PREFACE. @CE ne sont pas icy des Loix que ie fais pour no- stre langue de mon authorite priue/e ; Je serois bien temeraire, pour ne pas dire insense ; car a\ quel titre & de quel front pretendre un pou- uoir qui n'appartient qu'a\ l'Vsage, que chacun reconnoist pour le Maistre & le Suuerain des langues viuantes? Jl faut pour- tant que ie m'en iustifie d'abord, de peur que ceux qui condam- nent les personnes sans les oui%r, ne m'en accusent, comme ils ont fait cette illustre & celebre Compagnie, qui est aujour- d'huy l'un des ornemens de Paris & de l'Eloquence Franc#oi- se. Mon dessein n'est pas de reformer nostre langue, ny d'abo- lir des mots, ny d'en faire, mais seulement de monstrer le bon usage de ceux qui sont fait, & s'il est douteux ou inconnu, de l'esclaircir, & de le faire connoistre. Et tant s'en saut que j'entreprenne de me constituer Juge des differens de la langue, que ie ne pretens passer que pour vn simple tesmoin, que depose ce qu'il a veu & ou%i, ou pour un homme que auroit fait un Re- cueil d'Arrests qu'il donneroit au public. C'est pourquoy ce petit Ouurage a pris le nom de@ Remarques, @& ne s'est pas charge/ du frontispice fastueux de@ Decisions, @ou de@ Loix, @ou de quelque autre semblable; Car encore que ce soient en effet des Loix d'vn Souuerain, qui est l'Vsage, si est-ce qu'outre l'a- uersion que i'ay a\ ces titres ambitieux, j'ay deu estoigner de moy 2 tout soup c#onvoulior establir ce que ie ne fais que rapporter. Pour lemieux faire entendre, il est necessaire d'expliquer ce que c'est que ce/t@ Vsage, @dont on parle tant, & que tour le monde appelle le Roy, oule Tyran, l'arbitre, ou le maistre des langues; Car sice n'est autre chose, comme quelques- uns sel'i maginent, que la fac#on ordinaire de parler d'une nation dan le sieged son Empire, ceux qui y sont nez & e/leuez, n'auront qu' a\ parler le langage de leurs nourrices & de leurs dom sti- ques, pour bien parler la langue de leur pays, & les Prouin ciaux & les Estrangers pour la bien sc#auoir, n'auront aussi qu' a\ les imiter. Mais cette opinion choque tellement l'expe- rience generale, qu'elle se refute d'elle mesme, & ie n'ay iamais peu comprendre, comme un des plus celebres Autheurs de nostre temps a este/ infecte/ de cette erreur. Ily a sans doute deux sor- tes@ d'Vsages, vn bon & vn mauuis. @Le mauuais seforme du plus grand nombre de personnes, qui presque en toutes choses n'est pas le meilleur, & le bon au contraire est compose/ non pas de la pluralite/, mais de l'e/lite des voix, & c'est veritablement celuy que l'on nomme le Maistre des langues, celuy qu'il faut suiure pour bien parler, & pour bien escrire en toutes sortes de stiles, si vous en exceptez le satyrique, le comique, en sa pro- pre & ancienne signification, & le burlesque, qui sont a/ auffi peu d'estendue% que peu de gens s'y adonnent. Voicy donc com- me on definit le bon Vsage.@ C'est la fac#on de parler do la plus saine partie de la Cour, conforme/ment a\ la fa- c&on d'esctire de la plus saine partie des Autheurs du temps. @Quand ie dis@ la Cour, @i'y comprens les femmes com- me les hommes, & plusieurs personnes de la ville ou\ le Prince reside, qui par la communication qu'elles ont avec les gens de la Cour participent a\ sa politesse. Il est certain que la Cour 3 est comme un magazin, d'ou\ nostre langue tire quantite/ de beaux termes pour exprimer nos pense/es & quel Eloqence de la chaire, ny du barreau n'auroit pas les graces qu'elle de- mande, si elle ne les empruntoit presque toutes de la Cour. le dis@ presque, @parce que nous auons encore ungrand nombre d' au- tres phrases, quine viennent pas de la Cour, mais qui sont pri- ses de tous les meilliurs Autheurs Grecs & Latins, dont les des- pou%illes font une partie des richesses de nostre langue, & peut- estre ce qu'elle a de plus magnifique & de pus pompeux: Tou- refais quelque avantage que nous donnjons a\ la Cour, elle n'est pas suffisante toute seule de seruir de reigle, il faut que la Cour & les bons Autheurs y concourent, & ce n'est que de cette conformite/ qui se trouue entre les deux, que l'Vsage s'establit. Ce n'est pas pourtant que la Cour ne contribue% incomparable- ment plus a\ l'Vsage que les Autheurs, ny qu'il y ayt aucune proportion de l'un a\ l'autre; Car enfin la parole qui se pronon- ce, est la premiere en ordre & en dignite/, puis que celle qui est escrite n'est que sonimage, comme l'autre est l'image de la pen- se/e. Mais le consentement des bons Autheurs est comme le sceau, ou une verification, qui authorise le langage de la Cour, & qui marque le bon Vsage, & decide celuy qui s'estudient a\ bien par- ler & a\ bien escrire, lors que se rendant assidus a\ la lecturedes bons Ouurages, ils se corrigent de plusieurs fautes familieres a\ la Cour, & acquierent une purete/ de langage & de stile, qu'on n'apprend que dans les bons Autheurs. Il suffira donc, dira quelqu'vn, de lire les bons loures pour exceller en l'vn & en l'autre, & les Prouinciaux ny les Estrangers n'auront que faire de venir chercher a\ la Cour ce qu'ils peuunet trouuer dans leur estude plus commodement & en plus grande perfection. 4 Jerespons que pour ce qui est de parler, on sc#ait bien que la le- cture ne sc#auroit suffire, tant parce que la bonne prononciation qui est une partie essentielle des langues viuantes, veut que l'on hante la Cour, qu'a\ cause que la Cour est la seule escole d'une infinite/ de termes, qui entrent a\ toute heure dans la con- uersation & dans la pratiqe du monde, & rarement dans les liure; Mais pour ce qui est d'escrire, ie ne nie pas qu' une personne qui ne liroit que de bons Autheurs, se formant sur de si parfaits modelles, ne peust luy mesme deuenir un bon Au- theur; & depuis que la langue Latine est morte, tant d'illu- stres Escriuains qui l'ont fait reuiure & refleurir, l'ont-ils peu faire autrement? Le Cardinal Bembo a\ qui la langue Italienne est si redeuable, qui n'a pas terni l'esclat de sa pourprepar- my la poussiere de la Grammaire, a obserue/, qui presque tous les meilleurs Autheurs de sa langue, n'ont pas este/ ceux qui estoient nez dans la purete/ du langage, & cela par cette seu- le raison, qu'il n'y a iamais eu de lieu au monde, non pas mes- me Athenes ny Rome, ou\ le langage ait este/ si pur, qu'ilnes'y soit mesle/ quelques defauts, & qu'il est comme impossible, que ceux a\ qui ils sont naturels n'en laissent couler dans leurs es- crits; Au lieu que les autres ont cet avantage, que se deffiant continuellement des vices de leur terroir, ils se sont attachez a\ des patrons excellens qu'ils se sont proposez d'imiter, & qu'ils ont souuent surpassez prenant de chacun ce qu'il auoit de meilleur; Il est vray que d'adiouster a\ la lecture, la frequen- tation de la Cour & des gens sc#auants en la langue, est encore toute autre chose, puis que tout le secret pour acquerir la per- fection de bien escrire & de bien parler, ne consiste qu'a\ join- dre ces trois moyens ensemble. Si nous l'auons fait voir pour la Cour & pour les Autheurs, l'autre n'y est gueres moins ne- 5 cessaire, parce qu'il se presente beaucoup de doutes & de diffi- cultez, que la Cour n'est pas capable de resoudre, & que les Autheurs ne peuuent esclaircir, soit que les exemples dont on peut tirer l'esclaircissement y soientrares, & qu'on ne les trou- ue pas a\ point nomme/, ou qu iln'y en ait point du tout. Ce n'est donc pas une acquisition si aise/e a\ faire que celle de la purete/ du langage, puis qu'on n'y sc#auroit paruenir que par les trois moyens que i'ay marquez, & qu'il y en a deux qui demandent plusieurs anne/es pourproduire leur effet; Car il ne faut pas s'i- maginer que de faire de temps en temps quelque voyage a\ la Cour, & quelque connoissance auec ceux qui sont consommez dans la langue, puisse suffire a\ ce dessein. Il faut estre assidu dans la Cour & dans la frequentation de ces sortes de personnes pour se preualoir de l'un & de l'autre, & il ne faut pas insensible- ment se laisser corrompre par la contagion des Provinces en y faisant un trop long sejour. De tout cela on peut inferer combien ces Remarques seroient utiles & commodes, si elles faisoient toutes seules autant que ces trois moyens ensemble, & si ce qu'ils ne font que dans le cours de plusieurs anne/es, elles le faisoint en aussi peu de temps qu'il enfaut pourles lire deux ou trois fois attemeuement. Ie n'ay pas cette presomption de croire que ie sois capable de rendre un service si signale/ au public, & ie ne uoudrois pas dire non plus, que la lecture d'un seul livre peust e/galer le proffit quire- uient de ces trois moyens; Mais i oserois bien asseurer qu'il en approcheroit fort, si ie m'estois aussi bien acquitte/ de cette en- treprise, qu'eust peu faire un autre, qui auroit eu les mesmes avantages que moy, c'est a\ dire qui depuis trente-cinq ou qua- rantes ans auroit uescu dans la Cour, qui de/s sa tendrejeunesse auroit fait son apprentissage en nostre langue aupres du grand 6 Cardinale du Perron & de M. Coe%ffeteau, qui sortant de leurs mains auroit eu un continuel commerce de conderence & de conuersation avec tout ce qu'il y a eu d'excellens hommes a\ Paris en ce genre, & qui avroit uieilli dans la lecture de tous les bons Autheurs. Mais quoy qu'il en soit, il est certain qu'il ne se peut gueres proposer de doute, de difficulte/, ou de question soit pour les mots, ou pour les phrases, ou pour la syntaxe, dont la decision ne soit fidellement rapporte/e dans ces Remarques. Ie sc#ay bien qu'elle ne se troiuuera pas tousiours conforme au sentiment de quelques particuliers, mais il est iuste qu'ils subis- sent la loy generale, s'ils ne uevlent subir la censure generale, & pecher contre le premier principe des langues, qui est de suiure l'Vsage, & non pas son propre sens, qui doit tousiours estre suspect a\ chaque particulier en toutes choses, quand it est ccontraire au sentiment uviversel. Surquoy il faut que ie die que ie ne puis assez m'estonner de tant d'excellens Escriuans, qui se sont opiniastrez a\ user, ou a\ s'abstenir de certaines locutions contrel' opinion de tout le monde; Et le comble de mon estonne- ment est qu'un vice si desraisonnable s'est rendu si commun parmy eux, que ie ne vois presque personne qui en soit exent. Les uns par exemple s'obstinent a\ faire@ pourpre @masculin, quand il signifie@ la pourpre des Roys, @ou@ des Princes de l'Eglise, @quoy que toute la Cour, & tous les Autheurs le facent en ce sens la\ de l'autre genre. Les autres suppriment le relatif, comme quand ils escriuent,@ I'ay dit au Roy que i'a- uois le plus beau cheual du monde, ie le fais venir pour luy donner, @au lieu de dire@ pour le luy donner, @quoy que ce pronom relatif y soit si absolvment necessaire se- lon la Remarque que nous en avons faite, que si l'on ne la met, non sevlement on ne dit point ce que l'on uevt dire, mais il n'y 7 a point de sens, & quoy qu'outre cela tous les bons Autheurs unanimemet condamnent cette suppression. Les autres ne se uevlent point seruir de@ su bien que, @pour dire@ de sorte que, tellement que, @quoy que toute la Cour le die, & que tous nos meilleurs Autheurs l'escrivent. Les autres enfin ne uov- droient pas escrire pour quoy que ce fust@ remporter la victoi- re, @bien que cette fac#on de parler soit tres-excellente, & tres- ordinaire en parlant & en escriuant. Et ce qui est bien estrange, ce ne sont pas les mauuais, ni les mediocres Escriuains, qui tombent dans ces defauts sans y penser, & sans sc#auoir ce qu'ils sont, cela leur est ordinaire; Ce sont nos Maistres, ce sont ceux dont nous admirons les escrits, & que nous devons imiter en tout le reste comme les plus parfaits modelles de nostre langue & de nostre Eloquence; ce sont ceux qui sc#auent bien que leur opi- nion est condamme/e, & qui ne laissent pas de la suiure. Il est de cela, ce me semble, comme des gousts pour les uiandes, les uns ont des appetits a\ des choses, que presque tout le monde rejette, & les autres ont de l'aversion pour d'autres, qui sont les deli- ces de la plus part des hommes. Combien en voit on qui ne sc#au- roient souffrir l'odeur du vin, & qui s'efuanouissent a\ la seu- le senteur ou au seul aspect de certaines choses, que tous les autres cherchent auidement? Il y a neantmoins cette difference, que ces aversion naturelles sont tres malaise/es a\ vaincre, parce que les ressorts en sont si cachez qu'on ne peut les descouurir, ny sc#auoir par ou\ les prendre, encore que bien souvent on en vienne a\ bout, quand on les entreprend de bonne heure, & que ceux qui ont soin de l'education des enfans les accoustument peu a\ peu a\ s'en deffaire. Maisy a-t-il rien de plus facile que l'accommoder son esprit a\ la raison en des choses de cette natu- re, ou\il ne s'agit pas de combattre des passions, ny de mauuai- 8 ses habitudes, qu'il est si difficile de vaincre, mais qui vent seu- lement qu'on suiue l'Vsage, & qu'on parle & qu'on escriue comme la plus saine partie de la Cour & des Autheurs du temps, en quoy il n'y a nul combat a\ rendre, ny nul effort a\ faire a\ qui n'abonde pas en son sens. Ie me suis un peu estendu sur ce suiet, pour ne pas toucher legerement undefaut si impor- tant, si general, & d'autant moins pardonnable a\nos excellens Escrivains, que plus les visages sont beaux, plus les taches y paroissent. Quelque reputation qu'on ayt acquise a\ escrire, on n'a pas acquis pour cela l'authorite/ d'establir ce que les autres condamnent, ny d'opposer son opinion particuliere au torrent de l'opinion commune. Tous ceux qui se sont flattez de cette creance, y ont mal reu%ssi, & n'en ont recueilli que du blasme, car comme l'esprit humain est naturellement plus porte au mal qu'au bien, il s'attachera plustost a\ reprendre deux ou trois fautes, comme on ne peut pas appeller autrement ces singulari- tez affecte\es, qu'a\lou%er mille choses dignes de lou%ange & d'ad- miration. Mais ie ne veux rien laisser a\ dire de l'Vsage, qui est le fondement & la reigle de toute nostre langue, esperant qu'a mesure que j'approfondiray cette matiere, on reconnoistra de quelle utilite/ peuuent estre ces Remarques'. Nous avons dit qu'il y a@ un bon un mauuais Vsage; @& j'adoiuste que@ lebon @se diuise encore en@ l Vsage declare/, @& en@ l'Vsage douteux. @Ces Remarques servent a\ discerner e/galement l'un & l'autre, & a\ s'asseurer de tous les deux.@ L'Vsage declare/ @est celuy dont on sc#ait asseure/ment, que la plus saine partie de la Cour, & des Autheurs du temps, sont d'accord, & par conse- quent@ le douteux @ou@ l'inconnu @est celuy, dont on ne le sc#ait pas. Or il peut arriver en plusieurs fac#ons qu'on l'ignone Premierement 9 Premierement lors que la prononciation d'un mot est douteuse, & qu'ainsi l'on ne sc#ait comment on le doit pronocer; car le premier Vsage comme nous avons desia dit, se forme par la paro- le prononce/e, & rien nes escrit, que la bouche n'ayt profere/ au- paravant; de sorte que si la pronociation d'un mot est ignore\e, il faut de necessite/ que la fac#on dont il se doit escrire, le soit aussi. Par exemple on demande dans une de mes Remarques, s'il faut escrire@ Ie vous prens tous a\ tesmoin, @ou@ ie vous prenstous a\ tesmoins, @& dans uneautre on demande en- core si l'on escrira@ C'est une des plus belles actions qu'il ayt iamais faites, @ou@ qu'il ayt iamais faite @d'ou\ naissent ces deux doutes? de ce que soit que l'on die@ tesmoin @ou@ tes- moins, faite, @ou@ faites, @au pluriel ou au singulier, on ne pro- nonce point l's, & ainsil' on ne sc#ait comment on le doit escrire De mesme dans une autre Remarque on demande s'il saut dire@ en Flandre, @ou@ en Flandre, la Flandre, @ou@ la Flandres. @Pourquoy cette question? parce que l's ne s'y prononce point, scit qu'elley soit ou qu'elle n'y soit pas. On en peut dire autant de l'r ences deux mots@ apres souper, & apres soupe/. @En voi- cy un autre exemple d'une autre espece, on demande s'il faut es- crire@ Parallele selon son origine Grecque, avec une l a\ la fin & deux au milieu, ou avec une l au milieu & deux a\ la fin; & la raison d'en douter est, que la prononciation ne marque point ou\ I'l se redouble, & qu'en quelque lieu que ce redoublement se face, le mot se prononce de meseme. I'en ay donne/ divers exem- ples, outre plusieurs autres qui se trouueront dans mes Remar- ques, parce que de toutes les causes qui font douter de l'Vsage, celle-cy est la principle, & da la plus grande estendue%, & en ces exemples-la\, le doutey est tout entier, parce qu'il n'y aucu- ne difference dans la prononciation; mais en voicy un autre ou\ 10 il y a de la difference, & neantmoins parce qu'elle n'st pas bien remarquable, & qu'on a quelque peine a\ discerner lequel des deux on prononce, comme i'en ay traitte/ en son lieu que l'on pourra voir, on n'a pas laisse/ de demander s'il falloit dire@ ham- pe, @ou@ hante, & @ce doute assevrement n'est prouenu que de celuy de la prononciation, & ainsi de plusieurs autres. La seconde cause de doute de l'Vsage, c'est la rarete/ de l'@Vsa- ge, @parexemple, il y a de certains mots dont on use rarement, & a\ cause de cela on n'est pas bien esclaircy de leur genr e, s'il est masculin on feminin, de forte que comme on ne sc#ait pas bien de quelle fac#on on les dit, on ne sc#ait pas bien aussi de quelle fac#on il les faut escrire, comme tous ces noms,@ epigram- me, epitaphe, epithete, epithalame, anagramme, @& quantite/ d'autres de cette nature, sur tout ceux qui com- mencent par une voyelle, comme ceux-ey, parce que la voyel- le de l'article qui va deuant se mange, & oste la connoissance du genre masculin ou feminin; car quand on prononce ou qu'on escrit l'@epigramme, @ou@ une epigramme, @l'oreille nesc#au- roit iuger du genre. La troisiesme cause du doute de l'Vsage est quand on oyt dire, & qu'on voit escrire une chose en deux fac#ons, & qu'on ne sc#ait la quelle est la bonne, comme la coniugaison du preterit sim- ple@ vesquit & vescut @en toutes les personnes & en tous les nombres, les uns mettant l'@i @partout, & les autres l'@v. @En quatriesme lieu on doute de l'Vsage, lors qu'il a quel- que exception aux reigles les plus generales, comme par exem- ple, quand on demande s'il faut dire en parlant d'un liure,@ I'y leue%, I'y ay veu quelque chose qui n'est pas si excel- lent, @ou@ si excellente, @parce que@ chose @estant femmin, il 11 faudroit selon la reigle generale que l'adiectif ou le participe qui s'y rapporte fust feminin aussi. En cinquiesme lieu on doute de l'Vsage en beaucoup de con- structions grammaticales, ou\ l'on ne prend pas garde en par- lant, & parce que le premier Vsage, & qui donne d'ordinaire la loy, est comme nous avons dit, l'Vsage de la parole pronon- ce/e, il s'ensuit que comme on ne sc#ait pas de quelle fac#on l'on pro nonce une chose, on ne peut pas sc#auoir ausside quelle fac#on il la faut escrire, ces Remarque en fournissent des exemples. Enfin on doute de l'Vsage en beaucoup d'autres fac#ons qui se voyent dans ces Remarques, & qu'il seroit trop long de rap- porter dans une Preface. Mais par quel moyen est-ce donc que l'on peut s'esclaircir de ce/t Vsage, quand il est douteux & inconnu$? ie respons que si ce doute procede de la prononciation, comme aux premiers exemples que nous avons donnez, il faut necessairement avoir recours aux peut apprendre de la prononciation; car par exemple on sc#aura bons Autheurs, & apprendre de l'orthographe ce que l'on ne bien par l'orthographe s'ils croyent qu'il faille dire,@ Ie vous prens tous a\ tesmoin, @ou@ a\ tesmoins, @ce quel' on ne peut sc#auoir par la prononciation; mais si dans les Autheurs ny l'un ny l'autre ne s'y trouue, parce que l'occasion ne s'est pas presente/e de l'employer, ou quand il s'y trouueroit, on auroit bien de la peine a\ le rencontrer, ou peut-estre ne se trouueroit-il qu'en un ou deux Autheurs, quia moins que d'estre de la premiere Claffe n'auroient pas assez d'authorite pour seruir de loy, ny pour decider le doute? Alors voicy ce qu'il ya a\ afaire; Il faut consul- ter les bons Autheurs viuans, & tous ceux qui ont une parti- culiere connoissance de la langue, quoy qu'ils n'ayent rien donne/ au publicm comme nous en auons un tres-bon nombre a\ Paris, 12 & ayant pris leur opinion s'en tenir a\ la pluralite/ des voix; Que si elles sont partage/es, ou en balance, il sera libre d'user tantost de l'une des fac#ons & tantost de l'autre, ou bien de s'attacher a\ ce- luy des deux partis, auquel on aura le plus d'inclination, & que l'on croirale meilleur. Ce n'est pas encore tout, il faut sc#auoir par quelle voye ceux que vous consulerez ainsi, s'esclairciront eux- mesmes du doute que vous leur demandez, puis qu'ils ne le pour- ront pas faire par la parole prononce/e, ny par la parole escrite. Certainement ils ne s'en sc&auroient esclaircir, que par le moyen de l'@Analogie, @que toutes les langues ont tousiours appelle/e a\ leur secours au defaut de l'Vsage. Cette@ Ananlogie @n'est au- tre chose en matiere de langues, qu'un Vsage general & esta- bly que l'o%n veut appliquer en cas pareil a\ certains mots, ou a\ certaines phrases, ou a\ certaines constructions, quin' ont point encore leur vsage declare/, & par ce moyen on iuge quel doit estre ou quel est l'vsage particulier, par la raison & par l'exem- ple de l'Vsage general; ou bien l'@Analogie @n'est autre cho- se qu'vn usage particulier, qu'en cas pareil infere d'un Vsage general qui est defia estably; ou bien encore, c'est une ressemblance ou une conformite/ qui trouue aux chose desia establies, sur laquelle on se fonde comme sur un patron, & sur un modelle pour en faire d'autres toutes semblables. Voyons en un exemple, afin qu'il face plus d'impression, & donne plus de lumiere, & nous seruons du mesme que nous avons allegue/. On est en doute s'ilfaut dire@ Ie vous prens tous a\ tesmoin, @ou@ a\ tesmoins, @la prononciation comme l'ay fait voir, ne nous en peut esclaircir, les meilleurs Autheurs peut estre n'ont point eu occasion d'escrire ny l'un ny l'autre, & si quelqu'un l'a escrit, on ne scauroit ou\ l'aller chercher; cependant on a besoin de ce terme, & il faut prendre party, quel remede? il en faut consul- 13 ter les Maistres uivans, mais ces Maistres de qui l'appren- dront-ils eux mesmes? de l'@Analogie, @carils raisonnent ainsi; Ii n'y a point de doute que l'on dit & que l'on escrit,@ Ie vous prens tous a\ partie, @& non pas a\@ parties, @&@ ie vous prenstous a\ garent @& non pas a\@ garens: @donc par Analo- gie & parressemblance il faut dire@ ie vous prens tous a\ tes- moin, @& non pas a\@ tesmoins. @Cela est encore confirme/ par une autre sorte d'Analogie, qui est celle de certains mots ou de certaines phrases, qui se disent adverbialement, & pas conse- quent indeclinablement, comme@ ils se font fort de faire ce- la, @& non pas@ ils se font forts, ils demeurerent court, @& non pas@ ils demeurerent courts; fort, @&@ court @s'em- ployment la adverbialment;@ a\ tesmoin @se peut dire de mesme. Donnons encore un exemple de l'@Analogie. @On est en doute si au preterit defini ou simple@ Fuis @en toutes ses personnes & en tous ses nombres est d'une syllabe ou de deux. La prononciation, ny l'orthographe ne nous en apprennent rien; a\ qui faut-il donc auoirrecours? a\ l'@Analogie. @l'en ay fait une Remarque bien ample que le Lecteur pourra voir. De tout ce discours il s'ensuit quenostre langue n'est fande/e que sur l'Vsage ou sur l'@Analogie, @laquelle encore n'est distin- gue/e de l'Vsage, que comme la copie ou l'image l'est de l'original, ou du patron sur lequel elle est forme/e, tellement qu'on peut trancher le mot, & dire que nostre langue n'est fonde/e que sur le seul Vsage ou de sia reconnu$, ou que l'on peut reconnoistre par les choses qui sont connue%s, ce qu'on appelle@ Analogie. @D'ou\ il s'ensuit encore que ceux-la\ se trompent lourdement, & pe chent contre le premier principe des langues, qui uevlent raison- ner sur la nostre, & qui condamnent beaucoup de fac#on de par- ler generalement receue%s, parce qu'elles sont contre la raison; car 14 la raison n'y est pont du tout considere/e, il n'y a quel' Vsage & l'Analogie, Ce n'est pas que l'Vsage pour l'ordinaire n'agisse avec raison, & s'il est permis de mesler les choses saintes avec les pro- phanes, qu'on ne puisse dire ce que i'ay appris d'ungrand hom- me, qu'en cela il est de l'Vsage comme de la Foy, qui nous oblige a\ croire simplement & aveugle/ment, sans que nostre raison y apporte sa lumiere naturelle; mais que neantmoins nous ne lais- sons pas de raisonner sur cette mesme foy, & de trouuer de la raison aux choses qui sont par dessus la raison. Ainsi l'Vsage est celuy auquel il se faut entierement sousmettre en nostre lan- gue, mais pourtant il n'en exclut pas la raison ny le raisonne- ment, quoy qu'ils n'ayent nulle authorite/s; ce que se voit claire- ment en ce que ce mesme Vsage fait aussi beaucoup de choses cotre la raison, qui non seulement ne laissent pas d'estre aussi bonne que celles ou\ la raison se rencontre, que mesmes bien souuent elles sont plus elegantes & meilleures que celles qui sont dans la raison, & dans la reigle ordinaire, iusques la\ qu'elles font une partie de l'ornement & de la beaute/ du langage. En un mot l'Vsage fait beaucoup de choses@ par raison, @beaucoup@ sans raison, @& beaucoup@ contre raison. Par raison, @comme la plus part des constructions grammaticales, par exemple, de ioindre l'adjectif au substantif en mesme genre & en mesme nom- bre; de ioindre le pluriel des verbes au pluriel des noms, & plu- sieurs autres semblebles;@ sans raison, @comme la variation ou la ressemblance des temps & des personnes aux conjugaisons des verbes; car quelle raison y a t'il que@ i'aimois @veuille plustost dire ce qu'il signifie que@ i'aimeray, @ou que@ i'aimeray @veu%il- le plustost dire ce qu'il signifie que@ i'aimois, @ny que@ ie fais, @&@ tu fais @se reslemblent plustost que la seconde & la troisiesme personne@ tu fais @&@ il fait@? Non pas que ie veu%ille dire que cet- 15 te variations se soit faite sans raison, puis qu'elle marque la di- uersite/ des temps & des personnes qui est necessaire a\ la clarte/ de l'expression, mais parce qu'elle se varie plustost d'une fac#on que d'autre par la seule fantaisie des premiers hommes qui ont fonde/ la langue. Toutes les conjugaisons anomales sont sans raison aussi; car par exemple, cette coniugaison@ Ie vais, tu vas, il va, nous allons, vous allez, ils vont @est sans raison;@ Et contre raison, @par exemple, quand on dit@ peril eminent @pour@ im- minent, recouuert @pour@ reouure/, @quand on fait regir le verbe non pas par le nominatis; mais par le genitif, & qu'on dit@ une infinite/ de gens croyent, @& plusieurs autres sembla- bles qui se voyent dans ces Remarques; car il ne faut pas dire que ce soit le mot collectif@ infinite/, @qui face cela, parce qu'e- stant mis avec un genitif singulier, ce seroit une faute de luy fai- re regir le pluriel, & de dire@ une infinite/ de monde croyent. @Ces Remarques fourniront grand nombre d'exem- ples de tous les trois, de ce que l'Vsage fait avec raison, sans rai- son, & contre raison, a\ quoy ie renuoye le Lecteur. Il reste encore a\ parler d'un certain@ Vsage @qui n'est point different de celuy que nous avons definy, puis qu'il n'est point contraire a\ la fac#on de parler de la plus saine partie de la Cour, & qu'il est selon le sentiment & la pratique des meilleurs Au- theurs du temps. C'est l'Vsage de certaines particules qu'on n'obserue gueres en parlant, quoy que si on les observoit, on en parleroit encore mieux; mais que le stile qui est beaucoup plus se- uere demande pour une plus grande perfection; Et c'est ce que l'on ne sc#auroit iamais, quand on auroit passe/ toute sa vie a\ la Cour, si l'on n'est consomme/ dans les bons Autheurs. Ce sont proprement les delicatesse & les mysteres du stile. Vous en trouuerez diuers exemples dans ces Remarques. Il suffira d'en 16 donner icy un ou deux pour faire entendre ce que c'est, comme d'escrire tousiours@ si l'on, @& non pas@ sion, @si ce n'est en cer- taius cas qui sont exceptez, & de mettre aussi tousiours@ l'on apres la conionction &, parce que le t, ne se prononce pas en cette conionctive. Au reste quand ie parle du@ bon Vsage, j'entens parler aussi du@ bel Vsage, @ne mettant point de difference en cecy en- tre le bon & le beau; car ces Remarques ne sont pas comme un Dictionnaire qui rec#oit toutes sortes de mots, pourueu qu'ils soient Franc#ois, encore qu'ils ne soient pas du bel Vsage, & qu'au contraire ils soient bas & de la lie du peuple. Mais mon dessein en ce/t oeuure est de condamner tout ce qui n'est pas du bon ou du bel Vsage, ce qui se doit entendre sainement, & selon mon intention, dont ie pen se avoir fait une declaration assez am- ple au commencement de cette Preface. Pour moy i'ay creu ius qu'icy que dans la vie ciuile, & dans le commerce ordinaire du monde, il n'estoit pas permis aux honneste gens de parler ia- mais autrement dans le bon Vsage, n'y aux bons Escriuains d'escri- re autrement aussi que dans le bon Vsage; Ie dis en quelque stile qu'ils escriuent, sans mesmes en excepter le bas; mais bien que ce sentimemt que i'ay du langage & du stile m'ait tousiours sem- ble veritable, neantmoins comme on se doit defier de soy mes- me, i'ay voulu sc#ouoir l'opinionde dnos Maistres, qui en de- meurent tous d'accord. Ainsi ce bon Vsage se trouuera de grande estendue%, puis qu'il comprend tout le langage des hon- nestes gens, & tous les stiles des bons Escriuains, & que le mauuais Vsage est renferme/ dnas le Burlesque, dand le Co- mique en sa propre signification, commenous avons dit, & le Satyrique, qui sont trois genres ou\ si peu de gens s'occupent, qu'il n'y a nulle proportion entre l'estendue\ l'un & de l'autre. 17 Et il ne faut pas croire, comme font plusieurs, que dans la con- uersation, & dans les Compagnies il soit permis de dire en tail- lant unmauuais mot, & qui ne soit pas du bon usage; ou\ si on le dit, il faut avoir un grand soin de faire connoistre par le ton de la voix & par l'action, qu'on le dit pour rire ;car autrement cela feroit tort a\ celuy qui l'auroit dit, & de plus il ne faut pas en faire mestier, on se rendroit insupportable parmy les gens de la Cour & de condition, qui ne sont pas accoustumez a\ ces sortes de mots. Ce n'est pas de cette fac#on qu'il se fautimaginer que l'on passe pour homme de bonne compagnie; entre les fausses galan- teries, celle cy est des premiers, & i'ay ueu souuent des gens qui usant de ces termes & faisant rire le monde, ont creu avoir reussi & neantmoins on se rioit d'eux, & l'on ne rioit pas de ce qu'ils avoient dit, comme on rit des choses agreables & plaisantes. Par exemple ils disoient@ boutez vous la\, @pour dure@ mette-vous la\, ne demarez point, @pour dire@ ne bougez de vostre place, @& le disoient en raillant, sc#a- chant bien que c'estoit mal parler, & ceux mesme qui l'oyoient, ne doutoient point que ceux qui le disoient ne le sceussent, & avec tout cela, ils ne la pouuoient souffrir. Que s'ils repartent qu'il ne faut pas dans la conversation ordinaire parler un langage souste- nu, ie l'auoue%; cela seroit encore en quelque fac#on plus insuppor- table, & souuent ridicule; mais il y a bien de la difference entre un langage soustenu, & un langage compose/ de mots & de phrases du bon Vsage, qui comme nous avons dit, peut estre bas & familier, & du bon Vsage tout ensemble; Et pourescrire, i'en diray de mesme, que quand i'escrirois a\ mon fermier, ou a\mon valet, ie ne voudrois pas me seruir d'aucun mot qui nefust du bon Vsage, & sans doute si ie le faisois, ie ferois une faute en ce genre. 18 De ce grand Principe, que@ le bon Vsage @est le Maistre de nostre langue, il s'ensuit que ceux-la\ se trompent, que en don- nent tout la iurisdiction@ au peuple, @abusez par l'exemple de la langue Latine mal entendu, laquelle, a\ leur auis, reconnoist lepeu- ple pour son Souuerain; car ils ne considerent pas la difference qu'il y a entre@ populus @en Latin, &@ Peuple @en Franc#ois, & que ce mot de@ Peuple @ne signifie aujourd' huy parmy nous que ce que les Latins appellent@ Plebs, @qui est unechose bien diffe- rente & au dessous de@ Populus @en leur langue. Le Peuple com- posoit auec le Senat tout le corps de la Republique, & compre- noit les Patriciens, & l'Ordre des Cheualiers avec le reste du Peuple. Il est vray qu'encore qu'il faille avou%er que les Romains n'estoient pas faits comme tous les avtres hommes, & qu'ils ont surpasse/ toutes les Nations de laterre en lumiere d'entendement, & en grandeur de courage, si est ce qu'il ne faut point douter, qu'il n'y eust diuers degrez, & comme diverses classes de suffi- sance & de politesse parmy ce peuple, & que ceux des plus bas estages n'vsassent de beaucoup de mauuais mots & de mauuai- ses phrases, que les plus e/leuez d'entre eux condemnoient. Tel- lement que lors qu'on disoit que le Peuple estoit le Maistre de la langue, cela s'entendoit sans doute de la plus saine partie du peu- ple, comme quand nous parlons de la Cour & des Autheurs, nous entendons parler de la plus saine partie de l'un & del' au- tre. Selon nous,@ le peuple n'est le maistre que du mau- uais Vsage, @&@ le bon Vsage est le maistre de nostre langue. @De ce mesme principe il s'ensuit encore que ce sont des plain- tes bien vaines & bien iniustes, que celles de quelque Escriuains modernes, qui ont tant declame/ contre le soin de la purete/ de lan- gage, & contre ses partisans. Ils e'escrient sur ce sujet en des 19 termes estranges, & alleguent des Autheurs, qui en verite\ ne disent rien moins que ce qu'ils leur font dire. Trois raisons m'em- peschent de nommer ceux qui les alleguent, & qui par avan- ce semblent auoir pris a\ tasche d'attaquer ces Remarques, dont ils sc#auoient le projet. L'une que ce sont des personnes que ie fais profession d'honorer, l'autre qu'ils ont sagement proteste/ a\ l'entre/e de leurs Ouurages, qu'ils estoient prests de se departir de leur opinion, si elle n'estoit pas approuue/e; & pleust a\ Dieu que chacun en vsast ainsi; car a\ mon gre/il n'y a rien de beau & d'heroi%que, comme de se retracter genereusement, de/s qu'ils apparoist qu'on s'est trompe/. Et enfin parce que lors qu'ils ont escrit, ils n'estotent pas encore initiez aux mysteres de no- stre langue, ou\ depuis ils ont este/ admis, & sont entrez si avant, qu'ils ont pris des sentimens tout contraires; mais en attendant qu'ils ayent le loisir ou l'occasion d'en rendre un tes- moignage public, ie ne dois pas diffimuler qu'ils ont fait un mal qui demande un prompt remede, a\ cause que leurs Livres, qui ont le cour & l'estime qu'ils meritent, peuuent faire une mauuaise impression dans les esprits, & retarder en quelques- uns le fruit legitime de ce travail. Il ne faut qu'un mots pour destruire tout ce qu'ils disent, c'est@ l'Vsage; @car toute cette pu- rete/ a\ qui ils en veulent tant, ne consiste qu' a\ user de mots & de phrases, qui soient du bon Vsage; Il s'en suit donc que s'il n'im- porte pas de garder cette purete/, il n'importe pas non plus de parler ou d'escrire contre le bon Vsage. U a-t-il quelqu'un qui osast dire cela? Il n'y a que ces Messieurs, qui donnent@ au peu- ple, @comme i'ay dit, l'empire abosolu du langage, & qui dans tous ces beaux raisonnemens qu'ils sont sur la langue, ne par- lent iamais de l'Vsage, semblables a\ ceux qui traiteroient de l'Ar- chitecture sans parler du niveau ny de l'esquierre, ou de la Geo- 20 metrie pratique sans dire un seul mot de la reigle ny du compas. Puis donc que le bon Vsage est le Maistre, faut-il prendre a\ partie ceux qui rendent ce service au public de remarquer les mots & les phrases qui ne sont pas de ce/t usage, sont-ce eux, qui font le bon ou le mauuais usage comme ils veulent? Aucon- traire bien souuent quand un mot ou une fac#on de parler est condamne/e par le bon Vsage, ils y ont autant de regret que ceux qui s'en plaignent; mais quoy? il faut se sousmettre malgre/ qu'on en ait, a\ cette puissance souueraine. Qeu s'il s'oponiastrent a\ ne le pas faire, ils en verront le succe/s, & quelrang on leur don- nera parmy les Escriuains. Il ne faut qu'un mauuais mot pour faire mespriser une personne dans une Compagnie, pour def- crier un Predicteur, un Aduocat, un Escriuain. Enfin, un mauuais mot, parce qu'il est aise/ a\ remarquer, est capable de faire plus de tort qu'un mauuais raisonnement, dont peu de gens s'apperc#oiuent, quoy qu'il n'y ait nulle comparaison de l'un a\ l'autre. Quant a\ ce grand nombre d'allegations qu'ils ont ra- masse/ contre le soin de la purete/, il n'y en a pas une seule qui prouue ce qu'ils pretendent, ny qui en approche; car qui seroit l'Autheur celebre ou mediocrement sense/, qui se seroit auise\ de dire, qu'il ne faut point se soucier de parler ny d'escrire pure- ment? Elles sont toutes, ou contre ceux qui ont beaucoup plus de soin des paroles que des choses, ou qui pechent dans une trop grande affectation, soit de paroles, soit de figures, soit de perio- des, ou qui ne sont iamais satisfaits de leur expression, & qui ne croyent pas quel a premiere qui se presente, puisse iamais estre bonne; qui sont toutes choses que nous condamnons aussi bien qu'eux, & qui n'ont rien de commun avec le sujet que nous traitons. Il ne faut que voir dans leur source les passages qu'il ont citez, pour iustifier tout ce que ie dis; car pour le Gram- 21 mairien Pomponius Marcellus, ces Messieurs se sont accroire, qu'il s'estoit rendu extremement i%mportun & mesme ridicule, a\ force d'estre exact observateur de la purete/ de sa la/ngue. Sue tone de qui ils ont pris ce passage, ne dit nullement cela; le ne veux pas dire aussi, qu'on l'ait allegue/ non plus que les autres, de mauuaise foy, ie croirois plustost que c'est par surprise, ou par negligence, & faute de la lire attentiuement; parce que tout le blasme que donne Suetone a\ ce Grammairien, ne consiste qu'en sa fac#on de proceder, & nonn pas au soin qu'il auoit de la purete/ de langage; car voicy l'histoire en deux mots. Il plaisoit une cause, & Cassius Seuerus qui plaidoit contre luy, contenter de l'en railler en passant, comme eust fait un honneste homme, s'emporta contre luy avec tant de violence, & luy re- procha si souuent cette faute, que ne cessant de crier & de redi- re tousiours la mesme chose avec exaggeration, il se rendit in sup- portable. Cassius Seuerus pour s'en mocquer, demanda du temps aux luges, afin que sa partie peust se pouruoir d'un autre Grammairien, parce qu'il voyoit bien qu'il ne s'agissoit plus que d'un solecisme, qui estoit deuenus le noeud de l'affaire, ex- posant ainsi a\ la rise\e de tout le monde l'impertinence du Pe- dant. Par ce seul passage, iugez, ie vous prie, de tous les autre. Prouue-t-il qu'on se rende ridicule en observant la purete/ du langage? la Grammairien n'avoit-il pas eu raison de reprendre la faute que Cassius Severus avoit faite? car on ne peut pas di- re que ce ne fust une faut, & des plus grossieres, puis que Sue- tone la nomme un solecisme. En quoy donc ce Grammairien a-t-il man que/? en son procede/ Pedante que; comme il arrive en la correction fraternelle, quand elle n'est pas faite avec la dif- cretion qu'il faut; le peche/ que l'on reprend ne laisse pas d'estre 22 peche/, & d'estre bien repris; mais on ne laisse pas aussi de re- predre d'indiscretion celuy qui a fait la correction mal a\ propos. Il a fallu un peu s'estendre sur ce passage, parce que ces Messieurs en font leur espe/e & leur bouclier. Pour nous, ce seroit se mettre en peine de prouuer le iour en plein midy, que d'alleguer des Autheurs en saueur de la purete/ du langage. Ils se presentent en foule de tous costez; mais le seul Quintilien suffit, & de tous ses passages il n'en faut qu'un seul qui en vaut mille, pour defendre ce petit travail & la purete/ de la langue.@ An ideo, @dit-il,@ minor est M. Tullius Orator quo\d idem artis huius (@scilicet Grammaticae@) diligentissi- mis fuit, & in filio, ut in Epistolis apparet recte\ lo- quendi ac scribendi usquequa/que (@remarquez ce mot@) asper quoque exactor? aut ideo minu\s Messalla nitidus, quia quosdam totos libellos non de verbis modo\ singulis, sed etiam literis dedit? @c'est a\ dire, Quoy? Cicerona-t-il este/ moins estime/ pour avoir eu un soin extraoedi- naire de la purete/ du langage, & pour n'auoircesse/ de crier apres son fils, qu'il s'estudiast sur tout a\ parler & a\ escrire purement? & l'eloquence de Cesar a-t elle eu moins de force, quoy qu'il ait este/ si instruit &si curieux de la langue, qu'il a mesme fait des Liures de l'Analogie des mots? Et enfin doit-on moins faire d'estat de Messalla, pour avoir donne/ au public des Liures en- tiers, non seulement de tous les mots, mais de tous les caracte- res? Apres cela, oseroit-on dire, comme ils disent, car ie ne rap- porteray que leurs propres termes,@ que de s'occuper a\ ces matieres, soit un indice asseure/ do grande bassesse d'estprit, & que ceux dont le Genie n'a rien de plus a\ coeur que ce/t examen scrupuleux de parole, & j'ose 23 dire de syllables, ne sont pas pour reussir noblement aux choses serieuses, ny pour arriver iamais a\ la ma- gnisicence des pense/es? @Appellera-t-on ces Observation, comme ils sont,@ de vaines subtilitez, des scrupules im- perinens, des superstitions pueriles, des imagina- tions ridicules, des contraintes serviles, & en vn mot des bagatelles? @dira-t-on avec eux, que@ c'est une ges- ne que l'on s'impose, & que l'on veut donner aux autres? @dira-t-on que ces Remarques,@ n'ont rien a\ quoy un esprit s'il n'est fort petit se puisse attacher, & qu'elles sont capables de nous faire perdre la meil- leure partie de nostre langage, & que si l'on ne s'op- posoit aux vaines imaginations de ces esprits, qui croyent meriter beaucoup par ces sortes de subtili- tez, il ne faudroit plus parler du bon sens? @Et encore apres tout cela ils ajoustent,@ quils n'oseroient s'expli- quer de ce qu'ils pensent de tant de belles maximes. @quoy? n'en ont-ils point assez dit? que peuuent-ils dire ny pen- ser de pis sure ce suiet? Enfin dira-t-on avec eux,@ que c'est une grande misere de s'asseruir de telle sorte aux paroles, que ce soin prejudicie a\ l'expression de nos pense/es, & que pour e/uiter unediction mauuaise ou douteuse, on soit contraint de renoncer aux meilleu- res conceptions du monde, & d'abandonner ce qu'on a de meilleur dans l'esprit, @& mille autres hoses sembla- bles qui sont importunes a\ rappaorter. Il faut donc que ces Mes- sieurs ayent perdu ou supprime/ leurs plus belles conceptions dans ces Ouurages qu'ils ont faits contre mes Remarques, puis qu'ils ont eu grand soin de n'y mettre point de mauuais mots, en quoy il se voit que leur pratique ne s'accorde pas avec leur 24 theorie. Qui a lamais ou%y dire, que la purete/ de langage nous empesche d'exprimer nos pense/es? les deux plus eloquens hom- mes qui furent iamais, & dont le langage estoit si pur, Demo- sthene & Ciceron, n'ont-ils donc laisse/ a\ la osterite/ que leurs plus mauuaises pense/es, parce que cette scrupuleuse & ridi- cule purete/, a\ laquelle ils s'attachoient trop, les a empeschez de nous donner les bonnes? Ce qui a trompe/ ces Messieurs, c'est qu'ils ont confondu deux choses bien differentes, & qui toutefots sont bien aisees a\ distinguer, l'@Vsage public, & le caprice des particu- liers. @A la verite/, de ne vouloir pas dire que@ quel que chose s'abbat, @(ie ne rapporte icy que leurs exemples) a\ cause de l'al- lusion ou de l'equiuo que qu'il fait avec@ le Sabbat des Sot- ciers, @ny se seruir du mot de@ pendant, a\ cause@ d'vn pen- dant d'espe/e, @& plusieurs autres semblables, i'auou%e que cela est ridicutle, & digne desepithetes & de la bile de ces Mes- sieurs. Mais il en faut demeurer la\; car de passer de la fantaisie d'un particulier a\ ce que l'Vsage a estably, & de blasmer e/ga- lement l'un & l'autre, c'est ne sc#auoir pas la difference qu'il ya entre ces deux choses. Par exemple, ils se plaignent de ce qu'on n'oseroit plus dire@ face @pour@ visage, @si ce n'est en certaines phrases consacre/es; Est-ce une chose digne de rise/e, comme ils la nomment en tiomphant sur ce mot, de se sou$mettre a\ l'Vsage en cela, comme en tout le reste? c'est veritablement une chose di- gne de rise/e, qu'on ait commence/ a s'en abstenir par une raison si ridicule, & si impertinente, que celle que tout le momde sc#ait, & que ces Messieurs expriment, & l'on en peut dire autant de@ Poitrine @& de quelques autres; mais cette raison quoy qu'ex- travagante & insupportable a fait neantmoins qu'on s'est ab- stenu de le dire &de l'escrire, & que par cette discontinuation, 25 qui dure depois plusieurs anne/es, l'Vsage enfin l'amis hors d'v- sage pour ce regard; de sorte qu'en mesme temps que ie condamne la raison pour laquelle on nous a oste/ ce mot dans cette signifi- cation, ie ne laisse pas de m'en abstenir, & de dire hardiment qu'il le faut faire, sur peine de passer pour un homme quine sc#ait pas sa langue, & qui peche contre son premier principe qui est l'Vsage. Il est vray qu'il y a de certains mots, quine sont pas enco- re absolvment condamnez, ny generalement approuuez, com- me@ au surplus, affectueusement, a\ present, aucune- fois, @& plusieurs autres semblables. Ie ne voudrois pas blas- mer ceux qui s'en servent; mais il est tousiours plus seur de s'en abstenir, puis qu'ausi bien on s'en peut passer, & faire des volumes entiers tres-excellens sans cela. Ces Messieurs pour grossir leurs plaintes, & rendre leur party plus plausi- ble, alleguent encore certains autres mots, dont ie n'ay ia- mais ou%y faire de scrupule, tant s'en faut que ie les aye ouy condamner, comme ces adverbes,@ auiourd' huy, soigneuse- ment, generalement; @Cela m'a surpris. Il ne se faut ia- mais faire des chimeres pour les combattre. Pour ce qui est de ces deux mots,@ veneration @&@ souue- rainete/, @ou\ils troimphent aussi, il est vray que M. Coe%ffeteau n'aiamais voulu vser de l'un ny de l'autre; mais atousiours dit@ souueraine puissance, @pour@ souuerainete/, & avoir en grande reuerence, @pour@ avuoir en grande veneration. @Neantmoins de son temps il n'y a eu que luy, qui ait eu ce scrupu- le, en quoy il n'a pas este/ lou%e, ny suiuy. L'un & l'autre sont fort bons, & particulierement,@ veneration, @que t'aymerois mieux dire que@ reuerence, @quoy qu'excellent en la phrase que i'ay rap- porte/e. Pour@ souuerainete/, @il y a des endroits dans le genre 26 sublime, ou\@ souueraine puissance, @seroit beaucoup plus elegant que@ souuerainete/. Voila\ quant@ aux mots. @Leurs plaintes ne sont pas plus iustes pour@ les phrases. @Ils ne peuuennt souffrir qu'on s'as- sujettisse a\ celles qui sont de la langue, & nous accusent de la rendre pauure sur ce mauuais fondement que nous posons,@ disent ils, @que ce qui est bien dit d'une sorte,@ ce sont leurs termes, @est par consequent mauuais de l'autres. Il est indubitable que chaque langue ses phrases, & que l'essence, la richesse, & la beaute/ de toutes les langues, & de l'elocution, consistent principalement a\ se seruir de ces phrases la\. Ce n'est pas qu'on n'en puisse faire quilquefois, comme i'ay dit dans nes Remarques, au lieu qu'il n'est iamais permis de faire des mots; mais il y faut bien des precautions, entre lesquelles cel- le-cy est la principale, que ce ne soit pas quand l'autres phrase qui est en vsage aproche fort de celle que vous inuentez. Par exemple, on dit a'ordinare@ leuer les yeux au ciel, @(ie n'allegue que les exemples de ces Messieurs) c'est parler Franc#ois que de parler ainsi; neantmoins comme ils croyent qu'il est tousiours vray, que ce qui est bien dit d'une fac#on n'est pas mauuais de l'autre, ils trouuent bon de dire aussi@ e/le- uer les yeux vers le ciel, @& pensent enrichir nostre lan- gue d'une nouuelle phrase; mais au lieu de l'enrichir, ils la cor- rompent; car son genie veut que l'on die@ leuez, @& non pas@ e/leuez les yeux, au ciel, @& non pas@ vers le ciel. @Ils s'es- crient encore, que si nous en sommes creus,@ Dieu ne sera- plus supplie/, @mais@ seulement prie/. @Il soustiens avec tous ceux qui sc#avent nostre langue, que@ supplier Dieu @n'est point parler Franc#ois, & qu'il faut dire absolvment@ prier Dieu, @sans s'amuser a\ raisonner contre l'Vsage, qui le veut ainsi.@ 27 Quitter l'enuie @pour@ perdre l'enuie, @ne vaut rien non plus. Ie ne me suis seruy que de leurs exemples; mais pour fortifier encore cette verite/, qu'il n'est pas permis de faire ainsi des phrases, ie n'en allegueray qu'une, qui est que l'on dit@ abonder en son sens, @& non pas@ abonder en son sen- timent, @quoy que@ sens, @&@ sentiment @ne soient icy qu'une mesme chose, & ainsi d'une infinite/ d'autres, ou plustost de toute la langue, dont on sapperoit les fondemens, si cette fa- c#on de l'enrichir estoit receuable. Enfin ils finissent leurs plaintes par ces mots,@ qu'il n'en faut pas dauantage pour vous conuaincre, que vous n'estes pas dans la purete/ du beau langage, que de vous seruir d'une diction qui entre dans le stile d'un Notaire; @Les termes de l'art sont tousiours fort bons & fort bien receus dans l'estendue% de leur iurisdiction, ou\ les autres ne vaudroient rien; & le plus habile Notaire de Paris seren- droit ridicule, & perdroit toute sa pratique, s'il se mettoit dans l'esprit de changer son stile, & ses phrases pour pren- dre celles de nos meilliurs Escriuains; Mais aussi que diroit- on d'eux s'ils escriuoient,@ Iceluy, joc#oit que, ores que, pour & a\ icelle fin, @& cent autre semblables que les No- taires employent? Ce n'est pas pourtant une consequence, com- me ces Messieurs nous la veulent faire saire, que toutes les di- ctions qui etrent dans le stile d un Notaire, soient mauuai- ses; au contraire, la plus part sont bonnes, mais on peut dire sans blesser une profession si necessaire dans le monde, que beau- coup de gens vsent de certains termes, qui sentent le stile de No- taire, & qui dans les actes publics sont-bons, mais qui ne valent rien ailleurs. On m'objection, que puis que l'Vsage est le maistre de 28 nostre langue, & que de plus il est changeant, comme il se vois par plusieurs de mes Remarques, & par l'experience publi- que, ces Remarques ne pourront donc pas seruir long temps, parce que ce qui est bon maintenant, sera mauuais dans quel- que anne/es, & ce qui est mauuais sera bon. Ie respons, & i'a- uoue%, que c'est la destine/e de toutes les langues vivantes, d'estre suietes au chagement, mais ce changement n'arrive pas si a\ coup, & n'est pas si notable, que les Autheurs qui excellent aviourd huy en la langue, ne soient encore infiniment estimez d'icy a\ vingt-cinq ou trente ans, comme nous en avons un exemple illustre en M. Coe%ffeteau, qui conserve tousiours le rang glorieux qu'il s'est acquis par sa Traduction de Florus, & par son Histoire Romaine; quoy qu'il y ait qulques mots & quelques fac#on de parler, qui florissoient alors, & qui de- puis sont tombe/es comme les feu%illes des arbres. Et quelle gloire n'a point encore Amyot depuis tant d'anne/es, quoy qu'il y ait un si grand changement dans le langage? quelle obligation ne luy a point nostre langue, n'y ayant iamais eu personne, qui ait use/ de mots, ny de phrases si naturellement Franc#oi- ses, sans aucun meslange des fac#on de parler des Prouin- ces, qui corrompent tous les iours la purete/ du uray lan- gage Franc#ois. Tous ses magazins & tous ses thresors sont dans les Oeuures de ce grand homme, & encore aujourd' huy nous n'avons gueres de fac#ons de parler nobles & magnifi- ques, qu'il ne nous ait laisse/es; & bien que nous ayons re- tranche/ la moitie/ de ses phrases & de ses mots, nous ne laissons pas de trouuer dans l'autre moitie/ presque toutes les richesses dont nous nour vantons, & dont nous faisons parade. Aussi semble-t-il disputer le prix de l'eloquence Historique son 29 Autheur, & faire douter a\ ceux qui sc#auent parsaitement la langue Grecque & la Franc#oise, s'il a accreu ou diminue/ l'honneur de plutarque en le traduisant. Que si l'on avoit esgard a\ ce changement,en vain on tra- uailleroit aux Grammaires & aux Dictionnaires@ des lan- ques viuantes, @& il n'y avroit point de Nation qui eust le cou- rage d'escrire en sa langue, ny da la cultiver, ny nous n'aurions pas aviourd' huy ces Ouurages merueilleux des Grecs & des Latins, puis que leur langue en ce temps la\ n'estoit pas moins changeante que la nostre, & que les autres vulgaires, tesmoin Horase.@ Multa renascentur quae jam cecidere, &c. @Mais quand ces Remarques ne seruiroient que cingi- eing ou trente ans, ne seroient-elles pas bien employe/es? & si elles estoient comme elles eussent peu estre, si un meilleur ouurier que moy y eust mis la main; combien de personnes en pourroient-elles profiter durant ce temps-la\? Et toutefois ie ne demeure pas d'accord,que toute leur utilite/ soit borne/e d'un si petit espace de temps, non seulement parce qu'il n'y a nulle proportion entre ce qui se change, & ce qui demeure dans la cours de vingt cinq ou trente anne/es, le changement n'arriuant pas a/ la milliesme partie de ce qui demeure; mais a\ cause que ie pose des principes qui n'auront pas moins de du- re/e que nostre langue & nostre Empire; Car il ser a tousiours vray qu'il y aure un bon & un mauuais Vsage, que le mauuais sera compose/ de la pluralite/ des voix, & le bon de la plus saine partie de la Cour, & des Escriuains du temps; qu'il faudra tousiours parler & escrire selon l'Vsage qui se forme de la Cour & des Autheurs, & que lors qu'il sera douteux ou incaonnu, il en faudra croire les maistres de la langue, & les meilleurs Escri- 30 uains. Ce sont des maximes a\ ne changer iamais, & qui pour- ront servir a\ la prosterite/ de mesme qu' a ceux qui uivent aujour- d'huy, & quand on changera quelque chose de l'Vsage que j'ay remarque/, ce sera encore selon ces mesmes Remarqes que l'on parlera & que l'on escrira autrement, pour ce regard, que ces Remarques ne portent. Il sera tousiours vray aussi, que les Reigles que te donne pour la nettete/ du langage ou du stile subsisteront, sans iamais receuoir de changement. Outre qu'en la construction Grammaticale les changemens y sont beaucoup moins frequens qu'aux mots & aux phrases. A tout ce que ie viens de dire en faueur de mes Remarque contre le changement de l'Vsage, un de nos Maistres ajouste encore une raison, qui ne peut pas venir d'un esprit, ny d'une suffisnce vulgaire. Il soustient que quand une langue a nombre & cadence en ses periodes, comme la Franc#oise l'a mainte- nant, elle est en sa perfection, & qu'estant venue% a\ ce point, on en peut donner des reigles certaines, qui dureront tousiours. Il appuye son opinion sur l'exemple de la langue Latine, & dit que les reigles que Ciceron a observe/es, & toutes les di- ctions & toutes les phrases dont il s'est seruy, estoient aussi bonnes & aussi estime/es du temps de Seneque, que quatre- vingts ou cent ans auparauant, quoy que du temps de Seneque on ne parlaest pas comme au siecle de Ciceron, & que la langue fust extremement descheue%. Mais comme il se rencontre en cela beaucoup de difficultez, qui demandent une longue discus- sion, il n'appartient qu'a l'Autheur d'une eruditionsi exquie de les desmesler, & d'en avoir toute la glorie. Pour moy, c'est assez qu'il m'ait permis d'en toucher un mot en passant, & d'attacher cette piece comme un ornement a\ ma Preface. Mais puis que i'ay resolu de traiter a\ fond toute la matiere 31 de l'Vsage, il faut voir s'il est vray, comme quelques uns le croyent, qu'il y ait de certains mots qui n'ont iamais este/ dits & qui neantmoins ont quelquefois bonne grace; mais que tout consiste a\ les bien placer. En voicy un exemple d'un des plus beaux & des plus ingenieux estprits de nostre siecle, a\ qui il de- vroit bien estre permis d'inventer au moins quelques mots, puis qu'il est si fertile & si beureux a\ inventer tant de belles choses en toutes sortes de sujets, entre lesquels il y en a vn d'une invention admirable, ou\ il a dit,@ Dedale n'avoit pas de ses rames plumeuses Encore trauerse/ les ondes escumeuses. @Il a fait ce mot@ Plumeuses, @qui n'aiamais este/ dit en no- stre langue; il est vray que ce n'est pas un mot tout entier, mais seulement allonge/, puis que d'un mot receu@ plume, @il a fait@ plumeux, @suiuant le conseil du Poe%te, dont nous avons desia parle/@ Licuit, sempe/rque licebit, &c. @Et certainement il l'a si bien place, que s'il en faut rece- voir quelqu'un, celuy-cy merite son passeport. Mais avec tout cela ie me contente de ne point blasmer ceux, qui ont ces belles hardiesses, sans les vouloir imiter, ny les conseiller aux avtres, nostre langue les souffrant moins que langue du mon- de, & estant certain qu'on ne les sc#auroit si bien mettre en quure, que la plus part ne les condamnent. Il n'est permis a\ qui que ce foit de faire de nouueaux mots, non pas mesme au Sou- uerain; de sorte que M. Pomponius Marcellus eut raison de reprender Tibere d'en avoir fait un, & de dire qu'il pouuoit bien donner le droit de Bovrgeosie Romaine aux hommes, mais non pas aux mots, son authorite/ ne s'estendant pas ius- que la\. Ce n'est pas qu'il ne soit vray, que si quelqu'un en 32 peut faire qui ait cours, il faut que ce soit un Souuerain, ou un Favory, ou unprincipal Ministre, non pas que de soy pas un des trois ayt ce pouuoir, comme nous venons de dire avec ce Grammairien Romain; mais cela se fait par accident, a\ cau- se que ces sortes de personnes ayant invente/ un mot, les Cour- tisans le recueillent aussi-tost, & le disent si souuent que les autres le disent aussi a\ leur imitation; tellement qu'enfin il s'establis dans l'Vsage, & est entendu de tout le monde; Car puis qu'on ne parle que pour estre entendu, & qu'un mot nouueau, quoy que fait par un Souuerain, n'en est aussipeu de mise & de service en son commencement, que si le dernier homme de ses Estats l'avoit fait. Enfin i'ay ou%y dire a\ un grand hom- me, qu'il est iustement des mots, comme des modes. Les Sages ne se hazardent iamais a\ faire ny l'un ny l'autres; mais si quel- que temeraraire, ou quelque bizarre, pour ne luy pas donner un autre nom, en veut bien prendre le hazard, & qu'il soit si heureux qu'un mot, ou qu'une mode qu'il aura invente/e, luy reu%ssisse; alors les Sages qui sc#avent qu'il faut parler & s'ha- biller comme les autres, suiuent non pas, a\ le bien prendre, ce que le temeraire a invente/; mais ce que l'Vsage a receu, & la bizarreries est e/gale de vouloir faire des mots & des modes, ou de ne les vouloir pas receuoir apres l'approbation publique. Il n'est donc pas vray qu'il soit permis de faire des mots, se ce n'est qu'on veuille dire, que ce que les Sages ne doivent iamais faire, soit permis. Cela s'entend des mots entiers; car pour les mots allongez ou deriuez, c'est autre chose, on les souffre quelque- fois, comme i'ay dit, suiuant le sens d'Horace, & le bel exem- ple que i'en ay donne. Peut estre quon trouuera estrange, que ie n'aye observe\ 33 aucun ordre en ces Remarques, n'y ayant rien de si beau ny de si necessaire que l'ordre en toutes choses; mais n'est-il pas vray que si i'eusse obserue\ celuy qu'on appelle alphabetique, on eust este/ content? Et la Table ne le fait elle pas? & enco- re avec plus d'avantage, puis que non sevlement elle reduit a\ l'ordre de l'Alphabet tot le texte des Remarques, qui est tout ce qu'on eust demande/; mais aussi toutes les choses prin- cipales qu'elles contiennent, qui est ce qu'on n'auroit pas eu sans la tables. Outre que ce/t ordre Alphabetique ne produit de soy autre chose, que de faire trouuer les matieres plus prompte- ment; c'est pourquoy il a tousiours este/ estime/ le dernier de tous les ordres, qi ne contribue% rien a\ l'intelligence des matieres que l'on traite; Et de fait pour en donner un exemple tout vi- sible, entendroit on mieux la remarque que ie fais sur ce mot@ amour, @& celle que ie fais sur la preposition@ avec, @s'ils estoient to us deux rangez sous une mesme lettre? ont-ils quel- que chose de commun ensemble, si ce n'est de commencer par une mesme lettre, que n'est rien? Mais on me dira, qu'il y avoit une autre espece d'ordre a\ garder plus raisonnable & plus utile, qui estoit de ranger toutes ces Remarques sous les neuf parties de l'Oraison, & de mettre ensemble premierement les articles, puis les noms, puis les pronoms, les verbes, les participes, les adverbes, les prepo sitions, les conionctions, & les interiections. Ie respons que ie ne nie pas que ce/t ordre ne soit bon, & si l'on iuge qu'il soit plus commode ou plus profitable au Lecteur, il ne ser a pas mal aise/par une seconde table, & par une seconde impression d'y re- duire ces Remarques, quoy que pour en parler sainement, il ne serviroit qu' a\ ceux qui sc#avent la langue latine, & par cons- quent toutes les parties de la Grammaire, car pour les autres 34 qui n'ayant point estudie/ ne sc#auront que c'est que de toutes les parties de l'Oraison, tant s'en faut que ce/t ordre leur agreast ny leur donnest avcun avantage, qu'il prourroit les effarou- cher, & leur faire croire qu'ils n'y comprendroient rien, quoy qu'en effest elles soient, ce me semble, conceue%s d'une sorte, que les femmes & tous ceux qui n'ont nulle teinture de la lan- gue Latine en peuuent tirer du profit. C'est pourquoy i'y ay mesle/ beaucoup moins d'erudition que la matiere n'en eust pu$ souffrir, & encore a\-ce este/ par l'auis de mes amis, & d'u- ne fac#on que le Latin, ny le Grece ne troublent point le Fran- c#ois. Et certainement si j'auois eu a\ faire une Grammaire, que dans l'ordre des parties de l'Oraison, a\ cause de la dependance qu'elles ont l'une de l'autre par un certain ordre fonde/ dans la nature, & non point arrive/ par hazard, comme Scaliger le Pere l'a admirablement demonstre/. Mais comme ie n'ay eu dessein que de faire des Remarques, qui sont toutes destache/es l'une de l'autre, & dont l'intelli- gence ne depend nullement, ny de celles qui precedent, ny de celles qui suivent, la liaison n'y eust seruy que d'embarras, & j'eusse bien pris de la peine pour rendre mon travail moins agreable, & moins utile; car il est certain que cette conti- nuelle diversite/ de matieres recre/e l'esprit, & le rend plus ca- pable de ce qu'on luy propose, sur tout quand le briefuete/ y est iointe, comme icy, & qu'on est asseure/ que chaque Remar- que fait son effet. Apres tout, il y a une certaine confusion qui a ses charmes, aussibien que l'ordre; toutesois ie ne tiens pas que ce soit une csnfusion qu'un meslang de diverses choses, dont chacune sul- siste separement. 35 l'ay eu encore une autre raison qui m'a oblige/ de n'obseruer point d'ordre, ie ne la veux point dissimuler. C'est que n'ayant pas acheue/ ces Remarques, quand ceux qui ont tout pouuoir sur moy, m'ont fait commencer a\ les mettre sous lapresse, i'ay eu moyen d'en ajouster tousiours de nouuelles, ce que ie n'eus- se pu$ faire si i'eusse suiuy l'un des deux ordres, dont ie viens de parler; Mais certainement quand tout auroit este/ acheue/, ie n'aurois pas laisse/. de les donner avec ce/t agreable meslange, pour les raisons que i'ay dites. On m'obiectera encore que toutes les fautes que ie remar- que, ie les attribue% a\ nos bons Autheurs, & qu'ainsi il n'y en a donc point selon moy, qui en soit exent! Ie l'auoue% avec tout le respect qui leur est deu, & ie ne crois pas, que comme ce sont tous d'excellens hommes, il y en ait un seul qui pre- tende, s'il est encore viuant, ou qui ait pretendu s'il ne l'est plus, d'estre impeccable en cette matiere, non plus qu'aux au- tres, ce seroit leur faire grand tort de penser qu'ils eussent ce sentiment d'eux mesmes:@ Magni homines sunt, homines tamen @Les uns pechent en se servant d'une locution@ du mauuais Vsage, @croyant qu'elle soit@ du bon, @& c'est la faute la plus ordinaire qui se commette; les autres, comme i'ay dit, par une certaine inclination qu'ils ont a\ user de certains mots, & de certaines phrases, que tous les autres desapprouuent; ou bien par une aversion qu'ils ont pour d'autres mots, ou d'autres termes qui sont bons, & que tout le monde approuue; les autres par negligence; les autres pour ne sc#auvoir pas tous les secrets de la langue; car qui se peut uanter de les sc#avoir? Et les autres par une authorite/ qu'ils croyent que leur reputation leur a acquise, s'attachent, comme i'ay dit, a\ leur propresen- 36 timent contre l'opinion commune. C'est pourquoy i'ay tous- jours creu, qu'il n'y avoit point de meilleur remede pour ne point faire de faute, ou plustost pour n'en gueres faire, que de communiquer ce que l'on escrit, avant que de le mettre au jour. Mais quand ie dis@ Communiquer, @ie l'entends de la bonne sorte, que ce soit pour chercher la censure & non pas la lou%ange, quoy qu'il soit e/galement iuste de donner & de receuoir l'un & l'autre quand ils sont bien fondez. Il est vray que pour cela il faut s'adresser a\ des personnes intelligentes & fidelles, & les prier avec autant de sincerite/, qu'ils en doiuent auoir a\ dire franchement leur avis; car que sert de dissimuler? il y a encore plus de gens qui donnent leur avis avec f#ranchi- se, qu'il n'y en a qui le demandent de cette sorte. Ie ne vou- drois pas que le Censeur ou%yst lire; mais qu'il leust luy mesme; la censure des yeux comme chacun sc#ait, estant, bien plus exacte & plus asseure/e que celle de l'oreille, a\ qui il est tres-aise/ d'imposer, ny qu'on leust en compagnie; mais chacun a\ part, Et quand ceux que i'aurois consultez me diroient leur avis, si ie uoyois qu'ils eussent raison de me reprendre, ie passe- rois franchement condamnation; car un homme du mestier, s'il n'est bien preocupe/ & aveugle/ de l'amour propre, con- noist aussi tost s'il a tort; que si l'on croit avoir la raison de son coste/, il ne la faut pas abandonner par une lasche com- plaisance, mais s'enquerir d'autres persones capables, & si plusieurs nous condamnent, quelque bonne opinion que nous ayons de nostre sentiment, il y faut renoncer & se sousmettre a\ celuy d'autruy. C'est comme i'en ay us/e dans ces Remar- ques; car encore que i'aye este/ tres religieux a\ rapporter la verite/, c'est a\ dire a\ ne decider iamais aucun doute, qu'apres avoir verifie/ avec des soins & des perquisi- 37 tions extraordinaires, que c'estoit le sentiment & l'Vsage la Cour, des bons Autheurs, & des gens sc#auans en la lan- gue, & que d'ailleurs ie serois coupable d'une lasche impo- sture enuers le public, de vouloir faire passer mes opinions par- ticulieres, si i'en avois, au lieu des opinions generales & re- ceue%s aux trois tribunaux que ie viens de nommer; si est ce que ie n'ay pas laisse/ de communiquer ces observations a\ di- uerses personnes, qui possedent en un baut degre/ les deux qualitez que i'ay dites. Les uns en ont veu une partie, les autres une autre; mais il y en a trois qui ont pris la peine de les voir toutes, & qui au milieu de leurs doctes occupations, ou de leurs plus grandes affaires, n ayant point d'heure qui ne leur soit precieuse, ont bien voulu en donner plusieurs a\ l'examen de ce Livre. Mais pour revenir aux Autheurs que ces Remarques re- prennent, le Lecteur se souuiendra s'il luy plaist, de ce queie suis contraint de repeter plusieurs fois que ce n'est point de mon ches que ie prens la liberte/ de reprendre ces excellens hom- mes; mais que ie rapporte simplement le@ bon Vsage, @ ou\ ie ne contribue% rien, si ce n'est de faire voir qu'un bon Autheur y a manque/, & qu'il ne le faut pas suiure. Au reste dans ces reprehensions, ie ne nomme ny ne designe iamais aucun Autheur, ny mort, ny vivant; En seruant le public ie ne voudrois pas nuire aux particuliers que i'honore. Mais aussi il ne faut pas croire que ie me forge des fantosmes pour les combattre, ie ne reprens pas une sevle faute qui ne se trou- ue dans un bon Escrivain, & quelquefois en laissant la fau- te ie change les mots, pour empescher qu'on ne connoisse l'Autheurs. Aussi ces Remarques ne sont pas faites con- tre les fautes grossieres, qui se commettent dans les Pro- 38 uinces, ou dans la lie du peuple de Paris; elles sont pres- que toutes choisies & telles, que ie puis dire sans vanite/, puis que ce n'est pas moy qui prononce ces Arrests, mais qui les rapporte sevlement, qu'il n'y a personne a\ la Cour, ny aucun bon Escrivain, qui n'y puisse apprendre quelque chose, & que comme i'ay dit, qu'il n'y en avoit point qui ne fist quelque faute, il n'y en a point aussi qui n'y trouue a\ prof#iter. Moy- mesme qui les ay faites, de les relire souuent, & mon Livre est sans doute beaucoup plus sc#avant que moy; car il faut que ie redise encore une fois, que ce n'est pas de mons fonds, que ie fais ce present au public; mais que c'est lefonds@ de l'Vsage, s'il faut ainsi dire, que ie distribue dans ces Remarques. Ie nomme les morts quand ie les loue, mais non pas les personnes viuantes, de peur de leur attirer de l'enuie, ou de passer pour flateur; ie me contente de les designer, & quoy que ce soit d'une fac#on qu'on ne laisse pas de les reconoi- stre a\ travers ce voile, il sert tousiours a\ soulager leur pudeur, & a\ rendre la lou%ange moins suspecte & de meilleure grace. Il m'importe aussi que l'on sc#ache, que ie n ay point affe- cte/ la lou%ange de certaines personnes particuliers; mais parle/ sevlement de celles, qui se sont comme presente/es devant moy, ou qui sont comme ne/es dans mon suiet, & que ie ne pou- vois non plus refuser, qu'appeller les autres, qui n'y avoient que faire. Ceux qui y prendront garde, verront que ie n'ay point mendie/ ces occasions, & que ie n'ay fait que les recevoir. l'ay traite/ differemment les Autheurs anciens, & ceux de nostre temps, pour observer moy-mesme ce que ie recom- mende tant aux autres, qui est de suivre l'Vsage. Par exem- 39 ple, ie dis tousiours@ Amyot, @& tousiours@ M. Coe%ffeteau, &@ M. de Malherbe, @quoy qu' Amyot ait este/ Euesque aussi bien que M. Coeffeteau: Car puis que tout le monde dit & escrit@ Amyot, @& que l'on parle ainsi de tous contre ceux qui n'ont pas este/ de nostre temps, ce seroit parler contre l'Vsage, de mettre@ Monsieur @devant; mais pour ceux que nous avons veus, & dont la memoire est encore toute fraische parmy nous, comme M. Coeffeteau, & M. de Malherbe, nous ne les s#c#aurions nommer autrement, ny en parlant ny en escri- vant, que comme nous auions accoustume/ de les nommer du- rant leur vie, & ainsi ie suis conforme/ en l'un & en l'autre a\ nostre Vsage. Au reste il y avoit beaucoup d'autres choses, dont ie pou- uois enrichir cette Preface, qui eust este/ un champ bien am- ple a\ un homme eloquent pour acquerir de l'honneur; Car premierement que n'eust-il point dit de l'excellence de la parole, ou prononce/e, ou escrite, & des merueilles de l'eloquence, dont la purete/ & la nettete/ du langage sont les fondemens? N'eust-il pas fait voir que les plus belles pense/es & les plus grandes astions des hommes mourroient aveceux, siles Escri- vains ne les rendoient immortelles; mais que ce divinpouuoir n'est donne/ qu' a\ ceux qui escrivent excellemment, puis qu'il se faut sc#auoir immortaliser soy mesme pour immortaliser les autres, & qu'il n'est point de plus courte vie, que celle d'un mauuais livre, ne l'eust-il pas considere/e en tous les estats dif- ferens ou\ elle a este/? N'eust-il pas dit depius quel temps elle a commence/ a\ sortir comme d'un Caos, & a\ se deffaire de la barbarie, qui l'a tenue% durant tant de siecles dans les tenebres, sans qu'elle nous ait laisse/ avcun monument des memorables 40 actions de nos Gaulois, que nous n'auons sc#eu%es que par nos ennemis? Il est vray que nous pouuons dire, que ces glorieux tesmoignages sortis d'une bouche ennemie, sont plus certains, & que ces grands hommes avoient tant de soin de bien faire, qu'ils ne se soucioient gueres de bien parler, ny de bien escrire. N'eust- il pas represente/ nostre langue comme en son berceau, ne fai- sant encore que begayer, & ensuite son progre/s, & comme ses divers a$ges, ius qu' a\ ce qu'en fin elle est paruenue a\ ce com- ble de perfection, ou\ nous la voyons aviourd'huy? Il eust bien ose/ la faire entrer en comparaison avec les plus parfaites langues du monde, & luy faire pretendre plusieurs avanta- ges sur les vulgaires les plus estime/es. Il luy eust oste/ l'igno- minie de la pauurete/, qu'on luy reproches, & parmy tant de moyens qu'il eust eu de faire paroistre ses richesses, il eust em- ploye/ les Traductions des plus belles pieces de l'Antiquite/, ou\ nos Franc#ois e/galent souuent leurs Autheurs, & quelquefois les surpassent. Les Florus, les Tacites, les Cicerons mesme, & tant d'autres sont contraints de l'avou%er, & le grand Tertul- lien s'estonne, que parles chames de nostre eloquence on ayt sceu transformer ses rochers & ses espines en des iardins deli- cieux. Il ne faut donc plus accuser nostre langue, mais nostre genie ou plustost nostre paresse, & nostre peu de courage, si nous ne faisons rien de semblable a\ ces chef f'oeuures, qui ont surves- cu tant de siecles, & donne/ tant d'admiration a\ la posterite/. Apres cela il eust encore fait voir, qu'il n'y a iamais eu de langue, ou\l'on ait escrit plus purement & plus nettement qu'en la nostre, qui soit plus ennemie des equiuoques & de toute sorte d'obscurite/, plus grave & plus douce tout ensem- ble, plus propre pour toutes sortes de stiles, plus chaste en ses locution, plus iudicieu se en ses figures, qui aime plus l'ele- gance gance & l'ornement, mais qui craigne plus l'affection. Il eust fait voir, comme elle sc#ait temperer ses hardiesse avec la pudeur & la retenue% qu'il faut avoir, pour ne pas donner dans ces figures monstrueuses, ou\ donnent auiourd'huy nos voisins degenerans de l'eloquence de leurs Peres. En fin il eust fait voir, qu'il n'y en a point qui observe plus le nombre & la cadence dans ses periodes, que la nostre; en quoy consiste la veritable marque de la perfection des langues. Il n'eust pas oublie/ l'Eloge de cette illustre Compagnie qui doit estre com- me le Plladium de nostre langue, pour la conserver dans tous ses avantages & dans ce florissant estat ou\ elle est, & qui doit seruir comme de digue contre le torrent du mauuais V'sage, qui gaigne tousiours si l'on ne s'y oppose. Mais comme toutes ces belles matieres veulent estre traite/es a\ plein fond, & avec apparat, il y avroit eu de quoy faire un iuste volume, plu- stost qu'une Preface. La gloire en est reserve/e toute entiere a\ une personne que medite deputs quelque temps nostre Rhe- torique, & a\ qui rien ne man que pour executer un si grand dessein; Car on peut dire qu'il a este/ nourry & eleue/ dans Athenes, & dans Rome, comme dans Paris, & que tout ce qu'il y a eu d'excellens hommes dans ces trois fameuses villes a forme/ son eloquence. C'est celuy que i'ay voulu de- signer ailleurs, quand ie l'ay nomme/ l'vn des grands orne- mens du Barreau, aussi-bien que de l'Academie, & que i'ay souhaite/ a\ la fin de mes Remarques. Le sc#achant i'aurois este/ bien temeraire de m'engager dans cette entreprise, qui d'ail- leurs surpasse mes forces, & demande plus de loisir que ie n'en ay. Outres que ces choses, quoy qu'excellentes & rares, 42 ne sont pas neantmoins si peu connue%s, ny si necessaires a\ man sujet, que celles que i'ay dites de l'Vsage, sans les quelles mes Remarques ne sc#auoient estre bien entendues, ny par conse- quent faire l'effet que ie mesuis propose pour l'utilite/ publi- que, & pour l'honneur de nostre langue. 43 S'il se trouue qu'en ouurage l'Autheur n'observe pas tous- jours ses propres Remarques, il declare que c'est sa faute ou celle de l'Imprimeur, & qu'il s'en faut tenir a\ la Remarque, & non pas a\ la fac#on dont l'Autheur en aura vse/contre sa Remarque, ou dont l'Imprimeur aura corrompu la copie. On sc#aura aussi que les noms que l'Autheur allegue comme La- tins, quoy que de personnes d'autres Nations, comme@ Cyrus, Croe- fus, Pyrrhus, Portus, @&c. ne laissent pas de passer pour des mots Latins, puis que les Latins les ont naturalisez, & leur ont donne/ cette terminaison. Les Franc#ois en ont fait de mesme. En la page 175. l.13. traitant des preterits qui se composent des par- ticipes & les preterits ne soient qu'une mesme chose; mais il l'esclaircit par un seul exemple, qui fait voir qu'il est indifferent d'appeller participe ou preterit, ce qu'il veut faire passericy pour une mesme chose. Quand il dit@ icy, @il entend parler des preterits compo- sez des participes passifs sevlement, & iamais des autres; car qui ne sc#ait que leverbe a\ qui le preterit appartient, & leparticipe sont deux parties de l'Oraison toutes distinctes? Voicy l'exemple;@ Quant aux preterits composez, lors que le nom auquel ils se rappor- tent, les precede, ils@ c'est a\ dire,@ les preterits, doiuent estre du mesme genre & du mesme nombre que le nom. @Le voicy de l'autre fac#on;@ Quant aux preterits composez, lors que le nom les precede, les participes doiuent estre du mesme genre & du mesme nombre que le nom. @Qui ne voit qu'il est indifferent en ce/t exemple de mettre@ preterits @ou@ participes, @& que de la\ il s'ensuit, qui participes & preterits ne sont donc@ icy @qu'une mesme chose? Et comme dans la Remarque tres ample que l'Autheur en a faite, il se pouuoit faire qu'il nommerit tantost peterit & tantost participe, ce qui en effet n'est icy qu'une mesme chose, il avoit creu bien faire d'en avertir le Lecteur au commencement, de peur que cela ne l'embarrassast. Mais puis que l'Autheur s'est apperceu que sa trop grande precaution a fait un effet tout contraire, il ostera cette pierre d'achoppement a\ la premiere impression, & cependant 44 il este/ obli\ge/ de faire voit que ce qu'il a dit est vray, & qu'il a eu raison de le dire ainsi. En la page.39.l.17. il y a ces mots,@ Il est mal aise de iuger d'ou\ vient cette fac#on de parler, @sortir son effet. L'Autheur a appris de puis qu'elle venoit de@ fortiri effectum@; ce qu'il n'avois peu s'imaginer, parce qu'il n'y a pas un bon Autheur Latin, qui 'ait iamais dit. Et de fait Robert Estienne dans son thresor de la langue Latine, qui est si copieux, met buit vsage differens de ce verbe@ sortiri,@ sans faire aucune mention de@ fortiri effectum. Il ne se trouue que dans le code en la loy unique@ Si de momen- tanea possessione fuerit appellatum, @ou\ il y a,@ lata sentenia fortitur effectum; @mais c'est du Latin barbare de Tribonien, ou du siecle d'Arcadius. On ne le verra iamais dans le Digeste, ny dans les endroits du Code, qui n'ont point este/ corrompus, apres avoir este/ tirez des anciens Iurisconsultes. Au lieu de@ sortiri effectum, @ils disent tousiours avec tous ceux qui ont bien parle Latin,@ habe- re effectum, obtinere effectum, perduci ad effectum. @Ce n'est pas que l'Autheur veu%ille dire que@ sortiri son effet, @ne vien- ne de@ sortiri effectum, @pour barbare que soit la phrase. En la page.333. il y a une Remarque inititule/e@ Se condou- loir, @l'Autheur dit que cette fac#on de parler est bonne. Elle l'est encore dans plusieurs excellens Autheurs modernes; mais a\ la Cour, elle n'est plus en vsage; on dit@ s'affliger avec quelqu'vn, @ou@ faire compliment a\ quelqu'vn sur, &c.

EN ce mot @Heros@, la lettre @h@, est aspire/e, & non pas mu%ette, c'est a\ dire que l'on dit @le heros@, & non pas @l'he\ros@, contre la rei- gle generale, qui veut que tous les mots Franc#ois qui commencent par @h@, & qui viennent du Latin, ou\il y a aussi vne @h@, au commencement, n'aspirent point leur @h@. Par exemple @honneur@ vient d'@honor@; on dit donc @l'honneur, & non pas @le honneur: heu- re vient d'@hora; on dit donc @l'heure@, & non pas @la heure@, & ainsi des autres. Par cette reigle il faudroit dire @l'heros@, & non pas @le heros@, parce

qu'il vient du Latin qui l'escrit auec vne @h@, & il n'importe pas que les Latins l'ayent pris des Grecs, il suffit que les Latins le disent ainsi, aussi bien qu'@hora@, qui est Grec & Latin tout ensemble. Neantmoins cette reigle infaillible presque en tous les autres mots souffre ex- ception en celuy-cy, & il faut dire @le heros.@ La curiosite/ ne sera pas peut - estre desagreable, de sc#auoir d'ou\ peut proceder cela; car bien qu'il soit vray qu'il n'y a rien de si bizarre que l'Vsage qui est le maistre des langues viuantes; si est-ce qu'il ne laisse pas de faire beaucoup de choses auec raison, & ou\ il n'y a point de raison comme icy, il y a quelque plaisir d'en chercher la conjecture. C'est a\ mon auis, que ce mot @heros@, quand on a commence/ a\ le dire, n'estoit guere entendu que des sc#a- uans, & parce qu'il a vne grande ressem- blance auec @heraut@, qui est vn mot de tout temps fortvsite/, on a pris aise/ment l'vn pour l'autre: Ainsi tout le monde ayant accoustu- me/ de prononcer @le heraut@, & non pas @l'he- raut@, il y a grande apparence que ceux qui ne sc#auoient pas ce que c'estoit que @heros@, & qui faisoient sans doute Ie plus grand nombre, ont pris le change, & ont prononce/ @heres@ comme @heraut@, croyant que ce n'estoit qu'vno mesmechose, ou qu'il luy ressembloit si fort, qu'iln'y falloit point mettre de difference pour

la prononciation. Et de fait il se trouue des gens, qui parlant du @Heros@ d'vn Roman, ou d'vn Poe%me heroi%que, l'appellent @le heraut.@ Ce qui confirme fort cette conjecture, c'est qu'@he- roi%ne & heroi%que@, se prononcent d'vne fac#on toute contraire, & comme l'on dit @le heros@, on dit @l'heroi%ne@, & @l'heroi%que@, la mesme lettre @h@, estant aspire/e en @heros@, & mu%ette en @he- roi%ne & heroi%que.@ Cette contrariete/ si estran- ge procede apparemment de ce que la rese blance que @heraut@ a auec @heros@, ne s'est pas ren- contre/e auec @heroi%ne, & heroi%que@, qui d'ailleurs n'ont point d'autres mots qui leur ressemblent, ausquels l'@h@, soit aspire/e, comme le mot de @herant@ ressemble a\ celuy de @heros.@ Il s'est rencontre/ encore vne chose assez plai- sante pour authoriser la prononciation irre- guliere de @heros@; c'est qu'au pluriel, si on le pro- nonc#oitselon la reigle, & que l'on ne fist pas l'@h@,aspirante, on fervoit vne fascheuse & ridicule equiuoque, & il n'y auroit point de differen- ce entre ces deux prononciations, @les heros@ de l'Antiquite & @les zeros@ de chiffre. CE mot est masculin quand il signifie le plus haut point, ou la fin de quelque cho- se, comme @Monte/ au periode de la gloire; iusqu'au

dernier periode de sa vie@, Mais il est feminin quand il veut dire vne partie de l'oraison qui a son sens tout complet @Vne belle periode, des perio des nombreuses.@ CE mot est quelquefois aduerbe, & par consequent indeclinable. Il signifie alors @enuiron.@ Il ne faut donc point y ajouster d'@s@, quand il est joint auec des pluriels, comme il faut dire, @Ils estoient quelque cinq cens hommes@, & non pas @quelques cinq cens@: car la\ il n'est point pronom, mais aduerbe. IL faut dire ainsi, & non pas, @ce qui vous plaira@, & pour preuue, mettons vn plu- riel deuant & disons, @Ie vous rendray tous les honneurs qu'il vous plaira@, personne ne'doute que ce ne soit bien parle/, & toutefois si au lieu de @qu'il@, nous mettions @qui@, comme font plu- sieurs, & de nos meilleurs Escriuains, il est cer- tain qu'il faudroit dire, @Ie vous rendray tous les honneurs qui vous plairont@, ce qui seroit ridicule. On dit, @ce qu'il vous plaira@, parce qu'on y sous-entend des paroles, que l'on supprime par el/egance, comme quand ie dis, @Ie vous ren-

dray tous les honneurs qu'il vous plaira@, il y faut sous- entendre ces mots, @que ie vous rende.@ Et ainsi en tous les autres endroits ou\ l'on se sert de cette fac#on de parler, @Ie fais tout ce qu'il vous plaist@, on sous-entend, @que ie face@; car outre qu'il est plus elegant de le supprimer, il seroit importun d'y ajouster tousjours cette queue% dans vn vsage si frequent, qu'est celuy de ce terme de cour- toisie & de ciuilite/. PRopriete/ est bon pour signifier le @proprie- tas@ des Latins; mais il ne vaut rien pour dire, @le soin que l'on a de la nettete/, de la bien-seance, oude l'ornement en ce qui regarde les habits, les meu- bles, ou qelque autre chose que ce soit. @Il faut ap- peller cela @proprete/@, & non pas @propriete/.@ Et ce n'est pas seulement pour mettre de la difference entre @propriete/ & proprete/@, qui signifient deux choses si esloignees, car il est assez ordinaire en toutes langues, qu'vn mesme mot signifie deux ou plusieurs choses, mais c'est parce que @propriete/@ est vn mot qui vient du Latin @proprie- tas@, au lieu que @proprete/@, n'en vient point, (car @proprietas@ ne signifie iamais cela) mais vient de son adjectif @propre@, qui dans la signification de @net@, ou d'@ajuste/@, est vn mot purement Fran- c#ois, duquel adjectif se forme @proprete/@, comme

@salete/@ se forme de @sale@, & @pauurete/@ de @pauure.@ Ie sc#ay bien que quelques-vns croyent que @pro- pre@ d'ou\vient @proprete/@, est pris du Latin @proprius@ figure/ment, comme si l'on vouloit dire, que d'apporter a\ chaque chose la bien-seance qui luy est propre & conuenable, a donne/ lieu d'appeller @propres@ toutes les choses, ou\ cette bien-seance rencontre; mais cela est trop sub- til, & trop recherche/. Quoy qu'il en soit, il est constant qu'il faut dire @proprete/@ en ce sens la\, & non pas @propriete/.@ IL faut dire @l'Isle de Chypre, la poudre de Chy- pre@, & non pas @l'Isle de Cypre, @la poudre de Cypre.@ L'Vsage le veut ainsi, non obitant son origine. Ie pensois que M. de Malherbe eust este/ le premier qui l'eust escrit de cette sorte, mais i'ay trouue/ que M. de Montagne dans ses Essais, ne le dit iamais autrement. CE mot a deux significations, & deux genres differens; & cette difference, pour estre ignore/e de quelques-vns, fait qu'ils n'osent s'en seruir, & qu'ils l'e/uitent comme vn e/cueil, ne sc#achant s'il le faut faire mascu-

lin ou feminin. Il signifie donc, @l'homme & la femme tout ensemble@, comme fait @homo@ en La- tin, & en ce sens il est tousiours feminin, & a @personnes@ au pluriel, se gouuernant en tout & par tout comme les autres substantifs regu- liers. Par exemple, @I'ay veu la personne que vous sc#auez. Il faut porter du respect aux person- nes constiuees en dignite/, c'est vne belle personne, de mauuaises personnes:@ Il signifie aussi le @nemo@ des Latins, le @nadie@ des Espagnols, & le @nissuno@ des Italiens, & ce que les vieux Gaulois di- soient, @nully@, c'est a\ dire, @nulle personne, ny homme ny femme.@ En ce sens il est indeclinable, & n'a point proprement de genre, ny de pluriel; mais il se sert tous jours du genre masculin, a\ cause de la reigle qui veut que les mots indeclina- bles n'ayant point de genre de leur nature, s'affocient tousjours d'vn adjectif masculin, comme de celuy qui est le plus noble. Par exemple on dit @Personne n'est venu@, & non pas @Personne n'est venue/.@ De mesmes on dira par- lant a\ vn homme @Ie ne vois personne si heureux que vous@ & non pas @Ie ne vois personne si heureu- se.@ Neantmoins si l'on parle a\ vne femme, ou d'vne femme on dira, @Ie ne vois personne si heu- reuse que vous@, ou si heureuse qu'elle@, & cela se dit ainsi eu esgard @a\ la femme@, & non pas eu esgard a\ @personne@, qui en ce lieu la\ n'est point feminin, comme nous auons dit, & comme

il se voit clairement en l'autre exemple, lors qu'en parlant a\ vn homme on dit @Ie ne vois per- sonne si heureux que vous.@ Que si l'on parle a\ vne femme, ou d'vne femme, sur quelque qualite/ qui soit en elle, & qui ne puisse pas estre en vn homme, comme par exemple, d'vne femme grosse, on est encore plus oblige/ d'vser du fe- minin & de dire @Ie n'ay iamais veu personne si grosse qu'elle@, & si l'on disoit @si gros qu'elle@, cela seroit estrange & ridicule. Mais apres tout, ce n'est pas encore fort bien parle/ de ire @si gros- se@, parce qu'en ces sortes d'expressions, no stre langue ne se sert pas de @personne@, mais on le dit d'vne autre fac#on, comme @Ie n'ay iamais veu de femme si grosse qu'elle.@ De mesmes vous ne direz pas a\ vne fille, @ie ne vois personne si beau@, ny @si belle que vous@, ce n'est pas la\ son vsa- ge, parce que vous tirez @personne@ du general, pout en faire vn rapport particulier a\ vne fille; On dira, @Ie ne vois rien de si beau que vous@, ou @ie ne vois point de si belle fille que vous.@ L'vsage de @per- sonne@ pour @nemo@, n'est proprement que pour les choses qui regardent l'vn & l'autre sexe conjointement, comme @personne@, comprend l'hom- me & la femme sans les separer, & ainsi il a le genre masculin. Mais quand vous sortez du general, qui comprend les deux sexes con- jointement, pour faire que @personne@ se rapporte

particulierement a\ vn sexe, ou a\ vne personne seule, alors ce n'est pas le lieu d'employer @per- sonne@, pour @nemo.@ Il y a encore vne remarque a\ faire pour @personne@, de la premiere signification. I'ay dit qu'il est tousjours feminin, & que l'on dit @vne personne, les personnes deuotes, les personnes qua- lifie/es@, & ainsi des autres; mais apre/s qu'on l'a fait feminin, on ne laisse pas de luy donner quelquefois le genre masculin, & mesmes plus elagamment que le feminin. Par exemple, M. de Malherbe dit, @I'ay eu cette consolation en mes ennuis, qu'vne infinite/ de personnes qualifie/es ont pris la peine de me tesmoigner le desplaisir@ QV'ILS @en ont eu.@ Qu'ils, est plus elegant que ne seroit @qu'elles@, parce que l'on a esgard a\ la chose signi- fiee, qui sont @les hommes@ en cet cet exemple, & non pas a\ la parole qui signifie la chose, ce qui est ordinaire en toutes les langues. A cause de la rencontre des deux voyel- les en ces deux petits mots, @sion@, plu- sieurs escriuent tousjours, @si l'on@, excepte/ en vn seul cas, qui est, quand apres l'@n@, il suit imme- diatement vne l. Par exemple ils diront, @si on le veut@, & non pas @si l'on le veut@, parce qu'il y a vne l, immmediatement apr\e/s l'@n@, & que des

deux cacophonies, il faut choisir la moindre; Car si, @si on@, blesse l'orielle, @si l'on le@, a\ leur auis la blesse encore dauantage: De mesmes ils di- sent, @si on laisse@, & non pas, @si l'on laisse.@ I'ay dit qu'ils vouloient que l'@l@, fust immediatement apre/s l'@n@, parce que lors qu'il y a vne syllabe, ou seulement vne lettre entre deux, ils disent @si l'on@, & non pas @si on@, comme @si l'on ne le fait@, & @si l'on a laisse/@, & non pas @si on ne le fait, & si on a laisse.@ Au reste, quand on n'y sera pas du tout si exact, il n'y aura pas grand mal; mais pour vne plus grande perfection, i'en voudrois vser ainsi. @On, & l'on@, se mettent deuant le verbe. @On@, se met deuant & apre/s le verbe @l'on@ ne se met iamais apre/s le verbe que par les Bretons, & quelques autres Prouinciaux, & @t-on@ se met tousjours apre/s le verbe. @On dit, & l'on dit@ sont bons, mais @on dit@ est meilleur au commencement de la periode. Si le verbe finit par vne voyelle deuant @on@, comme @prie-on, alla- on@, il faut prononcer & escrire vn, @t@, entre-deux @prie-t-on, alla-t-on@, pour oster la cacophonie, & quand il ne seroit pas marque/, il ne faut pas laisser de la @prononcer, ny lire comme li- sent vne infinite/ de gens, @alla on, alla il@, pour @alla-t-on, alla-t-il.@ Il est vray qu'en cette ortho-

graphe du, @t@, on a accoustume/ de faire vne faute, qu'il faut corriger desormais, pour ne rien obmettre qui puisse contribuer a\ la per- fection de nostre langue. C'est que tous im- priment & escriuent @alla-t'on@, ainsi, mettant vne apostrophe apre/s Ie @t'@, qui est tres-mal em- ploye/e, parce que l'apostrophe ne se met ia- mais qu'en la place d'vnevoyelle qu'elle sup- prime, & chacun sc#ait qu'il n'y an a point icy a supprimer apre/s le @t.@ Il faut donc mettre vn tiret apre/s le @t@, comme on l'a mis deuant, & escrire, @alla-t-on, prie-t-on.@ Car de dire que le ti- ret ne joint iamais la lettre qui le precede auec la syllabe suiuante, comme par exemple, en @tres-haut@, l'@s@, nel se joint point auec l'@h@, qui suit; & qu'en @prie-t-on, alla-t-on@, le @t@, se joint auec @on@ qui suit, on respond que cela est vray, lors qu'il n'y a qu'vn tiret, mais non pas quand il yen a deux comme icy, qui rendent le, @t@, com- mun a\ toutes les deux syllabes. Ie crois que ce nesera pas vne curiosite/ im- pertinente de sc#auoir l'ethymologie de ces deux mots, @on@, & @l'ons@; Ils viennent sans doute d'@homme@, ou de @l'homme@, comme si, @on dit@, vouloit dire @homme dit@, & que @l'on dit@ voulust dre @l'hom- me dit.@ Mais par succession de temps, parce qu'on en a besoin a\ tout propos, on l'a ab- brege/, & on l'a escrit comme on l'a pronon- ce/. Ce-qui confirme cela, ce sont les Poe%tes

Italiens, qui se seruent ordinairement d'@huom@ pour @huomo@, auec le verbe qui commence par vne consone, @huom brama@, pour dire @on desire, huom teme@, pour dire @on craint.@ Mais si l'on en veut vne preuue conuaincante, & non pas vne simple conjecture, c'est que les Allemans, & presque toutes les nations Septentrionales, expriment nostre @on@ par le mesme mot, qui dans leur langue signifie @homme@, qui est @man.@ D'autres disent auec beaucou/p moins d'appa rence, qu'il vient d'@omnis.@ AV commencement d'vn discours, il faut dire @on@ plustost que @lon@, quoy que @l'on@ ne foit pas mauuais. Que si ce n'est qu'at commencement d'vne periode, deuant laquel- le il y en ait desia d'autres, @on@ est encore meil- leur que @l'on@; quelques-vns neantmoins tien- nent que lors que le mot qui finit la periode precedente, a vn @e/@, masculin a\ la fin, comme par exemple, si, @extremire@, est le dernier mot de la periode, on doit commencer l'autre par @l'on@, pour e/uiter la cacophonie; mais c'est estre trop scrupuleux, & cela ne se doit pratiquer que dans le cours de la periode, & non pas quand cesont deux periodes separe/es par vn point, qui

arrestant le Lecteur, oste la cacophonie de l'@e/@ masculin auec l'@o@. Quand on repete plusieurs fois l'vn ou l'autre, il faut tousjours repeter le mesme sans changer, comme @on lou%e, on blas- me, on menace, & non pas on lou%e, l'on blas- me, on menace, on fait, & on dit tant de choses@, quoy qu'apre/s &, comme nous dirons tout a\ cette heure, il faille tousjours dire @l'on@, a\ cau- se que le @t@, ne se prononc#ant point, cette par- ticule a la terminason d'vn @e/@, masculin. Mais ce/t inconuenient de dire @on@, apres &, n'est pas si grand, & ne sonne pas si mal a\ l'orielle en ce/t endroit, que de dire, @on dit & l'on fait tant de choses@; & il seroit encore mieux de dire, @l'on dit & l'on fait.@ O@n@, generalement se met apre/s les consones, ou l'@e@, feminin, comme @quand ie le dirois, on ne le feroit pas, quoy que tu puisses dire, on ne le feroit pas, quoy que tu dont@, comme @celuy dont on ne cesse de parler@, plus- tost que @dont l'on ne cesse. L'on@ se met apre/s l'@e/@ masculin, comme @en cette extremite/ l'on ne sc#au- voit faire autre chose.@ Apre/s la conjonction &, pour la raison que nous venons de dire, si ce n'est au cas que nous auons excepte/. Apre/s la particule @ou@, comme @on l'on rit, ou l'on pleure, c'est vn lieu ou\ l'on vit a\ bon marche/.@ Et apre/s tous les mots qui finissant par @ol@, se pronon- cent en @ou@, comme @fol, mol, col@, & autres sem- blables, qu'on prononce @fou, mou, cou, c'est vn

fou, l'on se mocque de luy@, & generalement apre/s toutes les voyelles, excepte/ l'@e@ feminin. @IL faut qu'on sc#ache, & il faut que l'on sc#ache@, sont tous deux bons, mais auec cette di- ference neantmoins, qu'en certains endroits il est beaucoup mieux de mettre l'vn que l'autre. Plusieurs mettent @qu'on@, & non pas @que l'on@, quand il y a vne @l@, immediatement apre/s l'@n@, comme @ie ne crois pas qu'on luy veu%ille dire@, & non pas @que l'on luy veu%ille dire@, a\ cause du mau- uais son des deux @l, ie ne crois pas qu'on laisse, & non pas @que l'on laisse.@ Il faut mettre @qu'on@ aussi, & non pas @que l'on@ quand il y a plusieurs @que@, dans vne pe- riode, comme cela arriue souuent en nostre langue, qui s'en sert auec beaucoup de grace en diferentes fac#ons, par exemple, @il n'est que trop vray que depuis le temps que l'on a commence/, &c.@ Il est bien mieux de dire @qu'on a commence/@, pour diminuer le nombre des @que@, qui n'offen- sent pas seulement l'oreille de celuy qui escot te, mais aussi les yeux de celuy qui lit, voyant tant de @que@, de suite. Il faut encore mettre @qu'on@, & non pas @que l'on@, quand le mot qui le precede immediatement, se termine par @que@,

comme, @on remarque qu'on ne fait iamais ainsi, &c.@ & non pas, @on remarque que l'on ne fait ia- mais ainsi.@ Il faut mettre @que l'on@ & non pas @qu'on@, de- uant les verbes qui commencent par @com@, ou @con@, comme ie ne dirois pas @qu'on commence, qu'on conduise@, mais @que l'on commence, que l'on conduise:@ Mais comme j'ay desia dit, tout cela n'est que pour vne plus grande perfection, & ce n'est pas vne faute que d'y manquer. L'vsage de ces deux termes diferens, @qu'on & que l'on@, est encore tres-commode en pro- se & en vers, mais sur tout en vers pour pren- dre ou quitter vne syllabe, selon qu'on a be- soin de l'vn ou de l'autre dans la verification. Il est superflu d'en donner des exemples, les Poe%tes en sont pleins. Mais pour la prose, peu de gens comprendront l'auantage qu'elle tire d'allongerou d'accourcir d'vne syllabe vne periode, sils n'entendent l'art de l'arrondir, & s'ils n'ont l'oreille delicate. @REcouuert@ pour @recouure/@ est vn mot que l'Vsage a introduit depuis quelques an- ne/es contre la reigle, & contre la raison; Ie dis depuis quelques anne/es, parce qu'il ne se trouue point qu'Amyot en ayt iamais vse; &

que Des-Portes semble auoir este/ le pre- mier Autheur qui s'en est seruy a\ la fin de quel- ques-vns de ses vers, y estant inuite/ par la rime. Ie dis qu'il est contre la reigle, parce que ce participe se formant de l'infinitif @recouurer@, il ne faut qu'oster l'@r@, dou se fait @recouure/@, com- me de @manger, mange/@, de @prier, prie/@, & ainsi des autres. I'ajouste qu'il est contre la raison, parce que @recouuert@ veut dire vne autre chose, & que la raison ne vet pas que l'on face des mots equiuoques, quand on s'en peut passer. L'Vsage neantmoins a estably @recouuert@ pour @recouure/@, cest pourquoy il n'y a point de diffi- culte/ qu'il est bon: car l'Vsage est le Roy des langues, pour ne pas dire le Tyran: Mais par- ce que ce mot n'est pas encore si generalement receu, que la pluspart de ceux qui ont estudie/ ne le condamnent, & ne le trouuent insup- portable, voicy comme ie voudrois faire; Ie voudrois tantost dire @recouure/@, & tantost @recou- uert@; j'entens dans vn oeuure de longue halei- ne, ou#il y auroit lieu d'employer l'vn & l'autre car dans vne lettre, ou quelque autre petite, piece, ie mettrois plutost @recouuert@ comme plus vsite/. Ie dirois donc @recouure/@, auec les gens de Lettres, pour satisfaire a\ la reigle & a\ la rai- son, & ne passer pas parmy eux pour vn hom- me qui ignorast ce que les enfans sc#auent, & @recouuert@, auec toute la Cour, pour satisfaire a\

l'Vsage, qui en matiere de langues, l'emporte tousjours par dessus la ra\ison. A cause de @recouuert@, force gens disent, @recouuir@, pour @recouurer@, & pensent auoir raison, mais il n'est pas encore establi comme @recouuert@, & il ne le faut pas souffrir; Car si au commencement, deux ou trois personnes d'authorite se fussent oppose/es a\ @recouuert@, quand il vint a\ s'intro- duire a\ la Cour, on en eust empesche/ l'vsage, aussi bien que M. de Malherbe l'a empesche/ de quelques autres mots tres - mauuais, qui commenc#oient a\ auoir cours. CE terme est fort vsite/, particulierement le long de la riuiere de Loire, & mesme a\ la Cour, ou vne personne de tres-eminente condition a bien ayde/ a\ le mettre en vogue. On s'en sert en plusieurs fac#ons, qui ne va- lent toutes rien. Premierement, ils en vsent pour dire @affin ple@, comme, @ie luy ay escrit pour qu'il luy pleust a- pir esgard@, au lieu de dire @affin qu'il luy pleust.@ Secondement, en vn autre sens, par exem- ple, @il est trop honneste homme pour qu'il me refu- se cela@, au lieu de dire @pour me refuser cela.@ En troisiesme lieu, ils s'en seruent d'vne fa- c#on si commode & si coutte, que si l'on auoit

a\ le dire, il faudroit que ce ne fust que de cette sorte; comme, @Ils sont trop de gens pour qu'vn homme seul les attaque.@ On ne sc#auroit bien exprimer cela que l'on ne change lever- be actif en passif, & que l'on ne die auec moins de grace, ce semble, @ils sent trop de gens pour estre attaquez par vn homme seul.@ Mais on ne le peut pas tousjours resoudre par le passif, comme si ie dis, @te parlois assez haut pour qu'il m'entendist@, pour dire, @ie parlois si haut qu'il me pouuoit bien entendre@, ie ne le dirois pas si bien par le passif en disant, @ie parlois assez haut pour estre entendu de luy.@ Et quand on dit, @ie ne suis pas assez heureux pour que cela soit@, il faut prendre vn grand tour de paroles pour l'exprimer autrement. Enfin toutes les fois que l'on parle de deux personnes, com- me, @Ie suis assez malheureux pour qu'il passe icy@, il est malaise de dire cela en si peu de mots, sans changer la phrase. Du moins il faut ajouster @faire@, apre/s @pour@, & dire, @ie suis assez malheureux pour faire qu'il passe icy@; mais il n'i gueres de grace. On s'en sert encore d'vne au tre fac#on bien estrange, comme, @vn pere ser- t-il deshonore/ pour que ses enfans soient vicieux?@ au lieu de dire, @vn pere sera-il deshonore si ses enfans sont vicieux?@ ou de l'exprimer de quelque autre sorte. Et en l'autre exemple, @ie ne suis pas assez heureux pour que cela soit@; on pourroit

exprimer la mesme chose en ajoustant vn seul verbe, @esperer@, ou @croire@, & dire, @ie ne suis pas as- sez heureux pour esperer@, ou @pour croire que cela soit@, Mais c'est tousjours allonger l'expression. C'est pourquoy il y a grande apparence que, @pour que@, estant court & commode, s'establira tout a\ fait, & alors nous nous seruirons de cette commodite/ comme les autres, mais en attendant ie m'en voudrois abstenir, selon le sentiment general de nos meilleurs Escri- uains. EN quelque sens qu'on l'employe, il est tousjours feminin, & les bons Autheurs n'en vsent iamais autrement: car quand il si- gnifie @hazard, occasion@, ou @conjoncture@, on dira, @par vne heureuse rencontre, par vne mauuaise rencontre, vne facheuse rencontre@, quoy que plusieurs dient & escriuent aujourd'huy, @en ce rencontre.@ Quand on s'en sert en terme de guerre, on dit aussi, @ce prest pas vne bataille, ce n'est qu'vne rencontre.@ Et lors qu'il signifie @vn bon mot@, il est qussi femi- nin; on dit, @voila\ vne bonne rencontre.@ Neant- moins en matiere de querelle, plusieurs le font masculin, & disent, @ce n'est pas vn duel, ce n'est qu'vn rencontre@; mais le meilleur est de le fai- re feminin.

