand nombre de nobles & gentilz-hommes de nostre Religiō en ce Roiaume, comme vous sçauez que nous en faisions estat lors qu'estiez en Angleterre, & combien que plusieurs depuis ce temps-là sont decedez, & qu à present nous n'en auons pas tant de dixaines, qu'alors nous en comptions de centaines: neantmoins nous pensions qu'il s'en trouueroit d'vn braue couta­ge & resolution lesquels pour la cause Romaine, surprendroiēt à l'improuiste les maisons, famil­les & forces des hereticques & aduersaires. Mais maintenant, telle est nostre misere qu'il a pleu à Dieu (selon que i'estime) pour nos pechez, ou pour confondre nostre orgueil & presumption [Page 14] de nos forces, de mettre icy és coeurs de tous vne mesme pensée & courage, pour s'opposer à ce­ste inuasion pretendue, voire aussi bien en ceux que nous tenons pour Catholiques, comme des hereticques: Tellemēt qu'il a esté notoire qu'en toute ceste ardeur de pouruoiance d'armes, de contribution d'argent, & toutes actions de la guerre, on n'a peu apperceuoir aucune differēce entre les Catholiques & ceux que nous nom­mons heretiques. Mais sur tout au faict de la Consentement & concurrence des Papistes & des Protestans pour resister à [...] conqueste. resistance à la conqueste & mesme à la defence de la personne de la Roine, on a veu par [...]out vne telle sympathie, concurrēce & consentement de toutes sortes de personnes sans respect de Reli­gion, que chacun s'est monstré prest de comba­tre tous estrangers, comme s'ilz n'eussent esté qu'vn coeur & vn homme. Et cōbien que quel­que peu des principaux gētilz-hōmes, desquels vous auez eu iusques icy les noms és rolles des Catholiques qui vous ont esté fournis, ayent esté enuo [...]ez en l'isle d'Ely, & restrainctz de leur liberté premiere sur le bruict de ces ar­mées, & pendant l'attente de ceste pretendue inuasion: Il appert toutesfois que ceste restri­ction n'a poinct esté pour doubte qu'on eust qu'ils ne voulussent ioindre leur puissance auec nostre armée, mais seulement pour le faire co­noistre à tous nos amis & compatriots, tant en Espaigne qu'en Flandres, voire sur tout à vous mesmes (car ainsi m'a-il esté rapporté) qui [Page 15] estes tenu principal autheur & instigateur de toute ceste entreprise: afin que toute esperance fust ostée à ces grandes armées, d'auoir aucune aide d'eux ou de leurs amis. Et de vray, ie voy bien maintenant qui que ce soit de nos amis, ou en Espagne, ou en Flandres, ou en quelque aul­tre part que ce soit, qui ait fait quelque estat sem­blable d'aucune aide contre la Roine ou contre son parti pardeca, qu'ilz se fussent trouucz trō ­pez si l'armée eust faict effort d'y prendre terre. Car, i'ay entēdu moymesme, que les principaux de ceux qui estoient retenus à Ely, ont faict offre Offre de [...] qu'on appelle Recusans, d'e [...] ploier leurs vies à resister [...] la conquest [...]. au conseil soubz leurs lettres & sings manuels, d'exposer leurs vies pour la defence de la Roine, laquelle ilz reclament sans, aucune difficulté pour leur Roine souueraine: & ce, contre tou­tes forces estrangeres, bien qu'elles fussent en­uoyées du Pape, ou par son commādement. Et mesme plusieurs d'entre eux ont offert en ceste querelle de la conqueste du Roiaume par les e­strāgers, de se trouuer en personne aux premiers rangs auec leurs cōpatriots, contre toutes forces estrangeres. Et sur cela mesme i'ay entendu d'vn amy secret que i'ay en Cour, qu'entre les Con­seillers on enclinoit vne fois à ceste resolutiō, de les remettre en leur premiere liberté: mais le feu de la guerre estāt allumé par la venue de l'ar­mée du Roy à la Crongne, & par l'apprest du Duc de Parme auec vne si grāde armée & amas de Nauires en Flādres qu'on attendoit iournel­lement [Page 16] deuoir prēdre terre en Angleterre, voire à, Londres, attendu aussi le general murmure du peuple contre tels Catholiques gens de quelque reputation. Cela fut cause de l'arrest desdictz gentilz-hommes à Ely, nonobstāt l'offre de leur seruice à la Roine, & demeurent ainsi au Palais de l'Euesque auec liberté de se pourmener au voisinage àl'entour, & sans auitre emprisonne­ment, que de defence de se departir pour aller en la ville ou par pais. Or ie tien neantmoins pour certain, qu'ilz persistent constammēt en l'obeis­sance de l'Eglise Romaine, pour laquelle toutes­fois [...] ilz n'encourent aucun danger de leurs vies, mais seulement d'vne amende pour ne se vou­loir trouuer aux Eglises: comme ainsi soit que par la Loy, quelque partie de leur reuenu est cō ­fisqué à la Roine, & le reste laissé pour l'entrete­nement d'eux, de leurs femmes & enfans. Or pour m'estendre vn peu sur ce propos qui ne se­ra pas inutile Par ceste procedeure, nos ad­uersaires pretendent que ces gentilz-hommes & aultres leurs semblables sont fauorablement traictez, n'estans point poursuiuis à la mort à cause de leur Religion, comme il se pratiquoit du temps de la Roine Marie, & comme iour­nellement (selou leur dire) les Anglois qui arri­uent en Espagne, seulement pour le traficq de la marchandise, y sont tresrigourensement & bar­barement traictez. Or de ce poinct toutessois & moy & d'aultres en communiquons priuément [Page 17] auec ceux de nos aduersaires, que nous ne pen­sons pas estre malicieusemēt bandez à persecu­ter à la mort pour le faict seul de la Religiō: Car, pour en parler en pure verité, & comme dict le prouerbe, pour ne mentir point, fust-ce du diable, en ce poinct grād nombre de nos aduer­saires ne sont pas despourueus de charité. Nous Les Iesuites no sont executex pour la Religiō mais pour t [...]a­hison. leur obiectōs les executiōs qui se font par tour­mens & morts cruelles, tāt icy à l'entour de Lō ­dres, qu'aultres endroicts de ce Roiaume, de plu­sieurs que nous canonizons cōme Martyrs, en­tant que par leur mort [...]ilz rendent tesmoignage de leur obeissance au Pape & à l'Eglise Catho­lique de Rome. A cela nos aduersaires, qui mō ­strentauoir quelque goutte de charité, nous res­pondent, que nulle execution (qu'ils sachent) ne [...]'est faicte pour la Religion ou profession d'i­celle, mais pource qu'on a trouué ceux qui ont esté executez, raudans secretement par tous les coings du Roiaume en habit desguise (selon que les aduersaires en parlent par moquerie) comme ruffiens, auec des plumes & habillemēs de cou­leur à la facon des courtizans, emploians toures sortes d'artifices pour inciter ceux du peuple, aūsquels ilz ozent s'adresser, non seulement à se reconcilier au Pape & à l'Eglise Romaine, mais [...]ussi de renoncer auec voeus & sermens à l'o­beissance de la Roine, & la desauouer pour leur Souueraine, se tenans deschargez du deuoir de [...]idelité, & d'estimer les magistrats qui sot soubz [Page 18] elle, illegitimes & ausquels en conscience on ne doibt obeir, & beaucoup d'aultres pareilles cho­ses que ie tien neantmoins pour pures & vaines calomnies. Mais eux pretendent que toutes les enterprinses de ces sainctz Prestres enuoyez auec commission pour le salut des ames, sont pures trahisons & directes contre la Roine & l'estat de tout ce Roiaume: Car ceux qui de­fendent tels iugemens & executions, debatēt & maintiennent expressement, que tous tels Pre­stres, Iesuites, Seminaires & aultres persuadans ainsi le peuple contre la personne de la Roine▪ les loix, le gouuernemēt & l'estat du Roiaume, & tous aultres qui se laissent emporter à leurs persuasions: sont traistres manifestes, & disent que [...]ou [...]es les poursuites & procés par les loix qui se font à l'encontre d'eux, en font foy. Et pour preuue de leurs argumens; les aduersaires monstrent quelquesfois les vraies copies des procés & iugemens, esquels il n'est faict nulls mention qu'ilz soient chargez pour le faict de la Religion: mais bien qu'ils ont attenté de per­suader les subiects de la Roine, de quitter le de­uoir de fidelité, & consequēment d'estre rebel­les à leur Roine & Dame soueraine. Voila cō ­ment ces gens en tout temps à leur aduantage maintiennēt leurs procedeures, a [...]ee beaucou [...] de semblables argumens contre les Prestres & Iesuites, lesquels ont enduré la mort comme iuste & necessaire pour leur conscience. O [...] [Page 19] pouuons-nous repliquer sans peril & moy & quelques aultres (comme nous faisons auec pro­pos modestes) en quelques petites compagnies, & leur obiectons la confession de la foy Catho­lique faicte par les patiens au lieu de leur sup­plice, & ce auec grande constance, que les aduer­saires ne peuuent pas denier: tellement qu'll ap­paroist qu'ils meurent pour la Religion. Mais à cela d'aultrepart on allegue & maintient con­tre nous, qu'ilz ne sont ny accusez, ny condam­nez, ny executez pour le faict de la Religion, ou pource qu'ilz se sont offerts à mourir pour leur dicte Religion, mais pour leurs praecedentes tra­hisons & conspirations contre la Roine & l'estat du Roiaume, neplus ne moins que de n'ague­res Babington & tous ses complices: Car ceux­là Babingtō souf­f [...]it paur ses tra­hisons, & non pour la Religiō [...]ncores qu'il [...]ist profession d'estre de la Religion Ro­maine. furent condamnez pour auoir attenté de su­sciter la guerre en ce Roiaume & de meurtrir la personne de la Roine, pour [...]y establir la Roine d'Escosse. Toutes lesquelles choses Babington & tous ses complices confesserent volontairemēt. Or furent-ilz condamnez & executez seulemēt pour ces grandes trahisons: Et toutesfois plu­sieursd'entre eux estans au lieu de leur supplice, en mesme sorte que ces Prestres & Iesuites, firēt confession de leur foy Catholique, auec offre de mourir pour icellc. Si est-ce (disent nos aduer­saires) qu'on ne pourroit pas affermer que Ba­bington & ses complices ayent esté mis à mort pour la Religion, mais pour leurs trahisons D'a­uantage [Page 20] pour mieux donner plus de lustre à ce Multitude de gentilz-hom­mes suspectez d'estre Papistes sans encourir danger de leurs vi [...]. qu'ils maintiennent & à leurs argumens, (aus­quels moy & nos bons fidelles & Catholiques freres sommes bien empeschez de respondre) on allegue qu'il y a grand nombre de gentilz-hommes & damoiselles, voire aucuns de repu­putation honorable, & aultres de qualité medio­cre, tant aupres de la Cour comme au loing, les­quels sont manifestement cogneus estre de con­traire Religion à celle qui est permise par les loix du Roiaume: Et toutesfois ils n'ont esté poursuiuis par aucune formalité de loy auec le danger de leurs vies, ny mis à la torture ny en­prisonnez pour leurs opinions au faict de la Re­ligion, pour les amener en quelque danger. Seulement quand il se presente contre eux des compleintes des paroisses où ilz demeurent, pour ne s'estre iamais trouuez aux Eglises par Pespace de certains mois, ou d'vne année toute entiere: lors estans accusez, & puis appellez pour respondre sur cela, s'ilz ne peuuent faire paroir de quelque excuse legitime, selon la pro­uision des loix: lors ilz sont condamnez en quel­que amende pecuniaire à prendre sur leurs biens & terres, s'ilz en ont, sans qu'il s'en ensuiue aul­tre punition, & qu'il se face aucune inquisition ou examen de leur foy. Mais (disent ces defen­deurs des loix) s'ilz se monstrent ouuertement ou de parole, ou de faict soubstraictz de leur fi­delité & obeissance enuers la Roine, & qu'ils [Page 21] veillent persister en ceste desloiaulté, alors sont­ilz chargéz & punis de ces crimes, selon la te­neur & prouision des loix.

Or ne fai-ie point mention de ces argumēs, pour les vouloir approuuer quant à moy: mais, pour vray, si en suis-ie esmeu auec aultres sages personnages, pour estimer en effect, que la te­merité de plusieurs qui se coulent secretement en ce Roiaume, se disans estre Prestres, mais Plusieurs Pre­stres enuovez en Angleterre eunes, indis­crets & de mau­uaise vie. pour la pluspart, ieunes, indoctes & legers, a fait grād' breche à la bōté de nostre cause commu­ne. Que si eux & leurs semblables eussent pai­siblement & secretement donné iustruction au peuple, estans plus circumspects en leur vie & comportemens, beaucoup plus grand nombre de persōnes eussent peu estre persuadées en leur consciences de se ioindre auec nous en la profes­sion de nostre Religion. Dequoy ie suis tāt plus hardi de vous escrire, Monseigneur, à ce que vous puissiez conferer auec ceux de nostre Na­tion, lesquels ont communication auec vous, & eux aussi puissent traicter auec les peres Iesuites, qu'on face choix plus soigneusemēt de nos An­glois qui pourroient estre enuoiez cy apres en Angleterre, sans y aduancer le premier ieune homme qui se rencontrera auec plus de proui­sion de hardiesse, que de la doctrine & modera­tion requises en vne telle charge.

Au reste, en la premiere partie de mon dis­cours, touchant ceste concurrence vniuerselle [Page 22] de tous les hommes de valeur, de force & de La grande force de l'ar­mée Angloise pa [...] les nauires des villes mari­time [...], lesquel­les ont serui [...]a [...]s solde. biens en tout le corps de ce Roiaume, pour le seruice & defence de la Roine & de cest estat: i'ay oublié de vous descrire le grand nombre de nauires des subiectz de ce Roiaume, tant de Lō ­dres, que des aultres cités & ports de mer, les­quels ayans armé ceste a [...]née, ont esté bastans d'eux mesmes pour mettre sus vne iuste armée de mer, fournie pour certains mois aux propres coustz & despens des bourgeois, d'hommes, vi­ctuailles & munitiōs, & lesquels se sont ioinctz auec l'armée de la Roine tout cest esté dernier: chose qui n'a oncques esté ouïc par cy deuāt, si­non qu'autrefois telles nauires estoient tous­iours prinses à gage ou solde, & munitionnées par les Rois de ce Roiaume. Par où il appert, à mon grand regret & de plusieurs aultres, com­bien par dessus l'ordinaire est vehemente l'affe­ction & deuotion des villes & ports de mer: et telle, qu'ils se sont bien monstrez pardecà dispo­sez à combattre, comme si c'eust esté pro aris & focis.

