DISCOVRS SVR la DECLARATION faicte par le Sieur de la Noue.

[figure]

A Paris.

Discours sur la declaration faicte par le Sieur de la Noue.

LA qualité & condition differente des personnes qui entrent en la tragedie sur laquelle le Sieur de la Noue a esté contrainct de publier ceste Defenfe, nous donne vn beau subiect pour recognoistre di­uers effects, qui nous apprendront à con­duire nostre vie plus sagement, & là rappot­ter principalement à l'hōneur de Dieu (qui est le premier degré de piete) & au salut du pais (qui est le second) & nous rendra adui­sez pour ne tomber és defaults que plusieurs font en l'vn & en l'aultre poinct.

Le graue, magnanime, & sententieus par­ler du Sieur de la Noue monstre, comme les mariniers ont tousiours l'oeil sur l'estoille du Nort, ou sur l'eguille qui la marque: aus­si que l'obligation qu'on a aux hommes de quelque qualité qu'elle soit, ne nous doibt [Page] empescher, qu'en toutes nos actions nous ne iettions l'oeil sur la saincte volunté de Dieu, & suiuant icelle, toutes les fois que nostre vocation nous y appelle: que nous n'entrions alaigrement à la defense de la Iustice, encores que pour icelle nous deussi­ons souffrir persecution. Et puis que nos bienfaicts ne peuuent monter iusques à Dieu, il reste q̄ nous les employons vers ceux qui nous sont principallement recomman­dez par sa Majesté, & les plus aymez de sa bonté. L'Eglise est la premiere, pour laquel­le il a liure ce qui luy estoit le plus cher, cest son Filz. Et combien que touts les membres d'icelle sont en sa garde comme la prunelle de l'oeil: toutesfois la Veufue & L'orphelin tiennent le premier lieu, & le plus sacré de­gre entre ceulx qui lui plaist nous recom­mander. Puis-doncq que pour la iuste de­fense de l'Eglise de Dieu, & d'vn paouure Orphelin, Le Sieur de la Noue s'est voué, & consacré, non point legerement, mais ai­ant meurement examine cest affaire, & en aptes, l'auoir entreprise courageusement, ne faisant (au pris de son debuoir) aulcune esti­me des dangers qui en peuuent aduenir: Ie ne diray point, c'est acquis vne grande lou­ange [Page] deuant les hommes (car il ne la cerche point) mais a laissé vn bel exemple à tous ceulx auxquels Dieu a departi des moiens pour aider en biens, en authorité, en sça­uoir, en vaillantise, de secourrir la iustice de Dieu pressée par les tyrans, de rapporter tout ce qu'ils ont de puissance à celui auquel il fault qu'ils en rendent compte, & par le­quel (s'ils en abusent) seront iettez es tene­bres exterieures, sans remission, où bien ils receuront sa gratieuse sentence, pour entrer en la ioye du Seigneur. D'auantage, en cest exemple Dieu monstre comment il tire èn practique, ainsi que par force, là valeur qu'il a donnee aux hommes, quand pour des rai­sons de terre ils là veulent obscurcir & tenir enseuelie, d'aultant (comme dict vn Poëte) Que la vertu cachée ne differe guerez de fai­neantise.

Ceuls d'aultre part qui ont tiré violente­ment de ce Gentil-homme, & apres vne pri­son si cruelle des promesses si rudes & si mal-gratieuses, monstrent le naturel des ty­rans: lesquels se monstrent assez effroiables, felons, & terribles, quand ils pensent auoir le tems propre à iouër le personnage cruel du Lyon: Mais quand auecq vn sens rassis, [Page] & iugement asseuré, on vient à les confide­ter de plus prest: on trouue qu'entre touts les animaux, le Tyarn est là plus craintisue & pusillamme beste, & que cruauté & lascheté de courage, sont deux qualitez inseparables du tyran. Car comment peuuent ils aultre­ment interpreter ces cruelles promesses ti­rées par force de la bouche d'un simple Che­uallier? Pourtant ne pouuons nous assez hauloner le coeur Magnanime du noble & gentil Prince de Galles, lequel aiant eu rap­port que le vaillant Bertrant du Guesclein, pour lors encrores simple Gentil-homme Breton (comme aussi est le Sieur de la Noue) disoit qu'ille craignoit, le mist incontinent en liberté sur sa foi, aiant accordé de sa ran­con.