CE verbe se conjugue ainsi au present de l'indicatif, @ie hais, tu hais, il hait, nous hai%s- sons, vous hai%ssez, ils hai%ssent@, en faisant toutes les trois personnes du singulier d'vne syllabe, & les trois du pluriel de trois syllabes. Ce que ie dis, parce que plusieurs conjuguent, @ie hai%s, tu hai%s, il hai%t:@ faisant @hai%s & hai%t@, de deux syllabes, & qu'il y en a d'autres, qui sont bien encore pis en conjuguant & pro- nonc#ant @i'hai%s@, comme si, l'@h@, en ce verbe n'estoit pas aspire/e, & que, l'@e@, qui est de- uant se peust manger; Au pluriel il faut con- juguer comme nous auons dit, & non pas, @nous hayons, vous hayez ils hayent@, comme font plusieurs, mesme a\ la Cour, & tres-mal. IL faut dire & escrire, @promenes@, & non pas @pourmener.@ Tantost il est neutre, comme quand on dit, @allons promener, il est alle/ promener, ie vous enuoyeray bien promener.@ Tantost neutre- passif, comme, @il s'est alle/ promener, ie me pro- meneray.@ Et tantost actif, lors qu'on ne parle pas des personnes qui se promement, comme quand on dit, @promenez ce/t enfant, promenez ce cheual.@

TOus deux sont bons, seulement il faut prendre garde, que si l'oreille desire vne syllabe de plus ou de moins pour arron dir vne periode, on choisisse celuy des deux qui fera ce/t effet. Les Maistres de l'art demeurent d'ac- cord de cette justesse, & ceux qui ont l'oreille bonne le reconnoissent sans art. Il faut aussi euiter de dire, jusqu'a\, lors qu'il ya vne repetition de la derniere syllabe @qu'a\@, tout proche de la premiere. Par exemple, Ie ne dirois pas, @jusqu'a quarre@, mais @jusques a\ qua- tre@, ny @jusqu'a ce qu'apre/s@, ou @jusqu'a\ ce qu'ayant@, pour fui%r la cacophonie. Que si le soin que l'on aura de l'euiter d'vn coste, fait que de l'au- tre on desajuste sa periode, il vaut mieux tom- ber dans l'inconuenient du mauuais son, pour- ueu qu'il ne choque pas trop rudement l'o-

reille, que de rompre la juste cadence d'vne periode. Mais auec vn peu de soin, on se peut exemter de l'vn & de l'autre. Ie dirois aussi @jusques a\ quand@, & non pas @jusqu'a\ quand.@ Cette diference de @jusques a\, & jusqu'a\@, sert aussi a\ rompre la mesure d'vn vers, quand il se rencontre dans la prose. En cette preposition @jusques a\@, ou @jusqu'a\@, ou @jusqu'aux@, au pluriel, il y a encore vne chose a\ remarquer, qui est assez curieuse; c'est qu'elle, tient lieu de certains cas. Par exemple, @ils ont tue/ jusqu'aux animaux@; Icy, @jusqu'aux animaux@, tient lieu d'accusatif. @Iusqu'aux plus vils & aux plus abjets des hommes, se donnoient la licence de &c: Icy, @jusqu'aux plus vils@, tient lieu de nomi- natif. @Il a donne/ a\ tout le monde, il a donne/ jus- qu'aux valets@; Icy il tient lieu de datif. Quelques-vns disent @jusques a\ la\@, pour di- re @jusques la\, & jusques a\ icy@, pour dire @jusques icy@; mais l'vn & l'autre est barbare. IL se dit & s'escrit communement, & tous les bons Autheurs s'en seruent; Mais parce que plusieurs font difficulte/ d'en vser a\ cause de la rudesse de ces trois syllabies, ou pour mieux dire, a\ cause du son d'vne mesme syl-

labe repete/e trois fois, j'ay creu qu'il le falloit defendre, & que c'estoit vn scrupule, qu'on ne doit ny faire, ny souffrir. Premierement nous auons l'authorite/ de tous les bons Es- criuains, anciens, & modernes, qui apre/s @non seulement@, ont accoustume/ de le mettre, com- me @non seulement il luy a pardonne, mais mesmes il luy a fait du bien.@ En second lieu, il y a vne maxime generale en matiere de cacophonie, ou de mauuais son, que les choses qui se di- sent ordinairement, n'offensent jamais l'o- reille, parce qu'elle y est toute accoustume/e. Outre que la troisiesme syllabe de @mais mes mes@, a vn son fort different des deux autres, comme on le juge aise/ment a\ la prononcia- tion, les deux premieres ayant la terminaison masculine, & la derniere, la terminaison femi- nine. Ceux qui font ce scrupule, veulent que l'on mette tousjours en sa place @maus aussi.@ Il y a pourtant bien de la diference entre @mais mes- mes, & mais aussi.@ Celuy-la\ emporte vn sens bien plus fort, & a bien plus d'emphase que l'autre. TOus deux sont bons & auec@s@ & sans @s@ mais voicy commeie voudrois vser tan- tost de l'vn & tantost de l'autre. QUand il est

proche d'vn substantif singulier, ie voudrois mettre @mesmes@ auecs, & quand il est proche d'vn substantif pluriel, ie voudrois mettre @mes- me@ sans, & l'vn & l'autre pour e/uiter l'equi- uoque, & pour empescher que @mesme@, aduer- be ne soit pris pour @mesme@, pronom. Vn exem- ple de chacun le va faire entendre, @Les choses mesme que ie vous ay dites me justifient assez, & la chose mesmes que ie vous ay dite@, &c. Car en- core que pour l'ordinaire le sens face assez connoistre quand @mesme@ est aduerbe, ou quand il est pronom; si est-ce qu'il se rencontre assez souuent des endroits, ou\ l'esprit d'abord est surpris & hesite pour en iuger. Le moyen de le discerner, c'est de le transposer, & de le mettre deuant le nom, car s'il fait le mesme effet deuant le nom qu'apres le nom, c'est vne marque infaillible qu'il est aduerbe, com- me aux deux exemples que nous auons don- nez. Ceux qui n'obserueront pas cette remar- que ne feront point de faute, mais ceux qui lobserueront, seront plus reguliers, soulage ront l'esprit du Lecteur, & contribueront quel- que chose a\ a nettete/ du stile. CE mot est bas, & nos meilleurs Escri- uains n'en vsent que rarement. Ils di-

sent d'ordianaire @presque.@ Ce n'est pas que @quasi@ en certains endroits ne se puisse dire, mes- me auec quelque grace, comme quand on dit, @il n'arriue quasi jamais que, &c.@ Quelques vns qui ont le goust tres-delicat, trouuent qu'en ce/t exemple @presque@, n'y vient pas si bien que @quasi.@ SAns considerer l'ethymologie de ce mot, qui vient du Latin @Funda@, ou\ il n'y a point d'@r@, il faut dire @fronde@, & non pas @fonde@, l'V- sage le voulant ainsi, & personne ne le pro- nonc#ant autrement. C'est comme M. de Mal- herbe l'a tousjours escrit, quoy que M. Coef- feteau, & apre/s luy vn de nos meilleurs Au- theurs dient tousjours @fonde@. Il y a vingt ans qu'on disoit @submission@, & non pas @soumission@, quoy que l'on dist @sou- mettre, & soumis@, & non pas @submettre@, ny @sub- mis@; maintenant on dit & on escrit, @soumission@, & non pas @submission@. Ie sc#ay bien qu'on dit au Palais, @il a fait les submissions au greffe@, mais c'est vn terme de Palais, qui ne tire point a\ consequence pour le langage ordinaire.

PLusieurs en vsent indifferemment; Tou- tefois @de la sorte@ ne se doit mettre, qu'a- pre/s qu'vne chose vient d'estre dite ou faite, & @de cette sorte@ se met deuant & apre/s. Par exem- ple, vn Historien venant de rapporter vne ha- rengue d'vn General d'arme/e, dira @ayant parle/ de la sorte@, & s'il le va faire parler, il dira @il commenc#a a\ parler de cette sorte@, & non pas @de la sorte@, comme le met tousjours vn de nos meilleurs Escriuains. @De cette sorte@ se peut aussi mettre apre/s, comme nous auons dit, mais pour l'ordinaire il n'a pas si bonne grace que @de la sorte.@ Du temps du Cardinal du Per- ron, & de Monsieur Coeffeteau, cette remar- que s'obseruoit exactement; mais ie viens d'apprendre des Maistres, qu'aujourd'huy on ne l'obserue plus, & que tous deux sont bons deuant & apre/s, quoy que neantmoins ils auou%ent qu'il est bien plus e/legant d'en vser se- lon la remarque, que de l'autre fac#on. EPithete est feminin, @vne belle epithete, les epi- thetes Franc#ises@, qui est letitre d'vn liure nouuellement imprime/; quelques vns pour- tant le font masculin; tous deux sont bons.

@Equiuoque@ est feminin aussi, @vne dangereuse equi- uoque; on demande si les equiuoques sont defendue%s, toutes les equiuoques ne sont pas vicieuses, vne fas- cheuse equiuoque.@ Quelques-vns encore le sont masculin. @Anagramme@ est tousiours feminin, @vne belle anagramme, vne heureuse anagramme.@ TOus ceux qui sc#auent escrire, & qui ont estudie/, disent, @ie vais@, & disent fort bien selon la Grammaire, qui conjugue ainsi ce verbe, @ie vais, tu vas, il va@; car lors que cha- que personne est differente de l'autre, en ma- tiere de conjugaison, c'est la richesse & la beau- te/ de la langue, parce qu'il y a moins d'equi- uoques, dont les langues pauures abondent. Mais toute la Cour dit, @ie va@, & ne peut souf- frir, @ie vais@, qui passe pour vn mot Prouincial, ou du peuple de Paris. CEst vne faute que font presque toutes les femmes, & de Paris, & de la Cour. Par exemple, ie dis a\ vne femme, @quand ie suis ma- lade, j'ayme a\ voir compagnie@, Elle me respond, @& moy quand ie la suis, ie suis bien aise de ne voir personne.@ Ie dis, que c'est vne faute de dire, @quand

@ie la suis@, & qu'il faut dire, @quand ie le suis.@ La raison de cela est, que ce, @le@, qu'il faut dire, ne se rapporte pas a\ la personne, car en ce cas la\ il est certain qu'vne femme auroit raison de parler ainsi, mais il se rapporte a\ la chose; & pour le faire mieux entendre, c'est que ce @le@, vaut autant a\ dire que @cela@, lequel @cela@, n'est autre chose que ce dont il s'agit, qui est, @ma- lade@ en l'exemple que j'ay propose/; Et pour faire voir clairement que ce que ie dis est vray & que ce @le@, ne signifie autre chose que @cela@, ou @ce dont il s'agit@: proposons vn autre exem- ple, ou\ce soient plusieurs qui parlent, & non pas vne femme. Ie dis a\ deux de mes amis, @quand ie suis malade, ie fais telle chose@, & ils me respondent, @& nous quand nous le sommes, nous ne faisons pas ainsi.@ Qui ne voit que si la fem- me parloit bien en disant, @quand ie la suis@, il faudroit aussi que ces deux hommes dissent, @& nous quand nous les sommes?@ ce qui ne se dit point. Ainsi M. de Malherbe dit, @les choses ne nous succedent pas comme nous le desirons@, & non pas @les desirons.@ Ce/t exemple n'est pas tout a\ fait comme l'autre, mais il y a beaucoup de rapport, & est dans la mesme reigle. Neant- moins puis que toutes les femmes aux lieux ou\ l'on parle bien, disent, @la@, & non pas, @le@, peut- estre que l'Vsage l'empottera sur la raison, &

ce ne sera plus vne faute. Pour @les@, au pluriel, il ne se dit point, ny par la raison, ny par l'Vsage. IL faut prononcer la derniere syllabe deces mots la\, comme si elle s'escriuoit auec vn @a@, & non pas auec vn @e, vn ingrediant, vn expediant, &c.@ quoy que l'on prononce @moyen, citoyen, Chrestien, & c.@ auec l'@e@, comme on les escrit. Pour connoistre donc quand il faut prononcer @a@, ou @e@, voicy la reigle. C'est que toutes les fois qu'au singulier des noms qui ont @en a\@ la derniere syllabe il y a vn @t@, apre/s l'@en@, l'@e@ se prononce en @a@, comme a\ @expedient, inconuenient@, & ainsi des autres. Mais quand il n'y a point de @t@, comme a\ @moyen, citoyen, &c.@ alors on pronon- ce l'@e\@, & au singulier, & au pluriel, comme il est escrit. Si l'on objecte qu'ence mot @Chrestiente/@, il y a vn @t@, apre/s l'@n@, & que neantmoins il faut pro- noncer, l'@e@ qui est deuant l'@n@ comme vn @e@, & non pas comme vn @a@; car il ne faut jamais dire @Chrestiante/@, quoy que plusieurs le dient; On respond, que cela n'est point contre la reigle qu'on vient de donner, qui ne parle que de la derniere syllabe du mot termine/ en @ent@,

& non pas de celle qui n'est pas la derniere comme @en@, deuant le @t@, ne l'est pas en @Chrestien- te/.@ Outre que le @t@, n'entre pas dans la syllabe @en@, mais dans la derniere qui est @te/.@ ON dit, @soit que vous ayez fait cela, soit que vous ne l'ayez pas fait.@ On dit aussi, @soit que vous ayez fait cela, ou que vous ne l'ayez pas fait@, & c'est la plus ordinaire & la plus douce fac#on de parler; Mais l'autre ne laisse pas d'e- stre fort bonne, & mesmes il y a de certains endroits, dont les exemples ne se presentent pas maintenant, ou\ la repetition des deux @soit@, a beaucoup meilleure grace, que de dire, @ou.@ Il y en a vne troisiesme, dont plusieurs se ser- uent, mais qui est condamne/e dans la prose par les meilleurs Escriuains. C'est, @ou soit@, par exemple ils disent, @ou soit qu'il n'eust pas donne/ assez bon ordre a\ ses affaires, ou que ses comman- demens fussent mal executez.@ Ou bien, @soit qu'il n'eust pas donne/ bon ordre, &c. ou soit que ses com- mandemens, &c.@ Il ne faut point mettre @ou@, deuant @soit@, ny en l'vn, ny en l'autre exem- ple, il est redondant. Il faut dire simplement, @soit qu'il n'eust pas donne/, &c. ou que ses com- mandemens, & c.@ I'ay dit @dans la prose@; parce que les Poe%tes ne font point de difficulte/d en vser,

leur estant commode d'auoir vne syllabe de plus, ou de moins, pour levers. CE mot est tousiours adjectif, & jamais substantif, quoy qu'vne infinite/ de gens, & particulierement les Predicateurs disent, @la superbe@, pour dire @l'orgueil.@ Ce n'est pas qu'il n'y ayt plusieurs mots qui sont substantifs & adjectifs tout ensemble, comme @colere, adultere, chagrin, sacrilege, &c.@ mais @superbe@, n'est pas de ce nombre. CE terme est vieux, & ceux qui escriuent purement ne s'en seruent plus. Nous auons pourtant grand besoin de ces fac#ons de parler pour les haisons, & les commen- cemens des periodes qu'il faut souuent diuer- sifier. Puis que l'on ne veut plus receuoir @en somme@, on recevra encore moins @somme@, pour @en somme@, dont nos meilleurs Escriuains se ser- uoient il n'y a pas long temps, & beaucoup moins encore @somme toute.@ Nous n'auons @qu'en- fin, en vn mot, apre/s tout@, car ny @finalement@, ny @bref@, ne s'employent plus gueres dans le beau stile, quoy que l'on s'en serue dans le stile ordinaire.

IL est tousjours feminin, & l'on dit, @vne belle epigramme@, & non pas, @vn bel epigramme, & vne epigramme bien aigue%@, & non pas @bien ai- gu@; Car il y en a quelques-vns qui veulent qu'il soit masculin & feminin, selon la diuerse si- tuation de l'adjectif qui l'accompagne, par exemple, ils veulent que l'on die, @vne belle epi- gramme, & vn epigramme bien aigu@, c'est a\ dire, que quand l'adjecif est deuant, @epigramme@ soit feminin, & quand l'adjectif est apre/s, qu'il soit masculin. Mais cette distinction qui a lieu en quelques autres mots, est condamne/e en celuy-cy. LEs vns sont @Epitaphe@ masculin, les au- tres feminin; mais la plus commune opi- nion est, qu'il est feminin, @vne belle epitaphe.@ Au contraire, @Horoscope@ qu'on fait aussi des deux genres, passe neantmoins plus com- munement pour masculin, l'@horoscope qu'il a fait, qu'il a dresse/@, plustost que, @qu'il a faite@ ou drese/e. Epithalame@ est des deux genres aussi, mais plustost masculin que feminin.

PLusieurs obmettent le pronom relatif, @le@, aux deux genres & aux deux nombres. Par exemple, @vn tel veut acheter mon cheual, il faut que ie luy face voir@, au lieu de dire, @il faut que ie le luy face voir, veut acheter ma haquene/e, il faut que ie la luy face voir.@ Ainsi au pluriel. Amyot fait tous- jours cette faute, mais ce n'est qu'auec @luy@, & leur@, pour euiter sans doute la cacophonie de @le luy, & le leur@, & ne dire pas, @il faut que ie le luy face voir@, ou, @que ie le leur face voir@, qui n'est pas vne raison suffisante pour laisser vn mot si neces- saire; car il vaut bien mieux satisfaire l'enten- de/ment que l'oreille, & il ne faut jamais auoir esgard a\ celle-cy; qu'on n'ayt premierement satisfait l'autre. Amyot donc, ny ceux qui font encore aujourd'huy cette faute, ne diront pas @vous voulez acheter mon cheval, il faut que ie vous monstre@, mais @que ie vous le monstre@; parce que ce n'est qu'auec @luy & leur@ qu'ils parlent ainsi, comme j'ay dit, a\ cause de la cacophonie des deux @l,l.@ IL y a encore vne autre petite remarque a\ faire sur la transposition de ce pronom re- latif. Par exemple, il faut dire, @ie vous le pro- mets@, & non pas, @ie le vous promets@, comme le disent tous les anciens Escriuains, & plusieurs modernes encore. Il faut tousjours mettre le pronom relatif aupre/s du verbe, mesme lors qu'il y a repetition du pronom personnel, com- me, @il n'est pas si meschant que vous vous le figu- rez@, & non pas, @que vous le vous figurez@, non- obstant la cacophonie des deux @vous.@ Pour les vers, quelques-vns se seruent de L'vn & de l'au- tre, & disent aussi, @vous le vous figurez@; mais non pas, @ie le vous asseure@, pour, @ie vous l'asseure.@ CEs mots sont tousjours masculins, quoy que quelques-vns de nos meilleurs Au- theurs les ayent fait feminins; il est vray que ce ne sont pas des plus modernes. On dit tou- tesfois au pluriel, @a\ belles reproches, de san- glantes reproches@, & en ce nombre il est certain qu'on le fait plus souuent feminin que mas- culin; Mais quand on le fera par tout mascu- lin, on ne sc#auroit faillir. AV singulier, quand il signifie @livre@, ou @volume@, ou @quelque composition@, il est mas- culin, @vn bel oeuure.@ Pour @action@, il est feminin, @faire vne bonne oeuure@, quelques-vns disent, & tres-mal, faire @vn bon oeuure.@ Au pluriel il est

tousjours feminin, soit qu'il signifie l'vn ou l'autre; car on dit, @faire de bonnes auures, &, j'ay toutes ses oeuures@, & non pas @tous ses oeuueres.@ On dit, @le grand oeuure@, pour dire la pierre philo- sophale en vn sens different des deux autres. CE terme n'est plus gueres en vsage par- my ceux qui font profession de bien par- ler, & de bien escrire. On ne dit que @plus.@ Par exemple, @tant plus il boit, tant plus il a soif@, c'est a\ la vieille mode, il faut dire, @plus il boit, plus il a soif.@ Qui voit combien ce dernier est plus beau? IL est vray que selon la raison, il faudroit dire, @cent mille escus valant@, & non pas, @cent mille escus vaillant@, parce qu'outre l'equiuoque de @vaillant@, & la reigle qui veut qu'on ne face point d'equiuoque sans necessite/, @valoir@ fait @valant@, comme @vouloir@ fait @voulant@, & non pas @vaillant.@ Aussi l'on dit, @equiualant@, & non pas @equiuaillant.@ Mais l'Vsage plus fort que la rai- son dans les langues, fait dire a\ la Cour, & escrire a\ tous les bons Autheurs, @cent mille escus vaillant@, & non pas @valant.@ C'est en Poictou principalement, ou l'on dit @valant.@

POur signifier @comme@, ou, @tout ainsi que@, il faut dire @ne plus ne moins@, & non pas, @ny plus, ny moins@, qui est bon pour exprimer exa- ctement la quantite/ d'vne chose; comme, @il y a cent escus, ny plus, ny moins. Ie ne vous dis que ce qu'il m'a dit, ny plus, ny moins.@ Mais quand c'est vn terme de comparaison, il faut dire & escrire, @ne plus ne moins@, comme le Cardi- nal du Perron, M. Coeffeteau, & M. de Mal- herbe l'ont tousjours escrit. Et bien que par tout ailleurs cette negatiue se nomme, @ny@, & non pas @ne@, qui est vn vieux mot qui n'est plus en vsage que le long de la riuiere de Loire, ou\ l'on dit encore, @ne vous, ne moy@, pour, @ny vous, ny moy@,; si est-ce que l'ancien @ne@, s'est conserue/ en- tier en @ne plus ne moins@; car l'on ne dir point @ny plus, ne moins@, ny, @ne plus, ny moins.@ L'Vsage le veut ainsi; quoy qu'a\ le bien prendre, & se- lon que les mots sonnent, ce terme de compa- raison ne signifie autre chose, sinon que les deux choses que l'on compare ont vn rap- port si parfait, qu'il semble qu'il n'y a ny plus ny moins en l'vne qu'en l'autre. l'ay dit comme il falloit vser de ce terme, quand on s'en sert, parce que plusieurs y man- quent. Mais il est bon que l'on sache, qu'il n'est presque plus en vsage parmy ceux qui parlent & escriuent bien.

CEtte remarque est assez curieuse, & peu de gens y prennent garde. Ie parle des meilleurs Escriuains, mais M. Coeffeteau n'y man que jamais. Ie dis donc que, @ny@, ne se doit pas mettre deuant la seconde epithete, ou le se- cond adjectif d'vne proposition negatiue, quand cette seconde epithete n'est que le syno- nime de la premiere. Exemple, @il n'est point de me- moire d'vn plus rude & plus furieux combat@, dit M. Coeffeteau, ie dis qu'il n'a pas mis @d'vn plus rude ny plus furieux combat@, parce qu'icy @rude & furieux@ sont synonimes; quoy que ce ne seroit pas vne faute de mettre le, @ny@, comme font quelques-vns, mais il seroit moins bon que, &. @Ny@ se doit mettre seulement quand les deux epithetes sont tout a\ fait differentes, comme @il n'y eut iamais de Capitaine plus vaillant, ny plus sage que luy@, car @vaillant@ & @sage@ sont deux choses bien differentes, & il ne seroit pas si bien dit, @il n'y eut jamais de Capitaine plus vaillant & plus sage que luy.@ A plus forte raison on doit met- tre @ny@, si ce sont deux choses contraires. QVand la negatiue @ne@, est deuant @nier@, il la faut encore repeter apre/s le mesme

verbe, @ar exemple, @ie ne nie pas que ie ne l'aye dit@, & non pas, @ie ne nie pas que ie l'aye dit.@ Ce dernier neantmoins ne laisse pas d'estre Fran- c#ois; mais peu e/legant: l'autre est beaucoup meilleur; nostre langue ayme deux negations ensemble, qui n'affirment pas comme en La- tin, ou\ @nec-non@, veut dire, &. IL faut dire, @subuenir a\ la necessite/ de quel- qu'vn@, & non pas @suruenir@, comme dit la plus part du monde; Car @suruenir@ veut dire toute autre chose, comme chacun sc#ait. CE verbe est neutre, & non pas actif. C'est pourquoy, @sortez ce cheual@, pour dire, @fai- tes sortie ce cheual@, ou, @tirez ce cheual@, est tres- mal dit, encore que cette fac#on de parler se soit rendue% fort commune a\ la Cour, & par toutes les Prouinces. On accuse les Gascons d'en estre les autheurs, a\ cause qu'ils ont accoustume/ de conuertir plusieurs verbes neutres en actifs, comme @tomber, exceller, & c.@ jusques la\, qu'ils disent mesmes @entrez ce cheual@; pour dire, @faites entrer ce cheual@, ce que j'ay ou%y dire aussi a\ des Courtisans nez au coeur de la France. Surquoy

il faut remarquer, que de toutes les erreurs qui se peuuent introduire dans la langue, il n'y en a point de si aise/e a\ establir, que de faire vn verbe actif, d'vn verbe neutre; parce que ce/t vsage est commode, en ce qu'il abrege l'expression, & ainsi il est incontinent d'estre entendus sans se soucier d'autre chose; on a bien plustost dit, @Sortez ce cheual@, ou @entrez ce cheual@, que, @faites sortir ce cheual@, ou @faites entrer ce cheual.@ On dit pourtant, @sortir le Royaume@, pour @du Royaume@, qui me semble bien meilleur, &, @sor- tez-moy de cette affaire; j'espere qu'il me sortira d'affaire.@ Il est vtay qu'en terme de Palais on dit, @la sentence sortira son plein & entier effect@; mais c'est en vne signification si differente de l'au- tre, qu'il est malaise/ de juger d'ou\ vient cette fac#on de parler, qui d'ailleurs n'est vsire/e qu'au barreau, quoy qu'vne de nos meilleures plumes ayt escrit, @sortir son effet@, en vne matiere qui n'est pas de la jurisdiction du Palais; Ie ne vou- drois pas l'imiter en cela comme en tout le reste, au moins dans le beau langage. CEst vn mot purement Latin, que M. de Malherbe a tasche/ de faire Franc#ois: car il est premier, que ie sc#ache, qui en ayt vse/.

Ie voudrois bien qu'il fust suiuy, parce que nous n'auons point de mot qui signifie celuy- la\, outre qu'il est beau & doux a\ l'oreille, ce qui me fait augurer qu'il se pourra establir. Il n'auroit pas grand'peine a\ s'introduire parmy ceux qui entendent la signification & la for- ce du mot, & qui sc#auent le Latin; mais pour les autres qui n'en ont aucune connoissance, ils ne luy seront pas si fauorables, a\ cause que ny @insidieux@, ny @insidiae@ d'ou\ il vient, n'ont rien qui approche d'aucun mot de nostre langue, qui signifie cela & qui luy fraye le chemin, telle- ment qu'il faudroit du temps pour le faire connoistre. Les exemples tirez de M. de Mal- herbe en front voir & la signification & l'v sage. Il dit en vn lieu, @ces subtilitez qui semblent insidieuses.@ Et en vn autre, @c'est vne insidieuse fa- c#on de nuire, que de nuire en sorte qu'on en soit re- mercie/.@ I'ajousteray vn troisiesme exemple qui le fera entendre encore plus clairement, @il ne faut pas se fier aux caresses du monde, elles sont trompeuses, & s'il faut vser de ce mot, insidieuses@; c'est a\ dire, que ce sont autant de pieges & d'embusches que le monde nous dresse; Car pour l'introduire au commencement, ie vou- drois l'adoucir auec ce correctif, @s'il faut vser de ce mot@, ou @s'il faut ainsi dire@, ou quelque autre semblable, ou bien l'expliquer deuant ou apre/s, par quelque mot synonime qui l'appuye, &

luy serue d'introducteur. Vn vers qui com- menceroit ainsi, @Insidieux Amour, qui &c.@ n'au- roit pas mauuaise grace. Ce mot y seroit bien place. @VNe infinite/ de personnes@, regit le pluriel. M. de Malherbe, @j'ay en cette consolation en mes ennuis, qu'vne infinite/ de personnes ont pris la peine de me tesmoigner le desplaisir qu'ils en ont eu.@ Cela ne se fait pas a\ cause que le mot d'@infi- nite/@ est collectif, & signifie beaucoup plus enco- re que la pluralite/ des personnes, mais parce que le genitif est pluriel, qui en ce/t endroit don- ne la loy au verbe contre la reigle ordinaire de la Grammaire, qui veut que ce soit le no- minatif qui regisse le verbe; Car si vous dites @vne infinite/ de monde@; parce que ce genitif est au singulier, vous direz, @vne infinite/ de monde se jetta la\ dedans@, & non pas, @vne infinite/ de monde se jetterent@, ce qui est vne preuue manifeste que c'est le genitif pluriel, qui fait dire, @vne infini- te/ de personnes ont pris la peine@, & non pas la for- ce collectiue du mot @infinite/.@ LA pluspart regit tousjours le pluriel, com- me, @la pluspart se laissent emporter a\ la cous- tume, & la plus grand' part@, regit tousiours le singulier, comme, @la plus grand' part se laisse emporter.@ Mais pour monstrer ce qui a este/ dit en la remarque precedente, que le genitif donne la loy au verbe, & non pas le nomi- natif (ce qui est bien extraordinaire & a\ re- marquer) on dit, @la pluspart du monde fait@, quoy que l'on die tousiours, @la pluspart font@, parce que ce genitif singulier @du monde@, donne le regime au nombre singulier du verbe; Et si vous dites, @la pluspart des hommes@, vous direz aussi, @sont@, & non pas @fait.@ I'Auou%e que ce terme est comme necessaire en plusieurs rencontres, & qu'il a tant de force pour imprimer ce en quoy on l'employe ordinairement, que nous n'en auons point d'autre a\ mettre en sa place, qui face le mes- me effet. Neantmoins il est certain qu'on ne le dit plus a\ la Cour, & que tous ceux qui veu- lent eserire purement, n'en oseroient vser. Pour moy, ie ne le condamne point aux autres, mais ie ne m'en voudrois pas seruir, a\ cause qu'il y a deux sortes d'Vsages, le commun, & l'excellent, & que ie ne voudrois pas vser d'vne fac#on de parler, que l'excellent Vsage eust condamne/e. Et l'on a beau se plaindre

de l'injustice de ce/t Vsage, il ne faut pas lais- ser de s'y soumettre, encore qu'on le croye injuste. I'ajousteray, que ceux qui ont accou- stume/ de s'en seruir, ne pensent pas s'en pou- uoir passer, & que ceux qui ne s'en seruent ja- mais, ne s'apperc#oiuent pas qu'ils en ayent besoin. @Et mesmes@, tout seul fait a\ peu pre/s le mesme effet, comme si l'on dit, @ce remede est inutile, voire mesmes pernicieux@; on peut dire aus- si, @ce remede est inutile, & mesmes pernicieux.@ Il est vray qu'il est vn peu plus foible. PAr exemple, @quel aueuglement est le vostre?@ M. de Malherbe soustenoit qu'il falloit dire, @quel est vostre aueuglement?@ & que ce sont les Italiens qui parlent ainsi, @che sciocchezza e\ la vostra?@ Neantmoins j'ay appris depuis des Maistres, que l'vn & l'autre est Franc#ois, mais qu'\ la verite/ celuy-cy, @quel est vostre aueugle- ment? est plus naturel que l'autre. M. Coeffeteau n'a jamais vse/ de ce mot; mais M. de Malherbe & ses imitateurs, s'en seruent souuent. @N'auez-vous point de hont e, de vous plonger@, Par exemple,

dit-il, @en vne securite/ aussi profonde, que le dormir mesme?@ Et en vn autre endroit, @jamais la fin d'v- ne crainte n'est fi douce, qu'vne securite/ solide ne soit beaucoup plus agreable.@ C'est quelque chose de different de @seurete/, d'@asseurance@, & de @confiance@, mais il me semble qu'il approche plus de @confian- ce@, & que @securite/@, veut dire, comme @vne confiance seure@, ou @asseure/e@, ou bien @vne confiance que l'on croit estre seure, encore qu'elle ne le soit pas.@ Il faut voir comme les bons Autheurs Latins s'en seruent, car nous nous en seruirons au mesme sens. Ie preuois que ce mot sera vn jour fort en vsage, a\ cause qu'il exprime bien cette con- fiance asseure/e, que nous ne sc#aurions expri- mer en vn mot, que par celuy-la\. Ie l'ay desia ou%y dire, mesme a\ des femmes de la Cour. Ie ne voudrois pourtant pas en vser encore sans y apporter quelque adoucissement, comme @pour vser de ce mot@, on quelque autre semblable, a\ l'i- mitation de Ciceron, qui ne se sert jamais d'vn mot sort significatif, lors qu'il n'est pas encore bien receu, qu'il n'y apporte cette precaution. CEst comme ie crois qu'il le faut escri- re, comme qui diroit, que la confu- sion est telle en la chose dont on parle, & l'ordre tellement renuerse/, qu'on n'y re- connoit plus ce qui deuroit estre dessus ou

dessous. D'autres escriuent, @c'en dessus dessous@, comme qui diroit, @ce qui estoit ou deuoit estre en dessus@, ou @au dessus, est au dessous.@ D'autres enco- re escriuent, @sens dessus dessous@, comme qui di- roit, que ce qui estoit ou deuoit estre en vn @sens@, c'est a\ dire, en vne situation, a\ sc#auoir, @dessus@, est en vn @sens@ tout constraire, a\ sc#a- uoir @dessous.@ D'autres en rapportent vne autre raison tire/e de l'histoire, & escriuent @cens@, ainsi Il seroit trop long de la deduire, ven d'ailleurs le peu d'asseurance que ie trouue en cette raison. La prononciation est la mesme en tous les quatre, il n'y a que l'orthographe diffe- rente. @PEur@, pour dire @de peur@, est insupportable, & neantimoins ie vois vne infinite/ de gens qui le disent, & quelques-vns desia qui l'escri- uent. Il y a long-temps que l'on a dit & escrit, @crainte@, pour @de crainte@, qui est vne faute con- damne/e de tous ceux qui sc#auent parler & escrire, mais @peur@, pour @de peur@, est plus nou- ueau. @LA on\@, pour @au lieu que@, u'est pas du beau langage, quoy qu'on le die commune- ment, & qu'Amyot s'en serue tousjours; Mais

M. Coeffeteau ne s'en sert jamais, ny apre/s luy aucun de nos excellens Escriuains. Il est vray neantmoins, qu'vn d'entre cux & des plus celebres, en a vse en son dernier ovurage, ce qu'il n'auoit point fait en tous les autres; il semble mesmes qu'il ayt eu dessein de le mettre en vogue, ayant affecte/ de le dire ie ne sc#ay combien de fois en peu de pages, sans se ser- uir vne seule fois d'@au lieu que@, qui est le vray terme dont il faut vser, & qu'il auoit accou- stume/ d'employer en ses autres oeuures. Ce qui a empesche/ les bons Autheurs se s'en seruir, est l'equiuoque qui se rencontre sou- uent en cette fac#on de parler. Il ne s'en pre- sente pas maintenant des exemples, mais il s'en trouue assez dans les escrits de ceux qui en vsent. IL faut dire, @particularite/@, & non pas @particu- liarite@, comme le disent le disent plusieurs, mesme a\ la Cour. Ce qui les trompe, c'est qu'on dit, @par- ticulier@, & qu'ils croyent que @particularite/@ se for- me de ce/t adjectif, & que par consequent il faut retenir, l'@i@, apre/s l'@l@; Mais il n'en va pas ainsi, parce que ces sortes de noms viennent des substantifs Latins, tels qu'ils sont en ef- fet, ou qu'ils seroient, si par l'analogie des autres de la mesme nature, on les formoit de

leurs adjectifs, comme par exemple de l'adje- ctif @particularis@, en latin, se fait le substantif @particularitas@, lequel, encore qu'il ne soit pas neantmoins Latin, ne laisse pas de don- ner lieu de former en nostre langue le mot de @particularite/; Comme nous disons aussi, @sin- gularite/@, & non pas @singuliarite/@, quoy que l'on die @singulier, & pluralite/@, non pas @plurialite/@, quoy que l'on die @pluriel.@ TOus deux sont bons, mais @parce que@, est plus doux, & plus vsite/ a\ la Cour, & presque par tous les meilleurs Escriuains. @Pour- ce que@, est plus du Palais, quoy qu'a\ la Cour quelques-vns le dient aussi, particulierement ceux de la Prouince de Normandie. M. Coef- feteau escrit ordinairement @parce que@, & se sert tres-rarement de l'autre. M. de Malherbe au contraire, met presque tousjours @pource que@, jus- ques a\ auoir este/ sur le point de condamner @parce que@, qui est dans la bouche & dans les escrits\ de la pluspart du monde; Car j'oserois asseurer que pour vne personne qui dira ou/ es- crira @pource que@, il y an a mille qui diront & escriront l'autre. Sa raison estoit, que @pource que@, a vn rapport expre/s ou tacite a\ l'interro- gation @pourquoy@, selon lequel, disoit-il, il est

plus conuenable de respondre @pource@, que @parce@, affin que celuy qui interroge, & celuy qui res- pond s'accordent. Mais cette raison est plus ingenieuse que puissante contre l'Vsage de @parce que@, qui l'emporte presque de toutes les voix. Par vne consideration approchante de cel- le-la\, il semble que le mesme M. de Malherbe obserue de mettre @parce@, ou @pource@, selon qu'il s'accommode auec ce qui precede, ou qui suit. Exemples. Il dit, @non que ie dispute de leur pre- seance par vanite/ simplement de marcher deuant, mais parce qu'en ce/t auantage consiste la decision de tout le fait.@ Vous voyez clairement que @par va- nite/, & parce que@, se rapportent. Et en vn autre endroir, @il a fallu@, dit-il, @faire ce discours, pource que faire plaisir est l'office de la vertu. Pour@, se rap- porte a\ ce qui precede, & il croyoit que @par@, ne s'y rapportoit pas, a\ cause que naturelle- ment apre/s auoir dit, @il a fallu faire ce discours@, on ajouste @pour@, comme @pour faire@, ou @pour tel & tel sujet.@ CE n'est pas vne faute, de repeter @qui@, deux fois dans vne mesme periode, com- me le croyent quelques-vns, qui a\ cause de ce-

la mettent @lequel@, ou @lesquels, laquelle@, ou @lesquel- les@; car @qui@ veut dire tous les quatre. Il est bien plus rude de dire @lequel@, ou l'vn des quatre, que de repeter deux fois, @qui@; Car l'vsage en est si frequent, qu'il en oste la rudesse, & l'oreille n'en est point offense/e. Les plus excellens Autheurs n'en font point de scrupule. Il ne se- roit pas besoin d'en donner des exemples, parce que nos meilleurs Liures en sont pleins; mais en voicy vn qui suffira, @il y a des gens qui n'aiment que ce qui leur nuit@, ou @qui n'ai- ment que les choses qui leur sont contraires.@ Ces deux @qui@, ne sont point rudes, & @lesquels@, mis au lieu du premier, ou @lesquelles@, au lieu du se- cond, seroit extremement dur, sur tout @lesquel- les@, au lieu du second @qui.@ Il y a vne exception; c'est quand les deux @qui@, ont rapport a\ vn mesme substantif, sans que la copulatiue, @et@, soit entre deux, comme, @c'est vn homme qui vient des Indes, qui apporte quan- tite/ de pierreries@; car en ce cas, il est mieux de di- re, @lequel apporte@: mais il seroit encore mieux de mettre, @& qui apporte@, au moins en escriuant; car en parlant, les deux @qui@, ne sonnent point mal, mesme sans, @et.@ Que s'il y a plusieurs @qui@ relatifs a\ vn mesme sujet, ils ont fort bonne grace, sans, @et@, comme @c'est vne fille, qui danse, qui chante, qui joue% du luth, qui peint@; Mais si

l'on change le genre de la lou%ange,il faut met- tre,@et@,en suite,& dire,par exemple,apre/s tout le reste,& @qui est fort sage.@ IL n'en est pas de,@pour@,comme de,@qui@,car estant repete/ deux fois dans vne mesme pe- riode,& sur tout deuant deux infinitifs,il sonne tres-mal,& est contre la nettete/ du stile. Ce- pendant ie m'estonne que plusieurs de nos meilleurs Escriuains y manquent. Par exemple, @il cherche des raisons pour's excuser de ce qu'il s'en alla pour donner ordre,&@. Il mesemble que ce n'est point nettement escrire; j'en fais iuge toute oreille delicate. Que si dans la repetitions du @pour@,l'vn sert a\ l'infinitif,& l'autre a\ vn nom,il ne sonne pas si mal,a\ cause qu'il est employe/ diuersement,comme,@il cherche des raisons pour s'excuser de ce qu'il a sullicite/ pour ma partie@: Aus- si ce dernier est fort en vsage,& plusieurs le trouuent bon. LA repetition des Prepositions n'est ne- cessaire aux noms,que quands les deux subitantifa ne sont pas fynonimes,ou equi- pollens. Example; @par les ruses & les artifices

de mes ennemis. Ruses,& artifices@,sont synoni- mes,c'est pourquoy il ne faut point repeterla preposition @par@;Mais si au lieu @d'artifices@,il y auoit @armes@,alors il faudroit dire,@par les ru- ses & par les armes de mes ennemis@;parce que @ru- ses,& armes@,ne sont ny synonimes,ny equi- pollens,ou approachans. Voicy vn exemple des equipollens,@pour le bien & l'honneur de son Mai- stre. Bien & honneur@,ne sont pas synonimes, mais ils sont equipollens,a\ cause que @bien@,est le genre qui comprend sous soy @honneur@,com- me son espece. Que si au lieu @d'honneur@,il y auoit,@mal@,alors il faudroit repeter la prepo- sition,@pour@,& dire,@pour le bien & pour le mal de son Maistre@. Il en est ainsi de plusieurs autres prepositions,comme@par,contre,auec,sur,sous@, & leurs semblables. C'Est vne fac$on de parler,qui est fort en vsage,mais non pas parmy les excel- lens Escriuains. En voicy l'exemple,@qui cricit d'vn coste/,qui crioit de l'autre,qui s'enfuyoit fur les toits,qui dans les cause,qui dans les Eglises@: Mais les bons Autheurs expriment cela de cette fac$on,@les vns crioient d'vn coste/,les au- tres de l'autre,les vns s'enfuyoient sur les toits, les autres dans les caues,& les autres dans les

@Eglises. Et tant s'en faut que,@les autres@,repe- tez si souuent soient importuns, qu'au con- traire ils ont tres-bonne grace,parce que d'ordinaire on parle ainsi;C'est cette grande Reigle,qui regne par toutes les langues,& que ie suis oblige/d'alleguer souuent,Qu'@il n'y a ny cacophonie,ny repetition,ny quoy que ce puis- se estre,qui offense l'oreille, quand elle y est accous- tunie/e@. ON le dit ordinairemant,mais les bons Autheurs nel'escriuent point,quoy que M.de Malherbes'e/n soit seruy d'v\ne fac$on,en- core moins approuue/e. @La volonte/,dit-il,doit aller quant & lachose,& la chose quant & la volonte/@. Que sil'on auoit a\ en vser,il faudroit escrire @quand@ auec vn d,& non pas auec vn@t;@ Car qui ne voit que cette fac$on de parler,@il est venu quant & moy@,ne signifie autre chose sinon,@il est venu quand ie suis venu?@ Il est vray que le @d@, deuant vne voyelle,lors que le @d@,finit vn mot,& que la voyelle commence celuy qui suit,se pro- nonce en @t@,par exemple,@grand bomme,grand esprit@,se prononce,comme si l'on escriuoit, @grant homme,grant esprit@; Et c'est ce qui est cau- se,sans doute.que l'on a escrit @quant & moy,@ auec vn @t@.

LEs autres fontvne faute toute contraire, escriuant @quand a\ moy@,auec vn @d@,au lieu d'escrire @quant a\ moy@,auec vn @t@, & cette erreur, quoy que grossiere,a tellement gaigne/ le des- sus parmy les copistes,& mesmes parmy les Im- primeurs,que depuis quelque temps ie ne le vois presque plus escrit ny imprime/ autre- ment. Mais ce qui me semble plus estrange, est que ceux mesme qui ont estudie/,& qui ne peuuent ignorer,que ce @quant@,ne vienne du Latin @quantu\m@,y manquent comme les autres, & le souffrent dans l'impression de leurs ou- urages. @QVant & quant moy@,pour dire,@auecque@ moy,ou @aussi tost que moy@,ne vaut rien ny a dire,ny a\ escrire. Et s'il estoit bon,il fau- droit escrire les deux@quant@ auec des @d@,&non pas des @t@,pour la mesme raison que j'ay dite @a\ quant & moy@. @Quant & quant@,pour dire,@en mesme temps, a\; tout quant & quant@,pour,@incontinent@,se disent, mais les bons Autheurs ne l'escriuent point.

CE mot a vn vsage fort elegant,& fort commode,pour supple/er au pronom @lequel@,en tout genre & en tout nombre,com- me fait @dont@,d'vne autre sorte. Car @lequel,la- quelle,lesquels@,& son feminin,auec leurs cas, sont des mots assez rudes; s'ils ne sont bien placez selon les reigles que nous en donnie- rons en son lieu. On dit donc fort bien,@le plus grand vice a\ quoy il est sujet@,au lieu de di- re,@auquel il est sujet@:& il y a bien a\ dire,que ce dernier ne soit si bon;@& la chose du monde a\ quoy ie suis le plus sujet@,plustost qu'a\@laquelle@. Voila\ deux exemples pour les deux genres au singulier. En voicy deux autres pour les deux genres au pluriel.@Les tremblemens de terre a\ quoy ce pays est sujet;Ce sont des choses a\ quoy il faut penser. Ausquels,& ausquelles@,n'y seroient pas si bons de beaucoup;Ainsi ce mot est indeclinable. Il n'est pas necessaire d'ajouster que l'on ne se sert jamais de ce mot en parlant des personnes,comme,on ne dira point,@ce sont les hommes du monde a\ quoy nous deuons le plus de respect@;mais @a\ qui@; Il n'y a que les Estran- gers,qui puissent auoir besoin de ce/t aduis.

QVI,au genitif,datif,& ablatif,en l'vn & en l'autre nombre,ne s'attribue% ja- mais qu'aux personnes. Par exemple,@c'est vn cheual de qui j'ay reconnu les defauts,vn cheual a\ qui j'ay fait faire de grands traites,pour qui j'ay pense/ auoir querelle.@ Ie dis qu'en tous ces trois cas au singulier & au pluriel,c'est vne faute de dire @qui@,parce qu'on ne parle pas d'vne personne,& qu'il faut dire,@vn cheual dont j'ay reconnu les defauts,auquel j'ay fait faire de gran- des traites,& pour lequel j'ay pense/ auoir querelle.@ Ce n'est pas que quelques-vns n'approuuent @qui@,en ces exemples,mais c'est contre l'opi- nion commune. Il en est de mesme,si l'on parle @d'vne ch0- se inanime/e@,comme@table,lit,chaise@,& autres semblables,car on ne dira pas,c'est la table,de qui ie vous ay donne/ la mesure,ny a/ qui ie me suis blesse/,ny @pour qui on a tant fait de bruit@,mais la @table,dont ie vous ay donne/ la mesure,a\ laquelle@, ou bien,@ou\ ie me suis blesse/,& pour laquelle on a tant fait de bruit@. Tout de mesme au pluriel. Cette remarque est encore vraye aux cho- ses morales,comme@magnificence,courtoisie,bon- te@,& ainsi des autres;car on nedira point,c'est @cette cour oisie@,ou @magnificence@,ou @bonte/ de qui ie

vous ay tant parle/,ny a\ aui vous estes oblige/@,ny @pour qui vous auez tant d'estime@,mais @dont ie vous ay tant parle/,a\ laquelle vous estes oblige/, & pour laquelle vous auez tant d'estime@. De mesme au pluriel. Sineantmoins on parle de @Gloire@, de @Victoire,@de @Vertu@, de@Renomme/e,& d'autres cho- ses de cette nature, par prosopope/e, comme on les represente souuent, sur tout dans la Poe%ie, qui en fait des Diuinitez, ou des per- sonnes celestes, le @qui@ n'y sera pas mal,puis qu'il est aux personnes, soit veritables ou feintes, comme, @la Gloire a\ qui ie me suis de- uou%e/@ (ce qu' Alexandre auoit accoustume/ de di- re)& ainsi des autres. Il en est de mesme des choses ausquelles on donne des phrases personnelles, comme ie diray fort bien, @voila\ vn cheual a\ qui ie dois la vie, voila\ vne porte a\ qui ie dois mon salut, voi- la\ vne fleur a\ qui j'ay donne/ mon coeur@, & autres semblables, ou\ l'on se sert des phrases qui ne conuiennent proprement qu'aux personnes. Au reste, ie dois ces deux obseruations, com- me plusieurs autres choses qui sont dans ces Remarques, a\ l'vn des plus grands Genies de nostre langue, & de nostre Poe%sie Heroi%que. On se sert bien souuent de @quoy@, pour, @lequel@, aux deux genres,& aux deux nombres. Par exemple, @c'est le cheual auec quoy j'ay couru la bague, c'est le cheual surquoy j'ay este/ blese/@, pour

dire @auec lequel@, ainsi des autres. Au reste, j'ay dit que ce n'estoit qu'au ge- nitif, datif, & ablatif des deux nombres que cette remarque auoit lieu, parce qu'au nomi- natif & a\ l'accusatif il n'en est pas ainsi, @qui,@ au nominatif singulier & pluriel, s'attribuant aux personnes & aux choses indifferemment, comme fait @que@, aussi en l'accusatif des deux nombres: les exemples en sont si frequens, qu'il n'est pas besoin d'en donner. @S0lliciter@ pour @seouir, secourir,& assister vn malade@, comme on le dit ordinairement a\ Paris, est du plus bas vsage; au lieu qu'aux autres significations il est fort bon, & fort noble. Ie n'eusse pas creu que les Autheurs La- tins les plus e/legans s'en fussent seruis au mes- me sens, que nos bons Autheurs condamnent. Neantmoins Quintilien entre autres, l'a fait en cette admirable Preface de son sixiesme liure, @vt ille,@ dit-il, @mihi blandissimus me suis nutricibus, me auie educanti, me omnibus qui sollicitare solent illas atates, anteferret. CE mot n'est plus en vsage a\ la Cour, ou\ il estoit si vsite/ il n'y a que vingt

ans; c'est pourquoy l'on n'oseroit plus s'en ser- uir dans le beau langage. On dit @long-temps@, au lieu de @longuement.@ @POurpre, maladie,@ est masculin, comme @ il est mort du pourpre@. Quand il signifie @ l'estof- fe de pourpre,@ il est feminin, @ la pourpre des Roys, la pourpre de; Cardinaux, vne pourpre esclatante, & viue.@ En ce sens vn de nos meilleurs Escri- uains l'a tousjours fait masculin, mais il en est repris de tout le monde auecque raison. Lors qu'il signifie @ le poisson qui nous donne la pourpre, @ quelques-vns le font masculin, & les autres feminin; Car comme ce poisson ne se trou- ue plus, nostre langue ne luy a point donne/ de genre certain. La plus-part des Autheurs, qui en ont escrit en Franc$ois, l'ont fait femi- nin, mais ce ne sont pas a\ la verite/ des Au- theurs classiques. Vn des plus eloquens hom- mes du barreau, est d'auis de le faire mascu- lin, pour le distinguer de @ la couleur de pourpre, @ quoy que par la\ on ne le distingue pas de @pourpre, maladie,@ mais se faisant luy-mesme cet- te objection, il respond fort bien, que l'equiuo- que s'esclaircira mieux en l'vn qu'en l'autre, parce que @la maladie du pourpre@ n'a rien de com- mun auec@ le poisson,@ au lieu que@ le poisson@ qui

produit la pourpre peut estre aise/ment con- fondu auec @la couleur@. D'autres croyent auec beaucoup d'appa- rence, & ie serois volontiers de leur aduis, que @pourpre@, quand il signifie @la couleur@, est adjectif, & du genre commun, comme @jaune, rouge, &c.@ parce que ie vois que tous les mots des couleurs sont adjectifs, @blanc, noir, gris, jaune, rouge, &c.@ & que selon les estoffes on leur donne le gen- re masculin, ou feminin, comme par exem- ple, si l'on demande @de quel satin voulez-vous?@ ou @de quelle couleur de satin voulez-vous?@ on ref- pondra, @du blanc, du noir,@ parce que @satin@, est masculin; mais si l'on demande @de quelle gaze voulez-vous?@ on respondra, @de la blanche@, ou @de la noir@, parce que @gaze@, est feminin. Ainsi en est-il de @pourpre@; Car si cette riche & royale couleur ne nous eust point eite/ rauie par l'in- jure du temps, ou des mers, & qu'elle fust com- mune comme les autres, quand ie voudrois acheter du satin, si l'on me demandoit @du quel?@ ie dirois, @donnez-moy du pourpre,@ comme ie dirois, @donnez-moy du noir@, si ie voulois du noir. Mais pour de @la gaze@, ie dirois, @donnez-moy de la pour- pre@, comme ie dirois, @donnez-moy de la noire@. Ie soumets neantmoins ce sentiment a\ vn meil- leur; outre qu'il importe peu de sc$auoir comme on le diroit, puis qu'il n'y a pas lien de le dire.

@POitrine@, est condamne/ dans la prose, com- me dans les vers, pour vne raison aussi in- juste, que ridicule, parce, disent-ils, que l'on dit @poitrine de veau;@ Car par cette mesme raison il s'ensuiuroit qu'il faudroit condamner tous les mots des choses, qui sont communes aux hommes, & aux bestes, & que l'on ne pour- roit pas dire, @la teste d'vn homme@, a\ cause que l'on dit, @vne teste de veau@. Comme aussi on a condamne/ @face@, quand il signifie @visage@, pour vne raison encore plus ridicule & plus extra- uagante que l'autre. Neantmoins ces raisons la\ tres-impertinentes, pour supprimer vn mot, ne laissent pas d'en empescher l'vsage, & l'v- sage du mot cessant, le mot vient a\ s'abolir peu a\ peu, parce que @l'Vsage est comme l'aime & la vie des mots@. On ne laisse pas pourtant de dire encore @poitrine@ aux maladies, comme @la flu- xion luy est tombe/e sur la poitrine, il est blesse/ a\ la poitrine@, & en d'autres rencontres. On dit aussi, @la face toute defigure/e, la face de nostre Seigneur, voir Dieu face a\ face@; mais il semble que ce n'est qu'en ces phrases consacre/es. Pour les personnes, on dit encore, @regarder en face, re- procher en face, soustenir en face, resister en face@, mais tousjours sans l'article @la@.

CE verbe ne garde le @d@, qu'au futur de l'indicatif, ou% l'on dit aux trois person- nes, & aux deux nombres @resoudray, resoudras, resoudra, resoudrons,&c@. Mais au present, a\ l'im- parfait, & aux preterits, il prend l'@l@, & l'on dit @nous resoluons, vous resoluez, ils resoluent@, & non @resoudons, resoudez, resoudent@, comme disent quelques-vns. De mesme l'on dit, @ie resoluois, ie resolus, j'ay resolu@. L'on dit aussi, @resoluant@ au participe, & non pas @resoudant@, parce que ces participes se forment de la premiere person- ne pluriele du present de l'indicatif @resoluons, resoluant, voulons, voulant, a'llons, allant. @REsoudre@ pour @prendre resolution@, est vn ver- be qui a tousjours este/ neutre, & qui n'a jamais este/ employe/ autrement en ce sens la\ par le Cardinal du Perron, par M. Coeffe- teau, ny par M. de Malherbe. Par exemple, ils n'ont jamais escrit, @taschez a\ resoudre vostre amy a\ faire ce voyage@, mais @taschez a\ faire resoudre vostre amy@. Neantmoins depuis quelque temps ie vois que plusieurs le font actif, & disent hardiment, @ie l'ay resolu a\ cela@, pour @ie l'ay fait resoudre a\ cela@. Pour moy, j'ay vn peu de peine a\

me donner cette licenc\e: la phrase ne me sem- ble pas encore assez bien establie, mais il y a apparence qu'elle le sera bien tost, suiuant ce que j'ay dit au verbe @sortir@, de la nature des Neutres, qu'il n'y a rien si aise, que de les faire passer en Actifs, pour la brieuete/ de l'expres- sion. CEtte particule estant employe/e au pre- mier membre d'vne periode, peut bien estre employe/e au second joint au premier, par la conjonction @et@, mais il est beaucoup plus Franc$ois & plus elegant, au lieu de le re- peter au second membre, de mettre @que@. Par exemple, @si nous sommes jamais heureux, & si la fortune se lasse de nous persecuter, nous ferons, &c@. Ie dis qu'il est beaucoup meilleur de dire, @& que la/ fortune se lasse@. Il est vray qu'il faut chan- ger de @Mode@, qu'ils appellent en matiere de conjugaison, & si le verbe du premier mem- bre est a\ l'indicatif, il faut mettre le second au subjonctif, comme, @si jamais ie suis aupre/s de vous, & que ie jouisse de la douceur de vostre conuer sation. C'Est vne fac$on de parler fort bonne, & fort elegante. M. de Malherbe, @mais si di-

ray-je en passant@, pour dire, @si est-ce que ie diray en passant@. EStant mis deuant vn adjectif, & vn sub- stantif,il veut @que@, apre/s luy, & non pas @comme@. Exemple, @ie ne le croyois pas en de si bon- nes mains que les vostres@, & non @comme les vostres@, en quoy plusieurs manquent. Les Poe%tes neantmoins en vsent quand ils en ont be- soin. CEtte preposition ne doit rien auoir en- tre elle & l'infinitif qui les separe, si ce n'est quelque particule d'vne ou de deux syl- labes. Par exemple, on dira fort bien, @pour y aller, pour en auoir, pour luy dire, &c@. & encore @pour de la\ passer en Italie@; Mais d'y mettre plu- sieurs syllabes, comme ont fait quelques-vns de nos meilleurs Escriuains, il n'y a rien de si rude, ny de si esloigne/ de la politesse du lan- gage. Exemple, @pour auec Quintius auiser, pour apre/s auoir fait beaucoup de fac$ons, ne dire rien qui vaille@; cela est du stile de Notaire. N'est-il pas plus doux de dire, @pour auiser auec Quintius,pour ne dire rie\n qui vaille apre/s, &c@. Et ce qui aug- mente encore la rudesse, est que d'ordinaire apre/s le @pour@, ils mettent immediatement vne

autre preposition comme aux deux exem- ples que ie viens de donner, il y a @pour auec@, & @pour apre/s@. PReface est tousjours feminin, @la preface@, & jamias @le preface@. Ie l'ay ou%y faire mas- culin a\ tant de gens qui font profession de bien parler, que j'ay creu estre oblige/ d'en faire vne remarque, pour les desabuser, & pour empescher les autres de commettre cette fau- te; Car on ne met pas en dispute parmy ceux qui s'y entendent, qu'il ne soit tousjours fe- minin, non plus que @maxime@, que quelques- vns font masculin aussi, disant, @c'est vn maxi- me, il a ce maxime@, qui est tout a\ fait barbare. Il ne se doit jamais dire ny escrire, qu'il ne soit suiuy de @que@, comme @tandis que vous se- rez cela, ie feray quelque autre chose@. Mais ce se- roit tres-mal dit @faites cela, & tandis ie me rep- oseray@. Cette faute neantmoins se trouue dans vn ouurage de l'vn de nos meilleurs Escri- uains, qui soustenoit alors qu'on en pouuoit vser ainsi; Mais depuis il s'est rendu a\ l'opinion generale, & me s'est plus soeuy de cette fac$on

de parler dans ses Ouurage suiuans, que tou- te la France estime commevn des grands or- nemens de nostre langue. Il y a encore vne petite remarque a\ faire, qui n'est pas a\ negliger. C'est qu'on voit au- jour d'huy vne grande affectation de ce mor parmy la pluspart de ceux qui parlent en pu- blic, ou qui font profession de bien escrire. En tout vn liure, en tout vn discours, ils ont bien de la peine a\ dire quelquefois, @pendant que@. Ie ne suis pas le seul qui l'ay remarque; Des gens de la Cour, & hommes & femmes, ont fait cette obseruation, ajoustant que c'est a\ la Cour ou\ l'on en vse le moins, & ou\ l'on dit d'ordinaire, @pendant que@. PLusieurs disent & escriuent, @je peux@, & M. Coeffeteay le met tousjours ainsi. Ie ne pense pas qu'il le faille tout a\ fait comdam- ner; mais ie sc$ay bien que @ie puis@, est beau- coup mieux dit, & plus en vsage. On le con- jugue ainsi, @Ie puis, tu peux, il peut@. Il est de la beaure/ & de la richesse des langues, d'auoir ces dieursitez, quoy que nous ayons beaucoup de verbes, ou\ la premiere & la seconde person- ne du present de l'indicatif sont semblables, comme, @ie veux, tu veux, ie fais, tu fais, &c.

C'Est vne faute familiere aux Courtisans, hommes, & femmes, de dire, @preigne@, pour @prenne@, comme, @il faut qu'il preigne patience@, au lieu de dire, @qu'il prenne; Et vieigne@, pour @vien- ne@, comme, @il faut qu'il vieigne luy-mesme@, au lieu de dire, @qu'il vienne. TOus les gens de mer, disent, @nauiguer@, mais a\ la Cour on dit, @nauiger@, & tous les bons Autheurs l'escriuent ainsi. CE mot se dit ordinairement en parlant, mais jamais les bons Autheurs ne l'es- criuent, ils disent, @les pieds nuds, se trouuant les pieds nuds@, dit M. Coeffeteau en la vie de Ne- ron. Il faut dire, @nu-pieds@, au pluriel, & non pas @nu-pied@, au singulier, comme, @il est venu nu-pieds@. SOit que les noms propres soient Grecs, ou Latins, il les faut nommer & pronon-

cer selon l'Vsage, tellememt qu'il n'y a point de reigle certaine pour cela. On die Socrate, & Diogene, quoy que M. de Malherbe dans les Bien-faits, ayt escrit Socrates & Diogenes, sans doute parce que de son temps plusieurs par- loient encore ainsi, mais il faut enfin ceder a\ la mode. On dit, @Antoine@, & non pas @Anto- nius@, & neantmoins on dit @Brutus@, & non pas @Brute@. On dit, @Cleopatre@, & non pas, @Cleopa- tra@, comme l'on disoit du temps d'Amyot, & toutefois on dit, @Liuia@, & non pas, @Liuie@. Pour l'ordinaire, les noms Latins terminez en @us@, s'ils ne sont que de deux syllabes, on ne les change point, comme, @Cyrus, Cresus, Pyrrhus, Porus@, & vne infinite/ d'autres semblables, si ce ne sont @des noms de Saints@, comme, @Petrus, Paulus@, & autres qu'on nomme, @Pierre, Paul, &c@. mais ceux qui sont de trois, on leur donne d'ordinaire la terminaison Franc$oise en @e@, com- me, @Tacitus, Tacite, Plutarchus, Plutarque, Home- rus, Homere,&c@. Et cela se fait aux noms qui sont fort connus & vsitez, comme ceux que j'ay donnez pour exemple; car quand ils se disent rarement, j'ay remarque/ qu'on leur laisse la terminaison Latine; Ainsi l'on dit, @Proculus, Ful- uius, Quintius@, & vne infinite/ d'autres sembla- bles, mais de/s que l'on commence a\ rendre ces noms-la\ familiers en nostre langue, & a\ les mettre souuent en vsage, on les habille a\

la Franc$oise, & vn mesme nom, comme, @Sta- tius@, se dit ainsi auec la terminaison Latine, quand c'est le noin d'vn des Officiers des Gar- des de Neron, parce qu'on ne le nomme gue- res, & se dit encore @Stace@, auec la terminaison Franc$oise; quand c'est le nom de ce qrand Poe%te, qui a emporte/ le second pris du Poe%- me heroi%que, parce qu'il est souuent dans la bouche de ceux qui parlent des Poe%tes Latins; il faut dire aussi, @Darius, Marius@, & non pas @Daire@, ny @Darie@, ny @Maire@, ny @Marie@. Aux noms de quatre, ou cinq syllabes terminez en @us@, en Latin, c'est encore la mesme chose, car de @Virgilius, Ouidius, Horatius@, on a fait, @Virgile, Ouide, Horace@, parce que ce sont des Autheurs celebres, de qui l'on parle a\ toute heure, mais l'on dit, @Virginius, Musonius, Tur- pilianus, Cossutianus@, & vn nombre infiny d'au- tres semblables, parce qu'on les nomme rare- ment. Cette obseruation se trouuera presque tousjours veritable. Elle a lieu aussi aux noms doubles, com- me sont la pluspart des noms appellatifs des Latins: car s'ils ne sont gueres vsitez, com- me @Petronius Priscus, Iulius Altinus@, on ne les changera point en Franc#ois, mais si on les nomme souuent comme, @Quinte Curce, Iules Cesar@, on ne dira pas, @Quintus Curtius@, ny @Iulius Cesar.@ Et bien que le premier nom ayt la ter-

minaison franc#oise en nommant vne autre personne, comme l'on dit, @Petrone, & Iules@, parlant de Ce#sar, & de ce/t Autheur celebre en la langue Latine, si est-ce que l'on ne dira pas, @Petrone Priscus@, ny @Iules Altinus.@ Voila\ quant aux noms Latins terminez en @us.@ Pour les autres terminaisons Latines, il me semble que, l'@a@, aux hommes ne se change gueres. On dit en Latin, & en Franc#ois, @Agrip- pa, Dolabella, Nerua, Sylla, Galba, &c.@ Il est vray que @Seneca@, se dit @Seneque.@ Mais aux fem- mes, on y obserue la reigle que j'ay dite, & qui regne en toute cette matiere, que les noms frequentez prennent la terminaison Fran- c#oise, comme l'on dit, @Agrippine@, & non pas, @Agrippina@, Cleopatre@, & non pas, @Cleo- patra@, mais quand on les dit rarement, on leur laisse la teminaison Latine, comme, @Iulia, Ca- dicia, Poppea, Liuia, Octauia.@ Neantmoins, @Iulie, & Octauie@, commencent a\ se dire, parce qu'on les nomme plus souuent que de coustume; a\ cause que le theatre a rendu @Octauie@ familier, & que plusieurs femmes parmy nous s'appel- lent Iulie; & particulierement vne, que toutes sortes de vertus & de perfections rendent au- jourd'huy celebre par tout le monde, quand elle ne le seroit pas desja par la renomme/e de l'incomparable Artenice, & du Heros, ausquels elle doit sa naissance.

Ceux qui se terminent en, @as@, sont en petit nombre. Nous disons en Franc#ois, @Mecenas@, mais nos Poe%tes, tant pour l'accommoder a\ la rime, que pour rendre le mot plus doux, disent d'ordinaire, @Mecene.@ On n'oseroit pour- tant l'auoir dit en prose. Ce mot est Latin, mais presque tous les autres terminez en, @as@, sont pris du Grec, & d'ordinaire on change l'@as@, en, @e, Pythagoras, Pythagore, Athenagoras, Athenagore, Pnythagoras, Pnythagore, Ene as, Ene/e, Anaxagoras, Anaxagore.@ On dit, @Phidias@, & non pas, @Phidie, Epaminondas@, & non pas, @Epami- nonde.@ Les mots Hebreux comme, @Iosias, Ana- nias, & c.@ ne se changent point. Les noms des femmes terminez en @as@, quoy qu'ils viennent du Grec, ne se changent point non plus, com- me il faut dire @Olympias@ mere d'Alexandre, & non pas, @Olympie.@ Il n'y a gueres, ce me semble, de nom ap- pellatif en Latin qui finisse par @e@; On dit pour- tant @Penelope/@, qui se dit @Penelope@, en changeant l'@e/, ferme/@ en l'@e couert. Daphne/, Phryne/@, Grecs aussi, gardent l'@e/, ferme/@: Mais il y en a en @er@, & en @es.@ Ceux qui terminent en @er@, com- me, @Alexander, Leander@, sont pris du Grec, & en Franc#ois nous disons, @Alexandre, Leandre.@ Nostre Remarque a encore lieu icy, car quand il est parle/ d'vn autre @Alexander@, que du Grand Alexandre, il faut dire, @Alexander@, & non pas

@Alexandre.@ Vn de nos plus nouueaux & plus excellens Escriuains, nomme ainsi vn certain @Alexander.@ Les noms qui terminent en @es@, sont pris & des Grecs, & des Barbares: des Grecs, comme @Demosthenes@, des Barbares comme @Ty- ridates.@ Mais aux vns & aux autres pour l'ordi- naire, on oste l'@s@, en Franc#ois, & l'on dit, @De- mosthene, & Tyridate.@ Il y a pourtant beaucoup de noms Persiens, qui gardent l'@s@, a\ la fin, comme, @Arsaces, Menes, Atizies@, & vn nom- bre infiny d'autres, qu'il faut tous prononcer auec l'accent a\ la derniere syllabe, comme est l'accent graue des Grecs, & jamais a\ la penul- tiesme. Que si c'estoient des personnes peu connue%s qui s'appellassent ainsi, il fadroit dire sans doute @Demosthenes, & Tyridates@, selon nostre obseruation, qui se verifie presque par tout. Ainsi l'on dit, @Isocrate, & Calisthene@, & l'on dit, @Epimenes, & Eumenes.@ On dit tous- jours @Xerxes@, & le plus souuent @Artaxerxes@, au moins en prose, car en vers a\ cause de la ri- me, on dit, @Artaxerxe@, dont on a fait de nou- ueau vne belle piece de theatre ainsi intitule/e. On dit @Apelles@ en prose, & @Apelle@ en vers. Il y en a peu terminez en @is@, si l'Vsage ne les a changez, il les faut dire en Franc#ois com- me en Latin, par exemple, @Martialis@, est le nom de deux personnes, l'vne fort celebre, qui est le Poe%te que nous appellons @Martial@, & l'autre

dont parle Tacite, que peu de gens connois- sent, se doit nommer @Martialis@ en Franc#ois. On dit @Omphis@, Roy des Indes, et @Adonis@: On dit aussi pour des femmes, @Sisygambis@ mere de Darius, @Thalestris@, Reyne des Amazones, & se faut bien garder de dire, @Sisygambe@, ny @Tha- lestre.@ Ceux qui se terminent en @o@, dont le nombre est petit, comme @Cicero, Corbulo, Varro, Stra- bo@, prennent vne @n@, en Franc#ois apre/s l'@o@, & nous disons, @Ciceron, Corbulon, Varron, Strabon.@ Neantmoins il faut prendre garde que si l'on met vn autre nom deuant, comme par exem- ple, @Strabo@, dont parle Tacite, au quatorzies- me liure de ses Annales, s'appelloit @Acilius Strabo@, alors il ne faut pas dire, @Acilius Strabon@, mais @Acilius Strabo@, quoy qu'estant seul on die, @Strabon.@ On ne dira point aussi, @Marcus Var- ron@, mais, @Marcus Varro@, quoy que l'on die @Varron@ tout seul. On dit tousjours, @Labeo@, ce me semble, & non pas @Labeon@, & pour les femmes tantost l'vn, tantost l'autre. On dit @Didon@, du Latin @Dido@, et @Clio@, l'vne des Muses, se dit de mesmes en Latin & en Franc#ois. Il y a encore vne terminaison en @os@, dont ie ne sc#ay point d'autre exemple que @Nepos@, nomme/ dans les Annales de Tacite. Il faut le mettre en Franc#ois comme en Latin. En @u@, il n'y en a point, mais en @us@, le nom-

bre en est comme infini, c'est pourquoy i'ay commence/ par la\, encore que selon l'orde des voyelles que i'ay suiui apres, la terminaison @us@, deust estre la derniere. I'ay encore vn petit auis a\ donner, qu'il ne faut pas se fier a\ vne certaine reigle, que quel- ques vns establissent, qu'on doit consulter son oreille pour donner vne terminaison aux noms qui n'en ont point de reigle/e; Car cette reigle est fautiue, ayant pris garde souuent, que les oreilles en cela ne s'accordent pas, & que ce qui paroist doux a\ l'vne, semble rude a\ l'autre. En vn mot, @l'Vsage, & mon obseruation@ deci- deront la plus part des difficultez qui se presen- teront sur ce sujet. CEs mots ont cela se tout particulier, que l'@h@, en estant consone, & non pas muette; car on dit @le huitiesme@, & non pas @l'huitiesme, le huitain@, & non pas @l'huitain, & de huit@, non pas @d'huit@; neantmoins cette @h@, ne s'aspi- re point, comme font toutes les autres @h@, consones, sans exception; Ce qui est cause que beaucoup de gens ont sujet de douter, si elle est consone: mais il est tres-certain qu'elle l'est, puis que la voyelle qui la precede, ne se mange jamais.

CEs deux mots ont deux vsages bien dif- ferens, il ne les faut pas confondre. @Tem- perature@ se dit de l'air, & @temperament@ des per- sonnes. @Il faut que le Medecin sc#ache le tempera- ment du malade@, c'est a\ dire @la complexion du mala- de@; Car ie ne parle pas de @temperament@ en vn au- tre sens pour @adoucissement.@ Toutefois M. de Malherbe vse de @temperature@ pour @temperament. M. le Cardinal de Lorraine@, dit-il, @fut d'vne tempe- rature, ou\ il n'y auoit rien a\ desirer.@ Ie l'ay veu aussi employe/ tout de mesme dans Amyot. Mais c'est, qu'il se disoit autrefois, & il ne se dit plus. CEs trois mots si approchans l'vn de l'au- tre, & qui viennent d'vne mesme origi- ne, ont neantmoins vn vsage si different, qu'on ne peut dire l'vn pour l'autre sans faillir. Et ie m'estonne qu'vn de nos plus celebres Es- criuains mette tousjours, @terroir@ pour @territoire.@ @Terroir@ se dit de la terre, entant qu'elle produit les fruits; @territoire@, en tant qu'il s'agit de Iuris- diction, & @terrein@, en tant qu'il s'agit de forti- fication. Le laboureur parle du @terroir@, le Iurisconsulte du @territoire@, & le soldat, ou

l'Ingenieur du @terrein.@ Que si parlant d'vne garenne ie dis, @je voulois faire la vne garenne, mais ie n'ay pas trouue/ que le terrein y fust propre@ ce sera bien dit; & selon la remarque, @Gaudet in effossis habitare cuniculus antris: Monstrauit tacitas hostibus ille vias.@ CEtte reigle est importante & necessai- re, tant a\ cause de son frequent vsage, que parce que ce n'est pas parler Franc#ois que d'y manquer; ce qui fait que les Poe%tes s'y as- sujettissent aussi bien que ceux qui escriuent en prose. @Tout Adjectif mis apre/s le substantif auec ce mot PLVS, entre deux, veut tousjours auoir son article, & ce/t article se met immediatement de- uaut PLVS, & tousjours au nominatif, quoy que l'article du substantif qui va deuant, soit en vn au- tre cas, quelque cas que ce foit.@ Voicy vn exem- ple de cette Reigle. @C'est la coustume des peuples les plus barbares.@ Ie dis que c'est ainsi qu'il faut dire, & non pas @des peuples plus barbares.@ Or en disant @des peuples les plus barbares@, il se voit que l'article du substantif est au genitif, & celuy de l'adjectif est au nominatif. Il en est de mesme des autres cas. @I'ay obey au commande- ment le plus juste qui ayt jamais este/ fait.@ Le voila\

au datif, @ie l'ay arrache/ des mains les plus auares de la terre@, le voila\ a\ l'ablatif, & cela tant au singulier qu'au pluriel. Pour l'accusatif, on sc#ait que son article est semblable a\ celuy du nominatif. Que si l'on veut sc#auoir la raison pourquoy l'article de l'adjectif se met tousjours icy au nominatif, encore que celuy du substantif soit en vn autre cas, ce qui semble bien estran- ge, la response est aise/e: C'est parce qu'on y sous-entend ces deux mots, @qui sont@, ou @qui fu- rent@, ou @qui sera@, ou quelque autre temps du verbe substantif auec @qui.@ Au reste, quand il est parle/ de @plus@ icy, c'est de celuy qui n'est pas proprement compara- tif, mais qui signifie @tres@, comme aux exem- ples que j'ay proposez. Ce que j'ay dit de @plus@, s'entend aussi se ces autres mots, @moins, mieux, plus mal, moins mal.@ Exemples, @ie parle de l'homme le moins heureux, de l'enfant le mieux nourri, de l'enfant le plus mal nourri, & du soldat le moins mal equippe/.@ Et en tous les autres cas il en est de mesme que de @plus.@ @Sleger@, pour @assieger, & tasser@ pour @entasser@, ne valent rien; C'est vne faute familie- re a\ de certaines Prouinces, & particuliere-

ment a\ la Normandie, ou\ l'on vse du simple, au lieu compose/, comme, @sieger vne ville, & tasser du bled@, pour dire, @assieger vne ville, & entasser du bled.@ PLusieurs parlent & escriuent ainsi, mais tres-mal. Il faut dire, l'@onziesme@; car sur- quoy fonde/, que deux voyelles de cette na- ture, & en cette situation, ne facent pas ce qu'elles font par tout, qui est que la premie- re se mange? Voicy vne conjecture fort vray- semblable de ce qui a donne/ lieu a\ cette er- reur, & ie crois que tout le monde en demeu- rera d'accord. C'est que l'on a accoustume/ de dire ne contant, @le premier, le second, le troisies- me@, & ainsi generalement de tous les autres, jusques a\ dire, @le centiesme, le milliesme@, tous les nombres commenc#ant par vne consone, qui fait que l'on dit @le@, deuant, n'y ayant pas lieu de faire l'elision de la voyelle @e.@ Et comme il n'y a qu'vn seul nombre en tout, qui com- mence par vne voyelle, qui est @onze, onziesme@, on a pris vne telle habitude de dire @le@, & de- uant & apre/s le nombre @onziesme@, parce que tous les autres nombres commencent par des consones, que quand ce vient a\ @onziesme@, on le traitte comme les autres, sans songer qu'il commence par vne voyelle, & que l'@e@ de l'ar-

ticle @le@, se mange, & qu'il faut dire, @l'onziesme@, & non pas, @le onziesme.@ Du reste, il faut escrire @onze, & onziesme@, auec vn @o@, & non pas auec vn @u.@ CEst ainsi que depuis neuf ou dix ans toute la Cour parle, & que tous les bons Autheurs escriuent. C'est pourquoy il n'y a plus a\ deliberer, il faut dire & escrire, @sur le minuit@, & non pas @sur la minuit@, bien qu'vne in- finite/ de gens trouuent cette fac#on de parler insupportable. Il est vray que depuis peu j'ay este/ surpris de trouuer @sur le minuit@, dans la traduction d'Arrian faite en nostre langue, par vn des meilleurs Escriuains de ce temps- la\, & imprime/e a\ Paris fort correctement par Federic Morel, excellent Imprimeur, l'anne/e 1581. Il est certain que @sur la minuit@, est com- me l'on a tousjours dit, & comme la raison veut que l'on die; parce que @nuit@, estant fe- minin, l'article qui va deuant doit estre fe- minin aussi, sans que l'addition de @mi@, puisse changer le genre, (On dit neantmoins @minuit sonne/@, & jamais @minuit sone/e@,) Ainsi on dit, @sur le midy@, parce que @dy@, signifiant @jour@, est masculin, comme si l'on disoit, @my-jour.@ Que si l'on repart que ce n'est pas le mot qui suit @mi-@, comme fait @nuit@, en ce mot de @minuit@,

qui doit reigler le genre du mot entier & compose/, & que pour preuue on allegue qu'on dit, @a\ la mi-Aoust@, quoy qu'Aoust@ soit masculin, on respond, qu'en ce lieu la\ on sous-entend vn mot feminin, qui est @feste@, comme qui diroit @a\ la feste de mi-Aoust.@ Et pour moy, ie croirois que @sr le midy@, a este/ cause que l'on a dit @sur le minuit@, comme @a\ la mi-Aoust@, a este/ cause que l'on a dit ainsi de tous les autres mois, @a\ la mi-May, a\ la mi Iuin, &c.@ Malherbe, @On croit@, dit il, @que l'on partira a\ la mi-Iuin.@ Mais toutes ces conjectures importent peu. EXemple, @ayant embrasse/, & donne/ la bene- diction a\ son fils.@ Nos excellens Escriuains modernes condamnent cette fac#on de parler, parce, disent-ils, qu'@embrasse/@ regit l'accusatif, & @donne/@ regit le datif, tellement que ces deux verbes ne peuuent s'accorder ensemble pour regir vn mesme cas, & ainsi l'on n'en sc#auroit faire la construction auec le nom qui suit; car @embrasse/@, veut que l'on die @embrasse son fils@, & neantmoins en l'exemple propose/ il y a, @a\ son fils@; De mesme, si l'on changeoit l'or- dre des verbes en ce mesme exemple, & que l'on dist, @ayant donne/ la benediction, & embras-

se/ son sils@, on feroit encore la mesme faute, parce que @donne/@, regit le datif, & neantmoins il y a @son fils@, qui est accusatif. Cette reigle est fort belle, & tres-conforme a\ la purete/ & a\ la nettete/ du langage, qui demande pour la per- fection que les deux verbes ayent mesme re- gime, comme @ayant embrasse/ & baise/ son fils, ayat fait des caresses, & donne/ la benediction a\ son fils@, car en ces deux exemples les deux ver- bes n'ont qu'vne mesme construction. Il y a fort peu que l'on commence a\ pra- ctiquer cette reigle, car ny Amyor, ny mesmes le Cardinal du Perron, ny M. Coiffeteau, ne l'ont jamais obserue/e. Certes en parlant on ne l'obserue point, mais le stile veut estre plus exact. Les Grecs ny les Latins ne faisoient point ce scrupule, fondez sans doute sur ce que le cas regi par le premier verbe est sous-enten- du, comme en l'exemle propose/, @ayant em- brasse/ & donne/ la benediction a\ son fils@, on sous- entend @son fils@, apre/s @ayant embrasse/.@ C'est pour- quoy ie ne condamne pas absolument cette fac#on de parler, mais parce qu'en toutes cho- ses il faut tendre a\ la perfection, ie ne vou- drois plus escrire ainsi, & j'exhorte a\ en faire de mesme ceux, qui ont quelque soin de la nettete/ du stile.

EXemple, @afin de le conjurer par la memoi- re, & par l'amitie/ qu'il auoit porte/e a\ son pe- re@, dit vn celebre Escriuain. Ie dis que la mes- me reigle qui s'obserue aux verbes, se doit aussi obseruer aux noms, & qu'il n'y a pas moyen de construire l'exemple propose/, qu'en sous-entendent @de son pere@, immediatement apre/s @la memoire.@ Il est certain que ce n'est ppint escrire nettement, que d'escrire ainsi, & que mesmes il y a vne double faute en ce/t exem- ple, l'vne que ces mots, @par la memoire@, ne se sc#auroient pas construire auec ce datif, @a\ son pe- re@; & l'autre, qu'@il auoit porte/e@ ne s'accom- mode pas a\ ce mot, @la memoire@, mais seule- ment a\ celuy-cy, @l'amitie/.@ Voicy vn autre exem- ple selon la reigle, @affin de le conjurer par l'esti- me & par l'affection qu'il auoit pour son pere@, car estime, & affection@, sont deux mots qui s'accor- dent ensemble, & ne demandent qu'vne mes- me construction, qu'ils ont icy doublement, & au verbe @auoit@, & en la preposition, @pour.@ Ceux qui ne se soucieront pas de perfectionner leur langue, ny leur stile, se pourront encore dis- penser de cette reigle; mais ces Remarques ne sont pas pour eux.