Quāt est du nombre & de la force des vais­seaux de la Roine, ie ne fay doubte que parcy­deuant vous n'en aiez esté suffisamment infor­mé: touteffois ie n'estime hors de propos de vous faire vn fidele rapport, selō qu'au plus pres i'en ay peu estre informé, de leur estat en ce der­nier esté. Car pour certain i'ay esté grandement fasché de veoir combiē vous & aultres auez esté [Page 23] abuzez en cela: et non seulement en ce poinct touchant les nauires de la Roine, mais aussi de n'agueres en quelques aultres choses desquelles en partie, és communs propos de plusieurs, l'in­uention & publication vous est tres-malicieu­sement imputée. Sur quoy ie vous veux bien faire vne petite digression, pour retourner puis­apres à l'estat de l'armée de la Roine. C'est que Deux notan [...] mensonges im­primez à Paris, & imputez à Dom Bernar­din de Mendo­ze. pareillement cest esté dernier on Imprima à Pa­ris par vostre moyē (ainsi qu'on disoit) vne faus­seté notable, laquelle i'ay veuë & leuë, asçauoir que le Roy d'Escosse auoit assiegé & prins Bar­vvik par assault, lequel à vostre dire il possede paisiblemēt. En quoy il n'y auoit rien de verité, ny mesme occasion de l'imaginer, encores que pour ma part ie l'eusse bien desiré, non pour au­cune mienne bien-vueillance enuers ce Roy-là, mais pour veoir ceste Roine en trouble: Car pour certain il n'y a rien de bien à esperer pour nous de la part du Roy d'Escosse, quelque chose que les Euesques Escossois qui sont en France ayent cherché de vous persuader du contraire, veu qu'il est tellement enraciné en ceste Religiō Caluiniste, qu'il ne reste aucune esperance de le ramener au giron de l'Eglise Romaine: et ie pense que vous en estes deuëment informé tout de mesme, comme aussi il l'a bien fait paroir par sa poursuite violente contre quelques Catholi­ques, & contre tous ceux qui fauorizent l'Espa­gnol. Il s'imprima aussi n'a pas long temps à [Page 24] Paris vn aultre grād mensonge, & ce (au dire de vos ennemis) à vostre poursuite, ascauoir, qu'au mois de Iuillet dernier, quand les armées d'Es­pagne & d'Angleterre se rencontrerent & com­batirent entre la France & l'Angleterre, lors les Espagnols remporterēt vne grande victoire, en laquelle My Lord Admiral d'Angleterre, auec seze des grās nauires de la Roine, auroiēt esté en­foncez au profōd de la mer, & que le reste auoit esté mis en fuite auec le Vice-admiral Francoys Drak. De ces deux notables mensonges que les aduersaires intitulēt de Dom Bernardin de Men­doze splendida mendacia, beaucoup de ceux qui vous honorent, ont esté griefuement outrez, que vous aiez si soudainement donné credit à vn tel rapport, pour le publier, comme vos enemis di­sent que vous auez faict. De moy, pour vostre honneur, autant qu'il m'a esté possible i'ay faict courir le bruit que ces choses & semblables es­toient procedées de la legereté des François, entre lesquels vous estes: lesquels, en ces temps confus sement plus liberalement des menson­ges, que des veritez: et non pas de vous, duquel i'estime tant l'honneur & la sagesse, qu'elle ne so vouldroit diffamer de telles faussetes & men­songes: consideré que tousiours vn bien peu de tēps descouure la verité de la chose laquelle es­toit obscurcie de mensonge, auec discredit & infamie de celuy qui en est l'autheur. Si est-ce qu'encores s'est-il semé vn proposcomme estāt [Page 25] parti de vous en France, & lequel a causé contre vous vn grand mescontētement en Escosse, c'est que vous auriez dict ouuertement en grande compagnie & comme en brauant, que le ieuue Roy d'Escosse, que vous appellez en vostre lan­gage vn garçon, auoit trompé le Roy vostre maistre: mais que si l'Armée du Roy prospe­roit cōtre l'Angleterre, le Roy d'Escosse en per­droit sa Couronne. Et de cecy, le Roy d'Escosse en a eu aduertissemēt de France, & a vsé de tels termes contre vous, que pour rien ie ne voul­drois en faire le rapport moy-mesme. Mais pour laisser ceste digression & retourner à vous L'estat de l'a [...] ­mée de m [...] d'Angleterr [...] cest esté der­nier. representer naifuement l'estat de l'armée nauale de la Roine tel qu'il a esté: elle se mist sus au cō ­mencement de l'année quand on sema le bruit de l'apprest de l'armée du Roy en Lisbonne, & de l'armée deterre sur les costes de Flandres a­uec l'equippage de mer: & fut diuisée en trois flottes, la plus grande, soubz la charge De Le Seigneur Haward Ad­miral. My Lord Charles Havvard grand Admiral d'Angleterre, duquel le pere, l'aieul, les on­cles & grans oncles & aultres de sa maison issus de la noble maison des Ducs de Norfolk, ont aussi esté grans Admiraux deuant luy, dequoy la [...]rance & l'Escosse ont faict preuue suffi sante: l'aultre partie estoit ordonnee pour demeurer Le Seigneur Hēry Seymour. auec le My Lord Henry Seymour, second filz du Duc de Sommerset, lequel fut Protecteur du Roiaume au temps du Roy Edovvard, & frere [Page 26] du Comte de Hart ford qui est à present. Et ces deux bandes firent seiour pour vn temps au de­stroict de la mer d'entre Angleterre & F [...]ādres, soubz la charge dudict My Lord Admiral, pour considerer les actions du Duc de Parme. Vne troisiesme flotte estoit armée au Ponent d'An­gletterre, qui regarde l'Espagne, soubz la con­duicte du Seigneur Francois Drak, homme qui Le Sire Fran­cois Drak. n'est que trop cogneu & de nom & de renom­mée à toute l' [...]spagne, et aux Indes du Roy, mais de grāde reputation en Angleterre: & icelle cō ­posée en partie de quelques vnes des nauires de la Roine, en partie des nauires des ports qui sont vers l'Occident. Mais apres l'aduertissemēt cer­tain que la grāde armée d'Espagne estoit preste à sortir de Lisbone, & que la renommée vola par toute la Chrestiente qu'elle estoit inuinci­ble, comme aussi cela fut publié par liures Im­primez: la Roine & tout son conseil furent, i [...] m'en asseure, quelque bonne mine qu'ils fissent, en perplexité non petite, attendans pour certain vn dangereux combat sur la mer, & apres cela vne descente & inuasion par la terre. Sur cela le My Lord Admiral fut commandé de faire voile à l'Ouest d'Angleterre vers l'Espagne a­uec les plus grans nauires, pour se ioindre auec Drak, lequel il fit Vice-admiral, & seiourner en la mer qui est entre la France & l'Angleterre, pour empescher l'entrée à l'armée d'Espagne. Lors aussi vint auec le My Lord Admiral le [Page 27] My Lord Thomas Havvard second filz du der­nier Duc de Norfolk, & le My Lord Sheffeld Le Seigneur Thomas Haw­ard. filz de la soeur de l'Admiral, femme de l'Am­bassadeur pour la Roine en France, auec grand Le Seigneur Sheffild. nombre de riches & puissans Cheualiers Pour lors le My Lord Henry Seymour, sut laissé auec Le Seigneur Hēry Seymou [...]. bon nombre de nauires au destroict de la mer sur les costes de Flandres, pour prēdre garde au Duc de Parme.

Or copendant que ces deux armées furent ainsi diuisées, ie vous confesse que moy & aul­tres de nostre parti, secretement faisions du tout nostre compte, que nul de tous les nauires Anglois n'ozeroit attendre le regard de l'armée d'Espagne, ou que s'ils attendoiēt quelque com­bat, ilz seroiēt tous enfoncez des la premiere rē ­contre. Car nous auions conceu vne opinion si constante par le rapport de tout le monde de la grandeur & multitude des nauires, & l'armée d'Espagne, estant le choix des vaisseaux de tou­tes les Seigneuries du Roy, estoit si excessiue­ment monstrueuse par dessus toutes les armées de mer qui iamais ont esté veues en toute la Chrestienté, fans en excepter l'Armade de Le­pante: qu'à nostre iugement nulle puissance ne pourroit subsister deuant elle. Mais vn fort peu de temps, voire le seul premier iour, descouurit manifestement au grand deshonneur de l'Es­pagne, combien lourdement en cecy nous nous [...]tions abuzez: Car l'armée Catholique estant [Page 28] arriuée és costes d'Angleterre, laquelle de vray les Anglois recognoissent leur auoir semblé beaucoup plus grande qu'ils n'esperoient, & ad­uoüent qu'ils furent estonnez au seul regard d'i­celle: Neantmoins le My-Lord Admiral & Drak, ayans seulement cinquante nauires An­gloises Le combat de l'Armée An­ [...]loise, auec l'Espagnole. hors du haure de Plemouth, dans lequel le reste estoit demeuré, sans attendre le reste de l'armée qui estoit à Plemouth pour faire vn nou­ueau rauitaillement, ilz offrirent incontinent le combat, & poursuiuirent furieusement toute l'armée d'Espagne composéed'euiron 160. vais­seaux, tellement qu'estant viuement assaillie tout vn iour par le continuel tonnerre des can­nonades Angloises, elle s'enfuit sans iamais faire teste. Apres cela, l'armée d'Angleterre s'e­stant accreuë iusques au nombre de cent ves­seaux grans & petits, renouuella le combat auec vne terrible tempeste de Canōs, tout ce iour-là, gaignant tousiours le vent sur l'armée Espag­nolle. Ce me seroit chose trop safcheuse de reci­ter les particularitez, lesquelles les Angloisiont amplemēt descrites à leur grande louange: mais (pour en parler en vn mot) par l'espace de neuf iours entiers, ilz les forcerent continuellement & les forcerent de fuir, les briserent, enfoncerent & prindrent en trois iours de combat plusieurs des plus grans vaisseaux, desquels, & specialemēt du grād & principal nauire d' Andelouzie, & de Lamirande de Guipous [...]que, & pour le troisiesme [Page 29] de la principale Galeasse de Naples, grand nom­bre de prisonniers furent amenez à Londres & aultres ports de ce Roiaume: oultre beaucoup plus grand nombre de tuez & noiez, au grand deshonneur de toute l'Espagne. Or entre ces pri­sonniers il y auoit grand nombre de Capitaines tant de mer que de terre: & (ce qui fletrist l'honneur d'Espagne, & me naure le coeur de veoir l'instabilité de la fortune) nos ennemis se vantēt, qu'en tous ces combats par tant de iours diuers, les Espagnols n'ont iamais prins, ny en­foncé aucun nauire, ny basteau, non pas mesme rompu aucun mast, ou prins vn seul homme prisonnier. Chose pour certain du tout esmer­ueillable Les prisonniere Espagnols di­sent, que Christ en cest Esté, s'est monstré Lutherien en toutle voiage de l'armée Es­pagnole. aux Espagnols prisonniers, lesquels se despitent sut cela, tellement qu'aucuns, tout an­goissez qu'ilz sont en leur esprit, ne laissent pas de dire qu'en tous ces combats, Iesus Christ s'est monstré Lutherien luy-mesme Et combien que tels propos soient indiscrets, & qu'on n'en doiue faire estat, si est-il pour certain tresmanifeste, qu'en tout ce voiage depuis que l'a [...]mée sortit de Lisbonne iusques à ceste heure, Dieu n'a pas mō ­strévn seul iour sa faueur aux nostres, comme il a faict continuellement à ces Lutheriens. Ce qui peult estre aduenu pour nostre bien, afin de nous cotriger [...]omme aians mis entierement nostre confiance [...]s forces humaines: & à la confusion cy apres des Lutheriens, en les en­flant (comme [...] e [...]nemis) de prosperité, pour [Page 30] vn temps, laquelle soit puis apres cause de leur ruine. Au reste, entre aultres choses qui se diuul­guēt au deshonneur du Duc de Medine (lequel on dict auoir prins sa place de grande hardiesse au fonds de son nauire pour plus grāde seureté) & au grand diffame des Espagnols de comman­dement, qui estoient en ceste arméc: on tient pour certain qu'ilz ne voulurent iamais tourner ny arrester leurs nauires pour la defence de leurs propres vaisseaux, lesquels estoient con­trainctz de retarder & demeurer derriere, ains souffrirent que plusieu [...]s perissent deuant eux. De cela portent bon tesmoignage les trois grans vaisseaux, l'vn auquel fut prins Dom Pedro Dom Pedro de Valdez Capi­taine general de l'Armade d'Andelouzie. de Valdez, l'aultre le Galion de Guipousque, le­quel perit par le feu, & ceste Galeasse celebre, en laquelle Hugues de Moncada fut tué. Et de ceste Hugo de Mon­cada general des Galoasses de Naples. nonchalāce du Duc de Medine, les prisonniers Espagnols en parlent fort desauentageusement. Il se dict le semblable en Zelande par les Espa­gnols qui sont là, & qui furent sauuez auec Dom Diego Pimentelli, encores que le Galion auquel il estoit, batu des Canonnades Angloises sans aucun secours des nauires d'Espagne, perit la en abbordant à Flesinghe: comme semblablemen [...] vn aultre perit deuant Ostende par faulte de se­cours. Or vous faisant ce disc [...]rs, ie doy bien penser que vous estes oultré de douleur en vo­stre esprit, ou plustost de cholere contre moy d'vne si longue narration de choses si mal) plai­santes, [Page 31] encores qu elles ne soiēt que trop vraies. Et pourtāt aussi ie m'imagine que vous pouuez estre desireux d'entendre pour vostre plus grand contentement, quelle opinion nous reste par de­cà, nous trouuans ainsi frustrez de nostre tant esperée deliurance, par le mauuais succés de ce­ste grande enterprinse: ascauoir si nous deuons Con [...]idera [...]o [...] de ce qui se pou [...]oit sair [...] l' [...]nnèe pr [...] ­chaine, pou [...] reme [...]tre sus l'enterprins [...]. nous reconforter nous-mesmes par quelque dis­cours vray semblable, que ce desseing se puisse renouër ceste année prochaine, pour le recou­urement de nostre esperance perdue en ceste année, tāt fameuse & celebre par le nombre de 88. & verifiée estre telle par la grand' perte de tous les Catholiques. Sur quoy ie trouue pour certain ayant secretement conferé de n'agueres auec plusieurs de cest infortuné accident, que de long temps nous ne pouuons esperer probable­ment aucun bon succés. Et si en cela il y a quel­que chose à esperer, certainement les forces de mer du Roy Catholique, de toute necessité doi­uent estre beaucoup plus grandes, & m [...]cux go­uernées qu'elles n'ont esté ceste année; car voicy que nous considerons. Ceste enterprinse d'inua­sion & conqueste estoit principalement fondée sur certaines opinions probables de mauuais e­stat de ce Roiaume. Premierement de la fol­blesse des nauires Angloises, car tels estoient les aduis, lesquels (comme vous scauez) par diuer­ses Les 3. esp [...]an­ces conceu [...]s contre l'Angle­ [...]erie, à present [...]rustratoire [...]. voies l'année passée on vous donnoit d'icy: & [...]el aussi estoit le iugement de plusieurs parde­ca. [Page 32] En quoy nous voyons par le seruice qu'ont rendu ces nauires toutes ces années, que nous a­uons faict vn erreur notable. Le second fonde­ment estoit d'vn mescontentement supposé de grand nombre de peuple, le rendant mal affe­ctionne au seruice de la Roine & de son gouuer­nement à l'encontre de ses ennemis. Finale­ment [...]. & principalement, d'vn grād & fort parti, lequel s'y trouueroit prest en faueur de la Reli­gion Catholique, & lequel prendroit les armes contre la Roine à la premiere veuë de l'armée Catholique és costes d'Angleterre. De toutes lesquelles opinions, comme estans bien impri­mées & resolues és esprits des gens de bien, nous scauons qu'il n'y a homme au monde qui en ait donné au Roy vne asseurance plus ferme que vous. Ce qui me met en crainte, toutes choses aians si mal succedé, que n'encouriez le danger de son indignation, encores qu'en cela ie ne fay doubte de vostre bonne intention. Or cōme ces trois opinions nous ont manqué ceste année, ainsi vous en pouuez-vous tenir certain pour l'aduenir. Ie scay bien qu'aucuns des nostres qui sont delà la mer, peuuent persister en leurs opi­nions contre l'experience qu'on en a veuë de n'a­gueres, & y a bien apparence qu'ils y sont cōme forcez pour se maintenir en credit, & continuer èn l'appoinctement qui leur est donné du Pape & du Roy, n'aians aucun aultre moien de se preseruer, ou de ieusner, ou de mendier: [Page 33] toutesfois pour ce que ie ne vouldrois point permettre à mon escient que vous fussiez beflé par eux, qui n'ont pas esté presens en ce Roi­aume pour veoir par effect la refutation de leurs imaginations, comme moy & quelques aultres: ie vous veux deduire vn grand nombre d'argu­mens manifestes, bien que i'en sois nauré ius­ques au coeur, par lesquels selon vostre sagesse (pourueu que vous ne l'a souffriez point aueu­gler par les aultres) vous pourrez certainement recueillir quant à ces opinions d'intelligence & d'assistance en ce païs, que nous en aurons des preuues contraires aussi fortes ceste année pro­chaine, voire en quelque esgard plus fortes, qu [...]el­les n'ont esté ceste année, si on veult biē calculer toutes choses. Car l'armée de mer d Angleterre a faict preuue ceste a [...]née à la veuë de tout le monde, de sa force & puissance en ces mers de decà, & qu'elle est suffisante de faire teste en sa fa­con de combatre, à vn nombre plus grand au double de Galions, Caraques, Galeasses & Ga­leres. Or est-il certain que leur nombre s'accroi­stra pardecà beaucoup d'auantage pour ceste année prochaine: Car ie scay qu'en ces iours der­niers on a desia faict marché, fourni argent & L'armée de mer d'Angle­terre sera plu [...] forte l'annee prochaine. depesché tout expres en Estland, pour faire amas de toutes sortes de prouisions pour la mer.