Le Prince de Parme, affecte le nom de vi­ctorieus, glorieus, inuincible, & grand Cap­pitaine, & aultres tiltres ambitieus & super­bes, que les flatteurs Italiens lui attribuent, & ne se contentant de tels tiltres, corche par trop sottement, & d'une ambition descou­uerte & effrontée, le nom de grand Alexan­dre, pourtant porte il en sa deuise, Sa Tyros, deuise du Grand Alexandre, & baptisant à la mode Romaine, cest à dire Papale, le gal­lion [Page] qu'il a faict bastir en Anuers, non pas dēs ouuriers du pais, car ce ne sont que forfantes, mais par des Messers venus d'Ita­lie, dorez & velouitez: il ne se contenta de le faire appeller de son nom, qui est Alexan­dre, mais le nomma comme parrain de ce Bucephale le Grand Alexandre: veu qu'at­tendu les beaux effects, & le parrain & le filleul estoient deux vrais Sandiekeuken. Mais ie demande rois volontiers à ce sot & superbe tout ensemble, si Alexandre le Grand s'est ainsi gouueiné enuers ses enne­mis, comme il a faict enuers le Sieur de la Noue, & s'il ose aueq vn coeur si bas affecter le nom de ce braue Prince? Si George Ca­striot vraycment grand Cappitaine & nom­me Scanderberch, qui signifie Alexandre le Grand a este tel enuers sès ennim is, ores qu'­ils fussenr Turcs? Si l' Arragonois Gonsalue qui a vraiement merite le tiltre de Grand Cappitan, a commis actes si indignes & d'vn courages si raualle? Et s'il croit que le vaillant Don Ieaen d' Austriche. duquel il se mocque, eust voulu s'abbaisset iusques à vne telle villainie? Tellement quand il n'auroit commise aultre laschere que ceste-cy, il fait assez cognoistre à tout le monde, voir à ceulx [Page] qui soubs vmbre de ses prosperitez fortui­tes s'y sont pour vn temps abusez, que ia­mais ne fust ny grand Cappitaine ny Cappi­taine, au coeur desquels n'entre iamais si vil & si rabbaissé conseil. Et n'est de besoing ici de monstrer son ignorance au faict de la guerre en ses preparatifs d'Anuers, auecq des monstrueux vaisseaux qui ne pourroien pas seulement nauiger sur l'Ecau, & aultre petit appareil, pour trauerser iusques en An­gleterre, & passer auccq si miserable equip­page par dessus le ventre des Hollandois & Zeelandois? Il ne seroit besoing de parler de sa sottise biēnalle en son assemblee de Pleyt­tes, & son irresolu conseil de les changer de place en place, à l' Escluse, à Nieuport, à Dunckercke, my son peu de courage, de n'a­noir osé auecq quarante mil hommes de cō ­bat, apprestez deux ans entiers, venir aux mains auecq vne petite trouppe de Zeelan­dois & Hollandois, & deuant ses yeulx veoir vne si orgueilleuse armée, venue sur son conseil, estre barrue & fouettee des Anglois, comme qui chastieroit des Esclaues, & veoir dis-ie, perir tant de Noblesse deuāt ses yeux. Et pensez Messieurs qui lisez ceci, si Alexandre le Grand, Iulius Caesar, & aultres grands [Page] Cappitaines eussent faict telles & si lourdes faultes. Il ne faudroit aussi mettre en comp­te sa bestise en ses entreprises de Berghes & Ter Tolen: car ce seul acte lasche, monstre assez, qu'il est indigne d'untel nom, & que les succes quil a eus, ne procedent d'aulcune vertu qui soit en lui, qui n'en a aultre que celle de ses predecesseurs, monstres de natu­re. Et de faict, si vne fois ceste fontaine d'or des Jndes, luy venoit à tarir, lors on verroit à clair, qu'il est vraiement l'asne, qui faisoit peur aux aultres animaulx, quand il estoit vestu de la peau du Lyon: mais quand ils descouurirent ses longues oreilles, ils le trai­cterent selon ses merites: Et cest vn tel hom­me qui promettoit tant de recompenses à ceuls qui estoient si fols de le croirc, & qui s'apprestoit pour se faire couronner Roy d'­Angleterre, par le Cardinal Alain. Estant doncq tel comme ceste Declaration nous le descouure, il nous apprend assez, que nous ne le debuons craindre, non plus que son maistre ne sy deburoit fier, comme à celuy qui lui fera vn iour s'il peult, vn meschant tour, pour ses droicts pretendus en Portu­gal, suiuant les consultations faictes parson Pere & son Oncle le Cardinal Farnese, & [Page] comme desia il en donne assez de preunes par le mauuais traitement qu'il faict aux Es­paignoss, qui n'est pas encores vn traict de Grand Cappitaine.