IL faut dire, @tomber@, auec vn @o@, quoy que j'entende dire souuent a\ des personnes qui parlent tres-bien, @tumber@ auec vn @u@, mais je ne le tiens pas supportable. VN de nos plus celebres Autheurs a es- crit, @le vice gaigne tousjours, & pour ce, il le faut chasser auant qu'il soit tourne/ en habitude.@ Ie dis, que ce @pour ce@, pour dire @partant@, ou @a\ cause de cela@, n'est pas bon, & qu'il ne doit ja- mais estre employe/ a\ ce/t vsage. Il se disoit au- trefois, mais il ne se dit plus. De mesme, @par ainsi@, dont M. Coeffeteau, & M. de Malherbe se seruent si souuent en ce mesme sens, n'est presque plus en vsage; On dit simplement @ainsi@, sas @par.@ EXemple, @Ce peuple a le coeur & la bouche ouuerte a\ vos lou%ages.@ On demande s'il faut dire @ouuerte@, ou @ouuerts.@ M. de Malherbe

disoit, qu'il falloit euiter cela comme vn es- cueil, & ce conseil est si sage, qu'il semble qu'on ne s'en sc#auroit mal trouuer; Mais il n'est pas question pourtant de gauchir tousjours aux difficultez, il les faut vaincre, & establir vne reigle certaine pour la perfection de nostre langue. Outre que bien souuent voulant e/ui- ter cette mauuaise rencontre, on perd la gra- ce de l'expression, & l'on prend vn destour qui n'est pas naturel. Les Maistres du mestier re- connoissent aise/ment cela. Comment dirons- nous donc? Il faudroit dire, @ouuerts@, selon la Grammaire Latine, qui en vse ainsi, pour vne raison qui semble estre commune a\ toutes les langues, que le genre masculin estant le plus noble, doit predominer toutes les fois que le masculin & le feminin se trouuent ensemble; mais l'oreille a de la peine a\ s'y accommoder, parce qu'elle n'a point accoustume/ de l'ouir dire de cette fac#on, & rien ne plaist a\ l'oreil- le, pour ce qui est de la phrase & de la diction, que ce qu'elle a accoustume/ d'ou%ir. Ie vou- drois donc dire, @ouuerie@, qui est beaucoup plus doux, tant a\ cause que ce/t adjectif se trouue joint au mesme genre auec le substantif qui le touche, que parce qu'ordinairement on parle ainsi, @qui est la raison decisiue@, & que par consequent l'oreille y est toute accous- tume/e. Or qu'il soit vray que l'on parle ainsi

d'ordinaire dans la Cour, ie l'asseure comme y ayant pris garde souuent, & comme l'ayant fait dire de cette sorte a\ tous ceux a\ qui ie l'ay demande/, par vne certaine voye qu'il faut tousjours tenir, quand on veut sc#auoir as- seure/ment si vne chose se dit, ou si elle ne se dit pas. Mais qu'on ne s'en sie point a\ moy, & que chacun se donne la peine de l'obser- uer en son particulier. Neantmoins M. de Malherbe a escrit, @il le faut estre en lieu ou\ le temps, & la peine soient bien em- ployez.@ On respond que ce/t exemple n'est pas semblable a\ l'autre, & qu'en celuy-cy il faut es- crire, comme a fait M. de Malherbe, parce que deux substantifs qui ne sont point synonimes, ny approchans, comme @le temps, & la peine@, re- gissent necessairement vn pluriel, lors que le verbe passif vient apre/s auec le verbe substan- tif, ou que le verbe substantif est tout seul, comme @le mari & la femme sont importuns@, car on ne dira jamais, @le mari & la femme est impor- tune@, parce que deux substantifs differens de- mandent le pluriel au verbe qui les suit, & de/s que l'on employe le pluriel au verbe, il le faue employer aussi a\ l'adjectif, qui prend le genre masculin, comme le plus noble, quoy qu'il soit plus proche du feminin. La question n'est donc pas pour l'exem- ple de M. de Malherbe; car la chose est sans

difficulte/, & sans exception, mais pour l'exem- ple qui est le sujet de cette Remarque, ou\ le dernier substantif @bouche@, est joint immedia- tement a\ son adjectif @ouuerte@ sans qu'il y ayt aucun verbe ny substantif, ny autre entre deux; comme on dit, @les pieds & la teste nue%, & non pas, @les pieds & la teste nuds.@ IL y en a qui ne le peuuent souffrir, mais ils n'ont pas raison; car qu'ont-ils a\ dire con- tre l'Vsage, qui le fait dire & escrire ainsi a\ tout le monde? Ils alleguent, que @songer@, si- gnifie toute autre chose, comme si premie- rement il falloit disputer auec l'Vsage par raison, & que d'ailleurs ce fust vne chose bien extraordinaire en toutes sortes de langues, que les mots equiuoques; car il en faudroit donc bannir tous les autres aussi bien que celuy-cy, si cette raison auoit lieu. Non seu- lement ce n'est pas vne faute de dire, @son- ger@, pour, @penser@, comme, @vous ne songez pas a\ ce que vous faites@, mais il a beaucoup plus de grace, & est bien plus Franc#ois, que de dire, @vous ne pensez pas a\ ce que vous faites.@

NOus auons quelques Escriuains, qui apre/s auoir fait vne longue periode sans auoir acheue/ ce qu'ils veulent dire, se sont auisez d'vn mauuais expedient, pour faire d'vn coste/ que la periode ne passe pas les bornes, & que d'autre-part ils y puissent ajouster ce qui luy manque. Voicy comme ils font. Quand le sens est complet, ils mettent @vn point@, & puis commencent vne autre periode par le rela- tif, @qui.@ Or ce @qui@, relatif, est incapable de commencer vne periode, ny d'auoir jamais @vn point@ deuant luy, mais tousjours @vne vir- gule@, tellement qu'il le faut joindre a\ la perio- de precedente, & alors elle se trouue d'vne longueur demesure/e & monstrueuse. Au lieu d'exemple, figurez-vous vne periode, qui ayt toute l'estendue% qu'on luy peut souffrir, & qu'au lieu de la fermer, on voulust encore y ajouster vn membre commenc#ant par @qui@, certainement elle seroit insupportable. Ie dis donc, que de faire @vn point@ deuant ce @qui@, & de commencer vne autre periode par ce mot, est vn fort mauuais remede, dont nous n'y- sons jamais en nostre langue. Il est vray que les Latins se donnent ordinairement cette li- cence, & c'est a\ leur imitation que les Escri- uains dont ie parle, le font: mais nous som-

mes plus exacts en nostre langue, & en no- stre stile, que les Latins, ny que toutes les Na- tions, dont nous lisons les escrits. Comme ie faisois cette Remarque, j'ay heu- reusement rencontre/ vn passage d'vn des meil- leurs Autheurs de l'Antiquite/, qui me fournit vn bel exemple de ce que ie viens de dire. Il m'a semble/ qu'il ne seroit pas mal a\ propos de le mettre icy pour vn plus grand e/claircissement. @Anxium Regem tantis malis circumfusi amici, vt meminiset orabant, animi sui magnitudinem vni- cum remedium deficientis exercitus esse, cu\m ex ijs qui praecesserant ad capiendum locum castris, duo oc- currunt vtribus aquam gestantes, vt filiis suis quos in eodem agmine esse, & agre\ pati sitim non igno- rabant, occurrerent.@ Il seroit temps que la pe- riode finist la\, & ie sc#ay bien qu'en nostre langue, a\ peine la pourroit on souffrir plus longue. Neantmoins ce grand homme, qu'on admire particulierement pour l'excellence du stile, passe outre, & ajouste, @Qui cu\m in Re- gem incidissent, alter ex ijs vtre resoluto, vas quod simul ferebat implet, porrigens regi.@ Quelques-vns donc de nos Autheurs qui traduiroient ce pas- sage en Franc#ois finiroient la periode a\ @occur- rerent@, sc#achant bien qu'on ne la leur souffri- roit pas plus longue; mais voicy ce qu'ils fe- roient en suite, & qu'il ne faut pas faire: ils mettroient la\ @vn point@, & puis commence-

roient vne autre periode par @qui@, escriuant le @Q@, d'vne lettre majuscule. Au reste, tous les La- tins en vsent ainsi, & Ciceron le premier. Voyez si j'ay raison de dire, que nous som- mes plus reguliers qu'eux. Ce n'est pas seule- ment en cela, c'est en beaucoup d'autres choses, que ie remarqueray selon les occasions. LA pluspart asseurent, qu'il faut dire, @si c'estoit moy qui eusse fait cela@, & non pas, @qui eust fait cela.@ Car pourquoy faut-il que @moy@ regisse vne autre personne que la premiere? Cette raison semble conuaincante; mais ou- tre la raison, voyons l'Vsage de la langue en la premiere personne du pluriel, a t-on ja- mais dit, @si c'estoient nous qui eussent fait cela.@ Or si l'on parloit ainsi au pluriel, il faudroit par- ler de mesme au singulier; Mais sans doute tout le monde dit,, @si c'estoient nous qui eussions fait cela.@ En vn mot, les personnes du verbe doiuent respondre par tout a\ celles des pro- noms personnels, & il faut dire, @si c'estoit moy, qui eusse fait cela, si c'estoit toy qui eusses fait, luy qui eust fait, nous qui eussions fait, & c.@ Neant- moins ie viens d'apprendre d'vne personne

tres-sc#auante en nostre langue, qu'encore que la Reigle veu%ille que l'on die @eusse@, auec @moy@, le plus grand Vsage dit, @eust.@ Il ajouste, ce qui est tres-vray, que l'Vsage fauorise souuent des solecismes, & qu'en ce/t endroit il ne condam- neroit pas @eust@, quoy qu'il condamne ce mes- me abus en beaucoup d'autres rencontres, comme si l'on dit, @ce n'est pas moy qui l'a fait@, il faut sans doute dire, @qui l'ay fait.@ Pour moy j'ay quelque opinion que ceux qui pronon- cent @qui eust@, pour, @qui eusse@, ou, @qui eusses@, en la premiere & en la seconde personne, ne le font pas pour se seruir de la troisiesme, @qui eust@, mais qu'ils mangent cette derniere syllabe par abreuiation, comme quand on dit com- munement en parlant, @auons dit, auous fait@, pour, @auez vous dit, auez vous fait.@ Mais comme @auons@ ne s'escrit jamais; quoy qu'il se die, aussi il se pourroit faire que l'on diroit @eust@, en parlant, mais qu'il faudroit tousjours escrire @eusse, & eusses@, aux deux personnes. Et c'est le plus seur d'en vser ainsi, puis que mesmes ceux qui aprouent @eust@, ne desapprouuent pas l'autre. Outre qu'@eus@, estant la premiere per- sonne du preterit de l'indicatif, peur-estre que ceux qui disent, @si c'estoit moy qui eust fait cela@, pensent dire, @qui eus fait cela@, le disant a\ l'in- dicatif, au lieu de le dire au subjonctif.

LE verbe @auoir@, en l'optatif & au subjon- ctif, ne dit jamais, @aye@, en la troisiesme personne, mais tousjours @ayt@, soit en vers, ou en prose. Ce n'est pas qu'autrefois on n'ayt escrit, @aye@, mais on ne l'escrit plus qu'en la premiere personne: comme, @ie prie Dieu que j'aye bon succe/s de, & c. & qu'il ayt bon succe/s, afin que j'aye, & afin qu'il ayt.@ IL ne le faut jamais dire. En voicy vn exemple pour me faire entendre. Vn de nos grands Autheurs escrit, @Il m'a adouci cette mau- uaise nouuelle PARCE qu'il me mande de la bonne volonte/ qu'en cette occasion le Roy a tesmoi- gne/e pour vous.@ On voit clairement que, @par- ce que@, ne doit point estre employe/ de cer- te forte, a\ cause que l'on a tellement accoustu- me/ de ne le voir qu'en deux mots signifier, @quia@, & rendre raison des choses, que lors qu'on l'employe a\ vn autre vsage, il surprend le le- cteur, & plus encore l'auditeur, qui ne peut pas remarquer dans la prononciation de ce- luy qui parle, cette distinction, comme le le- cteur la peut remarquer en lisant, tellement que cela empesche qu'on ne soit bien enten-

du, ou pour le moins, qu'on ne le soit si prontement, qui est vn grand defaut a\ celuy qui parle, ou qui escrit. Car en ce/t exemple, @par ce qu'il me mande de la bonne volonte/@, n'a point de sens, si ce, @par ce que@, est pris pour @quia@, ou, @a\ cause que@, comme d'abord tout le monde le prendra pour cela. L'Vsage en est elegant, & commode par exemple, @le mauuais estat ou\ ie vous ay lais- se/@, est incomparablement mieux dit, que @le mauuais estat auquel ie vous ay laisse/.@ Le pro- nom, @lequel@, est d'ordinaire si rude en tous ses cas, que nostre langue semble y auoir pour- ueu, en nous donnant de certains mots plus doux & plus courts, pour substituer en sa pla- ce, comme, @ou\@, en cet exemple, & @dont, &, quoy@ en vne infinite/ de rencontres, ainsi qu'il se voit dans les Remarques de ces mots la\. IL faut prendre garde de ne le mettre ja- mais apre/s @que@, comme, @ie vous asseure que quoy que ie vous aime, & c.@ a\ cause de la caco- phonie, il faut dire, @que bien@, ou @qu'encore que@, qui est peut-estre plus doux, n'y ayant qu'vn @que@ entier.

C'Est vne fac#on de parler, dont Amyot, & tous les anciens Escriuains ont vse/, & dont plusieurs modernes vsent encore. Rien ne la defend que le long vsage, qui conti- nue% tousjours; car @liberal@, ne veut pas dire @li- bre@, qui est ce que l'on pretend dire, quand on dit, @liberal arbitre.@ Quelques-vns ont vou- lu rendre raison d'vne phrase si estrange, di- sant que @liberal@, se prend la\ comme les Latins le prennent, quand ils appellant @ingenium libe- rale, indolem liberalem@, vne ame bien ne/e, com- me si, @liberal@, en ce sens, estoit oppose/ a\ @serui- le@, & que l'on voulust dire, que le frans arbi- tre est conuenable a\ vne ame bien ne/e, au lieu que les ames seruiles, qui n'agissent que par contrainte, semblent estre priue/es de l'v- sage de leur liberte/. D'ou\ est venu, ajoustent-ils, qu'encore en Franc#ois nous appellons, @les arts liberaux, ceux qui appartiennent aux person- nes d'honneur, comme si ces arts estoient opposez aux arts mecaniques, qui ne sont exercez que par des gens du commun. Ie ne voudrois pas absolument rejetter cette pen- se/e, mais elle me semble bien subtile, & tire/e de loin. Il vaut mieux auou%er franchement, que l'Vsage l'a ainsi voulu, comme en plu- sieurs autres fac#ons de parler, contre toute

sorte de raison. D'autres disent, qu'au lieu de @libre arbitre@, qui neantmoins est tres-Fran- c#ois, on a dit, @liberal arbitre@, pour euiter la durete/ des deux @b@, & des deux @r@, qui se ren- contrent & s'entre - choquent en ces deux mots @libre arbitre@, mais c'est vne mauuaise rai- son. Tant y a qu'on le dit, & qu'on l'escrit encore aujourd'huy, mais le plus seur, & le meilleur est de dire & d'escrire, @le franc ar- bitre.@ CEs deux mots ne rec#oiuent jamais de comparatif, ny de superlatif. On ne dit point, @plus prochain, tres-prochain, plus viosin, tres-viosin.@ On n'vse de l'vn & de l'autre que dans le simple positif, @prochain voisin.@ Cette Remarque est curieuse, & d'autant plus neces- saire, que ie vois commettre cette faute a\ quel- ques-vns de nos meilleurs Escriuains. Il faut dire, @plus proche, tres-proche@, au lieu de, @plus pro- chain, plus voisin, tres-prochain, tres-voisin.@ Par e- xemple on dit, @a\ la maison la plus proche@, & non pas, @a\ la maison la plus prochaine, ny la plus voi- sine.@ Et, @ie suis tres-proche@, ou, @fort proche de la\@, & non pas, @tres-prochain@, ny, @tres-viosin.@ Ou\ il faut remarquer que @fort@, qui est vne marque de superlatif, ne se joint non plus a\ @prochain,

& voisin@, que, @plus, & tres@; car on ne dira pas, @ie suis fort prochain@, ny, @fort voisin.@ Le peuple dit abusiuement, @c'est mon plus prochain voisin@, mais il faut dire, @c'est mon plus proche voisin.@ PResque tout le monde le dit, comme, @ie suis abandonne/ de mes proches, tous mes pro- ches y consentent@, mais quelques vns font dif- ficulte/ d'en vser. Ie me souuiens que M. Coef- feteau ne le pouuoit souffrir, en quoy il est suiuy encore aujourd'huy par des gens de la Cour, de l'vn & de l'autre sexe. EXemple, @j'ay remis les hardes de mon frere a\ vn tel, afin qu'il les y donne@, pour dire, @afin qu'il les luy donne.@ C'est vne faute toute commune parmy nos Courtisans. D'autres di- sent, @afin qu'il luy donne@, sans dire, @les@, comme nous l'auons desia remarque/. Il faut dire, @il y en a@, & jamais, @il en y a@, comme l'on disoit anciennement.

IL faut dire, @menez y moy@, & non pas, @me- nez m'y@, & au singulier, aussi, @menes-y-moy@, & non pas, @mene-m'y.@ Et cela a\ cause du mau- uais & ridicule son que fait, @menez-nous y@, qui est la mesme construction & le mesme ordre des paroles, & @menez-les y@ aussi; parce que la ca- cophonie ne s'y rencontre pas si grande, qu'aux deux autres. On dit encore, @mene-l'y, & menez-l'y@, a\ cause que la lettre, @l@, ne sonne pas si mal en ce/t endroit que l'@m.@ Outre que @mi@, de soy a vn mauuais son. De mesme on dit, @enuoyez-y moy@, & non pas, @enuoyez-m'y, por- tez-y moy@, & non, @portez-m'y@, mais ou%y bien, @enuoyez-nous y, enuoyez-l'y, portez-nous-y, portez l'y.@ Cela se dit en parlant, mais is ne voudrois pas l'escrire, que dans vn stile fort bas. I l'e- uiterois en prenant quelque destour. Ie ferois venir a\ propos de dire @la\@ pour @y@, comme @por- tez-moy la\, enuoyez-moy la\.@ CEst vne faute que presque tout le mon- de fait, de dire, @tous@, au lieu de @tout.@ Par exemple, il faut dire, @ils sont tout estonnez@, & non pas, @tous estonnez@, parce que @tout@ en ce/t en-

droit n'est pas vn nom, mais vn aduerbe, & par consequent indeclinable, qui veut dire, @tout a\ fait, omnino@ en Latin. @Ils sont tout autres que vous ne les auez veus@, & non pas @tous au- tres. Ils crient tout d'vne voix@, c'est comme il faut parler, & escrire grammaticalement, mais on ne laisse pas de dire oratoirement @tous d'vne voix@, & il est plus elegant a\ cause de la figu- re que fait l'antithese de @tous, & d'vne voix.@ Ce n'est pas encore qu'on ne puisse dire, @tous eston- nez@, quand on veut dire que, @tous@ le sont, mais nous ne parlons pas du nom, nous parlons de l'aduerbe, qui se joint aux adjectifs, ou pour l'ordinaire aux participes passifs, com- me, @ils sont tout sales, ils sont rompus.@ Mais cela n'a lieu qu'au genre masculin, car au feminin il faut dire, @toutes, elles sont toutes estone/es, toutes esplore/es@, l'aduerbe, @tout@, se con- uertissant en nom, pour signifier neantmoins ce que signifie l'aduerbe, & non pas ce que signifie le nom. Car quand on dit, @elles sont toutes sales, elles sont toutes rompue%s@, TOVTES, veut dire, @tout a\ fait, entierement@, comme qui diroit, @elles sont tout a\ fait sales, tout a\ fait rompue%s.@ La bizarrerie de l'Vsage a fait cette difference, sans raison, entre le masculin, & le feminin. Il y a pourtant vne exception en cette rei- gle du genre feminin. C'est qu'auec @autres@, fe- minin, il faut dire, @tout@, & non pas @toutes.@ Exem-

ple, @les dernieres figues que vous m'enuoyastes, estoient tout autres que les premieres@, & non pas, @escoient toutes autres.@ Mais ce n'est qu'au pluriel, car au singulier il faut dire, @toute@, comme, @j'ay veu l'estoffe que vous dites, elle est toute autre que celle-cy.@ Ie n'ay remarque/ que ce seul mot qui soit excepte/ de la Reigle, car par tout ailleurs & au singulier & au pluriel, il faut que @tout@, aduerbe, se change en l'adjectif @toute, & toutes@, quand il est auec vn adjectif feminin, @elle est tou- te telle qu'elle estoit, elles sont toutes telles que vous les auez veue%s.@ TOus deux sont bons, mais @vinrent@, est beaucoup meilleur & plus vsite/. M. Coeffeteau dit tousjours @vinrent@, & M. de Mal- herbe, @vindrent.@ Toute la Cour & tous les Au- theurs modernes disent, @vinrent@, comme plus doux. De mesme en ses composez, & aux au- tres verbes de cette nature, @reuinrent, deuinrent, souuinrent@, & leurs semblables, plus elegam- nent que @reuindrent, deuindrent, souuindrent, & c.@ l'on dit aussi, @tinrent@ plustost que @tindrent@, qui neantmoins est bon, @soustinrent, maintinrent@, plus- tost que, @soustindrent, & maintindrent.@

TOus trois ne valent rien, ils ont este^ bons autrefois, & M. de Malherbe en vse tousjours, @Et d'elle prindrent le flambeau, dont ils desolerent leur terre, & c.@ Mais aujourd'huy l'on dit seulement, @prit, & prirent@, qui sont bien plus doux. A la Cour on prononce beaucoup de mots escrits auec la dyphtongue @oi@, comme s'ils estoient escrits auec la dyphton- gue @ai@, parce que cette derniere est incom- parablement plus douce & plus delicate. A mon gre/ c'est vne des beautez de no- stre langue a\ l'ou%ir parler, que la prononcia- tion d'@ai@, pour @oi; Ie faisais@, prononce/ comme il vient d'estre escrit, combien a-t-il plus de grace que, @je faisois@, en prononc#ant a\ pleine bouche la dyphtongue @oi@, comme l'on fait d'ordinaire au Palais? Mais parce que plu- sieurs en abusent, & prononcent @ai@, quand il faut prononcer @oi@, il ne sera pas inutile d'en faire vne remarque. Vne infinite/ de gens di- sent, @mains@, pour dire @moins@, & par consequent

@neantmains@, pour @neantmoins, je dais, tu dais, il dait@, pour dire, @je dois, tu dois, il doit@, ce qui est insup- portable. Voicy quelques reigles pour cela. Premierement, dans tous les monosyllabes on doit prononcer @oi@, & non pas @ai@, comme @moins@, auec son compose/ @neantmoins, loy, bois, dois, quoy, moy, toy, soy, mois, foy@, & tous les autres, dont le nombre est grand. Il y en a fort peu d'exceptez, comme @froid, crois, droit, soient, soit@, que l'on prononce en @ai, fraid, crais, drait, saient, sait@; si ce n'est quand on dit @soit@, pour approu- uer quelque chose, car alors il faut dire @soit@, & non pas @sait@, & quand il signifie @siue@, par exemple on dira, @soit que cela sait ou non@, en prononc#ant ces deux @soit@, de la fac#on qu'ils viennent d'estre escrits. Dans tous les mots terminez en @oir@, comme @mouchoir, parloir, rece- uoir, mouuoir, & c.@ Sans exception, on pronon- ce tousjours, @oi@, & jamais @ai.@ On prononce tousjours aussi @oi@, & non pas @ai@ aux trois personnes du singulier present de l'indicatif des verbes qui terminent en @c#ois@, comme @conc#ois, rec#ois, apperc#ois@, car on ne dit jamais, @je conc#ais, je rec#ais, j'apperc#ais.@ Tantost on prononce @oi@, & tantost @ai@, aux syllabes qui ne sont pas a\ la fin des mots, com- me on dit, @boire, memoire, gloire, foire, & c.@ & non pas, @baire, memaire, glaire, faire@, qui seroit vne prononciation bien ridicule; Et l'on pro-

nonce, @craire, accraire, creance, craistre, accrai- stre, connaistre, paraistre,&c.@ pour croire, accroi- re, croyance,&c. Quelques-vns disent @vea- ge,@ pour @voyage,@ mais il se peut souffrir, non plus que @Reaume,@ pour @Royaume.@ On peut neantmoins asseurer, que presque par tout @oi,@ ne finissant pas le mot, se prononce en @oi,@ & non pas en @ai.@ Ainsi il fout dire, @auoi- ne,@ auec tout la cour, & non pas @aueine@ auec tout paris. Le graod vsage donc de la dyphtongue @ai,@ pour @oi,@ c'est ou singulier du preterit impar- fait de l'indicatif, @je faisais, tu faisais, il faisait,@ pour, @je faisois, tu faisois, il faisoit.L'estais, j'auais, j'allais,@ en toute les trois personnes de mes- me, & en la troisiesme parsonne du pluriel, @ils faisaient.@ Cette Reigle est sans exception. L'@ai,@ se prononce encore pour @oi,@ aux trois personnes du singulier present de l'indicatif, comme, @je connais, tu connais, il connist,@ pour, @je connois, tu connois, il connoist.@ Mais ce n'est qu'en certains mots, qui sont en fort petit nombre; Car les verbes qui sont composez d'vn verbe monosyllabe , comme, @je preuois, je reuois, j'entre-vous,j'entr ois,@ & autres semblables, n'y sont pas compris, a\ cause qu'ils sont com- posez d'vn verbe simple monosyllabe @vois,@ & @ois,@ dont la dyphtongue se prononce en @ oi,@ & non pas en @ai.@

@Ai,@ se prononce encore pour @oi,@ a la fin des noms Nationnaux, & prouinciaux, ou des ha- bitans des villes, comme @Francais,A nglais,Hol- landais,Milanais,Polonnais,&c.@ pour @Francois, Anglois,Hollandois,Milanois,&c. On dit pour- tant @Genois,Suedois,@ & @Liegeois,@ & non pas @ge- nais,Suedais,@ ny @Liegeais.@ Il se prononce aussi a\ l'optatif & au subjonctif en toutes les trois per- sonnes du singulier, comme @je voudrais, tu vou- drais,il voudrait,@ pour @je voudrois,tu voudrois, il voudroit@ & en la troisiesme du pluriel, @ils vou- draient. Et ainsi des autres dont le nombre est infini. Exemple, @Il marcha contre les ennemis, qu'il scauoit auoir passe/ la riuiere, Il fit du bien a\ tous ceux qu'il scauoit auoir aime/ son fils.@ Cette facon de parler, & plusieurs autres sembla- bles, sont fort en vsage, parce qu'elles sont fort commodes, & qu'elles abregent l'expres- sion; Outre qu'elles ostent la rudesse qu'il y auroit a\ dire, @il marcha contre les ennemis, qu'il scauoit qui auoient passe la ruiiere, qu'il scauoit qui auoient aime/ son fils.@ Car ce les deux fa- cons ordinaires, dont on exprime cela. Mais pour en dire la verite/, ie ne voudrois jamais me seruir de la derniere, & rarement de l'au-

tre, non pas que ie la croye mauuaise, puis que tous nos meilleurs Autheurs s'en seruent, qui me doiuent oster tout scruple, & me donner la loy; mais parce que ie scay qu'elle choque beaucoup d'orielles delicates, & de fait, ie sens bien qu'il y a quelque chose de rude en cette constructoin. Ie tascherois de l'euiter le plus adroitement que ie pourrois. I'Entens que la prose mesme face vn vers, & non pas que dans la prose on mesle des vers. Exemple,@qui se peut asseurer d'vne perseue- rance?@ Ie dis qu'vne periode en prose, qui com- mencew ou finit ainsi, ou auec cette mesme me- sure, est autant qu'il se peut, sur tout, les vers Alexandrins, & les vers communs, mais parti- culierement les Alexandrins, comme est celuy dont j'ay donne/ vn exemple, parce que leur mesure sent plus le vers, que celle des vers com- muns, & que marchant, s'il faut ainsi dire, auec plus de train, & plus de pompe que les au- tres, ils se font plus rermarquer. Mais il les faut principalement e/uiter quand ils commencent, ou acheuent la periode, & qu'ils font vn sens complet. Que s'il y a deux verse de suite, dont je sens soit parfait en chaque vers, c'est bien

vne rime masculine, & l'autre par vne feminine, le defaut en est encore plus grand, parce que cela sent dauantage sa poe"sie, & est plus re- marquable, ces deux vers estant comme lez deux premiers, ou les deux derniers d'vn qua- train. Il en vn bel exemple dans M. de Malherbe: @ce ne fut pas a\ faute,@ dit-il, @ny de le de sirer auecque passion, ny de le rechercher auecque di- ligence.@ S'il eust fait @auec,@ de deux syllabes aux deux vers, au lieu qu'il l'a fait de trois, ayant tousjours accoustume/ d'escrire @auecque@ de trois syllabes en prose, eust rompu la mesure, qui rend ces deux membres de pariode vi- cieux. Que si le sens ne commence, ny ne fi- nit auec le vers, il n'y a rien a\ dire, parce qu'on ne s'appercoit pas que ce soit vn vers. Exemple, @Ayant euite/ les ou\ tombed or- dinaire la jeunesse.@ Ostezen le commencement & la fin, ce sera vn vers, @e/uite/ les malheurs, ou\ tombe d'ordinaire,@ mais auec ce qui va deuant & apre/s, il ne paroist point que c'en soit vn. Aussi quand on dit qu'il faut euiter les vers, on veut dire ceux qui ont la cadence de vers, ce que celuy-cy n'a pas. Car pour les autres, ce seroit vn scrupule sans raison, de ne s'en oser faire en prose, puis qu'aussi bien on s'en ap- percoit point. Amyot, M. Coeffeteau, &tous nos meil-

leurs Escriuauains, anciens, & modernes, en font plusieurs, mesmes auec la cadence, & pour- ueu que cela n'arriue pas souuent, ie ne crois pas qu'il y ayt grand mal; parce qu'a\ le vou- loir tousjours euiter, cette contrainte empes- cheroit de dire beaucoup de choses de la fac#on qu'elles doiuent estre dires, & rui"neroit la naif- uete/, a\ qui j'oserois donner la premiere place parmy toutes les perfectoins du stile. Il y en a qui tiennent, que ce n'est point vn vice, qu'vn vers dans la prose, encore qu'il face vn sens complet, & qu'il finisse en caden- ce,pourueu qu'il ne soit point compose/ de mots specieux & magnifiques, & qui sentent la poe"sie. Mais ie ne suis pas de leur ausis, quoy que ie leur accorde qu'vn vers compo- se/ de paroles simples & communes est beau- coup moins vicieux. Tacite a este/ repris d'a- ouir commence/ son Ouurage par vn vers, @Vxbem Romam a\ princio Reges habuere,@ quoy qu'il n'ayt rien du vers que la mesure, &en- core bien rabouteuse. Et l'onn'a pas mesme pardonne/ a\ Tite Liue l'Hemistiche, par ou` il commence aussi, @Facturus ne opera-pretium sim@ I'ay dit que les vers communs sont moins vicieux en prose, que les Alexandrins, &il est vray, parce qu'ils ressentent moins le vers. Et ie m'estonne de l'opinion contraire de Ron- sard, qui dit, qu'il a voulucomposer sa Fran-

ciade en vers communs, parce qu'ils sentent moins la prose que les Alexandrins; car outre que l'orrielle, que est en cela le souuerain lu- ge, le condamne, la raison fait aussi contre uy, en ce que les quatre premieres syllabes du vers commun, a\ la fin desquelles se fait la cesure, se rencontrent sans comparaison plus souuent parmy la prose, que les six premie- res syllabes du vers Alexandrin, comme l'ex- perience le fait voir, estant plus aise/ de trou- ver quatre syllabes ajuste/es, que d'en trou- ver six. Quant aux petits vers, ils ne paroissent presque pas parmy la prose, si ce n'est qu'il y en ayt deux suite de mesme mesure,com- me, @un ne pouuoit s'imaginer, qu'apres vn si rude@ combar, que si vous en ajoustez encore vn, ou deux, @ils fissent encore dissein d'attquer nos retran- chemens, cela est tres-vicieux, & il peut sou- vent arriuer, qu'au moins il y en aura deux de mesme mesure. Il faut prendre garde aussi, qu'il n'y ayt plusieurs membres d'vne periode de suite, tous d'vne mesure, car encore qu'ils n'ayent pas la mesure d'aucune forte de vers, ils ne dissent pas d'offeser l'orielle, quand elle est tendre. Par exemple, @on ne pouuoit pas s'imagi- ner, qu'apre/s vn si fuieux combat, ils eussent enco- e fait dessein d'attaquer tous nos retranchemens

Cette pariode est compose/e de quatrepieces, qui sont toutes de neuf syllabes, & qui ayant vne mesme cheute, peuuent desplair a\ l'oriel- le, sans qu'elle sc#ache pourquoy. Neantmoins c'est vne merueille quan cela se recontre, '& encore en ce cas la\ il ne s'en faut guere met- tre en peine, a\ cause qu'il n'y a presque per- sonne qui s'en apperc#oieu, & que ce seroit se donner vne cruelle gesne pour rien. Mais lors que ce sont des vers de mesme mesure, ce se- roit vn grand defaut de ne la pas rompre, sur tout s'il y a plus de deux vers de suite, com- me il se voit dans l'exemple que nous auons rapporte/. CE mot est masculin dans le selon que les Geometres le definissent, on ne le met gue- res tout suil, que l'on ne die @ligne,@ en mesme temps, @vne ligne parallele, deux lignes paralleles;@ & alors il est adjectif, comme il se voit clai- rement. Mais dans la figure/, il arriue a\ ce mot deux choses assez extraordinaires,&,si ie ne me trompe, fans exemple. L'vne que d'ad jectif qu'il etsoit au propre, il deuient subsyantif au figure/, ne voulant dire autre, chose que @compa- raison:@ l'autre, qu'au propre on l'ecrit @parrallele,@ selon son origine Grecque, suiuie des latins, & au figure/, il change d'orthographe, & s'escrit, @parralelle,@ par l'ignorance ou par la bizarrerie de vsage. @Le parralelle d'Alexandre, & de cesar, faire le paralelle, ou vn paralelle de deux Capitaines, ou de deux Orateurs.@ Il y grande apparence que ce/t abus de's- crire @paralelle@ auec les @l,@ ainsi transpose/es, est venu de ce que tous nos noms substantifs, ou adjectifs terminez en @ele,@ ont tous i'@l,@ redou- ble/e, & jamais simple, comme @pucelle, belle, modelle, fidelle,&c. Car pour ceux qui ont vne entre l'@e,@ & @l,@ ils ne sont pas de ce nombre, ny e cette nature, comme @gresle,@ adjectif & substantif, @fresle,@ ou @fraile.@ Ie ne parle que des noms ou l'@l,@ seule, comme @cele, decele, reuele.@ Copendant les Do- e/tes accuseront d'ignorance ceux qiu escri- ront @paralelle@ ainsi, comme si l'on ne sc#auoit pas qu'en Grec @a'GREEK,@ d'ou\ il vient, dispose les @l,@ ou lanbda@ tout au contraire. mais il faut prier ces Messieurs de se resouuenir, que l'Vsage ne s'atteche point aux ethymo- logies, & qu'il n'en depend qu'autant qu'il luy plainst. Daller au contraire, ce seroit vou- lour monstrer que l'on ne sc#ait la grecque; & il est sans comparairon plus honteux d'@i-

l'optatif, & du subjonctif, ou conjonctif tout semblable au present de l'indicatif.Quant au singulier il n'y a point d'inconuenient, ny l'orielle n'est point offense/e, que l'on die, @afin que ie signifie, tu signifies, il signifie:@ car en tous les autres verbes de cette conjugaison on dit de mesme, @afin que j'aime, tu aimes, ilaime, j'ensei- gne, tu enseignes,&c. mais a\ la premier & a\ la seconde personne du pluriel, il y a vn incon- uenient; c'est que l'on y ajouste vn @j,@ & l'on dit, @afin que nous aimoins, que vous aimiez,@ & par consequent il faut dire aussi, @afin que nous si gnifions, vous signifiez,@ auec deux @ii.@ Il est vray que parsonne ne l'escrit ainsi; mais on ne lais- se pas de sentir le defaut d'vn second @i,@ qui y seroit necessaire. Le sc#ay bien que la rencon- tre des deux @ii,@ est cause de cela, & comme im- possible de prononcer, @signifuons, signifuez;@ mais voicy quelque sorte de remede dont ie mauuais son, il seroit difficile, & comme im- me suis auise/. C'est de faire vn feul @i,@ des deux, a\ la fa#con des Grecs, par vne figure qu'ils appellent @crase,@ lequel @i,@ soit marque/ d'vn accent circonflexe de cette sorte^, @afin que nous nous humili^ons.@ C'est expedient est bon pour l'orthographe, & c'est tousjours reparer en quelque fac#on vn defaut dans nostrelan- gue, a\ quoy chacun doit contribuer, mais pour la prononciation, il n'y fait rien du tout

parce qu'encore que la @crase@ faisant de deux syllabes vne seule, rende cette syllabe seule aussi longue les deux; neantmoins cela ne se remarque point quand on la prononce. Il faut mettre aussi ce/t accent circonflex au plu- riel du preterit imparfait, @nous signifions, vous signifiez, significabamus, signifabatis,@ pour le di- stinguer du present, @nous signifions, vous signi- fiez, significamus, significatis.@ CEst vne fac#on de parler ancienne, dont plusieurs se seruetencore aujourd'huy en parlant, & en escriuant, mais ceux qui ont quelque soin de la purete/ du langage, n'en vsent jamais. On ne le trouuera pas vne suele fois dans toutes les Oeuures de M. Coeffeteau: il dit tousjours @deuant que.@ Nos meilleurs Es- uains modernes l'euitent aussi, & au lieu de dire, @premier que ie face cela,@ disent @duent,@ ou @auant que ie face cela.@ CE verbe a vn certain vsage assez ex- traordinaire, qui neantmoins est extre- mement Franc#ois & elegant, parexemple, @ses soldats,@ dit M. Coeffeteau, @voyant ce triste specta- cle,@ c'est a\ dire, voyant mourir Brutus deuant leurs yeux, & @se resouuenant qu'ils n'auoient plus

@de chef.@ On se resouuient des choses passe/es & esloigne/s, & celle-cy estoit toute presente, comment est-ce donc qu'il dit, @& se resouu- nant qu'ils n'auoient plus de chef?@ C'est que @se re- souuenant@ se prend la\ tres-elegamment pour @considerant,@ ou @songeant.@ QVoy qu'en Grec & en Latin on die @or- thographia, nous disons pourtant @ortho graphe,@ & quoy que nous @orthographe,@ nous ne le laisonns pas de dire, @orthographier,@ & non pas @orthographier.@ Au reste, @orthographe@ est feminin, @vne bonnen orthographe.@ Quelues vns es- criuent la derniere syllabe des deux fac#ons @phe,@ & @fe,@ comme @philosophe,@ & @philosofe;@ mais ie voudrois tousjours escrire @orthographe,@ & @philo- sophe,@ auec @ph.@ LOrs qu'en deux membres d'vne perio de qui sont joints par la conjonction @et,@ le premier membre finit par vn nom, qui est a\ l'autre membrecommen- ce par vn autre nom, qui suit nominatif, on croit d'abord que le nom qui la con- junction, est au mesme cas que celuy qui le

precede, parce que le nominatif & l'accusa- tif sont tousjours semblabes, & ainsi l'on est trompe/, & on l'entend toutautrement que ne le veut dire celuy qui l'escrit. Vn exemple le va faire voir clairement. @Germanicus@(en par- lant d'Alexandre) @a egale/ sa vertu, & son bonheur n'ajamais eu de pareil.@ le dis que ce n'est pas escrire nettement, que d'escrire comme cela , @a egale? sa vertu & son bonheur,&c. parce que sa @vertu@ est accusatif, regi par le verbe @a gale/,@ & son @son bonheur@ est nominatif, & l com- mencement d'vne autre constructoin, & de l'autremembre de la periode. Neantmoins il semble qu'estante joints par la conjunctiue, @et,@ ils aillent ensmeble, ce qui n'est pas comme il se voit en acheuant de lire la periode en- tier. On appelle cela @vne construction lousche,@ parce qu'elle semble regarder d'vn coste/, & elle regarde de l'autre. Plusieurs excellens Escri- uains ne sont pas exents de cette faute. Il ne me suooient point de l'auoir jamais remar- que en M. Coeffeteau; je sc#ay bien qu'il y aura assez de gens, qui nommeront cecy vn serupule, & non pas vne faute, parce que la lecture de toute la periode fait entendre le sens, & ne permet pas d'en douter. Mais tous- jours ils ne peuuent pas nier trompez d'abord, & quoy qu'ils soient pas long temps, il est

certain qu'ils ne sont pas bien aises de l'auoir este/, & que naturellement on n'aime pas a\se mesprendre. Enfin c'est imperfection qu'il faut euiter, pour petite qu'elle soit, s'il est vray qu'il faille tousjours faire les choses de la fa- c#on la plus parfaite qu'il se peut, sur tout lors qu'en matiere de langage il s'agit de la clarte/ de l'expression. CE mot est mal prononce/ par vne infini- te/ de qui gens, qui disent @perzecuter,@ clom- me si au lieu de I'@s,@ il y auoit estoit escrit auec vn @c, percecuter;@ tout de mesme que @perseue- rer. Cequi m'a fait remarquer que tous les mots generalement sans exception, qui commen- cent par @per,@ & ont vne @s,@ apre/s suiuie d'vne voyelle, se prononcent ainsi, c'est a\dire comme si au lieu de i'@s@ il y auoit vn @c,@ & non pas vn @z persan, perse perseuerer, persil, persister, personne, personnage, persuader. L@ors, auec vn genitif, par exemple, lors de son election,@ pour dire @quand il fut eleu@ n'est geures bon, ou du moins, gueres elegant;

plusieurs neantmoins le disent & l'escriuent, parce qu'il abrege sans cela. CEs pronoms au nominatif, tant singu- lier, que pluriel, sont rudes pour l'os- diinaire, & l'on doit plustost se seruir de @qui,@ quand on le deuroit repeter deux fois dans vne mesme periode, comme il a este/ dit en la remarque de @qui,@ ou\ l'on a fait voir qu'il n'en falloit nul serupule. Il y a pourtant cer- taines exceptions & certains endroites ou\, @i@l faut dire @lequl, (quand ie dis @lequel,@ j'entens laquelle, lesquels,@ & @lesquelles,@ en leurs deux gen- res, & en leurs deux nombres) comme quand il y a deux noms substantifs, dont l'vn est d'vn genre, & l'autre d'vn autre, alors si le pronom relatif ne se rapporte pas au plus proche substantif, mais au plus esloige/, il ne faut pas a\ cause de l'equiuoque/, se seruir de @qui,@ parce qu'il est du genre commun, & que l'on ne sc#auroit auquel il rapporteroit, mais il faut vser de l'autre relatif @lequel.@ Exemple, C'est vn effet de la diuine Prouidence, qui est con- forme a\ ce qui nous a este/ predit. Ie dis que ce premier @qui,@ se rapporte a\ @effet,@ & non pas a\ Prouidence, & neantmoins comme de sa natu-

re il se rapporte au plus proche,on auroit su jet de croire, qu'il s'y rapporteroit en c@e/@t exem ple, ce que toutefois il ne fait pas;C'est pour quoy au lieu de @qui,@ il faut tousjours mettre @lequel,@ & dire, c'est un effet de la diuine prouiden ce, lequel,&c. On se sert aussi de ce pronom au nomi natif, quand on commence quelque narra tion cinsiderable, par exemple,@il y auoit a\ Rome un grand Capitaine, lequel par le commande ment du Senat,&c. le dis qu'en cet endroit,@lequel,@ est beaucoup plus fort,que mesme @a\@ la Cour, ou\il sem ble que @lequel,@ ne deuroit pas astre si bien re ceu, on en vse d'ordinaire en de semblables rencontres. @c'estoit un homme, lequel,&c.c'estoit fem me, laquelle,&c.plustost que @que,@ & de mesine au plurrel. Ie n'ay par que du nominatif, parce qu aux autres cas il n y a nulle rudesse a/ en vser, sice n'est lors que l on peut se seruir de @qui, de quoy,@ de @qui,@ & de @dont,@ au lieu de @duquel,d'auquel,@ de @lequel,@ a\ I'accusatif, &ainse du feminin, & du pluriel;Car alors ce seroit vnefaute de man quer @a\@ employer ces autres mots plus doux, que nostre langue nous fournit, puor met tre @a\@ la place du pronom @lequel,@ en tous ses

cas, & enctous ses nombres. Il faut donner des exemples de toutes ces choses pour le es claircir. Et afin d'y proceder par ordre, com menc#ons par le genitif, @j'ay enuoye/ un Cour rier expre/s, au retour duquel ie verray,&c. Il faut necessairement dire @duquel@ en ce lieu la/, & non pas @de qui,@ Et de mesme au femi nin,@j'honore infinement sa vertu, en consideration de laquelle,@ & non pas,@de qui, il n'y a rien que ie ne voulusse faire.@ Au pluriel, c'est tout de mesme enl'vn & en l'autre genre. suiuons au datif, @c'est vn heureux succe/s, auquel ie n'ay contribue/ que de mes vaux,@ & non pas @a\ que je n'aycontribue/ ny a/ quoy ie n'ay contribue/; quoy que quelques-vns disent ce dernier mais il s'en faut bien, qu'il ne soit si bon qu'@auquel. Ainsi du feminin,& du pluriel. A l'accusatif, @c'est sujet sur lequel on peut dire beaucoup de choses,@ & jamias @sir qui.@ Quelques-vns disent, @surquoy,@ mais @sur lequel@ est beaucoup meilleur.De mefin au feminin, &au pluriel. A l'ablatif, on en vse rarement, parce que l'on sert en tout nombre & en tout genre, de la commode particule @dont, dont,@ & non pas, @duquel j'ay bien ei de la peine a\ me deffire, c'est vne mauuause affaire, dont il aura bien de la peine a\ se demesler, ce sont des malbeurs dont il n'est pas exent, ce sont des affaires, dont il se tirera.@ Il y exception, quand apres vn ge-

nitif regi par vn nominatif, on ne sc#auroit auquel des deux rapporter @dont,@ comme @c'est la cause de ce/t effet, dont ie vous entretiendray a\ loi- sir;@ On ne sc#ait si @dont@ se rapporte a\ @la cause, nitif regi par nominatif, on ne sc#auroit auquel des deux rapporter @dont,@ comme @c'est la cause de ce/t effet ,dont ie vous entretiendray a\ loi sir;@ On ne sc#ait si @dont@ se rapporte a\ @la cause,@ ou a\ @l'effet; C'est pourquoy, si vous voulez qu'il se rapporte a\ la cause , il faut dire, @c'est la cause de ce/t effet, de laquelle ie vous entretiendray, & si vous voulez qu'il se rapporte a\ l'effet, il faut dire, @c'est la cause de effet ,de laquelle ie vous entretiendray & si vous voulez qu'il se rapporte a\ l'effet, IL faut dire,@c'est la cause de ce/t effet , duquel ie vous entretiendray.@ Il faut done en semblables oc- casions, se seruir du pronom @duquel,@ & non pas de @dont,@ a/ cause de l'equiuoque. On se sert encore du pronom @lequel,@ aux ablatifs absolus, comme @j'y ay este/ vn an, pen dant lequel. Au reste ,@qui,@ pour @lequel,@ se met en tous les cas, en tous les genres , & en tous les nom- bres: mais hors du nominatif, il ne se met jamais que pour les personnes, a\ l'exclusion des animaux , & des choses inanme/es.@Quoy,@ au contraire, ne se met jamais pour @lequel,@ quand on parle des personnes, mais seule- ment quand il s'agit des animaux, &des des cho- ses ininanime\/e/es, & s'accommode a\ tous les gen- res ,&, & a\ tous les nombres. Et @que,@ a\ l'accusa tif, se met pour @lequel, laquelle, lesquels, & lesquelles,@ dequoy que ce soit que l'on parle sas exception, & est indecilinable.

Cette abreuiation de @lairrois, lairray,@ en toutes les personnes, & en tous les nom- bres, pour @lais, (& laisseray,@ ene vaut rien, quoy qu'vne infinite/ de gens le disent & l'es cruient. Quelques poetes o"tes ont crue que les vers leur permettoient d'en nen vser , mais ceux qui aiment la purete/ du langage, le souffrent aus si peu dans la poesie , ique dans la prose. Mais ils souffrent bien encore moins, @vous me par donrez,@ pour @pardonnerez,donray@, ou @dorray,@ pour @donnreray,@ qui dres sunt monstres dans la langue. @INuectiuer,@ pouer @faire des inuectiues,@ n'est pas du belvagsage, &il n'est pas permis de faire des verbes a|sa\ sa fantaisie, tirez %& formez des sumbstantifs. Beacou@p de tirez de gensez s neantmoisns se donnent cette authorite /; mais il n'y a que les verbes, que iI'V sage a receus, dont on se puis- se seruir, sans qu'il y ayt en cela ny reigle, ny raison. Par exemple on dit, @affectoioner, se pas sionner d'affection &@ & de @pasion,@ &plusieurs au- tres senmblables, & neantmoins si l'on veut bien parler, on ne dira pas @ambitionnrer, occasion- ner, d'anbition,& 6& d'occasion,@ non plus que `PRWpre tex ter pour prendre pretexte, & se medeciner@ pour

@prendre medecine.@ Ie sc#ay bien qu'ils sont en la bouche de la pluspart du monde; mais non pas dans les escrits des bons Autheurs. PLusieurs ont repris M. Coeffeteau de ce qu'il se seroit de cette fac#on de parler, & ne l'ont pas seulement condamne/e com- me mauuaise, mais comme monstrueuse, & fort approchante de ce qu'on appelle @Ga- limathias.@ Toute la france neantmoins sc#ait bien, que ce grand personnage exprimoit les choses si nettement, que le galimathias n'estoit pas moins incompatible auec son esprit, que les tenebres auec la lumiere. Mais considerons cette phrase, & voyons ce qu'elle a de si strange, qui ayt ablige/ tant de gens a\ s'escrier, comme a\ la veiie d'vn monistre: @immoler@ n'est-ce pas vn bon mot? @immoler,@ & @sacrifier, s'immoler,@ & se sacrifier,@ ne veulent-ils pas dire la mesem chose? Peut-on pas dire @se sacrifiera\ la cruaute/ des ennemis? Et pourquoy donc ne dira-t-on pas, @sacrifier a\ la risse publique, a\ la risee du monde,@ ou @de tout le monde@? Car comme la cruaute/ des ennemis fait perdre la vie auec douleur, la rise/e du mon- de fait perdre l'honneur auec que honte, & l'on ne peut nier, que comme on sacrifie sa vie, on ne puisse aussi sacrifier son honneur: MmeMesmes il faut confesser, que comme l'hon - neur etst vne chose beacoup plus precieuse qui la vie, aissiussi le mot de @sacrifier,@ ou d'@im moler,@ est plus duignement employe/ au sacrifi ce de L'l' honneur, Ququae la vie, u'a uu sacrifice de la vie. D'ou'il\ il me semble Qqu'il s'ensuit, que cette faco#on de parler, @se sacrifier, ou si immoler a\ la immoler a\ la ri- se/e de tout le monde, @ ou @a\ la rise/e publique, est@ est tres^--bonne, tres judicieuse , ,  & ne contient rien qui ne soit tres -conformea\a\\ la raison.Mais on vient de me fairevoir ce que ie n'auosis pas obserue/, que c'est le Cardinal udu perron, & non pas M> M. Coeffeteau, qui est Il'innuenteur de cette phrase, tellement qu'ayant este/ inuentee/e par vn si grand homme , & plusispuis authorise/e pasr vn aurre si celebre en nostre langue,ie ne fcay comme elle a pu^ effstre si mal rercueu de quel- comme elle a  ques -vns. Ils disent, qu @immeleroler,@ & @saicrifier,@s sonst des mtots tro-p tragiques, pour les joindre auec @rise/e.@ Onn respond, qu a\ laver verite/, @rie/e est co mique a\ l'egard de ceux qui lafont font,misais qu'el- le se peut dire tragiqeue a\. l'e/gard de ceux qui la souffrent, puis que lueur honnuerur plu s pre- cieux que la vie, en demureeure blesse, & qu'il peut mesme s en estre ruine/ & perdu pour j ja- mais. aAinsi l'on ne joindra pointensemble deux choses fort discordantes, que de join dre @immoler,@&  & @sacrifier@auec auce @rise/e.

Il est vray qu'il y des endroits, ou\ la phrase ordinaire @s'exposer a\la risse/e de tout le monde,@ seroit beacoup mieux, que @s'immoler;@ car lors que l'action que l'on fait, est simple- ment, ou mediocrement ridicule, & qu'elle ne va pas jusqu'a\ l'exce/s, il n'y a point de dou te que @s'exposer,@ seroit plus judicieusement dit, que @s'immoler.@ Mais sil'action est ridicule & impertine\nte au dernier degre/, alors @s'exposer@ ment plus fort, seroit aussi beaucoup meil- leur, & plus proprement employe/ quel'autre. Qu'on ne m'allegue pas , qu'aux langues viuantes non plus qu'aux mottes, il n'est pas permis d'inueenter de nouuelles fac#ons de par- ler, & qu'il faut fuiure celles quel'Vsage a astablies; Car cela ne s'entendque des mots, estant certain qu'il n'est pas permis a\ qui que ce soit d'eninuenter, non pas mesme a ce- luy qui d'vn commun consentement de toute la france, seroit declaire/ le pere de l'Eloquence franc#oise, parce que l'on ne parle que pour se faire entendre, & personne n'entendroit vn mot, qui ne seroit pas en vsage; mais il n'en est pas ainsi d'vne phrase entiere, qui estant toute compose/e de mots connus & entendus, peut estre toute nouuelle, & neantmoins fort intelligible, de fotre toute qu'vn excellent & judi- cieux Escriuain peut inuenter de nouuelles fa-

c#ons de parler qui seront receu"es d'abord, pourueu qu'il y apporte toutes les circonstan- ces requises , c'est a\ dire vn grand jugement a\ composer la phrase claire & elegante,la dou- ceur que demande l'orielle, & qu'on en vse so- brement, & auec discretion. IL n'y a rien commun, que cette fa- c#on de parler, @il danse des mieux,@ @il chante des mieux,@ pour dire @il danse fort bien, il chan- te parfaitement bien;@ mais elle est tres-basse, & nullement du langage de la Cour, ou\ l'on ne la peut souffrir; Car il ne faut pas oublier cet- te maxime, que jamais les honnestes gens ne doiuent en parlant vser d'vn mot bas, ou d'v- ne phrase basse, si ce n'est par raillerie; Et en- core il faut prendre garde qu'on ne croye pas, comme il arriue souuent,que ce mauuais mot a estre dit tout e bon, & par ignorance plustots que par raillerie. Ilne faut laisser aucun doute, que l'on ne l'ayt dit en raillant. Quand on cite vn liure, ou vn chapitre, ou que l'on nomme vn pape, ou vn Roy, ou quelque autre chose semblable, il faut se ser- uir du nombre adjectif ou ordinant, & non

pas du substantif ou primitif, qu'ils appellent comme on fait d'ordinaire dans les chaires, & dans le barreau. Ils disent par exemple, @aucha- pitre neuf,@ pour @neufuiesme,Henry quatre,@ pour henry quatriesme,@ Quellegrammaire, & quel mesnage de syllabes est cela? Le grand vsage semble en quelque fac#on l'authoriser, mais puis que tous demeurent d'accord que l'ad- jectif est mielleur, pourquoy ne le dire pas plus- tost que l'aurte? Ces prepositions se doiuent tousjours mettre simples, si n'est en certains cas que nous remarquerons. Ie le appelle simples en comparaison des compose/es @dessus,@ & dessus, que tout le monde presque employe indidderemment, & en prose, & en vers, pour @sur,@ & @sous.@ On en fait autant de quelques au- tres prepositions comme @dedans, dehors.@ Par exemple on dira, @Il est dessus la table, dessus la table,dedans la maison, dehors la ville.@ Ie dis que ce n'est pas escrire purement, que d'en vser ainsi, & qu'il faut tuosjours dire, @sur la table, sous la table, dans la maison,@ & @hors la ville, ou @hors de la ville;@ car tous deux sont bons, & non pas @dessus la table, dessous la table,&c. On le permet pourtant aux poe"tes, pour la com- modite/ des ou\ vne syllabe de plus ou de

moins est de grand serice Mais en prose, tous ceux qui ont quelque sion de la purete/ du langage, ne diront jamais, @dessus vne table,@ ny @dessous vne table;@ non plus que @dedans la mai- son,@ ou @dehors la maison.@ Il semble que ces com- posez soient plustost adeurbes que preposi- titions; car leur grand vsage est a\ la fin des pe- riodes, sans rien regir apre/s eux, puis qu'ils ter- minent la peroide & le sens: comme si ie suis assis sur quelque chose, & qu'on la cher- che, ie diray, @Ie suis assis dessus,@ ou @ie suis des- sus, ie suis demeure/ dessous, il est dedans, il est de- hors.@ Au lieu que prepositions sont perpe- tuellement suiuies d'vn nom, ou d'vn verbe, ou de quelque autre partie de l'Oraison, com- me le porte le nom mesme de preposition. Il est vray qu'il y a trois exceptions que j'ay remarque/es, l'vne quand on met deux contraires ensemble, & tout de suite, comme @Il n'y pas assez d'or ni dessus, ni dessous la terre, pour me faire commettre vne telle meschancete/;@ A- lors il faut dire ainsi, & non pas, @ni sur, ni sous la terre,@ parre que @sur@ & @sous,@ non plus que @dans@ & @hors,@ ne se mettent jamais tout seuls, qu'ils n'ayent incontinent leur nom apre/s oux. comme @elle n'est ni dedans, ni dessus le coffre.@ Et la troisiesme, lors qu'il y a vne autre pre

langue se perfectionne tous les jours, elle cherche vne de ses plus grandes perfections dans la douceur. Il y en a qui escriuent,@Mad- moiselle,@ sans aucune voyelle entre le @d,@ & l'@m,@ mais cela est tres- mal. CEtte fac#on de parler est ordinaire a\ la Cour, mais elle est bien basse pour s'en seruir en escriuant, si ce n'est en Saytre, en en Co- medie, ou en Epigramme, qui sont les trois genres d'escrire les plus bas, & encore faut-il que ce soit dans le Burlesque. Neantmoins M. de Malherbe en a souuent vse/, parce qu'il asse- ctoit en sa prose toutes ces phrases populai- res, pour faire esclater dauauntage, comme ie crois, la magnificence de non stile poe"tique, par la comparaison de deux genres si diffe- rens.@Ceux qui n'en pouuient mais,@ dit-il, @surent mis a\ la question.@ Iamais M. Coeffeteau ne s'en est serui. Ce @mais@ vient de @magis.@ EXemple, @scachant auec combien d'affection elle se daignera pour mes interests, & embarasser le soin de mes affaires.@ Ie dis que cette construction n'est pas nette, & qu'il faut di-

re, @elle daignera se porter,@ & non pas, @elle se dai- gnera porter,@ afin que @diagnera@ se rapporte net- tement a\ la construction des deux verbes sui- uans, @porter,@ & @embrasser@ Car @se diagnera@ auec @embrasser,@ ne se peut construire. Peut-estre que quelques-vns negligeront ce/t auis, comme vn vainscruple, auquel il ne se faut pas arrester: mais ils ne peuuent nier auecque raison, que la construction ne foit inconparablement meilleure de la facon que ie dis, & faut tous- jours faire en toutes choses, ce qui est le mieux. On ne scauroit, ce me semble, auoir assez de soin de la nettete/, qui est la principale par- tie de l'oraison, & a outre cela, beaucoup d'au- tres auantages, dont il est parle/ en son lieu, ou\ nous traittons de la difference qu'il y a en- tre la purete/ & lapurete/ & la nettete/ du stile. D Ephuis peu d'anne/es suelement, nous faisons terminer en @en,@ la pluspart des noms propres, & plusieurs autres tirez du La- tin, ou\ il y a vn @a,@ & qui en Latin finissent en @anus,@ comme l'on disoit autrefois @Tertullian; Quintilian, saint cyprian,@ parce qu'ils viennent du Latin @Tertullianus, Quintilianus, Cyprianus;

sentiment est conforme a\ celuy de Quintilien, & de tous les grands Orateurs, qui veulent que les metaphores se tirent des images les plus nobles, & des objects les plus agreables.Ie sc#ay qu'on repliquera, que cela est vray aux cho- ses agreables & indifferentes, mais que dans les choses odieuses, ou qu'on veut rendre odieuses, on se peut seruir de metaphores de choses odieuses, & desagreables, & qu'ainsi les meilleurs Orateurs Latins ont employe/ le mot @lenocinia@ & plusieurs autres de cette na- ture en beaucoup d'endroits hors de leur si- gnification naturelle. Mais ie respons que toutcela n'empeche pas, que nos Dames n'ayent vne grande auersion a\ ces fac#ons de parler, incompatibles auec la delicatessa & la proprete/ de leur sexe, ni que ceux qui parleront deuant elles, s'ils ont quel- que soin de leur plaire, ne s'en doiuent abste- nir; Au moins en le faisant, ils sont asseurez de ne desplaire a\ personne. Mais soit qu'elles ayent raison ou non, de hair ces phrases, ie rapporte simplement la chose, comme vne verite/ dont ie sui bien informe/. Ce mot est excellent, & vne grande em- phase pour exprimer vne louange extra-

ordinaire. M. Coeffeteau en vse souuent apres Amyot, & tous les anciens. Encore tout de nouueau vn de nos plus celebres Escriuains ne fait point de difficulte/ de s'en seruir. Mais auec tout cela, il faut auouer qu'il vieillit, & qu tout cela, il faut auouer qu'il vieillit, & qu'a\ moins que d'estre employe/ dans vn grand Ou- urage, il auroit de la peine a\ passer. I'ay vne certain tendrese pour tous ces beaux mots que ie vois ainsi mourir, opprimez par la ty- rannie de l'Vsage, qui ne nous en donne point d'autres en leur place qui ayent mesme si- gnification & la mesme force. CE n'est point vne chose vicieuse en nos- tre langue, qui abonde en monosylla- bes, d'en mettre plusieurs de suite. Cela est bon en la langue Latine, qui n'en a que forte peu; car a\ cause de ce petit nombre, on re- marque aussi-tost ceux qui sont ainsi mis de rang, & l'oreille qui n'y est pas accoustume/e, ne les peut souffrir. Mais par vne raison con- traire, elle n'est point offense/e de nos mono- syllabes Franc#ois, parce qu'elle y est accous- tume/e, & que non suelement il n'y a point de rudesse a\ en joindre plusieurs ensemble: mais il y a mesme de la douceur, puis que l'on en fait des vers tout entires, & que celuy

de M. Malherbe, qu'on allegue pour cela, est vn des plus doux & des plus coulans, qu'il ayt jamais faits. Voicy le vers, @Et moy, ie ne vois rien quand ie ne vois pas.@ Il ne faut donc faire aucun scruple de lais- ser plusieurs monosyllabes ensemble, quand ils se rencontrentr. Chaque langue a ses pro- prietez & ese graces. Il y a des preceptes communs a\ toutes les langues, & d'autres qui sont particuliers a\ chacune. N@auire,@ estoit feminin du temps d'a- myot, & l'on voit encore aux ensie- gnes de Paris cette inscription, @A la Nauire,@ & non pas @au Nauire.@ Neantmoins aujour- d'huy il est absolument masculin, & ce seroit vne faute de le faire des xeux genres. C'est la metamorphose d'Iphis; Vota peur soluit qua foamina Iphus@ Au contraire, Amyot a tousjours fait @erreur,@ masculin, & aujourd'huy il n'est que fiminin TOute sorte,@ se met d'ordinaire auec le singulier, comme @ie vous southaite tou- te sorte de bonheur;@ & @toutes sotres,@ auec le plu-

riel, comme @Dieu vous preserue de toutes sortes de maux.@ On peut y prendre garde, quoy que ie ne croye pas que ce soit vne de confondre riel auec le singuleir; Mais j'ay remarque/ que M. Coeffeteau, & plusieurs autres, mettent tousjours le singulier auec le singulier, & le pluriel auec le pluriel. Vn de nos plus cele- bres Escruiains a dit, @toutes autres sortes d'auan- tages,@ mais il est bien rude, & @tout autre sorte d'auantage,@ eust este/, ce me semble, bien miel- leur. EXemple, @ie crois, ie fais, ie crains,@ & ainsi des autres.Quelques-vns ont crue qu'il falloit oster l'@s,@ finale de la premier per- sonne, & escrire, @ie croy, ie fay, ie dy, ie crain, &c.@ changeant l'@i,@ dn @y,@ selon le genie de no- stre langue, qui aime fort l'vsage des @y@ grecs a\ la fin de la pluspart des mots terminez en @i,@ & qu'ilfalloit escrire ainsi la premier per- sonne, pour la distinguer d'auec la seconde, @tu crois, tu dis tu crains, &c.@ Il est certain que la raison le voudroit, pour oster toute equiuoque, & pour la richesse & la beaute/ de la langue; mais on pratique le contraire, & l'on ne met oint de diffence ordinairement

entre ceux deux personnes.Aussi est-il mal-ai- se/ qu'il en arriue aucun inconuenient, le sens estant incontinent enten du par lemoyen de ce qui precede, & de ce qui suit; Ce n'est pas que ce fust vne faute, quand on osteroit l'@s,@ mais il est beaucoup mieux de la mettre tous- jours dans la prose Quelques Italiens, comme les Romains, & les Sienois, disent en parlant, @io credeuo,@ a\ la premiere personne du preterit imparfait, pour la distinguer de la troisieme, @egli credeau,@ mais les bons Autheurs soit en prose, ou en vers, n'obseruent point cela. Nos poe"tes se seruent de l'vn & de l'autre a\ la fin du vers, pour la commodite/ de la ri- me. M. de Malherbe a fait rimer au preteroit parfait defini, @couury,@ auec @Ivry,@ N ay-je pas le coeur assez haut, Et pour oser tout ce qu'il faut, Vn aussi grand desir de gloire, Que j auois lors que ie couury d'exploits d'eternelle memoire, Les plaines d'Arques, & d'Yury? C'est contre l'Vsage de nostre langue, qui ne le permet qu'a\ la premiere personne du present de l'indicatif, & non pas aux autres temps. Aussi ne faut-il pas en celaa suiure son exemple. A mon auis, ce qui a faut prendre I'@s, c'est que l'on avoulu euiter la frequente cacopho-

le singulier, & tantost le pluriel, selon que l'o- rielle qu'il faut consulter en cela, le juge a\ pro- pos Neantmoins ny les vns ny les autres ne reuinrent pas si absolument a\ ce partage, que ceux qui croyoient d'abord qu'il falloit tous- jours mettre le singulier, ne cressent encore qu'il le falloit mettre beaucoup plus souuent pour le pluriel, ne creussent le conttaire. Ceux- cy se vantoient d'auoir la raisonde leur coste/, parce que @vint@ demandant sans doute le plu- riel, il n'y a point d'apparence, que pour ajou^- ter encore @vn@ a @vint,@ & augmenter le nombre, il prenne vne nature singuliere; que ca- la repugne au sens commun. Les autres alle- gaunt l'Vsage, le Souuerain des langues, ne laissoient plus rien a\ la Raison, si ce n'est qu'elle ne demeuroit pas d'accord de cet Vsa- ge. Et voisy comme ceux qui estoient pour le singulier prouuient que l'Vsage estoit pour eux. On ne dit point en parlant @vint & vn hommes, vint & femmes,cent & vne perles.@ Les autres repiquoient, que ce n'estoit pas, qu' @hommes, femmes, & perles,@ ne fussent la au pluriel,mais quel'@s,@ finale ne se prononce point en notre langue, & que c'estoit ce qui les trompoit. C'est veritablement la source & la cause du doute, qui a donne/ lieu a\ la dispute, car si l'on estoit bien asseure/ de l'Vsage, il n y

auroit point a\ douter, ses arrests estant deci- sifs, mais tout consiste en la question de fait, de sc#auoir si c'est l'Vsage ou non.Or est -il que ce qui empesche certainement de le sc#a- uoir, c'est que les @s,@ finales qui font nos plu- riels, ne se proncant point, les deux nom- bres se prononcent d'vne mesme fac#on, & par ce moyen l'oreille ne peut discerner l'vn d'a- uec l'autre, ny reconoistre l'Vsage. Il y a plaisir quelquefois d'examiner & de decou- urir pourquoy on est en doute de l'Vsage en de certains fac#ons de parler. Les vns l'accusent d'estre bas, les autes d'estre vieux. Tant y a que pour vne rai- son, ou pour l'autre, ceux quiveulent escrire poliment, ne feront pas mal de s'en abstenir. ON demande s'il faut dire, @le fera,@ ou @le@ @feront.@ Sans doute il faut dire, @le fera@ au singulier; Car comme c'est vne alternatiue, ou vne disjonctiue, il n'y a que l'vne des deux qui regisse le verbe, & ainsi il ne peut estre mis qu'au singulier. Neantmoins vn de nos plus celebres Autheurs a escrit, @peut-estre qu'vn jour@

position deuant, comme @il luy a passe/ par dessus la teste, le bras, par dedans la ville, par dehors la ville,@ car on ne dira pas,@par sur la teste, par sous le bras,@ ny @par dans la ville, par bors la ville.@ Ces cas exceptez, il ne saut jamais em ployer ces compsez,que comme aduerbes, & se saut seruir des autres, comme de prepo sitions. La plustpart font ce mot feminin, ie dis @la pluspart,@ parce qu'il y en a qui le font de l'autre genre; il faut dire @intrigue@ auec vn @g,@ & non pas @intrique,@ auec vn @q,@ comme force gens le disent & l'escriuent. C'est vn nou ueau mot pris de l'Italuen, qui neantmoins est fort bon, & fort en vsage. Dv temps du cardinal du perron, & de M. Coeffeteau, ceux qui faisoient pro fession de bien escrire, on n'eussent pas voulu vser de ce mot, on disoit tousjours @embrase ment;@ mais aujuord'huy @incedie@ s'est rendu fa milier, & les bons Escruiains se seruent indif feremment de l'vn & de l'autre. Il est vray que les plus exacts obseruent encore, de dire plus- tost @embrasement@, qu'@incendie,@ mais si le sujet qu'ils traittent, les oblige a\ exprimer la mes-

core @Arrian,@ vn des principaux disciples d'Epi- ctete, qui selon l'opinion de plusieurs n'est pas celuy dont nous venons de parler, & l'on nomme l'vn & l'autre @Arrian@ & non pas @Ar- ien,@ pour faire difference entre ce/t Autheur & vn Arrien@ c'est a\ dire, @de la secte d'Arrius,@ quoy que quelques-vns seroient d'auis, que non- obstant l'equiuoque, on dit tousjours @Arrien,@ & jamais @Arrian,@ tant il est veritable que cette termination @ian,@ semble estrangere, & s'ac- commode peu a\ nostre langue. C'est sans dou- te, comme ie l'ay remarque/ en duers lieux, que l'@e est vne voyelle beaucoup plus douce que l7@a, & que nous changeons volontiers cette derniere en l'autre. ON se sert de ce verbe d'vne facon bien estrange, mais qui neantmoins est si ordinaire a\ la Cour, qu'il est certain qu'elle est tres-Francoise.On dit en parlant d'vne table, ou d'vn carrosse, @il y peut huit personnes,@ pour dire, il y a place pour huit personnes,@ ou @il y peut tenir huit personnes;@ car esseure/ment quand on dit, @il y peut huit personnes,@ on sous-entend le verbe @tenir.@ Ainsi l'on dit, @autant qu'il en pour- riot dans mon eil,@ pour dire, @autant qu'il en pour- riot tenirdans mon ceil;@ c'est a\ dire @rien.` Il est vray que cette phrase est bien extraordinaire,

& que dans les Prouinces de dela\ Loire, on a de la peine a\ la comprendre, mais elle est prise des Grecs, qui se seruent de leur @GREEK@ au mesme sens, & j'en ay veu des exemplesdans l'vn de leurs meilleurs, qui est Lucien. Neantmoins, encore qu'on le die en parlant, on ne l'escrit point dans beau sti- le mais seulement dans le stile bas. PAr exemple, on demande, si @vint & vn siecles@ est bien dit, ou s'il faut dire, @vint & vn siecle.@ I'ay veu agiter cette questions dans vne grande compagnie, tres-capble d'en ju- ger.Les vns au commencement estoient pour le singulier, les autres pour le pluriel. Ceux qui tenoient qu'il falloit dire @siecle,@ alleguoient vn exemple qui fermoit la bouche au parti contraire, a\ sc#auoir que l'on dit, & que l'on escrit asseurement, @vint & vn an, & non pas @vint & vn ans,@ ny @vint & vnw anne/es.@ Les autres opposoient vn autre exemple a\ celuy-cy, & qui n'est pas moins fort; que l'on dit, & que l'on escrit, @il y avint & vn chuaux,@ & non pas. il y a vint & vn cheual.@ Ces deux exemples for- merent vn tiers party, auquel a\ la fin les autres deux se rasngerent, qui est que tantost on met i/

gnorer l'vne que l'autre. Ajoustez que nous auons mille exemples de mots Latins pris du Grec, ou\ l'on s'escarte bien dauantage de luer origine. Mesmes ce mot a/GREEK@ n'a qu'vne @l,@ ou vn @lambda@ a\ la derniere syllabe, quoy que ls Ethymologistes Grecs ne doutent point qu'il ne vienne @d'a'/GREEK@, aiuid alij,@ com- me qui diroit, vne chose qui a du rapport a\ vne autre, changeant l'@a,@ en @u,@ dans la compo- sition, & ostant vn @GREEK@ pour rendre le mot plus deux. CE preterit se conjuge\ par la plustost de cette sorte, @ie vesquis, tu vesquis, il ves- quit,@ & @il vescut, nous vesquimes, vous vesqui- tes, ils vesquirent,@ & @ils vescurent.@ I'ay dit @par la pluspart,@ a\ cause qu'il y en a d'autres dont le nombre a\ la verite/ est beaucoup moindre, qui teinnent, qu'il faut conjuguer ainsi, @ie vesquis ,@ & @ie vescus, tu vesquis,@ & @non pas, tu ves- cus, il vescut, nous vesquimes@ & @ves- cumes, vous vescurent.@ Il y en a encore qui le conjuguent autre- ment, & du singulier, &du pluriel, les deux sont bons, & que l'on peut dire, @ie vesquis,@

& ie vescus, tu vesquis,@ & @tuvescus, & ainsi au sebblables, que non pas @quelque,@ qui paroist d'abord l'@alius@ de Latins, lequel @aliquis@ ne conuient nullement a\ exprimer ce que l'on en- tend, quand on dit, @quelque merite que l'on ayt; il faut estre heureux.@ Mais outre que l'Vsage le veut ainsi, & qu'il n'y a point a\ raisonner, ny a\ repliquer sur cela, il y a encore vne raison a\quoy l'on ne songe point, qui authorise ce/t vsage. C'est que le @quelque,@ dont nous parlons, n'est pas simplement le l'@aliquis@ des Latins, mais le @qualiscumque,@ d'ou\ nostre @quelque,@ a este/ tire/ sans dout en ce sens la\. Il y a vne exception digne de remarque; C'est qu'il faut mettre @quel,@ ou @quelle,@ & non pas @quelque,@ quand il y a vn @que,@ immediate- ment apre/s @quelque,@ comme il comme faut dire @quel- le que puisse estre la cause de sa disgrace,@ & non pas @quelque que puisse estre la cause.@ Neantmoins vn de nos meilleurs Escriuains, & des plus clo- quens du barreau, soustient que @quelque que puisse estre la cause,@ est aussi bien dit que @quelle que puisse,&c.@ & trouue mesme que le @quelque,@ est plus fort que @quelle;@ mais bien que ie defe- re beuacoup a\ ces sentimens, & que j'aye ap- pris force choses de luy, dont j'ay enrichi ces Remarques, si est-ce qu'en cecy ie vous peu de gens de son opinion. D'ailleurs il demeure d'accord, que @quelle,@ est bon, qui est tousjours vne exception considerable a| la riegle. Que

si entre @quelle,@ & @que,@ il y a quelques syllabes qui les separent, alors il faut dire, @quelque,@ & non pas, @quelle,@ comme, @quelque en fin que puis- se estre la cause,@ & non pas, @quelle en fin que puis- se estre la cause.@ De mesme, @quelque,@ dit-il, @que puisse estre la cause,@ & non pas @quelle. Toutes ces facons de parler ne valent rien, quoy qu'vne infinite/ de gens s'en feruen, & en parlant, & en escriuant. Au lieu de dire @arriue/,@ il exprime tous le deux, ou bien, @Et au lieu de @marri qu'il estoit,@ il faut re, @estant marri,@ ou @marri,@ tout seul. Ce qui apparemment est cause d'vne phrase si mau- uaise, c'est que nous en auons d'autres en no- stre langue, fort approchantes de celle-la\, qui sont tres-bonnes & tres-elegantes. Par exem- ple, @tout malade, tout afflige/ qu'il estoit ne laissa pas d'aller,@ & au feminin, @tout afflige/e qu'elle estoit,&c.@ de mesme au pluriel. Tellement qu'a- uec ce mot, @tout,@ en tout genre, & en tout nom- bre, & son adjectif qui le suit immediatement, cette fac#on de parler est extrement pure, & Francoise. On s'en sertencore d'vne autre facon auec @ainsi,@ comme, @ilreceut quantite/ de coups, & ainsi @blese/ qu'il, se vint presenter au Senat.@ Il est vray qu'il y a de certains endroits, ou\ il a fort bonne grace, & ou\ mesme il est nece- saire, comme en l'exemple que ie viens de donner, quoy que rarement; ce que l'on ne peut pas dire de @tout,@ auec l'adjectif, car il faut necessairement en ce sens la\ ajouster @qu'il estoit,@ ou @qu'il fut,@ ou d'autres temps, selon ce qui precede, ou ce qui suit. Il se dit aussi quelquefous auec @comme,@ par exemple, @Il s'informoit si Alexandre, & comme vainqueur, & comme jeune Prince qu'il estoit, n'a- uoit rien attente/ contre les Princesses.@ Quelques-vns neantmoins croyent qu'il est encore plus ele- gant de supprimer @qu'il estoit,` & de dire, @si Ale- xandre, & comme vainqueur, & comme jeune Prin- ce, n'auoit rien attente/.@ On dit encore fort elegamment, @le malheu- reux qu'il est la malheureuse qu'elle est n'a pas seu- lement, &c.@ Mais il faut que ce soit tousjours auec le present du verbe substantif; car on ne dira gueres, @le malheureux qu'il estoit,@ & jamais @le malheureux qu'il fut.@ ILs ne sont pas tousjours vicieux, ny n'ont pas tousjours mauuaise grace, apr exem-

ple, @le Roy veut aller faire sentir aux sebelles la puissance de ses armes, ie ne trouue rien qui me choque en cette fac#on de parler; mais quatre infinitifs de suite, veritablement auroient bien de la peine a\ passer. Neantmoins vn de nos meilleurs Autheurs a escrit, encore qu'il se fust vante/ de vouloir aller faire sentir a\ ces peuples la puissance des armes Romaines.@ Ce qui peut sau- uer cela, c'est la naifuete/ du langage, de couurir beaucoup de defauts, & peut-estre mesmes d'empecher que ce ne soient des defauts. On les met & auec singulier, & auec le pluriel. Tous nos bons Autheurs sont pleins d'exemples pour cela, & il este/gale- ment bien dit, @l'vn ny l'autre ve vaut rien, &, @ny l'autre ne valent rie.@ L'on ne parle plus, ni l'on escrit plus ainsi; Il faut dire, @Demoiselle,@ & Made- ainsi; Il faut dire, @Demoiselle,@ & @made- moiselle,@ auec vn @e,@ apre/s le @d.@ C'est que l'@e,@ est beaucoup plus doux que l'@a,@ & comme nostre

mais aujord'huy l'on & l'on escrit @Tertullien,Quintilien, Saint Cyprien,&c.@ ou bien, il faut ainsi faire la Remarque; Tous les noms propes, & plusieurs autres d'vne autre na- ture, venans du Latin ou de quelque autre langue, qui mettent vn @a,@ en la penultiesme syllabe de ce nom la\, changment ce/t @a,@ en @e,@ quand on les fait Francois, pourueu qu'il y ayt vne voyelle immediatement deuant l'@c,@ comme de @Tertullianus,@ nous disons @Tertullien,@ parce qu'il y a vn @i,@ deunt l'@e,@ de @Cyprianus,@ @Cyprien,@ & de @Titiano,@ ce famoux Peintre Ita- lien, nous disons @Titien,@ comme d'u temps de M. Coef- feteau on disoit @les Pretorians,@ & il l'a tousjours escrit insi, au lieu de dire @Pretoriens.@ Nous disons aussi @Caldeen,@ & non pas @C'al- dean,@ parce qu'il y a vne voyelle deuant le der- nier @e,@ a\ sc#auoir vn autre @e.@ De mesme @Ler- neen, Nemeen,@ & non pas @Lernean, Nemean,@ comme nos anciens Poe"tes ont accoustume/ de les nommer, 6 plusieurs autres de cette espece. Ie ne donne des exemples que de l'@e,@ & de l'@i,@ qui precededent l'@e,@ joint a\ l'@n,@ parce qu'il n'y a gueres de mots, qui ayent vn @a,@ vn @o,@ ou vn @a,@ comme @Cae"n,@ ville de Norman-

qui suit, tellement que les deux voyelles ne font qu'vne syllabe, & l'on ne prononte pas @Ca en@ en deux syllabes, mais @Cae"n@ en vne sue- le, qui de plus, prend le son de l'@a,@ & non pas de l'@e,@ & se prononce @Can,@ comme s'il n'y auoit point d'@e,@ Il faut donc pour prononcer @en,@ en la derniere syllabe des mots, que le voyelle qui la precede ne syllabe distincte & separec de la derniere @en.@ Et ce que j'ay dit des voyelles, s'en- tend aussi des dipthongues, comme en ces deux mots, @payen, moyen,@ &c. mais aux mots qui n'ont ny voyelle, ny dsiphthongue de- uant les deux lettres finales, il faut pronon- cer & escrire, @an,@ & pas @en,@ comme nous disons @Trajan, Sejann,@ & non pas @Trajen, sejen,@ parce que l'@i@ qui va Deuant l'@a, est conone, & non pas voyelle. De mesme nous disons @Ti- tan, Tristan,@ & non pas @Titen,@ ny @Tristen, & ainsi de tous les les autres. Ie ne pense pas que cette Riegle des voyel- les ou des dipthongues deuant @en,@ final, suoffre geures d'exceptions.Il est vray, qu'on nomme @Arrian,@ l'Autheut Grec qui a escrit les guerres d'alexandre, & qui est aujourd'huy plus celebre en France par son Traducteur, que par luy mesme, le Franc#oisayant surpas- se/ le Grec, & s'estant acquis la gloire dont l'autre s'est vainement vante/. On nomme en-

@ou la honte, ou l'occasion, ou l'example, leur donne- ront vn meillevr suis.@ Sur quoy ayant consulte/ diuerses, personnes tres-sc#auantes en la lan- gue, quelques-vns ont creu qu'il falloit dire, @donnera,@ au singulier, a\cause de la disjoinctiue; les autres, que l'on pouuoit dire egalement bien @donnera@, & @donneront@, au singulier & au pluriel, qui est la plus commune opinion, & les autres, que @donneront@ au pluriel estoit plus elegant, que @donnera@, a\ cause de cette accumu- lation de chose, qui presentant taunt de faces differentes a\ la fois, porte l'esprit au pluriel plustort qua'au singuluier, quoy quedans la ri- gueur de la Grammaire, il faudroit dire @don- nera@. Mais quand il n'y a que deux disjoncti- ues, comme au premier example, @ou la douceur ou la force@,il faut tousjours mettre le singulier sans exception, & jamais le pluriel, soit que les deux soient opposez comme icy, ou qu'ils ne le soient pas, Tous deux sont bons, @n'y peut rein@, & n'y peuuent rein@, parce que la verbe se peut rapporter a\ l'vn des deux separe/de l'au- tre ou a\ tous les deux ensemble. I'amerois mieux neantmoins le mettre au pluriel qu'au singulier.

Pour @maint@, & @mainte@, on ne le dit plus en parlant, mais on dit @maintefois@ a\ la Cour en raillant, & de la meme fac#on qu'on dit @ains au contraire@. Neantmoins on ne l'ercrit plus en prose, non plus que adjectif. L'vn & l'autre n'est que pour les vers, & encore y en a-t-il plusiers, qui n'en voidroient pas vser. le crois qu'amoins que de estre employ'e dans vn Poe%me heroique '& encore bein rarement, il ne seroit pas bein receu. Du temps de M. Coeffeteau on l'escriuoit & en vers & en prose. Il dit en vn certain endroit, qu'vn Legisla- teur @avoit fait maintes belles loix. De ce trois,@matineaux est le meilleurs:c'est celuy qui est le plus en vsage, & en par- lant, & en escruiuant, soit en prose, ou en vers. @Matinal n'est pas si bon, il s'en faut beau- coup; les vns le trouuent trop vieux, & les au- tres trop nouueau, & l'vn & l'autre ne proce- de que de ce qu'on ne l'etend pas dire sou- uent.@Matineaux@, & @matinal@, se disent seulement des personnes. Il seroit ridiculed de dire, @l' Estoi- le matineuse@, ou @matinale@. Pour @matinier@, il ne se dit plus, ny en prose, ny en vers, ny pour

les personnes, ny pour autre chose, sur tout au masculin; car il seroit insuppotable de di- re, @vn astre matinier@, mais au feminin, @l'Estoile matiniere@, pourroit trouuer sa place quelque part. Tous deux sont bons, & nos meilleurs Autheurs anciens & modernes disent l'vn & l'autre. Ils en sont de mesme a\ l'infi- nifif, @le manger@, car quelques-vns escriuent @le mange\@, & les autres @les manger, vn desmess\e@, & @vn desmesler, mais j'aime mieux ce dernier avec l'r, parce que c'est vn infinitif dont nous faisons vn nom substanif avec l'article le a\ l'imita- tion des Grecs GREEK, & que d' ailleurs nous n'ostons pas la lettre r, des autres noms tirez de l'infinitif, qui ne se terminent pas en er, ny nous ne changeons rien de ce qu'ils ont aux autres conjugaisons, comme par exemple nous disons, @le dormir@, & nos pas @le dormi,le boire@, & non pas @le beu@. Il est vray qu'il faut tousjours dire le procede\, & non pas @les proceder. L'vn & l'autre est bon, mais avec cette difference, que @remplir@ se dit d'ordinai- re des chose immaterielles, ou figue\es, com- me @il a remply tout l'vniuers de la terreur de son nom, il a dignement remply la place du premier Magi- strat@. Et @emplir@ se dit communement des chose materielles, & liquides, comme @emplir vn tonneau, emplir vn vaisseau.@ Et quand on dit @remplir vn ton- neau@, c'est quand on en a desja tire\, & que l'on remplit ce qui est vuide, d'ou vient le mot de @remplage@. I'ay ajoustre/ @liquides@, parce que l'on ne dira pas si ordinairement, qu'@vn avaricieux emplit ses coffres d'or & d'argent@, comme @rem- plit ses coffres@ , ny @emplit ses greniers@, comme @rem- plit ses greniers@ Mais apre/s tout j'ay appris que l'on ne sc#auroit faillir a\ dire tousjours @remplir@, de quoy que ce soit que l'on parle, ou\ l'on croira que le mot d'@emplir@, soit bon, au lieu que l'on peut souuent manquer en mettant @emplir@ pour @remplir. I'ay appris que c'estoit ainsi qu'il falloit es- crire, & non plus au singulier @qu'il ayt ja- mais faite@, parce que ce participe se rapporte a\ @plus belles actions@, & non pas a\ @vne@. La preuue en est claire, en que le participe @faite@, ou @faites@, se rapporte de necessite/ absolue% au pro- nom @que@ qui est apre\s @actions@, & il n'y a point de Grammairien, qui n'en demeure d'accord.

Il reste done a\ sc#auior, auquel des deux ce @que@, se rapporte a\ @actions@, ou a\ @vne@. Deux cho- ses sont voir que c'est a\ @actions@, & non pas a\ @vne@, la premiere est que ces mots @des plus bel- les actions@, demandent necessairement le pro- nom @qui@, ou @que@, apre/s eux, autrement on ne les sc#aroit consturie. Car @plus@, est vn terme de comparaison, qui presuppose vne relation ou a\ ce qui precede, ou a\ ce qui suit, comme en ce/t exemple, @des plus belles actions@, a sa re- lation aux paroles suiuantes @qu'il ayt jamais faites@. L'autres raison est, que @jamais@ comprend toutes les actions precedentes, & ne se peut pas dire d'vne seule action, tellement qu'estant place/ dans ce/t exemple entre @que@, & @faites@, il fait voir clairement que le pronom & le par- ticipe ne peuuent estre entendus ny pris d'v- ne autre fac#on que @jamais@, c'est a\ dire, qu'ils ne se peuuent rappoter qu'a\ @actions@, & non pas a\ @vne@. Outre que @jamais@ estant aduerbe joint @a\ faites@, ou @ayt faites@, il est impossible & contre la nature de l'aduerbe, que @jamais@ se rapporte a\ @actions@, & @ayt faite a\ vne@. L'aduer- be & le verbe vont tousjours d'vne mesme sorte, & ont tousjours mesme vise\e, comme inseparables dans le sens, aussi bien que dans la construction, ainsi que le mot d'@adverbe@, c'est a\ dire, @attache/ au verbe@, le tesmoigne.

Ce verbe regit elegamment l'accusatif pour les personnes mais non plus pour les chose. Exemple, M. de Malherbe, @Vous avez l'bonncur d'approacher la Reyne de si pre/s@. Toute la Cour, & tous les Autheurs par- lent ainsi, @Approacher la personne du Roy, ap- procher la personne au Prince@. Mais ce seroit tres-mal dit', @approcher la ville, approcher le feu. Il faut dire, @s'approcher de la ville, s'appro- cherdu feu@. Neantmoins on dit @approchez-vous de moy, il s'est approche/ du Roy pour luy faire la reuerence@, & ce seroit fort mal dit @approchez moy, il a approche/ le Roy pour luy faire la reuerence@. D'ou vient donc @qu'approcher@ pour ce qui est des personnes, a tantost vn regime, & tan- tost vn autre, & le moyen de connoistre quand il en fautvser d'vne fac#on, & non pas de l'autre? C'est qu'il a pour les personnes deux significations; l'vne qui designe le mou- uement corporel, par lequel ie m'approche actuellement de quelqu'vn, & c'est sa propre & veritable signification: l'autre, qui ne signifie pas ce/t acte particulier, ny ce mouuement local, mais bien l'habitude qui resulte de plu- sieurs actes rei%terez, en s'approchant de quel- qu'vn, par le moyen desquels il s'est acquis vn grand acce/s, & vne grande priuaute/ avec-

que luy qui est vn sens plus essoigne/ du mot & vne fac#on de parler comme figure/e. Au premier sen il faut dire, @s'approcher du Roy@, & au second, @approcher le Roy@ de sorte qu' @appro- cher@ en cette derniere fac#on, signisifie @estre en faueur, & en confideration aupre/s du Roy@. Il se dit aussi de Officiers qui ont l'honneur d'ap- procher le Roy a\ cause de leurs charges, quoy qu'ils ne soient point en faueur. Au reste il faut remarquer, qu' @approcher@ en cette signi- fication, ne se dit que des Grands. Exemple, @en cette belle soitude, & si pro- pre a\ la contemplation@. Ie dis que le se- cond ephithete, @& si propre@, n'est pas bein situe/, & qu'il le faut mettre ainsi, @en cette soiltude si belle, & si propre a\ la contemplation@, parce que les deux adjectifs doiuent tousjours estre en- semble, & jamais il ne faut mettre le substantif entreles deux adjectifs; comme en ce/t exemple, @solitude@, est entre @belle@, & @si propre@. Cette reigle est importante pour la nettete/ du stile & de la constuction. I'en ay fait vne remarque, a\ cause que beaucoup de gens y manquent. M. Coeffeteau n'y a jamais manque il escriuoit trop nettement; Ce ne' est pas quelquefois ce renuersement n'ayt beaucoup de grace &

de force, mais cela est tres-rare, & il ne me vient point d'example pour le faire voir, c'est pourquoy il ne le faut faire que le moins que l'on pourra, & avec jugement. C'est depuis peu, que plusieurs person- nes prononcent ainsi, au lieu de pronon- cer @satisfaire, satisfaction@ avec l's deuant l'f, com- me on doit aussi l'orthographier. Iusqu'icy sans doute c'est vne faute de dire, @satisfaire@, & @satisfaction@, & la plus saine partie de la Cour, & des Autheurs, s'y oppose, & ne le peut souf- fir; mais ie crains bien que dans peu de temps cette mauuaise prononciation ne l'emporte, parce qu'il est plus doux de dire, @satisfaire@, & @satisfaction sans s'qu'avec vne s, & la prononciation en est beaucoup plus aise/e. Que si maintenant elles nous semble rude, c'est que l'oreillen'y est pas encore accoustume/e. La mesme chose est arrive/e a\ plusieurs mots, que nous auions en nostre langue escrits avec l's, qui se pronon- c#oit au commencement, & qu'on a supprime/ depuis pour les rendre plus doux. C'est fort bien dit, on parle ainsi, & tous les bons Autheurs l'escriuent. M. Coef-

feteau en la vie d'Auguste, @Antoine@, dit-il, & @Lepidus s'estoient vnis esemble, d'vne fac#on allez estrange@. Plusieurs neantmoins le condam- nent comme vn Pleonasme, & vne superflui- te/ de mots, & soutiennent qu'il suffit de di- re @vnir@, sans ajouster @ensemble@, parce que deux chose ne peuuent pas estre vnies, qu'elles ne soient esemble. Par cette inesme raison ils ne peuuent souffrir que l'on die, @je l'ay veu de mes yeux, je l'ay ou%y de mes oreilles, voler en l'air@, qu'Amyot dit si souuent apre/s les anciens Au- theurs Grecs & Latins, aussi bien qu'apre/s son Plutarque. @Orphe/e fut cruellement deschire\@, & au- tres semblables; Car deqouy voit-on, disent- ils, que des yeux? voit-on sans yeux, ou des yeux d'autruy? Et ainsi, oit- on si ce n'est des oreilles? peut-on voler si ce n'est en l'air, ny vne personne estre deschire/e que cruellement? Mais ce ne sont que ceux qui n'ont point estudie\, & qui n'ont nulle connoissance des anciens Autheurs, dont l'exemple sert de loy a\ toute la posterite/, qui blasment ces fac#ons de parler. Il ne faut qu\'a- uior vne legere teinture des bonnes lettres, pour n'ignorer pas combien ces locutions sont familieres a\ tous ces grands hommes, que l'on reuere depuis tant de siecles. Terence qui passe sans contredit pour les plus exact & le plus pur de tous les Latins, ne feint point de

dire, @Hisce oculis egoment vidi@, ou ce/t @egoment qu'il ajouste, semble encore vn nouueau surcroist de Pleonasme. Et l'incomparable Virgile ne dit- il pas si souuent, @Sic ore loctus, il parla ainsi de la bouche; Vocemque his auribus haufi, je l'ay ou%y des mes oreilles?@ Ciceron, & tous les Orateurs, en sont pleins aussi bien que les Poe%tes. Et cela est fonde/ en raison, parce que lors que nous voulons bien assseurer & affirmer vne chose, il ne suffit pas de dire simplement,@ie l'ay veu, ie l'ay ou%y@ puis que bien souuent il nous sembled' auoir veu & ou%y des chose que si l'on nous pressoit d'en dire la verite\, nous n'oserions l'asseurer. Il faut donc dire, @ie l'ay veu de mes yeux, ie l'ay ou%y de mes oreilles@, pour ne laisser aucun sujet de douter, que cela ne soit ainsi : tellement qu a\ le bien prendre, il n'y a point la\ de mots superflus, puis qu'au contaire ils sont neccesaires pour donner vne pleine asseurance de ce que l'on affirme. En vn mot, il suffit que l'vne des phrase die plus que l'autre, pour euirer le vice du Pleo- nasme, qui consite a\ ne dire qu'vne memse chose en paroles differences & oysiues, san qu'elles ayent vne signification ny plus esten- due%, ny plus forte, que les premieres. Mais ces Messieurs pourront repartir, que si cela est vray aux deux phrases que nous ve- nons d'examiner, il ne l'est pas en ces deux

autres, @voler en l'air@, & @cruellement deschire/@; Car que peut, disent-ils, signifler dauantage @voler en l'air@, que @voler@ tout seul, & @cruellement deschi- re/@, que @deschire/@ simplement? le respons, que la parole n'est pas seulement vne image de la pense/e, mais de la chose mesme que nous voulons representer, laquelle ie re- presenteray beaucoup mieux en distant, @les oy- seaux qui volent en l'air@, que si ie ne faisois que dire, @les oyseaux qui volent@. Il est vray, qu'il faut que cela se face avec jugement, y ayant des endroits ou\ il seroit vne agreable peinture, & d'autres, ou\ l'on ne le pourroit souffrir. Et quand ie diray @crullement deschire/@, j'expose- ray bien mieux aux yeux de l'esprit, l'horreur de cette action, & rendray l'objet bien plus sensible & plus vif, que si ne disois que @des- chire/@; Car comme le son de la voix lors qu'il est plus fort, se fait mieux entendre a\ l'oreille du corps, aussi l'expression, quand elle est plus forte, se fait mieux entendre a\ l'oreille de l'esprit. En fin toutes les langues ont de ces fac#ons de parler, tous les bons Autheurs Grecs & Latins, anciens & modernes s'en seruent, non par vne licence, ou par vne negligence affecte/e, mais comme d'vne plus forte ma- niere de s'exprimer, & tout ensemble com- me d'vn ornement. Qu'y a-t-il a\ repliquer apre/s cela?

Ie @mes souuiens@, & @il me souuient@, sont tous deux bons, mais @ie me souuiens@, me semble vn peu plus vsite/ a\ la Cour. Nos bons Au- theurs en vsent indifferemment. La @temple@, cette partie de la testre, qui ell entre l'oreille & le front, s'appelle @tem- ple@, & non pas @tempe@ sans l, comme le pronon- cent & l'escriuent quelques-vns, trompez par le mot Latin, @tempus@m d'ou\ il est pris, qui signife la mesme chose. Cette fac#on de parler est Franc#oise, & ordinaire, mais elle ne doit pas estre employe/e dans le beau stile, d'ou\ nos bons Autheurs du temps, la bannissent. Cette preposition ne veut jamais auoir apre/s elle, ny immediatement ny me- diatement, la particule @point@; Car encore qu'on ayt accoustume/ de dire,@sans pointe de fau@

te@, c'est vne fac#on de parler de la lie du peu- ple, dont les honnestes gens n'ont garde de se seuir, & beaucoup moins encore, les bons Escriuains; C'est pourquoy vn des plus cele- bres que nous ayons, a este/ justement repris d'auior escrit, @sans point de nuages, sans point de Soleil@. Ce verbe regit le datif, & l'accusatif tout esemble comme, @il a suruescu tous ses enfans@, & @il a suruescu a\ tous ses enfans@. Il depend apre/s cela de l'oreille, de mettre tantost l'vn tantost l'autre, selon qu'elle le juge plus a\ pro- pos.. @Mais que@, pour @quand@, est vn mot, dont on vse fort en parlant, mais qui est bas, & qui ne s'escrit point dans le beau sti- le. Par exemple, on dit a\ toute heure, & mes- me a\ la Cour, @venez-moy querir mais qu'il soit venu@ pour dire, @quand il sera venu@. Vn de nos plus fameux Escriuains a dit, @l'affection avec laquel- le j'embrasseray vostre affaire, mais que ie sc#ache ce que c'est vous fera voir@, &c. Il affectoit tou- tes que ces fac#ons de parler populaires, en quel- que stile que ce fust, lesquelles neantmoins

ne se peuuent souffir qu'au plus bas & au der nier de tous les stiles. Il n'en faut pas faire profession, comme a fait vn des plus grands hommes de lettres de nostre siecle, qui en a parseme/ toutes ses oeuures. Tout affecatation est vicieuse, & par- ticulierement celle-cy. Mais quand l'allusion se presente d'elle mesme, sans qu'on la recher- che/e, elle tres-bonne, & tres-agreable. Il est vray, que mesmes de cette fac#on , il en faut vser rarement, mais si l'on n'en vse que lors qu'elle se rencontre a\ propos, il ne faut pas craindre vser d'en souuent; car ces rencontres sont rares. Ciceron ne l'a pas euite\e. Il dit en l'Oraison @de Prouinc. Consul. Bellum affectum vi- @demus@, & @vere\ vt dicam, pene\ confectum@, & s'y opiniastrant encore, il ajouste immediatement apre/s, @sed ita, vt si idem extrema exequitur qui in- choauit,iam omnia perfecta videamus@. Infaillible- ment disant @perfecta@, il a voulu continuer la figure, parce qu'il fait encore cette mesme al- lusion vn peu plus bas, @nam ipse Casar@, dit-il @quid est cur in Prouincia commorari velit, nisi vt ea que per eum affecta sunt, perfecta Reipublica tra- dantur@? M. Coeffeteau qui la suyoit avec au-

tant de soin, que les aurres en apportent a\ la chercher n'a pas laisse/ de s'en seruir quelque- fois, de fort bonne grace, comme par exem- ple en la vie d'Auguste, ou\ il dit, @mais depuis on fit courir le bruit qu'il auoit fait mourir les deux Consuls, afin qu'ayant deffait Antoine, & s'estant @deffait d'eux, il eust seul les arme victorieuses on sa puissance@. L'allusion de ces mot, ayant deffait, Antoine, & s'estant deffait d'eux, est d'autant plus belle, qu'elle consilte au mesme mot @deffait@, dans deux significations differentes, selon leurs differens regimes. Certainement quand cette figure se presente, & que les paroles qu'il faut necessairement employer pour ex- pliquer ce que l'on veut dire, sont l'allusion, alor il la faut receuoir a\ bras ouuerts, & ce seroit estre ingrat a\ la fortune, & ne sc#auoir pas prendre ses auantages, que de la rejetter. @Precipite/ment@, est bon, mais @precipitamment@ est beaucoup meilleur, & j'en voudrais tousjours vser. On dit aussi, @armez a\ la legere@, & @legerement armez@. Neantmoins le premier est vn peu plus en vsage, mais pour diuersifier il se faut seruir de tous les deux.