Et quant à l'accroissement d'vn nombre de bons nauires pour le seruice de la Roine, il y a desia grād quantité de bois prest, & ordre prins [Page 34] pour en abatre d'auantage és mois de Nouem­bre & Decembre prochains, sur les bords tant de la mer, que de la Tamise, pour bastir vn cer­tain nombre de nauires de guerre, pareil à ceux qu'on a veu ceste année batre les grandes Ar­mades & Chasteaux d'Espagne & d'Italie. D'a­uantage on aura pour certain grand nombre de nauires, non seulement de Holande & Zelande, mais aussi de Dannemark, & aultres endroicts de deuers l'Est, pour ioindre l'année prochaine a­uec l'armée Angloise, ce qu'on n'auoit point re­quis Offre des Ho­landois & Ze­landois à la Roine, pour se ioindre a l'ar­mée Angloise. l'année derniere: seulement certains Zelan­dois & Holandois Offrirent leur seruice selō qu'ils y estoiēt tenus, vers la fin de l'esté apres le com­bat qui se fit pres de Calais, pour se ioindre auec quelques nauires Anglois au d'estroict de la mer, pour defendre l'issue du Prince de Parme hors des ports de Flandres. Pour lequel seruice, il y a à present quarāte six bōs nauires de guerte soubz la cōduicte du Vice-admiral Iustinian de Nassau, homme qui ne s'accorde que trop bieu Iustinian de Nassau Admi­ral de Holand [...] auec 46. naui­re [...] de guerre ioinct auec l'armée An­gloise conrre le Prince de Parme. auec la nation Angloise, & qui est ennemy iu­ré de tous les Espagnols & Catholiques: & tiēt­on pour certain, qu'il vient en mer oultre cela, quarante nauires de la Holande Septentrionale, pour le mesme effect: tellement qu'il est à presu­mer que la force de ce Roiaume sera grande au double ceste année prochaine, plus qu'elle n'a esté la dernicre.

Voyons maintenant la seconde branche de [Page 35] nostre esperāce produicte de l'opinion conceuē du grand mescontentement de plusieurs per­sonnes contre la Roine. Or le contraire s'est Argumens pour prouuer qu'il n'y a nul mes­contentement du peuple en­uers la Roine. clairement verifié ceste année, tant par ses actiōs propres à se maintenir en la beneuolēce de son peuple, que parvne deuotion generale & affec­tiōnée de tous estats, nobles ou inferieurs, riches ou poures enuers elle: voire si grande, que i'es­time qu'il n'y a iamais eu Prince Chrestien qui ait eu plus de matiere de reiouissance & con­fiance en son peuple (chose, à mo [...] iugemēt, qui pourroit bien engendrer quelque racine d'or­gueil en son coeur.) Elle d'aultrepart pour recō ­pense d'vn tel deuoir, s'est monstrée en toutes ses actions, voire lors que les dangers menacoient de plus pres, si soigneusement attentiue au bien de son peuple & à la conseruation de son estat, sans aucun esgard special ny pouruoiance parti­culiere pour sa personne, qu'aucun aultre Prin­ce ne pourroit iamais faire d'auantage. Premie­rement, Lapouruoiance de la Roine, pour fortifier son Roiaume. pour faire entendre à son peuple quel soing elle auoit de fortifier son Roiaume contrc­toute inuasion, elle a mis tres-soignesement or­dre par commandemens reiterez, que tout son Roiaume fust en armes, s'en attribuant la cog­noissance à elle mesme par les certificats qui luy en seroient enuoyez de mois en mois, par ceux qui estoient ses Lieutenans en chaque Bailliage de son Roiaume. Elle fist enuoier par toutes les prouinces, armes, poudres & aultres munitiōs, [Page 36] auec reglement pour tous les quartiers mariti­mes, là aussi elle fit dresser des armées pour de­fendre toutes les aduenues de la mer. Et, comme il m'a este rapporté par quelques vngs qui sca­uent le secret de la Cour, elle pressoit impor­tunément son Conseil de ne laisser passer vn seul iour sans s'emploier à auancer ces affaires. Ce­neantmoins elle fist continuer le traicté de la paix és pais bas par ses deputez, laquelle sans doubte elle desiroit bien, autāt qu'elle l'eust peu obtenir auec certaines cōditions. Ainsi pour vn plein contentement de son peuple, elle desiroit & entretenoit le pourparler de paix, sans negli­ger cependant de fortifier son estat, si tant esto it que paix ne peust estre obtenue. Mais en fin voi­ant ses demandes entierement refuzées (nouuel­le fort agreable à nous aultres Catholiques) & entendant certainement que l'armée du Duc de Parme deuoit passer pour du tout destruire la Cité de Londres: elle reuoqua ses deputez, ap­procha en personne de Londres, & se vint loger cōme aux fauxbourgs, chose qui resiouit & as­seura grandement toute la ville, laquelle faisoit monstre ordinairement d'entre les habitans de dix mille hommes armez & exercez. Et en oul­tre, tenoit prestz trente mille hommes de com­bat. Elle fist aussi dresser & camper son armée vers la mer fur la Tamise, huict ou dix lieues au dessoubz de la Cité de Londres, tēdant à la mer, là où l'armée estant arriuée, elle ne peut estre [Page 37] empeschée par aucun conseil, que pour accoura­ger son peuple, elle ne fist resolutiō de monstrer qu'elle logeoit en vn corps de femme, vne ame genereuse & vn coeur du tout magnanime. Esle vint donc en son armée, en laquelle cōmandoit le Comte de Leycester, pour lors cāpée entre la Cité de Londres & l'ennemy, & passa diuerses La Roine en son armée, au plus grand dā ­ger de la des­cente des en­nemis. fois tout au trauers: elle print son logis tout au pres, elle y retourna derechef & disna en l'ar­mée, elle fist venë premieremēt de toutes les bā ­des selon qu'elles estoiēt distribuées par prouin­ces, chacune en leurs quartiers & cāps particu­liers, & les reuisita de place en place: puis estàns rāgez en bataillons, cōme prestz à cōbatre, elle les circuit tout à l'entour & les cōsidera curieu­semēt, n'estāt accōpagnée que du general de l'ar­mée & de trois ou quatre aultres qui prinssent garde à elle: Encores pour representer son estat, ie cōsideray biē que l'espée estoit portée deuant elle, parle Cōte d'Ormond. Là elle fut saluée ge­neralemēt Notable ap­plaudissement du peuple pour la presence de l'armée en son camp. d'acclamatiōs, d'harquebouzades, de toutes sortes de tesmoignages d'amour, d'obeis­sance, de promptitude, de volonté de combatre pour elle: spectacle rare en vn cāp ou armée, at­tendu son sexe: mais le tout tendant à ceste fin, de monstrer vne merueilleuse concorde & mutuel amour entre la Roine & ses subiectz, & la reue­rēce & obeissance des subiects enuers leur Prin­cesse souueraine: pour lesquels deuoirs elle le [...] sceut bien caresser de remerciemens & paroles [Page 38] hōnestes, d'vne facon entierement Roialle. Or pourrois ie bien amplifier ceste description de beaucoup plus de particularités que i'ay veuës moi-mesme: car ie me trouuay là auec plusieurs aultres, là où me promenāt tout le iour de place en place, ie n'ouy iamais dire vn seul mot d'elle, sinō en louāt la dignité de sa personne & son cō ­portemēt Roial, & en priāt Dieu pour sa vie & cōseruatiō, auec execratiō de ses ennemis & des traistres & de tous Papistes, chacū monstrāt vn singulier desir de hazarder sa vie pour sa desēce.

Et oultre telles acclamatiōs generales, toute Le chant des Pseaumes en l'armée An­gloise au camp. l'armée en chaque quartier, chātoit, elle l'oiant, à certain tēps fort deuotemēt & melodieus [...]ment plusieurs Pseaumes, accōmodez en telle forme de prieres à la louange de Dieu tout-puissant, que cela n'eust peu en facon quelcōque desplaire à aucun: chose qu'elle prisoit grandement, se cō ­ioignant auec eux & rendāt graces à Dieu auec paroles serieuses & graues. Ce que ie vous escry, vous le pounez biē tenir pour tout certain, ie ne le fay pas pour plaisir que i'y prenne: mais afin que par ces argumens, il vous conste que la Roine ne donne aucune occasion à son peuple, & que le peuple ne monstre aucun signe de mes­contentemēt en ce qui luy est commandé pour le seruice de la Roine, comme on s'estoit par cy deuant imaginé.

Elle auoit aussi preparé vne armée d'enuiron 40000. hōmes de pied, & 6000. de cheual des [Page 39] prouinces qui sont au coeur du Roiaume, pour se tenir pres de sa persōne, sans desarmer les païs maritimes. Le tout soubz la charge de My Lord Hunsdon, Seigneur Chāberlā & Lieutenāt pour sa Maiesté, en ladicte armée. Tellement qu'au mesme tēps qu'elle estoit au camp, plusieurs s'a­cheminoiēt vers elle de diuerses prouinces: au­cūs vindrēt iusques aux fauxbourgs & villages prochains de Lōdres, lesquels, à cause de la mois­son Aultre Armée preparée pour la Roine, oultre celle qui estoit opposee a l'en­nemy pour luy defendre la de­scente. prochaine, furent commandez de retourner en leur païs, lesquels pour vne grande part (non­obstant ce cōmandemēt) ne laissoient de s'auan­cer à leurs charges, pour veoir (cōme ilz disoiēt) la personne de la Roine, & pour cōbatre ceux qui se vantoient de la conqueste du Roiaume.

Et quoy que la plus grand' part desdicts sol­dats fust cōtraincte de s'en retourner, toutesfois les Capitaines conducteurs & les princi paux Cheualiers & Gentilz-hōmes vindrent iusques en Cour offrir leur seruice, lesquels furēt cares­sez auec beaucoup de remerciemēs, estans à pre­sent de retour pour la pluspart, auec pleine reso­lutiō & promesse d'entretenir de sorte leurs bā ­des prestes, qu'apres quelques heures d'aduertis­sement, ils les rameneront en bon equippage. Oultre les susdicts argumens opposez à l'opini­on du mescon tētement du peuple, duquel on at­tendoit grand aduantage pour ceste entreprinse honorable, ie veux bien aussi vous representet certaines actions notables, faisans prcuue en ce [Page 40] mesme temps du contentement & promptitude de toute la Noblesse du Roiaume, laquelle n'es­toit point contraincte de demeurer en son païs pour raison des charges & estats qu'ils fussent, comme sont les gouuerneurs & Lieutenās les­quels y commandent pour le faict des armes. Carsi tost qu'on entendit que la Roine estoit approchée de Londres, & que les armées s'as­sembloient pour se venir opposer de tous co­stés La puissant [...] Caualerie a­menée par la noblesse, pour la defence de la personne de la Roine. à tous efforts des ennemis, & qu'on fut ad­uerti des costes de la mer que l'armée Espagno­le estoit apparue: tous les grans Seigneurs du Roiaume, de l'Est à l'Ouest, & du Nord au Su, (ceux-là seulement exceptez lesquels ayans le gouernement des prouinces, n'en pouuoient legitimement estre absens, à cause de leurs char­ges, & quelque peu qui n'eurent moyen d'assem­bler des forces selon leur desir) se rendirent in­continent pres de la Roine, amenans auec eux chacun selon leur degré (& y emploiās iusqu'au bout leur puissance) des compagnies de gens de cheual, Lanciers, Cheuaux legers, Argoulets, lesquelles ilz logerent à l'entour de Londres, les entretenās à leurs charges tout ce temps, & ius­ques à ce qu'on eut cognoissance certaine, que l'armée d [...]Espagne estoit emportée par delà l'Escosse. Or plusieurs de ces Seigneurs firent monstre de leur Caualerie deuant la Roine, (voire au champ qui est deuant la porte de sa maison) auec grande admiration des hommes [Page 41] de iugement, à ce que i'ay entendu, tant pour le grand nombre qu'il y en auoit, que pour estre bien armez & montez: car n'estans point du nō ­bre de la Caualerie ordonnée en chacune pro­uince, ny rangez és compagnies, on n'eust point pensé qu'en tout le Roiaume, il y eust eu tant de cheuaux d'Espagne de telle valeur, excepté vers le Nord és limites d'Escosse, où les forces consi­stent principalement en Caualerie.

Le premier qui fit monstre de sa compagnie, La monstre de la compagnie de Caualerie du My Lord de Montagu, fut la premiere. fut le noble, vertueux & honorable Vicomte de Montagu, lequel, quelque chose qu'on iuge de luy pour la faict de la Religion, toutesfois on tient auoir tousiours declaré (comme encores à present il declare & proteste solennellement, tant à la Roine qu'en toutes les assemblées pub­licques de la Cour quelque maladif & aagé qu'il soit,) qu'il est prest, auec vne entiere resolution, de viure, & de mourir pour la Roine & pour son païs, contre tous ceux qui le voudront enua­hir, soit Pape, Roy, ou Potentat quel qu'il soit, & qu'en ceste querelle il hazardera sa vie, ses en­fans, ses terres & tous ses biens. Et pour faire preuue par effect de sa parole, il se representa personellemēt deuāt la Roine auec sa cōpagnie de gens de cheual d'enuirō deux cens hommes, conduicte par ses propres filz, & entre iceux vn ieune enfant, lequel estoit fort bien à cheual, he­ritier de sa maison; comme estant filz aisné & heritier de son filz. Chose notable & louée de [Page 42] plusieurs, de veoir legrād pere, le pere & le petit filz tous ensēble à cheual deuāt leur Roine pour son seruice. De moy, ie prenois vn grād desplai­sir de veoir le contentement qu'auoient nos ad­uersaires en vn tel spectacle: mais pour vostre regard, Monseigneur, ie n'ay pas peu vous le taire, estimant que ce Seigneur vous est assés co­gneu, comme aiant esté emploié en Ambassade vers le Roy Catholique plusieurs années, selon que i'ay entendu, de la part de la Roine, pour re­querir confirmation des traictez d'amitié faictz au parauant entre leurs peres. Or ie ne doubte point qu'il n'y en ait par decà quelques aultres de mesme condition que ce Seigneur, de la fa­ueur desquels il ne fault pas faire estat, quand il sera question d'attenter quelque chose contre la Roine ou d'enuahir ce Roiaume.

Il y eut au mesme temps plusieurs aultres qui Monstre de la Caualerie de quelques Seig­neurs. firent monstre d'vn grand nombre de cheuaux de seruice: ce qui vous est vtile de scauoir, enco­res qu'il vous soit peu agreable, pour n'estre point abuzé par faulte de bien scauoir l'estat present de decà, afin que cy-apres vous puissiez mieux iuger ce qui est de faire, pour reparer la perte & le deshonneur du passê. Alors donc le Comte de Lincolne & le My Lord de VVindsor, Le Comte de Lincolne. Lord Windsor. (ioinctz auec eux quelques Cheualiers & gen­tilz-hommes) firent les monstres de leurs com­pagnies, comme le My Lord de Montagu auoit faict: & apres eux, le My Lord Chancelier fist Le Seigneur Chancelier. [Page 43] monstre en sa maison, d'vne braue trouppe de plusieurs vaillans hōmes, tāt de pied, que de che­ual. Puis vn iour ou deux apres, le Cōte de VVar Le Comte d [...] Warwik. Lord Threso­rier. Lord Compt [...] Le Comte de Leycester Lord Riche. Le Sire Walt [...] Mildmay. Sire Henry Cromwell. Sire Iean Pointes. vvick, My Lord Burghley grād Thresorier d'An­gleterre, My Lord Compton, & sur le soir le Cōte de Leycester, auec le My Lord Riche (oultre plu­sieurs Seigneurs du Roiaume) firent mōstre cha­cun à part de leurs cōpagnies de cheual, au grand contentemēt de la Roine & de tout le peuple, le­quel estoit là present par milliers. Deux iours a­pres, le Cōte d'Essex grād maistre de l'escurie de la Roine, auec aucuns des principaux gētilz-hō ­mes La grande cō ­pagnie de Cōte d'Essex. de sa suite, & de ses amis & seruiteurs, fist monstre deuant la Roine de 300. bons cheuaux de seruice, auec grand nōbre d'Argoulets, & vne belle cōpagnie de gēs de pied tous mousquetaires

Ceste monstre surpassa en nombre toutes les aultres compagnies particulieres, & le Comte luy-mesme auec grand nombre de Lanciers biē montez & armez, courut souuentesfois, notam­ment auec le Comte de Cumberland, comme s'ilz eussent esté en champ de battaille. Ce qu'ils appellent icy la course du champ, chose que ie Course du champ. n'auois iamais veuë au parauant. Il continua aussi vn long tēps auec sa compagnie de cheual, vn tournoy, auec force escharmouches, par ses Argoulets & gens de pied. Qui fut vn passe­temps Tournoy. fort agreable à la Roine & à tout le peu­ple qui estoit là present à la foule. Parmi lequel i'entēdy maints propos picquans contre les An­glois [Page 44] Papistes (qu'ils appelloiēt tous traistres: & souhaitans que les Espagnols fussent presens au mesme chāp trois fois autant en nōbre, pour fai­re preuue de la valeur des Anglois. Ce m'estoit chose biē griefue d'ouir tels propos, auec main­tes execrations contre tous ceux de leur païs, les­quels (comme ils disoiēt) trahissans meschāmēt leur propre patrie, auoiēt, autāt qu'en eux estoit, vilainement vēdu la liberté de leur païs aux Es­pagnols & aultres Papistes. Ce n'estoit pas lors à moy à cōtredire: que si ie l'eusse faict, pour cer­tain l'indignation eust esté telle au spectacle de ceste belle Caualerie, qui leur redoubloit le cou­rage, qu'en leur fureur ils m'eussent là tuè sur le champ & haché en mille pieces. Oultre les Sei­gneurs cy-dessus nommez, il estoit venu en la ville d'aultres belles cōpagnies amenées par le Cōte de VVorcester. Le Comte de Hertford, le My Lord Audely, le My Lord Morley, le My Lord Le Comte de Worcester. Le Comte de Hertsord. Lord Audely. Lord Morley. Lord Dacres. Lord Lomeley. Lord Montioy. Lord Sturton. Lord Darcy. Lord Sandes. Lord Mordāt. Dacres, le My Lord Lomeley, le My Lord Mont­ioy, le My Lord Sturton, le My Lord Darcy, le My Lord Sandes, le My Lord Mordant, & par chacun des Seigneurs du priué Conseil: telle­ment que par l'estimation commune, ily auoit alors és enuirons de Londres, quelque 5000. cheuaux tous prestz pour le seruice de la Roine, sans la Caualerie qu'on auoit leuée pour le corps des armées & pour la garde des costes.