Quant aux mutins & seditieux, destinez à touce malediction, qui ont faict ces der­nreres esmotions en France, on peut en leurs personnes remarquer comme en vn vif ta­bleau, la face de l'hypocrite, qui prend le masque de la Religion pour couurir la peste de son ambition. Et comme iamais vn homme de bien, & qui a la crainte de Dieu au coeur, ne vouldroit faire scruir le nom de Dieu à vn si vil & si infame effectiaussi il ap­pert que sont gens sans Dieu, & sans Religi­on, qui persecutent les enfans de Dieu, pour paruenir à estre Rois des enfans des hōmes, soubs vn fauls nom d'estre successeurs de Charles le Grand, auquel ils n'appartiennent de rien: Et quand ils luy appartiendroient, si est-ce quil ny auoit rien, mais en estoit vsur­pateur sur la race des Meroueens, vrais Rois & legitimes, desquels sont descendus en droitte ligne masculine, les Rois qui reg­nent, & ceuls qui ont regné depuis six conts ans, comme aussi ceuls de Bourbon, seuls Princes restants apres le Roy, lequel aussi­tient [Page] la prescription paisible de six sieeles: Et neantmoins contre leur Roy, leur bien­faicteur, sans estre contraincts ny en la conscience, ny en l'honneur, ny en vie, ny ny en biens, ont ose faire guerre ouuerte, faire soubsleuer les Parisiens, gents mutins & lesquels aux troubles de France, ont tous­iours suiui le meschant parti, & le tout à raison de quelques traictez & promesses se­cretes faictes au Pape de Rome, Tyran Ca­tholicque & vniuersel de la chrestienté, & à quelques Princes estrangers, pour quelque argent qu'ils en ont tire, ce qui ne peut tum­ber en ame que de trahistre.

Telles gens doncques ne sont à craindre, gens sans Dieu, sans honneur, & qui auecq tant de puissance, nont peu aultre chose ex­ecuter, que de faire mutiner vne insensee po pulace. Et ne fault doubter de l'asistance de Dieu contre des hommes si peruers, & qui lui font la guerre ouuertement se couurants neantmoinsmeschament de son nom sacré.

Quant au Baron d' Aussonuille qui assie­ge Iamets, que peut on veoir en lui, sinon ce pourceau qui foulloit du groing & des pieds les sainctes perles? & se retournoit pour mordre? car ce gros & gras pourceau ayant [Page] gousté le don celeste, & en ayant faict pro­fession, iusques à auoir accompaigne le vail­lant Prince de Conde Louis, & mesmes ius­ques au siege de Poictiers, duquel lieu il se retira en Allemaigne, auecq le non iamais assez loué Prince d'Orange, cōmencea pre­mierement à fouller au pieds l'Euangile par mots de risée: Depuis voiant la sanglante iournée de Saint Barthelemi, & les Seig­neurs morts par lesquels il esperoit s'aduan­cer en France, il s'assist au banc des moc­queurs, & conioignist ses conseils auecq les cōtempteurs, & finalement non plus cōme vn Apostat simple, mais comme vn Apostat persecuteur, se'st mis à poursuiure ceuls quil cognoist en sa conscience, estre plus gens de bien que luy, ce qui aduertist vn chascun de prendre garde à soy, affin que celuy qui est debout, ne vienne à tumber, car Dieu iuste iuge punist en tels mocqueurs, vn peché par vn autre, iusques à ce que telles gens se precipitent en la fosse obscure, habitation des Dragons & bestes sauluages, ac­cōpissement de toutes miseres: Le tout par vn iuste iuge­ment de Dieu, qui ne laisse rien impuni.

This keyboarded and encoded edition of the work described above is co-owned by the institutions providing financial support to the Text Creation Partnership. Searching, reading, printing, or downloading EEBO-TCP texts is reserved for the authorized users of these project partner institutions. Permission must be granted for subsequent distribution, in print or electronically, of this EEBO-TCP Phase II text, in whole or in part.