Il n'y a rien qui blesse dauantage l'oeil & l'oreille que de voir vne Lettre qui apre/s @Monsieur@, ou @Madame@, commence encore par l'vn ou par l'autre, & quand il y a deux @Mon- sieur@, ou deux @Madame@, de suite, c'est encore pis. Cela est si clair, qu'il n'en faut point donner d'exemple. I'en fais vne remarque, parce que ie vois plusieurs personnes qui y manquent, quoy que d'ailleurs ils escruitent bien. Ce verbe se conjugue ainsi au present de l'indicatif, @je m'assied, tu t' assieds, il s'assied, nous nous asseion, vous vous asseiez, ils s'as- sient@ & non plus, @ils s'assient@. Au preterit im- parfait, @je m'asseiois, tu t'asseiois, il s'asseioit, nous nous asseions, vous vous asseiez@; (Ces deux per- sonnes du pluriel sont semblables aux deux plurieles du present) @ils s'asseioient@. Mais ce temps n'est gueres en vsage. On se sert d'or- dinaire en sa place du mot de @mettoit@, com/me @il se mettoit tousjours la\, nous nous mettions tous- jour la\@ quand @s'asseoir@ veut dire@ se placer;@ & lors qu'il veut dire, @se reposer,on sec sert de ce verbe mesme pour l'exprimer, comme @apre\s quatre tours d'alle\e il se reposoit tousjours; Ce

n'est pas pourtant que l'on ne puisse dire aus- si, @s'asseioit@, mais il est moins vsite/. A l'imperatif pluriel, il faut dire, @asseiez-vous@, & non pas @assisez- vous@, comme disent vne infinite/ de gens, ny @assiez-vous@, qui est neantmoins moins mau- uais, qu'@assisezvous@. Au subjonctif, il faut dire, @asseie@, & @asseient@ au pluriel, & non pas @asient@ & bien moins encore @assisent@, comme @asseion-nous, afin qu'il s'asseie@, ou @qu'ils s'assieient@. Au gerondif, ou au participle @s'asseiant@, & non pas @s'asseant@, quoy que le simple soit @seant@, & non pas se- @iant@, parce que le simple & la compose/ne se rapportent pas tousjours; comme l'on dit, @maudissot@ avec deux s, & @disoit@ avec vne s, bien qu'il n'y ayt point de doute que @maudire@ est le compose/ de @dire@. Ainsi l'on dit @decide/@, & @inde- cis@, sans dire, ny @decis@, ny @indecide/@. On dit @s'as- seiant@, & non pas @s'asseant@, parce que ce temps se forme de la premiere personne pluriele du present de l'indicatif, qui est @asseions@, & non @asseons@. Beaucoup degens, & de nos meilleurs Es- criuains disent par exemple,@ces chose sont indifferentes de soy@. On croit que c'est mal parler, & qu'il faut dire @sont indifferentes d'elles mesmes@. Et la\ dessus j'ay ou%y faire cette obser- uation, qui est commme ie crois, veritable,

que lors que @de soy@ est apre/s l'adjectif pluriel, comme en l'exemple que nous venons de don- ner, il est vicieux, mais quand il est deuant, il est tres-bien dit; car nous disons tous les jours, @de soy ces choses sont indifferentes@, & @ces chose de soy sont indifferente s@, mais @ces chose sont indifferentes de soy@, la pluspart condamnent cette locution; Enquoy il faut auo%er que c'est vne bizarre chose que l'Vsage, & qu'en voicy vn bel exemple l'ay dit @la plus-part, a\@ cause qu'il y en a qui ne condamnent pas @in- differentes de soy@, mais ils confessent que @d'elles mesmes@, est mieux dit, c'est pourquoy il faut tousjours choisir le meilleur. Cette phrase est si familiere a\ plusieurs de nos meilleurs Escriuains, qu'il est necessaire de faire cette remarque, afin que l'on ne se trompe pas en les imitant. Auant que la particule @e/s@, pour @aux@, fust bannie du beau langage, on disont, @tomber e/s mains@, de- puis on a dit, @tomber aux mains@, mais ny l'vn ny l'autre ne valent rien, & il faut tousjours dire, @tomber entre le mains de quelqu'vn@. L'vsa- ge moderne le veut ainsi. @Tomber e/s mains@, est particulierement de Normandie.

Par exemple on dit, @a\ grand' peine; Il nous a fait grand chere@. & non pas @a grande pei- ne@, ny @grande chere@. Et neantmoins on dit, @c'est vne grande meschancete/, vne grand calom- nie@. Comment est-ce donc que l'on connois- tra quand il faudra mettre @le@ ou ne le met- tre pas? Il n'y a point d'autre reigle que cel- le-cy, @Qu'il y a certains mots comme consacrez a\ cette elison, ou\ l'on dit grand' chere, grand' avec l'apostrophe. comme @a\ grand' peine, grand' chere, grand' mere, grand pitie, grand' Messe, la grand Chambre@, & plusieurs autres de cette nature, qui ne se presentent pas matintenant a\ ma memoires; mais en ceux ou\ l'Vsage n'a pas estably cet- te elision, il ne la faut pas faire comme aux exemples que j'ay donnez, @vne grande meschan- cete/, vne grande calomnie, vne grande sagesse, vne grande marque@. A quoy il est necessaire d'ajous- ter, que le nombre des substantifs feminins, deuant lesquels il faut dire @grande@, sans eli- sion, est incomparablement plus grand, que celuy des autres, ou\ l'on mange l'e, tellement qu'on n'aura pas grand' peine a\ n'y manquer pas, pour peu que l'on ayt de connoissance de l'Vsage.

Ce mot est souuent employe/ par les bons Autheurs, pour dire @vne infinite/, vne gran- de quantite/ de quoy que soit@. M. Coeffeteau a\ qui l'vsage en est familier, dit en la vie d'Au- guste, @sur le point de cette sanglante journe/e, a\ Ro- me & ailleurs on vit vn monde d'horribles prodi- ges@. Ie voudrois pourtant en vser sobrement, & non pas encore en toutes sortes de cho- ses, mais seulement en celle ou\ il s'agiroit des personnes, comme M. de Malherbe s'en est seruy, quand il a dit, @qu'ay-je a\ faire de vous en nommer vn monde d'autres@. c'est a\ dire, d'autres hommes. Il semble bien applique/ la\. Ce n'est pas que ie le voulusse condamner dans vn autre vsage. On dit ordinairement en parlant, @tous mon monde est venu@, son monde n'est pas venu, pour dire, @tous mes gens ne sont pas venus @; Mais il le faut euiter comme vn terme bas, & si ie l'o- se dire, de la lie du peuple. C'est porquoy il me semble insupportable dans vn beausti- le, mais beaucoup plus encore, quand on s'en sert en un sens plus releue/; par exemple, quand

on dit, comme ie le touue souuent dans vn fort bon Autheur moderne, @il fit anancer tout son monde@, pour dire @toutes ses troupes, il r' allia son monde@, pour dire @ses troupes, ses gens@. Dans le stile noble on ne le souffriroit pas pour dire @ses domestiques@, on le souffriroit moins en- core pour dire @ses troupes@. Par exemple, les vns disent, @le long de la riuiere@, les autres, @du long de la riutere@, & les autres @au long@. Tous les trois estoient bons autrefois, mais aujourd'huy il n'y en a plus qu'vn qui soit en vsage, a\ sc#auoir, @le long de la riuiere.@ C'est depuis peu que cette nouuelle fa- c#on de parler est en vogue. Elle regne par toute la ville, & s'est mesmes insinue/e dans la Cour, mais elle n'y a pas este/ bien re- ceu%e, comme ayant fort mauuaise grace, & trop d'affectation. Nos bons Escriuains l'ont condamne/e d'abord, & s'opposent tous les joursa\ son establissement, qu'il ne faut pour- tant plus apprehender dans le decay ou\ elle est. Nostre langue a\ l'imitation de la Grec- que, aime extremement les articles; il faut

dire, @il a de l'esprit, il a de l'esprit & du coeur, je@ ne sc#ay si l'on ne dira point encore, @il a sang aux ongles@. Ce n'est pas qu'en certains endroits on ne se dispense des articles avec vne grace merueilleuse, mais c'est rarement, & il faut bien les sc#auior choisur. M. Coeffeteau, @ill fu main basse, & tua femmes & enfans@. Mais @il a esprit@, ne se peut dire ny selon le bon vsage, ny selon la Grammaire. Qvelques-vns doutent, si ce terme est Franc#ois, & s'il n'est point plus plustost Ita- lien, @mais piu\@,. Mais il est aussi bon en nostre langue, qu'en l'Italienne, d'ou nous l'auons pris. Nous le disons, & l'escriuons tous les jours. M. Malherbe, @jamais plus ie ne me rem- barque avecque luy@. Et en vn autre endroit, @a\ con- dition, que ie n'en oye jamais plus parler@. Ce mot n'est plus en vsage parmy les bons Escriuasns, ny mesmes parmy ceux qui parlent bien. Il faut neantmoins auou%er, qu'il est tres-doux & tres-agreable a\ l'oreille. Au lieu de @meshuy@ ou @des-meshy@, on dit @desor- mais, tantost@, comme @il est tantost temps@ pour @ il est meshuy temps@.

Cette preposition a tousjours este/ en vsage dans les bons. Autheurs, par exem- ple, @il se torna deuers luy, cette ville est tourn/ee deuers l'Orient, deuers le Midy@. Et ainsi des au- tres. Mais depuis quelque temps ce mot a vieilli, & nos modernes Escriuains ne s'en ser- uent plus dans le beau langage. Ils disent tous- jours @vers@, comme @se tournant vers luy, vers l'O- rient, vers le Midy. Nous auons de bons Autheurs, qui di- sent l'vn & l'autre. M. Coeffeteau y met ordinairement l'article @de@ M. de Malher- be la pluspart du temps ne l'y met pas, com- me quand il dit, @il y en eut trois condamnez, il n'y auoit pieu si ferme, qu'avec peu de peine ils n'ar- rachassent@ & @depuis qu'il y en auiot vn arrache/@. Neantmoins en vn autre lieu il dit, @il y en auoit desja trente d'acheuez@, parlant de vaisseaux. Audjourd'huy le sentiment le plus commun de non Escriuains, est qu'il faut tousjours mettre le @de@; car en parlant jamais on ne l'obmet, & par consequent c'est l'Vsage, qu'on est oblige/ de suiure aussi bien en escriuant, qu'en par-

lant sans s'amuser a\ esplucher porquoy ce/t article deuant le participle passif, & apre/s le nombre. C'est la beaute/ des language, que ces fac#on de parler, qui semblent estre sans rai- son, pourueu que l'Vasage les authorise La bi- zarrerie n'est bonne nulle part que la\. On ne dit plus gueres matintenant @que c'est@, comme l'on disoit autrefois. On dit, @ce que c'est@, Par exemple, M. de Malherbe dit,@il n'y a point de loy qui nous apprenne que c'est, que l'ingratitude@. Audjourd'huy l'on, @qui nous apprenne ce que c'est que@, & c. Il connois vn homme fort age/, & fort fc#a- uant en nostre langage, qui dit, que lors qu'il vint a\ la Cour jeune garc#on, il y auoit beacoup de gens qui disoient & escriuoient @de depuis@, & que desja de/s ce temps la\ ceux qui entendoient cette fac#on de parler, comme vi- cieuse & barbare, ne permettant pas seule- ment aux Po%etes d'en vser comme d'vne li- cence poe%tique, pour s'accomoder d'vne syllabe, dont ils ont souuent besoin. Mais

que nonbstant cela on n'a pas laisse/ depuis cinquante ans de continuer tousjours la mes- me faute, quoy que l'on ayt aussi continue/ de la reprendre, jusqu'a\ ce qu'encore aujour- d'huy vne infinite/ de gens disent & escriuent, @de depuis@, contre le sentiment de tous ceux qui sc#auent parler & escire. Il remarque donc qu'il n'y a point de terme en toute nostre langue, qui se soit tant opiniastre/ pour s'esta- blir, ny qui ayt tant este/ rebute/, que celuy la\ Il faut tousjours dire @depuis@, & jamais @du depuis soit qu'on le face preposition, ou adverbe; car il est l'vn & l'autre, & c'est la raison qu'alle- guent les plus sc#auans de ceux qui disent @du depuis@, que c'est pour marquer la difference des deux, parce que par exemple, quand on dit @depuis vn an, la\ depuis@ est preposition, & lors qu'on dit @depuis ie n'y suis pas retourne/, ou @ie n'y ay pas este/ depuis@, il est aduerbe. Mais on res- pond en vn mot, que le bon vsage a banny cette locution a\ quoy il n'y a point de repli- que. Outre qu'a le prendre mesme par la rai- son, il est tres-rare que @depuis@ aduerbe se trou- ue situe/ en vn lieu, ou/ il puisse faire equiuo- son il puisse faire equiuo- que, ny estre pris pour la preposition, non plus qu'aux exemples que ie viens de donner. Et si par hazard il engendre quelque equi- uoque, on n'a qu'a\ mettre vne virgule apres\ pour le separer du mot qui suit, bien que la

consruction entiere face assez connoistre s'il est preposition ou aduerbe. En toute la Grammaire Franc#oise, il n'y a rien de plus important, ny de plus igno- re/. Ie dis @de plus important@, a\ cause du fre- quent vsage des participes dans le preterits, & @de plus ignore/@, parce qu'vne infinite/ de gens y manquent. Ne laissons rien a\ dire en ce sujet, & voyons toutes les fac#ons dont ces participes peuuent estre employez, mais par ordre. notez que @participes@ & @preterits@ ne sont icy qu'vne mesme chose. Premierement, le preterit va deuant le nom qu'il regit, comme quand ie dis, @j'ay receu vos lettre@. Alors @recu@, qui est le participle est inde- clinable, & voila\ son premier vsage, ou\ per- sonne ne manque. Qui a jamais dit, @j'ay re- ceu%e vos leltres@, comme distent les Italiens de- Puis peu @ho rieceuute le vostre lettre? Son second usage est, quand le nom de- uant le preterit, comme quand ie dis @les lettres que j ay recu%es@; car alors il faut dire, @que j ayre- ceu%e@, & non pas @que j'ay recue@, a\ peine de faire vn solecisme. Cela est passe en reigle de Gram- maire, non seulement aujourd'hy, mais du

temps mesme d'Amyot, qui l'obserue inuio- lablement; comme on faisoit desja du temps, Aut les temps de Marot, qui en a fait cet- te Epigramme a\ ses Disciples, @Enfans oyez vne lec#on: Nostre langue a cette fac#on, Que le terme qui va deuant, Volontiers regit le suiuant. Les vieux exemple ie suivray Pour le mieux, car a\ dire vray La chanson fut bien ordone/e, Qui dit, m'amour vous ay donne/e; Volia\ la force que possede. La feminin quand il precede. Or prouueray par bons tesmoins, Que tous pluriels n'en font pas moins, Il faut dire en termemes parfaites Dieu en ce monde nous a faites, Ne nous a fait pareillement, Mais nous a fait tous rondement. L'Italien, dont la faconde Passe le vulgaire du monde, Son langage a ainsi basti, En disant@,Dio noi a fatti, & c. Neantmoins ie m'estonne de plusieurs. Au- theurs modernes, qui faisant profession de bien escrite,ne laissant pas de commettre cette faute.

En troisiesme lieu, le preterit peut estre place\ entre deux noms, comme les habitians. @nous ont rendu maistes de la ville@; Car @ont rendu@ est vn preterit situe\ entre deux noms a\ fc#a- uoir @nous@, (que j'appelle nom, quoy qu'il soit pronom, parce que cela n'importe) & @mais- tres@, qu'il regit tous deux a\ l'accusatif. Alors le participle est in\declinable, & il faut dire, @nous ont rendu maistres@, & non pas @rendus@, comme on deuroit dire selon le second vsage, ou\ nous n'auons confidere\ le preterit apre\s le nom, que lors que le sens finissoit avec le preterit, au lieu qu'icy le preterit @on rendu@ ne finit pas la periode, ny le sens, car il y a encore apre\s @maistres de la ville@. C'est porquoy l'vsage du preterit estant different, il se gouuerne d'vne autre fac#on & @maistres@ qui le suit, marque as- sez le pluriel, sans qu'il soit besoin que le par- ticiple le marque encore. En quatriesme lieu, le preterit estant pla- ce/ entre deux noms,le dernier est, ou sub- stanif, comme @maistres@ dont nous venons de parler, ou adjectif, qui fait le quatriesme vsa- ge, par exemple, @le commence nous a rendu puis- sans@, & si nous parlons d'vne ville, @le commer- ce l'a rendu puissante@; Car en ces exemple il est

indeclinable, & ne suit ny le nombre, ny le genre des noms. Son cinquiesme vsage est quand le prete- rit est passif; (car jusqu'icy aux quarte pre- miers vsage nous l'avons tousjours conside- re/ comme actif,) par exemple @nous nous som- mes rendus maistres@, ou @rendus puissans@. Alors il faut dire @rendus@, & non pas @rendu@, ce participle dans le preterit passif n'estant plus indecli- nable, mais prenant le nombre & le genre des noms qui le precedant & le suiuent. Cette reigle qui distingue les actifs & les passifs, est fort belle, & ie la tien d'vn de mes amis, qui l'a apprise de M. de Malherbe, a\ qui il en faut donner l'honneur. Que si l'on objecte que M. de Malherbe luy-mesme ne l'a pas tousjours obserue\e, c'est ou la faute de l'imprimeur, ou que luy-mesme n'y pre- noit pas tousjours garde, ou plustost qu'il n'a fait cette remarque, comme dit encore ce/t amy, qu'a\ la fin de ses jours, & apre\s l'im- pression de ses oeuures. Il y a pourtant vne exception, quand apre\s le preterit passif il y a vn participle pas- sif, comme en ce\t exemple de M. de Malher- be, @la desobelissance s'est trouue/ monte/e au plus haut point de l'insolence@ car il faut dire, @s'est tro- ue/ montee\@, & non pas @s'est trouue\ monte\e. Et que l'on ne croye pas que ce soit a\ cause de

la cacophonie, que seroient ces deux mots, @trouue/e monte/e@; car quand au lieu de @monte/e@ il y auroit vne autre terminaision, comme @guerie@, il le faudroit dire de mesme, par exemple, @elle s'est trouue/ guerie tout a\ coup@, & non pas @trouue/e guerie@. Son sixiesme vsage est, quand les preterits actifs, ou passifs, au lieu d'vn nom, ont vn verbe en suite; car alors ils sont tousjours in- declinables sans exception, comme si ie par- le d'vne fille ie diray, @ie l'ay fait peindre@,& non pas, @ie l'ay faite peindre@, &, @elle s'est fait peindre@, & non pas, @elle s'est faite peindre@. De mesme au pluriel, @ie les ay fait peindre, ils se sont fait- peindre@ & jamais @faite, ny faits peindre@. M. de Mal- herbe dit, parlant a\ vne femme, @les mauuais estat ou\ ie vous ay veu partir@, non @veu%e partir@, & peu de lignes apre/s, @jusques icy vous eusiez moins fait, que ce que ie vous ay veu faire@. Et en vn autres endroit, @la Reyne la plus accomplie que nous eussions jamais veu seoir dans le Throsne des fleurs de Lys@, non @veu%e seoir@. Ce mesme vsage estend encore aux phra- ses, ou\ entre le preterit & le verbe infinif qui suit, il y a quelque mot, comme, @c'est vne espece de fortification que j'ay appris a\ faire en tou- tes sortes de places@, & non pas, @que j'ay apprise a\ faire@. La raison de cela, que nous auons des- ja touche/e est, qu'il faut aller en ces sortes.

des phrase jusqu'au dernier mot qui termine les sens, & que par consequent c'est tousjours le dernier mot des phrase entieres, qui a rap- port au substanif precedent, & non pas le participle, qui est entre-deux, si ce n'est au pre- terit passif, ou\ nous auons donne/ l'exemple, @nous nous somme rendus maistres@, @nous nous sommes rendus capables@; car selon la raison que ie viens de rendre, il faudroit dire aussi, @nous nous sommes rendu maistres, nous nous sommes ren- du capable@ & non pas @rendus@. C'est pourquoy force gens n'admettent point la difference de M. de Malherbe, pour cette seule raison, qu'ils croyent auoir lieu par tout. Volia tout ce que j'ay creu pouuoir dire sur ce sujet, mais pour rendure la chose plus claire & plus intelligible, il me semble a\ pro- pos de mettre de suite tous les exemples des diuers vsage, & de marquer ceux ou\ tout le monde est d'accord & ceux ou\ les vns sont d'vne opinion, les autres d'vne autre. I. @I ay receu vos lettres@. II. @Les lettres que j'ay recu%es@. III.@Les habitans nous ont rendu maistres de la ville@. IV. @Le commerce, parlant d'vne ville, l'a ren- du puissante@. V. @Nous nous sommes rendus maistres@. VI. @Nous nous sommes rendus puissans@.

VII.@La desobeissance s'est trouue/ monte/e/ au plus haut point@. VIII.@Ie l'ay peindre, ie les ay fait peindre@. IX. @Elle s'est fait peindre, ils se sont fait pein- dre@. X. @C'est vne fortification que j'ay appris a\ faire@. Le premier & le second exemple sont sans contredit. Le troisiesme, quartriesme, cin- quiesme, sixiesme, & septiesme, sont conte- stez, mais la plus commune & la plus saine opinion est pour eux. Le huitiesme, neufuies- me, & dixiesme, ne rec#oiuent point de diffi- culte/, toute la Cour & tous nos bons Au- theurs envsent ainsi. Ce mot en toutes ses significations est fe- minin, tant au pluriel qu'au singulier; Cars s'il veut dire @l'application de l'e esprit aux lettres, on dira par exemple, @apres/ auoir long temps estudie/ aux belles lettres, il s'est adonne/ a\ vne estude plus se- rieuse@. S'il signifie @soin@, on le fait feminin aussi comme @sa principale estude estoit de sermer des que- relles@. Enfin si on le prend pour @l.le lieu ou\ les Procureurs@ & @les Notaires trauaillent@ & @rec#oi- uent les parties@, il est encore feminin, comme il fait faire encore vne senestre pour rendure son

estude plus claire@. Au plurie de mesme, comme @il auoit grand regret a\ ses estude, qu'il n'auoit pas acheure/e; les estudes des Notaires ne sc#auroient estre trop claires@. Pour @soin@, ie ne donne point d'exem- ple au pluriel, parce qu'il ne se dit ia mais en ce sens la\ qu'au singulier. Il y a des adjectifs que l'on met tousjours deuant les substantif, & d'autres que l'on met tousjours apres, comme les adjectifs nu- meraux se mettant tousjours deuant, par exemple @la premiere place, la seconde fois, la troi- siesme fois@,&c Car encore que l'on die Hen- ry @quartriesme@, @Lou%is treziesme@ & ainsi des au- tres, ce n'est pas proprement vne exception a\ la reigle, parce que l'on sous-entend @Roy@, comme qui diroit @Henry quartriesme Roy de ce nom@. Il y a aussi certains mots, qui marchent tousjours deuant le substantif, comme @bon, beau, mauuais, grand, petit@. On ne dit iamais @vn homme bon, vne belle femme, vn beau cheual@. Il y en a encore sans doute quelques au- tres de la mesme nature, qui ne tombent pas maintenant sous la plume.Et pour les adje- ctifs, qui ne se mettent iamais qu'apres le sub-

stantif, ie n'en ay remarque/ qu'en vne seule chose, dont l'vsage n'est pas de grande esten- due%, qui sont les adjectifs des couleurs, comm- me @vn chapeau noir, vne robe blanche, vne eschar- pe rouge@, & ainsi des autres; car l'on ne dit ia- mais @vn noir chapeau, vne blanche robe@, &c quoy que l'on die @les Blancs-manteaux@ & du blanc-man ge/@, par ou\ il paroist qu'anciennement on n'obseruiot pas cela. Mais ce n'est pas de quoy il est question en cette remarque, puis qu'il n'y a point de Franc#ois naturel, mesme de la lie du peuple, ny des Prouince, qui man- que a\ cela, ny qui die @les chose premiere qu'il faute faire@, pour dire @la premiere chose, vn noir chapeau, vne blanche robe@. comme parlent les Allemans & les peuples Septentrionnaux; Et nostre dessein n'est pas de redire ce que les Grammaires Franc#oises apprennent aux Estran- gers; mais de remarquer ce que les Franc#ois mesme le plus polis & les plus sc#auans en nostre langue peuuent ignorer. Il s'agit donc seulement des adjectifs qui peuuent se mettre deuant & apres les substan- tifs, & de sc#auior quand il est a\ propos de les mettre deuant ou derriere. Certainement apres auior bien cherche/, ie n'ay point trou- ue/ que l'on en puisse establir aucune reigle, -ny qu'il y ayt en cela vn plus grand secret que de consulter l'oreille. M.Coeffeteau est celuy

des tous nous Autheurs, qui aime le plus a\ met- tre l'adjectif deuant, fonde/ comme ie crois, sur cetteraison que la periode en est plus ferme, & se soustient mieux; au lieu qu'elle deuient languissante quand l'adjectifest apres. Nos mo- dernes Escriuains, tout au contraire donnent beaucoup plus souuent la preseance au substan- tif, qu'a\ l'adjectif fondez aussi comme j'estime, sur ce que cette fac#on de parler est plus naturel- le & plus ordinaire, au lieu que l'autre semble auior quelque sorte d'affectation. Des ces deux contaires sentime/ns, leiugement & l'oreille peuuant faire comme vn tiers parti, qui a\ mon auis sera le meilleurs: Et ce sera d n'affecter ny l'yn ny l'autres, mais de reiger leur situa- tion, selon qu'elle sonnera le mieux, non seule- ment a\ nostre oreille, mais aux oreilles le plus delicates, qui en seront meilleurs iuges que nous mesmes, si nous le consultons. Il faut aussi prendre garde de quelle fac#on les plus celebres Escriuains du temps ont accoustume/ d'en vser, affin qu'en imitant ceux qui ont l'approbation & la lou%ange publicque, nous ne craignions pas de manquer, ny de desplai- re, si nous faisons comme eux. Volia toute l'addresses que ie puis donner aux autres & que ie prens pour moy-mesme en vne matiere, ou\ l'on ne sc#auroit trouuer de regile. Il y en qui tiennent que lors qu'il y a vn

genitifs apre/s vn substantif & vn adjectif, il faut tousjours mettre le substantif aupre/s du genitifs, comme @elle estoit mortelle ennemie d'A- grippine@. Mais ils se trompent; car encore qu'il soit vray que pour l'ordinaire il soit mieux d'en vser ainsi a\ cause que la construction en est plus nettre, neantmoins on peut fort bien, & auec grace, y mettre l'adjectif, com- me, @vne multitude infinie de monde, les peuples les plus farouches@, & les plus indomtables de la terre@; Et il n'y pas vn bon Autheur qui ne le pra- ctique. Cette fac#on de parler auec le verbe @al- ler@, & legerondif, est vielle, & n'est plus en vsage aujourd'huy, ny en prose, ny en vsers, si ce n'est qu'il ayt vn mouuement vi- sible, auquel le mot d'@aller@ puisse propre- ment conuenir par exemple, si en marchant vne personne chante, ou peut dire @elle va chantant@, si elle dit ses priers @elle va disant ses prieres@; De mesme d'vne riuiere, on dira fort bien, @elle va serpentant@, parce qu'en effet elle va, & ainsi des autre. Mais pour les chose ou\ il n'y point de mouuemont local, il ne se dit plus, en quoy les vers ont plus perdu que la prose a\ cause de plusieurs petit auan-

tages qu'il en receuoient. Vn grand Poe%te a escrit, @Ainsi tes honneurs florissans De jour en jour aillent croissans.@ On ne l'oseroit dire aujourd'huy, parce qu'on ne se sert plus de verbe @aller@ de cette fac#on &si l'on s'en seruoit it faudroit dire allent croissans@ & non pas @croissans@ a\ cause qu'il faut necessairement que ce soit vn ge- rondif, qui en Franc#ois est indeclinable, & different du participe, qui a diuers genres & diuers nombres. On ne dire donc point, @ces arbres vont croissant, sa vigueur alloit diminuant@ & autres semblabes phrases, comme on dit- soit autrefois. Parce que les gerondifs ont vne marque, qu'ils prennent deuant eux quand ils veulent, qui est @ens@, comme @en faisant cela, vous ne sc#auriez fallir@, & que le plus souuent ils ne la prennent point, il faut euiter de mettre @en@ relatif aupres du gerondif, mais c'estvn rela- mis mon fils entre les mains, en voulant faire quel- que chose de bon@ Icy @en@, n'est pas la particule qui appartient au gerondif, mais c'est vn rela- tif a\ @fils@, comme le sen le done assez a\ en-

tendre. Pour escire nettement, ie crois qu'il faut tousjours fuir cette equiuoque. Par exemple, @l'ayant trouue/ fort malade, j'ay plustost apelle/ le Confesseur que le Mede- cin aimant plus son ame que son corps@. Ie dis que dans les termes de la question, on ne peut pas mettre, ny deux participes, ny deux gerondifs, mais que l'vn est gerondif, & l'autres participe; Ce qui se peut fort bien faire, & dont on ne se sc#auroit passer dans le stille historique ou\ il faut narrer. En l'exemple que nous auons donne/, @ayant trouue/@ est le ge- rondif; car jamais @ayant@ n'est employe/ auec le mant@, est le participe, tellement que si j'auois mis l'exemple au pluriel, & que j'eusse dit, @l'ayant trouue/ fort malade, nous auons plustost ap- pelle/ le Confesseur, que le Medecin@, il eust fallu mettre @aimans@ auec vne @s@, plus son ame que son corps@; car les participes ont singulier & plu- riel, ce que n'ont pas le gerondifs. C'est ain- si qu'en a vse/ M. Coeffeteau @la chose@ dit-il, passa si auant que les vainqueurs aynt recontre/ la littere d'Auguste, croyans qu'il fust dedans, la

fausserent@. Il dit encore en vn autres lieu, @dont Auguste ayant este/ adverty se solut ainsi mala- de qu'il estoit de se faire porter a\ l'arme/e, craignant que durant son absence Antoine ne hazardast la ba- taille@. Tous les Historiens en sont pleins, & l'on ne sc#auroit, comme j'ay dit, faire de nar- ration sans cela. En faisant l'vn gerondi, & l'autres participes, la periode n'est point viceieu- se, & la construction n'a pas besoin d'estre lie/e par la conjontiue @et@; mais san cela elle ne pourroit subsister. C'est fort mal parler il faut dire, @eux-mes- mes, elle-mesmes@ auec vne @s@ parce que @mesme@, la\ est nom ou pronom, & non pas ad- uerbe. Quand il est aduerbe, il est libre d'y mettre l's, ou de ne l'y mettre pas, mais quand il ne l'est pas, comme en ces mots, @eux-mes- mes, elle-mesme@, c'est vn solecisme d'obmet- tre l's. C'est pourquoy vn des nos meilleurs Poe%tes a failly, quand il dit, @les immortels eux-mesme en sont perfecutez@. Il n'y a point de licene poe%tique, qui puisse dispenser de mettre des @s@, aux pluriels. Ce se- roit vn priuilege fort commode a\ nostre Poe%- sie, ou\ il y auroit lieu d'en vser fort sou- uent.

Il y a des imperatifs de trois sortes, les vns, ou\ d'vn consentement general on ne met jamais d' @s@ d'autres ou\ l'on en met tous- jours, & certains autres, ou\ les opinions sont partage/es, les vns y mettant l'@s@, les autres, non. I'ay conte/ jusqu'a\ dixneuf ou vint ter- minaision differentes de ces imperatifs, les voicy, @a, e, i, ais, ains, aus, eins, eus, oy, ous, ans, ats, ens, en, ers, ets, eurs, ors, ours, u%y@. Tout le monde est d'accord que l'on ne met jamais l's en ceux qui terminent en @a@, & en @e@. Que l'on en me tousjours en ceux qui qui terminent en @aus, eus, ous, ans, ens, ats, ers, eurs, ets, ors@, & @ours@, ou\ l's neantmoins bien souuent ne se pronounce pas, tellement qu'a\ les ou%yr pronoucer, on ne peut pas discerner s'ils ont vne @s@ ou non. Et les vns croyent qu'il ne faut point d's a\ ceux qui terminent en @i, ai, ains, eins, oy, en@, & u%y@, & les autres, qu'il en faut. Donnons des exemples des tous, & par ordre. En @a@ il n'y a que @va@, ce me semble, qui s'escrit & se pronouce @va@, deuant toutes les voyelles, excepte/ en deux particules, a\ sc#auior en aduerbe relatif, & y; car deuant @en@ aduer-

be, il prend vn @t@, comme @va-t-en@, & c'est le seul imperatif de quelque terminaison qu'il soit, qui prenne vn @t@, apre/s luy. Remarquez que ie dis deuant la particule en, aduerbe re- latif, parce que lors qu'en est prepositition, on n'y ajouste rien; Par exemple on dit, @va en Italie, va en Hierusalem@, & non pas @va-t-en Italie@, &c. Et deuant @y@ il prend vne @s@, com- me va-s-ay@. Mais il faut noter que cette @s@, n'est pas de sa nature, & qu'elle n'est qu'adjointe seulement pour ofter la cacophonie, comme nous auons accoustume/ & prononc#ant @a-t-il@, pour @a il@, & comme nous nous en seruons encore @a\ va t-en@. En @e@, comme @aime, ouure@, & ainsi de tous les autres de la mesme terminaison, qui de leur nature n'ont jamais d'@s@, mais en em- pruntent seulement pour mettre deuant les deux particules aduerbe @en@, & @y@, comme sont tous les imperatifs qui finissent par vne @voyelle@. En @aus@, comme @vaus, preuaus@, &c. @vaus au- tant que ton pere@, car icy l's est de sa nature, & non pas adjointe, @preuaus toy@, non @preuau toy@. En @eus@, comme @meus esmeus, veus@, ou\ l'@s@, est encore essentielle, & non pas estrangere, tout de mesme qu'aux autres qui suiuent, ou\ il y a vne @s, esmeus a\ pitie/, veus ce que tu

peus@, & non pas, @esmeu a\ pitie/@, ny @veu ce que tu peux@. En @ous@, comme @resous, resous vn peu la ques- tion, resous toy@, & non pas @resous vn peu@, ny @re- sou toy@. En @ans@, comme @prens, rends, vends@, & non pas @pren, rend, vend@. En @ens@, comme @bats abbats@, & non pas @ba@, & @abba@. En @ers@, comme @sers, perd,@ & non @ser, per En @eurs@, comme @meurs@, & non pas @meur@. En @ets@, comme @mets, permets@, & comment le pourroit-on dire autrement? En @ors@, comme @dors, sors@, & non pas @dor, sor@. En @ours@, comme @cours, secours, recours@, non @cour, secour@, &c. En @i@, comme @beni, fini, di, li,ri@, les vns disent ainsi, les autres @benis, finis, tais@, cette derniere En @ai@ ou @ay@, comme @fay,tay@. Les vns di- sent ainsi, & les autres, @fais, tais@, cette derniere fac#on est la plus suiuie. En ain, comme @crain@, ou @crains@, qui est le meilleur. En @ein@, comme fein, pien@, ou @feins, peins@, ce dernier est le plus suiuy. En @oy@, comme @voy, connoy@, ou @vois, connois@ les premier est le plus suiuy.

En @en@, comme @tien,vien@, ou @tien, viens@, le premier est le plus suiuy. En @uy@, comme, @fuy@, ou @fuys@, le premier est le plus suiuy. Cette fac#on de parler pour dire @pour lours@. est bonne, mais basse, & ne doit pas estre employe/e dans le beau stile, ou\ il faut dire @pour lors@. Tous deux sont bons, & signifient la mesme chose, mais @a\ l'improuiste@, quoy que pris de l'Italien, est tellement natura- lise/ Frac#ois, qu'il est plus elegant qu' @a\ l'im- pourueu@. @Rais pour rayons@ ne se dit plus de ceux du Soleil, ny en prose, n'y en vers, mais il se de ceux de la Lune & en vers & en prose. Vn de nos excellens Autheurs en ce dernier genre en a ansi vse/. Hors de la\ estant ainsi escrit, il ne signifie que @les rais d'vne rou%e@, qui neantmoins ne s'appellent ainsi que si- gure/ment, pour la ressemblance qu'ils ont auecles rayons.

Vn de nos plus celebres Autheurs a escrit, @l'auenture du lion@ & @de celuy qui voloit tu%er le Tyran, sont semblabes@. Comment se construit cela @l'auenture sont?@ c'est qu'il y a deux nominatifs, l'vn expres, & l'autres tacite, ou sous-entendu, qui regissent le pluriel, com- me s'il y auoit, @l'aduenture du lion@ & @l'auenture de celuy qui vouloit@ &c. @sont semblables@. La que- stio est, si cette expression est vicieuse, ou elegante. Les opinions sont partage/e. Pour moy, ie ne m en voudrois pas seruit. Ce dernier ne se dit, ny ne s escrit pres- que plus, sans doute a\ cause de cette fa- c#on de parler prouerbiale; @Il se met sur son quant a\ moy@; Et qu'ainsi ne soit, on dit fort bien, @quant a\ luy, quant a\ vous, quant a\ nous@, pourquoy donc ne diroit-on pas aussi @quant a\ moy?@ @De moy@ est fort bon, & fort elegant, mais j'euiterois de le mettre souuent en prose, & me contenterois de l'auoir employe/ vne fois ou deux dans vn iuste volume. Mon vsa- se ordinaire seroit @Pour moy@, comme c'est ce- luy de tout le monde, soit en parlant, ou en es- criuant. @De moy@, semble estre consacre/ a\ Poe%-

sie, & @pour moy@ a\ la prose. Aussi ne l'ay-je ia- mais veu en vers, mais @de moy@, se met en pro- se dans le beau stile, quoy qu'il en faille vser tres-rarement. Les lieux ou\ l'on parle bien Franc#ois, n'ont pas besoin de cette remarque; car on ne manque iamais d'y pronoucer l'vne & l'autre @h@, comme il faut. Mais elle est extre- mement necessaire aux autres Prouinces, qui sont la plus grande partie de la France, & aux Estrangers. La faure qui se comment en cela, n'est pas d'aspirer vne @h@, mue%tte, comme de dire, @le honneur@, pour dire @l'honneur: la heure@, pour dire @l'heure@, personne ne parle ny n'es- crit ainsi; C'est de faire l'@h@ mue%tte quand elle est aspire/e, ou consone, selon Ramus, & plusieurs grands Grammairiens, qui l'appel- lent @aspire/e, appirante@, ou @consone@, indifferem- ment; par exemple de dire @l'hazard@, au lieu de dire, @le hazarde@, au lieu de dire, @le har- dy: l'halebarde@, au lieu de @la halebarde@. Volia\ pour le singulier, ou\ l'on ne sc#auroit man- quer ny en parlant ny en escriuant qu'il ne paroisse, mais pour le pluriel, quand on y manque, ce ne peut estre qu'en la pronon- ciation, & non pas en l'escriture. L'exemple

le va expliquer. Ceux qui parlent bien, & ceux qui parlent mal, escriront egalement bien @les hazards,les hardis, les halebardes@ , mais en la prononciation, il n'en sera pas de mes- me; car ceux qui parlent bien, prononce- ront @les hazards@, tous les autres de cette nature, comme ils prononcent les mots qui com,encent par vne consone apre/s l'arti- cle du pluriel, par exemple, @les combats, les difficuletez@, ou\ l' @s@ de l'article qui precede, ne se prononce point; car plus que l'@h@, aspirante est consone, tous les mots qui commen- cent par cette forte d'@h@, doiuent produi- re le mesme effet que produisent toutes les autres consones. Or deuant les autres conso- nantes on ne prononce ny l'@s@ ny certai- nes autres consones qui se recontrent im- mediatement deuant, par exemple, on pro- nonce @les combats@, comme si il n'y auoit point d'@s@ deuant le @c, sont plusieurs@, comme s'il n'y auoit point de @t@ deuant le @p@. Il faut donc prononcer @les hazards@, comme s'il n'y auoit point d'@s@, deuant l'@h@, & @sont hardis@, comme si deuant l'@h@, il n'y auoit point de @t@. Mais ceux qui parlent mal, prononcent @sont alleuerez@. On a grand besoin dans les pays ou\ l'on parle mal, de bien sc#auoir la nature de cette

lettre; c'est pourquoy ie me trouue oblige/ de dire icy le peu que j'en sc#ay. Vne des fautes principales, outre celles que j'ay remarque/es, se comment en la prononciation de la lettre @n@. Par exemple, ceux qui parlent mal, pronon- ceront @en haut@, comme ils prononcent @en af- faire@; & cependant il y faut mettre vne gran- de difference, car l'@n@ qui commence par vne voyelle, se prononce comme s'il y auoit deux @n@. On prononce @en affaire@, toute de mesme que si l'on escriuoit @en naffaire@, comme beaucoup de femmes ont accoustume/ d'orthografier. En @honneur@, comme si l'on escriuoit @en non- neur@; mais @en haut, en hazard@, se doit pronon- cer comme n'y ayant qu'vne @n@, & apre/s l'@n@, il faut aspirer l'@h@ a\ quoy ceux Prouinces qui parlent mal, sur tout de la\ Loire, ne son- gent point. D'ailleurs, il y a plusieurs consones, qui finissant vn mot ne se mangent point deuant l'@h@, consone, mais cela estant commun a\ tou- tes les autres consonates aussi bien qu'a\ cette sorte d'@h@, on n'a qu'a\ suiure la reigle des autres. Que si l'on en desire encore quel- que esclaircissement, le voicy par ordre. Pre- mierement le @b@, finissant le mot, se pro- nonce deuant vn autre mot qui commence par vne consone, comme @Achab ce meschant@, <197> on prononce le @b@. Nostre langue n'a point de mot qui finisse par cette lettre, il faut em- prunter des mot estrangers, ou\ cette reigle se pratique, & l'on prononcera @Achab hardi@, comme on prononce @Achab ce meschant@. Le @c@, ne se mange point non plus, on le pro- nonce en disant @vn sac de bled@, & @vn sac haut@ & @grand@. Le @d@, ne se prononce point, on dit @vn fond creux@, comme si l'on escriuoit @vn fon creux@ sans @d@. De mesme on dira @vn fond hi- deux@, comme si l'on escriuoit @vn fon hideux@. La lettre @f@, se mange on dit @vn aeuf de pigeon@, & @vn aeuf haste/@, sans prononcer l'@f@, en tous les deux. Le @g@, se mange aussi, on dit, @vn sang brus- le/@, & @vn sang hardy@, comme si l'on escriuoit, @vn sans brusle/, vn san hardy@. L'@l@, ne se mange point, on dit, @vn cruel traitement@, & @vn cruel hazard@. Ny l'@m@, non plus (car comment diroit- on @Abraham, Hierusalem@, ou @Betheleem@, sans pro- noncer l'm?) ny deuant les consones, ny de- uant l'@h@, aspire/e, seulement il faut prendre garde de ne pas doubler l'@m@ deuant l'@h@, aspi- re/e, comme on la double deuant les autres voyelles, par exemple, on prononce @Betheleem heureuse@, comme si l'on escriuoit @Betheleem meu- reuse@, & il ne faut pas prononcer @Betheleem monteuse@. Pour l'@n@, il en a este/ parle/. Le @p@, ne se prononce point; on prononce @vn coup

d'espe/e@, & vn coup hardy@, comme si l'on escri- uoit @vn cou d'espee@, & @vn cou hardy@. Le @q@, se prononce, & l'on dit; @vn coq de parroisse@, & @vn coq hardy@, en prononc#ant le @q@, en tous les deux. R, se prononce aussi, @pour faire, pour hazarder, pur sang, pur hazard@, excepte/ aux in- finitifs, car on prononce @aller, courir@, comme si l'on escriuoit, @alle/ couri@. L's, & le @t@, ne se prononcent point, comme il a este/ dit. L'@x@, & le @Z@, a\ la fin des mots se prononc#ant com- me l'@s@, ils sont traitez tous traitez tous trois de mesme fac#on, & ne passent que pour vn. On pro- nonce @les Cieux voutez@, & @les Cieux hauts@, tout de mesme, comme s'il n'y auiot point d'@x@, & @lou%ez generalement@, & @lou%ez hautement@, comme s'il n'y auiot point de @Z@. Pour bien expliquer la chose, il falloit di- re tout cela au long. En voicy l'abrege/ en peu de mots. L'@h@, est ou @consone@, ou @mue%tte@; Si elle est @mue%tte@, il la faut considerer aux mots com- me si faire deux choses, l'vne @l'aspirer@, & l'au- tre, @y obseruer tout ce qui s'obserue auec les autres consones.@ Cette reigle est fort connue%, mais on y ajoustera quelques nouuelles remar-

ques. Il est vray qu'il faut sc#auoir le Latin, pour se preualoir de cette reigle, & ceux qui ne le sc#auent pas, ne peuuent auior recours qu'a\ l'Vsage, & a\ la lecture des bons liures. Tous les mots Franc#ois commenc#ans par @h@, qui viennent du Latin, ou\ il y a aussi vne @h@, au commencement! ont l'@h@, muette, & ne s'aspirent point, comme @honneur@ vient d'@ho- nor, il faut dire @l'honneur@, & non pas @le @Hon- neur@. Peu en sont exceptez, comme @heros, hennir, hennissement, harpie, hargne, haleter, ha- reng@, selon ceux qui tiennent qu'il vient de @ha- lec@, mais il n'en vient pas. Car tous ces mots & peut estre quelques autres, ont l'@h@, au Latin, & neantmoins ils s'aspirent en Franc#ois. I'ay ajouste/ cette remarque, qu'il faut qu'il y ayt vne @h@, au commencement du mot Latin; car il y a des mots Franc#ois commenc#ans par @h@ qui viennent du Latin, lesquels neantmoins aspi- rent l'@h@, comme @haut@, & il n'y a point de dou- te qu'il vient d'@altus@, mais parce qu'au Latin il n'y a point d'@h@, elle s'aspire en Franc#ois. De mesme @hache@ pour @coignee@, s'aspire en Fran- c#ois, & neantmoins vient du Latin @ascia@. On dit aussi @vne hupe@ oiseau, qui vient du Latin @vpupa@, ou\ il n'y a point d'@h, hurler, d'vlulare, ou\ il n'y point d'@h@, aussi, & @hors@ vient as- seurement de @foras@, l'@f@, se changeant souuent en @h@, comme en la langue Espagnole, mais

parce que le mot Latin ne commence pas par @h@, on prononce @hors@ auec vne @h@, consone & aspire/e, comme s'il n'en venoit pas. @Huit@, vient aussi d'@octo@, mais @h@, ne s'aspire pas en ce mot, quoy qu'elle y soit consone. Voyez la remarque de @huit.@ Ces mots en sont excep- tez, @huit, huistre, huile, hieble@, qui viennent tous quatre du Latin, ou\ il n'y a point d'@h@, & neantmoins ne s'aspirent point en Franc#ois. Mais tous les mots commenc#ans par @h@, qui ne viennent pas du Latin, ont l'@h@, conso- ne & l'aspirent, comme @hardy, Philippe le Har- dy, le hazard, la halebarde, la haquene/e, la haran- gue@, & plusieurs autres semblables. On obje- cte qu'@hermine, & heur@, ne viennent point du Latin, & que neantmoins l@h@, de ces mots est muette, & qu'on dit l'@hermine@, & non pas @la hermine, & l'heur@, & non pas @le heur.@ On respond premierement, que ce sont les seuls mots que j'ay remarquez jusqu'icy, qui facent exception a\ la reigle. En second lieu, il y a grande apparence qu'@heur@, vient d'@heure@, d'ou\ est venu le mot @a\ la bonne heure@, qui pourroit bien estre aussi la vraye ethymologie de @bon-heur@, comme @mal- heur@ vient de @mal-heure@, c'est a\ dire mauuaise heure, selon l'opinion des Astrologues. Quelques-vns opposent encore a\ cette reigle le mot d'@helas@, qui ne vient point du

Latin, & qui neantmoins n'aspire point l'@h@, comme il se voit dans nos vers Franc#ois, ou\ la voyelle qui precede @helas@, se mange tous- jours, par exemple, @ie souffre helas! vn si cruel martyre.@ Ie respons, qu'ils se trompent de dire, qu'il ne vienne point du Latin, car il vient d'@heu@, & la syllabe @las@, que l'on a ajouste/e apre/s, n'y fait rien. Peut-estre l'auons-nous prise des Italiens, qui disent, @ahi lasso@, mais la vraye interjection consiste en la premiere syllabe @he@, qui respond a\ l'@heu@ Latin. NOus n'auons considere/ l'@h@, qu'au com- mencement du mot, mais quand elle se trouue ailleurs dans les mots composez, elle se prononce tout de mesme que si elle estoit au commencement, chacune selon sa nature, par exemple, @des honore/@ se prononce comme @honore/@ en @h@, muette, & @enhardir, eshon- te/, dehors@, comme @hardi, honte, hors@, en @h@, con- sone & aspirante, & il se faut bien garder de prononcer, @enna\rdir, esonte/, & dears@, comme l'on fait de la\ Loire. Il y a vne seule exception, c'est que l'on dit, @haut-exhausse/@, sans prononcer l'@h@, qui est en @exhausse/@, comme si l'on escriuoit @exausse/@, sans

@h@, & l'on met point de difference pour la prononciation entre @exhausse/@, pour les basti- mens, & @exauce/@, pour les prieres. Cela vient sans doute de la difficulte/ & de la grande rudesse qu'il y auroit a\ aspirer l'@h@, immediatement apre/s l'@x@, qui se prononc#ant tousjours tour entier en nostre langue quand il n'est pas a\ la fin, ne peut pas souffrir com- me l'@s@, qui se mange aise/ment, vne aspiration en suite; ou bien; qu'@exauce/@ ayant este/ plustost connu qu'@exhausse/@, le premier a fait la pro- nonciation du second, comme nous auons dit, que @heraut@ a fait celle de @heros.@ @Comment il faut prononcer, & orthogra- phier les mots Franc#ois uenans des mots grecs, dans lesquels mots grecs il y a vne ou plusieurs aspirations, en effet, ou en puissance.@ POur bien respondre a\ la question, il faut sc#auoir que tous les mots Franc#ois ve- nans du Grec, ausquels il y a vne ou plusieurs @h@, n'en peuuent venir que par cinq voyes. La premiere, quand le mot Grec, d'ou\ est pris le Franc#ois, commence par vne voyelle, ou par vne diphthongue aspire/e, comme @ap- monla, a'ireas@, que les Latins disent, @harmonia@,

heresis@, auec vne @h@, & nous de mesme, @harmo- nie, & heresie.@ La seconde, quand le mot Fran- c#ois vient d'vn mot Grec, ou\ il y a vn @f, thita@, que les Latins & nous faisons valoir @th@, com- me @Te'ois, thesis, these.@ La troisiesme, quand il vient d'vn mot Grec, qui commence par vn @p,rho@, que les Latins & nous faisons valoir @rh@, comme @Po/cos, Rhodes@, ou que ce @p'rho@ est redou- ble/ au milieu du mot, car le second @p'rho@, vaut @rh@, quoy que le premier ne vaille qu'vne sim- ple @r@, comme @Tu'rros, Pyrrhus@ en Latin & en Franc#ois. La quatriesme, quand il vient d'vn mot Grec, ou il y a vn @f ph@, que les Latins & nous faisons valoit @ph@, comme , @Philosophus@, Philosophie. Et la cinquiesme quand il vient d'vn mot Grec, ou\ il y a vn @x@, @chi@, qui vaut @chi@ parmy les Latins, & parmy nous, comme @Cl&uryia, Chirugia, Chirugie.@ Ce fondement pose/, examinons maintenant ces cinq voyes l'vne apre/s l'autre, & voyons comme nostre langue se gouuerne en cha- cune des cinq. Premierement pour les voyel- les, ou les diphthongues aspire/es, lors qu'il y en a au commencement des mots Grecs, d'ou\ les nostres sont pris, nostre langue y met aussi @l'h@, comme @armonia, harmonie, alreois, heresie@, & ainsi des autres. Il est vray que cette @h@, ne s'aspire point selon la reigle que nous en auons donne/e, mais elle s'escrit, & ce seroit

vne faute insupportable en nostre orthogra- phe de ne la mettre pas, & d'escrire par exem- ple @armonie, & eresie@, sans @h.@ Surquoy il faut noter, que nous n'auons pas vn seul mot ve- nant du Grec, qui commence par @h@, ou @l'h@, s'as- pire, quand mesme nous n'aurions pas receu ce mot la\ par les mains des Latins, mais qu'il seroit venu droit a\ nous, ce qui est bien rare; quoy que nous ayons quantite/ de mots Grecs en nostre langue, que nous ne tenons point des Latins, mais immediatement des Grecs. Il y en a quelques-vns, comme @Hierosme, Hie- rusalem, Hierarchie@, ou\ l'@h@ ne s'aspire pas, mais la premiere syllabe se prononce, comme si elle estoit escrite auec vn @g, mol@ (qu'ils appel- lent) & que l'on dist, @Gerosme, Gerusalem@, Ge- rarchie.@ Pour euiter cela, il y en a qui escri- uent @Ierosme, Ierusalem, Ierarchie@, auec vn @j@, consone, mais j'aimerois mieux garder l'@h@, puis qu'ils s'aspirent en Grec; quoy qu'il soit vray que la premiere syllabe de ces trois mots se prononce absolument comme si el- le estoit escrite auec vn @j@, consone. Pour la seconde voye, qui est des mots pris des Grecs, ou\ il y a vn @f, theta@, comme these@, il ne faut jamais manquer de mettre l'@h@ apre/s le @t@, mais cela ne sert qu'a\ l'orthogra- phe, & ne sert de rien pour la prononciation. La troisiesme, ou\ il y a vn, @p'rho@, comme

@Rhodes, Pyrrhus@, tout de mesme; il ne faut ja- mais oublier l'@h@, pour la bonne orthogra- phe, quoy qu'il ne serue de rien pour la pro- nonciation. La quatriesme, ou\ il y a vn @f, phi@, comme @Philosophe@, il faut l'escrire auec @ph@, & non pas auec vn @f@, ny a\ la premiere, ny a\ la derniere syllabe, quoy qu'il y en ayt plusieurs aujour- d'huy qui bannissent le @ph@, & qui mettent tousjours l'@f@, mais mal. Et la cinquiesme ensin, ou\ il y a vn @x, ch@, sur lequel il y a beaucoup plus a\ dire que sur les quatre autres ensemble, dont nous ve- nons de parler, & qui est le principal sujet de cette Remarque; Car lors que nos mots pris du Grec, ou\ il y a vn @x@, au commencement, sont suiuis d'vn @a@, comme par exemple, @chara- ctere@, les vns soustiennent qu'il le faut escrire ainsi, pour garder l'orthographe de son ori- gine, & les autres au contraire, alleguent vne raison si forte pour n'y mettre point d'@h@, qu'il semble qu'ils n'y a pas de replique. Ils disent qu'en Franc#ois @cha@ ne fait point, @ca@, mais @cha@, ainsi qu'on le prononce en ce mot @charite/:@ comme @che@, ne fait pas @que@, mais @che@, ainsi qu'on le prononce en ce mot @cherir:@ tellement que nostre @cha@ se prononce comme le @scia@ des Italiens, ou le @scha@ des Allemands. D'ou\ ils- concluent fort bien, que tous les Franc#ois.

ou les Estrangers qui sc#auront nostre langue, mais qui ignoreront la Grecque, & la Latine, ne manqueront jamais de prononcer @characte- re@ escrit de cette sorte, comme s'il estoit escrit en Italien, @sciaractere.@ Et de fait, j'en a veu plusieurs fois l'experience, & en ce mot, & en plusieurs autres, qui estant moins connus que @charactere@, sont aussi sujets a\ en estre plus mal pronencez par les personnes qui n'en sc#auent pas l'origine, comme sont toutes les femmes, & tous ceux qui n'ont pas estudie/. Ie sc#ay bien qu'on voit @caractere@ escrit a- uec vne @h@, au frontispice de ce grand Ou- urage, qui fera desormais nommer son Au- theur, @le Genie des passions@, ou\ la doctrine & l'eloquence regnent egalement, & ou\la Phi- losophie n'a point s'espines qui ne soient fleuries; Mais ie sc#ay aussi, & de luy mesme, qu'escriuant principalement pour les sc#auans, il a voulu suiure l'orthographe des sc#auans, & qu'outre cela il a quelque veneration pour l'ancienne orthographe, non pas pour cette barbare qui escrit @vn@ auec vn @g, vng, & escrire@ auec vn @p,escripre@; & beaucoup d'autres enco- re plus estranges, mais pour celle que les gens de lettres les plus polis, & les meilleurs Au- theurs du siecle passe/, ont suiuie. Pour moy, ie reuere la venerable Antiquite/, & les senti- mens des Doctes; mais d'autre-part, ie ne puis

que ie ne me rende a\ cette raison inuincible, qui veut que chaque langue soit maistresse chez soy, sur tout dans vn Empire florissant, & vne Monarchie predominante & auguste, comme est celle de France. Ie veux bien que nostre langue ren de hommage a\ la Grecque, & a\ la Latine, d'vne infinite/ de mots qui en releuent, comme par exemple, pour ne parler que de la Grecque, nous deuons escrire @har- monie, heresie, histoire, horloge, hyperbole@, auec vne @h@, & de mesme tous les mots pris du Grec, ou\ il y a vn @f, theta@, vn @f, phi@, vn @r, rho@, comme @these, Philosophe, & Rhodes@, dont la pronon- ciation, ny l'orthographe, ne choquent en rien nostre langue: Mais que pour faire voir qu'on n'ignore pas la langue Grecque, ny l'origine des mots, & que pour honerer l'An- tiquite/, il faille aller contre les principes, & les elemens de nostre langue maternelle, qui veut que @cha@, se prononce comme scia en Italien, ou @scha@, en Allemand, & non pas @ca@, & qu'il faille donner cette incommodite/, & tendre ce piege a\ toutes les femmes, & a\ tous ceux qui ne sc#auent pas le Grec en leur faisant prononcer @charactere, sciaractere@, pour @caracte- re\, cholere, sciolere@, pour @colere, & Bacchus Baccius@ pour @Baccus@, comme nous disons @bacchique, fu- reur bacchique@, & non pas @baquique@; certaine- ment il n'y a nulle apparence, & ie n'y puis

consentir. Apre/s tout, on doit plus conside- rer en ce sujet les viuans que les morts, qui aussi bien ne nous en sc#auent point de gre/, & n'y profitent de rien, & l'on doit plus consi- derer ceux de son pays, que les Estrangers; Outre que les Grecs, ny les sc#auans, n'ont pas dequoy se plaindre du partage qu'on leur fait en cette rencontre, puis qu'on leur laisse les voyelles & les diphtongues aspire/es auec le @f thita@, le phi@, & le @p,rho@, & que nostre lan- gue ne se reserue que le seul @x, chi@, pour le prononcer a\ sa mode. Il ne reste plus rien a\ dire, sinon que les dernieres syllabes des mots Franc#ois pris des Grecs, s'escriuent tantost auec @l'h@, comme @An- tioche@, & se prononcent selon la prononcia- tion Franc#oise, & tantost auec le @qu@, comme @Monarque.@ Mais il faut noter que le @x@, ne se change jamais en @que@, dans nostre langue, qu'aux dernieres syllabes, car par exemple, en ce mot @Monarque@, les deux dernieres sylla- bes viennent du mesme mot Grec que nous traduisons en Franc#ois auec @che@, au com- mencement de ce/t autre mot @Archeuesque@, tel- lement que nous tournons ce mot Grec en trois fac#ons, a\ sc#auoir aux deux que ie viens de dire, & en cette troisiesme qui se trouue en la prononciation d'Archange, ou\ ie ne suis pas d'auis de mettre vne @h@, non plus qu'a\ @ca-

ractere.@ Ce n'est pas pourtant que tous nos mots pris du Grec, qui finissent par @que@, expri- ment tousjours le @x@, Grec, car ils expriment aussi le @x, cappa@, comme en ces mots, @Logique, Physique, ethique, melancolique@, & vne infinite/ d'autres. LA plus part tien nent qu'ou%y, & que tant s'en faut que la suppression de ces paro- les @en celle@, qui sont sous-entendue%s, soit vicieu- se, qu'elle a bonne grace; Car disent-ils, quelle oreille delicate ne sera pas plus satisfaite d'oui%r dire, @en vostre absence, & de Madame vostre mere@, qu'@en vostre absence, & en celle de Mada- me vostre mere.@ Quelques-vns neantmoins condamnent cette construction a\ la nettete/ du stile, mais comme barbare; Ils trouuent aussi l'au- tre trop languissante; C'est pourquoy ils croyent qu'il est bon de les euiter toutes deux, & de prendre vn autre tour. Pour moy, ie suis de cette opinion, quoy que ie n'ap- prouue gueres ce/t expedient en des endroits ou\ l'on ne peut gauchir sans perdre la gra- ce de la nai%fuete/, & des expressions naturel-

les, qui font vne grande partie de la beaute/ du langage. TOus deux sont bons pour exprimer la mesme chose; Car comme nostre langue aime les negatiues, il y en a qui croyent que l'on ne peut pas dire, @ont-ils pas fait@, & & qu'il faut tousjours mettre la negatiue @ne@ deuant, & dire, @n'ont-ils pas fait.@ Mais ils se trompent, & il est d'ordinaire plus elegant de ne la pas mettre. Depuis m'en estant plus particulierement informe/ de diuerses person- nes tres-sc#auantes en nostre langue, ie les ay trouue/ partage/es: Tous conuiennent que l'vn & l'autre est bon, mais le partage est en ce que les vns le tiennent plus elegant sans la ne- gatiue, & les autre auec la negatiue. EXemple, @aime/-je sans estre aime/?@ Ie dis qu'@aime@ premiere personne du present de l'indicatif en cette rencontre, ne s'escrit ny ne se prononce comme de coustume; car

l'@e@, qui est feminin @aime@, se change en @e/@, mas- culin, @aime/@, & se doit escrire & prononcer @aime/-je.@ Cette remarque est tres-necessaire pour les Prouinces de de la\ Loire, ou\l'on escrit & ou\ l'on prononce @aime-je@, tellement que ceux qui en sont, ont bien de la peine, quel- que sejour qu'ils facent a\ la Cour, de s'en cor- riger. Mais elle ne laissera pas de seruir en- core aux autres, en ce que d'ordinaire on or- thographie ce mot de cette sorte, @aimay-je@, au lieu d'@aime/-je@; car qui ne voit qu'@aimay-je@ fait vne equiuoque auec la premiere person- ne du preterit simple ou defini, & qu'en escriuant @aime/-je@, il fait le mesme effet pour la prononciation, en allongeant l'@e@, & de fe- minin & ouuett qu'il estoit, le faisant mascu- lin, & ferme/, sans qu'on le puisse prendre pour vn autre? Il y a encore vne remarque a\ faire mesme pour ceux qui sont de Paris, & de la Cour, dont plusieurs disent, @mente/-je@, pour dire, @ments- je; perde-je@, pour dire, @perds-je; rompe/-je@, pour @romps-je.@ Nous n'auons pas vn seul Autheur ny en prose, ny en vers, ie dis des plus me- diocres, qui ayt jamais escrit, @mente/-je@, ny @per- de/-je@, ny rien de semblable, @Que de tragiques soins, comme oyseaux de Phinee, Sens-je me deuorer@,

dit M. de Malherbe, & non pas @sente/-je.@ Ce qui donne lieu a\ vne si grande erreur, c'est que d'ordinaire deuant le @je@, il y a vn @e/@, masculin & long, de sorte qu'ils ne croyent pas pou- uoir jamais joindre le @je@, immediatement au verbe, qu'en y mettant vn @e/@, masculin entre- deux. Mais il faut sc#auoir qu jamais ce/t @e/@, long ne se met que pour changer l'@e@, femi- nin, qui n'est qu'aux verbes, ou\ la premiere personne du present de l'indicatif se termine en @e@, comme @aime, couure@, & non pas aux autres, comme @perds, romps@, &c. A quoy il ne sert de rien d'opposer que @ments-je, perds-je, romps-je@, font vn fort mau- uais son, car ceux qui disent qu'il faut par- ler ainsi, n'en demeurent pas d'accord, & trouuent au contraire, que c'est, @mente/-je, per- de/-je, rompe/-je@, qui sont insupportables a\ l'oreille, aussi bien qua'a\ la raison. Mais la coustume qu'en ont prise ceux qui parlent ainsi, est cause qu'ils trouuent cette locution douce, & qu'ils trouuent dure & rude celle qu'ils n'ont pas accoustume/e. CE mot pour dire @vne certaine rencontre bon- ne ou mauuaise dans les affaires@, est tres-ex cellent, quoy que tres-nouueau, & pris des Ita-

liens, qui l'appellent @congiuntura.@ Il exprime merueilleusement bien ce qu'on luy fait si- gnifier, de sorte qu'on n'a pas eu grand' peine a\ le naturaliser. Ie me souuiens que du temps du Cardinal du Perron, & de M. de Malherbe, on le trouuoit des ja beau, mais on n'osoit pas encore s'en seruir librement. Au re- ste, il se faut bien garder de dire @conjointure@, comme disent quelques-vns, car encore que l'on die @jointure@, & non pas @joncture@, si est-ce qu'en beaucoup de mots il n'y a point de consequence a\ tirer du simple au compose/, comme on pourra voir en quelques endroits de ces Remarques. > I'Ay veu ce premier mot en plusieurs Au- theurs approuuez, mais il ne me souuient point de l'auoir jamais ou%y dire a\ la Cour. On dit plustost @se resjou%ir@, quoy que l'autre soit plus propre, parce qu'il ne signifie que @se resjou%ir auec quelqu'vn du bon-heur qui luy est arriue/@, au lieu que @se resjou%ir@ est vn mot extre- mement general. M. de Malherbe, @Il a enuoye/ iey vers leurs Majestez vn Ambassadeur extraor- dinaire pour se resjou%ir auec elles.@ Depuis peu on se sert d'vn mot, qui auparuant estoit tenu a\ la Cour pour barbare, quoy que tres-com-

mun en plusieurs Prouinces de France, qui est @feliciter.@ Mais aujourd'huy nos meilleurs Escriuains en vsent, & tout le monde le dit, comme @feliciter quelqu'vn de, & c. ie vous viens feliciter de &c.@ ou simplement, @ie vous viens feliciter.@ C'est a\ peu pre/s le Greek des Grecs. @Si ce mot n'est Franc#ois cette anne/e, il le sera l'an- ne/e qui vient@, dit de bonne grace dans l'vne de ses lettres, celuy a\ qui nostre langue doit ses nouuelles richesses, & ses plus beaux orne- mens, & par qui l'eloquence Franc#oise est au- jourd'huy riuale de la Greque & de la Latine. @Reigle nouuelle & infaillible pour sc#auoir@ quand il faut repeter les articles, @ou@ les prepositions, @tant deuant les noms, que deuant les verbes.@ Pour ce qui est des Articles deuant les noms, on obseruoit autrefois la reigle que ie vais dire, mais aujourd'huy ie m'ap- perc#ois qu'on ne l'obserue plus. Par exem- ple, on disoit, @Iay conceu vne grande opinion de la vertu & generosite/ de ce Prince@. M. Coeffeteau mesme si exact a\ mettre les articles, escriuoit d'ordinaire ainsi, & non pas @j'ay conceu vne grande opinion de la vertu & de la generosite/ de ce Prince.@ Mais il n'auoit garde de dire, @j'attens cela de la force & dexterite/ d'vn tel@, mais bien @de

la force & de la dexterite/.@ C'estoit par cette rei- gle @que quand deux substantifs joints par la con- jonction et, sont synonymes, ou approchans@, com- me @vertu & generosite/, il ne faut pas repeter l'ar- ticle, mais quand ils sont contraires, ou tout a\ fait differens@, comme @force & dexterite, alors il le faut repeter, & dire, de la force & de la dexterite/.@ Mais cette Reigle, que j'appelle nouuelle, a\ cause qu'en cette matiere on n'a point en- core fait de distinction des synonimes, ou ap- prochans d'auec les contraires, ou les diffe- rens tout a\ fait, est infaillable aux articles de- uant les verbes, & aux prepositions tant de- uant les verbes, que deuant les noms. Les exemples vont esclaircir & verifier tout cecy, Premierement, voyons les articles deuant les verbes. Ce que nous appellons icy @articles@, d'autres l'appellant prepositions, mais la dis- pute du nom ne fait rion a\ la chose. @Il n'y a rien qui porte tant les hommes a\ aimer & cherir la vertu.@ Ie dis qu'a\ cause qu'@aimer & cherir@, sont synonimes, c'est a\ dire, ne signifient qu'vne mesme chose, il ne faut point repe- ter l'article, @a\ aimer & a\ cherir la vertu@, mais @a\ aimer & cherir la vertu.@ Voila\ vn exemple pour les synonimes, donnons-en vn autre pour @les approchans. Il n'y a vien qui porte tant les hommes a\ aimer & reuerer la vertu.@ Ces mots @aimer & reuerer@, ne sont pas synonimes, mais

ils sont approchans, c'est a\ dire, qu'ils tendent a\ mesme sin, qui est de faire estat de la vertu, & ainsi par nostre Reigle, il ne faut pas repe- ter l'article, @a\@ & dire @a\ aimer, & a\ reuerer.@ Don- nons maintenant vn exemple des contraires, @il n'y a rien qui porte tant les hommes a\ aimer & a\ hai%r leurs semblables, &c.@ Parce qu'@aimer, & hai%r@, sont contraires, il faut necessaire mentre- peter l'article, & ce ne seroit pas sc#auoir escrite purement que de dire, @il n'y a rien qui porte tant les hommes a\ aimer & hai%r leurs semblables.@ Il reste a\ donner vn exemple des verbes qui ne sont pas contraires, mais qui sont tout a\ fait differens, @il n'y a rien qui porte tant les hommes a\ lou%er, & a\ imiter les Saints.@ Parce que @lou%er, & imiter@, sont tout a\ fait differens, ce n'est point entendre la purete/ de nostre langue, de dire @a\ lou%er, & imiter les Saints@, il faut de necessite/ repeter @a\@, & dire @a\ lou%er & a\ imiter.@ Il en est de mesme de l'article @de@, si en tous les exemples donnez vous mettez @de@, au lieu d'@a, & oblige@ au lieu de @porte@, ne s'accom- gisse le @de@, auec qui le verbe @porte@, ne s'accom- moderoit pas. Pour les prepositions deuant les verbes, en voicy des exemples, @le Roy m'a enuoye/ pour bastir & construire, &c. bastir & construire@, sont synonimes, ce seroit mal parler de repeter la

preposition, & dire @pour bastir, & pour con- struire.@ Des approchans. @Le Roy m'a enuoye/ pour bastir & aggrandir la maison@, ou @pour bastir, & eleuer la maison.@ Parce que @bastir, & aggrandir@ ou @bastir & eleuer@ sont de mesme nature, & approchans ou alliez, il ne faut point repeter la preposition, & dire @pour bastir, & pour ele- uer la maison.@ Au lieu qu'aux contraires il la faut repeter, & dire. @Le Roy m'a enuoye/ pour bastir & pour de- molir@, & non pas @pour bastir & demolir.@ Aux differens tout a\ fait, de mesme, comme le Roy m'a enuoye/ pour bastir & pour fortifier@, ou @le, Roy m'a enuoye/ pour bastir & pour planter@, & non pas @pour bastir & fortifier@, ni @pour bastir & planter.@ Pour les prepositions deuant les noms, c'est encore la mesme chose. En voicy les ex- emples. @Par vn orgueil & vne vanite/ insuppor- table. Icy orgueil & vanite/@ sont synonimes, c'est pourquoy il ne faut pas repeter la preposition & dire, @Par vnorgueil, & par vne vanite/ & c.@ Des approchans, @Par vne ambition, & vne vanite/ insupportable.@ Parce qu@ambition & va- nite/@, sont de la mesme nature, il ne faut point repeter @par.@ Au lieu qu'aux contraires il saut repeter la preposition & dire @par l'amour & par la haine

dont il estoit agite/@, & non pas @par l'amour & la haine.@ Aux differens tout a\ fait, de mesme, @par l'orgueil & par l'auarice des Gouuerneurs@, & non pas @par l'orgueil & l'auarice.@ Ie sc#ay bien que quelques vns de nos meil- leurs Escriuains ne prennent point garde a\ cette Reigle, & ostent ou repetent l'article & la preposition tantost d'vne fac#on, tantost d'vne autre, selon leur fantaisie sans se pres- crire aucune loy, & mesmes sans y faire aucu- ne reflexion; Mais ie sc#ay bien aussi qu'ils en sont iustement blasmez par tous ceux qui font profession d'escrire purement, & que si cha- cun s'emancipoit de son coste/, les vns a\ n'estre pas si exacts en certaines choses, les autres en d'autres, nous ferions bien tost retomber no- stre langue dans son ancienne barbarie, @Qui minima spernit, paulatim decidit.@ Au reste cette Reigle n'est pas vn simple caprice de l'Vsage, elle est toute fondee en raison; Car la raison veut que des choses qui sont de mesme nature, ou fort semblables, ne soient point trop separees, & qu'on les laisse demeurer ensemble; Comme au contraire el- le veut que l'on separe celles qui sont oppo- sees, & tou a\ fait differentes, & que l'article, ou la preposition soit comme vne barriere en- tre-deux.

PAr exemple, @Sa clemence & sa douceur estoit incomparable.@ Parce que @clemence & dou- ceur@ sont synonimes, ces deux substantifs re- gissent le singulier; Mais @sa clemence & sa dou- ceur sont incomparables@, ne seroit pas si bien dit, il s'en faudroit beaucoup, quoy que ce ne fust pas vne faute. Aux approchans, @son ambition & sa vanite/ fut insupportable@, est aussi incomparablement meilleur, que @furent insupportables.@ Au lieu qu'aux contraires, il faut dire abso- lument @l'amour & la haine l'ont perdu@, & non pas @l'a perdu@, ce seroit vn solecisme. Et aux differens tout a\ fait, de mesme, @l'or- gueil & l'auarice l'ont perdu@, & non pas @l'a perdu.@ En fin cette Reigle est belle & de grand vsage. Elle a lieu encore en quelques autres endroits, qui me sont eschappez de la me- moire. C'Est ainsi qu'il faut dire, & non pas @ar- rouser@, quoy que la plus part le disent & l'escriuent, cette erreur estant nee lors que l'on

prononc#oit @chouse@ pour @chose, couste/@, pour @coste/, & fousse/@ pour @fosse/.@ Il est tellement vray qu'il ne faut pas dire @arrouser@, qu'on ne permettroit pas mesmes a\ nos Poe%tes de rimer @arrouse@ auec @ialouse.@ L'On parloit, & l'on escriuoit encore ainsi du temps du Card du Perron, de M. Coe%ffeteau & de M. de Malherbe; mais tout a\ coup cette locution a vieilli, & l'on dit main- tenant @C'est vne chose glorieuse@, & point du tout, @c'est@ ou @ce seroit chose glorieuse.@ CEs deux mots sont comme vn neutre selon leur signification, quoy que @chose@ selon son genre soit feminin. C'est pourquoy il faut dire par exemple, @Ay-ie fait quelque chose que vous n'ayez fait?@ Et non pas @que vous n'ayez faite?@ Et c'est pour cette mesme raison que le Tasse a dit en son Poe%me heroi%que, @Ogni cosa di strage era ripieno@; ou\ la rime fait voir qu'il y a @ripieno@, & non pas @ripiena.@ Et c'est comme le Poe%te Latin a dit; @Triste lupus stabulis.@

CE mot employe/ par tant d'excellens Autheurs anciens & modernes, pour dire @blasmer, noter, reprendre@, n'est plus receu auiourd'huy dans le beau langage. Il me sem- bloit fort significatif pour exprimer ce que @blasmer & reprendre@, ne semblent dire qua'a\ de- my. L'equiuoque de ce mot vsite/ dans le Pa- lais & dans les finances, est a\ mon auis, ce qui nous l'a fait perdre, quoy que tres-iniuste- ment, puis qu'a\ ce conte il faudroit donc ban- nir tous les mots equiuoques. BIen que ce terme soit beaucoup plus res- pectueux & plus soumis, que celuy de @prier@, & que nous n'oserions dire @prier le Roy@, ni aucune autre personne fort eleuee au dessus de nous, mais @supplier le Roy, supplier no/s Supe- rieurs; si est-ce qu'il ne faut iamais dire @supplier Dieu@, ni @supplier les Dieux@, comme disent quel- ques-vns de nos bons Escriuains en la tradu- ction des liures anciens, pensant honorer da-

PAr exemple, @Ils sont presque tous morts de maladie, a\ la reseruation de ceux qui se sont noyez.@ Ie dis que cette phrase est barbare, quoy qu'vsitee par certains Autheurs, qui estant d'ailleurs estimez ne le sont pas en cecy, mais qui pourroient faire faillir par leur ex- emple ceux qui sont encore nouices en la lan- gue. Il y a peu de gens, qui ne sc#achent, qu'il faut dire @a\ la reserue de &c.@ Ie me doute, que cette mauuaise fac#on de parler ne soit particu- liere a\ vne certaine Prouince de France, car i'ay veu deux Escriuains d'vn mesme pays qui en vsent. CEtte phrase pour dire @Aller au deuant@, comme @aller a la rencontre de quelqu'vn, luy aller a\ la rencontre@, quoy que-tres-commu- ne, n'est pas approuuee de ceux qui font pro- fession de bien escrire. Ie dis de la plus grand' part, car ie sc#ay qu'il y en a qui la soustien- nent, & qui disent qu'@aller a\ la rencontre@ se dit sans deference, au lieu qu'@aller au deuant@ veut marquer quelque deference, qu'on ne diroit pas @aller a\ la rencontre du Roy@, & qu'on le dit seulement d'@egal, a\ egal@: Mais en sin il faut auou%er, qu'@aller a\ la rencontre@ n'est pas fort

bon, de quelque fac#on qu'on l'employe. CEs fac#ons de parler ont vielli, & l'on dit @apres@ tout seul. Neantmoins ces particules @par, & en@ n'y estoient pas inutiles, parce qu'elles seruoient a\ distinguer l'aduer- be @apres@ d'auec @apres@ preposition; car il est l'vn & l'autre: Au lieu qu'auiourd'huy ne di- sant qu'@apres@ simplement, le Lecteur se trouue souuent en peine de discerner d'abord s'il est preposition ou aduerbe, & il faut auoir soin de mettre tousjours vne virgule etre ce mot & le nom qui suit, s'il n'est pas preposition, comme @D'abord parurent cinq cens cheuaux, apres, deux mille hommes de pied suiuoient.@ IL y a cette difference entre @oependant@, & @pendant@, que @cependant@ est tousjours ad- uerbe, & qu'il ne faut iamais dire @cependant que@, & que @pendant@ n'est iamais aduerbe, mais tan- tost conjonction, comme @pendant que vous fe- rez cela@, & tantost preposition, comme @pen- dant les vacations.@ Il y en a pourtant quelques- vns, qui n'estiment pas que @pendant que@ soit conjonction, mais preposition, comme si l'on

disoit, @pendant le temps que vous ferez cela.@ Le principal but de cette remarque est de faire entendre, qu'il ne faut jamais dire @cependant que@, mais @pendant que.@ Ceux qui sc#auent la pu- rete/ de la langue, n'y manquent jamais, & si quelques Autheurs modernes, quoy que d'ailleurs excellens, ne l'obseruent pas, ils s'en doiuent corriger, parce que c'est du consente- ment general de tous nos Maistres, que l'on en vse ainsi. IE sc#ay bien que tout Paris le dit, & que la plus part de nos meilleurs Escriuains en vsent; mais je sc#ay aussi que cette fac#on de parler n'est point de la Cour, & j'ay veu quel- quefois de nos Courtisans, & hommes, & femmes, qui l'ayant rencontre/ dans vn liure, d'ailleurs tres-elegant, en ont soudain quitte/ la lecture, comme faisans par la\ vn mauuais jugement du langage de l'Autheur. On dit @a\ cette heure, maintenant, aujourd'huy, en ce temps, presentement.@ CEtte locution est vielle, & basse, & n'est plus en vsage parmy les bons Au- theurs, & encore moins @a\ qui mieux@, comme l'escriuent quelques-vns, ne disant

@mieux@ qu'vne fois. Il faut dire. @A l'enuy.@ CE mot, qui semble si necessaire dans le raisonnement, & qui est si commo- de en tant de rencontres, commence neant- moins a\ viellir, & a\ n'estre plus gueres bien receu dans le beau stile. Ie suis oblige/ de rendre ce tesmoignage a\ la verite/, apres a- uoir remarque/ plusieurs fois que c'est le sen- timent de nos plus purs & plus delicats Es- criuains. C'est pourquoy je m'en voudrois obstenir, sans neantmoins condamner ceux qui en vsent. LO@rs@ ne se dit jamais qu'il ne soit suiui de @que@, s'il n'est precede/ de l'vne de ces deux particules @dez@, ou @pour, dez lors, pour lors@; car en ces deux cas, il n'a point de que apres luy. Aussi sont-ce des significations bien differentes, parce que @lors que@, est vne conjonction qui signifie @cu\m@, en Latin, & @dez-lors, & pour lors@, sont des aduerbes qui veulent dire @tunc.@ C'est donc mal parler de dire, comme font quelques-vns de nos meil- leurs Escriuains, @voyant lors le peril dont il estoit menace/.@ I'ay appris de nos Maistres, &

du Maistre des Maistres, qui est l'Vsage, qu'il faut dire @voyant alors le peril &c.@ Outre qu'il en peut encore arriuer vn inconuenient, qui est vne equiuoque, & vne obscurite/. Par exemple vn de nos bons Autheurs a escrit, @voyant lors qu'il ne pourra pas euiter &c.@ On ne sc#ait si ce @lors@, se joint auec @que@, & en ce cas la\ veut dire @quand@, ou le @cu\m@ des Latins, ou s'il ne s'y joint point, & qu'ainsi il signi- fie @tunc@, qui sont deux choses bien differen- tes. A quoy il faut ajouster que l'equiuoque est d'autant plus vicieuse, que le vray & na- turel vsage de @lors@, estant d'auoir le @que@, apres luy pour exprimer le @cu\m@ des Latins, on prend d'abord ces paroles, @voyant lors qu'il ne pourra pas euiter@, pour signifier celuy des deux sens, que l'Autheur n'a point entendu; car l'Autheur en cet exemple a mis @lors@, pour @alors@, & il deuoit mettre au moins vne virgu- le apres @lors@, pour monstrer qu'il vouloit di- re @tunc@, & non pas @cu\m.@ @Lors@ donc, s'il n'est precede/ de @dez@, ou de @pour@, ne se dit jamais qu'il ne soit suiui de la conjonction @que@; Il y en a pourtant qui croyent que @dez-lors que je le vis@, pour dire @dez que je le vis@, est bien dit; Mais ceux-la\ mesmes croyent aussi que ce dernier est in- comparablement meilleur; c'est pourquoy je ne dirois jama/is l'autre, je le laisserois aux Poe%tes.

@Alors@ ne rec#oit jamais la conjonction @que@, apres luy, il ne veut dire qu'@en ce temps-la\, en ce cas la\@, qui est le @tunc@ des Latins, comme @quand vous aurez accompli vostre promesse, alors je verray ce que j'auray a\ faire.@ Il est bien necessaire d'en faire vne remar- que, a\ cause de l'abus, qui commence a\ se glisser, mesmes parmy quelques-vns de nos meilleurs Escriuains en prose, par l'exemple des Poe%tes; Car il est certain qu'ils ont les premiers introduit cette erreur, pour faire la mesure de leurs vers, quand ils ont eu besoin d'vne syllabe, comme quan ils disent @croi- stre@, neutre pour @accroistre@, actif. @Alors que de ton passage On leur sera le message.@ dit M. de Malherbe, & apres luy tous les au- tres. Mais quand ils ont vne syllabe de trop, ils sont bien aises de dire @lors que@, se seruent presque aussi souuent de l'vn que de l'autre selon les occasions. Pour moy, j'ay pris gar- de qua'a\ la ville, a\ la Cour, hommes, femmes, enfans, jusqu'a\ la lie du peuple, disent tous- jours @lors que@, & il est extremement rare d'ou%ir dire, @alors que.@ I'auou%e pourtant que je l'ay ou%i dire quelquefois, mais j'ay remar- que/, que ce n'estoit qu'a ceux qui ont accou- stume/ defaire des vers. Iamais nos bons Es- criuains en prose n'ont fait cette faute. Si

donc on le veut escrire, que ce ne soit jamais en prose, & qu'en vers il passe tousjours pour vne licence Poe%tique. Que l'on ne m'objecte pas, qu'on trouue souuent @alors que@, dans la bonne prose, par exemple, @si cette affaire me reussit, ice sera alors que je vous tesmoigneray mon affection@; Car qui ne voit que cette objection est captieuse, & que @alors@, en cet exemple ne se joint point auec @que@, mais qu'il faut mettre vne virgule entre les deux, & qu'il ne signifie point @cu\m@, mais @tunc?@ Au reste @doz alors, les hommes d'alors@, sont des fac#ons de parler qui ne valent rien, non plus que @a\ l'heure@ pour @alors@, au moins cette derniere est bien basse. CEtte fac#on de parler, disent quelques- vns, est vne de celles, que l'Vsage a au- thorise/es contre la raison; Car si l'on vouloit examiner l'vn apres l'autre les mots dont elle est coposee, ou les considerer joints ensem ble, on ne sc#auroit conceuoir pourquoy ni comment ils signifient ce qu'on leur fait si- gnifier. Par exemple, @Ie vous ay rapporte/ a\ peu pres la substance de sa harangue.@ Ils soustien- nent qu'il faudroit dire a\ @fort pres@, & non pas

@a\ peu pres@, qui est tout le contraire du sens que l'on pretend exprimer; et plusieurs en sont si bien persuadez, qu'ils disent & escri- uent tousjours @a\ plus pres@, comme plus con- forme a\ la raison, & plus aise/ a\ comprendre. Mais je ne suis pas de cet auis; car outre qu'il n'y a rien a\ repliquer a\ l'Vsage, qui dit @a\ peu pres@, & qui a bien establi d'autres manie- res de parler contre la raison, je trouue qu'@a\ peu pres@ ne doit pas estre mis au noumbre de celles-la\, & qu'il y a de la raison & du sens en cette phrase comme si l'on disoit, @Il y a peu a\ dire que je ne vous aye rapporte/ toute la substan- ce de sa harangue@: Or il est aise/ de monstrer qu'a\ @peu pres@, signifie, @il y a peu a\ dire@, par les autres phrases ou\ ce mot de @pres@, est employe/, comme quand on dit @a\ cela pres, il a raison, a\ cent escus pres nous sommes d'accord@, qui ne voit que le sens de ces paroles est, @Il n'y a que cela a\ dire qu'il n'ayt raison, il n'y a que cent escus a\ dire@, ou @il ne s'en faut que cent escus, que nous ne soyons d'accord.@ Ainsi quand je dis, @je vous ay rappor- te/ a\ peu pres toute la substance de sa harangue@, j'exprime tout aussi bien @qu'il s'en faut fort peu@, ou @qu'il ne s'en faut que fort peu@, ou @qu'il y a peu a\ dire que je ne vous aye rapporte/ toute la substan- ce de sa harangue@, que je me suis exprime/ aux autres exemples que j'ay alleguez, dont l'ex- pression est si intelligible, que ceux qui accu-

sent @a\ peu pres@, de n'auoir point de sens, n'o- seroient le dire des autres. Ie dis d'@a\ cela pres, & a\ cent escus pres.@ I'ajouste ce mot pour faire voir que ceux- la\ se trompent, qui croyent qu'il faut dire @a\ plus pres@, & non pas @a\ peu pres@, ce dernier, di- sent-ils, s'estant introduit par la corruption de l'autre, & cela estant d'autant plus vray- semblable que durant soixante ou quatre- vingts ans, on a prononce/ @plus@, a\ la Cour sans @l@, comme si l'on eust escrit @pu@: on disoit, @il n'y en a pu@, pour dire @il n'y en a plus.@ Depuis neuf ou dixans cela est change/, & l'on dit @plus@ en prononc#ant@l@. Pour monstrer donc qu'il faut dire, & qu'on a tousjours dit @a\ peu pres@, son contraire @a\ beaucoup pres@, le fait voir, ou\ @beau- coup@, est oppose/ a\ @peu@, & l'on ne dit pas @a\ moins pres@, comme il faudroit dire si l'on disoit @a\ plus pres.@ CE terme aduerbial, ou pour mieux dire cet aduerbe, qui signifie @de plus@, a vieil- li, & l'on ne s'en sert plus dans le beau stile. CEtte maniere de comparaison, est tres- franc#oise & tres-belle, mais il faut

prendre garde a\ vne chose, ou\ plusieurs de nos meilleurs Escriuains, ont accoustume/ de manquer. C'est qu'ils disent @il en est@, comme en l'exemple que j'ay donne/, & il fasut oster @en@, & dire, @il est des hommes comme de ces ani- maux.@ Vn excellent Autheur a escrit, @il en sera de sa felicite/, comme de ces songes.@ Il faut dire. @il @sera de sa felicite/ comme &c.@ Ce qui peut les auoir trompez, c'est que l'on dit souuent & fort bien. @Il en est comme de ces animaux, il en est comme de ces songes@, mais c'est parce que l'on a parle/ deuant @des hommes@, ou @de la felicite/@, afin de nous tenir dans nos exemples, & cet @en@, est relatif a\ ce qui a estre/ dit deuant, mais quand le substantif auquel cet @en@, se rapporte, va apres le verbe @estre@, comme aux exemples que nous auons donnez, il ne faut point d'@en.@ IL faut dire @reuestant@ & non pas @reuestissans@, parce que le participe actif, ou le gerondif se forme de la premiere personne pluriele du present de l'indicatif, en changeant @ons@ en @ant@, comme @aimons, aimant, sortons, sortant & c.@ Que si ceux qui tiennent qu'il faut dire @reuestissant@, repartent, que la premiere personne pluriele du present de l'indicatif est @reuestissons@, & non pas @reuestons@, & que par consequent selon no-

stre propre reigle il faut dire @reuestissant@, il est ai- se/ de les conuaincre qu'il faut dire @reuestons@, & non pas @reuostissons@, quand l'Vsage ne se seroit pas entierement declare/ pour nous. C'est par l'analogie des conjugaisons, qui est dans la Grammaire vn principe comme infaillible. Or est-il que tous les verbes de la quatriesme conjugaison, dont l'infinitif se termine en @ir@, ont cela sans exception, au moins je n'en ay point remarque/ iusqu'icy, que si la premiere personne singuliere du present de l'indicatif garde l'@i@ en sa terminaison, & a autant de syl- labes que l'infinitif, alors la premiere person- ne pluriele du mesme temps est en @issons@, com- me @jou%ir a jou%is@, qui se termine en @i@, & a deux syllabes comme son infinitif, c'est pourquoy l'on dit au pluriel @jou%issons.@ De mesme @adou- cir, adoucis, adoucissons, assoupir, assoupis, assoupis- sons, demolir, & c.@ Et ainsi generalement de tous les autres, dont les exemples sont en grand nombre. Mais au contraire, quand cette premiere personne singuliere du pre- sent de l'indicatif ne garde pas l@i@, dans sa terminaison, ni n'a pas tant de syllabes que son infinitif, alors sans exception aussi, la pre- miere personne pluriele du mesme temps ne se termine point en @issons@, ni par consequent son participe, qui en est forme/, en @issant@, com- me par exemple @sortir@ a @sors@, en la premiere

personne singuliere du present de l'indicatif, & ne garde pas l@i@ de l'indicatif, ni n'a pas au- tant de syllabes que ce mesmei infinitif; c'est pourquoy en la premiere personne pluriele du mesme temps, on dit @sortons@; non pas @sor- tissons.@ On dit au contraie @ressortissons, & res- sortissant@ en matiere de iurisdiction, 6 non pas @ressortons@, ni @ressortant@, parce que l'infinitif @ressortir@, & le present de l'indicatif @je ressortis@, quoy que peu vsite/, ont autant de syllabes l'vn que l'autre: Et bien que @je ressortis, tu res- sortis@, ne se disent quasi jamais, parce, comme je pense, qu'il n'y a presque jamais occasion d'en vser, si est-ce que @ressortit@, se dit tous les jours en la troisiesme personne & qui diroit au Palais, @il ressort@, feroit rire tout le barreau. Or est-il, que puis qu'on dit @ressortit@, en la troi- siesme personne, c'est vne preuue conuain- cante que l'on dit aussi @je ressortis, tu ressortis@; car ces trois personnes sont tousjours egales en syllabes. Mais pour reuenir a\ @sortir@, dou\ @res- sortis@, nous a obligez de faire vne digression, @dormir@ se gouuerne encore tout de mesme que @sortir.@ On dit @dors@, a\ la premiere personne du singulier de l'indicatif, & @dormons@, a\ la premie- re pluriele, @ou%ir@, en deux syllabes, @ois@, en vne, @oyons@; En ce verbe @ou%ir@, il garde bien l'@i@, mais non pas le nombre des syllabes, & il suffit pour nostre reigle qu'il manque en l'vn des

deux. Car@couurir@, a bien autant de syllabes en ce temps de l'indicatif @couure@, que @couurir@, a\ l'in- finitif, mais parce qu'il manque a\ garder l'@i@, on dit @couurons@, au pluriel. Ainsi pour reue- nir a\ nos premiers exemples de @sortie, dormir, l'on dit @repentir, repens, repentons, mentir, ments, mentons, partir, pars, partons@, & tous les autres de mesme, generalement sans nulle exception. Il s'ensuit donc, que puis que @reuestir@ a @reuests@, en la premiere personne singuliere du present de l'indicatif, il doit auoir @reuestons@, en la premiere pluriele du mesme temps, & par consequent @reuertant@, en son participe, ou en son geron- dif, & non pas @reuestissant.@ Il n'y a plus rien a\ repliquer la\ dessus, si ce n'est qu'vn opiniastre aduersaire, plustost que de se rendre, voulust encore se sauuer comme dans vn dernier re- tranchement, & dire, que tout ce que nous auons deduit conclud fort bien, pourueu que nous l'on nous accorde qu'il faut dire @ie me reuests, tu te reuests, il se reuest@, & non pas @je me reuestis, tu te reuestis, il se reuestit@, mais qu'au contraire il soustient qu'il faut dire @je me reuestis, &c.@ Icy l'Vsage tout commun le condamnera, & la voix publique ne souffrira pas qu'il le dispute. LVsage de ce mot en nostre langue est purement Chrestien, & ne signifie point

du tout ce qu'@humilitas@, veut dire on bon Latin, les anciens Payens ayant si peu connu cette vertu Chrestienne, que ceux mesme qui pos- sedoient eminemment toutes les vertus mo- rales, n'auoient autre but, lors qu'ils trauail- loient pour les acquerir, ni ne pretendoient autre fruit apres les auoir acquises, que de sa- tisfaire a\ leur vanite/ durant leur vie, & d'eter- niser leur gloire apres leur mort. Or je fais cet- te Remarque, a\ cause que plusieurs de non Autheurs, & des bons, se seruent de ce mot aux traductions des Anciens, & en d'autres ouurages prophanes, l'employant tantost pour @modestie@, ou @vn sentiment modere/ de soy-mes- me@, & tantost pour @vne sousmission & vne defe- rence entiere que l'on rend a\ ses Superieurs.@ Et il est tres-certain qu'il ne vaut rien ni pour l'vn, ni pour l'autre, & que jamais, sans exception, nous ne disons @humilite/@, en Franc#ois, que pour exprimer cette sainte vertu, qui est le fonse- ment de toutes les autres. IL faut auoir vn grand soin d'euiter les ri- mes en prose, ou\elles ne sont pas vn moin- dre defaut, qu'elles sont vn des principaux ornemens de nostres Poe%sie. Et ce n'est pas assez de les euiter dans la cadence des perio-

des, ou des membres d'vne periode, elles sont mesmes a\ fuir fort proches l'vne de l'autre, comme @il entend pourtant auant toutes choses.@ Et si dans vne mesme periode de deux ou trois li- gnes il y a trois mots, comme @consideration, rece- ption, affection@, ou comme @deliurance, souffrance, abondance@, encore que pas vn des trois ne se rencontre ni a\ la fin de la periode, ni a\ aucune cadence des membres qui la composent, si est-ce qu'ils ne laissent pas de faire vn tres- mauuais effet, & de rendre la periode vicieu- se. Cependant je m'estonne que si peu de gens y prennent garde, & que plusieurs de nos meilleurs Escriuains, qui par la douceur de leur stile charment tout le monde, ne s'ap- perc#oiuent pas de la rudesse de ces rimes. Il y en a qui ne font point de difficulte/ de dire, par exemple, @dauantage le courage &c.@ & de fai- re d'autres rimes semblables, comme s'il n'a- uoient ni yeux ni oreilles, pour voir en li- sant, ou pour ou%ir en escoutant la difformi- te/ & le mauuais son qui procede de cette ne- gligence. Mais ce n'est pas encore assez d'euiter les rimes, il faut mesmes se garder des consonan- ces, comme @amertume, & fortune, soleil, immor- tel@, & vne infinite/ d'autres de cette nature. Il ne faut gueres moins suir les vnes que les au- tres.

Au reste, il y a apparence que si nostre Poe%sie se fust faite sans rime, comme celle des Grecs & des Latins, nous n'aurions non plus qu'eux euite/ la rime dans la prose, ou\ tant s'en faut que ce soit vn vice parmy eux, com- me parmy nous, qu'au contraire il l'affectent souuent comme vne espece de grace & de beaute/, appellant ces consonances, GREEK GREEK, & similiter desinentia.@ Il y en a vn bel exemple dans Ciceron, @In magna sum sol- licitudine de tua valetudine.@ Mais celuy que je viens de voir fraischement dans vn Au- theur estime/ l'vn des plus polis de toute l'Antiquite/, en doit valoir mille, pour seruir de preuue conuaincante, qu'ils en faisoient sans doute vn des orneme/s de leur prose. Le voicy; @Brancidae eius incolaeerant. Mileto quondam iussu Xerxis, cu\m e\ Gracia rediret, transierant, & in ea sede constiterant, quia templum, quod didymaeon appellatur, in gratiam Xerxus violauerant. Mores parry% nondum exoleuerant, sed jam bilingues erant.@ Voyla six rimes de suite, nous n'auons aucune sorte de poe%sie en Franc#ois, qui en rec#oiue ou en souffre tant. C'est pourquoy je ne doute point, que si la rime n'eust pas este/ vn des par- tages de nostre Poe%sie, lequel il n'est pas per- mis a\ nostre prose d'vsurper, y ayant de gran- des barrieres qui les separent l'vne de l'autre, comme deux mortelles ennemies, ainsi que

Ronsard les appelle dans son Art Poe%tique, nous aurions souuent cherche/ la rime, au lieu que nous l'euitons; car pour en parler saine- ment, comment se peut-il faire, que la rime dans nos vers contente si fort l'oreille, & que dans nostre prose elle la choque, jusqu'a\ luy estre insupportable? Il faut necessairement auou%er que de sa nature la rime n'est point vne chose vicieuse, ni dont le son offense l'o- reille, & qu'au contraire elle est delicieuse & charmante, mais que le Genie de nostre lan- gue l'ayant vne fois donne/e en appannage, s'il faut ainsi parler, a\ la Poe%sie, il ne peut plus souffrir que la prose, comme j'ay dit, l'vsurpe, & passe les bornes qu'il leur a prescrites com- me a\ ses deux filles, qui neantmoins sont si contraires l'vne a\ l'autre, qu'il les a separees, & ne veut pas qu'elles ayent rien a\ desmesler ensemble. Et cela se voit clairement encore en la mesure des vers, laquelle faisant leur principale beaute/ pour ce qui est du son, est neantmoins vn grand defaut dans la prose, comme nous l'auons remarque/. Ce ne peut pas estre, sans doute, parce que cette mesure choque l'oreille, puis qu'au contraire elle luy plaist, & la flatte en la Poe%sie. C'est donc seu- lement a\ cause des partages faits entre ces deux soeurs, qui ne peuuent souffrir que l'vne vsurpe & s'approprie ce qui appartie/t a\ l'autre.