I'ay ouy d'auantage en fort bon lieu, là où i'estois sans mot dire, qu'ily en auoit encores [Page 45] deux fois autant tous prestz auec les grans Seig­neurs absens, pour auoir l'oeil sur les affaires en leurs gouernemens particuliers. De ce nom­bre est le Marquis de VVinchester, lequel est esti­mé Marquis de Winchester. trespuissant & bien fourni de soy-mesme, & de cheuaux & d'armes, lequel est Lieutenant pour la Roine en la prouince de Hamptonne. Comme aussi le Comte de Sussex, Capitaine de Comte de Sus­sex. Portesemouth & Lieutenant en Dorcester. Apres luy on met en rang le Comte de Sherous bery, Comte de She­ous bery. Comte Mareschal d'Angleterre, Lieutenant pour la Roine en vn grand nombre de prouin­ces, & trespuissant de par soy-mesme tant en gens de cheual, que de pied: oultre la puissance du Seigneur Talbot son filz. Et combien que le Lord Talbot. Comte Darby fust lors en Flandres, d'où il est Comte Darby. n'agueres retourné, neantmoins son filz My Lord Strange Lieutenant en Lancaster & Che­ster Lord Strange. en l'absence de son pere, a faict leuée d'vne grande puissance de Caualerie. Et à propos de de ce Comte (pour monstrer l'affection de tout le païs enuers luy) i'ay entendu pour certain, que lors qu'il seiournoit trop long temps au gré du peuple en Flandres, & qu'on se doubtoit que le Duc de Parme ne le voulust arrester par delà a­uec les aultres Commissaires, le peuple genera­mēt determinoit en soy-mesme que le Seigneur Strange filz du Comte assisté de toutes les for­ces de Lācaster & Chester, passeroit la mer pour ramener le Comte chez soy. C'est vn conte ri­dicule, [Page 46] mais propre à monstrer la forme de l'a­mour du peuple enuers luy, lequel auec son fils est resoluëment bandé contre le Pape.

Le Comte de Bath, pareillement Lieutenant Comte de Bath en Deuonie auoit de grandes forces prestes, com­me on dict, pour empescher la descente des es­trangers en ceste coste-là Cōme aussi le Comte de Penbrook, Lieutenant [...]n Sommerset & VVil­shir Offre du Cōte de Penbrook. & gouuerneur de Galles, estoit prest de ve­nir vers la Roine auec t [...]qcēs ch [...]uaux & cinq cens hommes de pied, tous leuez & de sa rete­nue, les prouinces qui sont soubz sa charge de­meurans pleinement fournies.

Ie laisse icy à parler de la trouppe de Caua­lerie des Contes de Northumberlād & Comber­land, Cōte de Not­thumberland. Comte de Cū ­berland. lesquels estans prestz d'en faire monstre, neantmoins si tost qu'ils entendirent l'approche de l'armée Espagnole, ces deux Comtes cour [...] ­rent volontairement & en toute haste vers la mer: & serendirent en l'armée de la Roine, de­uantle combat qui se fist pres Calais. Là estans en diuers nauires de la Roine, ils luy firent de braues & notables seruices de leurs personnes, contre l'armée d'Espagne. Et pour vous mon­strer vne generale & grande prōptitude de plu­sieurs aultres en ce mesme temps a emploier leur vies en ce mesme seruice, arriuerent aussi alors en l'armée de mer, grand nombre de gen­tilz-hommes de qualité, lesquels de leur propre mouuement, sans aucune charge & au desceu [Page 47] de la Roine, se ietterent en diuers de ses nauires esquels ils rendirent bon seruice, au combat qui se fit deuant Calais: le nombre desquelles estant fort grand, voicy le nom de ceux desquels il me peult souuenir. Monsieur Henry Brook, filz & Monsieur Hen­ry Brook. Sir' Thomas Cecil. heritier de My Lord Cobham, le Sire Thomas Cecil, filz & heritier de My Lord Thresorier: le Sire Guillaume Hatton, heritier de My Lord Chā ­celier: Sir' Guillaume Hatton. Sir' Horatio Pallauicini. M. Robert Carie. Sir' Charles Blunt. le Sire Horatio Palauicini, Cheualier de Gennes: Monsieur Robert Carie, filz de My Lord Hunsdon: Sire Charles Blunt, frere de My Lord Montioye. Mais il se parle sur tout de deux gen­tilz-hommes de la Cour, nommez Thomas Ge­rard & Guillaume Haruie, lesquels pareillement M. Thomas Gerard. M. Guillaume Haruy. se rendirēt alors en l'armée, & lesquels m'estoi­ent auparauant incogneus, mais à present, ils sont en la bouche d'vn chacun icy à l'entour de Londres, auec grande louange. Ces deux prin­drēt le hazard en la barque d'vn des nauires, d'e­scaler la grande Galeasse en laquelle estoit Mon­cada, & y entrerent seulement auec leurs espées: hazard auquel, selon le recit commun, on n'en remarque point de semblable, si on compare la haulteur de ceste grāde Galeasse auec vn si pet it bateau. Mais encores, pour vous faire pleine­mēt cognoistre cōbien ardente estoit l'affection des Seigneurs & gentilz-hōmes de toutes sortes à n'espargner leurs vies en ce seruice, il se dict que le Cōte d'Oxford, lequel est grand Seigneur & l'vn des plus anciens Comtes de ce Roi­aume, Comte d'Ox­ford. [Page 48] se rendit aussi à la mer, pour combattre en l'armée de la Roine. Là se trouuerent aussi à mesme fin le secōd filz de My Lord Thresorier, appellé, selon qu'il m'en souuient, Robert Cecil. M. Robert Cecil. Arriuerent aussi au mesme temps à l [...] mer, My Lord Dudley, vn ancien Baron du Roiaume, & le Lord Dudley. Sir. VValter Ralegh, gentil-hōme de la chābre de Sir' Walter Ralegh. la Royne, & en sa cōpagnie grād nōbre de ieune Noblesse, entre lesquels il me souuient des noms de l'heritier de Sire Thomas Cecil nommé Guil­laume M. Guilliaume Cecil. M. Edouard Darcy. M. Arthure Gorge. Cecil, Edouard Darcy, Arthur Gorge & aultres semblables: au denombrement desquels ie ne pren pas grand plaisir, sinon pour vous monstrer combien grandement nous auons e­sté deceus, de nous forger pardecà en nos es­prits vn parti qui nous y fust fauorable: attendu que vous voiez que toutes sortes de personnes ont esté prestes tant par mer que par terre, à leurs propres charges, & sans attendre, ny commāde­ment, ny entretenement, de hazarder leurs vies pour la defence de la Rome & du Roiaume.

Et quant aux forces du Comte de Huntington, Le Comte de Huntington. Lieutenant general vers le Nord d'Angleterre, on tient qu'il a mis sus en la prouince d'York & voisinnes, communément-ordonnées pour ser­uir contre l'Escosse, vne armée du nombre de 40000. hommes de pied bien armez, & pres de dix mille cheuaux pour se rendre pres de luy, si quelque occasiō & apparence se presentoit d'en­uahir le Roiaume de ce costé là, auquel so [...] [Page 49] ioinctz auec leur forces, trois Seigneurs du Nord, le My Lord Scroop, le My Lord Darcy, Lord Scroop. Lord Darcy. Lord Evers. & le My Lord Evers.

Il y a aussi plusieurs aultres Seigneurs Lieu­tenans de prouinces, lesquels entretiennent bon nombre de Caualerie: comme le Comte de Kent Lieutenant en Bedford, le My Lord Huns­don, Comte de Kent Lord Hunsdon. Seigneur Chāberlan Lieutenant en Nort­folk & Suffolk, le My Lord Cobham Lieutenant Lord Cobham▪ en Kent, le My Lord Gray en Buckingham, le Lord Gray. Lord North. Lord Chandos▪ Lord S. Iohn. My Lord North en Cambridge, le My Lord Chandos en Glocester, le My Lord Sainct-Iean en Huntingtō, le My Lord Buckhurst en Sussex. Lord Buck­hurst. Ainsi donc par se recit particulier, duquel il n'est p [...]s hors de propos que vous aiez cognoissance, vous aurez a obseruer la disposition de toute la Noblesse de ce pais en ce temps à resister à toute inuasion. Et si d'auenture vous veniez à reuisiter vostre Catalogue ordinaire de tous les grans Seigneurs de ce Roiaume, vous trouueriez qu'ils sōt tous icy couchez, excepté trois ieunes Cōtes en bas aage, de Rutland, Southampton & Comte de Rut­land. Comte de Southhamton. Comte de Bed­ford. Bedford, [...]ous trois esleuez en ceste Religion per­uerse. Et partant il ne nous reste à parler que du Cōte d'Arundel, lequel est à present en la Tour, pour auoir attenté de s'enfuir hors de ce Roi­aume à la solicitation de celuy qui est main­tenant le Cardinal Allen. Or combien qu'il peut estre bien affectionné à la Religion Catholique, toutesfois i'ay entendu de fort bon lieu, qu'il a [Page 50] offert sa vie pour la defence de la Roine contre tout le monde. En oultre, quand bien on auroit pcu faire estat d'auoir vn parti en ce Roiaume, (chose du t [...]ut impossible, veu qu'il appert par les choses recitées que la nobl [...]sse est du tout as­seurée pour la Roine, & que toute la force du peuple tend là voluntairement) en ce mesme temps a esté offert à la Roine vn si grand parti Offres au Roy d'Escosse á la Roine d'An­gleterre. pour venir à son seruice & à la defence du Roi­aume, que de toute la Christiētē ellen'en pour­roit auoir de plus puissant en tous respects, c'est­ascauoir du Roy d'Escosse, l [...]qu [...]l entendant l'entreprise d'enuahir ce Roiaume, enuoia vn gentil-homme à la Roine (comme i'en ay esté certioré) pour-luy offrir toute sa puissance en la defence d'elle & de son Roiaume, &, s'il luy estoit à gré, qu'ily viēdroit en propre personne & defendroit ce Roiaume contre tous occupa­teurs, soit soubz pretexte de Religion, ou de quel que aultre pretence que ce soit. Et par cela, [...]ous pouuez veoir quel compte vous deuez faire des vaines promesses faictes au nom de ce Roy. Et comme vous voi [...]z que i'ay assez bon moyen d'auoir des intelligences des aultres for­ces Compagnies de cheual & de pied sournies par les Lues­ques. du Roiaume, ie vous puis bien encores as­seurer que pour ceste defence, i'ay ouy & veu la liste & le rolle d'vn grand nombre de Caua­lerie & Infanterie, que les Euesques du Roi­aume tiennent prestes à leurs charges, auec la contributiō lenée sur le Clergé, lesquelles com­pagnies [Page 51] tant de cheual que de pied doiuent estre conduictes par les Seigneurs & gentilz-hom­mes à la nomination de la Roine, & veulent qu'on nomme toutes ces bandes de ce vain ti­tre, Milites sacri.

Venons maintenant au dernier poinct des principaux fondemens de nostre esperance con­ceuë, sur lequel ceste entreprinse d'inuasion es­toit principalement bastie. C'est qu'il y auoit vne croiance certaine & generale qu'il se trou­ueroit en ce Roiaume vn fort parti de Catholi­ques, pour assister les assaillans contre la Roine, à la premiere veuë de l'armée d'Espagne. Or par mon discours precedent, touchant l'amour grand, ardent & vniuersel de tout le peuple en­uers la Roine, & des grans offres de seruice n'a­gueres à elle faicts par toute la noblesse du Roi­aume: il peut apparoir que ce fondement est fort ruineux, posé & assis sur des imaginations pu­res, comme sur du sablon mouuant, ou plustost sur quelque vapeur s'esuanouissant' en l'air. Si conste-il pour certain que le Roy d'Espagne & ses principaux ministres n'en faisoient pas peu de compte. Aussi ne se dict-il à present chose quelconque plus vniuersellement & d'vne voix plus lamentable par toute la multitude des pri­sonniers Espagnols, voire par les principaux d'entre eux, qu'à present ils voient euidēment combien le Roy leur maistre a esté vilainement pippé par telles persuasions, ou plustost mes­chāment [Page 52] trahy. Car ils disent qu'il n'y a homme de valeur en toute ceste armée, auquel on n'eust constamment affermé & donné parole d'asseu­rance pour tous ceux qui seruoient en ceste ar­mée deuant qu'ils s'enbarquassent, qu'il ne leur falloit craindre aucune resistance pour faire descente en Angleterre: le Roy estant bien asseuré qu'ils trouueroient vne armée puissan­te de Catholiques toute preste en leur fa­ueur, si tost que leur armée se verroit surgir en ces costes. Par ces propos ilz se disent auoir esté encouragez à ce voiage: aultrement, plusi­eurs d'entre eux iurent qu'ils n'eussent iamais mis le pied és nauires: discourans sur cela, que c'estoit contre toute apparēce de raison d'enua­hir vn Roiaume en esperance de le conquerir, sans aucun titre de droict & quelque fort parti tout ensemble, mais specialement sans vn bon Qu'il n'est possible de con­querir vn Roi­aume, sans fa­ueur d'vn parti au dedans. & asseuré parti. Eux donc trouuans mainte­nant ces promesses du tout fausses, plusieurs desdicts prisonniers vous maudissent nom­méement, comme estant Ambassadeur du Roy, entant, disent-ils, que sur l'opinion qu'on a euë de la cognoissance que vous auiez acquise en Angleterre, vous vous estiez en ce faict ac­quis aussi plus de creance qu'aucun aultre, & a­uez par plusieurs années solicité vostre maistre sur ceste esperance & autres semblables persua­sions, de faire vne telle entreprise du tout à condamner par tout bon & sage discours, sans [Page 53] l'asseurance de ce dernier poinct, qui estoit d'a­uoir vn parti fort & asseuré dans ce Roiaume. Vous les orriez aussi maudire les Anglois fugi­tifz de leur païs, qu'ils ne font pas difficulté d'ap­peller meschans traistres, d'auoir offertà vendre leur patrie au Pape & au Roy d'Espagne, adiou­stans quant & quant ces prisonniers, qu'ils e­stoient persuadez que l'entrée de ce païs estoit si ouuerte, si foible à toute resistance, & le peuple si miserable, qu'ilz n'y attendoient pas plus de dif­ficulté à le conquerir, qu'il s'en trouua du com­mencement à veincre quelques poures Indiens tous nuds à la premiere conqueste qui en fut faicte par le Roy Ferdinand. Mais maintenant ces mesmes prisonniers aians esté amenez des costes de la mer iusques à Londres, là où ilz ont obserue la force du païs & du peuple, ils en par­lent auec admiration, & l'estiment inuincible, aultrement que par la trahison de quelque grād parti dans les entrailles du Roiaume. Or ne scay-ie pas s'ilz mettent ordinairement en auant tels propos selon le sentiment qu'ils en ont, ou pour plaire aux Anglois desquels ils recoiuent bon traictement, & lesquels par flatterie se lais­sent aiséement surprendre: mais vne chose scay-ie bien que ces propos leur sont ordinaires auec toute demonstration d'estre merueilleusement passionnez cōtre ceux qui ont persuadé ce voi­age à leur Roy. Plusieurs d'entre eux aussi qui sont hommes de bon iugement & qui ont ouy [Page 54] parler de nos Anglois bānis lesquels ont esté en Espagne, là où aussi ils en ont cogneu quelques vns, (comme desia de long temps le Sir' Fran­çois Sir' Francois Englefield. Lord Paget. Englefield, & de n'agueres le My Lord Pa­get & son frere) se sont curieusement enquis de leur puissance & credit pour former vn parti en ce païs, s'informans aussi du Comte de VVestmer­lād, Comte de Westmerland. duquel toutesfois ils recognoissent que c'es­toit vn homme dissolu: mais nos aduers [...]ires par decà les ont mis si bas auec tout le reste des aultres fugitifz, comme gens sans credit pour faire aucune leuée d'hommes sans l'auctorité de la Roine, lors mesme qu'ils estoient en leur meilleur estat, que les prisonniers s'estonnent comment ils peuuent deceuoir le Roy pour at­traper pension de luy, sinon par charité à cause de la Religion. Bien confessent-ilz auoir vne Les tromperies de Stukeley en­uers le Roy d'Espagne & le Pape. fois ouy en Espagne, comment le Roy fut pour vn bon coup trompé, lors qu'vn certain Tho­mas Stukeley Anglois particulier s'enfuit d [...]Ir­lande en Espagne, à cause de ses debtes & aul­tres mauuais deportemēs, n'aiant pas la valeur d'vn double, ses debtes estans payées, & estant second filz d'vn bien simple Gentil-homme: le­quel toutesfois on creut incontinēt en Espagne, si tost qu'il se fut paré luy-mesme du titre, & vanté commes s'il eust esté vn Duc, vn Marquis & vn Comte d'Irlande. Et par ce moien fut lōg temps entretenu comme vn homme propre à faire grād seruice cōtre la Roine d'Angleterre, [Page 55] iusques à ce qu'à la longue le Roy descouurit sa tromperie, & ainsi le bannit d'Espagne: mais s'estant retiré à Rome, il fut ainsi entretenu par le Pape pour vn temps, & iusques à ce qu'il fut descouuert par quelques bons Catholiques, les­quels ne peurēt souffrir que la saincteté du Pape fust si lourdemēt moquée, dequoy les prisonni­ers discourans ioieusement & comment l'Em­pereur Charles, puis ce Roy & le Pape ont esté si dextrement villonnez par ce Stukeley, ils con­cluēt se gaudissans, que quelques vngs des Ang­lois, lesquels ont ainsi abuzé le Roy, se sont estu­diez d'ensuiure les pas de Stukeley. Et pour cer­tain, d'aultres auec moy auōs souuent rougi de honte oians tant de contes du Roy & du Pape, voire de l'Empereur Charles, lesquels vn tel ga­land que Stukeley auoit peu si apertement befler. Estant chose d'autant plus estrange d'auoir ainsi abuzé le Roy Catholique, qu'au tēps de sa resi­dēce en Angleterre, cestuy-cy estoit cogneu de plusieurs de son conseil pour vn vanteur, beli­stre, ruffien, & pour la fin, vn pirate àl'encontre des Espagnols.

Maintenant, Monseigneur, par cest ample discours de mauuais succez en nos affaires, & suiuant l'opinion de ceux auec lesquels i'ay traicté de n'agueres, ausquels aussi mon iuge­ment se conforme sans m'arrester à des imagi­natiōs vaines: vostre Seigneurie peult veoir en premier lieu nostre calamité presente & nostre [Page 56] estat miserable. Et puis pour le second poinct, l'estat de la Roine, du Roiaume & de sō peuple, leur disposition & leurs forces du tout contrai­res a l'expectatiō du Pape, du Roy Catholique, & specialement de vous, Mōseigneur, & de tous aultres qui auez eu entre mains par beaucoup d'années ceste negociation presente: tellement que ie ne puis deuiner quel desseing sera, ou pourroit estre imaginé & suiui, attēdu que l'ex­perience nous doibt auoir apprins, que nos af­faires ne peuuent estre redressées par la force, & que nul changemēt n'y pourra apporter remede quand mesme la Roine finiroit ses iours, com­me tous Princes sont mortels. Car & la genera­lité du peuple par tout le Roiaume est si ferme­ment & desesperéement bandée contre nostre Religion, que rien ne pourroit preualoir contre la force de ceste vnion. Et quiconque succedera Nulle esperāce pour l'auctorit [...] du Pape, par aucun qui pui [...] ­fe succeder en la ligne Roiale. de droict à ceste Couronne apres la Roine (la­quelle est en apparēce de viure aussi long temps qu'aucun aultre Roy Chrestien) si la Couronne vient au Roy d'Escosse ou à quelque aultre du sang Royal, comme il y en a beaucoup dans ce Roiaume descendus de toutes les deux maisons Roiales de York & Lancaster, nous ne pouuons faire nostre compte sur cela: car chacun de ceux­là qui sont auiourd'huy en vie, ont manifeste­ment vne disposition autant resoluë de resister à l'auctorité du Pape, qu'aucun aultre des plus affectionnez Protestans ou heretiques du mon­de. [Page 57] Ainsi donc, pour ce temps, afin de cōclurre, Conclusion de ce qui seroit l [...] meilleur, pour maintenir la Religion Ca­tholique e [...] Angleterre. toutes circonstances bien pezées, ie ne voy plus d'aultre moyen, que de remettre la cause és mains du Dieu tout-puissant, & de tous les Sainctz de Paradis auec nos humbles supplica­tions, & quant à la terre, d'auoir recours aux sainctz conseils du Pape & de ses Cardinaulx, les supplians humblement de soulager nos poures freres affligez, & d'enuoier en ce Roi­aume des hommes prudens, sainctz & doctes, lesquels sans se mesler des affaires d'Estat, puis­sent en secret confermer nostre foy par leur doc­trine, & par charitable instruction en gaigner d'aultres lesquels ne sont pas enracinez en l'he­resie. Et pour le soulagement de ceux lesquels sont forcez de paier par an quelque somme d'ar­gent de leur reuenu annuel, pource qu'ils ne veulent venir à l'Eglise, ce seroit vne con­sideration Toleration du Pape pour ceux qu'on appelle Recusans en Angleterr [...]. charitable, si pour quelque peu d'an­nées il ne se pourroit point obtenir quelque dis­pense de sa Saincteté par souffrance, à ce qu'on puisse se trouuer aux Eglises sans changement de foy consideré qu'vn grand nombre ne s'a­hurte point à cela pour aucune chose qu'ils re­marquēt esdictes Eglises directement contraire à la loy de Dieu: mais pource qu'encores que le seruice & les prieres soient recuillies du corps des Escritures, ils ne sont pas toutesfois approu­uées de l'Eglise Catholique & de sō chef, qui est la Saincteté du Pape: qui est la cause pourquoy [Page 58] tous les vrais Catholiques condamnent iuste­ment ceste Eglise comme schismatique.

Mais par ceste souffrance, vn grand nombre de ceux qui seront perpetuellement Catholi­ques, pourroiēt iouir de leurs reuenus & liber­tés, & par la bonté de Dieu, la Religion Chre­stienne pourroit auec plus de seureté prendre accroissement à la gloire de Dieu, qu'elle ne pourra iamais faire par puissance quelconque. C'est ainsi que la Religion Chrestienne a par tout cōmencé & qu'elle s'est espandue par tout le monde, non par force, mais seulement par la doctrine & l'exēple de saincteté des Prescheurs, nonobstant toutes les forces humaines. Ainsi donc ie finiray mes longues lettres auec ceste sentence repetée trois fois par Dauid en vn mes­me Pseaume, ‘Et clamauerunt ad Dominū in tri­bulatione eorū, & de angustia eorum liberauit eos.’ Que pleust à Dieu que nous peussions asseoir sur cela le fondement de nostre esperance, car toutes aultres esperances sont vaines & frustra­toires.

[Page 59] APres auoir paracheué d'escrire ceste lettre laquelle considerant, ie trouue plus longue que ie ne vouldrois (encore que la diuersité des subiectz m'ait tiré plus auant que ie ne pensois) & aiant faict choix d'vn mien familier amy mieux versé en la langue Francoise que ie nesuis pour la traduire en Francois, le malheur a esté que n'ayant encores que commencé à mettre la main à l'oeuure, il est tombé malade d'vne fieure continuelle, par laquelle occasion & esperant sa conualescence, ceste lettre est demeurée entre ses mains quelque dix ou douze iours. Mais n'aiant aucun espoir de sa guerison, i'ay tant fait auec vn aultre tres-fidelle & asseuré Catholique aiant parfaicte cognoissance de la langue Fran­coise, qu'il a entreprins de la traduire: en quoy aussi il y a eu beaucoup de temps emploié, de sorte que la lettre estant escrite à la my-Aoust, i'ay esté contrainct de la paracheuer en cemois de Septēbre. Sur quoy i'ay trouué bon (pendant qu'on a esté apres à la traduire) d'adiouster quel­ques aultres choses aduenuës depuis, & venuës à ma cognoissance.

Enuiron le 7. d'Aoust passé, Monsieur l'Ad­miral retournāt de sa flotte, aiant poursuiui l'ar­mée d'Espagne (à ce qu'on disoit) iusques au 55. degré du Nord, celle d'Espagne print sa rou­re vers les extremitez de Norvvege, ou vers les Orcades au delà de l'Escosse. Que si cela eut es­té vray, on estimoit icy, qu'ilz passeroient à l'en­tour [Page 60] d'Escosse & d'Irlande: mais s'ilz tenoient la route de Norvvege, lors il pourroit bien estre, en cas qu'ilz peussent recouurir des mastz, dont par la flotte Angloise ilz auoient faict grand perte, qu'ilz pourroient retourner pardecà. Mais quāt à moy, ie leur ay souhaité plustost vn vent propice pours'en retourner par Irlande, estant pour plusieurs raisons en desespoir de leur re­tour, tantà cause de plusieurs choses dont ilz ne se pouuoient fournir en Norvvege, que pour ce que le Duc de Parme à faulte de matelotz, n'a­uo it moren de mettre en mer, ses forces. Toutes­fois sur vn aduertissement d'Escosse qu'ilz estoi­ent passez au delà des Orcades, & que le Roy d'Escosse auoit donné estroictement en charge par toutes les costes de la mer, qu'on ne souffrist les Espagnols descendre en aucune part, ains au contraire, que les Anglois non seulementy pourroient descendre, mais aussi estre aidez de toutes choses necessaires dont ilz pourroient a­uoir besoing. Sur cest aduertissement, di-ie, toute l'armée fut cassée, excepté toutesfois quel­que vingt nauires, lesquels estoient soubs la charge de My Lord Henry Seymour, lesquels fu­rent continués en la'mer, pour prendre garde aux desseings du Ducde Parme & veoir s'il en­treprendroit quelque chose contre l'Angleterre (ce qui n'estoit vray-semblable) ou de la Ze­lande, ce qu'on commencoit à doubter, pendant qu'on estoit ainsi embesongné. Deux ou trois [Page 61] iours apres le bruit vint soudainnement à la Cour, que la flotte d'Espagne s'estoit rafraischie aux Isles de delà les Orcades, d'eau abondāment, & de pain, poisson, & chair pour del'argent, & qu'ilz retourneroient de decà, pour attendre en­cores vne aultre fois l'armée du Duc de Parme, & la conduire par mer en Angleterre. Surquoy il y eut vne aultre alarme, de laquelle ie scay bien que la Roine mesme & son Conseil n'e­stoient pas en petite perplexité. Mais à la fin on donna ordre d'arrester la flotte, & de ne la defar­mer point, si qu'elle fut bien tost remise sus, seu­lement à l'occasion de ces bruits: dont i'auois auec plusieurs aultres quelque contentement, pour les veoir ainsi troublez, & sur chaque rap­port leger, estre mis en grans despens. Mais ce plaisir ne dura pas plus de huict ou dix iours, pource que deux ou trois Pattaches qu'on auoit enuoyées expressémēt pour descouurir la flotte d'Espagne, leur apporterent nouuelles certaines qu'elle estoit au delà des Orcades, faisant voile vers l'Occident en bien mauuais poinct, & que beaucoup de leur gens estoient morts en ces quartiers du Nord, & le reste en grād' extremi­té à faulte de mastz & de mattelotz. Et sur ce, l'armée fut par nouuelle ordonnance rompue, fors ceux qui auoient auparauant esté comman­dés de prendre garde aux desseings du Duc de Parme. Et ainsi Monseigneur l'Admiral accom­pagné des My Lords Thomas Havvard, Henry [Page 34] Seymour & Sheffild, le Sir' François Drak, & tous les Capitaines (fors ceux qui auoiēt charge aux nauires lesquelles estoient soubs la charge de My Lord Henry pour veiller sur le Duc de Parme) retournerent à la Cour. Et sur ce retour de ces gēs de mer à la ville de Londres, il a couru de si horribles bruitz, afin d'esmouuoir les Sei­gneurs, Gentilz-hommes, Dames, Damoiselles & la populace de toutes sortes à vne haine mor­telle contre les Espagnols, que les poures Es­pagnols prisonniers auoient grand peur d'estre massacrez: d'autant qu'on auoit publié, & le monde pour la pluspart le croioit, que les Seig­neurs Espagnols de la flotte, auoient saict par­tage par entre eux des maisons des Seigneurs d'Angleterre, qu'ils nommoient par leurs noms propres, & qu'ilz auoient comme diuise l'Angleterre par portions pour eux-mesmes, & destiné tant à la Noblesse qu'au peuple, plu­sieurs sortes de morts cruelles: & que les Dames, & femmes, & filles deuoient estre exposées à toute villenie: les maisons des Marchantz les plus riches de Londres, enregistrées par nom, & dōnées aux Capitaines des bādes de la flotte Es­pagnolle, pour despouille. Et pour encore plus exasperer leur haine, on auoit faict publier qu'ils auoient apporté en leurs nauires vn grand nō ­bre de licolz pour en estrangler le commun peuple, & des fers grauez, lesquelz estans chauf­fez, les enfans au dessoubs l'aage de sept ans en [Page 65] seroient marquez, afin qu'on les recogneust à iamais pour enfans du pais conquis. Tels & semblables estoient les rapports, que ces gens de mer faisoient, comme les aians entenduz des Es­pagnols mesmes: de sorte que pour vn temps il y auoit vn grand mescontentement parmy le peuple de ce qu'on les permettoit viure, & cri­oient qu'ils deuoient estre tuez, comme leur in­tention estoit d'en faire aux Anglois. Mais les plus aduisez, & ceulx qui auoient la charge des prisonniers, n'aians aucun tel commandement du Conseil, les gardoient seurement, comme chose qui ne deuoit estre permise. Et afin de donner contentement au peuple par quelque aultre subiect, & à la requeste du my Lord Maire & de ses compagnons Senateurs de la ville de Londres, Dimanche dernier il y eut vn grand nombre de Banderolles, Enseignes, & Bānieres qu'on auoit gaignées sur les Espagnols, portées au cemeriere de S. Paul, & là publiquement mō ­strées au peuple durāt le presche, au grand con­tentement & resiouissance d'iceluy. Delà on les fit apporter à la Croix en Chepsyd, & delà au pont de Londres, qui fut cause d'addoucir la fu­reur du peuple, & de la changer en triumphe, se vantās par tout que c'estoit l'oeuure de Dieu qui auoit ouy les prieres du peuple, & auoit prins plaisir en leur precedentes prieres & ieusnes, en faisant que ces enseignes & Banderolles que les Espagnols auoient deliberé d'apporter & plan­ter [Page 64] par tous les endroicts de la ville pour Tro­phées & marques de leur triumphes, estoient par la prouidence & bonté de Dieu & pour la punition de l'orgueil de l'Espagnol, mainte­nant plantées par les Anglois, comme des mo­numens de leur victoires, & de la perpetuelle ignominie des Espagnols. Sur ces remonstran­ces grāde resiouissance s'ensuiuit: & comme au mois de Iuin & Iuillet dernier, toutes les Eglises estoient remplies de peuple s'exercans en prie­res & demonstrations de penitence, faisans leurs prieres à Dieu pour leur defence contre leurs ennemis: & en plusieurs Eglises, par trois fois la sepmaine des continuelles prieres, pres­ches & ieusnes, tout le lōg du iour depuis le ma­tin iusques au soir, auec vne grand' admiration de veoir vne telle & si continuelle deuotion, la­quelle toutesfois moy & quelques aultres iuge­ames plustost proceder de peur que de deuo­tion: aussi maintenant depuis que la flotte An­gloise est de retour, & celle d'Espagne defaicte, & qu'on a entendu des differentz en Flandres, des debatz entre les Espagnols & les aultres soldatz, du mespris du Duc de Parme par les Espagnols, incitez, à ce qu'on dict, par le Duc fils bastard du Roy Catholique, & le departe­ment, & fuitte des matelotz dudict Duc de Par­me, il y a icy semblable recours par le peuple aux Eglises, & aux presches, esquels il est enseig­né de recognoistre Dieu, auquel de sa bonté [Page] il a pleu deliurer ce païs menacé de cōqueste, & pareillemēt aux prieres publiques pour en ren­dregraces à Dieu.