PLusieurs disent @exacte@, au masculin pour @exact@, & tres-mal @Exacte@, ne se dit qu'au feminin. @Vn homme exact, vne exacte recherche.@ Pour @exactitude@, c'est vn mot que j'ay veu nai- stre comme vn monstre, contre qui tout le monde s'escrioit, mais en fin on s'y est appri- uoise/, & dez-lors j'en fis ce jugement, qui se peut faire de mesme de beaucoup d'autres mots, qu'a\ cause qu'on en auoit besoin, & qu'il estoit commode, il ne manqueroit pas de s'establir. Il y en a qui disent @exaction@, mais il est insupportable pour son equiuoque; car encore que les equiuoques soient frequens en nostre langue, comme en toutes les langues du monde, si est-ce que lors qu'il est question de faire vn mot nouueau, dont il semble que l'on ne se peut passer, comme est celuy d'@exa- ctitude@, la premiere chose a\ quoy il faut pren- dre garde, est qu'il ne soit point equiuoque, car dez la\ faites estat qu'il ne sera jamais bien receu. Quelques-vns ont escrit depuis peu @exactete/@, qui est sans doute beaucoup moins mauuais qu'@exaction@, mais comme il n'est point connu, & qu'il vient vn peu tard, apres qu'@exactitude@ a desia le droit d'vne longue possession tout acquis, je ne vois pas, quelque

authorite/ que luy donne la reputation de son Autheur, qui est assez connu, parce qu'il est aujourd'huy celebre, & qu'il n'y a que luy encore qui en ayt vse, je ne crois pas, dis-je, qu'il puisse jamais prendre la place de l'autre. S'il fust venu le premier, peut-estre qu'on l'au- roit mieux receu d'abord qu'@exactitude@, quoy que tous deux ayent des terminaisons, qui ne sont pas nouuelles en nostre langue, puis que nous disons @solitude, habitude, incertitude, ingra- titude, &c. & nettete/, saintete/, honnestete/.@ Ie mar- que ces trois derniers en faueur d'@exactete/@, afin que l'on ne trouue pas estranges ces deux der- nieres syllabes @tete/@, puis qu'il y a desia d'au- tres mots de cette nature, qui se terminent ainsi. Quelques-vns ajoustent qu'il a enco- re vn autre auantage sur @exactitude@, qui est, que celuy-cy a vne syllabe de plus qu'@exactete/@, & qu'en cela la reigle vulgaire des Philosophes a lieu, de n'allonger point, ce qui se peut racourcir. Mais cela est friuole, & l'V- sage, qui est pour @exactitude@, l'emporte. Aussi ay-je ou%y dire, que l'Autheur qui auoit dit @exactete/@ en ses premiers liures, a dit @exacti- tude@ dans les derniers, & s'est corrige/. ON se sert de ce mot en vers, & en pro- se, tousjours masculin, & tousjours au

pluriel; Mais il faut prendre garde a\ ne l'em- ployer jamais comme les Latins pour @les Dieux infernaux@; Car @Du%s manibus, & Du%s inferis@, n'est qu'vne mesme chose, quoy que les La- tins le disent aussi de l'ame d'vne seule person- ne; Les Franc#ois ne s'en seruent jamais ni en prose, ni en poe%sie, qu'en cette derniere signi- fication, c'est a\ dire pour @l'ame d'vne personne.@ CE mot est vieux, mais il seroit fort a\ sou- haitter qu'il fust encore en vsage, parce que l'on a souuent besoin d'exprimer ce qu'il signifie, & quoy qu'on le puisse dire en ces trois fac#ons, @il auoit accoustume/, il auoit de cou- stume, il auoit coustume@, lesquels il faut placer dif- feremment selon le conseil de l'oreille, si est- ce qu'ils ressemblent si fort l'vn a\ l'autre, que c'est presque la mesme chose; Car de dire @il auoit appris@, pour dire @il auoit accoustume/@, c'est vne fac#on de parler qu'il faut laisser a\ la lie du peuple, bien que deux ou trois de nos plus ce- lebres Escriuains, mais non pas des plus mo- dernes, en ayent vse/ aussi souuent que de l'autre. Il est vray que ces grands hommes s'e- stoient laisse/ infecter de cette erreur, que pour enrichir la langue il ne falloit rejetter aucune des locutions populaires, en quoy ils n'eussent

pas eu grand tort, s'ils ne les eussent voulu re- ceuoir que dans le stile bas, & non pas dans le mediocre, & mesme dans le sublime, comme ils ont fait en leurs propres oeuures LE premier est encore vn vieux mot, pour lequel on dit @negligemment, peu soi- gneusement@; Car pour @nonchalance, & noncha- lant@, ils sont bons. @Loisible@, n'est pas meilleur, que les autres deux, & mesmes il sent encore dauantage le vieux. CE mot, quand il est comparitif, deman- de @que@, apres luy, & non pas @comme@, par exemple vne infinite/ de gens disent, @ne me de- uez vous pas autant d'amitie/ comme eux@, au lieu de dire, @autant d'amitie/ qu'eux.@ IE ne sc#aurois deuiner pourquoy ce mot, veut que l'on prononce celuy qui le pre- cede, tout de mesme que s'il y auoit vne @h@ consonante deuant @ou%y@, & que l'on escriuist @hou%y@, excepte/ que l'@h@ ne s'aspireroit point,

comme nous auons remarque/ au mot de @huit@, qui se gouuerne tout ainsi que les mots qui commencent par vne @h@ consonante, si ce n'est qu'il ne s'aspire pas. On prononce donc @vn ou%y@, & non pas @vn nou%y@, comme l'on pro- nonce @vn nomme, vn nobstacle@, quoy que l'on es- criue @vn homme, & vn obstacle.@ Ainsi, quoy que l'on escriue @cet ou%y@, on prononce neantmoins @ce ou%y@, comme s'il n'y auoit point de @s@ a\ @ces@; Que si l'on dit qu'il ne se presente jamais ou fort peu d'occasions de dire @vn ou%y@, ni @cet ou%y@, ni @ces ou%y@, ni de mettre rien deuant; ie respons que l'on se trompe, & que non seulement on peut dire par exemple, @il ne faut qu'vn ou%y a d'vn Roy pour rendre vn homme heureux@, ou @il y a long temps que je trauaille pour obstenir cet ou%y@, mais qu'il n'y a rien, qui puisse venir plus souuent en vsage, que de dire par exemple, @il disoit ou%y de tout, ils diront ou%y, je prie Dieu qu'ils disent ou%y@; Et en ces trois exemples, comme en tous les autres semblables, il ne faut point prononcer le @t@, qui est deuant @ou%y@, quoy qu'on ayt ac- coustume/ de le prononcer deuant toutes les autres voyelles. DV temps du Cardinal du Perron & de M. Coeffeteau, on disoit tousjours

@innumerable@, & jamais @innombrable@; maintenant tout au contraire on dit @innombrable@, & non pas @innumerable.@ Il est vray qu'vne des meil- leures plumes, & des plus eloquentes bou- ches dont le Palais se puisse vanter, m'a ap- pris que dans le genre sublime, ce mot com- me plus majestueux peut encore trouuer sa place. CEt aduerbe passoit desja pour vieux il y a plus de vingt-cinq ans, & jamais les bons Escriuains ne s'en seruoient, ils disoient tousjours @mesmes.@ Ie ne vois pas que depuis ce temps la\ il se soit renouuelle/, ny que ceux qui escriuent purement, en vsent. PLusieurs manquent en se seruant de ces termes; par exemple ils disent, @les Espa- gnols chez qui toutes les nouuelles de de dec#a\ sont su- spectes@, au lieu de dire @toutes les nouuelles de de- c#a\.@ Ils alleguent que @de dec#a\@, est vn aduerbe local, qui veut dire @icy@, & quand on dit @dec#a\@, ou @dela\@, auec vn nom, alors il n'est plus aduer- be, mais preposition, comme @dec#aa\ la riuiere, dela\ la riuiere@, mais quand il est aduerbe, on ne

dit jamais @dec#a\@, qu'on ne mette @de@, deuant, & qu'on ne die @de dec#a\@, si ce n'est en vn seul cas, qui est quand on dit @dec#a\ & dela\@, pour di- re @c#a\ & la\@, mais il faut que @dec#a\ & dela\@, soient tous deux ensemble, l'vn ne se disant point, & n'estant point aduerbe, separe/ de l'autre; Tellement que lors qu'il tient lieu de geni- tif, comme en l'exemple que nous auons donne/, ou @les nouuelles de de dec#a\@, vaut au- tant a\ dire que @les nouuelles de ce pays@, il faut necessairement, disent-ils, que l'article du genitif, qui est @de@, le precede, & par con- sequent que l'on die @les nouuelles de de dec#a\@; Autrement sans l'article @de@, ce seroit comme qui diroit @les nouuelles ce pays@, au lieu de dire @les nouuelles de ce pays.@ On respond qu'il est vray qu'apres @nouuelles@, il faut necessairement dire @de@, qui est l'article du genitif qui suit le sub- stantif precedent; Mais aussi l'on soustient qu'on l'y met, quand on dit @les nouuelles de de- c#a\@, parce qu'on ne demeure pas d'accord, que l'aduerbe @dec#a\@ doiue tousiours auoir vn @de@ de- uant; Car il est certain que @dec#a\@, tout seul si- gnifie @icy@, & quand on y ajouste vn @de@, c'est par vne elegance de nostre langue, qui n'est plus elegance dans la rencontre de tant de @de@; Et de fait on trouuera dans nos anciens Au- theurs, @nous auons dec#a\ d'excellens fruicts@, & en- core aujourd'huy on ne croira point mal par-

ler en parlant ainsi, quoy que @de dec#a\@, en cet en- droit soit plus elegant. Certainement ce se- roit vne grande durete/ de dire @les nouuelles de de dec#a\@, & l'Vsage a\ cause de cela a fort bien fait de retrancher vn de ces @de@, comme pour la mesme raison il a fait dire @de la\ Loire@, au lieu de @dela\ la Loire.@ CE mot est tousjours feminin a\ la Cour, & dans les bons Autheurs, je ne dis pas seulement modernes, mais anciens, Amyot mesme ne l'ayant jamais fait que feminin. Il est vray que sur les despesches du Roy on a ac- coustume/ de mettre @pour les expres affaires du Roy@, & non pas @pour les expresses affaires@, mais ou c'est vn abus, ou vne/ fac#on de parler affe- ctee particulierement aux paquets & aux des- pesches du Roy, qu'il ne faut point tirer en consequence, puisque pour cela on n'a pas laisse/ de dire tousjours a\ la Cour, @vne bonne af- faire, vne grande affaire@, & jamais @vn bon & vn grand affaire.@ Il y en a qui disent que lors qu'@as- faire@ est apres l'adjectif, il est masculin, & par exemple qu'il faut dire, @vnbon affaire@, & quand il est deuant, qu'il est feminin, & qu'il faut dire @vne affaire fascheuse@, mais cette distinction est entierement fausse & imaginaire. Il est certain qu'au Palais on l'a tousjours fait

masculin jusqu'icy; mais les jeunes Aduocats commencent maintenant a\ le faire feminin. TOus deux sont bons, mais non pas dans le mesme vsage. @Benit@, semble estre consacre/ aux choses saintes, on dit a\ la Vierge, @Tu es benite entre toutes les femmes@, on dit @de l'eau benite, vne Chapelle benite, du pain be- nit, vn cierge benit, vn grain benit@, & ce @t@ la\, a este/ pris vray-semblablement du Latin @benedi- ctus.@ Mais hors des choses saintes & sacrees, on dit tousjours @beni & benie@, comme @vne oeu- ure benie de Dieu, vne famille benie de Dieu, Dieu vous a beni d'vne heureuse lignee, a beni vos armes, a beni vostre trauail@; car le participe du preterit indefini ou compose/, est le mesme en tout & par tout que le participe passif tout seul. IL y a long-temps, que j'ay ou%y disputer de ces deux mots, non pas pour sc#auoir le- quel est le meilleur, mais lequel est le bon; car il y en a qui condamnent l'vn, & d'autres qui condamnent l'autre. Neantmoins tous deux sont bons, & se disent & s'escriuent tous les jours, auec cette difference pourtant, que @des-

penser@, autrefois estoit plus en vsage a\ la Cour, que @dependre@, & qu'aujourd'huy tout au con- traire on y dit plustost @dependre@, que @despenser@, qui est maintenant plus vsite/ dans la ville. L'vn & l'autre est donc fort bien dit, @j'ay de- pendu@, ou @j'ay despense/ cent pistoles en mon voyage, je depens@, ou @je despense mille escus par an.@ Quel- ques-vns disent qu'il y a des endroits, ou\ l'on se sert plustost de l'vn que de l'autre, & cela pourroit bien estre, puisque la mesme chose arriue a\ certains autres mots; mais pour moy, j'auou%e que je ne l'ay pas remarque/. Au reste ceux qui condamnent @dependre@, parce qu'il est equiuoque, & que l'autre ne l'est pas, ont grand tort, ne regardent pas la consequence, & ou\ cela iroit, s'il estoit question de bannir des langues, les mots equiuoques, & de les re- streindre tous a\ vne seule signification. Pour ce qu'ils ajoustent, qu'en se seruant de @depen- dre@, & de @dependu@, les deux dernieres syllabes representent vn fascheux object, c'est vne trop grande delicatesse, qui ne me/rite point de response. Si cette consideration auoit lieu, il y auroit bien des mots a\ rejetter en no- stre langue & en toutes les autres. PLusieurs luy font regir le datif, & di- sent @euiter aux inconueniens@, mais tres-mal,

& ce qui a donne/ lieu a\ cette faute, c'est que l'on dit ordinairement, @pour obuier aux inconue- niens@; mais @euiter@, regit l'accusatif, & @obuier@ le datif. VN de nos plus celebres Autheurs a es- crit @gaigner la bonne grace du peuple@, mais il en est repris auec raison. Il faut tousjours di- re au pluriel @gaigner les bonnes graces@; Car @bonne grace@, au singulier veut dire toute autre cho- se, comme chacun sc#ait. Il est vray qu'ancien- nement on disoit @je me recommende a\ vostre bon- ne grace@, & on le trouuera ainsi en toutes les Lettres, qui sont au dessus de cinquante ans, mais ne se dit plus. BEaucoup de gens disent, @c'est vn delice@, qui est vne fac#on de parler tres-basse; @Delice@, ne se dit point au singulier dans le beau langage, ni dans le beau stile, mais seulement au pluriel, & est feminin, comme @deliciae@, en La- tin, nostre langue suiuant en cela la Latine, & pour le nombre & pour le genre, @de gran- des delices.@

Avtrefrois on disoit l'vn & l'autre, & plustost @guarir@, que @guerir@, mais au- jourd'huy ceux qui parlent & escriuent bien, disent tousjours @guerir@, & jamais @guarir@. Aussi l'e est plus doux que l'@a@, mais il n'en faut pas abuser comme font plusieurs qui disent @mer- que@, pour @marque, serge@, pour @sarge@ (toute la ville de Paris dit @serge@, & toute la Cour, @sar- ge) & merry@, que tout Paris dit aussi pour @marry.@ Tous deux sont bons, mais @au trauers@, est beaucoup meilleur, & plus vsite/. Ils ont differens regimes, il faut dire par exemple, @il luy donna\ de l'espee au trauers du corps, & a\ trauers le corps.@ On ne le dit que de ces deux fac$ons, car @au trauers le corps, & a\ trauers du corps@, ne valent rien. C'est l'opinion commune & ancienne, mais depuis peu il y en a & des Maistres, qui commencent a\ dire @a\ trauers de@, aussi bien qu'@autrauers de.@ Pour moy je ne le voudrois pas faire. Ce terme est purement du Palais en l'vn de ses vsages; car il en a deux, en l'vn

desquels il est preposition, & en l'autre, com- me aduerbe. Il est preposition par exemple quand on dit au Palais, @il a son recours a\ l'en- contre d'vn tel@, c'est a\ dire @contre vn tel@, & aduer- be en cette phrase, @je ne vais pas a\ l'encontre@, pour dire @je ne dis pas@, ou @je ne fais pas le contraire@. Il est vray qu'on y pourroit sous- entendre @de ce- la@, comme qui diroit @je ne vais pas a\ l'encontre de cela@, c'est pourquoy j'ay dit @comme aduerbe@. Mais quoy qu'il en soit, ni l'vn ni l'autre nese dit jamais a\ la Cour, ni ne se trouue point dans les bons Autheurs, quoy qu'il soit eschappe/ a\ l'vn de nos plus modernes & plus excellens Escriuains de l'employer en toutes les deux fa- c$ons. Iamais M. Coeffeteau ne s'en est voulu feruir. Cette fac$on de parler est toute commu- ne le long de la riuiere de Loire, & dans les Prouinces voisines, pour dire @fut exe- cute/ a\ mort@. La Noblesse du pays l'a appor- tee a\ la Cour, ou\ plusieurs le disent aussi, & M. Coeffeteau qui estoit de la Prouince du Maine, en a vse/ toutes les fois que l'occasion s'en est presentee. Les Italiens ont cette mes- me phrase, & le Cardinal Bentiuoglio l'vn des plus exacts & des plus elegans Escriuains de toute l'Italie, s'en est serui en son Histoire

de la guerre de Flandre au quartriesme liure, @Lo Strale@, dit-il, @gia\ Borgomastro d'Anuersa, e che tanto haueua formentate le seditioni di quella citta\, fu fatto morire in Viluorde@. Il en dit encore vne autre de cette mesme nature, & qui nous doit sembler plus estrange, sur la fin du som- maire du cinquiesme liure. @Valenciana@, dit-il, @cade in potere de gli Vgonotti, i quali ne sono fatti vscir poco dopo, lesquels en sont faits sortir peu apres, @pour dire @lesquels on en fait sortir@. Nous n'auons point encore estendu cette locution @fut fait mourir@, comme font les Italiens, a\ d'au- tres phrases semblables. Mais nonobstant tout ce que je viens de dire, qui sembleroit suffisant pour l'authoriser, il est certain qu'elle est condamnee de tous ceux, qui font profes- sion de bien parler & de bien escrire. Il faut tousjours dire @encore@, & jamais @encor@, ni @encores@; neantmoins en poe%sie; la plus part disent @encor@, a\ la fin du vers, & le font ri- mer auec @or@, mais je connois d'excellens Poe%- tres, qui n'en veulent jamais vser, quoy qu'ils le souffrent aux autres. Ceux qui en vsent a\ la fin, ne s'en seruent point ailleurs, comme ils ne commen ceroient pas vn ves ainsi, @encor que des mortels &c@. Donc @encore@, est celuy qui se

dit en pose & en vers, @encores@ auec vne @s@, ne se dit ni en vers, ni en pose, & @encor@, de dit par la plus part des Poe%tes a\ la fin du vers, & par quelques vns au commencement aussi. D'au- tres plus scrupuleux ne le disent nulle part. Plusieurs disent @l'aristore, le Plutarque, l'Hyppocrate, le Petrone, le Tite-Liue, &c@. C'est tres-mal parler, & contre le genie de nostre langue, qui ne souffre point d'article aux noms propres. Il faut dire simplement @Aristore, Plutarque, Petrone, Tite Liue@, & ne sert de rien d'opposer, qu'ils mettent l'article pour faire voir qu'ils entendent parler de leurs ceu- ures, & non pas de leurs personnes, ou\ ils ne mettroient pas l'article, & ne diroient point par exemple l'@Aristore fur precepteur d'Alexan- dre, le Tite-Liue estoit de Padou%e@, & ainsi des au- tres; Car dez que l'on nomme le nom propre, il n'est plus question de sc$auoir si l'on entend son liure, ou sa personne, en toutes fac$ons il n'y faut point d'article, l'vn se confond auec l'autre. Il y a vne exception en certains Au- theurs Italiens, parce qu'on les nomme a\ la fac$on d'Italie, ou\ l'on dit @il Petrarca, l'Ariosto, il Tasso@, & ainsi nous disons @le Petrarque, l'A- rioste, le Tasse, le Boccace, le Bembe, &c@. & c'est

sans doute ce qui a donne/ lieu a\ l'erreur de mettre l'article a\ tous les autres Autheurs, sans faire la difference des Italiens, & de ceux qui ne le sont pas. Fors, se disoit autrefois en pose & en vers, pour dire @hors-mis@, mais aujourd'huy il est tout a\ fait banni de la prose, & il n'y a plus que les Poe%tes qui en vsent, parmy les- quels non seulement il n'est pas mauuais, mais il passe pour noble, & est beaucoup meil- leur que @hors@, dont la prose se sert. Les exem- ples en sont frequens dans M. de Malherbe, & dans tous les autres Poe%tes. Ce mot jusqu'icy ne s'est dit qu'en raille- rie, & je l'ay veu bien souuent condam- ner tout d'vne voix a\ plusieurs personnes tres- sc$auantes en nostre langue, qui s'estoient ren- contrees ensemble. Ils ne croyoient pas qu'on le peust escrire dans le beau stile, & ne le souf- froient que dans la Comedie, dans la Satyre, & dans l'Epigramme burlesque. Neantmoins si l'on faisoit l'horoscope des mots, on pour- roit, ce me semble, predire de celuy-cy, qu'vn

jour il s'establira, puis que nous n'en auons point d'autre qui exprime ce que nous luy fai- sons signifier; Car puis qu'il a desja tant fait que de naistre, & que d'auoir cours dans la bouche de plusieurs, & d'estre connu de tout le monde, il ne luy faut plus qu'vn peu de temps joint a\ la commodite/ ou a\ la necessite/ qu'il y aura d'en vser, pour l'establir tout a\ fait, @datur venia nouitati verborum@, dit Apulee@, @rerum obscuritibus seruienti@. Desja vn de nos plus fa- meux Escriuains s'en est serui dans son nou- ueau recuiel de Lettres. I'ay veu @exactitude@, aus- si recule/ que @seriosite/@, & depuis il est paruenu au point ou\ nous le voyons, pas la constellation & le grand ascendant qu'ont tous les mots, qui expriment ce que nous nesc$aurions ex- primer autrement, tant c'est vn puissant se- cret en toutes choses, de se rendre necessaire. Mais en attendant cela, ne nous hastons pas de le dire, & moins encore de l'escrire, laissons faire les plus hardis, qui nous frayeront le chemin, @vsitatis tutiu\s vtimur@, dit Quintilien, @noua non sine quodam periculo singimus@; Mais, com- me il ajoustre de Ciceron@, @qua primo\ dura visa sunt, vsu molliuntur@. Au reste @seriosite/@ a\ de l'ana- logie auec @curio%site/@, car comme @curiosite/@ se for- me de l'adjectif @curieux@, aussi @seriosite/@, se forme de l'adjectif @serieux@. Il y en a qui au lieu de @seriosite/@, sont @serieux@,

substantif, & disent par exemple, @il est dans vn serieux, je l'ay trouue/ dans vn serieux@, mais quoy que cette fac$on de parler soit tres-frequente a\ Paris, elle ne laisse pas de desplaire a\ beau- coup d'oreilles delicates. Tous deux sont bons, mais on ne s'en sert pas tousiours indifferemment; en certains endroits on dit @courre@, & ce seroit tres-mal parler de dire @courir@, comme @courre le cerf, courre le lieure, courre la poste@. Si quel qu'vn disoit @courir le cerf@, on se mocqueroit de luv. En d'autres endroits il faut dire @courir@, parlant d'vn homme, qui ne fait que voyager, &c. Et en d'autres on peut dire @courir@, & @courre@, com- me @courre fortune, & courir fortune@. M. Coeffe- teau, ce me semble, dit tousjours le premier, & M. de Malherbe le dernier, mais sans doute @courre fortune@, est le plus en vsage. C'est vn excellent mot, tant s'en faut qu'il soit mauuais comme se l'imagi- nent plusieurs, qui ne s'en seruent jamias, mais disent tousjours @faire croire@; car il y a cet-

te difference entre @faire croire, & faire accroire@, que @faire croire@, se dit tousjours pour des cho- ses vrayes, & @faire accroire@, pour des choses fausses. Par exemple si je dis, @il m'a fait accroi- re qu'il ne jou%oit point@, je fais comprendre, qu'il ne m'a pas dit la verite/: mais si je dis, @il@ m'a @fait croire vne telle chose@, je donne a\ entendre qu'il m'a fait croire vne chose veritable. D'autres disent que la difference qu'il y a entre @faire croire@, & @faire accroire@, n'est pas tant que l'vn fois pour le vray, & l'autre pour le faux, qu'en ce que @faire accroire@ emporte tousjours, que celuy de qui on le dit, a eu dessein en cela de tromper. Vn de nos plus celebres Autheurs estoit dans l'erreur que nous venons de con- damner. Il croyoit qu'@accroire@ estoit vn barba- risme, & qu'il falloit tousjours dire @croire@. Il dit par exemple en vn certain lieu, @qui est con- tent de sa sussisance, & se veut faire croire qu'il est habile homme@. Qui doute qu'il ne faille dire en ce/t endroit, @se veut faire accroire?@ On l'escrit ainsi auec deux @e@, & en vn seul mots, & non pas @a\ croire@, ni @acroire@. Cette fac$on de parler, qui est familiere a\ beaucoup de gens, pour dire @dans Plu- tarque@, ou @dans les auures de Plutarque, & de

Platon@, est insupportable. Vn excellent esprit auoit bonne grace de dire, que l'on auoit grand tort, de nous renuoyer ainsi @chez Plu- tarque, chez Platon, & chez tous ces autres Au- theurs anciens, qui n'auoient point de logis. Chez@ ne vaut rien pour citer les Autheurs, il n'est propre qu'a\ denoter la demeure de quel qu'vn, @chez vous, chez moy@. Quelques-vns disent, @chez les Estrangers@, pour dire, @en vn pays estranger@, mais plusieurs le condamnent, & ie crois qu'ils ont raison. Ce verbe de sa nature est neutre, com- me @l'hyuer fait cesser les maladies, faire ces- ser le trauail@, mais depuis quelques anne/es on le fait souuent actif, & en prose, & en vers, comme @cessez vos murmures@. Nos bons Autheurs en sont pleins. Pour dire @gueres@ simplement, il ne faut jamais dire @de gueres@, comme par exem- ple, @il ne s'en est de gueres fallu@, ne vaut rien, on dit, @il ne s'en est gueres fallu@, mais quand il denote vne quantire compare/e auec vne au- tre, alors le @de@, y est bon, comme si l'on me- sure deux choses; & que l'vne ne soit qu'vn

peu plus grande que l'autre, on dira fort bien, @qu'elle ne la passe de gueres@. Ce mot est l'vn de ces noms substan- tifs, que l'on fait masculins, ou femi- nins, comme on veut. On dot donc e/gale- ment bien, @le foudre, & la foudre@, quoy que la langue Franc%oise ayt vne particuliere incli- nation au genre feminin. Ce choix des deux genres est commode, non seulement aux Poe%tes, qui peuuent par ce moyen allonger ou accourcir le vers d'vne syllabe, & se faci- liter les rimes, mais encore aux Orateurs qui ont aussi leurs mesures, & leurs nombres dans leurs periodes, & qui s'en peuuent pre- ualoir d'ailleurs a\ euiter les rimes & les caco- phonies. Les deux premiers sont encore de ces substantifs hermaphrodites, car on dit, @vn grand aigle, & vne grande aigle, a\ l'aigle noir, & a\ l'aigle noire@. De mesme on dit, @vn four- my, & vne fourmy@. Il est vray qu'on le fait plus souuent feminin, que masculin. Mais @doute@ qui estoit il y a quinze ou vint ans de ce

nombre. jusques-la\, que M. Coeffeteau,& M. de Malherbe, l'ont presque tousjours fait feminin @Nous doutes seront esclaircies, Et mentiront les Propheties@, dit M. de Malherbe, n'est plus aujourd'huy que masculin, & il faut tousjours dire @le dou- te, ie ne fais nul doute@,& non pas, @je ne fais nulle doute@, comme l'ont escrit ces Messieurs que j'ay alleguez. Vn de nos anciens Poe%tes dans vn rondeau l'a fait feminin, @Mais espoir vient ma douse reformer.@ Ces deux verbes ont deux significations bien differentes, que plusieurs de nos meilleurs Escriuains ne laissent pas de con- fondre, & tres-mal. Ils diront indifferem- ment @consommer, & consumer ses forces, consom- mer & consumer son bien.@ Et neantmoins @consom- mer@ ne veut point dire cela, mais @accomplir@, comme quand on dit@, consommer le mariage@, pour @accomplir le mariage, & vne vertu consom- me/e@ pour @vne vertu accomplie & parfaite.@ Ceux qui sc#auent le Latin, voyent clairement cette difference par ces deux mots @consummare, & consumere@, qui respondent justement aux deux Franc#ois, & en l'orthographe, & en la signi-

fication @consommer, & consumer.@ Ce qui a donne/ lieu a\ cette erreur, si je ne me trompe, est que l'vn & l'autre emporte auec soy le sens, & la signification d'@acheuer@, & ainsi ils ont creu que ce n'estoit qu'vne mesme chose. Il y a pour- tant vne estrange difference entre ces deux sortes d'@acheuer@, car @consumer@, acheue en de- struisant & aneantissant le sujet, & @consommer@, acheue en le mettant dans sa derniere perfe- ction, & son accomplissement entier. Et selon cela saint Augustin a dit qu'il y a @finis consu- mens, & finis consummans.@ Il se pourroit faire aussi que nos Poe%tes auroient contribue/ a\ ce de- sordre, employant @consomme@, pour @consume@, lors que la rime les y a contraints ou inuitez, de mesme qu'on les soupc#onne d'estre en partie cause du cours qu'a eu, & a encore cette mon- strueuse fac#on de parler, @recouuert@, pour @recou- ure/@, dont il y a vne remarque a\ part. Neantmoins il est a\ noter que la faute ordi- naire n'est pas de dire @consumer@, pour @consommer@, car personne n'a jamais dit ni escrit que je sc#ache, @consumer le mariage@, ni @vne vertu consume/e:@ mais c'est de dire @consommer@, pour @consumer@, ne disant jamais @consumer@, pour quoy que oe soit, & disant tousjours l'autre. Certainement M. de Malherbe ne les a jamais confondus, quel- que besoin qu'il en ayt peu auoir dans la rime, tant il estiot persuade/ de la distinction qu'il

faut faire entre les deux. Il dit en vn lieu, @Et qu'aux roses de sa beaute/, L'a^ge par qui tout se consume, Redonne contre sa coustume, La grace de la nouueaute/.@ Ie n'ay point remarque/ qu'en vers ni en pro- se il ayt jamais mis l'vn pour l'autre, & aujour- d'huy la plus saine partie de nos meilleurs Es- criuains n'a garde de les consondre. CE mot n'est gueres bon en prose, mais la pluspart des Poe%tes s'en seruent, com- me quand ils descriuent quelque montagne, ou quelque tour extremement haute, ils di- fent qu'elle @auoisine les cieux.@ I'ay dit @la pluspart@, parce qu'il y en a qui ne s'en voudroient pas seruir. VOicy vn exemple de ce que l'Vsage fait souuent contre la Raison; car per- sonne ne doute, j'entens de ceux qui sc#auent la langue Latine, que @peril eminent@, ne soit pris du Latin qui dit, @periculum imminens@, pour si- gnifier la mesme chose, & toutefois nous ne disons pas @peril imminent@, pour euiter, comme je crois, le mauuais son des trois @i@, mais @eminent@,

qui ne veut nullement dire cela, ni mesmes il n'est pas possible de conceuoir comme on peut donner cette epithete au @peril.@ Au lieu qu'@imminent@, voulant dire @vne chose preste a\ tom- ber sur vne autre@, l'epithete conuient fort bien au peril qui est sur le point d'accabler vne per- sonne. Pour cette raison, j'ay veu vn grand personnage\, qui n'a jamais voulu dite autre- ment que @peril imminent@, mais auec le respect qui est deu a\ sa memoire, il en est repris non seulement comme d'vn mot, qui n'est pas Franc#ois, mais comme d'vne erreur, qui n'est pardonnable a\ qui ce soit, de vouloir en matiere de langues viuantes, s'opiniastrer pour la Raison contre l'Vsage. QVelques-vns repetent @ce@, deuant le verbe substantif, & d'autres ne le re- petent pas, par exemple, @ce qu'il y a de plus deplo- rable, est, &c.@ M. Coeffeteau en vse tousiours ainsi. D'autres disent, @ce qui est de plus deplorable, est, & c.@ & aujourd'huy tout au contraire de ce qui se pratiquoit du temps de M. Coeffeteau, ce dernier est plus vsite/, auec cette difference neantmoins, que lors que le premier @ce@, est fort essoigne/ du verbe substantif, il est meilleur de le repeter, que de ne le repeter pas, comme ce

@qui est de plus de plorable & de plus estrange en tous le cours de la vie humaine sujette a\ tant de miseres, c'est & c. Est@, y seroit bon aussi, mais @c'est@, y est beaucoup meilleur, parce qu'il recueille tout ce qui a este/ dit entre deux, & rejoignant le nominatif au verbe, fait l'expression plus net- te, & plus forte. Que si l'on n'a pas mis @ce@ auparauant, mais quelque autre mot, alors non seulement il n'est pas necessaire de mettre le @ce@, mais pour l'ordinaire il est mieux de ne le mettre pas, par exemple @la difficulte/ que l'on y apporter, est@, & non pas @c'est@, qui neantmoins ne seroit pas vne faute, mais @est@, est beaucoup meilleur. Mais si le nominatif, quand c'est vn autre mot que @ce@, est fort esloigne/ du verde substantif, alors il est bien mieux de dire @ce@, que de ne le dire pas, comme @en fin la cause de tant de malheurs & de miseres qui nous arriuent en ce monde les vnes sur les autres, c'est & c.@ plustost qu'@est.@ Que s'il n'est ni trop pres, ni trop loin, on peut mettre, ou laisser le @ce@, comme l'on veut, on dira, @la meil- leure voye que l'on sc#auroit prendre desormais, est, & c'est@, tous deux sont bons, mais aujourd'huy @est@, semble estre vn peu plus en vsage, quoy que la plus saine partie des Escriuains trouue @c'est@ meilleur. Il n'est pas de cette particule @ce@, com- me de la conjonction @que@, dont nous auons fait vne Remarque.

CE a encore vn vsage en nostre langue, qui est fort beau, & tout a\ fait Franc#ois. C'est de le mettre auec le pluriel du verbe sub- stantif, par exemple @les plus grands Capitaines de l'antiquite/, ce furent Alexandre, Cesar, Hanni- bal, & c.@ & non pas @les plus grands Capitaines de l'antiquite/ furent@, ni @ce fut.@ Ie crois neantmoins que @furent@, sans @ce@, ne seroit pas mauuais, mais auec @ce@,il est incomparablement meilleur. Pour @ce fut@, je doute fort qu'il soit bon, ou s'il l'est, c'est sans doute le moins bon de tous. Cette petite particule a vne merueill euse gra- @ce@ en cet endroit, quoy qu'elle semble cho- quer la Gammaire en l'vn de ses premiers preceptes, qui est que le nominatif singulier regit le singulier du verbe, & non pas le plu- riel, & neantmoins icy on luy fait regir le plu- riel en disant @ce furent Alexandre, Cesar, & c.@ Sur quoy il est a\ remarquer, que toutes les fac#cons de parler, que l'Vsage'a establies contre les rei- gles de la Grammaire, tant s'en faut qu'elles soient vicieuses, ni qu'il les faille euiter, qu'au contraire on en doit estre curieux comme d'vn ornement de langage, qui se trouue en toutes les plus belles langues, mortes & viuantes. Quelle grace pensez-vous qu'eust parmy les Grecs cette locution & cet vsage, de faire re-

gir le singulier des verbes aux neutres pluriels, & de dire GREEK @animalia currit, les ani- maux court@, vne quantite/ d'autres sembla- bles? Et croiroit-on que dans Virgile ce fust vne licence poe%tique d'auoir dit, @Vrbem quam statuo vestra est@, plustost qu'vne noble & ele- gante maniere de s'exprimer, dont la noblesse & la grace consiste en cela seulement d'estre affranchie de la seruitude Grammaticale, & de la phrase du vulgaire? Il n'y a point de lan- gue eloquente,qui ne soit enrichie de ces sor- tes d'ornemens. Mais reuenons a\ nostre @ce.@ @Ce@, au commencement de la periode se dit encore au mesme sens, & auec plus de grace qu'en l'exemple que j'ay propose, comme @ce furent les Romains qui domterent, & c. ce furent de grands hommes, qui les premiers inuenterent, & c.@ Ce mont se met encore auec le verbe sub- stantif, quoy que le nom substantif qui pre- cede @ce@, soit au singulier. Exemple, @l'affaire la plus fascheuse que j'aye, ce sont les contes d'vn tel@, & non pas, @c'est les contes.@ En quoy il faut encore remarquer vne plus grande irregularite/ que la permiere, parce que lors qu'on dit @les plus grands Capitaines de l'antiquite/, ce furent@, au moins y a-t-il vn pluriel deuant quoy que @ce@, soit au singulier: mais icy @affaire, ce@, sont tous deux au singulier, & neantmoins ils regis- sent le pluriel @sont@, ce qui est bien estrange; car

de dire qu'en cet exemple @sont@, se rapporte au pluriel qui suit, a\ sc#auoir @les contes@, non pas a\ aucun des deux singuliers, qui precedent, j'en demeure d'accord, mais que peut-on in- ferer de la\, si ce n'est qu'au lieu d'vne irregula- rite/ que j'y remarquois, il y en faut remarquer deux; j'ay desja dit la premiere, & voicy la se- conde, que le verbe substantif qui se lon l'ordre de la Grammaire & du sens commun sur qui la Gammaire est fondee, doit estre regi, com- me il l'est ordinairement, par le nom substan- tif qui precede, neantmoins en cet exemple est regi par le nom substantif qui suit. Ces fa- c#ons de parler des Latins; @domus antra fuerunt, omnia pontus erat@, reuiennent a\ peu pres a\ cel- les que nous venons de dire. IL est bien Franc#ois, & a vne grace non- pareille en nostre langue. M. Coeffeteau en vse souuent. Il l'employe par deux fois en la response de Neron a\ Seneque@, Ce que je res- pons@, dit-il, @sur le champ, a\ vne barangue que tu as premeditee, c'est premierement vn fruit de ce que j'ay appris de toy@, & vn peu plus bas, @Ce que tu tiens de moy des jardins, des rentes, & des maisons, ce sont toutes choses sujettes a\ mille accidens.@ Et M. de Malherbe. @Aussi ne faut-il pas penser, que ce que Mercure est peint en la compagnie des Graces, ce

soit pour signifier, & c.@ On voit en ces trois exemples, que @ce que@, se resout par @si@, & qu'en mettrant @si@, au lieu de @ce que@, ce seroit tousjours le mesme sens, mais auec combien moins de grace & de beaute/? Il y en a pourtant, qui croyent que @ce que@, est vieux, & biens moins elegant que @si@, neantmoins vn de nos plus ex- cellens Escriuains modernes s'en sert souuent. ON dit tous les jours l'vn & l'autre en parlant, mais on ne le doit point dire en escriuant, que dans le stile bas. Il suffit de @dit-il, dit-on@, sans @ce@, & c'est ainsi qu'il s'en faut seruir par parenthese, quand on introduit quelqu'vn qui parle. CE premiere fac#on de parler ne vaut rien, il faut dire @outre cela; & a\ ce que@, pour @asin que@, est vieux. Exemple, @il faut faire prier Dieu de tous costez, a\ ce qu'il luy plaise appai- ser son ire.@ AV lieu de @c'est pourquoy@, qu'on a accou- stume/ de dire, nous auons quelques-

vns de nos meilleurs Escriuains qui disent presque tousjours @ce fut pourquoy@, deuant le preterit defini. Par exemple, @ce fut pourquoy les Romains immolerent des victimes & c.@ estimant qu'il y doit auoir du rapport entre le temps qui suit, & celuy qui va deuant; mais ils se trompent, parce qu'en cette fac#on de parler @c'est pourquoy@, le temps present @c'est@, conuient a\ tous les temps qui suiue/t, dautant qu'il se rap- porte a\ la cause & a\ la raison qui fait dire @c'est pourquoy@, qui subsiste & qui est aussi bien pre- sente maintenant qu'elle l'estoit au temps pas se/; Et qu'ainsi ne soit, ne disons nous pas @pour- quoy est-ce que les Romains sirent telle chose?@ beau- coup mieux que si nous disions, @pourquoy@ sut-ce que les Romains@;@ Cette locution @ce sut pourquoy@, vient de Normandie, au moins les Autheurs qui ont accoustume/ de s'en seruir en sont. On en vse aussi en Anjou & au Mayne. PLusieurs n'approuuent pas qu'on en vse a\ la place de l'article, par exemple, @il m'a fait ce bien de me dire@, ils veulent que l'on die, @il m'a fait le bien de me dire@, neantmoins M. de Mal- herbe a escrit, @elle m'a fait cet honneur de me dire.@ I'apprens que @ce bien, cet honneur@, s'est dit autre- fois, mais aujourd'huy l'on ne le dit plus gue- res, quoy qu'il ne la faille pas condamner ab-

solument; il est certain qu'il @m'a fait le bien, il m'a fait l'honneur de me dire@, est bien plus doux & plus regulier. On ne peut pas nier, que ces deux fac#ons de parler @a\ ce faire, & en ce faisant@, ne soient fort commodes & fort ordinaires dans plusieurs de nos meilleurs Autheurs: mais elles ne sont plus aujourd'huy du beau stile, elles sentent celuy des Notaires. CEst ainsi que l'Vsage veut que l'on par- le, mais la raison ne le voudroit pas, el- le voudroit que l'on dist @peu s'en est failli@; car il est certain qu'en ce terme @peu s'en est fallu, fallu@ ne veut dire autre chofe que @manque@, tout de mesme que si l'on disoit @peu s'en est manque/@, comme @Faillir@, a\ l'infinitif veut dire @manquer.@ Or est-il que @faillir@ ne fait point au preterit parfait, @il a fallu@, mais @il a failli@, comme @il a failli a\ me blesser, & fallu@, est le preterit de l'infinitif @falloir@, qui n'est pas en vsage, & qui signifie en Latin @oportere, il a fallu@, dit-on, @ceder a\ la force, il a fallu faire cela@, mais il est arriue/ en ce mot tou- te la mesme chose qu'a\ @recouuert@, pour @recouure/@, & je ne doute point que lors que l'on com- menc#a a\ dire @peu s'en est fallu@, pour @peu s'en est failli@, le\s Grammairiens de ce temps-la\ ne fis- sent les mesmes exclamations & le mesme

bruit qu'ont fait ceux de nostre temps quand on a dit @recouuert@, pour @recouure@, mais on a eu beau inuoquer Priscien, & toutes les puissan- ces Grammaticales, la Raison a succombe/, & l'Vsage est demeure/ le maistre, @communis error facit ius@, disent les Iurisconsultes. Quand deux verbes se ressemblent, il est aise/ de confondre les conjugaisons, si l'on n'a appris a/ les demes- ler; & pour en donner vn example dans le mesme verbe de @faillir@, on dit en Normandie, @il faillira, il failliroit@, pour dire @il faudra.il fau- droit@, qui est vne faute toute contraire a\ celle- cy, @peu s'en est fallu.@ POur commencer par le dernier, @auecques@, ne vaut rien, ni en prose, ni en vers, & pas vn de nos bons Poe%tes ne s'est donne/ la licen- ce d'en vser. Mais parce que je vois de bons Autheurs qui souffrent cette orthographe dans leurs oeuures, & qu'insensiblement elle pourroit bien se glisser jusques dans les vers, j'ay juge/ a\ propos de la comprendre en cet- re remarque, pour empescher qu'on ne s'y trompe. @Auec, & auecque@, sont tous deux bons, & ne sont pas seulement commodes aux Poe%tes pour allonger ou accourcir leurs vers d'vne

syllabe selon la necessite/ qu'ils en ont, mais encore a\ ceux qui escriuent en prose auec quelque soin de satisfaire l'oreille, soit pour former la juste mesure d'vne periode, soit pour les joindre aux mots auec lesquels ils rendent le son plus doux, & la prononciation plus ai- se/e, soit en fin pour empescher dans la prose la mesure des vers. Ie ne voudrois jamais es- cire @auec vous@, mais tousjours @auecque vous, a\@ cause de la rencontre de ces deux rudes con- sones @c, & v@, ce qui a donne/ lieu sans doute a\ ajouster @que@, apres @auec@, puis qu'aussi bien on ne fc#auroit prononcer @auec vous@, que de la mesme fac#on que l'on prononce @auecque vous@; mais ceux qui lisent auou%eront que rencon- trant escrit @auec vous@, cela leur fait peine, & qu'au contraire ils sont bien aises de trouuer @auecque vous@, de quoy je me rapporte a\ l'expe- rience d'vn chacun. Il y a donc des consones deuant lesquelles il faut dire @auec@, & d'autres, deuant lesquelles il faut dire @auecque@, pour la douceur dela prononciation. Il ne seroit pas besoin de les distinguer icy, puis qu'il suffit de consulter sa langue & son oreille pour cela, neantmoins il n'y aura point de mal le fai- re par l'ordre alphabetique des consones. Deuant le @b@, il est mieux de dire & d'escrire @auec@, qu'@auecque@, comme @auec bon passeport, auec beaucoup de peine.@

Deuant le @c, auec@, est mieux qu'@auecque@, comme @auec cet homme, auec cette femme@, prace les deux @c@, se rencontrant,viennent a\ se join- dre, & adoucissent & facilirent la prononcia- tion. Deuant le @d, auec@, comme @auec deux ou trois de mes amis.@ Deuant l'@f, auecque@, est mieux qu'@auec@, com- me @auecque frayeur@, & cette queu%e de @que@, y est si necessaire, que vous ne le sc#auriez presque pronocer sans cela, & quand vous ne le vou- driez pas prononcer, il semble a\ ceux qui vous escoutent que vous le prononciez. Deuantle @g, auec@, parce que le @c@, & le @g@, s'ac- commodent fort bien ensemble, s'vnissent comme freres @auec grace, auec gloire, auec gran- deur.@ Deuant l'@h@, consone @auecque@, pour faciliter I'aspiration de l'@h@, comme @auecque honte, auec- que hardiesse@, & vous ne sc#auriez vous empes- cher de prononcer le @que@, ni faire quand vous ne le prononceriez pas qu'on ne croye que vous le prononciez. Deuant @j@, consone @auecque@, comme @auecque joye, auecque jalousie.@ Deuant @l, auecque@, comme @auecque luy, auec- que lou%ange.@ Deuant @m, auceque@, comme @auecque moy, auec- que mes amis.@

Deuant @n, auecque@, comme @auecque nous.@ Deuant @p, auecque@, comme @auecque peu de gens, auecque peu de soin.@ Deuant @q, auec@, parce que le @c@, s'accorde fort bien auecque le @q@, comme @auec quelqu'vn de mes amis.@ Deuant @r, auecque@, comme @auecque raison.@ Deuant @s, auec@, comme @auec soin@, car l'@s@ se prononce comme le @c@, auec la virgule en bas, & ces deux lettres se joignent fort bien. Deuant @t, auecque@, comme @auecque trouble, auecque tranquillite/.@ Deuant @v@, consone, @auecque@, comme nous auons desja dit, @auecque vistesse.@ Deuant @x, auec@, comme @auec Xerxes@, parce que le @c@, & l'@x@, tiennent quelque chose de la nature l'vn de l'autre qui les vnit aise/ment. Deuant @z, auec@, comme @auec zele@, prace que le @c@, & le @z@ se joignent aise/ment aussi. Ce n'est pas que ce soit vne faute, quand on n'obseruera pas tout cela, mais il y aura sans doute moins de perfection, & que couste-t-il del'obseruer? Ni je n'approuue ceux qui ne se seruent jamais que d'@auec@, ni ceux qui ne se ser- uent jamais que d'@auecque@, car nous auons de grands Escriuains, qui se partagent ainsi. Et sans parler de la difference des consones, a\ quel propos cette adjonotion de @que@, deuant les voyelles, elle y est absolument inutile a\ cau-

se de l'elision, @auec amour, auec enuie, auec interest, auec ombre, auec vtilite/?@ Pourquoy @auecque@, de- uant tous ces mots? C'est pourquoy je m'e- stonne que M. de Malherbe ayt entierement renonce/ a\ @auec@, pour ne dire jamais qu'@auecque@, ne pouuant euiter par ce moyen de rudes ca- cophonies, comme quand il s'en sert deuant @qui, quoy, quelque@, & autres semblables, @auecque quelque trouble@, dit-il en vn certain endroit, quelle oreille peut souffrir @auecque qui, auecque quoy?@ ni qu'on le mette deuant ces syllabes @ca, co, & cu@, comme, @auecque carrosse, auecque copie@, ou @auecque compagnie, auecque curiosite/.@ I'ay ou%i dire a\ vne Dame de la Cour @auec que qui@, M. de Mal- herbe l'a dit. Au reste, il faut tousjours pro- noncer le @c@, d'@auec@, deuant quelque lettre qu'il se rencontre, & se garder bien e dire @aue/ moy, aue/ vn de mes amis, &c.@ comme prononcent plusieurs. CE mot est masculin sans difficulte/, mais j'en fais vne remarque, parce qu'a Pa- ris dans la ville on le fait ordinairement femi- nin, & l'erreur vient apparemment de ce que @exemple@, est de ce dernier genre, quand il signi- fie @le patron@, ou @le modelle d'escriture@, que les Mai- stres Escriuains donnent aux enfans pour leur apprendre a\ escire. @De belles exemples.@ I'ay dit

dans la ville, parce qu'a\ la Cour on l'a ja- mais fait que masculin, @donner bon exemple, de bons exemples. CEtte fac#con de parler, qui est si fort en vogue depuis quelques anne/es a\ Paris, d'ou elle s'est respandue% par toutes les Pro- uinces de la France, bien loin d'estre si excel- lentre que la croyent ceux, qui en pensent or- ner leur langage, & affectent d'en vser a\ tous propos comme d'vn terme de la Cour, qu'au contraire je leur declare de la part de tous ceux qui sc#auent bien parler & bien escrire, qu'il n'y en a point de plus mauuaise en tou- te nostre langue, ni qui leur soit plus desa- greable. Ie dis mesemes que la cour en sa plus saine partie ne la peut souffrir, & qu'entre tous les mots & toutes les phrases qu'elle con- damne, celle-cy se peut dire l'odjet principal de son auersion. Mais voyons si cette auer- sion est de la nature de celles, qui sont bien souuent sans fondement, & examinons la chose auec equite/ bien qu'en matiere de lan- gage il suffit que plusieurs des meilleurs juges de la langue rejettent vne fac#on de parler pour nous obliger a\ ne nous en seruir plus, sans qu'il soit besoin d'en rechercher les rai- sons. @piece@, en cette phrase veut dire deux

choses, si je ne me trompe, l'vne, c'est @vne ma- lice inuentee countre quelqu'vn pour luy nuire@, & l'au- tre, @vntour que l'on fait ingenieusement a\ quelqu'vn, non pas pour luy nuire, mais se jou%er.@ En tous les deux vsages, c'est vne signification figu- re/e, qu'on a trie/e, comme je crois, d'@vne piece de theatre@, comme si l'on vouloit dire, que tout de mesme qu'on inuente des sujets de Tragedie, ou de Tragicomedie, de Comedie. & mesmes de @farce@, pour diuertir le monde; & que ces inuentions la\ s'appellent @des pieces de theatre@, aussice que l'on inuente contre vne personne, soit pour luy faire du mal, ou pour s'en jou%er, & s'en diuertir, s'appelle @vne piece@, & inuenter ces choses la\, s'appelle @faire vne piece.@ Dez-la\ je laisse a\ juger a\ ceux qui se conoissent aux bonnes figures, & aux belles manieres de, parler, si celle-cy est du nombre, & si elle n'est pas tire/e de bien loin. @Vne piece de theatre@, s'ap- pelle @piece, prace que @piece@, veut dire @ouurage@, comme qui diroit @vn ouurage de theatre@; Car tous les ouurages soit des mains, soit de l'es- prit, s'appellent @pieces@, pour dire @voyla\ vnbel ouurage@, on dit @voyla\ vne belle piece, voyla\ vne ri- che piece@, de sorte que @piece@, memsmes en matiere de theatre, ne veut dire qu'@ouurage.@ Il y a donc vne grande de violence a\ transferer ce mot la\ au sens qu'on luy donne lors que l'on dit @faire piece@, & je m'asseure que Quintilien n'auroit

pas trouue/ en cette metaphore toutes les con- ditions qu'il demande, & que nos Maistres ont obserue/es. Mais ce qui acheue de la ren- dre insupportable, c'est la phrase @faire piece@, car encore si l'on disoit @faire vne piece@, au lieu de deux maux, il n'y en auroit qu'vn, prace que l'on se tien droit au moins dans les termes d'v- ne construction reguliere, mais vne personne de grande conditon, & qui parle parfaite- ment bien, a accoustume/ de dire que cette phrase @faire piece@, est le plus cruel supplice qui ayt encore este/ inuente/ en ce genre la\ contre les oreilles delicates. Il n'appartient qu'a\ celuy qui a dit le premier @il a esprit, il a coeur, il a esprit & coeur@, d'auoir enrichi nostre langue de cet- te belle locution @faire piece@, sur tout dans la construction qu'on luy donne, en disant @il m'a fait piece@, qui est comme & le comble & le cou- ronnement d'vn si bel ouurage. Mais c'est trop s'arrester a\ vne chose, qui vaut pas la peine. IE ne ferois pas cette remarque, si je n'auois ou%i plusieurs hommes dans la chaire, & dans le barreau prononcer mal ce mot, & di- re @ajetter@, pour @acheter@, mais ce qui m'estonne dauantage, c'est que je ne vois personne qui les reprenne d'vne faute si euidente. Ce defaut

est particulier a\ Paris, c'est pourquoy ce sera leur ren vn bon office que de les aduer- tir. CE mot de preterit parfait d'@auior, j ay eu, tu as eu, & c.@ n'est que d'vne syllabe, qui est vne des dyphthongues de nostre langue, neantmoins plusieurs sont cette faute de pro- noncer @eu@, en faisant de chaque lettre vne syl- labe, comme si l'on escriuoit @eu%@, auec deux point, pour en faire deux syllabes. CEs fac#ons de parler, par exemple, @ie ne ser ay jamais ingrat en vostre endroit, en son endroit, & c. il faut estre charitable a\ l'endroit des pauures@, ne sont plus du beau langage, com- me elles l'estoient du temps de M. Coeffeteau. On dit tousjours @enuers.@ TOus deux sont bons, M. Coeffeteau a tousjours escrit @deuant que@, mais @auant que@, est plus de la Cour, & plus en vsage: L'vn & l'autre deuant l'infinitif demande l'article @de@, par exemple il faut dire @auant que de mourir@,

& deuant que de mourir@, & non pas @auant que mou- rir@, ny @deuant que mourir@, & beaucoup moins encore @auant mourir@, comme disent quelques- vns en langage barbare. CE verbe est neutre, & non pas actif, & jamais M. Coeffeteau ny aucun de nos Autheurs en prose ne l'a fait que neutre: mais nos Poe%tes pour la commodite/ des vers s'e- mancipent, & ne feignent piont de le faire actif, quand ils en ont besoin. @Qu a\ des coeurs bien touchez tarder la jou%issance, C'est infailliblement leur croistre le desir.@ dit M. de Malherbe. Et en cet exemple il faut noter qu'il s'est encore donne/ la mesme licence au verbe @tarder@, qui est aussi neutre, & non pas actif, comme est son compose/ @retar- der.@ Il faut donc dire @accroistre@ en prose, quand on a besoin de l'actif, & non pas @croistre.@ IL a trois constructions differentes, caron dit @la riuiere leur fournit le sel, leur fournit du sel, & les fournit de sel@, qui est le meilleur & le plus elegant des trois.

PLusieurs croyent que cette fac#on de par- ler, quoy familiere a\ quelques excel- lens Autheurs, ne vaut rien. Par exemple, si l'on dit, @les paroles ne sont rien autre chose que les images des pensees@, ils soustiennent que c'est mal parler, & qu'il faut dire, @les paroles ne sont autre chose que les images des pensees@, ou @les paroles ne sont rien que, & c.@ qu'il suffit de l'vn ou de l'au- tre, & que si on les met tous deux, l'vn estre- dondant. Mais il y a beaucoup d'endroits, ou\ pour exaggerer, il est necessaire de dire, @rien autre chose@, par exemple nous dirions, @mais quand il parle ainsi, que veut-il dire? rien autre cho- se Messieurs, sinon, & c.@ IL est donc emphati- que en certains endroits, mais pour l'ordi- naire il est bas, & l'autre fac#on de parler sans dire, @rein@, elegante. CEst ainsi qu'il faut dire, & non pas @quoy qui arriue@, comme disent plusieurs; Car @ce quoy que@, est le @quidquid@ des Latins. Et c'est pourquoy l'on dit @quoy que c'ensoit, & quoy qu'il en soit@, & qu'apres @quoy@, il faut dire @que@, & non pas @qui.@ M. Coffeteau dit tousjours, @quoy que c'en soit@, & M. de Malherde dit tantost, @quoy

que c'en soit@, & tantost, @quoy qu'il sont@, ils sont tous deux bons, mais le dinier, @quoy qu'il en soit@, est beaucoup plus en vsage aujourd'huy, & plus doux. CEtte fac#on de parler est venue% de Gas- cogne, & s'est introduite a\ Paris; mais elle ne vaut rien. Il faut dire @il m'a dit que je fisse. Ce qui a donne/ lieu a\ cette erreur vray- semblablement, c'est que l'on a accoustume/ de dire, @il m'a commande/ de faire, il m'a prie/ de fai- re, il m'a conjure/ de faire, il m'a charge/ de faire@, car ce seroit malm dit, @il m'a commande/ que je fisse, il m'a prie/ que je fisse@, & ainsi des autres. CE mot ne fait qu'vne syllabe, qui est triphthongue, qu'ils appellent, c'est a\ dire, compose/e de trois voyelles. Elle se pro- nonce donc, comme si l'on escriuoit @oust@, & qu'il n'y eust point d'@a@; Car ceux qui pro- noncent @a-oust@, comme fait le peuple de Pa- ris, en deux syllabes, font la mesme faute, que ceux qui prononcent @ayder@, en trois syllabes @a y der@, quoy qu'il ne soit de deux.

BIen que ce mot soit vn terme de ma- rine, & de l'art de la nauigation, il est neantmoins passe/ en vsage commun, & est entendu presque de toute la Cour. Il signi- sie @se preparer a\ faire voile, & a\ se mettre en mer.@ Ce verbe est tousjours neutre, & jamais on ne dit @s'appareiller@, comme l'on dit se prepa- rer, ny @appareiller vn vaisseau@, mais on dit sim- plement @appareiller@, comme @on appareilloit lors qu'il vint vne tempeste, & c.@ TOus deux sont bons, & il femble qu'en parlant on dit plustost @il n'y a rien tel@, que l'autre, mais qu'en escriuant, on dit plu- stost @il n'y a rien de tel.@ Pour moy je voudrois tousjours escrire ainsi. CEs deux adjectifs ont vn vsage assez estrange, mais qui est bien Franc#ois. C'est qu'vne femme parlant dira tout de mes- me qu'vne homme, @je fais fort de cela@, & non pas @je me fais forte.@ Elle dira aussi, @en parlant je suis demeure/e court@, & non pas @courte.@ Il est du nom-

bre pluriel, comme du genre feminin; car il faut dire aussi, @ils se sont fort de cela@, & non pas @ils se forts, ils sont demeurez court@, & non pas @courts.@ En ces phrases ces deux mots sont in- declinables, & mis comme aduerbialement. Voyez @incognito.@ CEt article veut tousjours estre joint im- mediatement a\ son nom, sans qu'il y ayt rien d'estranger entre-deux, qui les sepa- re, par example, @j'ay suiui en cela l'auis de tous les Iurisconsultes, & de presque tous les Casuistes.@ Ie dis que, & de presque tous les Casuistes@, n'est pas bon, & qu'il faut que @de@, soit attache/ a\ son nom @tous@, & que l'on escriue @& de tous les Ca- suistes.@ Mais que deuien dra @presque?@ ou\ le met- tra-t-on? car il le faut dire necessairement. Ie respons que ce sont deux choses, de condam- ner vne fac#on de parler comme mauuaise, & d'en substituer vne autre en sa place, qui soit bonne. Les Maistres m'ont appris que cette fac#on d'escrire @& de presque tous les Casuistes@, est vicieuse; je m'acquitte de mon deuoir, en le declarant au public, sans que je sois oblige/ de reparer la faute. Neantmions il me semble qu'on la peut euiter en disant, @j'ay suiui le sen- timent de tous les Iurisconsultes, & presque de tous

les Casuites@, ou bien, & de la plus part des Ca- suistes@, ou & ae/ plus grand par des Casuistes.@ IAmais on ne doit vser du pronom demon- stratif auec la particule @la\@, quand il estim- mediatement suiui du pronom relatif @qui@, ou @lequel@, aux deux genres & aux deux nombres. Exemple, @ceux-la\ qui aiment. Dieu, gardent ses commandemens.@ C'est tres-mal parler, il faut di- re @ceux qui aiment Dieu@, & ainsi des autres. Mais quand le pronom relatif est separe/ du demon- stratif par vn verbe qui est entre deux, alors il faut mettre la particule @la\@, comme @ceux-la\ se trompent, qui croyent, & c.@ Il n'est pas croya- ble combien de gens manquent a\ cela Ie ne sc#ay s'il est permis aux Poe%tes de s'en dispen- ser a\ l'imitation de celuy qui a dit, @Mais qu'il soit vne amour si forte, Que ce/lle-la\ que je vous porte@, Mais je sc#ay bien qu'en prose la reigle est in- uiolable, & qu'en vers l'oreille est d'autant plus choquee de cette fac#on de parler, que la poe%sie doit estre plus dounce que la prose. Qui oseroit nier qu'il ne soit mieux dit en prose. Qui en vers, @qu'il soit vne amour plus forte, que celle que je vous porte@, que non pas, @que celle la\ que je vous porte?@

IE ne croyois pas faire cette remarque, comme la jugeant, & inutile, & m'immaginant qu'il n'y auoit que les Imprimeurs qui missent vne apostrophe a\ @d'autant que@, quand il signi- sie @parce que@: mais voyant que cette erreur se rend commune, & comme vniuerselle, il est necessaire d'en donner auis pour empes- cher qu'elle ne s'establisse tout a\ fait; Car en- core qu'il semble que cela importe peu d'y mettre vne apostrophe, ou de ne l'y mettre pas, si est-ce que si l'on se relasche tantost en vne chose, tantost en vne autre, pour petite qu'elle soit, a\ la fin, comme je l'ay desja dit ailleurs, tout sera corrompu. Outre que je ne demeure pas bien d'accord, que ce soit si peu de chose que d'empescher vne equiuoque, @d'autant que@, auec vne apostrophe voulant di- re toute autre chose, comme chacun sc#ait, que @dautant que@, ainsi orthographie/. Quand je diray donc, @d'autant que je suis heureux d'vn co- ste/, je suis malheureux de l'autre@, en l'escriuant ainsi, ce @d'autant que@, est vn terme de compa- raison entre le bonheur que j'ay d'vn coste/ & le malheur que j'ay de l'autre; C'est pourqouy si je veux dire @d'autant que@, pour @parce que@, & que j'y mette vne apostrophe, ceux qui liront @d'autant que je suis heureux d'vn coster/@, ne sc#au-

ront en quel sens le prendre, sans estudier ce qui va deuant & ce qui va apres pour s'en es- claircir. Sur quoy il faut alleguer l'Oracle de Quintilien fulminant contre les equiuoques, quels qu'ils soient sans exception, & prier le Lecteur de s'en vouloir ressouuenir en tous les endroits de ces Remarques, ou\ ce vice est condame/. @Vitanda@, dit-il, @in primis ambiguitas, non haec solu\m de cujus genere supra\ dictum est, que incertum intellectum facit, vt Chremetem audiui percussisse Demean; sed illa quoque, quae eriamsi turbare non potest sensum, in idem tamen verborum vitium incidit, vt si quis dicat visum a\ se hominem li- brum scibentem; nam etiamsi librum ab homine scribi pateat, male\ tamen composuerat, fecera/t que ambiguum quantu\m in ipso fuit.@ PEu de gens prennent garde s'ils ne sont versez en la lecture des bons Autheurs. Example, @il recompensa ceux de ses seruiteurs qui l'auoient bien serui.@ Ie dis que quand on ne veut pas parler generalement de tous, mais de quelques-vns seulement qui font partie du tout, comme en cet exemple, il faut necessaire- s'expliqueroit pas; Car si pour exprimer ce-

la, on dit simplement, @il recompensa ses seruiteurs qui l'auoient bien serui@, qui ne voit que cette ex- pression est defectueuse, & que l'on ne dit pas ce que l'on veut dire, puis que l'on pretend faire vne restriction du general, c'est a\ dire, re- streindre la recompense a\ ceux des seruiteurs seulement qui ont bien serui, & que neant- moins en disant @il recompensa ses seruiteurs, qui l'auoient bien serui@, on entendra qu'il recom- pensa tous ses seruiteurs qui tous l'auoient bien serui? Il n'est pas besoin de donner des exemples de cet vsage, ils sont frequens dans Amyot, & dans tous nos bons Autheurs an- ciens, & modernes. Mais outre que cette fa- c#on de parler est necessaire pour exprimer de semblables choses, elle a encore fort bonne grace, & est bien Franc#oise. QVand on a dit, @quiconque@, il ne faut pas dire @il@, apres, quelque distance qu'il y ayt entre-deux, par exemple @quiconque veut viure en homme de bien & se rendre heureux en ce monde & en l'autre, doit, & non pas il doit.@ TOus ces adjectifs qui ont deux termi- naisons en @el@, & en @eau@, selon qu'ils sont

suiuis d'vne voyelle ou d'vne consone, com- me @bel, & beau, nouuel & nouueau@, ne prennent pas leur terminaison @el@, indifferemment de- uant toutes sortes de mots qui commencent par vne voyelle, mais seulement deuant les substantifs, ausquels ils sont joints, par exem- ple @vn bel homme@, est bien dit, mais si l'on di- soit, @il est bel en tout temps@, il ne vaudroit rein, il faut dire @beau en tout temps.@ Ainsi l'on dit @nou- uel an@, & l'on ne dit pas @nouuel a\ la Cour@, pour dire @vn homme nouueau a\ la Cour.@ Cette reigle n'a point d'exception que je sc#ache. Deuant l'@h@consone, on le met comme deuant les au- tres consones, @beau harnois@, & non pas @bel harnois.@ CE terme, du temps de M. Coeffeteau, & plusieurs anne/es apres sa mort, a este/ en grand vsage parmy les bons Autheurs, pour dire @au reste@, mais il a vieilli depuis peu, & ceux qui escriuent purement, ne s'en ser- uent plus. I'ay tousjours regret aux mots & aux termes retrenchez de nostre langue, que l'on appauurit d'autant, mais sur tout jere- grette ceux qui seruent aux liaisons des perio- des, comme celuy-cy, parce que nous en a- uons grand besoin, & qu'il les faut varier.

TOus deux sont bons, mais @bizarre@ est tout a\ fait de la Cour, en quelque sens qu'on le prenne. Aussi la prononciation de @bizarre@, auec vn @z@, est beaucoup plus douce & plus agreable, que celle de @bigearre@, auec le @gea@; M. Coeffeteau a tousjours escrit @bizarre.@ les Espagnols disent aussi @bizarro@, mais ce mot signifie parmy eux @leste & braue@, ou @ga- lant.@ En Franc#ois selon la raison, il faudroit dire @bigearre@, parce que @bigearre@ vient de @bi- garrer, & bigarrer@, selon quelques-vns, vient de @bis variare.@ IE doutois si j'en ferois vne Remarque, mon dessein n'estant que d'en faire sur les choses, qui sont tous les jours en question & en dispute, mesme parmy les gens de la Cour, & nos meilleurs Escriuains. Il ne me sembloit pas que celle-cy deust estre mise en ce rang, comme en effet, il n'y a gueres de personnes qui ayent tant soit peu de soin d'apprendre a\ bien parler & a\ bien escrire, qui ne sc#achent ce que je vais remarquer. Neantmoins ayant considere/, que dans la plus part des Prouin- ces, on y manque, & que parmy ce nombre infini d'Escriuains qui sont en France, il y en

a vne bonne partie, qui n'y prennent pas gar- de, j'ay juge/ cette Remarque necessaire. Au nominatif, & a\ l'accusatif @de@, se met deuant l'adjectif, & @des@ deuant le substantif, par exemple on dit, @il y a d'excellens hommes, & il y a des hommes excellens, ce pays porte d'excellens hommes, & porte des hommes excellens@, & non pas @il y a des excellens hommes@, ny @il y a d'hom- mes excellens@, & ainsi de l'autre. C'est vne rei- gle essentielle dans la langue. I'ay dit que c'e- stoit au nominatif & a\ l'accusatif, qu'elle auoit lieu, parce qu'au genitif & a\ l'ablatif, il n'en va pas ainsi; Car on dit @la gloire des excellens hommes, & on l'a despou%ille/ des belles charges qu'il possedoit.@ QVelques-vns, & mesmes a\ la Cour, di sent @encliner@, au lieu d'@ineliner@, fondez sur ce que l'on dit @enclin.@ Mais il ne s'ensuit pas que l'on doiue dire @encliner.@ En matiere de langues, il n'y a point de consequence en- tre le mot forme/ & celuy dont il se forme, comme par exemple on dit @ennemy@, auec vn @e, & inimitie/@, auec vn @i, entier, & integrite/, parfait, & imperfection@, & ainsi de plusieurs au- tres. M. Coeffeteau a tousjours escrit @encli- ner@, & M. de Malherbe aussi, en quoy ils n'ont pas este/ suiuis, par ce que presque tout le mon- de dit & escrit, @incliner.@

M Coeffeteau & plusieurs autres bons Autheurs encore apres Amyot, se seruent ordinairement de ce mot en mauuai- se part, & disent, @accueilly de la tempeste, accueil- ly d'vne fie/ure, accueilly de la famine, accueilly de toutes sortes de malheurs.@ Il y a quelques en- droits en France, particulierement le long de la riuiere de Loire, ou\ l'on vse de cette fa- c#on de parler. Mais elle n'est pas si ordinai- re a\ la Cour. On s'en sert plustost en bonne part, & l'on dit par exemple, @il a este/ accueilly fauorablement. Accueil@, ne se dit jamais aussi qu'en bonne part, si l'on n'y ajouste, @mau- uais.@ CE mot deuant vn infinitif pour deno- ter vne action presente & continue%, est Franc#ois, mais bas, il n'en faut jamais vser dans le beau stile. Exemple, M. de Malherbe parlant de certains vers dit, @Ie suis apres de les acheuer@, & en vn autre endroit, @la nature est tousjours apres a\ produire de nouueaux hommes@, & encore, @il estoit apres de faire que dans peu de temps il seroit son allie/.@ Il en a vse fort souuent, tantost auec la particule @de@, tantost auec la preposition @a@, & tantost aussi sans verbe en

suite, comme quand il dit, @les liures n'en appren- nent rien, je m'asseure que les Q, que vous me dites estre apres, en sc#auent aussi peu.@ @SE condouloir auec quelqu'vn de la mort d'vne personne, ou de quelque autre malheur@, est fort bien dit, & nous n'auons point d'autre terme en nostre langue pour exprimer cet office de charite/, ou de ciuilite/, que la misere humaine rend si frequent dans le monde. M. de Malherbe a dit, @rendre des deuoirs de con- doleance@, mais cette fac#on de parler n'est plus du bel vsage, & @condoleance@, semble aujour- d'huy vn estrange mot. COmmenc#ons par le dernier; @comme quoy@, est vn terme nouueau, qui n'a cours que depuis peu d'anne/es, mais qui est tellement vsite/, qu'on la a\ tous pro- pos dans la bouche. Apres cela, on ne peut pas blasmer ceux qui l'escriuent, mesme a\ l'e- xemple d'vn des plus excellens & des plus ce- lebres Escriuains de France, qui s'en sert d'or- dinaire pour @comment, comme quoy@, dit-il, @n'estes- vous point persuade/@, pour dire, @comment n'estes-

vous point persuade/?@ Mais pour moy, j'aimerois mieux dire, @comment@; selon cette reigle gene- rale, qu'@vn mot ancien, qui est encore dans la vigueur qu'vn tout nouueau, qui signifie la mesme chose.@ Ces mots qui sont de l'vsage ancien & moderne tout ensemble, sont beaucoup plus nobles & plus graues, que ceux de la nouuelle marque. Quand je parle des mots, j'entens aussi parler des phrases. Ce n'est pas que je ne me voulusse seruir de @comme quoy@, qui a souuent bonne gra- ce, mais ce ne seroit gueres que dans vn stile familier. @Comment, & comme@, sont deux, & il y a bien peu d'endroits, ou\ l'on se puisse seruir in diffe- remment de l'vn & de l'autre. Il est certain que par tout ou\ l'on a accoustume/ de dire, @comme quoy@, on ne peut faillir de dire, @comment@, au lieu que si l'on disoit, @comme@, ce pourroit bien estre vne faute. On peut pourtant dire quel- quefois, @comme, & comment@, par exemple, @vous sc#auez comme il faut faire, & comment il faut faire.@ M. de Malherbe disoit tousjours, @comme@, en quoy il n'est pas suiui; car il n'y a point de dou- te que lors que l'on interroge, ou que l'on se sert du verbe, @demander@, il faut dire, @comment@, & non pas @comme.@ Ce seroit fort mal dit, @deman- dez luy comme cela se peut faire@, mais @demandez- luy comment, & comme estes-vous venu@, au lieu de

dire, @comment estes-vous venu?@ & ainsi des au- tres. ON dit @guere, & gueres@, auec @s@, & sans @s. de naguere@, ou @de nagueres@, commence a\ vieillir, & l'on dit plustost, @depuis peu@, comme @qui estoit arriue/ depuis peu@, au lieu de dire, @qui estoit de nagueres arriue/@, ansi que M. Coeffe- teau & plusieurs autres ont accoustume/ d'es- crire, mais on peut fort bien dire, @qui estoit na- gueres arriue/@, sans dire, @de nagueres. Nagueres@ se doit orthographier de cette fac#on en vn seul mot, & non pas @n'a-gueres@, auec les marques de son origine & de la composition. CE mot est barbare, s'il en fut jamais, & neantmoins il est tous les jours dans la bouche & dans les escrits d'vne quantite/ de gens qui font profession de bien parler & de bien escrire. Ce seroit estre peu officieux de n'en faire pas vne remarque, & de ne pas declarer que @compagne/e@, en quelque sens qu'on le prenne, ne vaut rien, & qu'il faut tousjours dire, @compagnie.@ Ie n'ay peu m'imaginer ce qui a donne/ lieu a\ vne faute si grossiere, si ce n'est

le verbe, @accompagner@, qui dans le commerce ordinaire de la societe/ ciuile, a son plus grand vsage a\ l'infinitif, & au preterit, ou\ il fait son- ner l'@e@, comme quand on dit, @il le faut accom- pagner, il l'est alle/ accompagner, je l'ay accompagne, il m'a accompage/.@ En effet, si l'on y prend gar- de, on trouuera qu'on se sert cent fois de ces deux mots, & encore d'vn troisiesme, qui est le participe passif @accompagne/@, pour vne fois ou deux, que l'on dira @accompagnoit@, ou @accom- pagna@, ou quelque autre temps qui ne termi- ne/ pas en @e.@ Car @accompagne@, encore que l'@e@ en soit feminin, ne laisse pas de contribuer aussi bien que le masculin a\ la corruption du mot, & d'estre cause auec quelque vray-semblan- ce que l'on a dit, @compagne/e@, pour @compagnie.@ Ie ne sc#ay si le nom feminin @compagne@, n'y a point encore ay de/; Il y a quelque plaisir mesle/ d'vtilite/, de considerer les voyes & la naissan- ce d'vne erreur, & quand on a releue/ vne per- sonne, encore est-on bien aise de voir ce qui l'a fait tomber. @Bienfaiteur@, est le meilleur, c'est comme il faut escrire, & comme il faut pronon- cer. @Bienfaicteur@, auec @le c@, passe encore, pour- ueu qu'on ne prononce pas le @c@, mais @bienfa-

cteur@, selon l'opinion des plus delicats, ne vaut rien, quoy que plusieurs disent ainsi; l'on dit @malfaiteur, & malfaicteur@, sans prononcer le @c@, & non pas @malfacteur.@ TOus deux sont bons, mais @bestail@, est beaucoup meilleur. Il semble que @be- stial@ est plus dans l'vsage de la compagne, & que l'autre est plus de la ville & de la Cour. CE verbe a trois regimes differens pour vne mesme signification, on dit @eschap- per d'vn grand danger, & eschapper vn grand dan- ger@, qui est plus elegant que l'autre, & l'on dit aussi, @eschapper aux ennemis, eschapper aux embus- ches@, qui est encore vne fort belle fac#on de parler. CEst vne phrase qui est fort familiere a\ M. de Malherbe, il est vray qu'@il n'est@, pour @il n'y a@, est beaucoup meilleur & plus en vsage, que @il est@, pour @il y a@, en l'affirmatiue. Par exemple, @il n'est point d'homme si stupide, qui ne re- connoisse vne diuinite/@, est bien meilleur, que de

dire, @il n'y a point d'homme si stupide.@ Mais si je di- sois, @il est des herbes si venimeu ses, qu'elles font mou- rir subitement@, a\ mon auis je ne dirois pas si bien que si je disois, @il y a des herbes, &c.@ Il faut re- marquer, que l'on ne dit pas tousjours, @il n'est@, pour @il n'y a@; car l'on ne dira pas, @il n'est qu'vn an@, pour dire, @il n'y a qu'vn an@, ny @il n'est que deux personnes@ pour dire, @il n'y a que deux personnes.@ On le dit seulement, ou quand il est suiui de @point@, comme en l'exemple que nous auons donne/, @il n'est point d'homme si stupide@, ou quand il est suiui de la conjonction @que@, jointe a\ la preposition @de@, auec vn infinitif, comme, @il n'est que de seruir Dieu@, ou auec @rien de@, comme @il n'est rien de tel que de, &c.@ quoy qu'il semble qu'a\ l'esgard de la phrase, ce ne soit qu'vne mesme chose de dire, @il n'est que de seruir, & il n'est rien de tel que de seruir.@ Voyla ses trois princi- paux vsages. Il y a grande apparence, que c#'ont este/ nos Poe%tes, qui pour euiter la rencontre des voyelles, ont introduit, ou du moins con- firme/ l'vsage de ces fac#ons de parler, si neces- saires en vne infinite/ de rencontres. ON ne se sert pas seulement de ce mot pour signifier celuy qui a tue/ son pere,

comme la composition du mot le porte, mais pour tous ceux qui commettent des crimes enormes & desnaturez de cette espece, telle- ment qu'on le dira aussi bien de celuy qui aura tue/ sa mere, son Prince, ou trahi sa patrie, que d'vn autre qui auroit tue/ son pere; car tout cela tient lieu de pere. Il y en a mesmes qui s'en ser- uent pour vn frere, ou pour vne soeur; car ceux qui disent @fratricide@ parlent mal, & compo- sent vn mot qui n'est pas Franc#ois. Ainsi l'on dit @patrimoine@, du bien mesme, qui vient du co- ste/ de la mere. Il n'est pas question de s'atta- cher a\ l'origine de @parricide@, pour ne s'en ser- uir qu'au pere, l'vsage l'a estendu a\ tout ce que je viens de dire. M Coeffeteau a tousjours dit @cupidi- te/@, & jamais @conuoitise.@ M. de Mal- herbe en vsoit aussi, mais aujourd'huy je ne vois plus aucun de nos bons Escriuains qui en vse, ils disent tous @conuoitise, vne trop grande conuoitise de regner.@ @IL ne tient qu'a\ luy@, dit quelqu'vn de nos meilleurs Escriuains, @qu'il ne conquere toute la

terre.@ Ie ne crois pas que ce mot soit bon en ce temps-la\. Le verbe @conquerir@, est anomal, & quand il se conjugueroit au temps dont est @conquere@, il me semble qu'il faudroit dire @con- quiere@, parce que ce verbe prend l'@i@, en quelques endroits de sa conjugaison, comme nous di- sons @conquerons, conquerez, conquierent@, & non pas @conquerent.@ IL faut dire @portrait@, & non pas @pourtrait@ auec vn @u@, comme la plus part ont accou- stume/ de le prononcer, & de l'escrire. Il est vray qu'on a fort long-temps prononce/ en France l'@o@ simple comme s'il y eust eu vn @u@ apres, & que c'eust este/ la diphthongue @ou@, comme @chouse@, pour @chose, fousse/@, pour @fosse, ar- rouser@, pour @arroser@, & ainsi plusieurs autres. Mais depuis dix on douze ans, ceux qui par- lent bien disent @arroser, fosse/, chose@, sans @u@, & ces deux particulierement, @fousse/, & chouse@, sont deuenus insupportables aux oreilles delicates. Les Poe%tes sont bien aises que l'on ne pro- nonce plus @chouse@, parce qu'encore que la rime consiste principalement en la prononciation, si est-ce qu'ils n'ont jamais fait rimer @chouse@, par exemple auec @jalouse@, mais tousjours auec les mots terminez en @ose@, comme @rose@, telle-

ment que toutes les fois que @chose@ finissoit le vers & faisoit la rime, s'il estoit employe/ le premier, & que @rose@, ou quelque autre mot de cette terminaison s'ensuiuist, le Lecteur ne manquoit jamais de prononcer @chouse@, qui ne rimoit pas apres auec @rose@, & cela estoit egale- ment importun au Lecteur & au Poe%te. Toute la Cour dit @filleul, & filleule@, & toute la ville @fillol, & fillole.@ Il n'y a pas a\ deliberer si l'on parlera plustost comme l'on parle a\ la Cour, que comme l'on parle a\ la ville. Mais outre que l'vsage de la Cour doit preualoir sur celuy de l'autre sans y cher- cher de raison, il est certain que la diphton- gue @eu@, est incomparablement plus douce que la voyelle @o@; c'est pourquoy les Courtisans qui vont tousjours a\ la douceur & a\ la beaute/ de la prononciation, en quoy consiste vn des principaux auantages d'vne langue, disent bien plustost @filleul@, que @fillol.@ Et je m'asseure que si l'on proposoit a\ qui que ce fust qui ne le sceust pas, & qui eust l'oreille bonne, de deui- ner lequel des deux est de la Cour, ou de la ville, il n'hesiteroit point a\ dire, qu'indubita- blement @filliol@ doit estre de la ville, & @filleul@, de la Cour.

PAr exemple, @ils estoient pour auoir encore pis@, dit vn de nos plus fameux Escriuains, c'est a\ dire, @ils couroient forune d'dauoir encore pis.@ Il est certain que cette fac#on de parler est tres- Franc#oise, mais basse. On s'en sert encore en vn autre sens, qui n'est pas si vsite/, ny si bon, comme @je suis pour soustenir cette proposition@, ainsi que l'a escrit vn de nos Autheurs modernes, c'est a\ dire, @j'ose soustenir@, ou @j'oseray soustenir cet- te proposition.@ LE verbe substantif @estre@, ne se doit jamais mettre en aucun de ses temps deuant le nom qui le regit. Par exemple, @& fut son auis d'autant mieux receu@; il faut dire, @& son auis fut d'autant mieux receu.@ Il ne faut pas dire non plus, @estant les brou%illarts si espais@, mais @les brou%il- larts estant si espais.@ I'ay fait cette remarque a\ cause que l'vn de nos plus celebres Escriuains parle ordinairement ainsi, & il ne le faut pas imiter en cela, c'est escrire a\ la vieille mode. BEaucoup de gens disent, @le date d'vne let- tre, voyons le date@, il faut dire @la date@; car il

est tousjours feminin, & les epithetes ordinai- res de ce mot le font voir clairement; car on dit @de fraische date, de nouuelle date, de vieille date@, & jamais @de frais date, de nouueau date, de vieux date@, qui seroient insupportables. Il faut escrire @da- te@, auec vn seul @t@, venant du Latin, @datum@, ou @data, supple, epistola@, & pour le distinguer en- core du fruit du palmier qu'on appelle @datte@, & qui est aussi feminin. QVoy qu'en parlant il semble que l'on ne fait jamais ce mot que de deux syl- labes, si est-ce qu'il est tousjours de trois, & qu'il n'est pas mesme permis en vers de ne le faire que de deux. Tousjours @seurete/@, & jamais @seurte/.@ Mais outre que la prononciation, qui ne le fait paroistre que de deux syllabes, est capa- ble de tromper, on le peut estre encore par l'a- nalogie de plusieurs autres noms, qui ne sont que de deux, comme @clarte/, cherte/, fierte/, & c.@ Neantmoins @seurete/@, n'est pas tout a\ fait sans exemple; car nous disons @purete/@, & non pas @purte/.@ CEtte particule est tres-commode & de tres-grand vsage en nostre langue.

C'est vn mot indeclinable, qui conuient a\ tout genre, & a\ tout nombre, & qui s'accom- mode auec toutes sortes de choses sans exce- ption, ce que ne fait pas @quoy@, comme vous verrez en son lieu. Il se met au lieu du genitif & de l'ablatif pour @duquel, & de laquelle@, ou @des- quels, & desquelles@, comme @l'homme@, ou @la femme dont j'ay espouse/ la fille, les hommes & les femmes dont je vous ay parle/.@ On s'en sert encore pour @dequoy@, comme @ce dont je vous ay parle/.@ Mais il faut prendre garde de n'en pas abuser, a\ cause qu'on en a souuent besoin; I'appelle abuser, en vser trop frequemment; Car il n'est pas croyable comme ce mot tout monosyllabe qu'il est, ne laisse pas de blesser la veue%, ou l'ou%ye, quand il est repete/ trop souuent en vne mesme page. Quelques-vns disent encore @dont@, pour d'@ou\@, comme @le lieu dont je viens@, mais c'est tres-mal parler, il faut dire @d'ou\ je viens@, quoy que ce fust sa vraye & sa premiere signification; car @dont@, vient de @vnde.@ On dit neantmoins @la ra- ce@, ou @la maison dont il est sorti@, mieux que @D'ou\ il est sorti@, qui toutefois est bon. En cet exemple @dont il est sorti@, veut dire, @de laquelle il est sorti.@ Il y en a qui font scrupule de se seruir de ce mot dans la situation ou\ vous l'allez voir en cet exemple. @C'est vn homme dont l'ambition ex- cessiue a ruine/ la fortune@, quoy qu'icy il se rap-

porte a\ @homme@, comme signifiant @duquel@, neantmoins il a encore vn autre rapport a\ ce qui suit aussi bien qu'a\ ce qui precede, & ils di- sent que ce n'est pas parler nettement, parce que @dont@, estant proche d'@ambition@, il semble qu'il s'y rapporte, & toutefois cela n'est pas, car il se rapporte, a\ @fortune@, & qu'ainsi ne soit, rapportez-le a\ @ambition@, vous trouuerez que le sens sera imparfait, & que @fortune@, demeurera vn mot indefini, sans que l'on ayt fait enten- dre de la fortune de qui l'on parle. Cependant la pluspart de nos meilleurs Escriuains & en prose & en vers n'en font nulle difficulte/, tous leurs escrits en sont pleins, je n'en donneray qu'vn exemple de M. de Malherbe, @Que peut la fortune publique Te vou%er d'assez magnifique, Si mise au rang des immortels, Dont la vertu suit les exemples, Tu n'as auec eux dans nos temples Des images & des Autels?@ Ce @dont@, ne se rapporte pas a\ @vertu@, qui est pro- ehe, mais a\ @exemples.@ C'est pourquoy je l'ay appelle/ scrupule, & neantmoins j'ay trouue/ a\ propos de le proposer icy, afin qu'on y prenne garde, & que chacun en vse selon son juge- ment. Pour moy je voudrois autant qu'il se pourroit euiter cette equiuoque, sans que pourtant je la voulusse condamner.

IL y a long-temps que l'on vse de ce mot, mais ce n'est pas dans le bel vsage; Ceux qui font profession de parler & d'escrire pure- ment, l'ont tousjours condamne/, & quoy que l'on ayt fait pour l'introduire, c#'a este/ auec si peu de succez, qu'il y a peu d'apparence qu'il s'establisse a\ l'auenir. On dit @affectionner, cau- tionner, proportionner@, & quelques autres sem- blables, mais ce n'est pas a\ dire que l'on puis- se par analogie former des verbes de tous les noms terminez en @ion@, comme d'@affection@, on a fait @affectionner@, & de @caution, cautionner, &c@, Il y en a qui se disent au participe passif, dont le verbe n'est point vsite/ que parmy ceux qui n'ont aucun soin de la purete/ du langage. Par exemple on dit, @passionne/@, qui est vn tres-bon mot, mais @passionner@, actif est vn tres-mauuais, comme quand on dit @passionner quelque chose@, pour dire @aimer ou desirer quelque chose auec pas- sion.@ En neutre passif @se passionner@, est excel- lent. On dit aussi @intentionne/@, & jamais @inten- tionner@, comme @mentionne/, conditionne/@, & jamais @mentionner, conditionner@, si ce n'est au Palais. Mais pour @ambitionner@, il est si mauuais, que mesme il ne vaut rien au participe, & que ceux qui re- jettent le verbe, rejettent aussi @ambitionne/.