L'Imprimeur au Lecteur.

CEst hors de doubte ny que le premier escriuain des lettres à present par moy imprimées, ny l'Espagnol Dom Bernardin auquel elles estoient addressees, n'oient pas volontiers parler d'aucun bon succés concernant l'estat de ce Roiaume d'An­gleterre. Cela est tout manifeste pour le regard de cest escriuain, en ce que ce n'est qu'à regret qu'il faict quelque bon recit de l'Angleterre, & entant que la necessité luy en arrache quelque confession. Cela n'est pas moins euident en Dom Bernardin, lequel a esté si impudent, ou du moins si temer aire­ment aueugle, que de semer fausses nouuelles par liures imprimez tāt en Frācois & Italiē, qu'en Es­pagnol, touchant la victoire obtenue par les Espag­nols, lors qu'elle estoit notable de la part de l'Angle terre, & que les Espagnols auoient esté vaincus & chassez. Toutesfois cependant que i'estois occupé enceste impression, asses long temps apres que ces lettres furent enuoiées en France: on a eu certaine cognoissance en ceste ville de Londres, à nostre grande resiouissance, de diuers heureux accidens [Page] touchant la diminution de ceste tant grande & renommée Armade de nos ennemis mortels, la­quelle enuiron le dernier de Iuillet fut transportée de nostre mer iusques aux extremités Septentrio­nalles de l'Escosse: ce que ie n'ay pas estimé hors de propos de cōioindre à ceste lettre de Dom Bernar­din, afin que cy apres il s [...] donne vne bride pour ne courir pas si tost: & qu'il ne permette plus à vn certain Capella, qui luy sert de trompette ordi­naire pourpublier ses nouuelles, de paier le mōde de mensonges au lieu de verités. Or voicy quelles en sont les particularitez: Ceste armée fut poussee par latempeste delà les Orcades enuiron le premier iour d'Aoust, il y a maintenāt plus de six sepmaines, ce quiest par delà le 60. degré vers le Nord: re­gion peu accoustumée à ces ieunes mignons d'E­spagne qui n'ont iamais tasté que c'est que de tēpe­stes sur la mer, ou de la froidure de l'air au mois d'Aoust. Qui fut cause qu' à l'entour de ces Isles Sep­tentrionales, leurs mattelots & soldats mourment par monceaux: dequoy leurs corps sont venus tes­moingner, vers les costes de la terre. Vingt iours & plus apres, aians là consumé tout ce temps en gran­des miseres, & aians desir de retourner en leur païs, ilz firent voile au largue vers le Sur. Ouest pour gagner l'Espagne. Mais le Dieu tout-puissant, lequel tousiours prend en main la cause de son peu­ple affligé esperāt en sa bonté, & atterre ses enne­mis superbes lesquels [...]e veulent esleuer iusqu'au ciel, excita des vents si violens & contraires con­tre [Page] l'orgueil de ces grandes & terribles Armades, que bon gré mal gré elles furent dispersées en ceste pleine mer, vers l'Ouest d'Irlande, & par ce moien grand nombre de vaisseaux furent poussez contre plusieurs dāgereuses Rades & Rochers, le lōg de la coste de l'Ouest et du Nord d'Irlāde, en plusieurs en­droicts à la distance de cinquante lieuës les vns des aultres, aucuns enfoncez, aultres rōpus, & quelques vns iettez sur les bancs. Cōme du costé du Nord de l'Irlande vers l'Escosse, entre les deux riuieres de Loughfoile & Loughsouilly il y en eut neuf qul furent poussées és costes & pour la pluspart rom­pues, & les Espagnols cōtrainctz de prendre terre & venir mendier secours entre les sauuages & barbares Irlandois. D'aultre part en vne Rade ap­pellée Calbeggy, distant delà de dix lieuës vers le Sur-Ouest, trois nauires furēt aussi iettez sur les rochers. En vn'aultre Rade appellée le Borreis vers le Su, distant d'enuirō dix lieuës de Gallouey vers le Nord, & apartenant au Comte d'Ormond, y eut aussi vn des principaux & plus grands nauires, du port de mille tonneaux, & fourni de 50. pieces de fonte auec quatre gros Canons enfoncé, & en­sembletous ceux qui estoient dedans noiéz, seize seulement exceptez, lesquels par leurs accoustre­mens semblent bien estre personnages de qualité, selon l'aduertissement qu'on en a eu d'Irlande.

En oultre, en tirant vers le Su, deux ou trois aultres vaisseaux sont peris, quinze lieuës au dessus de la coste de Thomond, au Nord de la riuiere d [...] [Page] Shenin: desquels l'vn fut bruslé par les Espagnols mesmes & poussé sur le sable, l'aultre estoit celuy de S. Sebastien, auquely auoit 300. hommes, qui tous aussifurent noiez, excepté soixante. Le troisiesme auec toute sa charge fut ietté en vn lieu appellé Breckan. En vn' aultre place deuant la maison du Sire Tirlogh Obrines, il y eut aussi vn aultre grād nauire perdu qu'on estime auoir esté vne Ga­leasse. Or selon l'aduertissemēt dōné de diuers en­droicts d'Irlande, les pertes cy dessus mentionnées sont aduenues, du cinq au dixiesme de Septembre: tellement que tout bien compté, depuis le vingt & vniesme de Iuillet, lors que l'armée d'Espagne fut premierement batue par celle d'Angleterre, ius­ques au dixiesme de Septembre, qui est l'espace de sept sepmaines & plus, il est bien vraisemblable que la dicte armée n'a eu ny bon iour ny bōne nuict.

Et quant au reste des nauires de l'armée, on a aussi rapporté qu'on en a veu plusieurs esparses cà & là sur les costes d'Irlande & tellement agitées du vent, qu'on pense bien qu'vn grand nombre d'icelles se rendront difficilement en Espagne, si tant est qu'elles soient ainsi affoiblies par faute de viures & de mattelots, comme aucuns de leur compagnie qui sont restez enterre, en font de mi­serables complaintes.

Or ay-ie trouué bon d'adiouster le recit de ces accidens à la Copie des lettres à Dom Bernardin, afin qu'il puisse ouurir les yeux pour veoir combien Dieu a fauorizé la iuste cause de nostre gracieuse [Page] Roine & Princesse. Mais le Dieu tout-puissant a monstré sa fureur contre les superbes vanteries des ennemis de la paix Chrestienne. Comme tout le monde depuis Rome, iusques aux dernieres par­ties de la Chrestienté, a peu veoir comment la Roine, auec son Roiaume, faisans profession de l'E­uangile de son filz nostre Seigneur Iesus Christ, sont gardez & defendus (selon les paroles du Pse­aume) soubs l'ombre deses aisles, de deuāt la face des meschās qui cerchoient de l'affliger, & l'en­uironnoiēt pour luy rauir son ame. Ce qu'estant recogneu par sa Maiesté & par tout son Roiaume auec actions de graces, ie ne fay doubte qu'il ne leur continue la mesme grace & protecti­on pour iamais, à la gloire de son nom.

DEPVIS L'IMPRESSION DE CESTE DER­niere fueille, on m'a apporté vn aduertissement par escrit de la Cour, de fort bon lieu: où ily a quelques particularitez plus expresses qu'au precedent, enuoiées d'Irlande le xvij. de ce Mois pour confirmation des choses susdictes, auec grande ve­risimilitude de pareils accidens qui pourront estre surue­nus, pour la grāde tempeste qui a esté le mesme iour xvij. & le xviij. du present Mois de Septembre.

LE Samedy vij. de Septembre, le vaisseau qui es­toit 1. en peril de naufrage à la Rade de Troily, Le 7 de Sept. du port de quarante à cinquante tonneaux, s'est venu rēdre de soy-mesme, auquel il y auoit vingt & quatre hommes & entre ceux-là, deux serui­teurs domestiques du Duc & deux petits garçons.

Le Mardi x. du mesme Mois de Septem­bre, 2 il y [...]ut vne Fregate mise hors, selon qu'il sem­ble par ceste Armade, laquelle le Sire Guillaume Herbert dict estre perie és costes de Desmond.

Ce mesme iour de Mardy, il perit au courant 3. des Bleskeys vn nauire appellé nostre Dame de la C'est vne pla­ec proche de Smere wik la ou le [...] Espag­nols furent des­faictz par le My Lord Gray. Roze, du port de mille tonneaux. En ce nauire fut noié le Prince d'Ascule, bastard du Roy, Dom Petro, Dom Diego, & Dom Francisco, auec sept aultres gentilz hommes de marque de la com­pagnie du Prince. Là aussi fut nòié Michel O­quēdo, homme tres expert en la marine, lequel cōmandoit Michel Oquē ­do estoit gene­ral d'vn squa­dron des 15. nauires de Gui­pousque. en chef audict nauire: Villa Franca de S. Sebastien, Capitaine du dict nauire: Matuta, Capi­taine de l'Infanterie dudict nauire, le Capitaine Suwares Portugais, Garrionero, Lopeche de la Vega, Montenese & vn Frācois Castelliani Ca­pitaines, [Page] vn Iean Rise Irlandois, & Frāçois Roch Irlandois auec enuiron 500. hommes, entre lesquels [...] noiez & [...] [...]ceux [...] & de [...] qu vn [...] [...]anne auoit quelques 100. gentilz-hommes, mais non pas de telle estoffe que les premiers. Et n'y en eut qu'vn seul de tout ce nombre sanné, qui estoit de Gennes, nommé Iean Antonio de Monona filz du Pilote de ce nauire.

Le mesme iour de Mardy, le Lieutenant du 4. Gouuerneur de Moūster recent vn aduertissemēt que vers la coste de Thomond. Il s'estoit perdu deux grās nauires & en iceux noiez enuiron 700. 700. noiez & 150 prisonni­ers. personnes, oultre 150. qui ont esté prins prison­niers.

Il appert aussi par vne lettre escrite à Estiēne 9. le Blanc de Limmerik en datte du xij. de Septem­bre, qù'enuiron ce mesme iour de Mardy, fut ietté sur les sables de Ballicrahihy vn nauire de 900. Baillicrahihy tonneaux duquel nauire xiij gentilz hommes ont 13. hommes [...] 400. re­trenche [...]. esté prins selon qu'il escrit. Et que le reste de ce na­uire estant d'enuiron 400. hommes en grande de­stresse, se mettent en deuoir de se retrencher pour leur defence.

Il escrit pareillemēt d vn aultre nauire lequel 6. a esté ietté en l'Isle Clere en Irrise & que 78. hō ­mes 78. noiez ou tuex. dudict nauire ont esté noiez ou tuez.

En oultre il escrit qu'il y eut au mesme temps vn aultre grand nauire ietté en Tireawley, & 7. que là il y auoit trois Seigneurs, vn Euesque, vn Moine & 69. aultres hommes, prins par Guil­laume Boork de Ardenrie & que tout le residis 69. prins. [Page] de ceux de ce nauire ont esté tuez ou noiez telle­ment que selon qu'il escrit Melaghlen Mac Cabb Melaghlen Mac Cabb en a tua 80. vn Galloglasse, qui vault autant en leur lan­gue qu'vn halbardier Irlandois, en tua 80. auec sa hache d'armes.

Le Mercredi xi. de ce mesme Mois de Sep­tembre, 8. sept des nauires le squels auoient seiourné dans lariuiere du Shenan, partirent de ceste rade auec vn vent d'Est & deuāt que de partir mirent Vn nauire d'Es­pagne de 1000. tonneaux brus­lé par les Es­pagnols. en feu vn aultre fort grand nauire de leur flotte, lequel estoit de mille tonneaux pour le moins.

Aduis a esté donné par le Lieutenāt de Cork 9. que ce 17. dernier de Septembre deux aultres grās Deux aultres nauires perdus nauires de ceste flotte auroient esté perdus vers les costes de Connaught.

L'admiral appellé Iean Martin de Ricalde 10. vint dans le golphe de Bleskeys auec vn grand nauire & vne barque, enuiron le vi. iour de Sep­tembre & a seiourné là, auec vn aultre nauire de 400. tonneaux & vne barque, les quelles y arriue­rent depuis: sice n'est qu'ils ayent esté dissipez ou perdus par ceste grande tempeste laquelle a esté le xvij. & xviij. de ce Mois. Car tel estoit l'estat de c'est Admiral à son arriuéc. Son nauire auoit esté percé d'oultre en oultre xiiij. ou xv. fois: & son moindre mast tellement offencé qu'il n'ozoit porter ces pleins voiles, & ny reste pas de­dās 60. mariniers, & encores simal en poinct, que plusieurs d'entre-eux sont du tout abatus de mala­die & le reste sifoible qu'ils estoient incapables [Page] de faire aucun bon seruice n'y aiant iour qu'il ne s'en iettast hors du bord, cinq ou six de leur com­pagnie.

ESTANS PARVENVS▪IVSQVES icy en ceste Impression, selon que chaque iour apporte plus de certaineté & de particulari­tez de la perte des Espagnols en Irlande, on en a receu les Aduertissemēs suiuans, qui sont les Examinations & depositions de quelques vngs qui se sont là sauuez & y sont prison­niers.

Iean Antonio de Monona Italien, filz de Fran­cisque de Monona, Pilote du nauire appel­lé Saincte Marie de la Roze, du port de mille tonneaux & ietté au Golphe de Blas­key.

EXaminé l'onziesme iour de Septembre, dict Examination faicte l'onziesme de Septem­bre. que luy & le reste de l'armée delaisserent la flotte Angloise (selon qu'il estime) vers la coste de l'Escosse. Et que pour lors il leur defailloit de leur Armade complette, quatre Galeres, sept na­uires & l'Admirale des Galeasses: Et que lors il leur estoit mort tant par combat que par maladie huict mille hommes pour le moins. Qu'il ne sçait Huict mille Espagnols perdus par combat o [...] par maladie. là où il a laisse le Duc: mais que depuis ce temps­là, il a esté xviij. iours es parties du Nord sans veoir aucune terre, & pour tant ne peult nommer [Page] aucune place: mais qu'apres estans escartez par la tempeste, le Duc g [...]rda tousiours sa route en pleine mer, & eux cherehans terre, tirerent vers le Cap de Clere, comme aussi firent plusieurs aul­tres nauires, au nombre (comme il estime) de xl. a­uec le Duc s'en allerent xxv. nauires.

Qu'il est icy arriué circuissant l'Escosse, estimāt que le Duc est à present bien pres de l'Espagne. Que le desseing du Duc, apres auoir mouillé l'anchre de­uant Calais, estoit d'aller en Flandres: mais qu'a cause du vent contraire & de la basse eaue, il n'y pouuoit pas aborder pour la grādeur de ses nauires.

Oultre les nauires susdicts il se souuient que Deux nauire [...] coulez a fonds. deux aultres furent enfoncés és costes de l'Escosse pour le dommage qu'ils auoient receuparles coups de l'Armée Angloise: L'vn appellé de Sainct M [...]t­thieu, du port de 500. tōneaux, là ou furent noyez 450. hommes: l'aultre nauire estoit Biscain, de Sainct Sebastien, de 400. tonneaux, la ou aussi fu­rent noyez 350. hommes.

Et quant au nauire auquel luy estoit, appellé Saincte Marie de la Rose, de 1000. tonneaux de Vn nauire de 1000. tonneaux coulé auec 500 hommes. port, de 500. hommes, qui y estoient, il n'en est es­chappé que luy seul. En ce nauire, entre les princi­paux, furent noiez ceux qui ensuiuent. Le Prince d'Ascule filz bastard du Roy d'Espagne, le Capi­taine Le filz bastard du Rov noyé a­uec aultres personnes de qu [...] ­lité. Matuta, le Capitaine Conuale Portugais, Lopecho de la Vega de Castille, Guarionero de Castille, Montanese de Castille, Villa Franca de Sainct Sebastiē, Capitaine dudict nauire: le Gene­ral [Page] de toute la Flotte de Guipousque, nōmé Dom Michel d'Oquendo, auec aultres xx. Cheualiers qu'ils appellent Aduenturiers, pource qu'ils estoient à leurs propres charges.

Dict aussi que leur armée estoit en grand de­fault d'eau fresche: & estant enquis qu'elle proui­siō de vin & d'aultres choses necessaires, il y auoit au vaisseau qui auoit esté ietté illec, dict qu'il y a­uoit Cinquante Ca­nons, & vingt & cinq aultres pieces: Cin­quante ton­neaux de vin, & trente mill Du­cats, en or & en argent perdus. cinquante grosses pieces de fonte tous Canons de batterie, auec xxv. aultres pieces, en partie de fonte, en partie de fer, apartenans au nauire. Qu'il y auoit aussi 50. tonneaux de vin sec. En argent, quinze mille Ducats: & en or, tout autant: mais beaucoup plus de richesse en habillemens, plats & couppes d'or.