CE sont deux choses differentes, que l'on a accoustume/ de confondre, & que les Latins appellent diuersement, car @fond@ sans @s@, se dit en Latin @hoc fundum, & fonds@ auec vn @s, hic fundus, fond@ sans @s@, est la partie la plus basse de ce qui contient, ou qui peut contenir quel- que chose, comme @le, fond du tonne au, le fond du verre, le fond de la mer, le fond d'vn puis.@ Les La tins selon l'opinion de Valla ne disent @fun- dum@, proprement que de la plus basse partie de ce qui contient ou qui peut contenir quelque chose de liquide; mais en Franc#ois @fons@, a vne plus grande estendue%, & se dit aussi bien des autres chose, qui ne sont pas liquides; car nous disons @le fond d'vne tour, le fond d'vn sac, le fond d'vne poche, le fond d'vn chapeau, &c. Fonds@ auec @s@, est proprement @la terre qui produit les fruits propres a\ la nourriture de l'homme ou des ani- maux@; mais cette signification s'estend figure- ment a\ @tout ce qui rapporte du profit@, & a\ beau- coup d'autre choses encore, qu'il n'est pas a\ propos de dire icy: Il suffit d'auoir fait remar- quer la difference des deux, afin que desor- mais on sc#ache quand il faut mettre l'@s@, ou quand il ne la faut pas mettre, par exemple il faut dire, @de fond en comble@, & non pas @de fonds en comble@, parce que @fond@, en cet endroit est la

plus basse/ partie de l'edifice oppose/e a\ @comble@, qui est la plus haute. On dit aussi @au fond, & venir au fond@, & non pas @au fonds@, parce qu'on entend parler, de la derniere partie que l'on at- teint apres auoir penetre/ tout le reste. Mais on dira, @il a vint mille liures de rente en fonds de terre@, auec vne@s@, & non pas @en fond de terre@, sans @s.@ Et de mesme dans le figure/ @il n'y a point de fonds, il faut faire vn fonds, &c.@ il faut dire @fonds@, & non pas @fond@, parce que ce @fonds@ la\ vient de @fundus@, serue/ l'@s@, au propre & au figure/ du mot qui vient de @fundus@, & ne l'ayant pas receue% en ce- luy qui vient de @fundum@, comme il n'y en a point au Latin. PAr exemple, @il a fait tant & de si belles actions.@ Cette fac#on de parler a este/ fort vsite/e autrefois par les meilleurs Escriuains, mais aujourd'huy elle a je ne sc#ay quoy de vieux & de rude, & ceux qui escriuent bien purement nes s'en seruent plus. Ils se conten- tent de dire @il a fait tant de belles actions@, qui est incomparablement plus doux, & qui com- prend & la quantite/ & la qualite/ des actions, aussi bien que si l'on disoit, @il a fait tant & de se belles actions@, car encore que l'on ne mette pas

@si@, auec @belles@, on ne laisse pas d'exprimer suffi- samment ce que l'on veut dire. Quelques-vns neantmoins croyent que dans le genre subli- me cela fait tout vn autre effet, de dire @tant & de si belles actions@, que si l'on disoit simplement @tant de belles actions@; mais plusieurs ne sont pas de cet auis, sur tout en escriuant; car en par- lant, c'est vne autre chose, & je sens bien que la prononciation luy peut donner quelque emphase. AV singulier, @quoy que l'on die@, est fort en vsage, & en parlant, & en escriuant, bien que @quoy que l'on dise@, ne soit pas mal dit; Mais @quoy qu'ils dient@, au pluriel ne semble pas si bon a\ plusieurs que @quoy qu'ils disent@, je vou- drois vser indifferemment de l'vn & de l'au- tre. Il y en a qui disent @quoy que vous diiez@, pour dire, @quoy que vous disiez@, mais il est insup- portable. CE verbe @bailler@, a vieilli, & l 'on ne s'en sert plus en escriuant que fort rarement. On dit tousjours @donner@, au lieu @de bailler@, si ce n'est en certains endroits, comme quand on dit @bailler a\ ferme@, ou bien lors que l'on a

estre/ contraint de se seruir souuent de @donner@, & que l'on est encore oblige/ de le repeter; M. de Malherbe l'a prefere/ vne fois a\ @donner@. @Telle que nostre siecle aujourd'huy vous regarde Merueille incomparable en toute qualite/, Telle je me promets de vous bailler en garde Aux fastes eternels de la posterite/.@ I'ay ou%y dire a\ l'vn des plus beaux esprits de ce temps vne assez plaisante chose, que ce qui luy a fait hair premierement ce mot de @bail- ler@, c'est vn de ses amis, qui ayant heurre/ a\ vne porte d'vn logis, ou\ il y auoit assemble/e, de- manda a\ celuy qui luy vint ouurir, @baille-t-on le bal ceans?@ Ie dis cecy pour faire voir le mauuais effect de ce mot employe/ au lieu de @donner@. Outre que je suis bien aise de forti- fier cette Remarque du sentiment d'vne per- sonne qu'on peut nommer vn des Oracles de nostre langue, aussi bien que de la Grec que & de la Latine; & chez qui les Muses & les Gra- ces,qui ne s'accordent pas tousjours, sont parfaitement vnies. Voicy vn exemple d'vne construction estrange, ou\ le genitif regit le ver- be; On dira que @ce peu@, est vn terme colle- ctif, qui par consequent a le sens du pluriel

& qu'ainsi il ne faut pas s'estonner s'il regit le pluriel; mais nous auons remarque/ ailleurs, qu'encore que le nominatif singulier soit vn mot collectif, neantmoins il ne regira pas le pluriel si le genitif n'est pluriel, comme @la plus part sont, la plus part des hommes font, & la plus part du monde fait, vne infinite/ de gens sont entrez, & vne infinite/ de monde est entre/@. D'ordinaire apres @ce peu@, si le genitif est pluriel, il faut que le verbe soit pluriel aussi, mais si le genitif est singulier, il faut que le verbe soit singulier aussi, comme @ce peu de sel sussira@. Quelque fois auec le genitif pluriel, on met le verbe au sin- gulier, comme @ce peu d'exemples sussira@, mais ce- la se fait rarement, & il est bon de l'euiter. Plusieurs ne peuuent comprendre, com- ment ces pronoms possessifs, qui sont masculins, ne laissent pas de se joindre auec les noms feminins, qui commemcent par vne voyelle; car on dit @mon ame, mon enuie, mon incli- nation, &c@. & ainsi des autres deux @ton, & son@. Quelques-vns croyent qu'ils sont du genre commun, seruant tousjours au masculin, & quelque fois au feminin, c'est a\ dire a\ tous les mots feminins qui commencent pas vne voy-

elle, afin d'euiter la cacophonie que feroient deux voyelles, comme @ma ame, ma enuie, ma in- clination, &c@. venant a\ se rencontrer. On dit pourtant, @ma'amie, & m'amour@, en termes de ca- resses,mais ce n'est qu'en ces deux mots, que je sc$ache, & en certaines occasions qu'on parle ainsi; car on ne dira point @vne telle estoit fort m'amie@, mais @estoit fort mon amie@, ny @m'amour est constante@, pour dire @mon amour est constante@. D'autres soustiennent que ces pronoms sont tousjours masculins, mais qu'a\ cause de la ca- cophonie on ne laisse pas de les joindre auec les feminins, qui commencent par vne voy- elle, tout de mesme, disent-ils, que les Espa- gnols se seruent de l'article masculin @el@, pour mettre deuant les feminins commenc$ans par vne voyelle, disant @el alma@, & non pas @la alma@ De quelque fac$on qu'il se face, il suffit de sc$a- uoir qu'il se fait ainsi, & il n'importe gueres, ou point du tout, que ce soit plustost d'vne maniere que de l'autre: Il faut ajouster ce mot pour l'@h@ consone, quoy que nous en ayons parle/ a\ plein fond dans la remarque de l'@h@, que comme lors qu'elle s'aspire, elle tient lieu d'vne veritable consone en tout & par tout sans exception, aussi deuant les noms femi- nins qui commencent par cette sorte d'@h@, il faut dire @ma@, & non pas @mon, ma haquenee, ma harangue@, & non pas @mon haquene/e@, & @mon ha-

tangue@, tout de mesme que l'on dit @ma femme@, & non pas @mon femme@, comme parlent les Es- trangers, qui apprennent nostre langue. Que si l'@h@ est muette, alors on dit @mon@, comme on a accoustume/ de dire tousjours deuant las voy- elles, cette @h@ n'estant conte/e pour rien, @mon heure@, & non pas @ma heure, son histoire@, & non pas @sahistoire@. Vne infinite/ de gens disent & escriuent, ie @vous iray asseurer de mes obei%ssances@. Cet- te fac$on de parler n'est pas Franc$oise, elle vient de Gascogne, il faut dire @obei%ssance@, au singulier, & jamais au pluriel, @je vous iray asseu- rer de mon obei%ssance@; car ce mot au singulier si- gnifie @& l'habitude, & tous les actes rei%terez de l'obei%ssance@. C'est ainsi qu'il faut dire, & non pas @le voyla qu'il vient@, car ce @qui@ est relatif a @le@, qui est deuant. Mais parce que dans le mascu- lin, l'oreille ne discerne pas aise/ment si l'on dit @le voyla qui vient@, ou @le voyla qu'il vient@, il faut donner vn exemple au feminin, qui ne per- mettra pas d'en douter. On dit donc aussi @la

voyla qui vient@, & non pas @la voyla qu'elle vient@. Ce dernier n'est point Franc$ois. On dit tout de mesme @le voyez-vous qui vient, la voyez-vous qui vient@, & non pas @qu'il vient@, ny @qu'elle vient@; mais il est a\ remarquer que pour @qui@, on ne dit jamais @lequel@, ny @laquelle@, en cet en droit, ny au singulier, ny au pluriel. On a repris, comme plusieurs sc$auent, cette fac$on de parler, @quand je ne serois pas vostre seruiteur comme je suis@, disant que ces derniers paroles @comme je suis@, sont inutiles, & qu'il suffit de dire @quand je ne serois pas vostre seruiteur@. Mais outre que l'Vsage authorise cette fac$on de parler, & que cette repetition a bonne grace, comme les repetitions l'ont souuent en nostre langue, il n'est pas vray que ces paroles la\ soient inutiles; car pour estre inutiles, il faudroit qu'on ne peust jamais dire @quand je ne serois pas vostre seruiteur@, que necessai- rement, & tacitement on n'entendist les pa- roles suiuantes @comme je suis@. On est-il que cela est faux, parce qu'apres ces paroles, @quand je ne serois pas vostre seruiteur@, tant s'en faut qu'il faille necessairement sous-entendre les autres, qu'au contraire on peut dire, @comme je ne le suis pas@. Par exemple, vn homme dit a\ vn autre, @je

suis asseure/ que vous n'estes point mon seruiteur@, ou @mon amy@, & l'autre respond, @& quand je ne se- rois pas vostre seruiteur@, ou vostre @amy, comme en esset je ne le suis pas, me seroit-il impute/ a\ crime?@ Exemple, @il se rendit a\ vn tel lieu, vers ou\ l'ar- me/e s'auanc$oit@. Cette fac$on de parler, qui s'est introduite depuis peu, & qui com- mence a\ auoir cours, parce qu'elle est com- mode, n'est pas bonne; tant a\ cause de la trans- position de ces deux mots, que pour la nature de la preposition @vers@, qui ne regit jamais vn aduerbe, comme est @ou\@, mais tousjours vn nom, soit auec article, soit sans article, comme @vers Paris, vers l'Orient, vers la ville@. Nous auons pris ce @vers ou\@, des Italiens, qui disent @verso doue@. Ce verbe se met quelque fois auec @de@, & quelque fois sans @de@; & en certains lieux il est comme indifferent de le mettre ou de le laisser. Ie dis @comme indifferent@, parce qu'aux endroits ou\ l'on a le choix de l'vn ou de l'au- tre, il semble qu'il est tousjours mieux de le laisser. Par exemple on dit fort bien @la faueur qu'il vous a pleu me faire, & qu'il vous a pleu de me

faire, mais l'opinion la plus commune est que, @il vous a pleu me faire@, est beaucoup mieux dit. Ce seroit vne faute de ne mettre pas le @de@, aux phrases suiuantes, @il me plaist de fai%re cela, il me plaist d'y aller, il ne luy plaist pas d'y aller@; car on ne dira jamais @il me plaist faire cela@, ny @il me plaist y aller@, ny @il ne luy plaist pas y aller@. Et cependant il faut dire par exemple, @afin qu'il luy plaise me faire l'honneur de m'aimer@, & non pas @afin qu'il luy plai- se de me faire l'honneur de m'aimer@, non seulement a\ cause de la repetition de deux @de@, mais par la nature mesme du verbe, qui en cet endroit & en vne infinite/ d'autres semblables aime a\ se passer de cette particle; car nous disons tout de mesme, @afin qu'il luy plaise me faire cette grace@, quoy qu'il n'y ayt pas lieu de repeter deux fois @de@, il est vray que pour l'ordinaire on est oblige/ de se seruir de la pqrticule @de@, soit auec le nom, ou auec le verbe, comme @s'il luy plaisoit m'honorer de ses commandemens, s'il luy plaisoit me faire l'honneur de me commander@, tellement que si l'on mettoit encore vn @de@, apres le verbe @plaire@, cela seroit bien rude, & c'est peut-estre la cau- se, pour laquelle le plus souuent on n'y met point le @de@, parce que son plus grand vsage est en ces sortes de phrases. Et de fait lors qu'il n'y a pas lieu de mettre vn autre @de@, je remar- que qu'on le met apres @plaire@, comme @s'il vous plaist de m'ou%ir@, est fort bien dit, & je doute vn

peu que @s'il vous plaist m'ou%ir@, soit fort bon. Quant a\ ce qui est de ces phrases, @il me plaist de le faire, il me plaist d'y aller@, & autres de cette nature, ou\ le @de@, ne peut estre obmis, peut- estre que c'est pour la mesme raison, qui est qu'il n'y a point d'autre @de@, qui suiue. Mais je crois qu'on le peut encore attribuer a\ vne au- tre cause, a\ sc$auoir a\ la difference qu'il faut faire entre @plaire@, quand il signifie vne volonte/ absolue, comme quand on dit, @il me plaist de le faire, il me plaisoit d'y aller, & plaire@, quand on s'en sert en termes de ciuilite/, de respect, & de courtoisie, comme quand on dit, @s'il luy plai- soit me faire l'honneur, il luy a pleu me faire vne grace@; Car quand il exprime vne volonte/ ab- solue% il faut tousjours mettre @de@, & quand on l'employe par honneur, souuent on ne le met pas. Il est vray aussi que cette difference peut- estre ne procede que de ce qu'on ne repete point le @de@, apres l'vn, & qu'on le repete presque tousjours apres l'autre. Corriual, qui signifie proprement, com- me chacun sc$ait, vn concurrent en a- mour, & figure/ment vn competiteur en tou- te sorte de pour suite, est deuenu vieux, & n'est plus gueres en vsage. On ne dit plus que @riual@,

qui aussi est bien plus doux & plus court. Ainsi nos Poe%tes jusques au temps de M. Bertaut inclusiuement, ont dit @complaintes@, pour @plain- tes@, & ont intitule/ leurs @plaintes, Complaintes@. Cette fac$on de parler, quoy que fami- liere a\ vn de nos meilleurs Escriuains, n'est pas bonne, parce que la construction en est tres-mauuaise; Car il faudroit dire, @il s'est brusle/ & a brusle/ tous ceux qui estoient aupres de luy@, & il n'est pas question d'affecter la brie- uete, ny de craindre la repetition d'vn mot en de semblables occasions. Rien n'en peut dis- penser en celle-cy, & il est impossible que la construction du verbe passif puisse compatir auec celle du verbe actif, ny le verbe auxilaire @estre@, renir la place de l'autre verbe auxiliaire @auoir@, tant leurs fonctions & leurs regimes sont differens, ou pour mieux dire, opposez. Et neantmoins ceux qui escriuent selon l'e- xemple qui sert de titre a\ cette remarque, pe- chent contre tout cela. C'est ainsi qu'il faut dire & escrire, & non pas @demi heure@, ny @demie douzaine@, mais

il faut bien dire @vne heure & demie, vne douzai- ne & demie, vne lieue% & demie, &c@. Il faut escrire ainsi, & non pas @quelques@, auec vne @s@, parce que @quelque@, est la\ aduer- be & non pas pronom, & signifie @encore que@, ou proprement le quantumliber des Larims; neantmoins il faut remarquer qu'il n'est ad- uerbe qu'auec les adjectifs, comme en l'exem- ple propose/, & non pas auec les substantifs; car on ne dira pas @quelque perfections qu'il ayt@, mais @quelques perfections@, parce que la\ @quelques@, n'est pas aduerbe, mais pronom, & ainsi il prend l'@s@ au pluriel. Nous auons fait vne au- tre Remarque de @quelque@ aduerbe aussi en vne autre signification, qui est @enuirom@. Nous auons desja fait vne Remarque, pour asseurer qu'il faut dire pas exem- ple, @il acent mille escus vaillant@, & non pas @valant@, comme disent plusieurs, encore que l'on die @equivalent@, & non pas @equivaillant@. Mais j'ajou- ste icy, que l'on ne laisse pas de dire @valant@, en certain endroit, qui est quand on ne le met pas apres l'argent, mais deuant; comme @je luy ay

donne/ vingttableaux, valans cent pistoles la piece@, & non pas @vaillans cent pistoles la piece@, en quoy il faut admirer la bizarrerie de l'Vsage. Plusieurs manquent en cette phrase, les vns disant @a\ moins de faire cela@, & les autres @a\ moins que faire cela@, car ny l'vn ny l'autre n'est bon, quoy que le premier soit moins mauuais, il faut dire @a\ moins que de faire cela.@ Par exemple, @bien loin de m'auoir recompen- se/, il m'a fait mille maux@, est tres-bien dit, mais il y en a plusieurs, qui au lieu de parler ainsi, disent @loin de m'auoir recompense/, &c@. sans mettre @bien@, deuant @loin@. C'est vne faute en prose, ou\ il faut tousjours dire @bien loin@, & ja- mais @loin@, tout seul, mais en vers non seule- ment @loin@, tout seul se peut dire, mais il a bien meilleure grace que @bien loin@, qui seroit trop languissant & sentiroit trop la prose. On demande s'il faut dire @les jours cani- culiers@, ou @les jours caniculaires@. On dit

l'vn & l'autre, mais @Caniculaires@, est beaucoup meilleur, & tellement de la Cour, qu'on n'y peut souffrir @caniculiers@. Ceux qui croyent qu'il faut dire @caniculiers@, se fondent sur l'analogie de plusieurs mots Franc$ois qui ont la mesme terminaison, comme @singulier, regulier, seculier, particulier, escolier, &c@. qui viennent d'vn mot Latin termine/ en @aris, singularis, secularis, &c@. comme @caniculier@, vient de @canicularis@, mais ils ne prennent pas garde, que ceux qui disent @cani- culaires@, alleguent aussi l'analogie de plusieurs autres mots venans du Latin terminez en @aris@, qui prennent neantmoins leur terminaison en @aire@, comme @salutaris salutaire, militaris mili- taire, circularis circulaire, auricularis auriculaire, &c@. Mais quand le mot de @caniculier@, auroit toute l'analogie pour luy, @caniculaire@, ayant l'Vsage pour soy doit preualoir, parce que l'a- nalogie n'a lieu que la\ ou\ l'Vsage l'authorise, ou bien ou\ il ne paroist pas. Il faut escrire @gangreine@, auec vn @g@ au com- mencement, & non pas @Cangreine@, auec vn @c@, mais on prononce @cangreine@, auec vn @c@, & il est plus doux a\ cause qu'on euite la repe- tition des deux @g@. Nous auons beaucoup de mots en nostre langue, ou\ le vulgaire con-

fond ces deux lettres @c@, & @g@, par exemple il dit @segret@, pour @secret@, & @vacabond@, pour @vagabond@. Plusieurs a\ la Cour prononcent @exemple@, comme si l'on escriuoit @exemple@, auec vn @c@, apres l'@x@, mais ils sont vne faute; Car nous auons des mots, ou\ apres l'@x@, la voyelle suit immediatement, comme en ceux-cy @examiner, excent, exemple, exil, &c@ & d'autres ou\ apres l'@x@ on met vn @c@, comme a\ @excepter, exciter, &c@. Quand il y a vn @c@, il ne faut prononcer, mais quand il n'y en a point comme a\ @exemple@, on ne le prononce jamais, & outre que la raison le veut ainsi, c'est l'vsage le plus general, y ayant incomparablement plus de gens qui disent @exemple@, sans @c@, que de ceux qui disent @exemple@, auec vn @c@. Ces epithetes & quelques autres sembla- bles s'appliquent souuent en nostre lan- gue aux choses bonnes & excellentes, quoy qu'elles ne semblent conuenir qu'a\ celles qui sont tres-mauuaises & tres-pernicieuses. Par exemple on dit tous les jours, @Ila vne memoire essroyable, il fait vne despense horrible, il a vne hor-

rible grandeur@, quand on parlera d'vne chose ou\ @la grandeur@ est lou%ange, comme d'vn palais, d'vn parc, d'vn jardin, d'vne Eglise, &c. Et tant s'en faut que cette fac$on de parler soit mau- uaise, ny qu'il la faille condamner, qu'au con- traire elle est elegante, & a Ciceron mesme pour garent, qui dit en vne de ses lettres @ad At- ticum@, en parlant de Cesar, @horribili vigilantia, celeritate, diligentia@. Il veut lou%cer Cesar, & il dit que @sa vigilance, sa vistesse@, ou @sa promptitude, sa diligence est horrible@. Les vns disent, par exemple, @il faut faire cela pour eux, afin de les faire souuenir de, &c@. Et les autres disent, @il faut faire cela pour eux, afin de leur faire souuenir de, &c@. Mais il y a cette difference entre ces deux fac$ons de par- ler, que @leur faire souuenir@, est l'ancienne, qui n'est plus dans le bel vsage, & @les faire souuenir@, est la nouuelle, vsite/e aujourd'huy par tous ceux qui font profession de bien parler & de bien escrire. Ces trois pronoms ne se mettent plus dans le beau stile de la fac$on qu'on a- uoit accoustume/ d'en vser; par exemple, on di-

soit autrefois, comme le disent & l'escriuent encore aujourd'huy ceux qui n'ont pas soin de la purete/ du langage, @vn mien frere, vne tienne soeur, vn sien amy@. Mais on ne s'en sert plus ainsi, & si l'on demande comme il faut donc dire, on respond que s'il y a plusieurs freres, il faut dire, @vn de mes freres@, & s'il n'y en a qu'vn, @mon frere@, de mesme @vne detes soeurs@, ou @ta soeurs, vn de tes amis@, ou @ton amy@. Cet aduerbe n'est pas du bel vsage, il faut plustost dire @nomme/ntent@, les meil- leurs sont, @particulierement, principale- ment, sur tout, &c@. Selon la reigle il faudroit dire @Penitentiels@, car tous les noms dont les pluriels termi- nent en @aux@, se terminent en @al@, ou en @ail@, au singulier, comme @mal, maux, animal, animaux, brutal, brutaux, esmail, esmaux, ail, aux@. Or il est certain qu'on ne dit point @Penitential@, au sin- gulier, mais @penitentiel@, & par consequent il faudroit dire @penitentiels@, au pluriel, & non pas @penitentiaux@. Ce pendant l'Vsage veut que l'on die @penitentiaux, les pseaumes penitentiaux@, & non

@pas les pseaumes penitentiels@. C'est vne exception a\ la Reigle; je pense qu'elle est vnique. Il y a quelque plaisir a\ deuiner, ou a\ rechercher d'ou\ cela peut estre venu. C'est a\ mon auis de ce que l'on ne se sert point de ce mot, qu'en le joignant auec @pseaumes@, & tousjours au pl- riel @pseaumes penitentiaux@, car quand on veut parler d'vn seul pseaume de ce genre la\, on dit @vn des pseaumes penitentiaux@ & non pas @vn pseau- me penitentiel@, & asseure/ment si l'on disoit quel- quefois @vn pseaume penitentiel@, au singulier, on diroit aussi au pluriel @les pseaumes penitentiels@, mais parce qu'on ne le dit jamais qu'au plu- riel, & qu'on l'a pris du Latin @psalmi peniten- tiales@, on a traduit @penitentiales, penitentiaux@, a\ cause que le Latin porte a\ cette terminaison @aux@, par le moyen de @l'a@, qui y conduit a\ l'e- xemple d'vne infinite/ d'autres, qui finissant en Latin par @ales@, se terminent en @aux@, en Fran- c$ois, comme, @aquales egaux, animales animaux, riuales riuaux@. Ce n'est pas qu'il n'y ayt plu- sieurs mots aussi, qui venant du Latin termi- nez en @ales@, se traduisent en @els@, en Franc$ois, comme @mortales mortels, tales tels, &c@. Mais il suffit qu'il y en ayt d'autres, qui ayant @ales@ en Latin, ont @aux@ en Franc$ois. Mais il n'y en a point qui ayt @aux@, au pluriel qui n'ayt @al@, ou @ail@, au singulier. Il est a\ remarquer, qu'on pro- nonce @seaumes@, & non pas @pseaumes@.

Oratpoire, est tousjours masculin. Et cela est si certain, qu'il ne seroit pas besoin d'en faire vne remarque, si certains Autheurs approuuez n'y auoient manque/, en quoy tous les autres les condamnent. Mais @episode@, est masculin & feminin, quoy que plus souuent masculin. Tout Paris dit, par exemple, @cet homme cy, ce temps-cy, cette annee-cy@, mais la plus grand part de la Cour dit, @cet homme icy, ce temps icy, cette anne/e icy@, & trouue l'autre in- supportable, comme reciproquement les Pa- risiens ne peuuent souffrir @icy@, au lieu de @cy@. Ce qu'il y a a\ faire en cela, est ce me semble, de laisser le choix de l'vn ou de l'autre a\ celuy qui parle; bien que pour moy, je voudrois tous- jours dire @cet homme icy@, & non pas @cet homme- cy@, & ainsi des autres; Mais pour escrire, si ce n'est dans le stile le plus bas, comme dans la Comedie, l'epigramme burlesque, ou la saty- re, je ne voudrois jamais me seruir ny de l'vn, ny de l'autre: Et ce n'est pas vne reigle que je face moy-mesme, je ne pretens pas auoir cette authorite/, mais c'est vne remarque tire/e

des escrits de tous nos meilleurs Autheurs, qui ont tousjours euite/ vne locution si basse, & si populaire. En effet, @cet homme, ce temps, cette anne/e@, ne disent-ils pas toute la mesme chose sans y ajouster ny @cy@, ny @icy?@ Vne des plus elo- quentes pieces de nostre temps a este comme sou%ille/e de cette tache, s'y rencontrant par trois fois @en ce royaume-cy@, au lieu de dire sim- plement, @en ce royaume@. Cette particule n'est bonne qu'aux pronoms @celuy, & cettuy@ en tous leurs genres & en tous leurs nombres, com- me @celuy-cy, celle-cy, ceux-cy, celles-cy, cettuy-cy, cette-cy@, qui ont les mesmes pluriels que @celuy- cy, & celle-cy. Cettuy-cy@, commence a\ n'estre plus gueres en vsage. On demande s'il le faut faire masculin ou feminin. On respond qu'il est l'vn & l'autre, non pas indifferemment, mais selon la situation ou\ il est. Par exemple, M. Coeffe- teau & tous les bons Autheurs escriuent @les sainctes Ordres@, & cependant tout le monde dit, & escrit @les Ordres sacrez@, & non pas @sa- cre/es@. Cette bizarrerie n'est pas nouuelle en nostre langue, car nous disons tout de mesme, @ce sont de fines gens, & ces gens-la\ sont bien sins, & non pas @bien fines@.

Evesche/, estoit autrefois vn mot femi- nin, & Ronsard a dit, @& le dos empesche/ Sous le pesant fardeau d'vne bonne Euesche/@. Mais aujourd'huy on le fait tousjours mascu- lin. Il en est de mesme d'@Archeuesche/, vn bon Euesche/, vn grand Archeuesche/@. Pour @Duche/@, on le fait tantost masculin, tantost feminin, mais il me semble beaucoup plus vsite/ au mas- culin, & @Comte/@ de mesme, quoy que l'on die @la Franche-Comte/@. Ceux du pays ou\ elle est, ne sc$achant gueres bien nostre langue, peuuent l'auoir nomme/e ainsi. Ce n'est pas que quel- ques vns a\ la Cour & a\ Paris ne facent @Com- te/@, feminin, mais il est plus vsite/ au masculin, comme j'ay dit. La preposition @pres@, a deux regimes, le genitif & l'accusatif, car on dit @pres du fleuue, & pres le Palais royal@, mais celuy de ge- nitif est beaucoup meilleur, & plus en vsage. Neantmoins il y en a qui croyent, que @pres du Palais royal@ non seulement ne seroit pas si bien dit, mais seroit mal dit. Ie ne suis point de cet- te opinion, aussi n'est ce pas la plus commu-

ne. Il est bien vray, qu'enseignant vn logis a\ Paris, il est assez ordinaire d'ou%ir dire @pres la porte S.Germain, pres la porte S. Iaques, &@ c'est peut-estre pour abreger ce qui seroit plus long en disant @pres de la porte sainct Iaques@. Au moins il est tres-certain qu'@auec les personnes@, on le met tousjours au genitif,@ & que l'on ne dit jamais que @pres de moy, pres de luy, pres de cette Dame@: mais @aupres@, y seroit encore meilleur, & quoy qu'il s'employe fort bien aux choses, comme @il loge aupres de l'Eglise@, si est-ce qu'a\ mon auis il conuient beaucoup mieux aux personnes, & l'on dira, @il a des gens aupres de luy, qui ne valent rien@, & l'on ne diroit pas, @il a des gens pres de luy.@ Ie sc$ay bien que depuis quelque anne/es nos meilleurs Autheurs non seulement ne font point de difficulte/ d'vser de ce mot pour dire @vn voyage de guerre en pays esloigne/@, comme @l'expedition d'A'exandre@, ou @de Cesar@, mais le preferent mesme a\ toute autre expression qui puisse signifier cela. Tant d'excellens hom- mes l'employent dans leurs plus belles pieces d'eloquence, que je ne suis pas si temeraire que de le condamner; Mais auec le respect qui leur est deu, je diray qu'aux ouurages qui

doiuent voir la Cour, & passer par les mains des Dames, je ne le voudrois pas mettre, par- ce que ny elles ny les Courtisans qui n'auront point estudie/, n'auront garde de l'entedre, ny de prendre jamais @expedition@, qu'au sens ordi- naire, & au quel tout le monde a accoustume/ de s'en seruir. Ie n'ay pas remarque/ que M. Coeffeteau l'ayt mis en aucun de ses escrits, mais j'ay bien pris garde, que des Dames d'excellent esprit lisant vn liure, ou\ ce mot estoit employe/ au sens dont nous parlons, s'e- stoient arreste/es tout court au milieu d'vn des plus beaux endrois de liure, pendant ou du moins interrompant par l'obscurite/ d'vn seul mot le plaisir qu'elles prenoient en cette le- cture. Si je m'en seruois, j'y voudrois tous- jours ajouster @militaire@, & dire @vne expedition militaire, des expeditions militaires@; car cette epi- thete l'explique en quelque fac$on, quoy que la plus part des Dames entendent aussi peu @militaire@ qu'@expedition@. On demande s'il faut dire, @il preuit@, ou @il preuent@. Il faut dire, @preuit@, quoy qu'il y en ayt quelques-vns qui disent @preuent@. La raison de douter est, que @pouruoir@, est vn com- pose/ de @voir@, & neantmoins on dit, @il pour

neut@, & non pas @il pouruit@. Outre qu'il y a des verbes simples qui se conjuguent d'vne fa- c$on, & leurs composez se conjugue @nous disons, vous dites, &c@. & au compose/ l'on dit, @nous mes- disons, vous mesdisez@, & non pas @vous mesdites@, & de mesme @nous predisons, vous predisez@, & non pas @vous predites@. Ainsi nous disons au simple, @quoy qu'il die@, & nous ne dirons pas au compo- se/, @quoy qu'il mesdie@, ny @quoy qu'il predie@, mais @quoy qu'il mesdise, & quoy qu'il predise@. Ainsi au participe simple on dit @decide/@, & au compose/ on dit @indecis@, & non pas @indecide/@. Il y en a en- core d'autres, qui ne se presentent pas tous- jours a\ la plume. Ainsi encore pour la pro- nonciation on dit @respondre@, sans prononcer l'@s@, & au compose/ on dit, @correspondre@, en pro- nonc$ant l'@s@. Voicy comme il se faut seruir de cette phrase, par exemple il faut dire, @il est alle/ au deuant de luy, il faut aller au deuant de luy, & non pas il luy est alle/ au deuant, il luy faut al- ler au deuant@, comme parlent les Gascons, & mesme quelques Parisiens, qui ont corrompu leur langage narurel par la contagion des Prouinciaux.

L'@I@ de cette particule quand elle est condi- tionnelle, & non autrement, ne se man- ge point deuant aucune des cinq voyelles, si ce n'est deuant @i@, encore n'est ce qu'en ces deux mots, @il, & ils@, par exemple on dit, @si apres cela@, & non pas @s'apres cela, si entre-nous@, & non pas@ s'entre-nous; si implorant@, & non pas @implo- rant; si on le dit@, & non pas @s'on le dit@; & en fin @si vn homme@, & non pas @s'vn homme@; mais deuant @il, & ils@, cet @i@, se mange, & l'on dit @s'il faut, s'il vient, s'ils viennent@, & non pas @si il faut, si il vient, si ils viennent@, comme escriuent quelques-vns, mesme de ceux qui ont la reputation de bien escrire; Et c'est ce qui a donne/ lieu a\ cette Re- marque, dont je ne meserois pas auise/, com- me la croyant superflue%, si je n'eusse trouue/ cette faute continuelle en leurs escrits, qui estant dignes d'estre imitez en tout le reste, pourroient surprendre en cela leurs imita- teurs. Pact, ne vaut rien du tout, @pacte@, est bon. On dit @vn pacte tacite@, & que @les sorciers sont vn pacte auec le diable@, mais @paction@, est le meilleur, & le plus vsite/, @faire vne paction@. Il y a de certaines Prouinces en France, ou\ l'on dit

@pache@, pour @paction@, mais ce mot est barbare. Ces deux mots sont feminins, il faut di- re par exemple, @voyla de l'ebene bien noire, & de l'yuoire bien blache@. Toute la Cour parle ainsi. Ceux qui trauaillent en ebene, font ce mot des deux genres, mais il s'en faut tenir a\ la Cour. Pour ceux qui trauaillent en yuoire, ils le font tousjours feminin. Ce mot, dans le propre est vieux, & n'est plus gueres en vsage, car on dira rare- ment, @il est courrouce/ contre moy@, pour dire, @il est en colere contre moy@; mais dans le figure/ il est fort bon, comme quand on dit que @la mer est courrouce/e@, pour dire, qu'elle est fort agite/e, & qu'il y a vne grande tourmente. Il y a ainsi plusieurs autres mots, qu'on rejette dans la propre, & qu'on rec$oit dans le figure/, mais ils ne se presentent pas maintenant a\ ma me- moire. Ces deux prepositions ne veulent pas estre confondue%s; @vers@, signifie le @ver-

sus@, des Latins, comme @vers l'Orient, vers l'Oc- cident, & enuers@, signifie @l'erga@, comme @la piete/ enuers Dieu, enuers son pere, enuers sa mere, &c@. Vers est, pour @le lieu, & enuers@, pour @la personne@. Ce seroit mal parler, de dire @la piete/ des enfans vers le pere@, comme escrit tousjours vn grand homme. Que si l'on dit, @ils est tourne/ vers moy@, & que de la\ on veuille inferer, que @vers@, se dit aussi bien pour @la personne@, que pour @le lieu@, on respond qu'en cet exemple @vers@, ne laisse pas de regarder @le lieu@, plustost que @la personne@, comme le mot de @tourner@, le fait assez voir. Ce mot est masculin, @vn vlcere amoureux@, dit vn grand personnage, en traduisant @vulnus alit venis@. On dit @vn vlcere malin@, & non pas @maligne@, neantmoins a\ la Cour plu- sieurs le font feminin. On demande s'il faut dire, par exemple, @ie n'ay fait que sortir de la chambre, j'ay trouue/ vne partie du pain mange/@, ou @j'ay trouue/ vne partie du pain mange/e@. Cette question ayant este/ agite/e en fort bonne compagnie, & de personnes tres-sc$auantes en la langue, tous

sont demeurez d'accord que selon la Gram- maire ordinaire, il faut dire @vne partie du pain mange/e@, & non pas @mange/@; mais la plus-part ont soustenu que l'Vsage disoit @vne partie du pain mange/@, & non pas mange/e, & que l'Vsage le voulant ainsi, il n'estoit plus question de Grammaire ny de Reigle. Mesme on a ajou- ste/ ce que je pense auoir remarque/ en diuers endroits, qu'il n'y a point de locution, qui ayt si bonne grace en toutes sorte de langues, que celle que l'Vsage a establie contre la Reigle, & qui a comme secou%e/ le joug de la Grammaire: En effet les Poe%tes Grecs & Latins en ont fait de belles figures, dont ils ornent leurs escrits, comme est la synecdoche (qu'ils appellent) & plusieurs autres semblables, sur quoy ce mot de Quintilien est excellent, @aliud est Latine\, aliud Grammatice\ loqui@. Mais pour reuenir a\ nostre exemple, on dit tout de mesme, @il a vne par- tie du bras casse/, il a vne partie de l'os rompu, il a vne partie du bras emporte/@, & non pas @cas- se/e, rompue%@, ny @emporte/e@. On pourroit en ren- dre quelque raison, mais il seroit superflu, puis qu'il est constant que l'Vsage fait parler ainsi, & qu'il fait plusieurs choses sans raison, & mesme contre la raison, ausquelles neant- moins il faut obeir en matiere de langage.

C'est ainsi qu'il faut dire, & non pas @de la fac$on que j'ay dite@, quoy que selon la Rei- gle il le faudroit faire feminin. Il y en a toute- fois qui croyent, que l'vn & l'autre est bon, mais i'apprens qu'ils se trompent. En cet exem- ple, ces paroles @de la fac$on que@, sont comme @ad- uerbiales@, & ont le mesme sens que si l'on disoit @comme j'ay dit@. Ils en recontre quelque fois d'au- tres de cette nature, dont je ne me souuiens pas maintenant, ou\ il en faut vser de mesme. Cette remarque est de grande estendue; car a\ tous propos il s'offre occasion de dire l'vn ou l'autre en d'autres exemples, que celuy que je viens de proposer, comme @je ne le veux pas faire@, ou @ils vont me blasmer@, & ainsi d'vne in- finite/ d'autres, ou\ l'on employe les pronoms personnels. Il s'agit donc de sc$auoir si tous deux sont bons, & cela estant, lequel est le meilleur. On respond que tous deux sont bons, mais que si celuy-la\ doit estre appelle le meilleur, qui est le plus en vsage, @je ne le veux

pas faire@, sera meilleur que @je ne veux pas le faire@, parce qu'il est incomparablement plus vsite/. M. Coeffeteau obseruoit ordinaire- ment le contraire, & mettoit le pronom au- pres de l'infinitif, parce que faisant profession d'vne grande nettete/ de stile, il trouuoit que la construction en estoit plus nette & plus re- guliere; Mais il y a plus de grace, ce me sem- ble, en cette transposition, puis que l'Vsa- ge l'authorise, suiuant ce qui a estre/ dit en la Remarque, qui a pour titre, @Vne partie du pain mange/@. Vne des principles beautez du Grec & du Latin consiste en ces transposi- tions, & comme elles sont fort rares en no- stre langue, sur tout en prose, elles en sont plus agreables. Tous deux sont bons, mais non pas in- differemment; car @vieil@, ne se doit ia- mais mettre a\ la fin des mots, ny deuant les substantifs, qui commencent par vne conso- ne, comme on ne dira pas @c'est vn homme vieil, c'est vn habit vieil@, quoy qu'a\ Paris plusieurs dient @du vin vieil@, mais mal. On ne dira pas non plus, @c'est vn vieil garc&on, c'est vn vieil man- teau@, mais @vn homme vieux, vn habit vieux, du vin vieux, vn vieux garc$on, vn vieux man-

teau@. Le seul vsage donc de @vieil@, est deuant les substantifs, qui commencent par vne voyelle, comme @vn vieil homme, vn vieil amy, vn vieil habit, &c@. Ce n'est pas que l'on ne die aussi @vn vieux homme, vn vieux amy, vn vieux habit@, mais @vieil@, y est beaucoup meilleur. Ces deux premiers mots sont tousjours feminins, @des cymbales sonantes. Hemi- stiche@, qui signifie vn demi-vers, est tousjours masculin, @vn hemistiche@. @Deux ou plusieurs pluriels suiuis d'vn singulier auec la conionction ET deuant le verbe, comment ils regissent le verbe?@ L'exemple le va faire entendre, @Non seule- ment tous ses honneurs & toutes ses riches- ses, mais toute sa vertu s'esuanou%irent@. Quelques vns ont soustenu que c'estoit bien dit, a\ cau- se des pluriels & de plusieurs choses qui pre- cedent le verbe, car quand il n'y auroit que des singuliers, estant de diuerse nature & joints par la conjunction @et@, ils regiroient tousjours le pluriel, donc a\ plus forte rai- son y ayant des pluriels. Neantmoins la

Plus part ne sont pas de cet auis, & tiennent qu'asseure/ment il faut dire, @non seulement tous ses honneurs, & toutes ses richesses, mais toute sa vertu s'esuanou%it@, non pas a\ cause de @vertu@, qui est au singulier, & le plus proche du verbe @s'es- uanou%ir@; car il n'y a point de doute qu'il fau- droit dire @ses honneurs, ses richesses, & sa vertu s'esuanou%irent@, & non pas @s'esuanou%it@, quoy que @vertu@, on cet exemple soit au singulier, & pro- che du verbe, comme en l'autre; Mais cela procede, si je ne me trompe, de deux raisons, l'vne que l'adjectif @tout@, comme c'est vn mot collectif, & qui reduit les choses a\ l'vnite/, quand il est immediatement deuant le verbe au singulier du verbe qui le suit, nonobstant tous les pluriels qui le precedent, & pour le faire voir plus clairement, seruons nous du mesme exemple, & disons @tous ses honneurs, toutes ses richesses, & toute sa vertu s'esuanou%irent@. Il est cer- tain que presque tous ceux, qui sont sc&auans en nostre langue, condamnent cette fac$on de parler, & soustiennent qu'il faut dire @s'esua- nou%it@, quoy qu'ils ne doutent point qu'en l'au- tre exemple, il ne faille dire @ses honneurs, ses ri- chesses, & sa vertu s'esuanou%irent@. Il n'y a donc que l'adjectif @tout@, qui cause cette difference. La se- conde raison meilleure encore que la premie- re est, que la particle @mais@, qui est au premier

exemple, separe en quelque fac&on ce mem- bre de celuy qui le precede, & rompant la pre- miere construction des pluriels, en deman- de vne particuliere pour elle, qui est le singu- lier, ce @mais@, seruant comme d'vne barriere entre-deux, & d'vn obstacle pour empescher la communication & l'influence des pluriels sur le verbe. Quoy qu'il en soit, & a\ quelque cause qu'on l'attribue%, l'Vsage le fait ainsi di- re presque a\ toute le monde, & les femmes que j'ay consulte/es la\ dessus, a\ l'imitation de Cice- ron, sont toutes de cet auis, & ne peuuent souffrir @non seulement toutes ses richesses & tous ses honneurs, mais toute sa vertu s'esuanou%irent@. que si l'on demande ce que deuiendront ces pluriels, @tous ses honneurs, & toutes ses richesses@, sans aucun verbe qu'ils regissent. Il faut res- pondre, que l'on y sous-entend le mesme ver- be au pluriel @s'esuanou%irent@, lequel neantmoins on n'exprime pas, pour n'estre pas oblige/ de le repeter deux fois, quand on le met apres @toute sa vertu@; car si l'on ne le mettoit point a\ la fin, on diroit fort bien, @non seulement tous ses hon- neurs, & toutes ses richesses s'esuanou%irent, mais toute sa vertu@, & alors apres @vertu@, il faudroit sous-entendre @s'esuaneu%it@. Mais il est beaucoup plus elegant de le sous-entendre en cet exem- ple apres les pluriels, qu'apres le singulier.

@Trois substantifs, dont le premier est masculin, & les autres deux, femi- nins, quel genre ils demandent.@ Parce que le genre masculin est le plus no- ble, il preuant tout seul contre deux fe- minins, mesme quand ils sont plus proches du regime. Par exemple M. de Malherbe a dit, @L'air, la mer, & la terre N'entretiennent-ils pas Vne secrete loy de se faire la guerre, A qui de plus de mets sournira ses repas?@ Il ne dit point, @n'entretiennent-elles pas@. Et afin qu'on ne croye pas, que ce soit vne licence poe%tique, voicy des exemples en prose, @le trauail, la conduite, & la fortune peuuent-ils pas ele- uer@ vn @homme? Le trauail, la conduite, & la fortu- ne joints ensemble@, & non pas @jointes@. Par exemple, @je ne crois pas que personne puis- se dire que je l'aye trompe/@, il faut ainsi par- ler, & non pas @que je l'aytrompe/@, en l'indicatif. La Reigle est, que quand il y a trois verbes dans vne periode continue, si le premier est accompagne/ d'vne negatiue, les deux autres

qui suiuent, doiuent estre mis au subjonctif, comme sont en cet exemple, @puisse, & je l'aye trompe/@. Pour le premier, je ne vois personne, qui y manque, mais pour le second, plusieurs mettent l'indicatif pour le subjonctif, & di- sent, @je ne crois pas que personne puisse dire que je l'ay trompe/@, au lieu de dire, @que je l'aye trompe/@. C'est vne faute que fait d'ordinaire vn de nos meil- leurs Escriuains, & ce qui m'a oblige/ de faire cette remarque, tant pour empescher qu'on ne l'imite en cela, que parce qu'il y a apparen- ce, que pris qu'vn si excellent Autheur y manque, d'autres y manqueront aussi. On demande s'il faut dire par exem- ple, @il enuoya son fils au deuant de luy pour l'asseurer, &c@. ou bien, @il enuoya son fils au de- uant de luy l'asseurer@, sans @pour@. On respond que l'vn & l'autre est bon, mais la question ayant este/ propose/e a\ des gens capables de la resoudre, les vns ont creu qu'il estoit plus naturel de mettre @pour@, & les autres, plus ele- gant de le supprimer. Cette Remarque est presque semblable a\ celle qui a pour titre, @Vne partie du pain

mange/@. La question est s'il faut dire @Apres six mois de temps escoulez@, ou @apres six mois de temps escoule/@. On tient que l'vn & l'autre est bon, mais que le premier est plus grammatical, & le second plus elegant. Ce mot commence a\ vieillir; Au lieu d'@accoustumance@, on dit maintenant @cou- stume@, quoy que ce soit vn mot equiuoque, & qu'@accoustumance@, exprime bien mieux & vni- quement ce qu'il signifie. Mais il n'y a point de raison contre l'Vsage. Aventure est vn fort bon mot en diuers sens, mais l'aduerbe qui en est compo- ie/, @d'auenture@, pour signifier @par hazard, de fortune@, n'est plus gueres en vsage parmy les excellens Escriuains. @Par aventure@, pour @peut- estre@, commence aussi a\ deuenir vieux, quoy qu'il y ayt encore de fort bons Autheurs qui s'en seruent dans des ouurages d'eloquence. Ie ne le voudrois pas faire, estant bien asseure/ qu'il vieillit. On dit bien @vn mal d'aventure@, mais la\ il n'est pas aduerbe, il est nom.

On disputoit s'il falloit dire @le peu d'af- fection qu'il m'a tesmoigne/@, ou @le peu d'af- fection qu'il m'a tesmoigne/e@. Quelques vns estoient d'auis du second, & de dire @tesmoigne/e@, au feminin, les rapportant a\ @affection@, mais la plus-part le condamnerent tout a\ fait, sou- stenant qu'il falloit dire @tesmoigne/@, au mascu- lin qui se rapporte a\ @le peu@, & certainement il n'y en a gueres, a\ qui ie I'aye demande/ de- puis, qui n'ayent este/ de cette opinion. Il en est de mesme de tous les aduerbes de quantite/ @plus, moins, beaucoup, autant &c.@ comme @I'ay plus perdu de pistoles en vn iour, que vous n'en auez gaigne/ entoute vostre vie@, & non pas @gaignees@, parce que @gaigne/@, se rapporte a\ @plus@, & non pas a\ @pistoles@. Il en est de mesme des autres, que j'ay marquez. Ceux mesmes, qui croyent que @tesmoigne/e@ soit bien dit, demeu- rent d'accord, que l'autre est bon aussi; C'est pourquoy on ne peut manquer de dire @tes- moigne/@, & ce ne seroit pas sagement fait de risquer vne chose, quand on s'en peut asseu- rer. Il y a encore dans la prochaine Remar- que vne raison conuaincante, par laquelle il faut dire @tesmoigne/@, & non pas @tesmoigne/e@.

Exemple, @il a este/ blesse d'vn coup de fleche, qui estoit empoisonnee@. Ce seroit mal parler, par- ce que @fleche@, n'est regi que d'vn article inde- fini qui est @de@, & a\ cause de cela, le pronom relatif @qui@, ne sc$auroit se rapporter a\ @fleche@. Mais s'il y auoit @il a este\ blesse de la fleche, qui estoit empoisonne/e@, alors ce seroit fort bien dit, parce qu'en cet exemple @fleche@, a\ vn article de- fini, qui est @de la@, auquel le pronom @qui@, en tous les cas & en tous les nombres se rap- porte parfaitement bien. A quoy il faut ajouster que le pronom @vn@ ou @ce, cette, ces,@ & autres semblables auec l'article indefini, va- lent autant que l'article defini; comme @il a este/ blesse/ d'vne fleche qui estoit empoisonne/e@, se dit tout de mesme que @il a este/ blesse/ de la fleche qui, &c@. Ie pronom @vne@, equipollent l'article @la@ Donc suiuant cette reigle, qui ne souffre jamais d'exception, on ne peut pas dire @le peu d'affection qu'il m'a tesmoigne/e@, parce que @tesmoigne/e, & que@, qui est deuant @il@, se rappor- teroient necessairement a\ @affection, & tesmoi- gne/e@ ne s'y peut rapporter que par la liaison

& l'entremise du pronom @que@, lequel ne se peut rappotter a\ @affection@ a\ cause que ce nom en cet exemple n'a que l'article indefini, a\ sc$a- uoir @de@. Il faut donc de necessite/ qu'il se tap- porte a\ ces mots @le peu@, ou\ il y a vn nom ac- compagne/ d'vn article defini. La remarque suiuante fortifiera encore celle-cy. Comme nous venons de dire, que le pronom relatif ne se rapporte jamais au nom, qui n'a qu'vn article indefini, de mes- me nous ajoustons, qu'a\ plus forte raison il ne se rapporte point au nom qui n'a point d'article. On peut exprimer cela d'vne fac$on, qui sera peut-estre plus claire, & dire ainsi. Tout nom qui n'a point d'article, ne peut auoir apres soy vn pronom relatif, qui se- rapporte a\ ce nom la\. L'exemple le fera en- core mieux entendre, comme si l'on dit, @il a fait cela par auarice, qui est capable de tout@, c'est mal parler, parce qu'@auarice@, n'a point d'article, & ainsi ne se peut ay der du pronom relatif, ou pour mieux dire, le pronom relatif ne luy peut estre applique/, ou rapporte/ en aucun des six cas, ny en aucun nombre. Il en est de mesme du mot @dont@, qui tient la place du pronom re- latif; car on ne dira point @il a fait cela par cu:- rice, dont la soif ne se peut esteindre. On pourroit objecter, que cette Reigle est veritable en tous les cas de la declinaison des noms, excepte/ au vocatif; car par exem- ple on dira fort bien par apostrophe, @Auari- rice qui causes tant de maux, hommes qui viuez en bestes, &c@. Et il est vray que c'est en ce seul cas, ou\ l'on trouuera vn nom sans arti- cle, auec vn pronom qui se rapporte au nom; mais il y a double response, la premiere que cette exception n'empescheroit pas que la Reigle ne fust veritable en tout le reste. La seconde, que mesme la Reigle subsiste enco- re au vocatif, & n'y souffre point d'exception, parce que l'article du vocatif @o@, y est sous -entendu, mais l'article n'est point sous-en- tendu aux autres cas. Que si l'on auoit la curiosite/ de demander pourquoy le nom, qui n'a point d'article, ou qui n'en a qu'vn indefini, ne peut auoir apres soy vn pronom relatif, on pourroit se deffaire de cette question par la response commune, que l'Vsage le veut ainsi. Ce ne seroit pas mal respondu, mais quoy que l'Vsage face tout en matiere de langue, & mesme contre la raison, comme nous sommes obligez de dire sou- uent, si est-ce qu'il en fait beaucoup plus enco-

re auec que raison, & il me semble que celle-cy est du nombre, bien que la raison en soit assez cache/e. Ie crois pour moy, que c'est a\ cause que le pronom relatif s'appellant ainsi pour la relation ou le rapport qu'il a a\ quel que chose qui a este/ nomme/e, il faut que les deux, & le nom & le pronom soient de mesme na- ture, & ayent vne correspondance recipro- que, qui face que l'vn se puisse rapporter a\ l'autre. Or est-il que cela ne peut arriuer en- tre deux termes, dont l'vn est tousjours defini, qui est le pronom relatif, & l'autre indefini, qui est le nom sans article, ou sans vn article defini. Le pronom est comme vne chose fixe & adherente, & le nom sans article, ou auec vn article indefini, est comme vne chose va- gue & en l'air, ou\ rien ne se peut attacher. Ie ne sc$ay si je me seray fait entendre, ou quand on m'entendra, si l'on sera satisfait de ce petit raisonnement, & s'il ne sera point trouue/ trop subtil, & trop metaphysique; mais l'exemple du grand Scaliger, qui a fait de si beaux rai- sonnemens sur la Grammaire Latine, m'a donne/ en la nostre cette hardiesse, que le Le- cteur prendra s'il luy plaist en bonne part. Il n'est pas meilleur qu' @au demcurant@, dont il est parle/ ailleurs, & encore ce dernier a cet

auantage sur l'autre, qu'au moins, du temps du Cardinal du Perron & de M. Coeffeteau, il estoit fort bon, & ce n'est que depuis quinze ou seize ans, que l'on commence a\ le mettre au rang des termes barbares; Au lieu qu' @au surplus@ n'estoit point alors dans le bel vsage, & n'y est pas encore aujourd'huy, bien qu'vn de nos plus excellens Escriuains ne face pas diffi- culte/ de s'en seruir en ses derniers ouurages, mais il n'est pas a\ imiter en cela, comme il l'est en tout le reste. Ce pendant nous auons grand besoin de ces sortes de liaisons pour com- mencer nos periodes, & @aureste, & du reste, n'y@ peuuent pas tousjours fournir, il faut varier. Il est masculin & feminin, mais non pas tousjours indifferemment; Car quand il signifie @Cupidon@, il ne peut estre que masculin, & quand on parle de l'Amour de Dieu, il est tousjours masculin, & non seulement on dit, @l'amour diuin@, & jamais @l'amour diuine, ny la diui- ne amour@, soit que nous entendions de l'amour que Dieu nous porte, ou de l'amour que nous auons pour Dieu, mais on dit aussi, @l'amour de Dieu doit estre graue/ dans nos coeurs@, & non pas @graue/e, & l'amour que Dieu a tesmoigne/ aux hom- mses@, & non pas @tesmoigne/e@. C'es l'opinion com-

mune, neantmoins vn excellent homme croit que l'on peut dire @graue/e, & tesmoigne/e@, au fe- minin. Hors de ces deux exceptions, il est in- different de le faire masculin, ou feminin; car on dit fort bien, @l'amour qu'vn Amant a pour sa maistresse, ou vn auaricieux pour les biens de monde, est si ardente, & si violente, ou si ardent & si vio- lent, & l'amour des peres & des meres enuers leurs enfans est si pleine de tendresse@, ou bien @si plein de tendresse@, & ainsi de tous les autres. Il est vray pourtant qu'ayant le choix libre, j'vserois plus tost du feminin que du masculin, selon l'incli- nation de nostre langue, qui se porte d'ordi- naire au feminin plustost qu'a\ l'autre genre, & selon l'exemple de nos plus elegans Escri- uains, qui ne s'en seruent gueres autrement. Certes du temps du Cardinal du Perron, & de M. Coeffeteau, c'eust este/ vne faute de le faire masculin, hors les deux exceptions que j'ay marque/es. @La petite amour parle, & la grande est muette,@ dit M. Bertaut, mais depuis quelques anne/es, plusieurs de nos meilleurs Escriuains n'ont point fait de difficulte/ de le faire masculin, & mesme a\ la Cour, on a introduit cet vsage; quoy que la plus-part, & particulierement les femmes le facent feminin.

On dit tousjours @Charles, Iaques, Iules@, & jamais @Charles, Iaques, Iules@; C'est pour- quoy Iules Scaliger en l'vne de ses Exercita- tions contre Cardan dit de bonne grace, @An ribi videtur pulchrum nomen Iulius? At Galli cu\m illud pronuntiant, quasi ego non vnus, sed plures ho- mines sim, inplurals flexus sonum corrupere@. Mais on le pourroit bien dire auec plus de raison de cot autre @Iules@, qui agissant par tout l'Vni- uers pour la gloire de la France, paroist tout seul plusieurs hommes. Quelques-vns-at- tribuent cela a\ @l's@, du mot Latin ou\ il y a vne @s@, qui neantmoins en Franc$ois n'en ont point; Mais on dit @Phillpe, & Phillipes, Flandres & Flandre@, auec cette difference neant- moins, qui est assez bizarre, que l'on dit @en Flandres@, & non pas @en Flandre@, & qu'il faut di- re la @Flandre@, & non pas @la Flandres@, comme l'a escrit nouuellement vne des meilleures plu- mes de France. On dit @jusqu'a\, jusqu aux, & jus- ques a\@, & non pas @jusque@, sans elision, & sans, mais on dit tousjours @auec que@, quand on le fait de trois syllabes, & jamais @auec que@, non pas

mesme en vers; Autre que l'vn de tousjours @donc ques@, & jamais @donc que@, sans @s@, quand on le fait de deux syllabes, nonobstant le @dunque@ des Italiens, d'ou\ quelques-vns croyque vient nostre @donc ques@; mais quand cela seroit, la consequence est mauuaise. Ces nombres @vint, cent, millier, million@, ont vn pluriel, & l'on dit @six vints, cinq tents, cinq milliers, cinq millions@; mais @mille@, n'a point de pluriel, ou pour mieux dire ne prend point de @s@, au pluriel, & l'on dit par exemple, @deux mille@, & non pas @deux milles, cinquant mille escus@, & non pas @cinquante milles escus.@ Mais quand @mille@ signifie @vne estendue% de che- min, laquelle fait vne partie d'vne lieue\ Franc$oise, alors il faut mettre vne @s@ au pluriel, & dire @deux milles, trois milles@, non pas @deux mille, trois mil- le@, quoy qu'il soit vray que ce mot vienne du nombre @mille@, qui est la mesme de mille pas, dont cette estendue% de chemin qui fait vne partie d'vne lieue%, a pris sa denomination. Il est traitte/ ailleurs de cette phrase @aller a\ la recontre@. Celle-cy, @auoir a\ la recontre@, pour

dire @rencontrer@, est encore pire. Par exemple, @en reuenant j'eus a\ la rencontre vn viel hermite,@ au lieu de dire, @en reuenant je rencontray vn vieil hermite.@ Cette fac$on de parler est sans doute de quel- que Prouince de France, car elle est inou%ie a\ la Cour, & mesme il ne me souuient point de l'auoir ou%i dire dans la ville. Ie n'en aurois point fait de remarque, comme ne croyant pas cette phrase fort vsite/e, si je ne l'auois trouue/e souuent dans les ouurages d'vn de nos meil- leurs Escriuains. On diroit plustost @faire ren- contre@, comme @en reuenant je sis rencontre d'vn vieil hermite@, mais @je rencontray vn vieil hermite@, est beaucoup meilleur. Recipoque, se dit proprement de deux, & @mutuel@ de plusieurs, comme @le mary & la femme se doiuent aimer d'vne amour reciproque, & les Chrestiens se doiuent aimer d'vne affection mutuelle@. Il y a encore cette difference que @re- ciproque@, ne se dit jamais de plusieurs; car pour bien parler on ne dira pas, @les Chrestiens se doi- uent aimer d'vne affection reciproque@, mais @d'vne affection mutuelle@, Au lieu que @mutuel@, quoy qu'il ne se die proprement que de plusieurs, ne laisse pas de se dire aussi de deux seulement, comme @le mary & la femme se doiuent aimer d'vne amour mutuelle@. C'est fort bien dit, mais

@d'vne amour reciproque@, est beaucoup meilleur. On dit aussi @don mutuel@, d'vne donation faite entre deux personnes. Qvelques vns de ceux, qui sont les plus sc$auans en nostre langue, & en la purete ou nettete/ du stile, tiennent que cette conjonction @afin@, ne doit jamais regir deux constructions differentes en vne mesme pe- riode, par exemple ils ne veulent pas qu'on escriue, @afin de faire voir mon innocence a\ mes Iuges, & que l'imposture ne triomphe pas de la ve- rite/@, parce qu'au premier membre, @afin@ regit @de@, auec vn infinitif, & au second membre il regit vn @que@, auec le subjonctif. Ils ne nient pas que l'vn & l'autre regime ne soit bon, & que la conjonction @afin@ ne se serue de tous les deux en disant @afin de faire, & afin que l'on face@, mais ils ne veulent pas qu'en vne mesme periode on les employe tous deux, mais qu'au second membre on suiue le mesme re- grime, qu'on a pris au premier & que l'on die par exemple @afin de faire voir mon innocence a\ mes Iuges, & d'empeschter l'imposture de triompher de la verite/@, ou bien, @afin que l'on voye mon inno- cence, & que la verite triomphe de l'imposture@.

Certainement c'est vn scrupule, pour ne pas dire vne erreur; car outre que tout le monde parle ainsi, & qu'il est presque tousjours vray de dire, qu'il faut escrire comme on parle, tous nos Autheurs les plus celebres en nostre langue, soit anciens ou modernes, ou ceux d'entre-deux l'ont tousjours practique/ comme je dis, lors qu'ils ont eu besoin de varier la construction, & tant s'en faut que cette variete/ soit vicieuse, qu'elle fait grace sans pouuoir blesser l'oreille, qui es toute accoustume/e a\ cet vsage. La Remarque sui- uante seuira a\ confirmer dauantage cette verite/. La conjonction @si@, peut receuoir vne mes- me construction aux deux membres d'vne mesme periode, comme on dira fort bien @si vous y retournez & si l'on s'en plaint a\ moy, vous verrez ce qui en sera@. Mais la fac$on de parler la plus ordinaire & la plus naturel- le est de dire @si vous y retournez, & que l'on s'enplaigne a\ moy, &c@. Et il est certain que pour vne fois que l'on reperera le @si@, on dira mil- le fois @& que@, au second membre de la pe- riode, par ou\ l'on voit clairement, que cet-

te variete/ n'est point vicieuse, mais naturel- le & de nostre langue. Les Autheurs Grecs & Latins sont pleins de semblables choses, qui sont du genie de leurs langues, & pas- sent pour tres-elegantes. Par exemple on dit @l'arme/e demeura toute la nuit sur les armes, & demeura toute la nuit sous les armes@. Tous deux sont bons, & ega- lement vsitez pour dire que @l'arme/e sut toute la nuit en armes@; car c'est ainsi que l'on par- loit autrefois; On ne laisse pas de le dire en- core, & il n'y a pas long-temps, qu'on a in- troduit ces nouueaux termes auec vne infi- nite/ d'autres, que la practique & l'exercice des armes a\ mis en vsage depuis ces dernie- res guerres. Il y a de nos meilleurs Escriuains qui affectent de ne le dire jamais que d'vne fac$on, les vns escriuant tousjours @sur les ar- mes@, & les autres @sous les armes,@ mais puis que tous deux sont reces, il faut vser tantost de l'vn & tantost de l'autre, afin qu'il ne sem- ble pas que l'on condamne celuy dont on ne se sert jamais, en quoy l'on auroit tort, & pour conseruer d'ailleurs tout ce qui con- tribue% a\ la richesse de nostre langue; com- me est de pouuoir dire vne mesme chose

de deux fac$ons, plustost que d'vne seule. Vn de nos meilleurs Autheurs, & de la premiere classe a escrit, que quel- qu'vn auoit fait rompre vn pont @pour s'em- pescher d'estre suiui@. Si l'on veut examiner cet- re expression, sans doute on la trouuera bien estrange, car ou il faut que celuy que a fait rompre le pont @empesche ses ennemis de le sui- ure@, ou @qu'il s'empesche par ce moyen de tomber entre leurs mains@; Mais de dire @pour s'empescher d'estre suiuy@, il y a ie ne sc$ay quoy dans cette fac$on de parler a\ la prendre au pied de la lettre, que ie ne puis conceuoir, & qui sem- ble a\ plusieurs aussi bien qu'a\ moy, n'estre gueres conforme a\ la raison; car c'est les au- tres qu'il empesche de le suiure, & il ne s'em- pesche pas soy-mesme. Cependant l'expres- sion non seulement en est bonne, mais ele- gante selon le sentiment de la plus-part de nos meilleurs Escriuains, que i'ay consultez la\ dessus. En voicy encore vne autre du mesme Au- theur, mais d'vn autre genre, qui choque plu- stost la Grammaire que le sens, au lieu que la precedente choque plustost le sens & la raison

que la Grammaire. Il dit que quelqu'vn @s@'e- stoit sauue/ d'vne deroute @laissant sa mere auec sa femme & ses enfants prisonniers@. Selon la construction ordinaire, cette clause ne peut subsister; car tout ce qui est regi de la prepo- sition @auec@, doit estre conte/ pour rien, com- me s'il n'y estoit pas, & ainsi @prisonniers@, au pluriel & au masculin ne peut conuenir @a\ me- re@, qui est singulier & feminin. Il eust fallu dire @laissant sa mere, sa femme, & ses enfants pri- sonniers@, pour le dire regulierement; Car si l'on disoit @laissant sa mere prisonniere auec sa femme & ses enfans@, outre que cette expression se- roit languissante & de mauuaise grace, elle se- roit de plus equiuoque, parce qu'il pouuoit laisser sa mere prisonniere sans que sa fem- me ny ses enfans sussent prisoniers. Ayant donc dit @laissant sa mere auec sa femme & ses en- fans prisonniers@, il a failli sans doute contre la construction reguliere & grammaticale, mais c'est vne de ces fautes qui dans toutes les lan- gues passent plustost pour vne vertu, que pour vn vice, comme ie l'ay remarque/ ailleurs, & que l'on conte entre les ornemens & les gra- ces du langage. Tant s'en faut donc que ceux qui en sont iuges capables, la condamnent, qu'au contaire ils la lou%ent, & la preferent de beaucoup a\ la reguliere qui seroit de dire @laissant sa mere, sa femme, & ses enfans prison-

niers@. Quand il s'en presentera d'autres de cet- te nature, ie les remarqueray, comme des choses rares & curieuses. Par exemple, @je leur ay fait voir le pouuoir que vous m'auiez donne/, & me suis acquirte/ de tous les chefs de ma commision, & leur ay fait con- noistre la passion que vous auez de les seruir@. Ie dis que cette fac$on d'escrire peche contre le bon stile, & que l'on ne doit par repeter deux sois la conjonction, @et@, au commencement des deux membres d'vne periode, comme l'on fait en cet exemple, si ce n'est qu'on ajouste au second @et@, quelque terme d'encherisse- ment. Il faudroit donc mettre ainsi. @Ie leur ay fait voir le pouuoir que vous m'auiez donne/, & me suis acquitte/ de tous les chefs de ma commision, & mesme leur ay fait connoistre la passion que vous a- uez de les seruir@. Tantost on peut mettre, @mes- me@, comme icy, tantost @non seulement@, ou @tant s'en faut@, ou d'autres termes semblables, qui par cet encherissement apportent de la varie- te/ a\ la periode, & couurent le defaut de cette double repetition. Mais il faut noter que cette Reigle n'a lieu qu'au commencement des deux membres d'vne mesme periode, & qui

sont dans mesme regime, comme en l'e- xemple que nous auons donne/, les deux @et@, sont au commencement du second & du troisiesme membere d'vne mesme periode, & dans vn mesme regime, qui est @je@, par ou\ la periode commence; Car si vous mettez vn ou plusiers @et@, hors de ces deux cas, ils ne seront point vicieux, par exemple on escrira fort bien, @je leur ay fait voir le pouuoir@ & @l'authorite/ absolue%que vous m'auez donne/e@, & @me suis acquit- te/ de tous les chefs@ & @des toutes les circonstances de ma commission@, & @mesme leur ay fait connoistre la pas- sion@ & @les raisons que vous auiez de les seuir@. Tou- tes ces repetitions de la conjonction @et@, de la fac#on que celles-cy sont faites, ne sont point mauuaises, parce qu'elles sont hors des deux cas que j'ay marquez. Il est vray, qu'il n'y a rien qui gaste tant la beaute/ du stile, & des pe- riodes, que de mettre plusieurs @et@, en tous leurs membres, comme il se voit en l'exemple que nous venons de donner. Au reste, on peut fort bien commencer vne periode par la conjonction @et@, je dis mesme lors qu'il y a vn point, qui ferme la periode precedente. Ie n'en rapporteray point d'exemples, parce que tous nos bons Autheurs en sont pleins. Nous auons si peu de liaisons pour les periodes, qu'il ne faut pas encore nous oster celle-cy.

Plusieurs disent @soupc#onneux@, pour @suspect@, qui est vne chose insupportable, par exemple ils diront, @ce Iuge la\ est soupc#onneux@, au lieu de dire, @suspect. Soupc#onneux@, est tousjours vn mot actif, & @suspect@, est tousjours vn mot passif, @soupc#onneaux@, est tousjours celuy qui soupc#onne, ou qui est enclin a\ soupc#on- ner, & @suspect@, est tousjours celuy qui est cause a\ c#onne, ou qui le doit estre. Ce qui est cause a\ mon aduis de cette faute, c'est que l'on dit @soup- c#onne/@, pour @suspect@, & de @soupc#onne@, on a passe/ ai- se/ment a\ @soupc#onneux. Ce que l'on apelle ordinairement ain- si, est tres-mal nomme/, & par vne cor- ruption qui n'est venue% que de ce qu'on a ignore/ l'origine de ce mot. Il faut dire, @fil d'ar- chal@, & cet @archal@, prend sa vraye ethymolo- gie du mot Latin @aurichalcum@; Ceux qui ont le genie de l'ethymologie des mots, n'ont gar- de de douter de celle-cy, elle est trop eudento. C'est pourquoy il y faut vne @l@ a\ la fin. Quel- ques-vns escriuent @fidarchal@, en vn mots sans garder les marques de son ethymologie. D'autres le sont deriuer d'vn village nomme/

@Archat@, d'ou\ inuention est venue%; mais il se faut tenir a\ @aurchalcum@. C'est vne faute assez familiere a\ beau- coup de gens, & de ceux mesme qui font ptofession de bien parler & de bien es- crire, de se seruir de l'aduerbe @seulement@, au lieu de @mesme@. Par exemple, on demandera, @fait- il bien chaud@, & on respondra, @il faut bien froid seulement@, pour dire, quetant s'en faut qu'il face bien chaud, que mesme il fait froid. Voicy en- core vn autre exemple. @Il ne m'en blasme pas, il m'en lou%e seulement@, pour dire, @tant s'en en faut qu'il m'en blasme, que mesme il m'en lou%e@. Les signaux dont on a accoustume/ de se seruir a\ la guerre, ce sont le feu, la fu- mee, le canon, les choches, les estendarts, le linge blanc, & autres choses semblables. Que si quand on se sert de quelqu'vn de ces signaux, on appelloit cela @faire signe@, ce ne seroit pas bien parler, il faut dire @donner le signal@, ou @donner vn signal. Faire signe@, est toute autre chose, tant parce qu'il ne se fait que des mains, ou dela

teste, ou du corps, qu'a\ cause qu'il se fait pour quelque sujet, ou accident inopine/, & dont il n'a point este/ conuenu entre celuy a\ qui on fait le signe, & celuy qui le fait, au lieu que @les signaux@ se font ordinairement de concert. Ce mot est vieux, & n'entre plus dans le beau stile, qu'en raillerie, comme par exemple si je dis, @sa vanite/ est insupportable, il ne cesse de parler de se prou%esses@, ou @je n'ayme point les gens qui se vantent tousjours de leurs prou%esses@. Car alors, comme on mesprise la vanite/ & l'humeur de ces gens la\, ce mot estant dit par mespris & par raillerie se trouue employe/ de bonne grace en ce sujet, tant s'en faut que ce- luy qui en vsera ainsi puisse estre repris. Mais si j'escriuois serieusement, @que plusieurs grands hommes ont celebre/ les prou%esses d'Alexandre@, je me seuirois mal a\ propos de ce mot, qui n'e- stant plus en vsage, ne peut estre employe/ que de la fac#on que je viens de dire. M. de Malherbe disoit & escriuoit tous- jours @esclauitude@, & ne pouuoit souf- frir @esclauage@. Neantmoins @esclauage@, est beau-

coup plus vsite/ que l'autre, & si i'auois besoin de ce mot, ie le dirois plustost qu'@esclauitude@. Vn homme tres-eloquent m'a dit qu'il ne feroit point de dificulte/ de se seruir d'@escla- uage@, dans les hautes figures; Mais il faut euiter l'vn & l'autre, tant qu'il est possible, & ie ne suis pas seul de cet aduis. On demande lequel des deux il faut dire, @la contre-pointe@, ou @la contre-pointe d'vn lit@, qui est proprement vne couuerture pique/e. Il est certain qu'au commencement on a dit @la contre-pointe@, a\ cause des points d'aiguille dont ces sorte de couuertures sont pique/es dessus & dessous, ou dedans & de- hors, comme qui diroit @point contre point@, ou @pointe contre pointe@. Mais depuis par coruption & par abus on a dit, @coutre-pointe@, contre toute fort de raison, & l'Vsage l'a ainsi establi, & en est demuere/ le maistre. @Aviser@, pour @apperceuoir@, ou @descouurir@, ne peut pas estre absolument rejette/, somme vn mot, qui en ce sen la\ ne soit pas Franc#ois; Mais est bas & de la lie du peuple.

On n'oseroit s'en seruir dans le beau stile, quoy qu'vn de nos meilleurs Escriuains en vse souuent. Pour le faire mieux entendre il en faut donner vn exemple, @j'auisay vn hom- me sur vne tour, ou sur vn arbe@, pour dire @j'ap- perceus@, ou @je decouuris vn homme@, &c. Ces particules oublie/es aux endroit ou\ il les faut mettre, ou mises la\ ou\ elles ne doiuent pas estre, rendent vne phrase fort vicieuse, par exemple si l'on dit @pour ne vous ennuyer, ie ne seray pas long@, comme parlent & escriuent presque tous ceux de dela\ Loire, c'est tres-mal parler, il faut dire @pour ne vous pointe ennuyer@. Et si l'on dit @il sera plus qu'il ne promet pas@, ce n'est pas encore bien parler; car il faut oster @pas@, & dire @il sera plus qu'il ne pro- met@. Or de sc#auoir absolument, quand il faut le mettre, ou ne le mettre pas, il est as- sez difficile d'en faire vne reigle generale. Voicy ce que i'en ay remarque/. On ne met iamais ny @pas@, ny @point@ de- uant les deux @ny@, par exemple on dit @il ne faut estre ny auare ny prodigue@, non pas, @il ne faut pas estre@, ou @il ne faut point estre ny auare, ny prodigue@. On ne les met iamais aussi deuant le @que@,

qui s'exprime par @nisi@ en Latin & par @sinon que@ en Franc#ois. Exemples @ie ne feray que ce qu'il luy plaira@, on voit bien que ce @que@, se resout par @nisi@, & par @sinon que@, comme si ie disois ie ne feray sinon ce qu'il lny plaira; je n'ay este/ qu'vne fois a\ Rome, iene iou%e qu' auec des gens de bien, ie ne mange qu'vne fois le iour@. On voit qu'en tous ces exemples le @que@, vaut autant a\ dire que @sinon que@, & ie n'ay point encore re- marque/ qu'il y ayt d'exception a\ cette reigle. Mais cela se doit entendre, comme i'ay dit, deuant le @que@, qui signifie @sinon que@, parce que cela n'est pas vray chose, comme par exemple on dira fort bien @je ne pense pas que vous le faciez, ie ne veux pas dire que vous ayez tort, ie ne blasme pas ce que j'ignore@. On ne les met point encore deuant @jamais@, comme @il ne sera iamais si meschant qu'il a este/@. Ny deuant @plus@ comme @je ne feray plus com- me i ay fait@. Ny apres @plus@, si vne negatiue suit, comme @il est plus riche que n'a este/ celuy qui@, &c. Ie parle de @plus@ & non pas de @non plus@, qui n'est pas de mesme; car on dit fort bien @je ne veux pas non plus, que vous alliez la\@. On ne les met point aussi deuant @acun@. ou @nul@, comme @il ne fait aucum mal, il ne fait nul mal@, ny deuant @rien@, comme @il ne peut rien faire, il ne veut rien faire@.

Les raison que l'on pourroit rendre de cela, car les Reigles ont quelquefois des rai- sons, & quelquefois n'en ont point, seroient, ce me semble, que les deux @ny, jamais, rien, nul,aucun@, nient assez d'eux-mesmes sans y ajou- ster ny @pas@, ny @point@, & quel le @que@, qui signi- fie @sinon que@ estant vn mot de restriction, on ne nie pas absolument, & ainsi on ne se sert ny de l'vn ny de l'autre de ces negatifs, ny de- uant @plus@ aussi, parce que ce mot a encore plus de vertu que @pas@, ny que @point@, en ce qu'il n'ex- prime pas seulement qu'il ne sera pas vne chose, mais qu'il ne sera pas ce qu'il a fait par le passe/. On ne les met encore deuant @sans@, com- me @sans nuage@, & non pas @sans point de nuage@, comme l'a escrit vn de nos plus celebres Es- criuains par deux fois de suite dans la meilleu- re piece qu'il ayt iamais faite en prose, en quoy il a este/ inustement repris de tout le monde. En cela il a suiuy l'ancienne fac#on de parler, qui est abolie il y a long-temps; car on disoit autrefois @sans point de faute@, & l'on dit main- tenant @sans faute@. On ne les met point encore, ny auant que l'on parle de quelque temps, ny apres qu'on en a parle/, comme @je ne le verray de dix jours. Il y a dix jours que ie ne l'ay veu@. Et tou- tes les fois qu'il est fait mention du temps, <408> j'ay trouue/ cette Reigle sans exception, ce qui procede, comme ie crois, de la mesme raison que i'ay alleguee a\ @sinon que@, qui est que toutes les fois qu'il est question de temps, il y a tousjours restriction de ce mesme temps- la\, qui empesche que l'on ne nie absolument, ce qu'ont accoustume/ de faire le @pas@, & le @point@. On les supprime d'ordinaire auec le verbe @pouuoir@, comme @il ne le peut faire, il ne pouuoit mieux faire, il ne peut marcher@. Ce n'est pas que l'on ne peust dire. @Il ne le peut pas faire, il ne pouuoit pas mieux faire. Il ne peut pas marcher@. Mais il est incomparablement meilleur & plus elegant sans @pas@. On les supprime encore auec le verbe @sc#a- uoir@ quand il signifie @pouuoir@, comme @il ne sc#auroit faire tant de chemin en vn iour, il n'eust sceu arriver plustost@. On y pourroit mettre @pas@, mais l'autre est beaucoup meilleur. Et auec le verbe @oser@, comme @il n'oseroit auior fait cela, il n'oseroit dire mot@. Rarement il se dit auec @pas@, sur tout au participe, ou au gerondif, comme @n'osant luy contredire@; car si l'on disoit & @n'osant pas luy contredire@, ce ne seroit pas si bien dit, il s'en faudroit beaucoup.

Au resteil est tres-difficule de donner des reigles pour sc#auoir quand il faut plustost dire @pas@, que @point@, nie bien plus fortement que @pas@. Il y a encore cette diference entre @pas@ & @point@, que @point@ ne se met iamais deuant les noms, qu'il ne soit suiuy de l'article indefiny @de@, com- me @il n'a point d'argent@, auec l'article indefiny, au lieu de dire @il n'a point l'argent@; comme ils di- sent aussi @j'ay d'argent@, pour dire @j'ay de l'ar- gent@. Mais parmy ceux qui parlent le mieux, mesme a\ la Cour & a\ Paris, il y en a qui font vne autre faute toute contraire, & qui disent @Il ny a point moyen@ pour dire @Il n y a point de moyen@, ou @il n'y a pas moyen@. Il est a\ noter qu'auec les infinitifs, @pas@ & @point@, ont beaucoup meilleure grace estant mis deuant qu'apres, par exemple @pour ne pas tomber dans les inconuenients@, ou @pour ne point ne tomber point dans les inconuenients@. On a presque tousjours escritce premier mot de cette fac#on, mais on l'a tous-

jours pronouce/, comme si l'on eust escrit @bre- lan@; Mais aujourd'huy plusieurs ne pronon- cent pas seulement @brelan@, ils l'escriuent aussi On a tousjours dit& escrit @brelandier@, & non pas @brelandier@, qui est encore vne raison de ceux qui soustiennent, qu'il faut tousjours dire & escire @brelan@, & non pas @berlan@. @Reguelisse@, est tousjours feminin. On dit @de la reguelisse@, & non pas @du reguelisse@. Mais @theriaque@, est des deux genres, & l'on dit @du theriaque@, & @de la theriaque@. Il faut dire @triacleur@, qui vend de la theriaque, ou qui pas- se pour vn Charlatan, & non pas @theriacleur@. Aujourd'huy l'on confond bien sou- uent les deux, qui neantmoins ont deux significations fort differentes; car tout le monde sc#ait que @plier@, veut dire @faire des plis@, ou @mettre par plis@, comme @plier du pa- pier, pier du linge@; & @ployer@, signifie @ce- der, obei%r@, & @en quelque fac#on succomber@, comme @ployer sous le faix, vne planche qui ploye a force d'estre charge/e@. Et certainement qui ap- pelleroit cela @plier@, & diroit @plier sous le faix@.

parleroit & escriroit fort mal, quoy que plu- sieurs facent cette faute, trompez a\ mon auis, par la prononciation de la Cour, qui pro- nouce la diphthongue @oi@, ou @oy@, comme la dithongue @ai@, pour vn plus grande dou- ceur, & dit @player@ pour @ployer@, & de @player@ on a aisement passe @a\ plier@. Neantmoins cet abus n'est pas tellement estably qu'on puisse dire que c'est l'Vsage, auquel il faudriot ceder si la chose en estoit venue% a\ ce point. Il n'y a qu'v- ne seule fac#on de parler, ou\ il semble que l'Vsage l'a emporte/, qui est quand on dit en terme de guerre, par exemple, que @l'infanterie@, ou @la caualerie a plie\@; car c'est ainsi que presque tout le monde parle & escrit aujourd'huy. La raison toutefois veut que l'on die @la caualerie a ploye/@, & non pas @plie@, parce que c'est vne fa- c#on de parler figure/e, qui se rapporte a\ celle de @ployer sous le faix, quand on a de la peine a\ sou- stenir vne trop grande charge@. Mais hors de cet- te seule phrase il faut tousjours dire @ployer@, dans la signification qu'il a. Ainsi il faut dire @il vaut mieux ployer que rompre@, & non pas @il vaut mieux plier, faire ployer vne espe/e @ & non pas @faire plier vne espe/e, ployer les genoux@, & non pas @plier les genoux@.

Il faut escrire @veuue@, ou @veufue@, & non pas @vefue@, comme on dit en plusieurs Prouin- ces de France; car on dit au masculin @veuf, vn homme veuf@, non pas @vef@, & ainsi au feminin il faut dire @veufue@, ou @veuue@, qui rime auec @neuue@ & @fleuue@, & non pas auec @trefue@. M. de Malherbe, @O combien lors aura de veuues La gent qui porte le turban, Que de sang rougira les fleuues, Qui lauent les pieds du Libans.@ Tous deux sont bons, tout de mesme que l'on dit @vent de Septentrion@, & @vent Septentrion, du coste/ de Septentrion@, & @du coste/ du Septentrion, du coste/ d'Orient, du coste/ de l'O- rient@. Ce mot n'est gueres bon, quoy que M. Coeffeteau s'en soit seruy vne fois ou deux dans son histoire Romaine, & que M. de Malherbe ayt dit, @Et si de vos discords l'infame vitupere@. Ie n'en voudrois vser qu'en raillerie, & dans

Ie stile bas. @Vituperer@, ne vaut rien du tout. Qvoy qu'ils n'ayent rien de commun entre eux, ie les mets esemble, parce qu'il n y a qu'vn mot a\ dire sur chacun, & que par diuerses recontres, ils se presentent a\ ma plume tous esemble. @Seraphin@, se doit escrire en Franc#ois auec vne @n@, bien qu'il y ayt vne @m@ au Latin. @Remerciment@, se doit aussi escire & pronoucer @remerciment@, & non pas @remercie- ment@ auec vne @e@, apres l'@i. Agre/ment@, de mesme & non pas @agreement@. Ainsi dans les vers on dit @payray, louray@, & non pas @payeray@, ny @lou%e- ray@, ce sont des mots difsyllabes dans la poe%- sie. Et @Viol@, qui se dit dans la Cour & dans les arme/es pour @violement@, est tres-mauuais. Il y en a plusieurs, qui disent par exemple @Dieu est present en tous lieux, tels qu'ils soient@, c'est mal parler, il faut dire @quel qu'ils soient@. Quelques vns croyent qu'encore que @quels@, soit le meilleur, @tels@, neantmoins ne laisse pas d'estre bon, mais ils se trompent.

Il y a des Autheurs celebres qui font regir a\ de certains verbes, comme @se reconcilier, prier, s'acquitter, s'offenser@, des cas qui ne leur conuiennant point, & il est bon d'en don- ner auis, afin que ceux qui les imiteront en vne infinite/ d'autres choses excellentes, ne s'a- busent pas en celles-cy. Il y a apparence, que ces verbes autrefois ont eu ce regime, mais ils ne l'ont plus aujourd'huy, @se reconilier a\ quelqu'vn, qu'il ne soit point en peine@, dit l'vn d'eux, @de se reconcilier a\ personne@, il faut dire @auec personne, prier aux Dieux@, autrefois on le disoit, il faut dire maintenant @prier les Dieux, s'acquitter aux grands@, pour dire @s'acquitter en- uers les grands. S'offenser de quelqu'vn@, au lieu de dire @s'offenser contre quelqu'vn@. Il est vray que l'on dit fort bien, @s'allier auec quelqu'vn@, & @s'allier a\ quelqu'vn@, & mesme ce dernier passe pour plus elegant. Ie ne parle point icy des fautes, qui se commettent contre la purete/ & la nettete/

du stile. Ce sont des chose toutes distin- ctes de ce qu'on apelle @negligence@. Il y en a de plusieurs sortes. Voicy celles que i'ay re- marque/es. La principale est quand on repete deux fois dans vne mesme page vne mesme phrase sans qu'il soit necessaire; car quand il est necessaire, comme il arriue quelquefois, tant s'enfaut que ces soit vne faute, que c'en feroit vne de ne le faire pas, outre que la na- ture des chose necessaires est telle, comme a remarque/ excellemment Ciceron, qu'elles sont tousjours accompagne/es d'ornement. Mais quand il n'est pas besoin, c'est vne tres- grande negligence de repeter vne phrase deux fois dans vne mesme page & de dire deux fois par exemple @sans en pouuoir venir a\ bout@; Que si la phrase est plus noble, la faute est enco- re plus grande, parce qu'estant plus escla- tante, elle se fait mieux remarquer. La seconde sorte de @negligence@, c'est de re- peter deux fois vne mesme mot specieux dans vne mesme page, sans qu'il en soit besoin; car il faut tousjours execepter cela. Si le mot est simple & commun, il n'en faut pas faire scru- ple, pour peu qu'il soit essoigne/ du premier; pourueu neantmoins qu'il ne commence pas deux periodes; car alors c'est vne vraye ne- gligence, comme par exemple si l'on met deux fois @cependant@, dans vne mesme page, au com-

mencement de deux periodes. En ces places la\ les mots se sont remarquer, quand ils ne se- roient que d'vne syllabe, comme @mais@, que la plus-part des Escriuains repetent trop souuent, quoy qu'ils soient excusables a\ cause du petit nombre de liaisons que nous auons, & qu'on retranche encore tous les iours. Il ne faut pas pourtant faire difficulte/, apres qu'on a com- mence/ vne periode par @mais@, de se seruir de ce mesme mot deux ou trois lignes apres en vn autres sens, stile discours le requiert, pour- ueu qu'il soit dans vn des membres de la pe- riode, & non pas au commencement. Or,est encore vn monosyllabe a\ commencer vne periode, dont il ne faut vser que de loin a\ loin. Ie ne voudrois pas auoir mis a\ trois lignes proches l'vne de l'autre @dont@, deux fois au lieu du pronom relatif, & i'ose asseurer que ce n'est point vn scruple, & qu'il n'y a point d'oreille delicate, qui ne soit blesse/e de cette repetition si proche, quoy que le mot soit doux & monosyllabe. I'en dis autant de l'ad- uerbe du lieu @ou\@; car pour @l'ou@ disjonctif, c'est vne autre chose; sa nature est d'estre repete/ plusieurs fois. Et ainsi de plusieurs autres. La troisiesme sorte de @negligence@, c'est quand on fait trop souuent des vers communs, ou Alexandrins. Ie dis trop souuent, parce qu'il est impossible qu'il ne s'en recontre tous-

jours quelqu'vn par cy, parla\, que vous ne sc#auriez la plus-part du temps euiter sans fai- re tort a\ la naifuete/ de l'expression, qui est vne chose bien plus considerable & vn plus grand bien, qu'il n'y a de mal a\ laisser vn vers. Iamais nos meilleurs Escriuains anciens & modernes ne se sont donne/ cette gesne, quand exprimant naifuement leur intention, ils ont recontre/ de paroles specieuses & qui sentent la poe%sie. Qui me pourroit blasmer si i'a- uois escrit en prose, @je ne suis iamais las de vous entrenir@? Et certainement tous ceux qui ont repris Tacite d'auoir commence/ ses Annales par vn vers hexametre @Vrbem Romam a\ prin- cipio Reges habuere@, & Tite-Liue d'auior com- mence/ son Historie Romaine par vn demy- vers @Facturus-ne opera-pratium sim@, ne laissent pas de passer pour des Censeurs bien seures, quoy qu'a\ la verite/ il n'y aytpas d'apparence de commencer vn ouurage en prose par vn vers. Boccace a aussi commence/ son Decame- ron par vn vers, @Humana cosa e\ hauer compassione@, & comme il faisoit de mauuais vers & que celuy-la\ est assez bon, on disoit de luy qu'il ne faisoit iamais bien des vers que lors qu'il n'auoit pas dessein d'en faire. Mais quand le vers n'a du vers que la mesure & encore bien

rude, comme est celuy de Taci\te, & qu'il sent beaucoup plus la prose que les vers, on le peut pardonner. Et Tite-Liue pour vn he- mistiche assez desguise/ par sa durete/ ne me- ritoit pas ces reproche. @La negligence@, est donc, quand on en laisse couler plusieurs, & s'il sont de suite, ils sont insupportables. Il y en a mes- me qui les affectent & en parlant en public, & en escriuant, mais cela est vne vice forme/, & des plus grands, & non pas vne simple negligen- ce, qui n'arriue qu'a\ ceux, qui font des vers sans y penser. Nous auons parle/ ailleurs am- plement @des vers dans la prose@. La quartriesme espece de @negligence@, sont les rimes riches ou pauures, dont il a este/ aussi traite/ ailleurs bien au long, non seulement quand elles se rencontrent dans la cadence des periodes, mais mesme proche l'vne de l'autre, comme par exemple si je dis @cela don- ne dauantage de courage@. Et non seulement @les rimes@, mais aussi @les consonances@, sont a\ euiter, & c'est vne negligence de n'y prendre pas gar- de, ou de ne s'en soucier pas, comme @fers@, & souhaits, affaire@, & croire, tache@, & @visage@, & mille autres semblables, s'ils se recontrent dans vne mesme cadence. C'est encore vne autre espece de negligen- ce, par exemple de dire @il discourut long temps sur l'immortalite/ de l'ame, sur le mespris de la vie,

sur la gloire des bonnes action@, & @sur le point de mourir il tesmoigna@, &c. c'est a\ dire qu'vne preposition comme est @sur@ icy, seruant a\ vn sens ne doit pas estre employe/e de suite a\ vn autre, parce qu'elle engendre de l'obscurite/, & qu'elle trompe le Lecteur ou l'Auditeur. Il enest de mesme des autres parties de l'oraison. Il y a encore plusieurs autres sortes de @ne- gligences@, mais parce qu'elles sont trop delica- tes, ie les laisse, & me contente d'auior mar- que/ les principales, & qui choquent tout le monde. Au reste j'ay juge/ a\ propos de faire cette Remarque, parce que j'ay pris garde, que plusieurs de nos meilleurs Escriuains, qui ex- cellant en la purete, nettete/, & elegance du stile, tombent bien souuent dans ce negli- gences, qu'on remarque comme autant deta- ches sur vn beau visage; Car en beaucoup d'autres choses la negligence est souuent vn grand artifice, mais elle n'a rien de en matiere de stile. @La nai%fuete/@, est bien vne des premieres perfections, & des plus grands charmes de l'eloquence, mais elle n'a rien de commun auec la @negligence@, dont nous par- lons en cette Remarque,& ceux qui pense- roient faire passer l'vne pour l'autres, auroient grand tort; l'vn est vice, & l'autre est vertu.

@Septante@, n'est Franc#ois, qu'en vn certain lieu ou\ il est consacre/, qui est quand on dit @la traduction des septante@, ou @les septante In- terprtetes@, ou simplement @les septante@, qui n'est qu'vne mesme chose. Hors de la\ il faut tous- jours dire @soixante-dix@, tout de mesme que l'on dit @quarte-vingts@, & non pas octante, & @qua- tre vingt-dix@, & non pas @nonante@. Cette suppression a tres-bonne grace, quand elle se fait a\ propos, comme @nous auons passe le riuieres les plus rapides@, & @pris des places que l'on croyoint imprenables@, & @n'aurions pas fait tant de belles actions, si nous estions demeurez oi- stifs@, &c. Il est bien plus elegant de dire, & @n'au- rions pas fait tant de belle action@, que si l'on di- soit & @nous n'aurions pas fait@. Il en est de mesme de tous les autres pronoms personnels de la se- conde & de la troisiesme personne singuliere & pluriele, dont les exemples sont si frequens dans nos bons Autheuers, qu'il seroit superflu d'en rapporter icy dauantage. Mais plusieurs abusent de cette suppression, sur tout ceux qui

ont escrit il y a vingt ou vingt-cinq ans; car en ces temps la\, si nous en exceptons M. Coeffeteau & peu d'autres, c'estoit vne vice assez familier a\ nos Escriuains. L'vn des plus celebres par exemple a escrit, @car vne chose mal donne/e ne sc#au- roit estre bien deu%e@, & @ne venons plus a\ temps de nous plaindre, quand nous voyons qu'on ne nous la rend point@. Il falloit dire, & @nous ne sommes pas contens de nous informer du fonds de celuy qui em- prunte, mais fou%illons jusques dans sa cusine@. Il faut dire @mais nous fou%illons@, parce que cette particule @mais@, fait vne separation qui romptle lien de la construction precedente, & en demande vne nouelle. De ces deux exemple, ou pourroit tirer deux Reigles pour connoistre quand la sup- pression est mauuaise. L'vne, lors que la con- struction change tout a\ fait, comme au pre- mier exemple, & l'autre, lors qu'elle est inter- rompue% par vne particule separtiue ou dis- jonctive, comme @mais, ou@, & autres sembla- bles. Donnons vne troisiesme exemple de la disjonctiue, @ou nous le confesserons, ou le nierons@ ne vaut rien, il fait repeter @nous@, & dire @ou nous les confesserons, ou nous le nierons@. On pour- roit faire encore d'autres regiles semblables tire/es des endroit, ou\ ces Autheurs ont man-

que' selon l'auis mesme de leurs plus passio- nez partisans. Il est certain que ce grand hom- me dont i'ay rapporte/ les deux exemples, te- noit encore de l'anciens stile cette fac#on d'es- crire; car les anciens supprimoient souuent ce pronom, & les modernes qui ont voulu se former sur vn modelle si estime/, l'ont sui- uy mesme aux choses, qui n'estoient plus en vsage. Ce mot a este/ employe/ au genre femi- nin par M. de Malherbe dans ses vers. Il est vray que ce n'est pas dans se bonnes pieces. Le ver m'est eschappe/, toutefois j'en suis certain. Il y a eu aussi quelque autre Poe%- te de ces temps-la\, qui l'a fait feminin; Neant- moins tous le Anciens l'ont fait masculin, & l'on trouuera dans Marot @vn pleur@, mais aujourd'huy je ne vois personne, qui ne le croye & ne la face masculin, @des pleurs versez, des pleurs repandus@. Tous ceux qui ont tant soit peu estu- die/ & qui sc#auent l'etymologie de ce mot qui vient de Mecure, ont de la peine a\ l'escrite & a` pronoucer autrement que @mer-

credy@, auec vne @r@ apres l'@e@. Ily a d'autres qui tiennent, qu'a\ cause de cette etymologie il faut bien escrire @mercredy@, mais il faut pro- noucer @mercredy@, sans @r@, tout de mesme que l'on escrit @arbre@, & @marbre@, & neantmoins on pronoucer @abre@, & @mabre@, pour vne plus gran- de douceur. A quoy ie respons qu'il est vray qu'autrefois on prononc#oit a\ la Cour @abre@ & @mabre@ pour @arbre@ & @marbre@, mais mal; au- jourd'huy cela est change/, on pronouce l'@r@, comme a\ @plus@, on ne prononc#oit pas l'l, & aujourd'huy on la prononce. La plus saine opi- nion, & le meilleur vsage est donc non seu- lement de pronoucer, mais aussi d'escrire @me- credy@ sans @r@, & non pas @mercredy@. La jonction, ou le meslange de deux fleuues, lors qu'vn fleuue entre dans vn autre se dit fort bien @le confluent de deux ri- uieres@, & c'est qui est cause qu'il y a tant de lieux en France, qu'on appelle @Conflant@, c'est a\ dire @confluent@, mais de @confluent@, on a fait @conflant@, qui est plus aise/, & plus doux a\ pro- noncer l'ose asseurer qu'il n'y a point de lieu qui s'appelle ainsi, ou\ il n'y ayt vne riuiere qui entre dans l'autre. Mais il faut dire @le con- fluent de deux riuieres@, au singulier & non pas

@les confluens@, au pluriel, comme disent quel- que vns. Ce n'est pas qu'on ne le die au plu- riel si l'on parle de @tous les confluens d'vn Royau- me@. Ce verbe dans la purete/ de nostre lan- gue demande tousjours la preposition @a\@, apres soy, & pour bien parler Franc#ois il faut dire par exemple @il commence a\ se mieux porter@, & non pas @il commence de se mieux porter@, & cela est tellement vray, que mesme au pre- terit defin, a\ la troisiesme personne singulie- re @commenc#a@, il faut dire @a\@ apres, & non pas @de@, comme disent les Gascons, & plusieurs au- tre Prouinciaux, & mesme quelque Pari- siens, soit par contagion, ou pour adoucir la langue ostant la cacophonie des deux @a\@, ne se souuenant pas de cette maxime sans exce- ption, qu'il n'y a iamais de mauuais son qui blesse l'oreille, lors qu'vn long vsage l'a esta- bly, & que l'oreille y est accoustume/e, ce que nous sommes obligez de repeter souuent se- lon les occasions. Il ne faut donc iamais di- re @il commenc#a de@, mais tousjours @il commenc#a a\@, mesme quand le verbe qui suit commence- roit encore par vn @a\@, tellement qu'il faut di- re par exemple @il commenc#a a\ auou%er@, & non pas @il commenc#a d'auou%er@. Ce n'est qu'il ne

le faille euiter qu'il est possible, mais si par necessite/, comme il se rencontre quel- quefois, la nai%fuete/ de l'expression oblige aux trois @a@, de suite, il n'en faut point faire de scrupule, parce que cette fac#on de parler estant naturelle ne peut auior que bonne gra- ce, tant s'en faut qu'elle soit rude. Il est vray qu'il y a des verbes, qui regissent @a\@ & @de@, d'au- tres qui ne regissent que @de@, & d'autres, qu'@a\@, comme celuy-cy. Ie remarqueray ceux de tou- tes le trois sorte a\ mesure qu'ils se presente ront. Par occasion, puis que nous parlons du verbe @commencer@, je diray que plusieurs Pari- siens doiuent prendre garde a\ vne mauuaise prononciation de ce verbe que j'ay remar- que/e mesme en des personnes celebres a\ la chaire & au barreau. C'est qu'ils prononcent @commencer@, tout de mesme que si l'on escriuoit @quemencer@; comme nous auons remarque/ ail- leurs qu'ils disent aussi @ajetter@ pour @acheter@, & qu'ils prononcentl'@r@ simple & douce, comme double & forte, & l'@r@ double comme simple; car ils disent @burreau@ pour @bureau@, & @arest@ pour @arrest@. Athenes le siege & l'oracle de l'Eloquen- ce Grecque ne laissoit pas d'auior quelque vi- ce particulier dans sa langue, & Paris qui ne luy en doit rien dans la sienne, n'est pas exent aussi de quelques des fauts par la destine/e & la

nature de choses humaines, qui ne souffre rien de parfait. Tous deux sont bons, mais il faut dire @jusque a\ demain matin@, & non pas @jus- que a\ demain au matin@, quoy que l'on die fort bien @jusque a\ demain au soir@. Dans la Remarque de gerondifs il a fal- lu necessairement parler des partici- pes, a\ cause qu'vne infinite/ de gens le con- fondent l'vn auec l'autre. Mais apres auior fait voir que l'vsage des gerondifs est beau- coup plus frequent en Franc#ois, que celuy des participes, nous auons promis vne Remar- que particuliere sur ces derniers pour en trait- ter a\ plein-fond; car j'ose dire quec c'est vne des parties de nostre Grammaire qui a este/ aussi peu connue% jusqu'icy, & qui merite au- tant d'estre esclaircie. Il faut commencer par les deux verbes au- xiliaires @auior@ & @estre@. Iamais ils ne sont parti- cipes, quand il s font leurs fonction de verbe auxiliaire, & qu'ils sont joints a\ vne autres ver- be, comme @ayant este/, ayant mange/, estant con- traint, estant aime/@. Ils sont tousjours gerondifs,

& par consequent, ils ne rec#oiuent jamais d'@s@ & ne peuuent auior de pluriel, parce que les gerondifs sont indeclinable. D'ou\ ils ensuit que ceux qui escriuent par exemple @les hommes ayans veu, les hommes estans contraints@, com- me font la plus-part, n'escriuent pas bien. Il faut dire @les hommes ayant veu, les hommes estant contraints@ sans @s@, apres @ayant@ & @estant@, a\ cause qu'ils sont gerondifs, comme il se voit claire- ment par la conformite/ des autres langues vulgaires auec la nostre; car l'Italienne &l'Es- pagnole disent @hauendo visto, essendo constretti, hauiendo visto, siendo forc#ados@, ainsi que nous auons desja dit en la Remarque des geron- difs. Et cette fac#on de parler par le gerondif auec le participe est inconnue% a\ la langue Grec- que & a\ la Latine, & n'appartient qu'aux lan- gue vulgaires. Ces mesme mots @ayants@, & @estant@, doiuent encore estre considerez sans participes apres eux. Donnons-en des exemples, & parlons premierement d'@ayant@, sous lequel, estant ainsi employe/, tous les autres participes actifs seront compris, parce qu'il se gouuernent tout de mesme. @Ayant@, est donc gerondifs de cette fac#on, @les hommes ayant cette inclination@, & participe de cette autre sorte, @Ie les ay trouuez ayans le verre a\ la main@. Mais voicy vne Re- marque nouuelle & fort cuieuse, dont je dois

la meilleure partie aux Oracles des nostre lan- que, que j'ay consultez la\ dessus. C'est que le participe @ayant@, n'a jamais de feminin, & que les autres participes actifs n'en vsent gueres. L'exemple en est vne preuue conuaincante, @je les ay trouue/es ayantes le verre a\ la main@. Cette fac#on de parler seroit barbare & ridi- cule. Aussi de dire @ayans les verre a\ la main@, ce- la ne se peut non plus, parce qu' @ayans@, est masculin & ne peut estre feminin, n'y ayant point d'adjectif en nostre langue, comme presque tous les participes les sont, qui se termi- ne en @ant@, dont le feminin au pluriel ne se ter- mine en @antes@. Il faut donc necessairement auior recours au gerondifs, quand il s'agit du feminin soit au singulier, soit au pluriel, & di- re en l'exemple que nous auons propose/ @je les ay trouue/es ayant le verre a\ la main@, non ob- stant l'equiuoque d'@ayant@, qui se pourroit rap- porter @a\ je@, aussi bien qu' @aux femmes@, si le sens ne supplecoit a\ ce defaut comme il fait souuent en toutes les langues, & dans les meilleurs Autheurs. Donnons vne exemple des partici- pes actifs aux autres verbes, @jes les ay trouue/es beauuantes@ & @mangeantes@, qui a jamais ou%y par ler comme cela, il faut dire @je les ay trouue/es beu- uant@ & @mangeant@, au gerondifs, nonobstant l'equiuioque qui est oste/ par le sens, & ne peut mesme estre rapporte/ @a\je@, qui luy faisant

violence, parce que @beauuant@ & @mangeant@, estant proches de @trouue/es@, se doiuent rapporter natu- rellement a\ @trouue/es@ plustost qu'a\ en est fort estoigne/. Mais on objecte que l'vn dit @changeant, con- clauates, effrayante, remuante@, & vne infinite/ d'autres de cette sorte; donc le participes, actif comme @changeant, concluant, effrayant, remuant@, &c. a son feminin. On respond que tout participe actif & pas- sif doit estre considere/ en deux fac#ons, ou comme participe & adjectif tout esemble, ou comme adjectif seulement. Or il n'est ja- mais participe au feminin, au moins dans le bel vsage, mais seulement adjectif, quoy que l'on confesse qu'il vient du participe; Car s'il estoit participe, comme il fait au masculin, par exemple on dit fort bien @je les ay trouuez man- geans des confiture, beuuants de la limonade@, mais on ne dira jamais en parlant de femmes @je les ay trouue/es mengeantes de confitures@, ny @beau- uantes de la limonade@, ny @ayantes le verre a\ lamain@, comme nous auons dit. Que si l'on replique, qu'ily a plusieurs de ces feminins qui regissent le mesme cas, que leurs verbes, commme @ces estoffes ne sont pas fort belles, ny approchantes de celles que ie vis hier@.