Dict en oultre que le Duc de Medine auoit donné commandement a toute leur flotte, de faire sa retraite à la Crongne, & qu'à peine de la vie, nul n'eust a se departir delà, qu'il n'eust entendu plus a plein sa volonté.

La deposition de Emanuel Fremosa Portugais. du 12. Septemb. 1558.

DIct, qu'il estoit au nauire appellé S. Iean de Port de Portugal, de la charge d'onze cens tō ­neaux, auquel estoit Dom Iean Martin de Rical­de Admiral de toute la Flotte soubz le Duc, qui est General de toute l'armée: auquel nauire quand ils partirent, il y auoit 800. soldats, & de mariniers, 60. Portugais, & 40. Biscains: C'estoit le plus [Page] grand de toute l'Armade.

Ils estoient en tout, selon qu'il dict, lors qu'il par­tirent, 135. voiles, & de ce nombre, y auoit quatre Galeasses, quatre Galcres, & neuf ayans charge de la prouision des viures. Ils partirent de la Crongne quinze iours apres la S. Iean derniere selon leur compte.

Dict, qu'ils estoient enuoiez au Duc de Parme, pour estre par luy emploiez en Angleterre au temps qu'il vouldroit ordonner.

Enuiron huict iours apres leur debarquement de de la Crongne, il dict que toute leur flotte arriua Quinze hōmes [...]erdus au com­bat deuant le Lizard. au Lizard, qui est vn Cap en Cornuaille.

Dict aussi, qu'enuiron ce lieu là le General baissa les voiles, & qu'eux sur cela, les baisserent toute la nuict: Que le lendemain au matin ils virent la Perte d'aultres 25. hommes an mesme nauire. Flotte Angloise, & alors ils hausserent les voiles.

Dict, qu'ils estoient au parauant informez que la Flotte Angloise estoit dans Plemouth & Dart-mouth.

Dict en oultre, que le premier combat entre les Flottes commenca vers le Nord-Est du Lizard: Et qu'en ce combat, leur nauire perdit 25. hommes.

Dict, que là il y eut vn aultre combat par qu [...] ­tre ou cinq iours le long de la coste, & qu'en iceluy le nauire auquel luy deposant estoit, fit perte de vingt & cinq hommes: Quant à la perte que firent les aultres nauires en ce combat, il ne le peult dire: mais ils y perdirent deux nauires, en l'vn desquels estoit Dom Pedro, l'aultre sut bruslé. Deux nauires perdus.

[Page] Ils mirent l'anchre à Calais attēdans le Duc de Parme, là ou par quelques nauires embrazées i [...]s furent contrainct spar les Anglois de laisser les an­chres, & de se departir: de façon que chaque na­uire fit perte de deux Anchres en ce lieu là.

Le lēdemain cōmenca le combat sur les 8. heures du matin: lequel cōtinua huict heures, tout le long du canal vers le Nord, la Flotte Angloise poursui­uant tout ce temps celle d'Espagne: en telle s [...]rte, que s'ils se fussent presentez pour ioindre à bord la Flotte Espagnole, ils voioiēt leur General si frappé d'estonnement, qu'à son aduis, il eust rendu toute l'armée.

Dict, qu'en ce combat la Flotte Espagnole per­dit Vne Galeasse ietté sur les sa­bles. Deuz Gallions & deux aultres nauires enfon­cez. vne Galeasse, laquelle fut portée sur les bans pres de Calais, deux Gallions de Lisbonne apar­tenans au Roy, vn nauire Biscain, de quatre a cinq cēs tonneaux fut là aussienfoncé, cōme pareillemēt vn aultre nauire: apres lequel combat le General fist reueuë de l'armée, & trouua qu'il y auoit enui­ron six vingtz voiles de reste de toute l'armée, se­lon le rapport de ceux qui venoient des hunnes: mais selon que luy en pouuoit iuger, il ne peut veoir alors plus de 85. voiles ou là enuiron: Ce qu'estoit deuenu le reste, il ne scait.

Dict d'auantage, qu'en ce combat il y eut trois Trois nauires Venetiens fort offencées du Canon. grans vaisseaux Venetiens en danger de s'enfon­cer en mer, estans fort offencez & percez tout oul­tre en beaucoup d'endroicts: [...]mais pour lors ilz fu­rent secourus par les Charpentiers, toutesfois selon [Page] qu'il a peu entendre, pource qu'ils n'estoient pas en poinct de pouuoir garder la mer, ilz prindrent la route de Flandres: ce qui en est aduenu, il ne le peult dire.

Il adiouste qu'ils furent poursuiuis par aucuns de la Flotte Angloise, enuiron cinq iours apres le combat, vers le Nord hors de la veuë de toute ter­re, & ce, comme il estime, vers la partie du Nord de l'Escosse.

Et dict, qu'enuiron quatre iours apres que l'ar­mée d'Angleterre les eut laissez, tout le reste de l'armée estant d'enuiron six vingtz voiles, com­me dict a esté, vint a vne Isle, à son aduis, vers le Nord d'Escosse, là où ils ne seiournerent point, & n'y eurent aucun rafreschissement: mais en ce lieu, le General rassembla toutes les nauires ensemble, leur donnant charge de se rendre en la plus grande diligēce qui leur seroit possible, au premier haure ou de l'Espagne, ou de Portugal qu'ils pourroient, pour la grande destresse en laquelle ils estoient re­duictz par faulte de viures & aultrement, disant qu'ils en estoient venus d'autant plus mal fournis, qu'ilz auoient attente d'en estre aidez plus ample­ment par le Duc de Parme. Au reste il adiouste, qu'en ce nauire ilz mouroient par chacun iour qua­tre ou cinq de faim & de soif: & toutesfois que ce nauire estoit vn des mieux fournis de victuailles, [...]e qu'il sçait, pource que des aultres nauires ilz ve­noient pour estre soulagez par cestui-cy.

Apres cela, par l'espace de dix iours toute la [Page] Flotte conioincte ensemble, garda tousiours vne mesme route le mieux qu'il leur estoit possible vers l'Espagne. Auquel tēps, qui estoit il y a vingt iours ou plus passez, il aict, qu'ilz furent espars & dissipez par vne grande tempeste laquelle dura de­puis quatre heures du soir iusques au lendemain à dix heures du matin. Par laquelie tempeste l'Ad­miral se departit auec vingt & sept voiles, & en­tre iceux, qu'ily auoit vne Galeasle, auec vingt & huict forceres de chaque costé: Ce qu'est deuenule reste de l'armée, il ne sçait.

Dict aussi, qu'ily a dix iours passez ou enuiron, ilz eur [...]nt vne aultre grande tempeste auec du brouillas: par laquelle tempeste, ilz furent de re­chef escartez tellement gue de ces xxvij. voiles ne sont venuës en ces costes pres Dingle Cushe sinon l'Admirale, vn autre nauire de 409. tonne­aux & vne barque d'enuiron 40. ce qu'est deue­nu le reste desdictz xxvij. voiles, il ne sçait, sinon qu'vne grande hour que de 400. tonneaux estoit si despourueuë, qu'elle fut iettée sur les bans, vingt lieuës loing de Dingle Cushe: ne sçait qui estoit Capitaine de ceste hour que, mais dict qu'en l'Ad­mirale il n'y reste à present de toutes sortes de per­sonnes qu'enuiron 500. desquels il y a 25. Biscains & 40. Portugais tous mariniers, & entre iceux, le Maistre & l'vn des Pilotes fort malades.

Il adiouste, qu'ily a 80. soldats & xx. marini­ers en l'Admirale gisans fort malades & se mou­rans de iour à aultre: le reste, à son dire, sont fort [Page] foibles, & mesme le Capitaine fort triste & affoi­bly. Il dict, que ceste Admirale est fournie de cin­quante quatre pieces de fonte, & d'enuiron quatre vingts quintaux de pouldre.

Dict, que pour la vehemēce du vent d'Ouest, ils se trouuerent si prochains de la coste deuāt que s'en apperceuoir, qu'il ne leur fut iamais possible de doubler & se retirer de là.

Il n'y a plus en l'Admirale que 25. pippes de vin, fort peu de pain, & d'eau, rien du tout, sinon celle qu'ils ont apportée d'Espagne, qui est estrangement puante: & quant à leur chair & viande, leur soif est si grande, qu'il leur est impossible d'en manger.

Selon la cognoissance qu'il en peult auoir, il dict que nulle partie de l'armée n'a prins terre nul­le part, iusqu'a-lors qu'ils sont venus en ces costes de Dingle Cushe, & n'ont eu eau, viures, n'y aucun rafreschissement d'aucune coste ny place, depuis que l'armée d'Angleterre les laissa.

Dict, que lors qu'ils estoient deuant Calais, il vint vne Pinnasse en leur Flotte de la part du Duc de Parme, qui les aduertit que le Duc ne pouuoit estre prest iusques au vendredy. Ce pendant, par le combat de l'armée Angloise, il ne l [...]ur fut possi­ble de tarder là si long temps.

Dict, que l'intētion de l'Admiral est, au premier vent cōmode, de se retirer en Espagne. [...]t que c'est vn cōmun bruit entre les soldats s'ils peuuent vne fois gaigner la maison, qu'ils n'entreprendrōt plus d'auoir rien à demesler auec l'Anglois.

[Page] Quant aux principaux hōmes qui sont en Ad­mirale, il nomme Dom Iean de Lina Espagnol Capitaine en chef des soldats du nauire: Dom Gomes Espagnol, qui est vn aultre Capitaine: Dom Sebastien gentil homme Portugais qui es­toit volontaire: vn Marquis Italien aussi volun­taire: & vn aultre gētil homme Portugais, lequel il ne cognoist point, mais dict que ceux là sont des [...] principaux de l'armee sont marqu [...]z de Croix en leurs habits. prin [...]ipaux entre eux, qui portent des Croix sur l'eurs habillemens.

Il y a au mesme nauire d'aultres moindres gen­tilz-hommes & tous les soldats qui estoiēt audict nauire, estoiēt tous Espagnols. Il y a aussi en la pe­t [...]te barque laquelle est auec eux, enuiron vingt & cinq personnes: mais combien il y en a en la hour­que qui est là il ne sçait.

Il estime que le Duc est passé vers l'Espagne▪ pource qu il estoit quelque xij lieuës plus auancé vers l'Ouest, que n'estoit l'Admiral au temps de la premiere tempeste.

Dict, que le grand Gallion enuoyé du Duc de Florence; n'a oncques esté veu depuis le combat de Calais & que ceux qui estoient dedans les Gal­leasses furent grandement endommagez par la Flotte Angloise.

Deposition d'Emanuel Francisco.

EManuel Francisco Portugais dict en toutes choses comme le dernier deposant, iusques au [Page] cōbat de Calais, auquel il dict sçauoir qu'vne Ga­leasse fut portée sur les sables à Calais: & que deux Gallions du Roy l'vn appellé S. Philippe, de la charge de 800. tonneaux, & l'autre nommé S. Matthieu aussi de 800. tonneaux, auec vn nauire de Biscaie d'enuiron 500. & vn nauire Castillan d'enuiron 400 tonneaux, coulerent tous à fonds: pource que quelques hommes de ces nauires furent diuisez & mis au nauire de l'Admiral auquel, luy deposant, estoit.

Le cōbat fini, dict, que celuy qui estoit aux hūnes, fist rapport qu'il restoit de l'armée Espagnole, 120. voiles lesquels estoiēt fort offēcez, & que l'Admi­rale auoit esté percée plusieurs fois tout oultre, mes­memēt d'vn coup en leur mast. Et que tout l'equip­page de la proue estoit degasté, confessant qu'ils estoient en grande crainte de la Flotte Angloise & redoutoient fort qu'ils ne les abordassent.

A cause du [...]oup susdict, le most de l'Admirale est si soible qu'il ne peult soustenir aucune tempeste ny porter les voiles tels qu'aultrement il pourroit faire. Quant aux aultres articles, il s'accorde du [...]out auec le precedēt deposant, excepté qu'il n'a ny veu ny ouy parler d'aucune Pinnasse qui fust ve­nuë de la part du Duc de Parme. Et ne se souuient poinct d'auoir veu apres la premiere tempeste auec l'Admirale vingt nauires: mais dict que ceux qui estoient au mesme nauire auec luy, disoient com­munement qu'ilz aimeroient mieux, qu'on les por­tast en terre que de iamais entreprendre voiage [Page] en Angleterre: adioustant que les plus habiles qui soiēt au nauire de l'Admiral, ne se peuuēt pas sou­stenir, & que s'ils font tāt soit peu de seiour au lieu là ou ilz sont, selon son iugement, il fauldra qu'ils perissent. Pour son regard, quant cela seroit en son option, il ne vouldroit poinct retourner en Portu­gal, pource qu'il ne vouldroit estre derechef con­trainct à vn semblable voiage.

Iean de Conido de Lekit en Biscaie Marinier.

IEan de Conido de Lekit en Biscaye Marinier, dict, qu'il estoit au mesme nauire auquel est l'Ad­miral: qu'il fist le cōpte de l'armée, apres le cōbat fi­ni deuant Calais: que là il ne se trouua pas de reste plus de 110. ou 112 nauires, de toute l'armée Espag­nole. Dict en oultre qu'il estoit aduenu de toucher & faire eau à l'vne des Galeasses, il y a enuirō xv, iours: ce qu'il pense estre aduenu vers la coste du Nord de ceste Isle. Il ne se souuient qu'il y eust 20. voiles de reste en la cōpag nie de l'Admiral apres la premiere tempeste, laquelle aduint ily a enuiron trente iours. Dict, que le Duc defendit expressemēt que nul n'eust à prendre terre, quelque part que ce fust, sinon par son commandement: Confesse, que L'armée d'Es­pagne fort en­dommagée du Canon des An­glois. l'armée laquelle restoit apres le dernier combat e­stoit merueilleusemēt interessée & plusieurs vais­seaux percez tout oultre, & leur cordages rompus & gastez de coups de Canon. Quant aux aultres poinctz, il s'accorde du tout auèc le precedent de­pòsant, [Page] quant à la substance. Dict en oultre, qu'il y a­uoit vn Pilote Anglois auec le Duc. Et pour le re­gard de l'Escossois prisonnier, qu'il fut prins vers le Nord, apres que la Flotte Angloise les eut laissez en vne nauire de cinqu [...]nte tonneaux, auquel es­toient enuiron sept hommes, ayans esté amenez tāt les hommes que le vaisseau auec la Flotte. Que six desdictz Escossois estoiēt en vn mesme bord a­uec l'Admiral, desquels cestuy-cy qui est prins, est l'vn Il adiouste qu apres que la Flotte Angloise les eut laissez, les Espagnols ietterent en la mer tous Les Espagnols [...]ettent lcurs Ch [...]uaux & leurs Mulex. leurs cheuaux & leurs mules, pour conseruer leur eau, laquelle estoit portée dans certaines hour ques ordonnées pour cest effect.

Le second examen de Iean Antoine de Mono­na marinier, de Gennes.

DIct, que son pere & luy auec aultres vindrent à Lisbonne, en vn nauire de Gennes, il y a maintenant vn an: là où ilz furent embar quez de par le Roy d'Espagne: ce nauire estoit d'enuiron 400. tonneaux.

Dict, qu'apres cela, son pere fut ordonné Pilote Filz Bastard du Roy en mesme Nauire auec le Duc, & sa des­cente en terro. dans le nauire appellé nostre Dame de la Roze, de la charge de mille tonneaux, apartenant au Roy. Que le Prince d'Ascule bastard du Roy, vint en la compagnie, & au nauire du Duc, appellé Le Galli­on de S. Martin, de mille tonneaux de port: mais qu'à Calais, lors que l'armee Angloise s'approch [...] [Page] d'eux, ce Prince sortit en terre: tellement que de­uāt son retour, le Duc auoit esté contrainct de coup­per ses anchres & se departir: qui fut cause que ce Prince ne peut r'entrer en ce nauire, mais vint en celuy qui est appellé nostre Dame de la Roze, & auec luy aussi y vindrent vn Dom Pedro, Dom Diego, Dom Francisco, & sept aultres gentilz-hommes de marque lesquels faisoient compagnie au Prince. Dict, que le Capitaine de ce nauire es­toit Villa Franca de S. Sebastien, & Matuta, es­toit Capitaine de l'Infanterie de ce nauire: auquel aussi estoit Capitaine Suwares Portugais, & vn Garrionero, Capitaine Castillan, Lopecho de la Vega, aussi Capitaine Castillan, le Capitaine Mon­tanese Castillan, vn Capitaine Frācisco, Castillan, & Michel Oquendo, lequel estoit general de ce nauire. Il y auoit aussi en iceluy vn Capitaine Ir­landois nommé Iean Ryse aagé d'enuiron 30. ans, & vn aultre Irlandois appellé Francois Roche. Le Prince estoit de l'aage d'enuirō vingt & huict ans. Dict aussi qu'il y auoit là d'aultres gentilz-hommes volontaires qu'ils appellent Aduēturiers, mais non pas de tel rang que les aultres. Ily auoit, selon qu'il dict, en ce nauire enuiron 700. hommes en tout, lors que premierement ilz partirent, mais quand il est coulé à fonds, qu'il n'y en auoit qu'en­uiron 500. le reste estant mort ou par le combat, ou par maladie.