& @son humeur est tellement repugnante a\ la mienne que@, &c. Car le verbe @approcher@, regit @de@, com- me @il n'approche pas de la vertu d'vn tel@, & le verbe @repugner@, regit a\, comme @cela repugne a\ mon humeur@, & ainsi d'vn grand nombre d'au- tres. On respond, qu'il ne se'ensuit pas pour cela que @approchantes, repugnantes@, & leurs sem- blables soient parcipes, parce qu'il y a plu- sieurs noms adjectifs & particulierment les verbaux, c'est a\ dire, ceux qui sont formez des verbes, qui gardent le mesme regime des verbes dont ils sont formez, ou dont ils ap- prochent, quoy qu'ils ne soient point part- cipes, & qu'ils n'en ayent aucune marque, comme par exemple @libre, vuide, conforme, sem- blabes@, &c. Car on dira @libre de tous soins, li- bre de faire, ou de ne pas faire, vuide d'argent, vuide de tous soins, conforme@ ou @semblables a\ son modelle@, qui sont de regimes de verbes d'ou\ ils viennent, ou dont ils approchent. Il y en a pourtant qui soustiennent que ce participe actif feminin ne doit pas estre en- tierement banny de nostre langue, quoy que neantmoins ils demeurent d'accord que l'vsa- ge en est tres-rare, & que le gerondif mis en sa place sera meilleur sans comparaison. Quand on leur accorderoit ce participe fem- nin de la fac#on qu'ils le proposent, il me sem- ble qu'il n'y auroit guere a\ dire entre ces deux

propositions @qu'il n'est point du tout de la langue@, ou @qu'il en est, de sorte, que l'vsage en est tres-ra- re@, & @qu'encore en ce cas la\, le gerondif est beau- coup meilleur@. Voicy l'exemple qu'ils appor- tent. On dita fort bien, disent-ils, @cette fem- me est si pressante@ & @si examinante toutes chose@. Or @examinante@, en cet exemple ne peut estre que participe, puis qu'il regit apres soy le mes- me cas que le verbe, qui est, comme nous auons dit, la marque infailliable du participe. On respond premierement que l'Vsage n'est point de parler ainsi, & que l'on dira plustost @cette femme est si pressante@ & @examine tellement toutes chose@. Secondement, on ne demeure point d'accord,que cela soit bien dit, & tous ceux a\ qui ie l'ay demande/, & qui en sont bons juges, condamnent absolument cette fac#on de parler. Voicy vn exemple contraire, qui le fera voir encore plusclairement, par la comparai- son du participe masclulin auec le participe feminin, @ce sont tous argumens concluans vne mesme chose@. Cela est fort bien dit, & @concluans@ icy est participe, mais @ce sont toutes raisons con- cluantes vne mesme chose@, ce sera fort mal dit, & l'Vsage est de se seruir du gerondif, & de di- re @ce sont toutes raisons concluant vne mesme chose@, ou ce qui seroit beaucoup mieux @ce sont toutes raisons qui concluent vne mesme chose@; Car c'est

auec ce pronom relatif, que nostre langue supple/e au defaut du partcipe actif feminin, comme il se voit dans l'exemple que nous ven- nons d'alleguer, & en celuy-cy encore @je les ay trouue/es qui beuuoient@ & @mangeoient@, & ainsi en tous les autres. Ce n'est pas que de dire @ce sont toutes raisons concluantes@, ne soit tres-bien dit, parce que l'on il est adjectif, & l'Vsage parle ainsi, mais si l'on pense en faire vn participes qui regisse le nom comme son verbe, & dire @ce sont toutes raisons concluantes vne mesme chose@, il ne vaut rien. Il reste a\ parler @d'estant@, quand il n'est pas auxilliaire. La plus-part tiennent qu'il n'est ja- mais participe & tousjours gerondifs, & qu'ainsi il faut dire par exemple @les Franc#ois estant deuant Perpignan@, & non pas @estans@, quel- que-vns au contraire estiment, qu'@estans@ se peut dire comme participe, quoy qu'ils ne nient pas qu'@estant@, comme gerondifs n'y soit bon aussi. De mesme ils soustiennent que l'vn & l'autre est bien dit @les soldats estans sur le point@, & @estant sur le point@. Que si cela est vray, au moins il n'a lieu qu'au seul cas des ces exemples; car @estant@, ne peut estre employe/ qu'en trois fac#ons, ou comme verbe sub- stantif regissant vn nom apres soy, par exem-

ple @estant malade@, ou sans participe & sans nom comme @estant sur la point@. Quand il est auxi- liaire, nous auons desja fait voir qu'il ne peut estre que gerondif Quand il regit vn nom, il est aussi gerondif, & il n'est pas besoin de dire @estans@, pour marquer le pluriel, parce que le nom le marque assez comme lors que l'on dit @estant malades@, l'@s de malades@, monstre bien qu'il est pluriel sans mettre @estans@. Il n'y a donc qu'vn seul cas ou l'on puisse mettre @estans@, qui est lors qu'il n'a point de nom, ny de par- ticipe apres soy, comme quand on dit @estans sur le point@. Pour moy je le trouue bon, par- ce qu'il sert tousjours a\ esloigner l'equiuoque qui se peut rencontrer entre le pluriel & le sin- gulier, mais quand il ne fera point d'equiuo- que, j'aimerois mieux dire @estant@, au ge- rondif. Au moins il est bien certain qu'@estant@, par- ticipe n'a point feminin, & que jamais on n'a dit @estante@, non plus qu'@ayante@, au feminin, ce qui n'est pas vn petit indice que les parti- cipes actifs naturellement n'ont point de fe- minin, & que tous les feminins que nous voyons tirez de ces participes sont purement adjectifs, & ne tiennent rien de la nature des participes actifs, que leur formation.

Cette fac#on de parler soit dans le propre, ou dans le figure/e estoit fort elegante du temps de M. Coffeteau qui en vse souuent, mais aujourd'huy elle commence a\ vieillir. Nous auons pourtant quelques vns de nos Autheurs moderne, & de meilleurs qui s'en seruent encore. Ce qu'il y a a\ remarquer pour ceux qui s'en voudront seruir, est de ne met- tre pas les datif que @courir sus@, regit, deuant le verbe, mais apres. Vn exemple le va faire en- tendre. @Il ne faut pas courir sus aux affigez@ , est bien dit, mais si apres auior parle/ des affigez je dis @il ne leur faut pas courir sus@, je parle mal, parce que ie mets @leur@, qui est le dafif deuant @courir sus@, dont il est regi. C'est tout de mes- me qu'@aller au deuant, car aller au deuant de luy@, est fort bon, & @luy aller au deuant@, ne vaut rien. @Voisine/@ pour @voisinage@, comme @j'enuoye des fruit a\ tout mon voisine/@, pour dire @a\ tout mons voisinage@ est vn mot Prouincal insuppor- table a\ quiconque sc#ait la purete/ de nostre langue.

Ces deux premieres fac#ons de parler @de fac#on que, de maniere que@, sont Franc#oi- ses a\ la verite/, mais si peu elegantes, qu'il n'y pas vn bon Autheur qui s'en serue; & pour ces deux autres, @de mode que@, & @si que@, elles sont tout a\ fait barbares, particulierement @si que@, bien que tres-familier a\ plusieurs person- nes, qui sont en reputation d'vne haute elo- quence. Il faut dire @si bien que, de sorte que@, ou @tellement que@. Il n'y a que ces trois, qui soient employez par les bons Escruiains. C'est vne faute fort commune de conju- guer le preterits de ces quatre verbes par le verbe auxiliaire @auior@, au lieu de les con- juguer par le verbe substantif @estre@. L'exemple le va faire entendre. Plusieurs disent @il a este/ jusqu\ a\ la porte, mais il n'a pas entre/, mais il n'a pas sorty@, au lieu de dire, @mais il n'est pas entre/, mais il n'est sorty@. De mesme ils disent @il a monte/, il a descendu@, pour @il est monte/. il est descen-

du@. il faut obseruer la mesme chose en tous leurs autres preterits. L'vne de ces mauuaises prononciations est de dire @cheuz vous, cheuz moy, cheuz luy@, au lieu de dire @cheuz vous, cheuz moy, chez luy@, & ie ne puis comprendre d'ou\ est venu cet @u@, dans ce mot. L'autre, de pronoucer vne @s@, ou vne @z@, apres @on@, deuant la voyelle de verbe, qui le suit, comme @on-z@ a pour dire @on a, on z- ouure@, pour dire @on ouure, on z-ordonne@, pour dire @on ordonne@. Ie ne rapporte pas de exem- ples des autres voyelles, parce qui j'ay remar- que/, qu'en l'@e@, en l'@i@, & en l'@u@, on ne fait pas cette faute, & il me semble que ie n'ay @on-z- humecte@, pour @on humecte@. Neantmoins ie me pourrois bien tromper, mais il suffit de sou- stenir que c'est vne vice de prononciation en toutes le cinq voyelles. Ce vice est d'autant moins excusable, que la lettre @n@, qui finit @on@, n'a pas besoin du secours d'vne autre consone pour oster la cacophonie de la voyelle suiuan- te, puis qu'elle mesme y suffit en se redou- blant, comme nous auons dit en la Remar-

que de la lettre @h@, car on prononce @on a, on ou- ure, on ordonne@, comme si l'on escriuoit @on-n- a, on n-ouure, on-n-ordonne@, qui est la plus dou- ce pronouciation que l'on sc#auroit trouuer en ces mots la\, sans en chercher vne autre. Il y a encore quelques autres mauuaises pronon- ciation que i'ay remarque/es ailleurs; En voi- cy encore vne. Ie ne m'estonne pas qu'en certaines Pro- uinces de France, particulierement en Normandie on pronouce par exemple l'in- finitif @aller@, auec l'@e@ ouuert, qu'on apelle, comme pour rimer richement auec @l'air@; tout de mesme que si l'on escriuoit @allair@; car c'est le vice du pa'is, qui pour ce qui est de la pro nonciation manque en vne infinite/ de cho- es. Mais ce qui m'estonne, c'est que des per- sonnes n'e/es & nourries a\ Paris & a\ la Cour, le prononcent parfaitement bien dans le di- scour ordinaire, & que neantmoins en lisant, ou parlant en public, elles ont accoustume/ de prononcer ces infinitifs @aller, prier, pleurer@, & leurs semblables, comme s'ils n'auoient point d'@r@ a\ la fin, & que l'@e@, qui precede l'@r@ fust vn

e, masculin, tout de mesme que l'on pronon- ce le participe, @alle/, prie/, pleure/@, &c. sans au- cune difference, qui est la vraye prononciation de ces sortes d'infinitifs. Et cependant, quand la plus-part des Dames par exemple, lisent vn liure imprime/, ou\ elles trouuent ces @r@, a\ l'infinif, non seulement elles prononcent l'@r@ bien forte, mais encore l'@e@ fort ouuert, qui sont les deux fautes que l'on peut faire en ce sujet, & qui leur font insupportables en la bouche d'autruy, lors qu'elles les entendant faire a\ ceux qui parlent ainsi mal. De mesme la plus-part de ceux, qui parlent en public soit dans la chaire, ou dans le barreau, quoy qu'ils ayent accoustume/ de le bien prononcer en leur langage ordinaire, font encore sonner cette @r@, & cet @e@, comme si les paroles pronon- ce/es en public demandoient vne autre pro- nonciation, que celle qu'elles ont en particu- lier, & dans le commerce du monde. Quand j'ay pris la liberte/ d'en auertir quelques-vns de mes amis, ils m'ont respondu, qu'ils croyoient que cette prononciation ainsi forte auoit plus d'emphase & qu'elle remplissoit mieux la bouche de l'Orateur, & les oreilles des Audi- teurs. Mais depuis ils se sont desabusez, & corrigez, quoy qu'auec vn peu de peine, a\ cause de la mauuaise habitude qu'ils auoient contracte/e.

Il y en a ou\ il faut prononcer le @d@, & d'au- tres ou\ il ne le faut pas prononcer, telle- ment que pour bien faire, il ne faudroit point mettre le @d@, aux mots, ou\ il ne se prononce point; Aussi est-ce le sentiment de tous ceux qui s'y connoissent; car a\ quel propos laisser vn @d@, qui n'est la\ que comme vne pierre d'a- choppement pour faire broncher le Lecteur? Par exemple en ces mots @auenir, auis@, &c. pourquoy escire @aduenir, aduis@ si ce @d@, ne se prononce jamais? Prenons tous ces mots l'vn apres l'autre se- lon l'ordre du Dictionnaire, afin de n'en ou- blier pas vn. @Adjacent, terre adjacentes@ le @d@, se prononce. @Adjoindre, adjoin, adjonction@ ou pronon- ce le @d@. @Adjourner, adjournement@, le @d@, ne se pronon- ce point. @Adjouster@, il ne se prononce point. On le prononce dans la ville, & mal, mais non pas a\ la Cour. @Adjuger@, il ne se prononce point. @Adjudication@, il se prononce au verbal, quoy

qu'il ne se prononce pas au verbe. @Adjurer, adjuration@, il se prononce. @Adjuster, adjustement@, il ne se prononce point. @Admettre, admis@, il se prononce. @Adminstrer, administration@, il se prononce. @Admirer, admiration, admirable@, & toute sa suite, il se prononce. Il n'y a que les Gascons qui disent @amirer, amirable@, &c. @Admonester, admonition@, il se prononce, Par ou\ il se voit que le @d@, se prononce tous- jours deuant l'@m@, sans exception; car @admodier, admodiation@, que l'on met auec vn @d@, dans les Dictionaires n'en doiuent point auior, & il faut escrire @amodier@ & @amodiation@. Que si l'on y mettoit vn @d@, il faudroit dire, que tous les mots, qui commencement par @adm@, & qui vien- nent du Latin, comme sont tous ceux que nous auons marquez, veulent qu'on pronon- ce le @d@, mais non pas ceux qui ne viennent pas du Latin, comme @amodier, amodiatiom@, & @Ad- miral@, ou\ il ne faut non seulement pronon- cer, mais escrire @Amiral@ sans @d, Amiraute/@, de mesme, tant parce qu' a\ la Cour, on ne pro- nonce jamais @Admiral@, ny @Admiraute\@ auec le @d@ qu'a\ cause de son etymologie, que Nicod rap- porte doctement dans son Dictionnaire, & qu'il n'est pas besoin de transcrire icy. Il suf-

fit qu'il conclud luy-mesme qu'il faut dire @Amiral, aduancer@, ny @aduantage@, ne doiuent point estre mis icy, parce qu'il les faut tous- jours escrire sans @d, auancer, auantage@, ne doiuent @Aduenir@, en tout sens, le @d@, ne se prononce point, ny en @aduenement@, ny en @aduenue%@, ny en @aduenture@, ny en @aduenturier@. @Aduerbe, aduerbial@, il se prononce. @Aduersaire@, il se prononce. @Aduersite/@, il se prononce. @Aduertir, advertissement@, il ne se pronon- ce point. @Aduis, aduiser, aduise/@, il ne se prononce point. @Adou%er, adeu@, il ne se prononce point. @Aduocat, aduocasser@, il ne se prononce point. Lvn & l'autre est bon, mais il ne n s'en faut pas seruir indifferement; car on dit @la chaire de saint Pierre, la chaire du Predicateur, chaire de droit@, & non pas @chaise@. Au lieu que l'on dit @vne chaise@, non pas @vne chaire@, pour s'asseoir au sermon, ou ailleurs, ou pour se fai- re porter par la ville. @De chaises de paille, aller en chaise, venir en chaise, porteurs de chaise lou%er des chaises.

C'est vne chose ordinaire en nostre lan- gue, aussi bien qu'en la Grecque, de substantifier les infinitifs, comme @le boire, le manger@, &c. mais de dire @le vouloir@, pour @la vo- lonte/@, est vne terme qui a vielly, & qui n'estant plus receu dans la prose, est neantmoins en- core employe/ dans la poe%sie par ceux mes- me, qui excellant aujourd'huy en cet art. Il faut dire & escrire ainsi, & non pas es- perduement, ingenuement@, comme l'escriuoient les Anciens, & encore aujourd'huy quelques vns de nos Autheurs. Il est vray que ces adjectif feminin soit participes, ou non, comme @asseu- re/ment@, vient d'@asseure/e, effronte/ment@, d'@effronte/e, poliment@ & @infiniment@ de @polie@, & @infinie@, & @abso- lu$ment, resolument@, d'@absolue@ & de @resolue%@. C'est pourquoy les Anciens escriuoient @asseureement, effronteement, poliement, infiniement, absolue%ment@ & @resolue%ment@ selon leur origine. Mais comme les langues se polissent, & se perfectionnnent jusqu'a\ vn certain point, on a supprime/ pour

vne plus grande douceur l'@e@, comme on le supprime en ces mots, @agre/ment, remerciement, re- mercirirons@ pour @agreement, remerciment, remer- cierons@, &c. & cette suppression est marque/e par ceux qui escriuent en mettant vn accent sur l'@e$@, sur l'@i$@, a\ sc#auior l'accent aigu sur l'@e/@, comme @asseure/ment@, & l'accent ciron- flexe sur l'@i$@, & sur l'@u$@, comme @poli$ment, abso- lu$ment@; & elle est marque/e par ceux qui par- lent, en prononc#ant cet @e/@, cet @i$@, & cet @u$@, long, comme contenant le temps de deux sylla- bes reduites a\ vne seule. Mais cette reigle n'a lieu, qu'aux aduerbes, qui se forment des fe- minins adjectifs, ou\ l'@e@, final est precede/ d'v- ne voyelle, comme sont tous ceux, dont nous venons de donner des exemples. Que si l'adjectif feminin n'a point de voyel- le deuant l'@e@, comme @courtoise, ciuile@, on n'e- lide rien, on ne fait qu'ajouster @ment, cour- toisement, ciuilement@, excepte/ en ce seul aduer- be @gentiment@, lequel neantmoins se disoit au- tresfois @gentillement@, dans la mesme regile des autres, mais depuis on l'a rendu plus doux par l'abbreuiation. Et si l'adjectif est du genre commun, comme @brusque, fixe@, qui sont mas- culins & feminins c'est tout de mesme; on ne fait aussi qu'ajouster @ment@, & dire @brusquement, fixement@, & alors cet @e@, est bref, parce que la raison qui le fait long aux autres, vient a\ ces-

ser en celuy-cy, & il faut prononcer @ciuile- ment, courtoisement, brusquement, fixement@ d'vn @e@, bref & ouuert & non pas @ciuile/ment, fixe/ment@, d'vn @e/@ long & ferme/, ou masculin. Il y a pourtant quelque exeception en cer- tains mots que l'Vsage, ou l'abus a\ fair longs contre la raison & leur orgine, comme @commu- ne/ment, expressement, commode/ment, extreme/ment, conforme/ment@, peut-estre encore quelques autres, mais peu, quise formant de @commune, expresse, commode, extreme, conforme@, doiuent de leur nature auior l'@e@, bref & non pas long Il reste a\ parler des aduerbe formez des ad- jectifs feminins, qui se terminent en @ante@, ou @ente, puissamment@, se fait de @puissante,insolemment@, d'@insolente@, & a\ cause de cela les Anciens di- soient @puissantement, insolentemment, excellente- ment, ardentement@; Mais a\ mesure que la langue s'est perfectionne/e, on a change/ ces trois let- tres @nte@, en @m@, & l'on a dit @puissamment, inso- lement, excellemment@, qui dans cette abbre- uiation a beaucoup plus de grace & de dou- ceur, & les autres ne se disent plus, mais pas- sent pour barbares. Par tout ce discours, il se voit que tous les adverbes terminez en @ment@, se forment des adjectifs feminins, comme j'ay dit & non pas de masculins comme quel- ques vns de nos Grammairiens ont creu & publie/ dans leurs Grammaires.

Soit que l'on se serue de ce mot pour si- ginifier quelque production de l'esprit, ou de la main, ou bien de la nature, ou de la fort- tune, il est tousjours masculin, comme @il a compose/ vn long ouurage, vn ouurage exquis, c'est le plus bel ouurage de la nature, cest vn pur ouurage de la fortune@. Mais les femmes parlant de leur ou- urage, le font tousjours feminin, & disent @voi- la\ vne belle ouurage; mon ouurage n'est pas faite@. femble qu'il leur doit estre permis de nommer comme elles veuleut ce quin'est que de leur vsage; je ne crois pas pourtant, qu'il nous fust permis de l'escrire ainsi. On dit par exemple @allez vous-en chez vn tel@, & @ne mettez gueres@, pour dire & @ne soyez pas long-temps@, ou @ne demeurez gue- res@. A la verite/ cette fac#on de parler est Fran- c#oise, mais si basse que ie n'en voudrois pas vser, mesme dans le stile mediorce, ny dans le discours ordinaire; & de fait, j'ay veu des fem- mes de la Cour, qui l'oyant dire a\ des femmes de la ville, ne le pouuoient souffrir, comme vne phrase qur n'est point vsite/e parmy ceux

qui parlent bien; car c'est vne maxime, com- me j'ay dit ailleurs, que tous les mots, & tou- tes les fac#ons de parler, qui sont basses, ne se doiuent jamais dire en parlant, quoy qu'il y ayt beaucoup plus de liberte/ a\ parler qu'a\ es- crire. Il y a vne certaine digninite/ mesme dans le langage ordinaire & familier, que les hon- nestes gens sont obligez de garder, comme ils gardent vne certaine bien-seance en tout ce qu'ils exposent aux yeux du monde. Qvoy que ces deux mots signifient vne mesme chose, si est-ce qu'il ne les faut pas tousjours confondre, parce qu'il y a des endroits, ou\ l'on vse de l'vn, que l'on n'vseroit pas de l'autre. Par exemple, on dit @fureur poe%tique, fureur diuine, fureur martiale, fu- reur heroique@, & non pas @furie poe%tique, furie diuine@, &c. Au contraire on dit @durant la furie du combat, la furie du mal, courre de furie, donner de fu- reur@. Il semble que le mot de @fereur@, denote dauantage, @l'agitation violente du dedans@, & le mot de @furie les actions violentes du dehors@. Il y a aussi cette difference, que @fureur@ se prend quelquefois en bonne part, comme @fureur

poe%tique, fureur diuine@, & les autres deux epi- thetes que nous auons nommez en suite, & @furie@, se prend ordinairement en mauuaise part. On dit neantmoins l'vn & l'autres en parlant des animaux, & mesme des chose inanime/es, comme @le lion se lance en fureur@, ou @en furie, la fureur@ & @la furie des bestes farouches, la fureur@ & @la furie de la tempeste, des vents, de la mer@ & @de l'orage@. La leture attentifue des bons Autheurs suppleera au defaut de cette Remarque, & apprendra quelles sont les phrase, ou\ l'on se doit seruir de l'vn & non pas de l'autre, & ou l'on se peut seruir de tous les deux. Il suf- fit d'aduertir qu'on y prenne garde. Cet adjectif @gentil@ a @gentille@, au feminin, qui ne se prononce pas comme @ville@, mais comme @fille@, auec deux @ll@, liquides, & semblables a\ celles Espagnols. Ce qui est tout particulier a\ ce mot, n'y en ayant au- cun autre de la terminaision de @gentil@, qui pren- ne deux @ll@, au feminin, & les face prononcer comme @fille@; car on dit @subtil@, & @subtile@, & non pas @subtille,ciuil@ & @ciuile@, non pas @ciuil- le, vil@ & @vile@, & non pas @ville@. Il est vray qu'il y a peu d'adjectifs terminez en @il@, & que la

plus-part de ceux qui ont @ilis@, en Latin, pren- ne @ile@, En Franc#ois. Et la difference qui s'y trouue vient de la longueur, ou de la brief- uete/ de la penultiesme syllabe; car tous ceux qui en la langue Latine d'ou\ ils viennent, ont la penultiesme syllabe breue, comme @fertilis, vtilis@, en nostre langue prennent vn @e@, apres @l'l@, & l'on dit @fertile, vtile@, mais lors qu'au Latin, la penultiesme syllabe est lon- gue, comme en ces mots @subtilis, gentilis, ci- uilis@, il les faut dire en Franc#ois sans @e, subtil, gentil,ciuil@. Il faut execepter @seruile@. Non nobstant l'orgine de ce mot qui vient de @gemellus@, il faut prononcer & escrire @Iumeau@, & non pas @gemeau@, pour dire l'vn des enfans qui sont nez d'vne porte/e; Que si c'est vne fille, on l'appella @jumelle@. On dit @ils sont freres jumeaux, il est jumeau, ce sont deux ju- meaux duex freres jumeaux, c'est vne jumelle, vne cerise jumelle@. Mais quand on parle d'vn des si- gnes du Zodiaque, il faut prononcer & escri- re @gemeaux@, & non pas @jumeaux@. Ce mot est nouueau, mais receu auec applaudissement a\ cause de la necessite/,

que l'on en auoit, parce que nous n'en auions point en nostre langue, qui exprimast ce qu'il veut dire, & falloit vser d'vne longue ciron- locution; car @deferteur@, ny @fugitif@, n'est point cela, on peut estre l'vn & l'autre sans estre transfuge. @Transfuge@, comme en Latin @transfu- ga@, est quiconque quitte son party pour sui- ure celuy des ennemis. Tantost @fortune/@, signifie @heureux@, & tan- tost @nmalhereux@, quand il signifie @heu- reux@, il est plus noble que le mot d'@hereux@, & n'est pas tant du langue familier. On dit @vn Prince fortune/, vn Amant fortune/, les isles for- tune/es@. Mais dans la signification de @malheu- reaux@, il est bas, comme @ce pauure fortune/@. On se seruiot autrefois de cette parti- cule @si@, auec beaucoup de grace ce me semblable, par exemple on disoit, @j y ay fait tout ce que j'ay peu, j'ay remue/ ciel@ & @terre@ & @si je n'ay peu, en venir a\ bout@; Mais aujourd'huy on ne s'en sert plus, ny en prose, ny en vers. On en vsoit encore en vn autre sens vn peu

different du premier dire non pas @auec tout cela@, mais @outre cela@, comme il se voit en- core dans les escriteaux des chambre gar- nies dans la Paris, ou\ l`on adjouste d`ordinaire a\ la fin, @si l`on prend des pensionnaires@, c`est a\ dire @outre cela l`on prend des pensionnaires@. Mais aujourd`huy ce terme est encore plus bas & plus vieux que l`autre. CE mot au pluriel pour dire @les fait me- morables deguerre@, commence a\ s`appri- uoiser en nostre langue, & l`vn de nos cele- bres Escriuains l`a employe/ depuis peu en vn tres-belle Epistre liminaire, qu`il adresse a\ vn grand Prince. Que si l`on s`en sert en ces en- droits la\ qui sont si esclatans, & ou\ l`on ne s`emancipe pas comme dans le cours d`vn grand ouurage, d`vser de mots encore dou- teaux, il y a apparence que dans peu de temps il s`establira tout a\ fait. Ce n`est pas tant vn mot nouueau, qu`vn vieux mot que l`on re- nouuelle & que l`on remet en vsage; car vous le trouuez dans Amoyot, & dans les Autheurs de son temps, mais j@apprens qu`il y a plus de cinquante ans que l`on ne l`a dit que par rail- lerie, @ses faits@ & @gestes@. On mettroit tousjours @faits@, deuant, comme pour l`expliquer ou luy

feruir de passe-port. Il ne faudroit pas en vser ainsi maintent, si ce n`est que l`on repe- tast le pronom, en disant @ses faits@ & @ses ge- stes@, & non pas @ses faits@ & @gestes@, qui passe- roit encore pour raillerie. Au reste ceux qui s'en voudront seruir de- sormais pour @les faits remarquables de guer- re@, se souuien dront qu'il est plus du haut stile, que de l'ordinaire @les gestes d'Alexandre le grand@. Ie suis oblige/ d'ajouster ce que j'ay veu; que la plus-part ont de la peine a\ approuuer ce mot la\, & ainsi je voudrois pas me haster de le dire, jusqu'a\ ce que le temps & l'Vsa- ge nous l'ayent rendu plus familier. I'Ay veu plusieurs fois agiter cette question parmy d'excellens esprits. Il n'y a que les Poe%tes, qui y prennent interest, & qui vou- droient tous que @fuir@ a\ l'infinitif, @je fuis@, au preterit defini, & @j'ay fu%y@, au preterit in- defini, ne fussent que d'vne syllabe, parce qu'ils ont souuent besoin de ce mot la\, & que de le faire de deux syllabes, il est languissant & fait vn mauuais effet appelle/ par les Latins @hiatus@, qui est si grand defaut parmy la douceur & la beaute/ de la versification, qu'ils aimeroyent mieux se passer de le dire, que de le faire de deux syllabes; c'est pourquoy ils opiniastrent tant, qu'il n'est que d'vne; Car pour ceux qui parlent, ou qui escriuent en prose, il leur importe peu, qui'il soit d'vne ou deux, parce que dans la prononciation on a peine a\ distinguer de quelle fac#on on le fait, & dans la prose, il n'y a que l'orthographe tres-exacte, qui puisse declarer cela en met- tant deux points entre @l'u@, & @l'i@, ou @l'y, fui%r, je fui%s, j'ay fu%y@, lesquels estant oubliez ne se- roient pas remarquez pour vne faute. Le sentiment de tous les bons Grammai- riens est que @fu%ir, je fui%s j'ay fu#y@, sont de deux syllabes, & ils se fondent sur des raisons conuaincates. Parlons premierement des preterits, a\ cause qu'ils ont des raisons part- culieres, qui ne conuiennent pas a\ l'infinitif, comme l'infinitif en a aussi qui ne conuien- nent pas aux preterits. La premiere est, qu'en toutes les langues, comme en la nostre, les temps des modes qu'ils appellent, ou des conjugaisions; car il faut necessairement vser icy des termes de la Grammaire, se diuersisient tousjours autant qu'il se peut, par exemple on dit en Latin en la premiere personne du present de l'indica- tifs, @amo@, en celle de l'imparfait @amabam@, au

parfait, @amaui@, au plus que parfait @amaue- ram@, & au futur @amabo@. De mesme au Grec GREEK, ainsi en toutes les langues vulgaires, dont il seroit ennuyeux & superflu de rapporter les exem- ples. Pourquoy donc faudra-t il que cette rei- gle si generale, si naturelle, & si raisonnable de la diuersite/ des temps, qui fait la clarte/, la beaute/, & la richesses des langues, n'ayt pas lieu en ce verbe @fuir@, au preterit defini @je fui%s@, puis qu'elle le peut auior en faisant @je fuis@, au present d'vne syllabe, & @je fuis@, au preterit, de deux? En ces matieres l'analogie est vn ar- gument inuincible, dont les plus grands hommes de l'antiquite se sont seruis decide/ quelque chose dans leur langue. @Anatogiam@, dit vn grand homme, @loquendi magistram ac ducem sequemur; hac dubiis vocibus moderatur, aut verteribus, aut si que nostro-aliis- vn saculu nascuntur@. Et Varron qu'on appelle le plus sc#auant des Romains est dans ce mesme sentiment qu'il establit par des raisons admirables. Mais outre ce rapport general que les verbes ont entre eux, il y a encore vn analogie toute particu- liere entre ce verbe @fui%r@, & deux autres ver- bes, de la mesme conjugaison, & compo- sez de mesme nombre de lettres, ce qui con- firme entierement nostre opinion, & ne laisse

plus aucun lieu de repliquer. Ces deux verbes sont @ou%ir@ & @hai%r@, qui sont de deux syllabes a\ l'in- finitif, au preterit defini, & au preterit inde- fini, & ne sont que d'vne syllabe au present de l'indicatif; Car on dit @ou%yr, j'ou%is, j'ay ou%y@ & @j'oys, hai%r, ie hai%s, i'ay hai%@, & @ie hais@, Pour- roit-on trouuer au monde deux exemples plus parfaits, plus conformes, & plus con- uaincans, ny concluans que ceux la\? Mais comme j'escriuois cecy, vn des plus beaux esprit de ce temps, a\ qui ie le com- muniquay, ne voulut pas neantmoins se renn- dre a\ la force de ces raisons, qu'on pourroit appeller demonstration. Pour toute defen- se il ne leur opposa que @l'Vsage@, qui a\ ce qu'il soustient, ne fait @fuir@, ny tous ses au- tres temps dont il s'agit, que d'vne syllabe. A cela je respondis, que si @l'Vsage@, ne les fai- soit que d'vne syllabe, il n'y auiot rien a\ di- re, que ces Remarques estoient pleines de l'entiere deference qu'il falloit rendre a\ l'Vsa- ge au prejudice de toutes les raisons du mon- de; Mais c'est la question, de sc#auior si l'Vsa- ge les fait d'vne ou de deux syllabes; car s'il'a- uoit decide/ il n'y auroit plus de doute, & de le mettre aujourd'huy en question, est vne preu- ue infallible qu'il ne l'a pas decide/; Car il faut considerer, qu'encore que l'Vsage soit le mai- stre des langues, il y a neantmoins beaucoup

de chose ou\ il ne s'est pas bien declare/, com- me nous l'auons fait voir en la Preface, par plusieurs exemples; qui ne peuuent estre con- tredits. Alors il faut necessairement recourir a\ la Raison, qui vient au secours de l'Vsage. Par exemple en ce mot @fui%r@, non plus qu'en tous les autres mot de cette nature, on ne peut descouurir l'Vsage qu'en trois fac#ons, en la prononciation, en l'orthographe, & en la mesure des vers. Pour la prononciation, on ne sc#auroit discerner si on le fait d'vne sylla- be, ou de deux. Pour l'orthographe, on le pourroit connoistre par les deux points qu'il faudroit mettre sur l'@u%@ ou sur l'@i%@ en escriuant @fui%r@, ainsi; car ces deux points marquent tousjours deux syllabes, mais les Imprimeurs ny les Autheurs ne sont pas si exacts. Et pour la mesure du vers, les Poe%tes n'en doiuent pas estre iuges, parce qu'ils sont parties, & n'ont garde de le faire que d'vne syllabe. La rasion en est euidente, @fuir@, est vn mot donc ils peu- uent souuent auior besoin, soit a\ l'infintif, soit au preterit, c'est pourquoy ayant a\ s'en seruir, ils ne marqueront pas de le faire d'v- ne syllabe, & ne le feront jamais de deux, a\ cause de cet entre-baillement que font les voyelles @u@, & @i@, separe/es, & que la douceur de nostre Poe%sie ne peut souffrir, qui par cette mesme raison bannit la rencontre des voyel-

les en deux mots differens. Ils ne deuroient pas pourtant trouuer @fui%r@, de deux syllabes plus rude, que @rui%ne@, & @brui%ne@, ou\ l'@u@, & l'@i@ font deux syllabes distinctes. Nous auons donc fait voir que @ie fui%s@, au preterit defini est de deux syllabes. S'il l'est au preterit defini , il l'est aussi au preterit indefi- ni, @i'ay fu%y@, parce qu'e en toutes les quarte con- jugaisons des verbes, soit reguliers, soit ano- maux je vois que, jamais ces deux preterits n'ont plus de syllabes l'vn que l'autre: si ce n'est en vn seul, & qui @mourus@, & @mort@, mais encore dit-on @ie suis mort@, a\ l'indefini, comme on dit @ie mourus@, au defini, & ainsi il se peu- uent dire egaux en syllabes. Maintenant pour l'infinitif, il s'ensuit par l'analogie des verbes, que le preterit defini estant de deux syllabes, comme nous auons fait voir l'infinitif ne peut pas estre d'vne syl- labe, parce qu'en toutes nos conjugaisons re- gulieres, ou anomales, il n'y a pas vn seul ver- be sans exception, dont l'infinitif ne soit ou egal en syllabes auec le preterit defini, ou plus long, comme en la premiere conjugaison termine/e en @er, aimer, aimay@, en la seconde termine/e en @ir, sortir, sortis,@ en la troisiesme termine/e en @oir, preuior, preuis,@ & quelquefois plus long, comme @sc#auior, sceus,@ & en fin en la quartriesme termine/e en @re, perdre, perdis,

faire, fis croire, creus@. Il est ainsi de tous les anomaux. CEtte fac#on de parler, qui est si com- mune, est insupportable. Tant de gens disent & escriuent & dans les Prouinces & dans la Cour mesme, @il est en Cour, il est alle/ en Cour, il est bien en Cour@, au lieu de dire, @il est a\ la Cour, il est alle/ a\ Cour, il est bien a\ la Cour@. C'est bien assez que l'on souffre @en Cour;@ sur les paquets. De mesme il faut dire @Aduo- cat au Parlement, Procureur au Parlement,@ & non pas @Aduocat en Parlement@, ny @Procureur en Par- lement@, comme l'on dit, & comme l'on escrit tous les jours. IL y en a qui tiennent que dans le stile histo- rique, il ne faut pas narrer le passe/ par le present, comme par exemple en descriuant vne tempeste arriue/e il y a long-temps, il ne veulent pas que l'on die, @mais tout a\ coup vne gresle espaisse suiuie d'vne effroyable tempeste, desroba la veue%@ & @la conduite aux nautonniers. Le soldat apprentif dans les fortunes de le mer trou- ble l'art des matelots par vn seruice inutile. Les

vaisseaux abandonnez du pilote flottent a\ la mer- cy de l'orage; tout cede enfin a\ la violence d'vn vent@, & ce qui s'ensuit dans cette excellente & nouuelle traduction de Tacite au second li- ure des Annales, que j'ay bien voulu rappor- ter icy pour vn des plus beaux exemples, qu'au- cun Historien eust peu me sournir sur ce su- jet. Ceux qui sont dans ce sentiment vou- droient que l'on @dist le soldat apprentif dansles fortunes de la mer troubloit,@ & non pas @trouble l'art des metelot; les vaisseaux abandonnez du pilote flottoient@, & non pas @flottent a\ la mercy de l'orage Tout cedoit@ & non pas @tout cede@, sur tout apres auior employe/, disent ils, le preterit defini @de sroba@, immediatement deuant la periode, qui employe le temps present @trouble@. Mais ie ne puis assez m'estonner, que des gens, qui d'ailleurs escriuent parfaitement bien, soient tombez dans cette erreur; car outre que l'e- xemple des Historiens Grec & Latins les con- damne, tous les nostre n'en vsent point autre- ment, ny M. de Malherbe, ny M. Coeffeteau, ny aucun autre. Mesmes en parlant on a ac- coustume/ de narrer ainsi, & j'ay veu force Re- lations de gens de la Cour, & de gens de guer- re, qui se seruent d'ordinaire du present, com- me ayant meilleure grace que le preterit. Il est vray que pour diuersifier & rendre le stile plus agreable, il se faut seruir tantost de

l'vn & tansost de l'autre, & sc#auoir passer a- droitement & a\ propos du preterit au present & du present au preterit; autrement on fe- roit vne fautre qu plusieurs font de commen- cer par vn temps & de finir par l'autre, qui est d'ordinaire vn tres-grand defaut. CE terme estant relatif d'vne chose a\ vne autre, il faut l'employer d'vne mesme fac#on en toutes les deux choses, par exemple @d'autant plus qu'vne personne est eseue/e en dignite/, d'autant plus doit-elle estre humble,@ & non pas @d'autant plus qu'vne personne est esleue/e en dignite/@, vn excellent Autheur & plusieurs autres aussi. Que si l'on met @d'auant plus@, au premier, il faut mettre @d'autant plus@, au second; si l'on ne met que @d'autant@, au premier sans @plus@, il le faut met- tre au second de mesme. Et il est a\ noter qu'il ne suffit pas de repeter @plus@, mais qu'il faut aus- si le mettre en la mesme place que l'autre, & ne dire pas @d'autant plus qu'vne personne est eleue/e, d'autant doit-elle estre plus humble@, ny elle @doit d'au- tant plus estre humble@, mais @d'autant plus doit-elle estre humble@.

QVand le verbe auxillare @auior@, se conju- ge auec le verbe substantif @estre@, il n'ai- me pas a\ rien receuoir entre-deux qui les sepa- re; non pas que soit absolument vne faute, mais c'est vne imperfection a\ euiter. Par exemple si l'on dit @il a plusieurs fois estre/ contraint@, il ne sera pas si bon que de dire @il a este/ plu- sieurs fois contraint@, ou @il a este/ contraint plusieurs fois@ en mettant @a@, & @este/@, immediatement l'vn aupres de l'autre. De mesme @s'il eust este/ enco- re malade@: Mais quand ce mesme verbe @auoir@, se conjuge auec vn autre verbe, que le substantif, il n'en est pas ainsi; car par exem- ple @je l'en ay plusieurs fois asseure/@, est bien mieux dit, @que je l'en ay asseure/ plusieurs fois@. PEu de gens ignorent, comme je crois, que ce mots a\ deux signification, & deux genre. Il est masculin quand il signifie @ce dont on se couure le visage@ & @la teste@, comme @le voile blanc, le voile noir des Religieuses@, & @vn

@voile deuant le yeux@, que l'on dit, & propre- ment & figurement, & alors on voit par ces exemples qu'il est masculin. Mais il est feminin quand il signifie @la toile@, ou @autre estoffe, dont le matelots se seruent pour receuior le vent qui pous- se leurs vaisseaux@. Neantmoins je vois vne in- finite/ de gens, qui font ce dernier masculin, & disent @il faut caler le voile, les voiles enflez@. Soit qu'on s'en serue dans le propre, ou dans le figure/ en cet dernier sens, il est tousjours feminin. L'Exemple le va faire entendre. Si vn homme dit a\ vne fille, @je suis plus beau que vous@. ou qu'vne fille a\ vn homme, @je suis plus vaillante que vous@, on demande si cette fac#on de parler est bonne. On respond qu'el- le ne se pe/ut pas dire absolument mauuaise, mais qu'elle n'est pas fort bonne aussi, & qu'il la faut euiter en se seruant d'vne autre phrase, comme @j'ay plus de beaute/ que nous, j'ay plus de courage que vous@; Autrement il faudroit dire, pour parler regulirement, @je suis plus beau que vous n'estes belle@, & @je suis plus vaillante, que vous n'estes vaillant@, car en cette phrase l'adjectif re-

gardant les deux personnes de diuers sexe, & leur estant commun a\ tous deux, il doit aussi estre genre commun, & non pas d'vne gen- re qui ne conuienne qu'a\ l'vn de deux. C'est pourquoy vn homme dira fort bien a\ vne femme, ou vne femme a\ vn homme, @je suis plus riche que vous, je suis plus pauure@, & @plus noble que vous@, parce que tous ces adjectifs @riche, pauure, noble@, sont du genre commun, & conuiennent egalement a\ l'homme & a\ la femme. CEtte fac#on de parler @a\ mesme@, pour dire @en mesme temps@, ou @a\ mesme temps@, comme @a\ mesme que la priere fut, l'orage fut appaise/@. est tres-mauuaise, & je ne conseillerois a\ qui que ce soit en vser, ny en parlant, ny en es- criuant. CE mot a plusieurs signification, tan- tost il signifie @personnes@, tantost @les do- mestiques@, tantost @les soldats@, tantost @les offciers du Prince en la justice@, & tantost @des personnes qui sont de mesme suite@, & @d'vn mesme parti@. Il est tousjours masculin en toutes ces significa- tions, excepte/ quand il veut dire @personnes@; car

alors il est feminin si l'adjectif le precede, & masculin si l'adjectif le suit. Par exemple on dit, @j'ay veu des gens bien fait, bien resolus@,vous voyez comme l'adjectif @bien faits@, apres @gens@, est masculin. Au contraire on dit @voyla de bel- les gens, ces sont de sottes gens, de fines gens, de bon- nes gens, de dangereuses gens@, ainsi l'adjectif deauant @gens@, est feminin; Il n'y a q'vne seule exception en cet adjectif @tout@, qui estant mis deuant @gens@, y'est tousjours masculin, comme @tous les gens de bien, tous les honnestes gens@, jusques la\ que l'on ne dit point @toutes les bonnes gens@, ce mot @tout@, ne se pouuant accommoder deuant @gens@, auec les autres adjectifs feminin qu'il de- mande. Nous auons quelques autres mot en nostre langue, qui se gouuernent de mesme auec les adjectifs. Voyez @ordres@, ie ne me sou- uiens pas des autres. CE mot pris du Latin pour dire @a\ venir@, est plus de la Poe%sie, que de la bon- ne prose; car stile de Notaire, on dit bien @futur espoux@, & @future espouse, futurs con- joints@, & les Grammariens disent bien @le temps futur@, pour @les temps a\ venir@, mais ie ne sc#ache point d'endroit dans le beau langage, ou\ il puisse estre employe/. Les Poe%tes s'en seruent

maginfiquement, comme M. de Malherbe, @Que direz-vous races future?@ CE mot le plus souuent se prend en mauuaise part, comme @le iour fatal, l'heu- re fatale, le tison fatal, le cheueu fatal, fatal a\ la Republique, Scipon fatal a\ l'Afrique, Hanni- bal fatal a\ l'Italie. Mais il ne laisse pas de se prendre quelquefois en bonne part, com- me M. de Malherbe a dit @dans le fatal accou- plement@, vn autre, & @c'estoit vne chose fatale a\ la race de Brutus de deliuer la Republique@. DEpuis quelques anne/es nous auons pris ce mot des Italiens pour exprimer vne chose, qu'ils ont les premiers introdutie fort sagement, afin, d'euiter les ceremonies aus- quelles les Grands sont sujets quand ils se font connoistre; car par ce moyen on exente d'vne importune obligation, & ceux qui les doiuent rendre. Aujourd'huy toutes les na- tions se seruent d'vne inuention si commo- de, & empruntent des Italiens & la chose & le mot tout esemble. Nous disons @il est venu

incognito, il viendra incognito@, non pas qu'en es- fet on ne soit connu, mais parce qu'on ne le veur pas estre. Mais ce qui est digne de re- marque, c'est que si nous parlons d'vne fem- me, d'vne Princesse, nous ne laisserons pas de dire @elle vient incognito@, & non pas @incognita@; & si nous parlons de plusieurs personnes, com- me de deux ou trois Princes, nous dirons aus- si @ils viennent incognito@, & non pas @incognitamen- te@, & ainsi il est indeclinable. Seulement il seroit a\ desirer que la pluspart des Franc#ois qui prononcent ce mot, ne missent point l'ac- cent sur la derniere syllabe, disant @incognito\@, Au lieu de dire @inco/gnito@, en mettant l'accent sur l'antepenultiesme. PAr exemple, @Ie ne sc#aurois croire, qu'apres auior fait toutes sortes d'efforts,@ & @employe/ tout ce qu'il auiot d'amis, d'argent@, & @de credit pour venir a\ bout d'vne, si grande enterprise, qu'elle luy puisse reu%sir, lors qu'il l'a comme abandonne/e@. Ie dis qu'il ne faut pas repeter le @que@, encore qu'il y ait trois lignes entre-deux, & qu'ayant dit @qu'apres auior fait toutes sortes d'efforts@, &c il

ne faut pas dire @qu'elle luy puisse reu%sir@, mais seu- lement @elle luy puisse reu%sir@, parce que le pre- mier @que@, suffit pour tous les deux, quand mes- me la distance du regime seroit plus grande. Il est vray qu'en ce cas la\, lors qu'elle est trop longue; on a accoustume/ pour soulager l'es- prit du Lecteur, ou de l'Auidteur, de repren- dre les premiers mots de la periode, & de dire comme en cet exemple, @ie nie sc#aurois croire, qu'a- pres auior fait toutes sortes d'efforts@, & @employe/ tout ce qu'il auoit d'amis d'argent@ & @de credit pour venir a\ bout d'vne si grande enterprise@, & @qu'apres que toutes les puissances s'en sont mesle/es, les vne sous-main@, & les autres ouuertement, ie ne sc#aurois, dis-je, croire, qu'elle luy puisse reu%sir@, &c. Alors il faut neces- les autres ouuertement, ie ne sc#aurois, dis-je, croire, qu'elle luy puisse reu%sir@, &c. Alors il faut neces- sairement repeter le @que@, & non pas autre- ment. Il n'en est pas comme de @ce@, qui aime a\ estre repete/, encore que les deux soient pro- ches, & qui le veut estre absolument lors qu'ils sont essoignez. Ie n'en donne point d'exem- ple, parce qu'il y en vne Remarque particu- liere. CE mot est vieux, & n'est plus guere en vsage que parmy le peuple. Il se conser- ue neantmoins dans les chose sacre/es, ou\ il est meilleur que @festin@; Car on dit @le banquet des Eleus, le banquet de l'Agneau@. On dit aussi @le ban-

quet des sept Sages@. Mais le verbe @banqueter,est beaucoup moins encore en vsage que @banquet@. TOus deux sont bons, mais desbarquer est plus doux & plus en vsage; Car ces verbes composez d'vn verbe simple qui com- mence par @em@, ou @en@, laissent d'ordinaire cette premiere syllabe dans leur composition, com- me @d'engager@, simple se forme le compose/ @de- gager@, d'@envelopper@, se fait @desuelopper@, & d'@embar- rasser, desbarrasser@, quoy qu'il y ait apparence qu'au commencement on a dit @desengager, des- enuelopper@, & @desembarrasser@, mais depuis on a oste/ l'@en@, pour rendre ces mots plus courts & plus doux. Et de fait il y en a fort peu qui ayent garde/ l'vne ou l'autre de ces syllabes; Car d'@embourser@, on a dit @desbourser@; d'@embrou%il- ler, desbrou%iller@, d'@emmaillotter, despaqueter, d'em- mancher, desmancher; d'empaqueter, despaqueter; d'empestrer, despestrer@; Il n'y a qu'@emparer@, qui fait @desemparer@, & @embarquer@, comme nous auons dit est beaucoup meilleur. Et pour @en, d'en- cheuestrer@, se fait @descheuestrer; d'encourager, descourager; d'engraisser, desgraisser; d'enlacer, des- lacer, d'enrou%iller, desrou%ller, d'enraciner, desraciner@, & a\ mon auis, il n'y a d'excepte/ que @desenyurer,

d'enyurer; desennuyer, d'ennuyer@, & @desensor- celer, d'ensorceler@; Car pour sous cette Reigle, syllabes, ils ne tombent pas sous cette Reigle, parce quedu simple @emplir@, on ne sc#auroit faire que @desemplir@, ny d'@enfler@ que @desenfler@. Par ou\ il se voit que @desbarquer@, & @de- sembarquer@, ont cela de particulier que l'vn & l'autre se dit, quoy que l'vn soit meilleur que l'autre; au lieu que de tous ceux que nous auons nommez, qui sont a\ peu pres tout ce que nous en auons dans nostre lan- gue, ie n'en vois pas vn qui se puisse dire de deux fac#ons. Au reste on se sert de ce verbs, & en actif & en neutre, car on dit @desbarquer son arme/e@ pour dire @la faire descendre@, ou @la mettre hors du nauire@, & @l'arme/e a desbarque/ en vn tel lieu@. Ie dois cette petite Remarque non seule- ment au public, mais a\ moy-mesme, pour ma propre iustification; car dans le cour de cet ouurage, ou\ il faut souuent vser de ce mot, je mets tousjours @pluriel@, auec vne @l@, quoy que tous les Grammairens Franc#ois ayent tousjours escrit @plurier@, auec vne @r@; aumoins jusqu'icy, je n'en ay pas veu vn seul, qui ne l'ait escrit ainsi: La raison sur laquelle ie me fonde est, que venant du Latin @pluralis@, ou\ il y a vne @l@, en la derniere syllabe, il faut necessaire-

ment qu'il la retienne en la mesme syllabe au Franc#ois, parce que ie pose en fait, que nous n'auons pas vn seul mot pris du Latin, soit ad- jectif, ou substantif, qui ne retienne l'@l@ quand elle se trouue en la derniere ou penultiesme syllabe Latine, ou\ il y ait vne @l@. Pour verifier cela, ie pense auior jette/ les yeux sur tous les mots Latins, ou\ il y a vne @l@, a\ la derniere ou penultiesme syllabe, & dont nous auons fait des mots Franc#ois; car il y a vn certain moyen de trouuer en moins de rien tous ces mots La- tins, mais ie n'en ay pas rencontre/ vn seul qui en nostre langue ne garde l'@l@, qui est dans la Latine. Il seroit ennuyeux de les mettre tous icy, i'en ay conte/jusques a\ cent ou enuiron. Il suffit, que quiconque ne le croira pas en pouura luy mesme faire l'experience; & si par fortune il s'en trouuoit vn ou deux d'excepte/s ce que ie ne crois point, tousjours la reigle sub- sisteroit puissamment, ne souffrant au plus qu'vne ou deux exceptions, & ainsi quand on dira @pluriel@ auec vne @l@, ce sera selon la reigle generale. Outre que c'est aussi le sentiment general de ceux qui sc#auent parfaitement nostre langue, lesquels j'ay consultez, & que je puis opposer a\ nos Grammairiens, qui man- quent bien en d'autres choses. Ce qui les a trompez, c'est sans doute que l'on dit @singulier@ auec vne @r@ a\ la fin, & ils ont creu qu'il falloit

escrire & pronocer @plurier@, tout de mesme, ne songeant pas que @singulier@, vient de @singularis@, ou\ il y a vne @r@ a\ la fin, & que @pluriel@, vient de @pluralis@, ou\ il y a vne @l@, & non pas vne @r@, en la derniere syllabe. Vn excellent esprit m'a objecte/ que l'Vsage est pour @plurier@, & qu'il ne voit pas, comme ie puis soustenir cette Remarque faisant profes- sion d'estre tousjours pour l'Vsage contre le Raisonnement; mais ie luy ay respondu que lors que ie parle de l'Vsage, & que ie dis qu'il est le maistre des langue viuantes, cela s'en- tend de l'Vsage dont on n'est point en doute, & dont tout le monde demeure d'accord, ce qui ne nous apparoist proprement que d'vne fac#on qui est quand on parle; Car l'escriture n'est qu'vne image de la parole, & la copie de l'orginal, de sorte que l'Vsage se prend non pas de ce que l'on escrit, mais de ce que l'on dit & que l'on prononce en parlant. Or est-il qu'en prononc#ant @pluriel@, on ne sc#auroit dis- cerner s'ily a vne @l'@, a\ la fin ou vne @r@, tellement qu'on ne peut alleguer l'Vsage en cette occa- sion non plus qu'en plusieurs autres, ou\ l'on est contraint d'auior recours a\ l'analogie, commme dit Varron, & comme nous l'auons ample- ment explique/ en la Remarque de @Fui%r@ dans la page 454. & 455.

IL faut escrire ainsi @arc-en-ciel@, auec les trois mots, dont il est compose/, separez par deux tirets, & non pas escrire @arcanciel@. Et au pluriel s'ily auiot lieu de l'employer, ce qui ne peut arriuer que rarement, il faut dire par exem- ple @deux arc-en-ciels, plusieurs arc-en-ciels@, & non pas @arc-en-cieux@, ny @arc-en ciels@, ou @arcs- en cieux@; cela estant assez ordinaire en nostre langue aux mots composez, soit noms ou verbes, de ne suiure pas la nature des simples qui les composent, comme il se voit en plu- sieurs de ces Remarques. ON dit par exemple @faute d'argent on man- que a\ faire beaucoup des choses@, & @a\ faute d'argent on manque@ &c. & encore @par faute d'ar- gent on manque@ &c. Tous le trois sont bons, mais le meilleur c'est de dire @faute d'argent@, apres celuy la\ @a\ faute@, est le meilleur, & @par faute@ est le moins bon des trois: Cela s'entend quand @faute@, est deuant vn nom, mais quand il est deuant vn verbe @a\ l'infinitif@, il est mieux de dire @a\@ que @par@, ny que @faute@, toute seul, com- me @a\ faute de payer les nterests, il a double/ le

principal@, est beaucoup mieux dit que @par faute de payer@, ny que @faute de payer@, quoy que ce dernier me semble assez bon. CEtte Remarque est curieuse; car dans le propre on le dit d'vne fac#on, & dans le figure/ d'vne autre. Dans le propre ou dit plus souuent @fleurissant@, comme @vn arbre fleuris- sant@, & dans le figure/ on dit plustost @florissant@, que @fleurissant@, comme @vne arme/e florissante, vn Empire florissant@. Le verbe @fleurir@ a aussi de cer- tains temps, ou\ l'on employe plustost l'@o@, que l'@eu@, dans le figure/, comme dans l'imparfait on dira @vn tel florissoit sous vn tel regne, l'eloquence@ ou @l'art militaire florissoit en vn tel temps@. I'ay dit @dans le figure/@, parce que dans le propre on diroit par exemple, @cet arbre fleurissoit tous les ans deux fois@, & non pas florissoit. I'Ay desja fait vn Remarque sur ce mot, ou\ i'allegue vn passage de Quintilien, qui m'oblige a\ faire encore celle-cy. C'est que i'ay dit que ce grand homme auiot employe/ le verbe @solcitare@, au mesme sens que le vulgaire l'employe en nostre langue pour dire @auior soin

de quelqu'vn@, comme on dit tous les jours a\ Paris parmy le peuple, @qu'il faut donner vne gar- de a\ vn malade pourle soliciter@, c'est a\ dire @pour en auior soin@ & @pour le seruir@. Voicy le passage , @illud vero infidiantis, quo\ validiu\s cruciret, fortuna fuit, vt ille mihi blandisimus, me suis nu- tribus, me auia educanti, me omnibus qui solici- tare solent illas aetates anteferret@. Ie ne sc#ay si je meflatte, mais il me semble que le sens le plus nauturel de ces paroles va tout droir a\ ce- luy que je luy donne, & que c'est leur faire vio- lence, & les tirer, comme on dit, par les che- ueux, de les interpreter autrement. En effet @sollicitudo@, qui signifie @soin@, venant sans dou- te de @sollicitare@, est vn grand indice que @sollici- tare@, en bon Latin veut dire aussi @auior soin@, & que c'est vne de ses significations; car il en a plusieurs: Neantmoins vne personne qui sc#ait aussi bien la langue Latin, & sa purete/, qu'homme du monde, n'est pas de cet auis, & lisant deuant moy ma Remarque desja imprime/e m'a conseille/ de refaire le quarton, comme ayent auance/ vne chose qui ne se pou- uoit soustenir. Son opinion fut encore suiue le mesme permettoient plus d'en douter. Ayant donc donne/ les mains, comme j'estois sur le point de suiure leur conseil, j'ay trouue/ vn homme consomme/ dans les bons Autheurs,

& qui entre admirablement dans leur sens aux passage les plus difficiles, qui maintient que @solicitare@, en cet endroit de Quintilien se doit entendre selon ma Remarque, & non pas comme l'interpretant ces autres Mes- sieurs, pour signifier @se jou%er auec les enfans@, qui est vn sens bien force/ au pris du mien, & qui semble ne s'accorder gueres bien auec @illas atates@. Cela m'ayant oblige/ a\ consuler en- core d'autres Oracles, j'en ay rencontre/ plu- sieurs du mesme sentiment, de sorte que de- meurant en suspens, & ne m'appattenant pas de decider entre tant de grands hommes, j'ay creu que le meilleur party que je pouuois prendre, estoit de ne refaire pas le quarton, mais de refaire vn Remarque, pour en lais- ser le jugement au Lecteur. @ARcenal@, est plus vsite/. Plusieurs di- sent aussi @arcenac@, auec vn @c@, a\ la fin, & il senble qu'en parlant on prononce plustost @arsenac@, qu'@arsenal@, qu'@arsenac, vn arsenal bien muny, dresser vn arsenal@. On dit au pluriel @ar- nenaux@, & ie n'ay jamais ou%y dire @arcenacs@, qui est encore vne marque pour faire voir, qu'@arce- nal@, auec vne @l@, au singulier est le vray mot. L'I-

talien dit @arcenale@, & quelques vns croyent que nous l'auons pris de la\; Car si @arcenac@, estoit aussi bon, je ne vois pas pourquoy on ne diroit pas @arcenacs@, au pluriel aussi bien qu'@arcenaux@, comme on dit @arcs@ d'@arc@. LE vray vsage d'@auparauant@ c'est de le fai- re aduerbe, & non pas preposition, par exemple c'est de l'employer ainsi. @Il me presse de telle chose, mais il y faut songer auparauant. Il ne luy est rien arriue/ que ie ne luy aye dit au- parauant@. Ceux qui parlent & qui escriuent le mieux ne s'en seruent jamais que de cette fa- c#on. Mais ceux qui n'ont nul soin de la pure- te du langage disent &escriuent tous les jours par exemple @auparauant moy, j'y suis deuant luy@, C'est d'ordinaire auec le pronoms personnels qu'ils le font seruir de preposition comme aux exemples que nous venons de donner; Car deuant les noms, je n'ay pas remarque/ qu'ils le facent ny que l'on die jamais @auparauant le retour du Roy, auparauant Pasques@, ou @aparauant les festes de Pasques. Auparauant que@ pour @de- uant que@, ou @auant que@, n'est pas aussi du bel vsa- ge. Les bons Escruiains ne diront jamais par

exemple @auparauant que vous soyez venu@, pour dire @auant@, ou @deuant que vous soyez venu@. Il en est comme de @cependant@, dont nous auons fait vne Remarque; car pour bien parler on ne doit jamais dire @cependant que@, non plus que @auparauant que@. @GAlant, a\@ plusieurs significations &com- me substantifs, & comme adjectif. Ie les laisse toutes pour ne parler que d'vne seule, qui est le sujet de cette Remarque. C'est dans le sens qu'on dit a\ la Cour, qu'@vn homme est ga- lant, qu'il dit@ & qu il fait toutes chosess galamment, qu'ils s'habille galamment@, & mille autres choses semblables. On demande ce que c'est qu'@vn homme galant@, ou @vne femme galante de cette sorte, qui fait@ & @qui dit les choses d'vn air ga- lant@, & @d vne fac#on galante@. I'ay veu autre- fois agiter cette question parmy des gens de la Cour & des plus galans de l'vn & de l'autre sexe qui auoient bien de la penie a\ le definir. Les vns soustenoient que c'est @ce je ne sc#ay quoy@, qui differe peu @de la bonne grace@; les autres que ce n'estoit pas assez du @je ne sc#ay quoy@, ny @de la bonne grace@, qui sont de choses purement na- turelles, mais qu'il falloit que l'vn & l'autres fust accompagne/ d'vn certain air, qu'on prend a\

la Cour, & qui ne s'acquiert qu'a\ force de han- ter les Grands & les Dames. D'autres disoient que ces choses exterieures ne suffoient pas, & que ce mot de @galant@, auiot bien vne plus grande estendue%, dans laquelle il embrassoit plusieurs quaulitez ensemble, qu'en vn mot c'estoit @vn compose/ ou il entroit du ie ne sc#ay quoy, ou @de la bonne grace de l'air de la Cour de l'esprit, du jugement, de laciuilite/, de la courtoise@ & @de la gayete/, le tout sans contrainte, sans affectation@, & sans vice@. Auec cela il y a dequoy faire vn hon- neste homme a\ la mode de la Cour. Ce senti- ment fut suuiuy comme le plus approchant de la verite/, mais on ne laissoit pas de dire que cette definition estoit encore imparfaite, & qu'il y auiot quelques chose de plus dans la si- gnification de ce mot, qu'on ne pouuoit ex- primer; car pour ce qui est par exemple de faire toutes ces autres choses qui consistent plus aux dons du corps qu'en ceux de l'esprit, il est aise/ d'en donner vne definition; Mais quand on passe du corps a\ esprit, & que dans la conuersation des Grands & des Da- mes, & dans la maniere de traiter & de vi- uere a\ la Cour, on s'y est acquis le nom de @ga- lant@ il n'est pas si aise/ a\ denfinir; car presup- pose beaucoup d'excellentes qualitez qu'on auroit bien de la peine a\ nommer toutes, &

dont vne seule venant a\ manquer suffiroit a\ faire qu'il ne seroit plus @galant@. On peut en- core dire la mesme chose des @lettre galantes@. En cette sorte de Lettres la France peut se van- ter d'auior vne personne a\ qui tout le monde le cede. Athenes mesme ny Rome si vous en ostez Ciceron, n'ont pas de quoy le luy disputer, & ie le puis dire hardiment, puis qu'a\ peine paroist-il qu'vn genre d'escrire si deiicat, leur ayt este/ seulement connu. Aus- si tous le gousts les plus exquis font leurs delices de ses lettres, aussi bien que de ses vers, & de sa connuersation, ou\ l'on ne trouue pas moins de charmes. Ie tiendrois le Public bien fonde/ a\ intenter action contre luy pour luy faire imprimer ses oeuures. Au reste quoy qu'en vne autre signification on die @galand@, & @galande@, auec vn @d@, aussi bien qu'auec vn @t@, si est-ce qu'en celle que nous traitons, il faut dire @galant@ & @galante@ auec vn @t@, & non pas auec vn @d@. On se sert plus elegamment de ce ver- be au sens actifs, ou auec le verbe au- xillaire @auior@, qu'au sens passif, ou auec le ver- be auxillaire @estre@. Par exemple, il est beaucoup mieux dit @ce dessein luy a reussi@, que non pas

@luy est reussi, cette enterprise luy areussi@, que non pas @luy est reussie@, quoy qu'vn de nos plus cele- bres Escruiains l'ayt escrit de cette derniere fac#on. Nous auons fait en certains ver- bes ou\ l'on employe le verbe auxillaire @auior@, au lieu du verbe auxillaire @estre@, comme @il a en- tre/, il a sorty, il a passe/@ pour @il est sor- ty, il est passe/@. @SEruir@, regit matintenant l'accusatif, & non pas le datif comme il faisoit autrefois & comme s'en sert ordinairement Amyot & les anciens Escruiains; Par exemple ils disoient, @il faut seruir a\ son Roy@, & @a\ sa patrie@, pour dire @il faut seruir a\ son Roy@, & sa partie@, comme on parle aujourd'huy. M. de Malherbe a encore retenu ce datif, comme quelques autres phra- ses du vieux temps; @le Medecin@; dit-il, @sert aux malades@, au lieu de dire @sert les malades@; car icy @seruir@, ne signifie pas @estre propre@ & @conuenable@, auquel cas il regiroit le datif, comme @cela sert a\ plusieurs choses@, mais signifie @rendre seruice@ & asister@. Il en est de mesme de @prier@. Les Anciens disoient aussi @prier a\ Dieu@, & mesme quelques vns disent encore @je prie a\ Dieu@, au lieu de di- re @je prie Dieu; Fauoriser@, a aussi le mesme vsage

CE mot pour dire @combien de fois@, est beau & agreable a\ l'oreille selons l'auis de beaucoup de gens; tellement que ie m'eston- ne qu'il ayt eu vne si mauuaise destine/e, au moins en vers, ou\ il a tres-bonne grace, & ou\ il est tres-commode, mesme apres l'exemple de M. de Malherbe, qui l'a si bien mis en oeuure, @Quantefois, lors que sur les ondes Ce nouueau miracle flottoit@, &c. Car pas vn de nos Po%etes n'en voudroit vset aujourd'huy, & pour la prose ie ne pense pas qu'il ayt jamais este/ en vsage, ny mesme que M. de Malherbe s'en soit seruy. QVelques vns de nos modernes Escri- uains le condamnment, & ne veulent pas par exemple que l'on die, comme l'a escrit vn excellent Autheur, @ils tiennent plus de l'archi- tecte@ & @du masson que non pas de l'Orateur@, mais @ils tiennent plus de l'architecte@ & @du masson que de l'Orateur@. Il est vray bien souuent ils ont raison, mais bien souuent aussi @non pas@, ya fort bonne grace, & rend l'expression plus

forte. Il faut en cela consulter l'oreille; car il seroit mal-aise/ d'en faire Reigle certai- ne, sans doute il est plus elegant pour l'ordi- naire de le supprimer. L'Arrangement des mots est vn des plus grand secrets du stile; Qui n'a cela, ne peut pas dire qu'il sc#ache escrire. Il a beau em- ployer de belles phrases & de beaux mots, estant mal placez ils ne sc#auroient auior ny beaute/ ny grace, outre qu'ils embarrassent l'expression & luy ostent la clarte/, qui est le principal @Tantu\m series, juncturea\que pollct@ Vn Autheur celebre escrit, @voicy pour vn secon- de injure, la perte qu'auecque vous, ou plustost auecque toute la France, j'ay faite de Monsieur@, &c. Quelle oreille n'est point choque/e de cette transposition? N'eust-il pas mieux dit @la perte que j'ay faite auecque vous, ou plustost auec toute la France, de Monsieur@, &c. A mon auis ce qui l'a trompe/, c'est qu'il a creu que ce genitif @de Monsieur@, seroit bien mieux place/ aupres de @j'ay faite@, dont il est regi, qu'aupres de ces mots @auec toute la France@, auec lesquels il n'a aucune liaison; Mais il n'a pas pris gar- de, que pour joindre sur la fin de la periode

les mots qui se construisent ensemble, il a se- pare/ d'vne trop longue distance la constru- ction des mots qui estoient au commence- ment, a\ sc#auoir @la perte que@, qui vouloient faite@; Car il leurs estoit bien plus necessaire qu'a\ ces derniers @de Monsieur@, tant parce que le verbe qui est construit auec le pronom rela- tif en l'accusatif, comme celuy-cy, veut estre le plus proche du pronom qu'il se peut, que parce qu'il y auoit plusieurs mots sans verbe, en quoy consiste vn des principaux vices de l'arrangement; En effestsi l'on sc#ait bien placer & entrelasser le verbe au milieu des autres parties de l'oraison, on sc#aura vn des plus grands secrets, & la principale reigle de l'ar- rangement des paroles. L'autre Reigle est, de suiure le mesme ordre en escruiuant que l'on tient en parlant; car on ne dira pas @la perte qu'a- uecque vous, ou plustost auec toute la France i'ay faite de Monsieur@, &c. mais @la perte que i'ay faite auec vous ou plustost auec toute la France, de Mon- sieur@, &c. Ny l'on ne dira pas non plus, com- me a escrit encore le mesme Autheurs, @ie pen- se vous auoir conte/ qua\ l'entre/e que douze ou quin- ze iours auparauant il anoit faite@, &c. mais @qu'a\ l'entre/e qu'il auoit faite douze ou quinze iours au- parauant@. C'est la situation naturelle de ces pa- roles, au lieu que l'autre est force/e:

Plusieurs attribuent aux vers la cause de ces transpositions, qui sont des ornemens dans la Poe%sie, quand elles sont faites,com- me celles de M. de Malherbe, dont le tour des vers est incomparable; Mais pour l'ordinaire elles sont des vices en prose ie dis @pour l'ordinai- re@, parce qu'il y en a quelques vnes de fort bon- ne grace. Il se pourroit faire que la tissure du vers auroit corrompu celle de la prose, mais combien auons-nous de grands hommes, dont la prose & les vers sont egalement ex- cellens? Parmy vn si grand nombre on voit briller cette viue lumiere de l'Eglise, qui par ses Oeuures Chrestiennes s'est acquis vne dou- ble palme en l'vn & en l'autre genre. Est-il rien de plus doux, de plus pompeux que son stile, rien de plus eloquent que sa bouche & que sa plume? Et ne sont-ce point encore de nou- ueaux sujets d'admiration, que la quantite/, que la diuersite de ses ouurages, & que la prom- pitude & la faclite/ auec laquelle il les fait? Certainment ce n'est point pour luy que l'on dit @que les talens sont partagez@ & @que le pris de l'Eloquence n'est pas de ceux qui se gai- gnent a\ la course@. Mais cette double glorie n'est-elle pas deue% aussi a\ l'Autheur de ce grand Ouurage, qui a aujourd'huy tant d'es- clat? N'est-ce point vn chef-d'oeuure d'elo- quence, de piete/, de jugement, & qui va im-

mortaliser sur la terre vn grand Cardinal des- ja immortel dans le ciel? Se voit-il encore de plus belle prose ny de plus beaux vers que les lettres & les sonnets d'vn autre excellent Esprit, desquels il suffit de dire pour toute lou%ange, qu'ils sont dignes du fameux En- dymions? Combien en auons nous d'autres encore qu'il seroit trop long de designer, & que je me contente d'honorer d'vn silence respectueux, puis que leur reputation parle assez. NOus n'auons gueres de plus mauuais mots en nostre langue. C'estoit l'auer- sion d'vn grand Prince, qui n'entendoit ja- mais dire l'vn ou l'autre sans froncer le sourcil. Il trouuoit qu'ils auoient quelques chose de monstrueux en ce qu'ils estoient moite/ La- tins & moitie/ Franc#ois, & quoy qu'en toutes les langages il y beaucoup de mots @ibrides@, qu'ils appellent, ou @metifs@; Et il estoit encore plus choque/ de ce @qu'allable@, entroit dans cette composition pour @qui doit aller@. Nous auons @auparauant, premierement, auant toutes choses@, & plusieurs autres termes semblables. Il faut laisser ces autres deux pour les Notaires, & pour la chicane.

CE mots estant employe/ pour @plusieurs@, ne doit pas estre mis tout seul. Il y faut ajouster @personnes@, ou @gens@, ou quelques sub- stantif, comme @il donnoit peu a\ beaucoup@, n'est pas bien dit, il faute dire @a\ beaucoup de person- nes@, ou @a\ beaucoup de gens@. Il est vray que l'on dit, @nous sommes beaucoup, ils sont beaucoup@, pour dire @nous sommes beaucoup de gens@, mais il faut remarquer que cela n'a lieu que quand le pro- nom personnel le precede, lequel fait voir que ce @beaucoup@, qui suit, se rapporte au mes- me pronom. De mesme quand on dit @il y en a beaucoup@, cet @en@, emporte auec soy la significa- tion de @gens@, ou @de personnes@, comme il se voit par cette phrase @il y en a@, qui veut dire en- tre autres choses @il y a des gens@. Quand @beaucoup@, est aduerbe, il y a vne belle remarque a\ faire; c'est que lors qu'on le met apres l'adjectif, il y faut necessairement ajouster @de@, deuant & dire @de beaucoup@; car si ie dis, @l'esprit de qui la prompitude est plus di- ligente beaucoup que celle des autres@, ce n'est pas bien dit, quoy qu'il soit eschappe/ souuent a\ vn celebre Autheur de l'escrire ainsi; il faut di- re @l'esprit de qui la prompitude est plus diligente de beaucoup que celle des astres@. Mais quand @beau-

coup@, est deuant l'adjectif, il n'est pas necessai- re d'y mettre le @de@, mesme il est mieux de ne l'y mettre pas, comme @l'esprit de qui la prompti- tude est beaucoup plus diligente@ est mieux dit que @l'esprit de qui la promptitude est de beaucoup pus l'esprit de qui la promptitude est de beaucoup plus diligente@. ON peut commettre vn Barbarisme, c'est a\ dire parler barbarement, & hors des bons termes d'vne langue, ou en vn seule parole, ou en vne phrase entie/re. Les Barba- rismes d'vn seul mot, comme par exemple @pache@, pour @paction, lent, pour @humide@, & vne infinte/ d'autres semblables sont aisez a\ euiter, & il y a peu de gens nourris a\ la Cour, ou ver- sez en la lecture des bons Autheurs, qui vsent d'vn mot barbare. Mais pour les Bar- barismes de la phrase, qui est compose/e de plusieurs mots, il est tres-aise/ d'y tomber. Par exemple, vn de nos meilleurs Escriuains @ a dit elemer les yieux vers le ciel@. Cette phrase n'est point Franc#oise, il faut dire au ciel@. Quelques vns disent aussi @sortir de la vie@; cette phrase n'est pas Franc#oise non plus, quoy que les Latins dient @vita excedere@; Car il n'y a point de consequence a\ tirer de la phra- se d'vne langue, a\ la phrase d'vne autres, si l'Vsage ne l'authorise.

Ce qui fait que tant de gens sont sujets a\ commettre cette sorte de barbarisme, c'est que tous les mots dont la phrase est compose/e sont Franc#ois, & ainsi on ne s'apperc#oit point de la faute; Au lieu qu'au barbarisme du mot, l'oreille qui n'y est pas accoustume/ee, le re- butte, & n'a garde de se laisser suprendre, mais au barbarisme de la phrase, l'oreille% estant surprise & comme trahie par les mots qu'elle connoit, luy ouure la porte, d'ou\ apres il luy est bien aise/ de s'insinuer dans l'esprit. PAr exemple @la descouuerte@, ou @la descouuer- ture du nouueau monde@, ou @des terres neuues@, font tous deux bons. Amyot dit @descouuertu- re@, & ie l'ay aussi ou%y dire a\ des femmes de la Cour & de Paris. Ceux qui ne veulent pas que l'on di @descouuerte@, ontaccoustume/ d'al- legeur vne mauuaise raison, qui est que @des- couuerte@, est vn adjectif; car combien auons nous d'adjectifs en nostre langue qui l'ais- sent pas d'estre substantifs, & au masculin & au feminin, comme @le contenu, le contenu, le brillant, la retenue%, la venue%, l'arriue/e, l'encein- te@, & vne infinite/ d'autre tirez des participes actifs & passifs, sans parler de ceux qui ne sont point pris des participes, comme @cha-

grin, colere, depit, sacrilege, parricide@? &c. PLusieurs croyent que de commencer vne periode par & @donc@, ne soit pas parler Franc#ois, mais Gascon, comme en effet les Gascons ont souuent ce terme a\ la bouche. Mais M. Coffeteau & M. de Malherbe en ont vse/, & je l'entends dire tous les jours a\ la Cour a\ ceux qui parlent le mieux. Il se pour- roit bien faire que les Gascons l'y auroient apporte/ auec beaucoup d'autres fac#ons de parler qu'ils ont introduites du temps qu'ils estoient en regne; Et ce qui m'en feroit dou- ter, c'est qu'il ne me souuient point de l'auior leu dans Amyot, ou\ j'ay trouue/ beaucoup de phrases que nous croyons nouuelles. Qvoy qu'il en soit, L'Vsage l'a estably. On peut aussi commencer vne periode par @donc@, & il n'est que bons de s'en seruir ain- si quelquefois pour diuersifier son vsage; car la plus commune fac#on d'en vser, & qui a le plus de grace, est a\ la seconde, ou a\ la troi- siesme ou quartriesme parole de la periode. < S Espace, interualle.> Ce mot est tousjours masculin, quoy qu'on l'ayt fait feminin autrefois. Il

faut dire @vnlong espace@, soit que l'on parle @d'vn espace de temps@, ou @d'vn espace de lieu@, car il se dit de tous les deux. Et au pluriel il en est de mesme qu'au singulier, @de grands espaces@, & non pas @de grandes espaces. Interualle@, est de mesme en tout & par tout. @CElle-cy@, pour @lettre@, est bas. Neantmoins plusieurs ont accoustume/ d'en vser commenc#ant vne lettre ainsi: Ie @vous escris celle-cy@. Il faut dire @je vous escris cette lettre@, ou simplement @je vous escris@; Car par @celle-cy@, de sous-entendre @lettre@, qu'on n'a point encore dit, il n'ya point d'apparence en nostre lan- gue, qui n ayme pas ces suppressions. Les La- tins ne sont pas si scrupuleux en plusieurs fac#ons de parler, mesme en celle-cy, tesmoin Ouide @Hanc tua Penelope lento tibi mittit Vlyssi@, & dans les Epistres de Ciceron on trouue sou- uent, @has tibi reddet@, ou @has tibi exaraui@, ou cho- se semblable, sous-entendant tantost @episto- lam@, tantost @litteras@. CEs deux mots me semblent bien rudes, & particulierement le dernier; Car pour le premier encore y a-t-il beaucoup de gens

qui s'en seruent bien que @mesprisable@, qui est si bon, ne couste pas plus a\ dire. Neantmoins M. de Malherbe s'en est seruy en prose & en vers, @nous deuenons@, dit-il, @aussi contemptibles, comme nous faisons le contempteurs@. Il est vray qu'en vers il ne s'est jamais seruy de ce der- nier, mais seulement de l'autre. @Et qu'estant comme elle est, d vnsexe variable, Ma foy, qu'en voyant elle auroit agreable Ne luy soit contemptible en ne voyant pas@. Apparemment il n'a pas mis @mesprisable@ au lieu de @contemptible@, quoy qu'il fust aussi propre au vers que l'autre, parce qu'il eust rime/ dans la cesure du milieu auec @agreable@. ON demande, @si vne chose est faisable, ou non@. Quand on parle ainsi, on ne veut pas dire @s'il est permu de la faire@, mais @s'il est possible de la faire. Faisable@, regarde l'action seulement & non pas le deuoir, & ie ne vois personne qui en parlant, ny en escriuant l'employe a\ vn autre vsage, si ce n'est vn celebre Escriuain, qui a donne lieu a\ cette Remarque, de peut qu'estant imite/ & digne de l'estre en plu- sieurs autres choses, il ne le soit encore en celle-cy. POur dire @cesser de vouloir@. M. de Malher- be s'est seruy de ce mot, @seroit-il possible,

@Che nel dishumanarti Non diuenti vna fera anzi ch'un Dio. prensgarde@, dit-il @qu'en te deshumanisant, tu nr deuiennes plustost vne beste farouche, qu'vn Dieu@. Il s'est seruy de ce mot le plus heureusement du monde, soit qu'il l'ayt inuente/ ny mesme comme ie crois, ou qu'il l'ayt pris au Dante, qui n'a eu nulle pudeur a\ en faire autant de fois qu'il en a eu besoin, disant par exemple @immeiare, intuiare, insuiare@, pour dire @conuer- tir en moy; conuertir en toy, conuertir en soy@, & vne grande quantite/ d'autre horribles com- me ceux-la\; car ie n'ay pas remarque/ qu'il ayt este/ aussi heureux que hardy en cette sor- te d'inuention. On a fait vn mot en nostre langue depuis peu, qui est @debrutaliser@, pour dire @oster la brutalite/@ ou @faire qu'vn homme bru- tal ne le soit plus@, qui est heureusement inuen- te/, & ie ne sc#aurois croire qu'estant connu, il ne soit receu auec applaudissement. Au moins tous ceux a\ qui ie l'ay dit, luy donnent leur voix, & pas vn insqu'icy ne l'a condamne/ pour sa nouueaure/, comme on fait d'ordinai- re tous les autres. Aussi a-t-il est/ sait par vne personne, qui a droit de faire des mots, & d'imposer des noms, s'il est vray ce que les Philosophes enseignent, qu'il n'appartient qu'aux sages d'eminente sagesse d'auior ce priuilege.

CEtte Remarque me sembloit indigne de tenir rang parmy les autres, qu n'at- taquent pas des erreurs si grossieres, qui est celle de prononcer ou d'escrire @dueil@ pour @duel@. Mais se rendant commune, il n'est pas inuti- le de la marquer. Ce sont pourtant deux cho- ses bien differentes, que @dueil@, & @duel@, outre que @dueil@, est d'vne syllabe, & @duel@ de deux. LE sens de ces paroles se peut exprimer en quarte fac#ons. On peut dire, @il sc#ait la langue Latin@ & @la langue Grecque Il sc#ait la langue Latine@ & @la Grecque. Il sc#ait la langue Latin@, & @Grecque@ & @il sc#ait les langues Latine & Grecque@. On demande si ces quarte ex- pressions sont toutes bonnes, & laquelle est la meilleure. Ie respons que les deux dernieres sont mauuaises, & que les deux premieres sont bonnes; Car, @il sc#ait la langue Latine@ & @Grecque@, ne se peut dire, parce que la construction de cette periode, ou de cette oraison, pour par- ler en Grammairien, se doit faire, ou selon ce- les paroles qui sont exprime/es, ou selon cel- les qui sont sous-entendue%; Si selon celles qui sont exprime/es, ce singulier @la langue@, ne peut

conuenir a\ deux langues entierement diffe- rentes, comme sont @la Latine@ & @la Grecque@; Si selon celles qui sont sous-entendue%s, a\ sc#a- uior @la, langue@, encore qu'on ne die pas @langue@, il ne faut pas laisser d'exprimer l'article, @la@, qui ne se peut supprimer ny sous-entendre, a\ cau- se qu'vn mesme substantif, comme est @langue@, en cet exemple, ne peut pas estre applique/ a\ deux choses differentes, qu'on ne luy donne deux articles effectifs, qui ne se doiuent ja- mais supprimer. Et pour l'autre expression que nous soustenons mauuaise, @il sc#ait les lan- gues Latine@ & @Grecque@, cela est si euident a\ ceux mesmes qui ne sc#auent pas les secrets de nostre langue, qu'il me semble superflu de le prouuer. Il reste donc a\ sc#auoir lequel de ces deux est le meilleur, @il sc#ait la langue Latine@ & @la langue Grecque@, & @il sc#ait la langue Latine@ & @la Grecque@. Les opinions sont partage/es, les vns croyent que de repeter deux fois @langue@, est plus reguilier & plus grammatical & alleguent que M. Coffeteau qui escriuoit si nettement, en vsoit tousjours ainsi. Les autres asseurent que celuy-cy est beaucoup meilleur & plus elegant, @il sc#ait la langue Latine@ & la Grecque@, parce, disent-ils, que la reptition des mots, a\ moins que d'estre absolument necessaire, est tousjours importune, outre qu'en l'euitant on s'exprime auec plus de brieuete/, ce qui est

bien agreable, sur tout aux Franc#ois. PAr exemple @enuoyez moy ce liure pour le re- uior@ & @augmenter@. C'est ainsi que plusieurs personnes escriuent, ie dis mesme des Au- theurs renommez; Mais ce n'est point escrire purement, il faut dire @pour le reuior@ & @l'augmen- ter@, & repeter le pronom @le@ necessairement; & cela est tellement vray, que quand mes- me les deux verbes feroient synonimes, il ne faudroit pas laisser de le repeter comme, @pour l'aimer@ & @le cherir@, & non pas @pour l'aimer@ & @cherir@. Cette Reigle ne souffre point d'ex- ception. VN de nos plus celebres Autheurs a es- crit, @il n'y a rien qui se doiue conseruer auec plus de soin que la memorie d'vn bien-fait, il se la faut ramenteuior d'vne heure a\ l'autre@. Il faut di- re @d'heure a\ autre@, & @d'vne heure a\ l'autre@ n'est pas Franc#ois. En vn autre endroit il escrit en- core, @la tristesse s'estant empare/e de mon esprit, s'y est tellement fortifie/e@, & @s'y fortifie encore d'vn iour a\ l'autre@. Il faut dire @iour a\ autre@, & non pas d'vn iour a\ l'autre; Car ce dernier exprime vn

temps defini, comme par exemple, si ie vou- lois dire qu'vn homme qui estoit aujourd'huy fort riche fust deuenu fort pauure le lende- main, ie dirois que d'@vn iour a\ l'autre@, du plus riche homme de la ville, il estoit deuenu le plus pauure. Ainsi @d'vn iour a\ l'autre@, signifie proprement l'espace de deux iours ou en tout, ou en partie; car cela n'importe. Que si en ce mesme exemple ie mettois @de iour a\ autre@, alors ie ne dirois plus que ce grand change- ment fust arriue/ determine/ment dans deux iours, mais peu a\ peu, & dans vn espace de temps indefini. Il en est de mesme, ce me semble, de @d'vne heure a\ l'autre@, & @d'heure a\ autre@. @DIscord@ pour @discorde@, ne vaut rien en pro- se, mais il est bon en vers, @Et si de nos discords l'infame vitiupere@, dit M. de Malherbe. Les autre Poe%te en ont aussi vse/ & deuant & apres luy. C'est vn de ces mots, que l'on employe en vers & non pas en prose, dont le nombre n'est pas grand. Neantmoins ie suis bien trompe/ si vn de nos plus excellens Escriuains ne l'a employe/ vne fois dans la Paraphrase, qui luy a acquis tant de reputation. Quoy qu'il en soit, on ne s'en sert en prose que tres-rarement, y ayant quel-

que lieu ou\ peut-estre il pourroit trouuer sa place. PLusieurs croyent que cette construction n'est pas bonne, @comme le Roy fut arriue\, il commanda@, &c. & qu'il faut dire @le Roy, comme il fut arriue/, commanda@. Mais ils se trompent fort; car au contraire, l'autre est beaucoup meil- leure & plus naturelle, parce que si ie com- mec#ois la periode par @le Roy@, il faudroit di- re @estant arriue/@, & non pas, @comme il fut arriue/. Le Roy estant arriue/ commanda@, qui ne voit que cette phrase est beaucoup plus Franc#oise que cette autre, @le Roy, comme il fut arriue/, comman- da? A l'abord@, dit M. Coeffeteau, @comme Tiri- dates apperceut Corbulon, il descendit le premier de cheual@. On parle & on escrit ainsi. CE terme est quelquefois superflu & re- dondant, par exemple lors qu'il est em- ploye/ de cette sorte @quand c'est que ie suis mala-@ de@. Vne infinite/ de gens le disent ainsi, & particulierement les Parisiens & leurs voisins, plustost que ceux des Prouinces estoigne/es. Il faut dire simplement @quand ie suis malade@. Ce- la est hors de doute. Mais on n'est pas si asseu-

re/, que cette autre fac#on de parler soit mau- uaise @quand est-ce qu'il viendra?@ car les vns la condamnent, & soustiennent qu'il faut di- re @quand viendra-t-il?@ & le autres disent qu'el- le est forte bonne, & pour moy ie suis de cet auis. VN fameux Autheur est repris, & auec raison, d'auior escrit @onguent@, en parlant de la Magdeleine, & dit @vn precieux onguent@, au lieu @d'vn precieux parfum@. Nous auons en- core plusieurs de nos Escriuains & de nos Predicateurs, qui font cette faute. Ce qui les trompe, c'est que les Latins disent @vnguentum@, en cette signification, parce que les Anciens se seruoient de certains parfums, comme il y en a encore de plusieurs sortes parmy nous, dont le vray vsage estoit de s'en oindre quel- que parties du corps; tellement qu'il semble qu'on auiot raison de l'appeller @onguent@. Mais parce que ces mots se prend tousjours pour me- dicament, il ne s'en faut ia mais seruir pour @par- fum@, l'Vsage le veut ainsi. QVand c'est vn terme de guerre, il est tousjours masculin, & ceux qui le font

de l'autre genre parlent mal. Il faut dire @prendre vn bon poste, garder son poste@ & non pas @pren- dre vne bonne poste, ny garder sa poste@. Quand il signifie @vn certaine course de cheual@ ou @le lieu ou\ sont les cheuaux destinez a\ cet vsage@, ou @l'es- pace qu'ils ont accoustume/ de faire en courant@, cha- cun sc#ait qu'il est feminin, & que l'on dit @cour- re la poste@. Tous deux viennent de l'Italien, qui appelle l'vne @posta@, & l'autre @posto@. En fai- sant cette difference de genre, on parlera se- lon l'Vsage, & l'on euitera l'equiuoque. PLusieurs abusent du pronom demon- stratif @celuy@, en tout genre & en tout nom- bre. Ce sont particulierement les femmes & le Courtisans quand ils escriuent; & tant s'en faut qu'ils le veuillent euiter, qu'au contrai- re ils l'affectent comme vn ornement. Ils le trouuent fort commode, & s'en seruent d'or- dinaire pour passer d'vn discours a\ vn autre. Par exemple, ils finiront vne periode par @joye@. en mettant vn point apres, & en commence- ront vne autre, qui n'aura rien de commun auec la premiere, disant @celle que j'ay recue% d'vne telle chose@, &c. voulant dire @la joye que i'ay recue%@. Autre exemple, @j'ay parle/ a\ vn tel de vostre affaire, il s'y portera auec affection@. Cel-

le que vous n'auez tesmoigne/e ces iours passez pour dire @l'affection que vous m'auez tesmoi- gne/e ces iours passez, est extraordinaire@. Ie dis que cette fac#on de parler, ou plustost d'escri- re est vicieuse, & que jamais les bons Autheurs, ne s'en sont seruis en aucune langue, parce que ce pronom, quand il se rapporte a\ des choses de cette nature, n'a son vsage que dans vne mesme periode, comme par exemple si ie disois, @il m'a promis de vous seruir auec la mes- me affection, que celle que vous luy auez tesmoigne/e ces iours passez@. Mais comme j'ay dit, cette Reigle n'a lieu que lors que ce pronom se rapporte a\ des cho- ses d'vne certaine nauture, qui sont @les choses morales@, ou @intellectuelles@; comme @joye, affection esperance, actions@, &c. Car @aux materielles@, ou aux personnes@, il n'y a point de mal de com- mencer la periode de par ce pronom, comme si ie finis ainsi @pour payer le cabinet que j'ay achete/@, ie puis fort bien recommencer, @Celuy qu'vn tel vous donna@, &c. De mesme quand ils s'a- git d'vne ou de plusieurs personnes, @la fem- me de Septimius@, dit M. Coeffeteau, @pour espou- ser son adulteres, fit proscrire@ & @tuer son mary. Cel- le de Salassus alla cue mesme querir les soldats pour l'executer@. Il y a bien sans doute quelque belle raison de difference, mais ie ne l'ay pas encore cherche/e-

CEtte partie de l'Oraison veut tousjours estre proche du verbe; comme le mot mesme le monstre; soit deuant ou apres, il n'importe, quoy que dans la construction il aille tousjours apres le verbe, comme l'ac- cessoire apres le principal, ou l'accident apres la substance. C'est pourquoy ie m'estonne qu'vn de nos plus fameux Escriuains affecte de le mettre si souuent loin de son verbe a\ la teste de la periode, par exemple, @comme l'on vit que presque leurs propositions n'estoient que celles mesme qu'ils auoient faites a\ Rome@, au lieu de dire @comme on vit que leurs propositions n'estoient presque que celle mesmes qu'ils auoient faites a\ Ro- me@, nonobstant la cacophonie des deux @que, presque que@, qui n'est pas considerable a\ com- parasion de le rudesse qu'il y a a\ mettre @pres- que@, au lieu ou\ il le met. Et il pouuoit euiter ces deux @que@, en mettant, @comme on vit que leurs propostitions estoient a\ peu pres les mes- mes@, &c. Ie crois neantmoins qu'il y a quelques ad- uerbes, comme @iamais, souuent@, & quelque- fois @tousjours@, qui ont meilleure grace au com- mencement de la periode, qu'allieurs; Mais aussi ie n'en ay gueres remarque d'autre que ceux la\, ce qui me fait soupc#onner que ce sont

principalement les aduerbes du temps qui ont ce priuilege & encore n'est-ce pas tous- jours. Le mesme Autheur, dont i'ay allegue/ l'exemple de @presque@ a escrit, @quandiamais vn de ses bien-faits ne luy deuroit faire en sorte qu'il n'y eust moyen de jamais les faire sortir au iour@. Cette transposition est estrange, au lieu de dire, @il de- uoit faire en sorte qu'il n'y eust iamais moyen de les faire sortir au iour@. CEtte fac#on de parler est de la Cour, s'il en fut iamais, & toute ma vie ie l'ay ainsi ou%y dire aux hommes & aux femmes qui la hantent. Neantmoins de puis peuie vois tant en doutent, que ie crois qu'il faut estre rete- nu a\ en vser. I'auou%e que la construction en est estrange, & qu'il semble qu'on deuroit dire @perde le respect enuers quelqu'vn@, ou beaucoup mieux encore @pour quelqu'vn@, & non pas @a\ quelqu'vn@; Mais combien y a-t-il de ces phra- ses en toutes le langues, & en la nostre? or- dinairement ce sont le plus bells & qui ont le plus de grace. Il se presente souuent occa- sion comme icy, de redire ce beau mot de

Quintilien, @aliud est latine/, aliud grammatice/ loqui@. Si nous voulions esplucher cette fac#on de parler, @se loue%r de quelqu vn@, & en faire vne anatomie, selon que les mots sonnent, ou se- lon leur construction, ne la trouueroit- on pas encore plus estrange que l'autre, pour si- gnifier ce qu'elle signifie? Car par exemple quand on dit, @vn tel se lou%e fort des faueurs que vous luy auez faites@, la raison voudroit que l'on dit, @vn tel vous lou%e fort des faueurs que vous luy ayez faices@, & non pas @se loue%@, qui n'est nulle- ment a\ propos. Et neantmoins il faut dire @se lou%e@, si l'on veut parler Franc#ois. Toutes les langues ont de ces fac#ons de parler, comme i'ay dit. Il suffit d'en alleguer vn exemple en la latine, @dabis mihipoenas@, veut dire bon Latin, le prendre au pied de la lettre, ne semble-t-il pas qu'il veuille dire tout le contraire, a\ sc#a- uior, @vous me donnerez le foue%t@, ou @vous me bat- trez@. Mais pour reuenir a\ cette phrase, @perdre le respect a\ quelqu'vn, il luy a perdule respect@, ceux qui la condamnent, veulent que l'on die @manquer@, au lieu de @pedre@, comme @manquer de respect a\ quelqu'vn. Il luy a manque/ de respect@. Et c'est le plus seur, si ce n'est le meilleur. Il est vray qu'il ne dit pas tant, que @perdre le respect@.