Il dict, que ce nauire auoit esté percé quatre fois, & que l'vn des coups auoit percé entre le vent & [Page] l'eau: ce qui leur donnoit crainte que le vaisseau ne Perte du Naui­re de la Roze▪ & des Seig­neurs, & com­ment. vint à couler, la plus-part du cordage estant rompu de coups. Ce nauire vint toucher cōtre les Rochers au golphe de Bleskeys, Mardy dernier sus le midy, vne lieuë & demic loing de terre, là ou tous ceux qui estoient au nauire, perirent, luy seul deposant excepté, lequel se sauua sur deux ou trois ais, les­quels s'estoient desioinctz. Les gentilz-hommes essaians de se sauuer dans le bateau, ilz le trouue­rent si estroictement lié, qu'il ne leur fut possible de le deslier: qui fut cause qu'ils perirent tous. Et aussi tost que le nauire donna cōtre le rocher, l'vn Pilote tu [...]. des Capitaines tua le pere de luy, deposant, disant qu'il l'auoit faict par trahison.

Dict que là, vint en leur compagnie vn nauire Portugais d'enuiron 400. tonneaux, lequel entrāt dans ce Golphe, y ietta l'ancre tout contre le lieu où aussi estoit à l'ancre l'Admirale, appellée S. Iean, auquel estoit Dom Martin de Ricalde.

Dict, qu'enuiron vingt & deux iours au para­uant, le Duc s'estoit departi d'eux, aiant enuiron vingt & cinq nauires en sa cōpagnie, & en restoit enuiron quarante auec l'Admiral: mais ce nauire­là n'auoit pas peu suiure l'Admiral, à cause que ses voiles estoient rompus. Et quant au reste de l'ar­mée, tous estoiēt si escartez qu'il ne sçait qu'ils sont deuenus.

Dict, que le Duc estant mieux fourni d'eau que les aultres, s'auanca d'auantage en la mer vers l'Ouest, voulant que l'Admiral auec sa compagnie, [Page] qui estoiēt plus mal accomodez d'eau, essaiassent en quelque coste d'en recourer defresche. Depuis ce temps, ils ont tousiours esté separez par les nuictz & par la tempeste. Au reste, il afferme que ce na­uire ny aucun aultre de la Flotte, n'ont touché au­cune terre & n'ont eu aueun rafreschissemēt d'eau ou de victuailles en quelque place que ce soit, depuis leur partement: excepté de deux Escossois, lesquels ils prindrent sus la coste d'Escosse: desquels le Duc print le poisson & les victuailles, & les paia.

Il dict pareillement, que leurs nauires estoient si batus & le vent si contraire & les bans en la coste de Flādres si perilleux, que le Pilote qui estoit au nauire du Duc, dressa leur route, pour la plus grande seureté, vers le Nord.

Dict, que l'vn des iours du combat entre les deux armées, le Duc voiant que la Flotte Angloise les poursuiuoit auec tant de hardiesse, requist sa Flotte, puis qu'il n'y auoit point d'aultre remede, de se disposer au combat.

Dict aussi, que deuant Calais, il se perdit ce iour là quatre mille hōmes au combat, oultre mille qui Au combat à Calais furent tuezles Mai­stres de Camp de la Cauale­rie & Infante­rie, des Tertij de Naples & Sicile, & quatre mille aultres, oultre mille qui furent noi­e [...]. furent noiez en deux nauires. Le Maistre de la Caualerie des Tertij de Naples & de Sicile y fut tué par vne grosse piece qui luy rompit la cuisse: il ne se souuient point de son nom. Alors aussi le Maistre de Camp de la Caualerie, & le Maistre de Camp de l'Infanterie furent tous deux tuez: de leurs noms il ne s'en souuient point.

Dict, que les quatre Galeasses estoient de Na­ples: [Page] Que les quatre Galeres laisserent la Flotte quarante lieuës deuant qu'ils approchassent pres de l'Angleterre.

Dict, que le nauire de Florence s'en est allé a­uec le Duc. Il adiouste aussi qu'il y auoit quatorze vaisseaux Veniciens en ceste Flotte: desquels les deux ont esté noyez. Qu'est deuenu le reste, il ne sçait. Ils ne seruoient le Roy que par arrest qui en auoit esté faict: Ily auoit trois Pilotes Anglois au nauire du Duc.

Finalemēt il dict, qu'en ce nauire coulé à fonds, il y auoit trois coffres pleins de monnoie: Et ne sçait pas ce qui mouuoit le Duc de commander que tout le reste de l'armée se retirast à la Crongne, & ne s'en departir point sans son commandement à peine de la vie.

L'examen de Iean Antonio de Moneke, à quin­ze lieuës loing de Ganna.

IL dict que le Prince d'Ascule estoit homme gres­le, La forme & stature du Prin­ce d'Ascule. & de stature passablement grande aagé de vingt & huict ans, aiant les cheueux crepelus, & de couleur noirastre, le front esleué, peu de barbe à Ses habillemēs la Marquesote, blanc de visage, mais auec quelque rougeur sur les iouës. Lors qu'il fut noié, il auoit vn habillement de satin blanc, le pourpoinct & les chausses decoupées à l'Espagnole, & vn bas de soie de couleur de fueille morte. Quand ce Prince vint en leur nauire à Calais, il estoit habilé de velours [Page] ras, convert d'vn passement d or bien large. Dict, que les seruiteurs du Prince estoient pour la plus­part an mesme vaisseau que luy deposant estoit, de­puis leur partemēt d'Espagne. Et comme ilz estoiēt à Calais, que le Prince passa en vn petit Esquif, de nauire en nauire, pour les disposer: Aucuns disent qu'alors il descendit en terre. Dict, qu'on estime que le Duc estoit eloingné du Nor-Ouest de l'Irelande, vers l'Ouest, quand il se partit du reste de sa com­pagnie. Dict, qu'il se separa par vne tēpeste qui s'es­leua la nuict, & qu'enuiron six iours apres, vn Gallion Portugais rēcontrant cestuy leur nauire, & passant outre dist à ceux qui estoient dedans, que vingt & cinq des nauires de toute l'armée s'en estoient allées auec le Duc: & que le reste de l'Ar­mée estoit disperse par la tempeste, huict en vn en­droict, & quatre en l'aultre de compagnie, trauer­sans la mer ainsi escartez: Mais combiē de nauires ily auoit de reste lors qu'ils departirent des costes d'Escosse, luy deposant, ne le peult dire. Biē, dict-il, qu'apres ceste premiere tempeste qui s'esleua il y a vingt & cinq iours passez, par vn vent de Sur-Ouest, deuant que d'estre perdus, ils out esté agitéz par maintes tempestes, tantost d'vn costé, tantost de l'aultre, par vne grande varieté de vens.

Second examen d'Emanuel Fremosa.

EManuel Fremosa examiné le mesme iour dict, Reste de l'ar­mée d'Espagne deuant la tem­peste. que le iour prochain deuāt la grande tempeste, [Page] par laquelle le Duc fut separé d'auec eux (auque [...] iour il faisoit vn grand calme) luy-mesme conta le reste de l'armée, & qu'elle estoit alors en tout de 78. voiles.

Dict, que lors qu'ils estoient les plus eslongnez, ils estoient par les 62. degrez du Nord, distans de toute terre de quatre vingts lieuës & plus, vers le Nor-Ouest de l'Escosse, & aiās le Cap de Clere au Su & tenant de l'Ouest, & cela fut par l'espace de quatre ou cinq iours. Depuis alors iusques à la tempeste, ils eurent le vent pour la pluspart Ouest & Ouest sur-Ouest, & quelques fois Ouest nor-Ouest: mais cestui cy de fort peu de durée.

Il dict, qu'il estoit sceu de fort peu de personnes, que le Prince silz bastard du Roy fust en l'armée, Prince d'Ascu­le incogneu. iusques à ce qu'on fust arriué à Calais: là où ce Prince enuiron le temps du combat, à ce qu'on dict, se fist passer en la coste de Calais en vn petit Es­quif: mais au parauant, il se comportoit comme par­ticulier dans le nauire du Duc, sans que iusques a­lors il fust remarqué, ou qu'on parlast de luy en for­te quelconque. Mais en oultre il dict, que là ily auoit vn grand Prince Italien homme de commā ­dement, en vne grande Argousoise & bien four­nie Prince Italien incogneu en vne Argousoise appellée le Rat. de toutes choses, lequel deuant qu'ils approchas­sent les costes d'Angleterre, festoioit bien souuent le Duc & les plus grans de l'Armée. Ceste Argou­soise estoit appellée le Rat.

Dict, qu'il ne s'apperçeut point si ce nauire estoit en la Flotte le iour de deuant la tempeste: mais [Page] lien que ce nauire estant renommé, on s'enqueroit souuent s'il estoit en la compagnie: & qu'on re­spondoit, qu'il y estoit: Dict aussi, que le principal thresor ordōné pour la paie, estoit (selon qu'il a en­tendu) en la Galeasse qui fut iettée sur les bans à Calais: & en vn nauire de Siuile faict en Galice, Distribution du threso [...] pour l'armée. appellé le Galega, d'enuiron 700. tonneaux de port, auquel estoit Dom Pedro de Valdez, & le­quel fut prins en la coste du Su.

L'examen de Pierre Carre Flamand.

DIct, qu'au nauire auquel il vint, appellé S. Iean, qui estoit vn Gallion du port de 900. tōneaux, oultre Martin de Ricalde, il y auoit cinq Capitaines, Dom Iean de Lune, Dom Gomes de Galanezar: Dom Pedro de Madri, le Comte de Paredes, Dom Felice, & y auoit aussi vn Ita­lien Marquis de Piedmont, appellé le Marquis de Faruare.

Il adiouste aussi, que l'Admiral, depuis le com­bat de Calais, n'est point sorti de son lict, sinō de­puis il y Admiral tous­iours au lict de­puis le comba [...] de Calais par 6. semaines & plus. a au iourd'huy huict iours qu'ils furent ie t­tez sur le bans. Dict aussi, que cest Admiral est de Biscaye, ou de Bilbo, ou de Alerede, aagé de soix­ante & deux ans, & hōme de seruice. En oultre il dict, qu'il y auoit en ceste armée des vieux soldats de Naples, soubz la cōduicte de Dom Alonso de Vieux soldats de Naples & de Sicile. Sono, & des vieux soldats de Sicile, soubz la cō ­duicte de Dom Diego Pimenteli, duquel le na­uire fut perdu pres Calais. Là aussi estoit Dom [Page] Alonso de Leua, Maistre de Camp de la Cauale­rie de Milan. Dict aussi, qu'il y auoit en la Flotte, & au nauire du Duc, vn filz bastard du Roy Phi­lippe aagé de vingt & huict ans & appelle le Prince dAscule en Italie, lequel se fist transporter d'auec eux en vne Pinasse, comme il estime, estant pres dc Calais.

Par aultre Aduertissement du quatorziesme de Septembre, il a esté certifié au my Lord Lieute­nant pour sa Maiesté en Irlande, de la part du Comte de Tiron, estant en son Chasteau de Don­gannon, qu'aiant eu aduis de la descente de cer­tains Espagnols vers le Nord d'Irlande, il auoit enuoié deux Capitaines Anglois vers eux auec l [...]urs compagnies, au nombre de cent cinquante, Six cens Espa­gnols assaillis & vein [...]us & prins par 150. Anglois. qui les trouuerent au Village de Sire Iean Odog­hertie, appellé Illagh: & là aians descouuert qu'ils estoient en nombre d'enuiron six cens, il se camperent pour ceste nuict pres d'eux à la portée du mousquet: & enuiron la minuict leur attaque­rent l'escarmouche par l'espace de deux heures, en laquelle escarmouche le Lieutenant de Camp Es­pagnol a [...]ec vingt aultres Espagnols fut tué, oul­tre beaucoup d'aultres qui furent blessez.

Le iour suiuant, ils attaquerent derechef l'es­carmouche àl'encontre des Espagnols, lesquels sur cela se rendirent. Et furent amenez, estans prisonniers, au Comte à Dongannon, lequel pre­tend les enuoier au my Lord Lieutenant. Ils sont estimez gens de valeur, & l'vn d'entr' eux auoir [Page] eu quelque grande charge & commandement par beaucoup d'années. Dequoy ledict my Lord Lieu­tenant donnera aduertissement si tost qu'on les aura amenez à Dublin.

Il peut estre suruenu quelques faultes en l'e­scriture des noms Espagnols en Francois, pour­ce qu'ils ont esté escrits par forme d'interpretati­on, premierement de la bouche des Espagnols & puis d'Anglois en Francois: Mais au nombre & qualités des personnes, ou des morts ou des viuans, il n'y peult auoir faulte, selon les infor­mations faictes iuridiquement.

LE NOMBRE DES NAVIRES ET DES hommes, coulez à fonds, noyez, tuez, ou prins és costes d'Ir­lande au mois de Septembre. 1588.
A Tireconnel En Loughfoile. 1. nauire 1100. [...]mes.
      de ce [...] & aultres lesquels▪ [...] apperent
A Connaught Au haure de Sligo. 3. grans nauires 1500
En Tireauley 1. nauire 400
En l'Isle Clere 1. nauire 300
En Finglasse 1. nauire 400
En Oflartie 1. nauire 200
En Irrise 2. nauires Les hommes s'enfui [...]ent és aultres va [...]ss [...]aux
A la rade de Gallouay 1. nauire 70
A Mounster Au Shenan 2. nauires 600.
En Traylie 1. nauire 24
En Dingle 1. nauire 500
En Desmond 1. nauire 300
Au Shenan 1. nauire bruslé Les hommes s'em­ba [...]q [...]rent eu vn aultre nauire.
Total 17. nauir [...], & hōmes. 5394

Deuant la perte des susdicts dix & sept nauires en Irlande, quinze aultres grans nauires estoient desia perdus és mois de Iuillet & d'Aoust, és com­bats qui se firent entre les Anglois & Espagnols dans le destroict de la mer d'Angleterre, là où il n'y a eu vn seul vaisseau, ny personne de qualité qui ait esté prins ou perdu, selon qu'il est descrit en la page suiuante.

LE NOMBRE DES NAVIRES ET des hommes, coulez a sonds, noyez, tuez, prins, ou perdus, és [...] de Iuillet & d'Aoust, és combats qui se firent entre les Ang [...]ois & Espagnols, dans le de­stroict de la mer d'Angleterre.
    Nauire [...] Hommes.  
  Premicrement Galeres 4 1622.  
  Pres Ediston vers Plemouth au premier combat 1 Le nombre est incogneu.
* Dom [...]e­d [...]o de [...] * Alors aussi le nauire de Dom Pedro de Valdes fut poursuiuy & prins 1 422 ces 2. sont demeurez en Angleterre.
  Vn grand nauire Biscain au mesme temps p [...]r seu 1 289.
* Dom Hugo de Moncada fut tué en ce vaisseau * La principale Galeasse de Naples en bris deuant Calais 1 686.  
Vn grand n [...]uire Liscain coula en ce [...] 1 Le nombre ne se scait pas.
Le Gallion de S. Philippe 1 532 Ces 2. forcez a Flesin­ghe est [...]ns gradement offēcez par les Cano­nades d'Angleterre.
* [...] D [...]e­g [...] i'mente­li sut prins en ce [...]uy-cy * Le Ga [...]ion de S. Mat [...]hi [...]u 1 397
Vn [...] per [...]udeuant [...] 1 On ne scait pas combien.
Deux Venetiens coul [...]t le [...] d'apre [...] le combat 2 843.  
Vn g [...]nd Biscain pressé par les naui [...]es de la [...] ne peri deuant le haure de [...] 1 On ignore le nombre.
  Total des Nauires Hommes
    15 4791.  
  Nombre [...] des [...] 32 10185. Desquels il y en a de prisonniers en Angleterre & Zelāde pour le moins 1000. onltre vne grand multitude d'hommes non comp [...]ins en ce nombre tuez au combat, ou morts de famine, comme il appert par les depositions precedentes.
  Oultre [...] q [...]'on esti­me [...] qu'on n' [...]n ai [...] rien [...].  

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