ON demande si @quelque chose@, veut tous- jours vn adjectif femininn selon le genre @de chose@, ou bien vn adjectif masculin qui re- ponde a\ @aliquid@ des Latins & a\ ce qu'il signi- fie. Par exempl, s'il faut dire, @il y a quelque chose dans ce liuere, qui est assez bonne@, ou @quelque chose, qui est assez bon, quelque chose qui est assez plai- sante@, ou @qui est assez plaisant@. Les sentimens sont diuers; car i'ay ou%i agiter cette question en la compagnie du monde, qui la pouuoit le mieux decider. Les vns croyent que l'vn & l'autre est bon; Les autres qu'il le faut tous- jours faire feminin, les autres tousjours mas- culin; Et quelques vns sont d'auis d'eluder la difficulte/ & de dire, @il y a dans ce liure quelque chose d'assez bon, quelques chose d'assez plaisant@. Ceux qui croyent que tous deux sont bons, se fondent sur ce qu'on le peut faire feminin par la reigle generale qui veut que l'adjectifs soit du genre du substantif, & que @chose@, estant vn mot feminin, l'adjectif le soit aussi; Et qu'on le peut faire masculin eu esgard non pas au mot mais a\ ce qu'il signifie, qui est @l'aliquid@, des Latins, & vn neutre que nous n'auons pas en Franc#ois, mais que nous ex- primons par le masculin, qui fait l'office du neutre. Ceux qui le font tousjours feminin ne

peuuent comprendre ny consentir, que @chose@, qui est feminin puisse iamais estre joint auec vn adjectif masculin. Et ceux au contraire, qui le font tousjours masculin disent que ce n'est pas @chose@, simplement qu'ils considerent en cette question, mais ces deux mots ensemble @quelque chose@, qui font tout vn autre effet estant joints, que si @chose@, estoit seul, ou qu'il fust accompagne/ d'vn autre mot, comme @vne@ car auec @vne@, il n'ya point de doute, & l'on ne met point en question qu'il ne faille dire @vne chose qui est assez bonne@, & @qui est assez plaisante@, & non pas @assez bon@, ny @assez plaisant@. Or ils soustiennent qui @quelque chose@, se doit pren- dre neutralement, & tout de mesme que @l'ali- quid@ des Latins. Mesme quelques-vns de cette opinion passent jusques la\, que de dire que @quelque chose@ ne doit estre pris & conside- re/ que comme vn seul mot compose de deux qui voudroit estre orthographie/ ainsi @quelque- chose@, auec vn tiret & vn marque de compo- sition, & qu'alors @quelque chose@, n'est plus fe- minin, mais est vn neutre selon les Latins, & vn masculin selon nous. Et quant a\ ceux qui pensent eschapper la difficulte/ auec la preposition, ou la particu- le @de@, deuant l'adjectif, ils ont raison en cer- tains exemples comme sont les deux que nous auons proposez; Mais cet expedient ne

sert pas tousjours; car si ie dis @il y a quelque chose dans ce liure, qui n'est pas bon@, ou @qui n'est pas plasante@, on ne sc#auroit employer le @de@. en cette phrase, ny en toutes les negatiues, ou\ cet eschappatoire ne vaut rien. De mesme si ie dis @il y a quelque chose dans ce liure, qui me- rite d'estre leu@, ou @leue%@, on ne sc#auroit euiter ce doute auec la particule @de@, ny en vne infinite/ d'autres phrases semblables. On en demeura la\, mais depuis ayant me- dite/ sur ce sujet, il me semble qu'il y a des en- droit ou\ le feminin ne seroit pas bien & d'autre ou\ le feminin ne seroit mal, par exem- ple, @il y a quelque chose dans ce liure qui merite d'e- stre leue%@, ie ne puis croire que ce soit bien dit, & qu'il ne faille dire @quelque chose qui merite d'e- stre leu, quelque chose qui metire d'estre censure/@, & non pas @d'estre censure/e@. Et si ie dis, @il y a quelque chose dans ce liure qui n'est pas tel que vous dites@, ou @il y a dans ce liure quelque chose qui n'est pas tel que vous dites@, quoy que quelque-vns l'ap- prouuent i'ay neantmoins peine a\ croire que ce soit bien dit, & qu'il ne faille dire, @il y a quel- que chose dans ce liure, qui n'est pas telle que vous dites@. D'ou l'on peut former vne quartriesme opinion differente des autres trois, a\ sc#auoit qu'il y a des endriots ou\ il faut necessaire- ment mettre le masculin, & d'autres ou\ il faut mettre le feminin, comme sont les deux

que nous venons de proposer. Mais pour dis- cerner ces endroits la\, ie n'en sc#ay point de reigle, ou du moins d'autre reigle que l'oreil- le. Seulement ie diray qu'il est beaucoup plus frequent, plus Franc#ois, & plus beau de don- ner vn adjectif masculin @a\ quelque chose@, qu'vn feminin. C'est vne belle figure en toutes les langues, & en prose aussi-bien qu'en vers, de reigler quelquefois la construction, non pas selon les mots qui signifient, mais selon les choses qui sont signifie/es. Par exemple, nous auons fait vne Remarque de @personne@, ou\ l'on voit qu'encore que @personnes@, soit feminin, neant- moins parce qu'il signifie @hommes@ & @femmes@, quand on a dit @personnes@, dans vn membre de periode, on peut dire @ils@, au masculin dans vn autre membre de la mesme periode, a\ cause que cet @ils@, se rapporte non pas au mot signi- fiant qui est @personnes@, mais au mot sigmifie/, qui est @hommes@. Mais y a-t-il vn plus bel exem- ple que celuy que nous auons desja allegue/ allieurs & qui est tout propre pour cette Re- marque? @Ogni cosa strage era ripieno@ & non pas @ripiena@, dit le Tasse dans sa Hie- rusalem. Volia vn exemple pour le genre, en voicy vn autre pour le nombre. @I'en ay veu vne infinite/ qui meurent@, &c. @Infinite/@, est singu-

lier & @meurent@, est pluriel, & cependant il faus dire ainsi, & non pas, @i'en ay veu vne infinite te qui meurt@, qui seroit tres mal dit. Et cela, pce que @meurent@, se rapporte non pas au mot signi- fiant qui est @infinite/@, & singulier mai a\ la cho- se signife/e, qui est @quantite/ de personnes@, ou @d'animaux@, qui comme vn terme collectif equipolle le pluriel, tellement qu'on n'a pas esgard au mot, mais a\ la chose. LOrs que @succeder@, veut dire @reu%ssir@, il s'em- ploye au preterit auec le verbe auxiliaire @auior@, & non pas auec l'autre verbe auxiliaire @estre@, par exemple il faut dire @cette affaire luy a bien succede/@, & non pas @luy est bien succede/e@. Neantmoins vn de nos plus celebres Au- theurs a escrit dans le meilleur de ses ouura- ges, @deux combats qui luy estoient glorieusement succedez@. C'est ce qui a donne\ lieu a\ cette Re- marque, parce que ie ne crois pas que cette fac#on de parler soit a\ imiter. Le mesme Es- criuains a employe/ @reu%ssir@, de la mesme fac#on, comme nous l'auons remarque ailleurs. CEs conjonctions ne doiuent pas estre repete/es dans vne mesme periode. Par

exemple, @bien que l'experience nous face voir tous les iours qu'il n'y point d'innocence qui soit a\ couuert de la calomnie@, & @quoy que les plus gens de bien soient exposez a\ la perfection, si est-ce@, &c. Ie veux dire qu'apres auior commence/ la periode par @bien que@, il ne faut pas mettre @quoy que@, ny @encore que@, dans le second mem- bre de la mesme periode, mais escrire ainsi, @bien que l'experience nous face voir tous les iours qu'il n'y a point d'innoccence qui soit a\ couuert de la calomnie@, & @que les plus gens de bien sont ex- posez a\ la persecution@. Ie ne me serois pas aui- se/ de faire cette Remarque, si ie n'auois trou- ue/ cette faute dans les Oeuures dvn bon Es- criuain. M. Coeffeteau vse souuent de cette fa- c#on de parler a\ l'imitation d'Amyot, qu'ils s'estoit propose/ pour le plus excellent pa- tron de son temps, & sur lequel il auiot forme/ son stile auec les changemens & les modifi- cations qu'il y falloit apporter. Dans ses pre- miers Ouurages, ce terme ne fut pas mal re- ceu, mais bien-tost apres il vint a\ vn tel des- cry, que l'authorite/ d'vn si grand homme ne le pu$t sauuer, au contraire on le luy repro- choit comme vn crime, ou du moins comme vne tache qui sou%illoit toute cette beaute/ de

langage, en quoy il excelle. La cause de ce descry, c'est que les Notaires ont accoustume/ de s'en seruir au commencement de leurs con- tracts. Neantmoins on a souuent affaire de ces sortes de termes, & celuy-cy me sembloit fort graue a\ l'entre/e d'vn discours, lors qu'il est question d'entamer quelque matiere im- portante; Et nous n'auons pas plus de mots de cette nature en nostre langue, qu'il ne nous en faut. I'auou%e que dans vn lettre il seroit exorbitant; mais qui ne sc#ait qu'il y a des paroles & des termes pour toutes sortes de stiles? Les Italiens n'ont-ils pas leur @concio- fiacosache/@ ou @conciosiecosache@, pour dire @comme ainsi soit@, qui est bien encore plus estrange, du- quel neantmoins ils ne laissant pas de se seruir de quelque graue discours, quand ils veulent escrire d'vn stile majestueux? Auec tout cela, il faut aujourd'huy condammer @comme ainsi soit@, puis que l'Vsage le condamne; Mais il n'a- uiot pas encore prononce/ l'Arrest definitif, quand abstenu. Il fait assez paroistre en tous ses Escrits, combien il estoit regligieux & exact a\ ne point vser d'aucun mot ny d'aucune phra- se, qui ne fust du temps & de la Cour.

@SI bien@, conjonction ne se dit iamais, qu'il ne soit suiuy immediatement de @que@, & que l'on ne die @si bien que@, qui veut dire @desor- te que@, ou @tellement que@. I'ay ajouste @conjonction@, parce que @si bien@, sans @que@, apres, est fort bon, quand il n'est pas conjonction, mais aduer- be, comme par exemple quand on dit, @il est si bien fait, il est si bien ne/@. Mais ce n'est pas de quoy il s'agit. Nous condamnons @si bien@, dont vne infinite/ de gens ont accoustume/ d'vser pour @bien que, encore que@, comme quand ils disent @si bien i'ay dit cela, ie ne le feray pas@. C'est vnne fac#on de parler purement Italien- ne @Se bene l'ho detto@, &c. & ie m'estonne qu'vn des nos plus celebres Autheurs ayt escrit, @si bien ces commencemens nous ont este/ necessaires@, au lieu de dire, @bien que ces commencemens@, ou @encore @que ces commencemens@, &c. CE terme de conjonction pour @veu que@, n'est plus gueres en vsage. Neantmoins M. Coeffeteau s'en sert souuent apres Amyot, & auec plusieurs autres bons Escriuains. Mais ie ne conseillerois pas aujourd'huy a\ qui que ce fust de s'en seruir, si ce n'est dans vn grand

Ouurage de doctrine plustost que d'elo- quence. @Attendu que@, commence a\ se rendre fort commun dans le beau stile, mais du temps du Cardinal du Perron & de M. Coef- feteau il estoit banni de leurs escrits & de ceux de tous les meilleurs Autheurs, qui l'a- uiot relegue/ dans le pay d'@iceluy@ & de @pour@ & @a\ icelle fin@ Mais l'Vsage comme la Fortune, chacun en sa inurisdiction, elue ou abbaisse qui bon luy semble, & en vse comme il luy plaist. CEtte fac#on de parler @s'attaquer a\ quel- qu'vn@, pour dire @attaquer quelqu'vn@, est tres-estrange & tres-Franc#oise tout ensemble; Car il est bien plus elegant de dire @s'attaquer a\ quelqu'vn@, qu'@attaquer quelqu'vn@. Ce sont de ces phrases dont nous auons parle\ ailleurs, qui ne veulent pas estre espluche/es, ny pri- ses au pied de la lettre, parce qu'elles n'au- roient point de sens, ou mesmes semble- roient en auior vn tout contraire a\ celuy qu'elles expriment, mais qui bien loin d'en estre moins bonnes en sont beaucoup plus excellentes. Voyez la Remarque intitule/e, @perde le respect a\ quelqu vn@.

Que le changement des articles a bonne grace.> IE dis que le changement des articles a bonne grace, lors que l'on employe deux substantifs l'vn apres l'autre auec la conjon- ction &, tellement quw pour auior cette gra- ce, il faut tascher autant qu'il se peut, de met- tre deux substantifs de diuers genre; L'exem- ple le va faire entrendre, @je dois beaucoup a\ la conduite@ & @au soin de cet homme@, est dit sans doute auec plus de grace que, @je dois beaucoup a\ la conduite@ & @a\ la diligence de cet homme@, par- ce que la variete/ donne beaute/ & grace a\ tou- tes les choses. C'est pourquoy cette variation d'articles feminin & masculin, @a\ la conduite@ & @au soin@, est bien plus agreable a\ l'oreille, que ne seroit l'vniformite/ d'vn seul article repete/ deux fois, @a\ la conduite@ & @a\ la diligence@. Ie ne doute point que plusieurs ne dient, que c'est vn trop grand raffinement, a\ quoy il ne se faut point amuser; Aussi ie ne blasme point ceux qui n'en vseront pas, mais ie suis certain que quinconque suiura cet auis plaira dauantage, & fera vne de ces choses dont se forme la dou- ceur du stile, & qui sc#ache d'ou\ cela vient. L'v- sage de cet auis ne doit auroir lieu que lors que l'on a le choix de plusieurs mots, dont on peut

diuerisier le genre, & qu'il ne couste rien d'en vser ainsi; Car ie n'estens pas que l'on se contraigne en rien, ny que l'on se depar- te pour cela de la grace de la naifuete/, & d'vne expression naturelle. VOicy vne des principales & des plus necessaires Reigles de nostre langue, que la repetition des Articles. Ie n'auois pas neantmoins resolu d'en traiter, qu'en passant, selon les occasions qui s'en sont presente/es dans ces Remarques; parce que ie ne vois presque personne auiot tant soit peu de soin de bien escrire, qui manque a\ vne loy si con- nue% & si establie. Mais outre qu'y ayant pris garde de plus pres, j'ay trouue/ cette faute moins rare que ie ne m'estois imagine/, on m'a conseille/ d'en parler a\ plein fond, m'as- seurant que ma peine ne seroit pas superflue%. Donc pour proceder par ordre, la reperi- tion des Articles est tousjours necessaire au nominatif & a\ l'accusatif, quand il y a deux substantifs joints ensemble par la conjon- ction &. Exemple, @les faueurs@ & @les graces sont si grandes@ & non pas @les faueurs@ & @graces@, &c. Volia pour le nominatif, & a\ l'accusatifs, @j'ay re- ceu les faueurs@ & @les graces que vous m'auez faites

& non pas @j'ay receu faueurs@ & @graces@, &c. Mais la faute est bien encore plus grande de ne repeter pas l'article, quand les deux sub- stantifs sont de deux genres differens, comme de dire, @lemalheur@ & @misere dont on est accable/@, au lieu de repeter l'article, @le malheur@ & @la misere@, &c. Aussi n'y a-t-il que les Escriuains insup- portables qui facent vne faute si grossiere Cette mesme repitition est encore neces- saire au gentifs & a\ l'ablatif, qui sont tousjours semblables en nostre langue, comme le nomi- natif & l'accusatif le sont. Il faut dire, @l'a- mour de le vertu@ & @philosophie@, & non pas, @l'amour de la vertu@ & @philosophie@. A l'ablatif de mesme, il faut dire, @despou%ille/ de la charge@ & de la dignite qu'il auiot@, & non pas, @despou%ille de la charge@ & @dignite/ qu'il auiot@. Il est vray qu'au genitif, on s'en dispensoit autrefois aux mots synonimes & approchans, comme @j'ay con- ceu vne grande opinion de vertu@ & @genorosite/ de ce Prince@, au lieu de dire, @vne grande opinion de la vertu@ & @de la geronfite/ de ces Prince@, & M. Coeffeteau, qui escriuoit si purement, le di- soit souuent ainsi sans repeter l'article; Mais ie pense auior desja dit en quelque vn de mes Remarques, que cela ne se fait plus au- jourd'huy, & qu'encore que les mots soyent synonimes ou approchans, il ne faut pas lais- ser de repeter l'article. Ainsi de l'ablatif, @je

puis esperer cela de la bonte/@ & @de la generosite/ de ce Prince@ & non pas @de la bonte/@ & @generosite/@. Que si les deux substantifs sont de diuers gen- re, ce seroit encore vne plus grande faute de ne pas redoubler l'article, parce que le pre- mier article ne conuient pas au second sub- stantif, par exemple, si ie disois, @il ieusne au pain@ & @eau@, au lieu de dire, @au pain@ & @a l'eau, au disne/@ & @collation@, pour @au disner@ & @a\ la collation@, car l'article @au@, ne conuient pas a\ @eau@, ny @a\ col- lation@. Que si les deux substantifs sont de mes- me genre, mais que l'vn commence par vne confone, & l'autre par vn voyelle, comme @au midy@ & @a\ l'Orient@, ce seroit encore vne grande faute de dire, @au midy@ & @Orient@, parce que l'article @au@, quoy que masculin ne con- uient pas a\ l'autre masculin commec#ant par vne voyelle. Pour le datif,il y en a qui le voudroient execepter, croyant que de dire, @je dois cela a\ la bonte/@ & @generosite/ de ce Prince@, est mieux dit, que @je dois cela a\ la bonte/@ & @generosite/@, estant approchans des synonimes, il semble qu'ils tombent dans cette belle Reigle des synoni- mes ou des approchans, qui ne veulent pas la repetition de plusieurs partieules, comme les mots contraires ou tout a\ fait differens la veulent absolument auior, par exemple @je

dois cela a\ l'adresse@ & @a\ la force d'vn tel, j'ay esgard a\ la vigueur@ & @a\ la foiblesse d'vn homme@. Mais ie ne serois pas de cet auis maintenant quoy que du temps de M. Coeffeteau ie con- fesse que ie l'aurois este/. LEs articles joint aux substantifs accom- pagnez d'adjectifs, soit que ces adjectifs soient tout seuls, ou qu'ils ayent quelque par- ticule auec eux, ont le mesme vsage en tout & stantif. Exemples de tous les cas. Au nomi- par tout, que les Articles joint aux seuls sub- natif, @c'est le meilleur hommes@ & @le meilleur ouurier du monde@. De mesme a\ l'accusatif, qui est tous- jours semblable au nominatif, @il a veu le meil- leur homme@ & @le meilleur ouurier du monde@. Au genitif & a\ l'ablatif, @c'est le fils du meilleur hom- me@ & @du meilleur ouurier du monde@. Ce qui se dit du masculin s'entend du feminin aussi, & des deux nombres de mesme. Il y a exeception quand les deux substantifs sont synonimes, ou approchans; car alors on n'est pas oblige/ de repeter ny l'article ny l'ad- jectif, comme, @c'estles fils du meilleur parent@ &

@amy que j'aye au monde@, est bien dit, quoy que cesoit encore mieux dit, @le fils du meilleur parent@ & @du meilleur amy@; car cette repetition n'est absolument necessaire que quand les deux substantifs sont tout a fait differens, com- me en cet autre exemple, @le meilleur homme@ & @le meilleur ouurier du monde@. ou\ il ne faut pas dire, @le meilleur homme@ & @ouurier du monde@. Voi- la quant aux articles qui sont ioints a\ deux noms substantifs accompagnez d'vn mesme adjectif qui sert a\ tous les deux. Que si les deux substantifs ont chacun leur adjectif different, comme @c'est le bon homme@ & @le mauuais ouurier@, c'est ainsi qu'il faut dire & non pas, @c'est le bon homme@ & @mauuais ou- urier@, c'est a\ dire qu'il faut tousjours repeter l'article. En fin le second substantif joint au premier par la conjonction &, lors qu'ils ne sont pas synonimes ou approchans, veut estre traite/ tout de mesme que le premier; car si le premier a vn article, le second en veut auoir vn; si le premier a vn adjectif ou vn epi- thete, le second en veut auior vn aussi, com- me s'il estoit jaloux de tout le bien que l'on fait a\ l'autre; Au lieu qu'estant synonimes ou alliez, ils s'accordent comme bons amis, & se passent d'vn seul article, & d'vn seul adje- ctif pour eux deux. Quand les deux adjectifs contraires ou dif-

ferens sont accompagnez de la particule @plus@ il faut tousjours repeter l'article & la particu- le @plus@, soit que le substantif soit deuant ou apres les adjectifs, par exemple, @aux contrai- res@ en parlant d'vn riche auaricieux, @c'est le plus riche@ & @le plus pauure homme que ie connoisse@, & non pas @c'est le plus riche@ & @plus pauure hom- me@, & moins encore @c'est le plus riche@ & @pau- ure homme@, &c. Et aux differens, @c'est le plus ri- che@ & @le plus liberal homme du monde@, & non pas @c'est le plus riche@ & @plus liberal homme du mon- de@, & moins encore, @c'est le plus riche@ & @pau- Et @c'est homme le plus riche@ & @le plus liberal du monde@, & non pas @le plus riche@ & @plus liberal@ & encore moins @le plus riche@ & liberal@. Mais quand ils sont synonimes ou approchans, il n'est pas necessaire de repeter l'article, ny la particule @plus@, comme, @il practique les plus hautes@ & @excellentes vertus@, est bien dit, parce qu'icy @hautes@ & @excellentes@, sont comme synonimes, quoy que @il practique les plus hautes@ & @les plus execellentes vertus@, non seulement ne soit pas mal dit, mais soit encore mieux dit que l'au- tre selon l'opinion de M. Coeffeteau qui l'au- tousjours escrit ainsi. @Et promirenet d'estre obei%ssions@ & @fidelles a\ de si genereaux@ & @de si ma- gnifiques Empereurs di-il-en vn lieu bien que genereux@ & @magnifiques@, soient deux epithetes approchans. La particule @si@ veut estre traite/e

comme @plus@, & quelques autres. On le peut encore dire d'vne troisiesme fac#on, @il practi- que les plus hautes@ & @plus excellentes vertus du Christianisme@, qui est selon quelques-vns la meilleure de trois, & celle dont M. de Mal- herbe a accoustume/ d'vser, @deuant le plus grand@ & @plus glorieux courage@, dit-il, en quelque en- droit; Tellement que de tout cela on peut recueillir que cette distinction des synoni- mes ou des approchans & des contraires ou des differens, est d'vn grand vsage; car elle influe% presque sur toutes le parties de l'Orai- son, sur les articles, sur les noms soit substan- tifs, soit adjectifs, sur les verbes, sur les pre- positions, & sur les aduerbes, comme il s'en voit des exemples en diuers endroits de ces Remarques. ON demande si @ressembler@, regit aussi bien l'accusatif, que le datif; car personne ne doute qu'il ne regisse le datif. M. de Malher- be a escrit vn certain lieu, @gardons nous de le ressembler@ & en vn autre, @aueque ces langage@ & @autres qui le ressemblent@, & M. Bertaut luy a fait aussi regir l'accusatif en cette fameuse stance;

@Quand ie recuis ce que i'ay tant aime/, Peu s'en fallut que mon feu rallume/ Ne fist l'amour en mon ame renaistre, Et que mon coeur autrefois son captif Ne ressemblast l'esclaue fugitif, A qui le sort fait recontrer son Maistre@ Il y a beaucoup d'autres Autheurs qui luy don- nent l'accusatif, mais ce sont les vieux, & non pas les modernes; Ce qui fait voir que c'estoit la vielle fac#on de parler, que de luy faire re- gir l'accusatif, & qu'aujourd'huy il demande tousjours le datif. Il est vray qu'en faueur de la poe%sie i'ay ou%y dire a\ plusieurs personnes tres- sc#auantes en nostre langue, qu'en vers ils le souffriroient a\ l'accusatif, aussi bien qu'au da- tif, mais qu'en prose ils le condamneroient absolument. CEtte question a este/ agite/e en vne cele- bre compagne, ou\ les voix ont este/ par- rage/es. Les vns allguoient qu'on disoit au- trefois @cueiller@, a\ l'infinitif, au lieu de @cueillir@, & que de @cueiller@, on auiot forme/ le futur @cueil- leray@; car c'est sans doute de l'infinitif que se forme le futur de l'indicatif. Les autres qui estoient de la mesme opinion qu'il falloit di-

re @cueilleray@, n'auanc#oient point cette raison, ny aucune autre, mais se sondoient sur l'Vsage seulement, & asseuroient que l'on dit en par- lant, @cueillera@ & @recueillera@, & non pas @cueillira@, & @recueillara@, auec vn @i@, deuant l'@r@. Ceux de l'opinion contraire soustenoient, que l'Vsage estoit pour @cueillira@ & @recueillira@ auec @i@, & que iamais ils nel'auoient leu, ny ou%y dire autre- ment. Sur quoy il y en eut quelques vns qui les accorderent par cette distinction, qu'a\ la Cour tout le monde dit @cueillira@ & @recueillira@, & qu'a\ la ville tout le monde de dit @cueillera@ & @recueilleraz@ ce qui a\ mon de auis est tres-veritable; Et cela pre- suppose/ que s'ensuit il autre chose sinon que @cueillira@ & @recueillira@, est comme il faut parler, puis que c'est vn des principes de nostre lan- gue, ou pour mieux, dire de toutes les langages, que lors que la Cour en quelque lieu du monde que ce soit parle d'vne fac#on , & la ville d'vne autre, il faute suiure la fac#on de la Cour. Outre que celle-cy e encore sortifie/e par les Autheurs, ou\ ie n'ay iamais veu @cueillara@, ny @recueillera@, cela estant si veritable, que la plus-part mesmes de ceux qui sont pour @cueille- ra@, demeurent d'accord qu'on ne l'escrit pas ainsi, mais qu'on le dit en parlant; comme si cela se faisoit en nostre langue, ny en aucune autre, que l'on dist vn mot d'vne fac#on en par- lant, & d'vne autre en escriuant; en quoy ie

n'entens point de la difference de la pro- nonciation & de l'orthographe. Et quant a\ ce qu'ils alleguent l'ancien infi- nitif @cueiller@, ils ne prennent pas garde que ce- la fait contre eux; car puis qu'ils tirent vne consequence de l'infintif au futur de l'indi- catif, qui n'est pas mauuaise, estant vray, comme nous auons dit, qu'il en est forme/, que s'ensuit il autre chose sinon que quand on disoit @cueiller@ & @recueiller@, on disoit (& il falloit dire aussi), @cueillera@ & @recueillera@, & qu'a\ cette heure parce que l'on dit @cueillir@, il faut dire @cueillira@ & @recueillira@; car ils ne contestent point que l'on die encore @cueillir@, a\ l'infinitif. NOus auons remarque/ en diuers en- droits plusieurs fac#on de parler, ou\ le regime du genre ne suit pas le nominatif, mais le genitif, qui est vne chose assez estran- ge, & contre la construction ordinaire de la Grammaire en toutes sortes de langues. En voicy encore vn exemple en ce mot @sorte@, car il faut dire @il n'y a sorte de soin qu'il n'ayt pris@, & non pas @qu'il n'ayt prise@, quoy qu @sorte@, soit le nominatif feminin, auquel l'adjectif partici- pe @pris@, se doit rapporter dans la bonne con- struction Grammaticale & par consequent il

faudroit dire @prise@, le gentif ne pouuant estre construit auec le nominatif adjectif. Mais en cecy, comme en plusieurs autres fac#ons de parler que nous auons remarque/es, on regar- de plustost le sens que la parole, c'est a\ dire qu'en cet exemple, @il n y a sorte de soin@, on ne considere pas @sorte@, mais @soin@, tout de mesme que si l'on disoit @il n'y a soin@, parce que tout le sens va a`\ @soin@, & non pas a\ @sorte@. IL y a des repetition d'vn mot ou de plu- sieurs mots qui sont necessaire, comme @ie n'ay fait aujourd'huy que ce que i'ay fait depuis vingt ans@. Tous nos bons Autheurs en sont pliens, & ce seroit vne grande faute de ne pas vser de ces repititions quoy qu'vn des premiers esprits de nostre siecle les ayt toutes condamne/es egalement, en quoy il est aussi condamne/ de tout le monde. Il y a d'autres repetitons qui ne sont pas absolument neces- saires, comme le sont ces premieres dont nous venons de parler, mais qui font grace & figu- re & il yen a de beaucoup de fac#ons differen- tes & qu'il seroit trop long de marquer pas des exemples. Il suffit d'en faire voir d'vne fac#on, comme, @vne si belle victorie meritoit d'estre an- noce/e par vne si belle bouche@; ces deux mots @si

belle@, deux fois repetez ont fort bonne grace, quoy que la repetition n'en soit pas absolu- ment necessaire; car quand on diroit @vne si belle victoire meritoit d'estre annouce/e par cette bou- che@, comme l'a escrit dans vne lettre ce grand homme, de qui i'ay tire/ cet exemple, ce seroit fort bien dit; mais en repetant @si belle@, on enri- chit encore la pensee, d'vne figure qui est vn ornement. Neantmoins celuy dont ie par- le, l'a rejette/e; car il ne faut pad douter qu'el- le ne luy soit tombe/e dans l'esprit; Et il l'a re- jette/, parce qu'il y auroit eu trop d'affecta- tion en cette figure, & qu'vn iugement si soli- de & si esclaire/ que le sien, a\ qui l'on a con- sie/ les plus grandes affaires de l'Europe, n'a garde de receuoir toutes les belles produ- ctions d'esprit, mais seulement celles qui sont accompagne/es des circonstances neces- saires, du temps, du lieu, des occasions, & de la qualite/ des personnes qui escriuent, & de celles a\ qui l'on escrit. Hors de la\ il ne peut y auior d'eloquence, & c'est faire valoir l'esprit aux despens du iguement. Mais pour reuenir a\ ma Remarque, qu'vne si iuste digression a interrompue%, il y a d'au- tres repetition qui ne sont ny necessaires, ny belles, comme lors que l'on repete vn ver- be au lieu de se seruir de @faire@, qui est vn se- cours que nostre langage nous donne & vn <486*> autantage que nous auons pour euiter cet in- conuenient, par exemples quand on dit, @ie n'espris plus tant que i'esprious autrefois@, cette re- petition du verbe @escrire@, n'est ny necessaire, ny belle en cet enderoit, & quoy qu'absolument elle ne se puisse pas dire mauuaise, si est-ce que ce sera beaucoup mieux dit, @je n'e escris plus tant que ie faisois autrefois@, & parmy les Maistres de l'Eloquence & de l'art de bien parler, c'est vne espece de faute de n'exprimer pas les choses de la meilleur fac#on, dont elles peuuent estre ex- prime/es. Nous trouuons l'vsage de @faire@, si commode pour ne pas repeter vne mesme ver- be deux fois, que nous en seruons non seuleme/t en des phrases semblables a\ celle, que nous venons de dire, mais encore en d'autres ou\ nous faisons regir a\ @faire@, le mesme cas, que regit le verbe pour lequel nous l'employons; comme par exemple quand nous disons, @il ne les a pas si bien appreste/es qu'il faisoit les autres@. pour dire @qu'il appresstoit les autres. Il n'a pas si bien marie/ sa derniere fille, qu'il a fait les autres@, pour @qu'il a marie/ les autres@. Il y a vne autresorte de repetition qui est vicieuse parmy nous, & qui choque le per- sonnes mesme les plus ignorantes. C'est quand sans necessite/, sans beaute/, sans fi- gure, on repete vn mots ou vne phrase par pure negligence. Cela s'entend assez sans en

donner des exemples. I'ay dit @parmy nous@, par- ce que les Latins n'ont pas este/ si scrupuleux en cela, non plus qu'en beaucoup d'autres choses, qui regardent le stile & le langage. On n'a qu'a\ ouurir leurs liures pour voir si ie leur impose. Ie me souuiens encore d'vn pas- sage de Cesar au premier liure @de Bello Gal- lico@; il met deux fois en vne mesme periode ces mots @tridui viam procedere@, sans qu'il soit necessaire, ny qu'ils facent figure, & au mes- me endroit @conuocato concilio@, & @adid concilium@, &c. il met deux fois le mot de @concilium@, ainsi proche l'vn de l'autre. Nous auons nostre par- ticule @y@, en Franc#ois, qui nous dirions @le con- seil estant assemble/@, & @vn tel y ayant este/ appelle/@. Cependant Cesar est le plus pur de tous les Latins. Quinte Curce au sixiesme liure met deux fois @regnante Ocho@, en quartre lignes, & @occurrit@ & @occurrunt@, a\ trois lignes l'vn de l'au- tre. Mais en faut-il chercher d'autres exem- ples, que celuy de Ciceron qui a repete/ le mot de @dolar@, quarte fois en quarte ou cinq li- gnes, qui d'ailleurs est vn mot si specieux, sans qu'il y eust ny necessite/, ny figure. Tout ce qui pouuroit excuser cela, ce seroit la nai%fue te/, qui est vne des grandes perfections du stile comme nous auons dit si souuent, mais il fau

prendre garde, qu'on ne la face degenerer en negligence, dont nous auons fait vne Re- marque bien ample. C'Est vne faute que beaucoup de gens font, quand ils finissent vn lettre, de dire par exemple, @je suis parfaitement Monsieur, vostre tres-humble seruiteur@; Car cet aduerbe @par- faitement@, ayant la mesme signification, & au mesme degre/, que @tres-@, qui est la particule & la marque du superlatif, lequel superlatif ex- prime la perfection de la qualite/ dont il s'agit il y a le mesme inconuenient a\ dire @parfaite- ment tres-humble@, qu'a\ dire deux fois de suite @parfaitement, parfaitement humble@, ou bien @tres-tres-humble@, qui seroit vne chose imper- tinente & ridicule. Aussi plusieurs se sont apperceus, & corrigez de ce pleonasme, ou\ des meilleurs esprits de France estoient tombez sans y penser & sans y faire reflexion. Qui diroit, @ie suis parfaitement vostre seruiteur@, diroit fort bien, mais @ie suis parfaitement vo- stre tres humble seruiteur@, ne se peut dire qu'en ne sc#achant ce que l'on dit, ou du moins, n'y songeant pas. Il en est de memse @d'infiniment@; dont on se sert aussi souuent que de @parfaite-

ment@; & @ie suis infiniment vostre tres-humble serui- teur@, est pour la mesme raison aussi mauuais que l'autre. PAr exemple @quand on n'a que faire@, pour dire @quand on n'a rien a\ faire@, est tres- Franc#ois & tres-elegant: Mais il ne le faut pas affecter, ny en vser si souuent que fait vn de nos plus celebres Autheurs. @Ie ne puis que deui- ner, n'ayant que respondre aux reproches@, & au- tres semblables, tout cela est tres-bien dit. VN celebre Autheurs a escrit, @la fin de ma misere ne peut venir d'ailleurs que de mon retour aupres de vous, qui est chose dont ie vois le terme si estoigne/, que tant s'en faut qu'en la tem- peste ou\ ie suis, i'apprehende le naufrage, au con- traire ie pense auior toutes les occasions du monde de les desirer@. Ie dis qu'en cette periode il man- que vn @que@, qui doit estre mis immediate- ment apres @naufrage@, & deuant @au contraire@, & qu'il faut escrire, @qui est chose dont ie vois le terme si esloigne/, que tant s'en faut qu'en la tempe- ste ou\ ie suis i'apprehende le naufrage, qu'au con-

traire ie pense@, &c. Ce qui a trompe/ ce fameux Escriuains & plusieurs autres apres luy en de semblables recontres, c'est le @que@, qui est de- uant @tant s'en faut@, qu'il a creu ne deuior pas estre repete/ selon la regile que nous auons re- marque/e ailleurs. Mais il n'en est pas de mes- me en cet exemple; car le @que@, qui est deuant @tant s'en faut@, se rapporte a\ @si eslogne/@, qui va deuant, & qu'il faut necessairement dire apres @si@, & @tant s'en faut qu'en la tempeste@, &c. demande vn autre @que@, deuant @au contraire@, outre celuy qui se trouue dans ces paroles @qu'en la tempeste@. IL faut dire par exemple, @vous estes si sage@ & @si auise@, comme disent quelques vns. Ie sc#ay bien que ce n'est pas absolument vn faute, mais il ne s'en faut gueres; car l'autre locution est si Franc#oise & si pure au pris de cette der- niere, ou\ le @si@, n'est pas repete/ au dernier adjectif, que quiconque ne le repete pas, n'a pas grand soin, ou bien ne sc#ait ce que c'est de parler & d'escrire purement. Ainsi cette reigle de la repetition du @si@, en ce sens, n'a point d'exception, parce que si elle en auiot, ce seroit aux synonimes & aux approchans,

comme la regile generale de la repetition des mots en souffre en ces deux especes, ce que ie suis oblige/ de dire souuent; mais on voit qu'en l'exemple que i'ay donne/, ou\ @sage@ & @auise@, sont synonimes, la repetition de @si@, ne laisse pas d'estre necessaire. Donc a\ plus forte raison quand les deux adjectifs sont contraires ou diferens. CE pronom demonstratif ne se rapporte iamais au pluriel, si ce n'est quelque- fois auec la preposition @de@. Par exemple, vn celebres Escruians a dit @comme gens qui ne croyent pae auiour occasion de penser a\ soy@, sans doute il s'est mespris; il faut dire @comme gens qui ne croyent pas auior occasion de penser a\ eux@. Et ce seroit parler estrangement de dire, @ils ne font pas tant cela pour vous que pour soy@, ou @ils feront plustost cela pour soy que pour vous que pour eux@, ou @pour eux que pour vous@. Il y a vne pa- reille chose en la langage Latine pour @suus@ & @ipse@, qui ne veulent pas estre confondus a\ moins que de faire vn solecisme. Et l'on a remarque/ qu'vn excellent Grammairien, (c'est Laurens Valle) faisant cette obseruation, & reprenant auec raison des passages de certains

Auhteurs celebres, qui y auoient manque/, a commis luy-mesme la faute au mesme lieu ou\ il la reprenoit, tant il est aise/ de faillir en toutes choses. I'Ay fait vne Remarque bien ample sur les Preterits participies, ou\ ie croyois auior trai- te/ de tous les vsages qu'ils peuuent auior, & dit de quelle fac#on il s'en falloit seruir; car c'est vne des choses de toute nostre Grammaire, que l'on sc#ait le moins, & dont mesmes les plus sc#auans ne conuiennent pas, si ce n'est aux vsages que nous auons marquez com- me indubitables parmy eux. Mais j'ay oublie/ vne des fac#ons d'employer ces preterits par- ticipes. C'est quand le nominatif qui regit le preterit participe ne va pas deuant ce preterit, mais apres. Par exemple, @la peine que m'a don- ne/ cette affaire@; en cette phrase, @affaire@, est le nominatif, qui dans la construction regit le prererit participe @a donne\@. On demande donc s'il faut dire @la peine que m'a donne/ cette affaire@, ou @que m'a donne/ cette affaire@. La Reigle ge- nerale, comme nous auons fait voir en la Re- marque allegue/e, est que le preterit participe mis apres le substantif, au quel il se rappor-

te, suit son genre & son nombre, comme @la lettre que i'ay recue%@ & non pas @que i'ay receu@, parce que le substantif @lettre@, estant deuant le preterit se rapporte au genre du substantif precedent; Que si le substantif estoit apres, il faudroit dire @j'ay receu la lettre@, & non pas @j'ay recue% la lettre@. Ainsi pour le nombre on dit @les maux qu'il a faits@, & non pas @le maux qu'il a fait@. Neantmoins voicy vne exception a cette Reigle; car encore que le substantif soit deuant & le preterit participe apres en cet exemple, @la peine que m'a donne/ cette affaire@, si est-ce qu'a\ cause que le nominatif qui regit le verbe est apres le verbe, ce preterit n'est point sujet au genre ny au nombre du sub- stantif qui le precede, & il faut dire @la peine que m'a donne/ cett affaire@, & non pas @la peine que m'a donne/e@, de mesme au pluriel @les soins que m'a donne/e cette affaire, les inquietudes que m'a don- n'e cette affaire@: & non pas @les soins que m'a don- nez@, ny @les inquietudes que m'a done/es@. Il faut donc ajouster a\ la Reigle generale, que @le nominatif qui regit le verbe soit deuant le verbe@, & @non pas apres@. IE ne puis assez m'estonner de l'opinion nouuelle qui condamne les synonimes &

aux noms & aux verbes. Outre que l'exem- ple de toute l'antiquite/ la condamne elle mes- me, & qu'il ne faut qu'ouurir vn liure Grec ou Latin pour la conuaincre, la raison mes- me y repugnes; Car les paroles estant les ima- ges de pense/es il faut que pour bien repre- senter ces pense/es, la\ on se gouuerne comme les Peintres, qui ne se contentent pas souuent d'vn coup de pinceau pour faire la ressem- blance d'vn trait de visage, mais en donnent encore vn second coup qui fortifie le pre- mier, & rend la ressemblance parfaite. Ainsi en est-il des synonimes. Il est question de peindre vne pense/e, & de l'exposer aux yeux d'autruy, c'est a\ dire aux yeux de l'esprit. La premiere parole a desja esbauche/ ou trace/ la ressemblance de ce qu'elle represente, mais le synonime qui suit est comme vn second coup de pinceau qui acheue l'image. C'est pourquoy tant s'en faut que l'vsage des sy- nonimes soit vicieux, qu'il est souuent neces- saire, puis qu'ils contribuent tant a\ la clarte/ de l'expression, qui doit estre le principal soin de celuy qui parle ou qui escrit. Que si les sy- nonimes sont souuent necessaires, autant de fois qu'ils le sont, autant de fois ils seruent d'ornement, selon cette excellente remarque de Ciceron, qu'il n'y a presque point de chose au monde de soit de la nature ou de l'art,

qui estant necessaire a\ vn sujet, ne serue aussi a\ l'orner & a\ l'embellir. Ie n'ay point don- ne/ d'exemple de ces synonimes, parce que i'ay dit que les liures des Anciens en estoient pliens: Mais en voicy deux de cet incompa- rable Orateur dans son liure @De senectute@, apres lesquels il n'en faut plus chercher; @cu\m- que homini Deus nihil mente prastabilius dedisset, huic diuino muneri ac dono, nihil esse tam-inimi- cum qua\m voluptatem@. Remarquez, ie vous prie, @muneri ac dono@. Et plus bas, @quod idem contingis adolescentibus aduersante@ & @repugnant natura@. Voyez @aduersante@ & @repugnante@. Ne sont-ce pas la\ les deux coups de pinceau que is dis, ou si nous voulons encore emprunter vne comparaison de ceux qui battent de la mon- noye, ne sont-ce pas comme deux coups de marteau pour mieux imprimer la marque du coin, & ne sont-ce point encore comme ces pour mieux marquer dans la feu%ille, qui est sous la presse, la figure de leurs caracteres? Il est vray qu'il n'en faut pas abuser, & qu'v- ne seule parole est souuent vne image si par- faite de ce que l'on veut representer, qu'il n'est pas besoin d'en l'Auditeur; Et c'est le defaut qu'on reproche au grand Amyot, d'estre trop

copieux en synonimes; mais nous deuons a\ ce defaut l'abondance de tant de beaux mots & de belles phrases, qui font les richesses de nostre langage. On peut dire que c'est vne thre- sor qu'il a laisse/, mais qu'il faut mesnager & dispenser auec jugement sans gaster le stile en le chargeant de synonimes; outre qu'ils obli- gent a\ vne frequente repetition de le conjon- ctiue &, ce qu'il faut euiter selon la Remar- que que nous en auons faite en son lieu, si nous voulons rendre nos periodes agreables. Sans doute le stile veut estre esgaye/, non pas estouffe/ ny accable/ de mots superflus, & en toutes sortes d'ouurages il y doit auior vne certaine grace, qui resulte de la proportion que le plien & le viude ont ensemble: De sor- te que comme c'est vne autre d'en remplir les synonimes, c'en est un erreur de bannir les periodes. Il faut que le jugement, comme j'ay dit, en soit le dispensateur & l'oeconome, sans que l'on puisse donner vne reigle certai- ne pour sc#auior quand il en faut mettre, ou n'en mettre pas. Seulement est-il tres-certain, qu'il est mieux trompre, il me semble, qu'a\ la fin de la periode ils ont beaucoup meilleure gra- ce, qu'en nul autre endroit. On peut s'en es- claircir dans les bons Autheurs, sans qu'il soit necessaire d'en rapporter des exemples, mais

s'il en faut dire la raison, c'est a\ mon auis, parce que le sens estant complet a\ la fin de la periode, & par consequent l'esprit du Le- cteur ou de l'Auditeur demeurant satisfait, & n'estant plus en suspens ny impatient de sc#a- uior ce qu'on luy veut dire, il rec#oit volon- tiers le synonime, ou comme vne plus forte expression, ou comme vn ornement, ou com- me estant tous les deux ensemble, ou bien en- core si vous voulez, comme vne piece a\ ar- rondir la periode, & a\ luy donner sa cadence. En fin ce n'est pas de cette fac#on que la lan- gue Franc#oise doit faire parade de ses riches- ses, en entassant synonimes sur la synonimes, mais en se seraunt tantost des vns & tantost des autres selon les occasions qu'il y a de les employer & de reuestir en diuers lieux vne mesme chose de paroles differentes. Sur quoy il faut que ie die que iamais nostre langue ne m'a paru si riche ny si magnifique que dans les escrits d'vne personne, qui en vse de cette sorte. Il ne multiplie point les synonimes des mots ny des phrases, qui arrestent l'esprit du Lecteur, mais gaignant pays & fournisant tousjours de nouuelles chose il leur donne de nouueaux ornemens; il soustient si bien la grandeur & la pompe de son stile felon la di- gnite/ de sujet, que non seulement il iustifie nostre langue de la pauuerete/, qu'on luy repro

che, mais il fait voir qu'elle a des thersors in espuisables. I'ay accoustume/ de luy dire que son stile n'est qu'or & azur, & que ses paroles sont toutes d'or & de soye, mais ie puis dire encore auec plus de vertire/, que ce ne sont que perles & que pierreries. Il reste a\ remarquer vne chose tres-impor- tante sur les synonimes, c'est que les synoni- mes des mots comme nous auons dit, sont fort bons, pourueu qu'ils soient pas trop frequens, mais les synonimes des phrase pour l'ordinaire ne valent rien, & dans les meilleurs Autheurs Grecs & Latins si-l'on y prend garde, on n'en trouuera que tres-rare- ment, & encore sera-ce pas peut-estre vne phrase synonime, mais qui dira quelque cho- se de plus que la premiere, au lieu qu'ils sont pleins de synonimes de mots. Il n'y a que Se- rupteur de la vraye eloquence, disant bien souuent de suite vne mesme chose en plu- sieurs fac#ons & auec des pointes differentes, sans se souuenir du sentiment & du prece- pte de son pere, qui en la Controuerse 28 re- prend Montanus & Ouide mesme de ce vice. @Habet, dit-il hoc Montanus vitium, sententias suas repetendo corrumpit, dum non est contentus vnam rem semel bene dicere, efficit ne bene dixe- rit; Et propter hoc & alia, quibus orator po-

rest poe%ta similis videri, solebat Scaurus Montanum inter oratores Ouidium vocare, nam@ & @Ouidius nescit, quod bene cesit, relinquere@. La raison pourquoy les synonimes des phrases sont vi- cieux, & ceux des mots ne le sont pas, est na- turelle; car l'esprit humain impatient de sc#a- uior ce qu'on luy veut dire, aime bien deux mots synonimes, parce qu'ils le luy font mieux entendre, & qu'vn mot est bien tost dit, mais il n'aime pas deux phrases ou deux periodes synonimes, parce qu'vne phrase ou vne pe- riode entiere est trop longue, & que la pre- miere ayant acheue/ le sens, & exprime/ claire- ment vne pensee/, il veut que l'on passe auiss- tost a\ vne autre & de celle la\ encore a\ vne au- tre iusqu'a\ la fin, c'est a\ dire iusqu'a\ ce qu'il soit plienement satisfait de ce qu'il desire/ sc#a- uoir; au lieu que deux phrases, ou deux pe- riodes synonimes le tiennent en suspens, le font languir, & pour de nouelles choses qu'il demande, ne luy donnent que de nou- uelles paroles. Que si apres deux phrases syno- nimes il y en a encore vne troisiesme, & qu' quefois vne quartiesme tout de suite, & quel- ainsi tout le stile soit compose de ce genre d'escrire, comme nous auons certains Au- theurs d'alleurs tres-renommez, qui l'affe- ctent, on peut dire que ce stile la\ est tres-vi- cieux, & qu'il ne sc#auroit presque l'estre da- uantage.

L'Opinion commune est que @bonheur@ ne se dit qu'au singulier, & que l'on ne dit jamais @bonheurs@, au pluriel, quoy que l'on die @malheur & malheurs@ en tous les nombres. I'ay dit que c'estoit l'opinion commune, par- ce que j'ay veu des gens tres-sc$auans en no- stre langue, & tres-excellens Es$criuains, qui soustiennent le contraire, & alleguent des exemples, ou\ l'on ne sc$auroit dire que @bon- heurs@, au pluriel ne fust bien dit, comme @il luy pourroit arriuer tous les malheurs & tous les bon- heurs du monde, il ne se hausse ny ne se baisse, il porte tousjours mesme vsage@. Ils donnent en- core cet exemple. @Il est si heureux, que pour vn malheur qui luy arriue, illuy arriue cent bonheurs@. Pour moy, ie le trouuerois bon en certains en- droits, comme aux exemples que nous ve- nons de donner, & autres semblables: Mais auec tout cela ie n'en voudrois pas vser, puis que la plus-part du monde le condamne, & que ie me souuiens de cette belle difference qu'il y a entre les personnes & les mots, qui est que quand vne personne est accuse/e & que l'on doute de son innocence, on doit aller a\ l'absolution, mais quand on doute de la bon- te/ d'vn mot, il faut au contraire le condam-

ner, & se porter a\ la rigueur. A plus forte rai- son, si non seulement la plus-part en doutent, mais le condamnent comme on fait celuy-cy. Le passage de Scaliger en sa Poe%tique est trop beau, pour n'estre pas allegue/ sur ce sujet. @Con- tra\ nobis@, dit-il, @atque Iurisconsulti sanxere, sa- ciendum est, illis enim ita videtur praclariu\s con- suli rebus humanis, si decem sontes absoluantur, qua\m si vnus innocens damnetur; Etenim vero\ Poe%- te id agendum est, vt potiu\s centum bonos versus iugulet, qua\m vnum plebeium relinquat@. Cette Remarque est separe/e & distincte de celle des preterits qui se seruent de participes passifs, dont nous auons traite/ a\ plein fond; Et neantmoins elle ne laisse pas de luy ressembler en quelque chose. Par exemple, on demande s'il faut dire @ma soeur est alle/e visiter ma mere@, ou @est alle/ visiter ma mere;@ car on dit @ma soeur est alle/e a\ Paris@, & non pas @est alle/@, & ainsi il semble qu'il faut dire @ma soeur est alle/e visiter ma mere@, & non pas @est alle/ visi- ter@. Neantmoins c'est tout au contraire, il faut dire @est alle/ visiter@, & non pas @est alle/e vi- siter@, parce que l'infinitif a\ cette propriete/ d'empescher le verbe qui va deuant de se rap- porter au genre, dont il est regi & precede;

Comme nous auons dit en la Remarque des preterits, qu'en parlant d'vne femme il faut dire @je l'ay veu venir@, & non pas @je l'ay veue% ve- nir@, en quoy consiste ce que j'ay dit au com- mencement, que cette Remarque ressem- bloit en quelque chose a\ celle des preterits des participes passifs. Il en est du nombre, comme du genre, il faut dire par exemple, @mes fre- res sont alle/ visiter ma mere@, & non pas @sont allez visiter@, tout de mesme encore que l'on dit @je les ay veu venir@, & non pas @je les ay veus venir@. Il faut escrire @conuent@, qui vient de @conuen- tus@, mais il faut prononcer @couuent@, com- me si l'on mettoit vn @u@, pour l'@n@ apres l'@o@. Ce- la se fait pour la douceur de la prononcia- tion, comme on prononce @Moustier@, pour @Monstier@, vieux mot Franc$ois, qui veut dire @Monastere@. On dit @Farmoustier, Nermoustier, S. Pierre le Moustier@, au lieu de dire @Farmon- stier, Noir-monstier, S. Pierre le Monstier@ auec vne @n@, comme il ne faut pas laisser de l'escri- re,encore qu'on le prononce autrement. @Im- petratum est a\ consuetudine, suauitatis causa, vt peccare liceret@, dit le Maistre de l'Eloquence, & cela se practique en toutes les langues.

@Que dans les doutes de la langue il vaut mieux pour l'ordinaire, consulter les femmes, & ceux qui n'ont point estu- die/, que ceux qui sont bien sc$auans en la langue Grecque, & en la La- tine@. Qvand ie parle icy des femmes, & de ceux qui n'ont point estudie/, ie n'en- tens pas parler de la lie du peuple, quoy qu'en certaines rencontres il se pourroit faire qu'il ne le faudroit pas exclurre; & qu'on en pour- roit tirer l'esclaircissement de l'Vsage, non pas qu'il faille en cela tant deferer a\ la popu- lace, que l'a creu vn de nos plus celebres Es- criuains, qui vouloit que l'on escriuist en pro- se, comme parlent les crocheteurs & les ha- rangeres. I'entens donc parler seulement des personnes de la Cour ou de celles qui la han- tent, & dans le mot de @personnes@, ie comprens les hommes & les femmes qui n'ont point estudie/, & crois que pour l'ordinaire, il vaut mieux les consulter dans les doutes de la lan- gue, que ceux qui sc$auent la langue Grecque & la Latine. La raison en est euidente; c'est que douter d'vn mot ou d'vne phrase dans la langue, n'est autre chose que douter de l'Vsa- ge de ce mot ou de cette phrase, tellement

que ceux qui nous peuuent mieux esclaircir de cet Vsage, sont ceux que nous deuons plu- stost consulter dans cette sorte de doutes. Or est-il que les personnes qui parlent bien Fran- c$ois & qui n'ont point estudie/, seront des tesmoins de l'Vsage beaucoup plus fidelles & plus croyables, que ceux qui sc$auent la lan- gue Grecque, & la Latine, parce que les pre- miers ne connoissant point d'autre langue que la leur, quand on vient a\ leur proposer quelque doute de la langue, vont tout droit a\ ce qu'ils ont accoustume/ de dire ou d'enten- dre dire, qui est proprement l'Vsage, c'est a\ dire ce que l'on cherche & dont on veut estre esclaircy. Au lieu que ceux qui posse dent plu- sieurs langues, corrompent souuent leur lan- gue naturelle par le commerce des estrange- res, ou bien ont l'esprit partage/ sur les doutes qu'on leur propose par les differens Vsages des autres langues, qu'ils confondent quel- que fois, ne se souuenant pas qu'il n'y a point de consequence a\ tirer d'vne langue a\ l'autre. Par exemple ie vois tous les jours des person- nes bien sc$auantes, qui font @erreur@, masculin, lequel neantmoins aujourd'huy est feminin si declare/, que qui le fait de l'autre genre, fait vn solecisme. Toutefois si vous en repre- nez ces gens la\, ils vous diront aussi-tost,

qu'@error@ en Latin est masculin & qu'il le doit estre aussi en Franc$ois. De mesme ils croiront que @seruir a\ Dieu@, soit mieux dit que @seruir Dieu@, parce qu'en Latin on dit @seruire Deo@, au datif, & ainsi d'vne infinite/ d'autres. C'est pourquoy le plus eloquent homme qui ayt jamais estre/, auoit raison de consulter sa femme & sa fille dans les doutes de la langue, plustost qu'Hor- tensius ny que tous ces autres excellens Ora- teurs qui fleurissoient de son temps. De la\ vient aussi que pour l'ordinaire les gens de let- tres, s'il ne hantent la Cour ou les Courti- sans, ne parlent pas si bien ny si aisement que les femmes, ou que ceux qui n'ayant pas estu- die/ sont tousjours dans la Cour. Nous auons a\ Paris vne personne de grand merite, qui ne sc$ait point la langue Grecque, ny la Latine, mais qui sc$ait si bien la Franc$oise, qu'il n'y a rien de plus beau que sa prose & que ses vers. Presque tous ceux qui se meslent de l'vn & de l'autre, & nos Maistres mesmes, le consultent comme leur oracle, & il ne sort gueres d'ou- urage de prix, auquel il ne donne son appro- bation, auant que d'en expedier le priuilege. Ce n'est pas vne chose inutile de descou- urir le moyen parleque on peut sc$auoir

au vray l'Vsage que l'on demande, quand on en est en doute; Car faute de sc$auoir la me- thode qu'il faut obseruer, & de quelle fac$on il faut interroger ceux a\ qui l'on demande l'esclaircissement de doute, on n'en est point bien esclaircy; au lieu que par le moyen que ie vais donner, on voit clairement la verite/, & a\ quoy il se faut tenir. Par exemple, ie suis en doute s'il faut dire @elle s'est fait peindre@, ou @elle s'est faite peindre@, pour m'en esclaircir qu'est- ce qu'il faut faire? Il ne faut pas aller deman- der, comme on fait ordinairement, lequel faut-il dire les deux; car de/s la\, celuy a\ qui vous le demandez, commence luy mesme a\ en douter, & tastant lequel des deux luy semblera le meilleur, ne respondra plud dans cette nai%fuete/ qui descouure l'Vsage que l'on cherche, & du quel il est question, mais se mettre a\ raisonner sur cette phrase, ou sur vne autre semblable, quoy que ce soit par l'Vsage & non pas par le raisonnement; que la chose se doit decider. Voicy donc comme i'y voudrois proceder. Si ie parle a\ vne per- sonne qui entende le Latin, ou quelque au- tre langue, ie luy demanderay en Latin, ou en cette langue la\, comme il diroit en Fran- c$ois ce que ie luy demande en Latin, ou en cette autre langue; Et s'il n'en sc$ait point d'autre que la Franc$oise, il sera beaucoup

plus difficile de luy former la question en sorte qu'il ne s'apperc$oiue point du noeud de la difficulte/, & du poinct au quel consiste le doute dont on se veut esclaireir; car c'est tout le secret en cecy, que de ne point donner a\ connoistre ou\ est le doute, a fin qu'on des- couure l'Vsage dans la nai%fuete/ de la respon- se, qui ne seroit plus cet effect, si lors que l'on sc$auroit de quoy il s'agit, on y apportoit le raisonnement, au lieu de la nai%fuete/. Si ie m'adressois donc a\ vne personne, qui ne sceust point d'autre langue que la Franc$oise, ie luy dirois dans l'exemple que j'ay propose/ les pa- roles suiuantes. @Il y a vne Dame qui depuis dix ans ne manque point de se faire peindre deux fois l'anne/e par des peintres differens. Ie vous demande, si vous vouliez dire cela a\ quelqu'vn, de quelle sa- c$on vous le luy diriez sans repeter les mesmes pa- roles que i'aydites@. Ayant ainsi forme/ ma que- stion, il est certain d'vn coste/ qu'on ne sc$au- roit jamais deuiner le sujet pour lequel ie la fais, & d'autre part il est comme impossible, que par ce moyen ie ne tire la phrase que ie cherche, ou\ ie trouueray l'esclaircissement de ce que ie veux sc$auoir; car tost ou tard, cette personne seule, ou plusieurs ensemble dans vne mesme compagnie, a\ qui ie me se- ray adresse/, ne manqueront point de dire @elle s'est fait peindre@, ou @elle s'est faite peindre@, &

de ce qu'elles diront ainsi nai%fuenment sans y penser, & sans raisonner sur la difficulte/, parce qu'elles ne sc$auent point quelle elle est, on descouurira le veritable Vsage, & par con- sequent la fac$on de parler, qui est la bonne, & qui doit estre suiuie. Ce/t exemple peut seruir pour tous les au- tres, & il n'importe point quel circuit ou quel- le voye on prenne, pourueu qu'on cache bien le doute dont on veut estre esclairly, & que neantmoins on ayt l'adresse de tirer la phrase que l'on demande, ou\ le doute est contenu; car ie redis encore vne fois, que de demander de but en blanc, s'il faut dire ainsi, ou ainsi, est vn tres-mauuais moyen d'en sc$auoir la verite/, insques la\ que j'ay remarque/ bien sou- uent vne chose assez plaisante, que des per- sonnes qui se seruoient constamment d'vne fac$on de parler, dont plusieurs estoient en doute, lors qu'on a demande/ a\ ces personnes la\, s'il falloit dire de cette fac$on ou d'vne au- tre, pour l'ordinaire ils prononc$oient con- tre ce qu'eux mesmes auoient accoustume/ de practiquer, & contre la bonne opinion. C'est qu'en parlant sans reflexion & sans raisonner sur la phrase, ils parloient selon l'Vsage & par consequent parloient bien, mais en la consi- derant & l'examinant, ils se departoint de l'Vsage, qui ne peut tromper en matiere de

langue, pour s'attacher a\ la raison, ou au raisonnement, qui est tousjours vn faux gui- de en ce sujet, quand l'Vsage est contraire. La plus grande de toutes les erreurs en matiere d'escrire, est de croire, comme font plusieurs, qu'il ne faut pas escrire, com- me l'on parle. Ils s'imaginent que quand on se sert des phrases vsite/es, & qu'on a accou- stume/ d'entendre, le langage en est bas, & fort estoigne/ du bon stile. Ie ne parle que des phrases & non pas des mots, parce qu'il n'y a personne a\ mon auis, qui pretende com- poser vn discours de paroles nouuelle lan- gue qu'on n'entende point. Mais pour les phrases, lear opinion est tellement oppose/e a\ la verite/, que non seulement en nostre langue, mais en toutes les langues du monde, on ne sc$auroit bien parler ny bien escrire qu'auec les phrases vsite/es, & la diction qui a cours par- my les honnestes gens, & qui se trouue dans les bons Autheurs. Chaque langue a ses ter- mes & sa diction, & qui, par exemple, par le Latin comme sont plusieurs, auec des pa- roles Latines & des phrases Franc$oises; ne

parle pas Latin, mais Franc$ois, ou plustost ne parle ny Franc$ois ny Latin. Cela est telle- ment vray que ie m'estonne qu'il y ayt tant de gens infectez de l'erreur qui m'oblige a\ faire cette Remarque. Ce n'est pas que parmy les fac$onsde parler establies & receue%s, on ne puisse faire quel que fois des phrases nouuel les, commenous auons dit alleurs, mais il faut que ce soit tarement & auec toutes les precau- tions que i'ay marque/es. Ce n'est pas non plus, que comme nostre langue s'embellit & se perfectionne tous les jours, on ne puisse employer quelques nouueaux ornemens, qui jusqu'icy estoient inconnus a\ nos meilleurs Escriuains, mais le corps des phrases & de la diction doit estre tousjours conserue/, & l'es- sence & la beaute/ des langues ne consiste qu'en cela. Il est vray que l'on doit entendre sainement cette maxime, @qu'il faut escrire comme l'on parle@; car comme/ il y a diuers gen- res pour parler, il y a diuers genres aussi pour escrire, & il faut que le genre d'escrire respon- de a\ celuy de parler, le genre bas au bas, le mediocre au mediocre, & le sublime au su- blime, de sorte que si l'employois vne phra- se sort basse dans vn haut stile, ou vne phra- se sort noble dans vn stile bas, ie me rendrois egalement ridicule; Mais pour tous ces gen- res la\, il y a des phrases en nostre langue qui

leur sont affecte/es; & qu'on ne luy reproche point sa pauurete/; car c'est bien souuent cel- le des mauuais harangueurs, ou des mauuais Escriuains, & non pas la sienne; Elle a des ma- gazins remplis de mots & de phrases de tout pris, mais ils ne sont pas ouuerts a\ tout le monde, ou\ s'ils le sont, peu de gens sc$auent choisir danc cette grande quantite/ ce qui leur est propre. Il y a des gens qui croyent que ce mot n'est pas bon, & qu'il est vieux, & a\ cause de cela ils disent tousjours @autres@, pour @autruy@. Mais ils se trompent extremement; car au contraire c'est vne faute, & ce n'est pas parler Franc$ois que de dire @autres@, en beaucoup d'endroits, ou\ il faut dire @autruy@. Par exem- ple, @il ne faut pas desirer te bien des autres@, est tres- mal dit, il faut dire @le bien d'autruy. Autres@, a relation aux personnes dont il a desja este/ par- le/, comme si ie disois, @il ne faut pas rauir le bien des vns pour le donner aux autres@, ie dirois bien, & de dire, @il ne faut pas rauir le bien des vns pour le donner a\ autruy@, ne seroit pas parler Franc$ois; parce que quand il y a relation de personnes, il faut dire @autres@, & quand il n'y a point de relation, il faut dire @autruy@. D'ailleurs @autre,@

s'applique aux personnes & aux choses, mais @autruy@, ne se dit que des personnes & tous- jours auec les articles indefinis. Ie sc$ay bien que quelques Grammairiens disent qu'@autruy@, se met quelquefois auec l'article definy, & qu'alors il veut dire @le bien@, & non pas @la per- sonne@, par exemple, @ie ne veux rien de l'autruy@, pour dire @du bien d'autruy@, mais cette fac$on de parler est du vieux temps, d'ou\ M. de Mal- herbe l'a ramene/e, disant, @A qui rien de l'autruy ne plaist@. Aujourd'huy elle n'est plus en Vsage, que dans la lie du peuple, pourquoy ne dirons nous pas, @ie ne veux rien d'autruy?@ On dit @arondelle, hirondelle, erondelle@, mais @erondelle@, auec @e@, est le meilleur, & le plus vsite/ des trois. C'est a\ mon auis, parce que nostre langue qui aime la douceur de la prononciation, change volontiers @l'a@, en @e@, n'y ayant point de doute que @l'a@, est vne voyelle beaucoup moins douce que @l'e@. Nous en auons donne/ des exemples en diuers en- droits, qu'il n'est pas besoin de repeter icy. Mais quand nous dirons, qu'il n'en faut pas pourtant abuser, ny dire @merque@, pour @marque, merry@ pour @marry@, ny @serge@, pour @sarge@, ie ne

crois pas que ce soit vne repetition intuti- le, veu le grand nombre de gens qu'il y a qui manquent en ces trois mots, & en quel- ques autres semblables. Apres @herondelle@, le meilleur est @hirondelle@, quoy que ce dernier ayt plusieurs partisans capables de l'authori- ser, & mesme de le disputer a\ l'autre. Nous auons fait vne Remarque, ou\ il se voit qu'auant @pas@, ou @point@, il est li- bre de mettre la negatiue @ne@, ou de ne la met- tre pas, comme on peut dire @auez-vous point fait cela, & n'auez-vous point fait cela@. Mais voi- cy vne addition a\ la Remarque, qui est im- portante, & qui merite elle mesme vne Re- marque. C'est que lors qu'on ne parle pas par interrogation, il faut tousjours mettre la ne- gatiue @ne@, & ce seroit vne faute de ne la met- tre pas, par exemple, il faut dire @il veut sc$auoir s'ils n'ont point este/ mariez@, & non pas, @il veut sc$a- uoir s'ils ont este/ mariez@. Au lieu qu'en inter- rogation, on peut dire tous les deux, @n'ont ils point este/ mariez, & ont-ils point este/ mariez?@ Il sembleroit que ce mot, dont s'est ser- uy vn de nos plus celebres Escriuains, de-

uroir estre plus Franc$ois que @debiteur@, parce qu'il s'estoigne plus du Latin, & s'approche plus du Franc$ois @dette@, ou @debte@, d'ou\ @detteur@, est forme/. Mais il n'en est pas ainsi. @Detteur@, est vn vieux mot, qui n'est plus guere en vsage. Il faut dire & escrire @debiteur@. Nous auons ainsi beaucoup de mots en nostre langue, comme @donation@, & plusieurs autres, dont il ne me souuient pas maintenant, qui d'vne fac$on approchent beaucoup plus du Latin que de l'autre, & quoy que ceux qui tiennent moins de Latin semblent plus Franc$ois, si est-ce que le plus souuent c'est tout le contraire, l'Vsage le voulant ainsi. Il faut que les gerondifs @estant, & ayant@ soient tousjours placez apres le nom sub- stantif qui les regit, & non pas deuant, comme fait d'ordinaire vn de nos plus celebres Escri- uains. Par exemple, il a escrit @estant le bien-fait de cette nature@, au lieu de dire, @le bien fait estant de cet- te nature@. I'ay marque/ les gerondifs @estant@, & @ayant@, parce que c'est en cela\ principalement que cet Autheurs renomme/ commet cette fau- te, qui pourroit estre vn piege a\ ceux qui se proposent de l'imiter & qui se forment en tout

sur ce modelle, s'ils n'estoient auertis par cette Remarque, que cette fac$on de parler est incienne, & qu'elle n'est plus en vsage que chez les Notaires. Il ne est de mesme du ge- rondif @ayant@, comme @ayant ce bon homme fait tout son possible@, au lieu de dire @ce bon homme ayant fait tout son posible@. Ie ne crois pas qu'aux autres verbes cette faute se puisse commettre. La commune opinion est, qu'il faut di- re @tirer de longue, & aller de longue@, pour dire @auancer, gaigner pays, faire du chemin@ & non pas @tirer de long, ny aller de long@, comme l'a escrit vn de nos plus celebres Autheurs, & d'autres apres luy. Ie ne pense pas qu'Amyot ayt jamais vse/ de cette fac$on de parler. Elle est fort basse, & ie ne voudrois pas m'en ser- uir en escriuant. @Tirer en longueur, aller en lon- gueur@, sont des choses toutes differentes, de @tirer de longue, & aller de longue;@ car @tirer@, ou @aller en longueur@, veut dire qu'il se passera beau- coup de temps, jauant que l'on voye la fin de la chose, qui tire en longueur, au lieu que @tirer@, ou @aller de longue@, marque vn progres fort pront, par le moyen du quel on paruient bien tost au but que l'on se propose.

Il faut escrire @landit@, auec vn @t@, a\ la fin quoy qu'il ne se prononce pas, ce qui a este/ cause que plusieurs ont creu qu'il falloit escrire @landy@. C'est ce que le disciple paye rous les ans a\ son Precepteur en reconnoissance de la peine, qu'il a prise a\ l'enseigner, & vient de ces deux mots Latins @annus dictus@, ou comme d'autres croyent @d'indictum@, d'ou\ il s'ensuit qu'il faut escrire @landit@, auec vn @t@. Car c'est ordi- nairement au bout de l'an, c'est a\ dire de l'an scholastique, que ce present se fait au Prece- pteur. M. de Malherbe a escrit @landit@, auec vn @t@, dans sa traduction des bien-faits de Seneque; Voicy le passage, @vous me direz, qu'a\ ce conte la\ vous ne deuez rien ny a\ vostre Medecin, qui a eu sa piece d'argent, quand il vous est venu voir, ny a\ vostre Precepteur a\ qui vous auez paye/ son lan- dit@. Et pour ce qui est de l'@l@, par la quelle ce mot commence, qui semble destruire cette verita- ble et y mologie, il faut sc$auoir qu'il est arriue/ a\ ce mot la mesme chose, qu'a\ plusieurs autres, dont nous donnerons icy des examples, qui est que l'@l@, au commencement estoit l'article du mot, la voyelle qui la suit se mangeant par la rencontre de l'autre voyelle, qui commence le mot, & l'on escriuoit ainsi @l'an dit@, en trois

mots separez, dont l'article est conte/ pour vn; Mais depuis par corruption il est arriue/, que l'article s'est joint & comme incorpore/ auec @an@, de sorte que ne faisant plus qu'vn mot, il a fallu luy donner vn nouuel article, & dire @le landit@. Si nous n'en donnions des exemples, comme nous l'auons promis, il sembleroit que cette etymologie seroit bien tire/e par les cheueux; il est certain qu'@hedera@, cette seu%ille tousjours verte s'est long-temps appelle/e en Franc$ois @hierre@, il ne faut que lire les vieux Autheurs pour en estre asseure/, & mesmes @l'Abbaye d'Hierre@, s'appelle en Latin @hedera@; On a donc este/ long-temps, que l'on disoit @l'hier- re@, pour @la hierre@, a\ cause que l'@e@, & l'@a@, de l'arti- cle masculin & du feminin se mangent, com- me chacun sc$ait, deuant la voyelle du mot suiuant; mais depuis on en a fait vn seul mot @lierre@, & alors il a fallu luy donner vn nouuel article, & dire @le lierre@. Tous nos meilleurs e- tymologistes croyent aussi que @loisir@, s'est for me/ de la mesme fac$on, & qu'anciennement d'@otium@, on auoit dit @oisir@, en Franc$ois, & que l'@l@, qui va deuant @oisir@, en disant @loisir@, n'estoit que l'article , mais depuis s'estant tout a\ fait incorpore/ auec le mot, il luy a fallu encore vn article nouueau, auec lequel on dit @le loisir@. Ie sc$ay qu'il y en a d'autres exemples indubi- tables en nostre langue, qui ne se presentent

pas a\ point nomme/, quand on en a besoin mais ie suis asseure/ qu'il y en a. Et cela est si familier a\ la langue. Espagnol, que ce n'est pas vne merueille si la nostre en fait autant; car en tous les mots que les Espagnols ont pris de l'Arabe, qui comencent par @al@, comme @alcoua, alguazil, almohada, alcalde, alcayde@, & vne ein finite/ d'autres, quoy que cet @al@, soit l'ar- ticle Arabe, on n'a pas laisse d'y adjouster l'ar- ticle Espagnol & de dire @el alcoua, el alguazil, el almohada, &c@. @Conjurateur@, pour vn homme qui est autheur ou complice d'vne conjura- tion, n'est pas Franc$ois, il faut dire @conjure/@. Ce qui a trompe/ ceux qui pnt dit les premiers @con- jurateur@, c'est que la terminaison en estant actiue, & celle de @conjure/@, passiue, ils ont creu que le nom verbal, qui auoit la terminaison actiue deuoit estre employe/ pour exprimer vne action, & non pas celuy, qui a\ la termi- naison passiue comme @conjure/@. Mais outre que l'Vsage le voulant ainsi, il n'y a plus de repli- que, cet Vsage est encore fonde/ sur ce que @conjure/@, vient du Latin @conjuratus@, qui signifie la mesme chose, & que les Latins nomment ainsi, & non pas @conjurans@, ny @conjurator@. D'ail-

leurs il n'est pas fort extraordinaire en nostre langue, qu'il y ayt noms auec la terminai- son passiue, qui neantmoins signifient vne action, comme @affectionne/, passionne/@, & vne grande quantite/ d'autres, non plus qu'il n'est pas nouueau, qu'il y ayt des noms auec la ter- minaison actiue, qui neantmoins ont vne si- gnification passiue, comme @chemin passant@, &c. Cette phrase ne vaut rien, quoy que plu- sieurs l'escriuent, & particulierement la plus-part de ceux qui sont des Romans. Elle ne se peut pas escrire, parce qu'elle ne se dit jamais, on dit ordinairement @ayant dit cela@, & c'est ainsi qu'il faut escrire. Ce qui les a trom- pez, c'est que l'on escrit fort bien @cela fait@, qui est bien meilleur & plus elegant que de dire @cela estant fait@, mais ils ne considerent pas, que si on l'escrit, on le dit aussi, & qu'a\ cause qu'on ne dit point @cela dit@, il ne faut point aussi l'escrire. Il faut repeter le pronom possessif, com- me on repete l'article, par exemple on dit @le pere & la mere@, & non pas @les pere & mere,@ Ainsi il faut dire @son pere & sa mere@, & non

pas @ses pere & mere@, comme dit la plus-part du monde, qui est vne des plus mauuaises fac$ons de parler, qu'il y ayt en toute nostre langue. Par tout ailleurs il en faut vser aussi comme de l'ar- ticle, par exemple, quand il y a des adjectifs a- uec des particules comme @plus, moins, si@, & au- tres semblables, il faut repeter le pronom pos- sessif aux mesmes endroits ou\ l'on repeteroit l'article, & non pas aux autres. On dit @les plus beaux & les plus magnifiques habits@, & l'on dit encore, @les plus beaux & plus magnifiques ha- bits@, sans repeter l'article au second adjectif, selon la reigle des synonymes & des appro- chans dont nous auons souuent parle/. Ainsi l'on dit @ses plus beaux & ses plus magnifiques ha- bits@, & l'on dit encore, @ses plus beaux & plus ma- gnifiques habits,@ selon la mesme reigle. Mais on diroit mal, @il luy a fait voir les plus beaux & plus vilains habits du monde,@ par la reigle contrai- re a\ celle des synonimes & des approchans, qui veut que l'on repete l'article, & que l'on die @il luy a fait voir les plus beaux & les plus vilains habits du monde.@ C'est pour quoy il faut dire aus- @si il luy a fait voir ses plus beaux & ses plus vilains habits@, en repetant deux fois @ses@, & non pas @ses plus beaux & plus vilains habits@. Ce que j'ay dit du pronom possessif de la troisie/me personne, s'entend de mesme du possessif de la premiere & de la seconde personne au singu- lier & au pluriel.

I'ay veu disputer a\ des gens qui parlent fort bien, s'il faut dire @jusques a\ aujourd'huy@, ou @jusques aujourd'huy@. Ceux qui croyent qu'il faut dire @jusques a\ aujourd'huy@, alleguent pour leur raison, que la preposition @jusques@, soit qu'elle designe le temps ou le lieu; car elle sert a\ l'vn & a\ l'autre, regit d'ordinaire l'article du datif, soit singulier ou pluriel, comme @jus- ques a\ l'anne/e prochaine, jusques aux longs jours, jusques a\ Rome, jusques aux enfers@, excepte/ en ces deux phrases seulement @jusques icy@, ou @jusqu'icy, & jusques la\@, qui se disent toutes deux & pour le temps & pour le lieu, sans que @jusques@, soit suiuy du datif, ou de la pre- position a\; car ceux qui disent @jusques a\ icy@, & @jusques a\ la\@, comme ie l'ay souuent ou%y dire, parlent barbaremet. Cela presuppose/ ils in- ferent qu'il faut dire @jusques a\ aujourd'huy,@ comme l'on dit, @jusques a\ demain, jusques a\ hier, jusques a\ ce jour@. Mais ceux qui sont de l'opinion contraire les combattent auec la mesme raison, & de leurs propres armes, disant, qu'a\ cause que @jusques@, doit estre suiuy du datif, ou de la pre- position @a\@, il faut dire, @jusques aujourd'huy@, par- ce qu'@aujourd'huy@, est vn mot qui commence

par l'article masculin du datif @au@, & ainsi se- lon la propre Reigle des aduersaires il faut dire @jusques aujourd'huy@, & non pas @jusques a\ aujourd'huy@. A cela ils repartent, qu'il est vray, qu'@au- jourd'huy@, est vn mot, qui commence par l'ar- ticle masculin du datif, mais que ce mot ne doit pas estre considere/ selon son etymo- logie, ou sa composition, piece a\ piece, & separe/ en ces quarte mots @au jour de@, ou @d'huy@, mais comme vn aduerbe qui ne fait plus qu'vn mot en Franc$ois, comme @hodie@, qui si- gnifie @aujourd'huy@, ne fait qu'vn mot en Latin, quoy qu'il soit compose/ de deux, & comme @demain@, & @hier@, ne font aussi qu'vn mot en Franc$ois; de sorte que de la mesme fac$on que l'on dit @jusques a\ demain, jusques a\ hier@, on doit dire aussi @jusques a\ aujourd'huy@, puis que @demain, hier & aujourd'huy@, sont trois aduerbes de temps, dont il se faut seruir tout de mesme sans mettre autre difference entre eux, que celle de leur signification. Neantmoins on replique, qu'encore qu'il soit vray, qu'@aujourd'huy@, ne fait plus qu'vn mot, qui est aduerbe, si est-ce que se rencon- trant qu'il commence par l'article du datif, qui est celuy que la preposition @jusques@, de- mande, on se sert de cette rencontre, & on la mesnage si bien qu'on se passe de la preposi-

tion a\, & l'on se contente de dire @jusques au- jourd'huy@, sans dire @jusques a\ aujourd'huy@, com- me si @aujourd'huy@, n'estoit pas aduerbe, & vn seul mot, mais quartre mots separez, comme nous auons dit, @au jour d'huy@, & comme on di- roit, @jusques au jour d'hier@. Outre qu'on euite la cacophonie des deux voyelles. Ce qui con- firme cela, c'est vne autre fac$on de parler tou- te semblable, qui est @jusques a\ cette heure@; car ceux qui disent @jusques a\ a\ cette heure@, comme il y a en plusieurs, qui parlent ainsi au lieu de di- re @jusques a\ cette heure@, disent si mal, que les par- tisans mesme de @jusques a\ aujourd'huy@, les con- damnent. Et neantmoins il n'y a pas plus de raison d'vn coste/ que d'autre, parce qu'@a\ cette heure@, est aduerbe aussi bien qu'@aujourd'huy@, & il ne faut pas alleguer, que la cacophonie des deux @a@, sonans de mesme, en @jusques a\ a\ cette heure@, en est la cause, & qu'en @jusques a\ auiour- d'huy@, le second @a@, joint @a\ l'u@, fait vne diph- thongue, qui varie le son du premier @a@, & qui se pronounce comme vn @o@; car nostre langue n'a point d'esgard, comme nous auons dit plusieurs fois, a\ ces cacophonies, quand l'V- sage les authorise, puis que nous disons, @il commenc$a a\ dire@, & qu'il le faut dire ainsi pour bien parler Franc$ois, & non pas @il commenc$a de dire@, & ce qui est bien plus encore, puis qu'il faut dire @il commenc$a a\ auou%er@, non-ob-

stant la cacophonie des trois, @a@, plustost qu'@il commenc$a d'auou%er@. Enfin ceux qui sont pour @jusques a\ aujourd'huy@, ont encore trouue/ vne subtilite/, qui est de dire que @jusques@, est vne preposition qui regit datif, & qu'en ce mot @aujourd'huy@, l'article @au@, n'y est point au datif, mais a\ l'ablatif tout de mesme qu'en l'aduer- be Latin @hodie@, qui est encore vn mot com- pose/ de deux mots, on voit que ces deux mots sont a\ l'ablatif. A cela les autres respon- dent qu'il est tres-vray que cet article defini @au@, en @aujourd'huy@, est ablatif, comme l'article in- definy @a\@, en @a cette heure@, est ablatif aussi; Mais que l'article de l'ablatif & celuy du datif estant souuent semblabes, comme il le sont en ces deux exemples @aujourd'huy@, & @a\ cette heure@, on se preuant de la commodite/, puis qu'ils se ren- contrent tout propres pour estre aiustez sans aucun changement auec @jusques@, qui deman- de vn datif. Il y a pourtant certains endroits ou\ non seulement on peut dire @a\ aujourd'huy@, mais il le faut dire necessairement, comme @on m'a as- signe/ a\ aujourd'huy@, & non pas @on m'a a signe/ au- jourd'huy@; car ce dernier seroit equiuoque, ou pour mieux dire, il ne signifieroit pas que @l'on m'a assigne/ a\ aujourd'huy@, mais que @c'est auiour- d'huy qu'on m'a assigne/@. De mesme, @on a remis cet- te affaire aujourd'huy@, ne seroit pas bien dit pour

dire @on a remis cette affaire a\ aujourd'huy@. Il y au- roit dans l'intelligence de ces paroles @on a re- mis cette affaire aujourd'huy@, le mesme vice, & le mesme inconuenient qu'en celles cy, @on m'a assigne/ aujourd'huy@. L'aduerbe @bien@, au commencement de la periode, sent son ancienne fac$on d'escri- re, qui aujourd'huy n'est plus gueres en vsage. Par exemple, vn de nos fameux Autheurs a escrit @bien est-il mal aise, bien crois-ie@, 6 plu- sieurs autres semblables. On le dit encore quelquefois en parlant, mais il semble que ce n'est pour l'ordinaire qu'en taillerie, & qu'on ne l'escrit que rarement. I'entens en prose; car en vers M. de Malherbe en a louuent vse, & ie trouue qu'il a aussi bonne grace en vers, qu'il l'a mauuaise en prose, pourueu qu'il soit bien place/, comme cet excellent ouurier auoit accoustume/ de s'en seruir, Que si en prose, i'a- uois jamais a\ le mettre, ce seroit sans doute en cette phrase @bien est-il vray@, qui a beaucoup plus de force & de gra, que de dire, @il est bien vray@. Vn de nos Maistres a escrit depuis peu, @bien sc$ay-ie@.

Ce mot ne me semble point bon quelque signification qu'on luy donne; la plus commune & la meilleure est de signifier @doux, courtois, ciuil@, & de fait, quand on dit @gracieux@, on le met d'ordinaire apres @doux, doux & gra- cieux, courtois & gracieux@, & en cette compa- gnie il passe plus aisement. Vn de nos plus celebres Escriuains a dit, @ils luy auoient apporte/ des responses les plus gracieuses du monde@, pour dire @les plus honnestes, les plus ciuiles@. Ie ne vou- drois pas m'en seruir. Il y a de certaines Pro- uinces, ou\ l'on s'en sert pour dire qu'vne per- sonne a\ bonne grace a\ faire quelque chose. @Il est gracieux@, disent-ils, @quand il fait ce conte la\@. Mais il ne vaut rien du tout, & ce n'est point parler Franc$ois. On dit bien @mal-gracieux@, com- me @vous estes bien mal-gracieux@, qui est oppose/ au premier & au vray sens de @gracieux@, & qui veut dire @rude@, mais il est bas, & ie ne le voudrois pas escrire dans le stile noble. Cette fac$on de parler est vieille, & n'est plus aujourd'huy en vsage parmy les bons Escriuains. Neantmoins vn des plus ce-

lebres a escrit @par sus tout t'admire@. Et c'est ce qui est cause que j'en fais vne Remarque, de peur qu'on ne l'imite en cela, comme il est a\ imiter en d'autres choses. @Sus@, comme nous auons dit en son lieu, n'est jamais preposi- tion, mais aduerbe, la preposition c'est @sur@, auec l'@r@, a\ la fin, & @dessus@ encore, quand il y a @par@, deuant, comme @oar dessus la teste, par dessus le ventre@, mais @par sus@, ne se dit point; ny par consequent @par sus tout@. Il faut dire @par dessus tout j'admire@, ou plustost encore, @par des- sus tout cela j'admire@. M de Malherbe dans ses vers le fait tantost masculin, & tantost feminin. Il dit en vn lieu @tout le fiel & tout l'absynthe,@ & en vn autre @adoucit toutes nos absynthes@. Pour moy, ie l'aimerois mieux faire mascu- lin, que feminin, non-obstant l'inclination de nostre langue, qui va a\ ce dernier genre plustost qu'a\ l'autre, & ie ne vois presque per- sonne, qui ne soit de cet auis. @aoison@, est tous- jours masculin, quoy que M. de Malherbe l'ayt fait quelquefois feminin, & que d'or- dinaire les Parisiens le facent de ce genre, & dient @de la poison@. I'oubliois de dire, qu'@ab- synthes@, au pluriel n'est pas bon.

Ie dis qu'vn substantif, qui suiuant vn au- tre substantif est au genitif, s'il a vn epithe- te apres luy, & qu'en suite il y ayt encore dans le mesme regime vn autre substantif au genitif accompagne/ aussi d'vn autre epithere, ces deux substantifs doiuent estre situez d'v- ne mesme fac$on, c'est a\ dire que si le premier est deuant l'adjectif, le second le doit estre aussi & si le premier est apres l'adjectif, le second le doit estre de mesme. L'exemple le fera mieux entendre que la Reigle, @i'expose cet ouurage au iugement du siecle le plus malin, & du plus bar-, bare peuple qui fut jamais@. Ie dis que c'est escri- re auec beaucoup plus de nettete/ & de dou- ceur, de dire @i'expose cet ouurage au jugement du fiecle le plus malin, & de peuple le plus barhare,@ ou bien @au jugement du plus malin fiecle, & du plus barehare peuple, qui fut jamais@. I'en fais ju- ge l'oreille. On dira que c'est vn raffinement de peu d'importance, mais puis qu'il ne couste pas plus de le mettre d'vne fac$on que d'au- tre, pourquoy choisir la plus mauuaise, & celle qui sans doute blessera vne oreille tant soit peu delicate, encore que bien souuent celuy qui est choque/ de semblables choses, ne sc$ache pas pourquoy, ny d'ou\ cela vient.

La question est de sc$auoir si apres le @que@, qui suit tousjours l'infinitif que l'on met apres cette phrase @aimer mieux@, il faut mettre la particule @de@, ou ne la mettre pas, L'exemple le va faire entendre. On deman- de s'il faut dire, @il aime mieux faire cela que de faire autre chose@, ou bien, @il aime mieux faire cela que faire autre chose@. On respond que pres- que tousjours il faut mettre le @de@, & que du moins il est plus Franc$ois & plus elegant que de ne le pas mettre. @Il leur sit response@, dit M. Coeffeteau, @qu'ils aimoient mieux mourir, que de monstrer aucun signe de crainte & de laschete/@. Et en vn autre endroit, @Antoine auoit mieux aime/ se rendre comme bourreau de la passion d'Auguste, que de s'allier auec luy, & auec Cassius@. Et M. de Malherbe, @il aime mieux luy donner tout autre nom que de l'appeller Dieu@. Neantmoins ce dernier en vn autre lieu a escrit, @vous ai- mez mieux meriter des lou%anges, que les receuoir.@ Ie ne le condamne pas, mais ie croirois que le @de@, y seroit meilleur, & qu'il est plus Fran- c$ois & plus naturel de dire. @Vous aimez mieux meriter les lou%anges que de/ les receuoir@. Mais on dit fort bien par exemple, @j'aime mieux mourir que changer@, & ie doute fort que @j'aime mieux mourir que de changer@, fust bien

dit. En quoy consiste donc cette difference, & n'y a-t-il point de reigle pour sc$auoir quand il faut mettre le @de@, ou ne le mettre pas? Ie n'en ay jamais ou%y dire aucune. Voicy seulement ce que j'en ay remarque/, je ne sc$ay si je me trompe, qu'@aimer mieux@, & l'infinitif qui le suit, demandent le @de@, apres @que@, quand le @que@, est estoigne/ du premier infinitif, comme en l'exemple que nous auons allegue/ de M. Coef- feteau, @Antoine aimoit mieux se rendre comme bourreau de la passion d'Auguste, que de s'allier auec luy;@ car entre @aimoit mieux se rendre@, & @que de s'allier@, il y a ces paroles @comme bour- reau de la passion d'Auguste@, tellement que le secon infinitif @s'allier@, est estoigne/ du pre- mier, @se rendre@. Ie voudrois donc establir cette Reigle generale sans exception, que tou- tes le sfois que le second infinitif est estoigne/ du premier, il faut mettre le @de@, apres @que@, & dire @que de@, & quand il n'y a rien entre les deux infinitifs que le @que@, qu'il n'y faut point mettre @de@, comme en l'exemple allegue @j'aime mieux mourir que changer@. Cette Reigle a deux par- ties, l'vne pour l'infinitif estoigne/, l'autre pour le proche. En l'estoigne, ie ne crois pas, qu'el- le souffre d'exception, mais au proche, il faut distinguer si le dernier infinitif finit le sens, comme en cet exemple @j'aime mieux dormir que manger@, ie croirois que la Rei- gle ne souffriroit point d'exception, mais si le dernier infinitif ne finit point le sens, & que ie die par exemple, @j'aime mieux dor- mir que manger les meilleures viandes du mon- de@, alors ie pense que l'on a le choix de mettre le @de@, ou de ne le mettre pas, quoy que selon moy, il soit meilleur de le mettre & de dire, @j'aime mieux dormir, que de manger les meilleurs viandes du monde@. Il reste encore vne troisiesme espece, qui est quand le dernier infinitif n'est ny estoigne/ ny proche. @Par ny proche@, il faut entendre, quand apres le premier infinitif, @le que@, ne suit pas immediatement, mais qu'il y a quelque cho- se entre-deux, comme en cet exemple, @j'aime mieux faire cela que de ne rien faire@; car apres le premier infinitif @faire@, il y a @cela@, deuant @que@, on demande s'il y faut mettre le @de@, ou ne le mettre pas? Ie ne voudrois pas dire absolu- ment, que ce fust vne faute de ne le met- tre pas, & de dire @j'aime mieux faire cela que ne rien faire@, mais ie diray bien hardiment qu'il est beaucoup mieux de le mettre. Il y en a qui veulent qu'il n'y ayt point de reigle pour ce dernier exemple, & que cette delica- tesse depend de l'oreille seule: mais ie doute fort de cela, & ie ne sc$ay mesme, ai pour rompre vn vers on pourroit quelquefois ob- mettre le @de@.

Par exemple, @j'ay dit cela, pour afin de luy faire connoistre, &c@. au lieu de dire @j'ay dit cela afin de luy faire connoistre@, ou @pour luy faire connoistre@. Ce @pour afin@, est si barbare, que ie m'estonne qu'a\ la Cour tant de gens le dient. Pour ce qui est de l'escrire, ie ne pense point auoir jamais leu de si mauuais Autheur, qui en ayt vse/. I'aymerois presque mieux dire @pour & a\ celle fin@ quoy qu'insuupportable, par- ce qu'au moins il y a du sens & de la con- struction, mais en @pour afin@, il n'y en a point. @Pour & a\ icelle fin@, que l'on dit dans la chica- ne, est le dernier des barbarismes. Cette particule @si@, pour @adeo\@, jointe auec vn adjectif, aime apres le @que@, ou le @com- me@, qui la suit, le verbe substantif, & c'est vne faute, selon l'opinion de plusieurs, que de ne le pas mettre. Par exemple, vn fameux Au- theur a escrit, @ie ne pensois pas quand je vous escriuis ma derniere lettre, que la response que vous m'y feriez, deust estre accompagne/e d'vne si piroyable nouuelle, comme celle que vous me man- dez@. Ils disent qu'il faut escrire, @comme est celle que vous me mandez@, auec le verbe substantif

@est@, & qu'il en est de mesme auec @que, d'vne se piroyable nouuelle, qu'est celle@, & non pas, @que cel- le@. Neantmoins la plus commune opinion est, que tous deux sont bons. Surquoy ie rediray en passant, ce que ie crois auoir remarque/ ail- leurs, qu'apres le @si@, employe/ comme il est en cet exemple, le @que@, est beaucoup meilleur que le @comme@, que ie ne condamne pas absolu- ment, comme font plusieurs, mais ie n'en voudrois pas trop vser si ce n'est pour rom- pre le vers. Ie mettrois tousjours @que@. I'en dis presque autant d'@aussi@, auec vn epithete, & l'on a repris, @aussi rude ennemy comme parfait amy@, au lieu de dire @que parfait amy@. Le @que@ est mailleur, mais @comme@, n'est pas mauuais. Ie remarque trois regimes en ce verbe. Il regit le datif, comme quand on dit, @on ne sc$ait a\ qui se fier@, l'accusatif auec la preposition @sur@, comme @se fier sur son merite@. L'ablatif, auec la preposition @en@, comme @ie me fie en vous@, & le mesme ablatif auec la preposition @de@. En voicy deux exemples de M. de Malherbe, @comme a\ celuy, dont il croyoit que son maistre se fie- roit le plus@; car ce @dont@, vaut autant que @du quel@, qui est vn ablatif. Et en vn autre endroit il dit @fiez vous de vos merites@; ou\ il est a\ remarquer,

qu'on dit bien @dont, duquel, & de laquelle il se sioit@, & de mesme au pluriel, mais hors ces trois exemples @sier@, ne se dit point auec @de@, & ie crois que c'est vne fac$on de parler ancienne, ne l'ayant jamais entendu dire qu'a\ des gens fort vieux; car comme nous auons dit ailleurs, nostre langue a plusiers verbes anciens, qui sont autant en vigueur & en vsage qu'ils ont jamais este/, mais on s'en sert autrement au- jourd'huy, que l'on ne faisoit autrefois leur regime estant change/, par exemple ces ver- bes @seruir, fauoriser, prier@, regissoient le datif & ils regissent maintenant l'accusatif. Ce n'est pas qu'il n'y en ayt qui regissent l'vn & l'au- tre, comme @suruiure@; car on dit egalement bien @suruiure a\ son pere, & suruiure son pere@. Mais pour reuenir a\ @se fier@, plusieurs croyent que sa vraye construction est en l'ablatif auec la preposition @en@, & qu'encore que l'on die fort bien, @on ne sc$ait en qui se fier, neantmoins la vraye & ancienne, construction est de dire @on ne sc$ait en qui se fier@. Et cet @a@, employe/ pour @en@, dans beaucoup de phrases, n'est que depuis quelques anne/es en vsage, a\ cause sans doute, qu'on le trouue plus doux, que l'@en@, de sorte qu'il y a grande apparence, qu'encore qu'au- jourd'huy tous deux soient fort bons, neant- moins dans quelque temps, l'vn supplantera tout a\ fait l'autre, & l'on dira tousjours @a\@, &

jamais @en@, aux endroits ou\ l'on aura le choix de dire celuy des deux que l'on voudra; Car il y a des endroits, ou\ @en@, ne peut estre mis qu'auec grande rudesse, comme en cet exemple @se fier en vn homme si paresseux@, au lieu que ie n'en vois point ou\ @se fier a\@, soit rude. C'est pourquoy on met si souuent @a\@, pour @en@. Il y en a plusieurs exemples, qui ne tombent pas a\ point nomme/ sous la plume, ie n'en diray qu'vn en passant, qui est @en mesme temps, & a\ mesme temps@. M. Coeffeteau vse tous- jours du dernier, & beaucoup d'excellens Escriuains en font de mesme. Larticle, ou la preposition @a\@, au datif; car il peut estre pris pour article & pour preposition, veut estre repete/e en ces deux mots @l'vn & l'autre@. Par exemple il faut di- re, @cela conuient a\ l'vn & a\ l'autre@, & non pas @cela conuient a\ l'vn & l'autre@, comme a escrit vn celebre Autheur. Et ce n'est pas seulement auec l'article ou la preposition @a\@, que ce- la se pratique, c'est auec tous les articles des cas, & auec toutes sortes de prepositions; car il faut tousjours repeter & l'article & la preposition, comme @ie suis amy de l'vn & de l'autre@, & non pas @ie suis amy de l'vn &

l'autre, ie me desie de l'vn & de l'autre@, non pas @ie me desie de l'vn & l'autre@. De mesme aux prepositions, @ie l'ay fait pour l'vn & pour l'au- tre, auec l'vn & auec l'autre, sans l'vn & sans l'au- tre, sur l'vn & sur l'autre@, & ainsi de toutes les prepositions, quelles qu'elles soient. Ce qui confirme bien la Reigle tant de fois alle- gue/e de la repetition des propositions deuant les mots quand ils ne sont ny synonimes ny approchans, mais differens ou contraires; car y a-il rien de plus different que @l'vn & l'autre@.? @Asseoir@ pour @establir@, comme quand on dit, @on ne sc$auroit asseoir aucun jugement sur cela@, ne se coniugue pas comme @asseoir@, pour @sedere@, de la coniugaison du quel nous auons fait vne remarque; car @asseoir@, pour @esta- blir@, ou @poser@, n'est en vsage qu'en cet infinitif seulement, & ce seroit fort mal parler, que de dire @ie n'assieds@, ou @ie n'ay assis aucun jugement la\ dessus@. Et il en est de mesme de tous les autres temps, & de tous les autres modes sans en excepter le participe; car on ne dira pas non plus @n'asseiant aucun jugement@. Il faut se seruir en sa place du verbe @faire@, qui se peut em- ployer par tout, comme @ie n'ay fait, ny ne fais, ny ne seray aucun jugement, ne faisant aucun juge- ment@, & ainsi de tous les autres.

Il n'est pas permis de dire @pas@, pour @passa- ge@, que pour exprimer quelque destroit de montagne, ou quelque passage difficile, comme @le pas de Suze@, tant de l'ancienne @Suze@, que de celle des Alpes, & d'vne infinite/ d'au- tres destroits, que l'on appelle @pas, gai- gner le pas de la montagne@. C'est vn mot con- sacre/ a\ ce seul vsage, ou\ il est si excellent, que ce ne seroit pas bien ny proprement par- ler, que de n'en vser point, & de vouloir di- re @passage@, plustost que @pas. Le pas des Tbermo- pyles.@ Ce premier mot est fort nouueau, mais excellent pour exprimer ce qu'il signi- fie. M.Coeffeteau l'a veu naistre vn peu deuant sa mort, & il me souuient qu'il le trouuoit si fort a\ son gre/, qu'il estoit tente/ des en ser- uir, mais il ne l'osa jamais faire a\ cause de sa trop grande nouueaute/, tant il estoit religieux a\ ne point vser d'aucun terme, qui ne fust en vsage. Il augura bien neantmoins de celuy- cy, & predit ce qui est arriue/, qu'il seroit re- ceu dans quelque temps, comme en effer on ne fait plus aujourd'huy de difficulte d'v-

ser de l'vn & de l'autre en parlant & en es- criuant. Cette phrase particulierement luy sembloit si elegante, @insulter a\ la misere d'au- truy@. Ils passera donc d'icy a\ quelques anne/es pour vn mot de la vieille marque, de mesme que nous en auons plusieurs en nostre lan- gue,qui ne sont gueres plus anciens, & que neantmoins l'on ne distingue point mainte- nant d'auec les autres. Ie n'en diray qu'vn, mais il est beau, c'est @pudeur@, dont on ne s'est seruy que depuis M. de Portes, qui en a vse/ le premier, a\ ce que j'ay entendu dire. Nous luy en auons de l'obligation, & non seule- ment a\ luy, mais a\ ceux qui l'ont mis en vo- gue apres luy; car ce mot exprime vne chose, pour la quel le nous n'en auions point encore en nostre langue, qui fust si propre & si si- gnificatif, parce que @honte@, quoy qu'il signi- fie cela, ne se peut pas dire neantmoins vn terme tout a\ fait propre pour exprimer ce que signifie @pudeur@, a\ cause que @honte@, est vn mot equiuoque, qui-veut dire & la bonne & la mauuaise honte, au lieu que @pudeur@, ne signifie jamais que la bonne honte. Or est- il qu'encore qu'il soit tres-vray qu'on ne laisse pas de parler proprement, quand on se sert de mots equiuoques, si est-ce que c'est parler encore plus proprement, quand on employe

des mots, qui ne conuiennent qu'a\ vne seu- le chose. Ce verbe est fort anomal en sa coniugai- son. Il ne se coniugue qu'aux temps, que ie vais marquer, @il sied@, au present de l'indi- catif, comme @il sied bien, il sied mal, cet habit luy sied bien@, ou luy sied mal, il seioit@, a\ l'impar- fait, comme @cela luy seioit bien@, ou @luy seioit mal@. Il n'a point de preterit parfait, ny definy, ny indefiny, ny de preterit plus que parfait. Mais il a le futur @il seiera@, comme @cela vous seiera bien@, a\ l'imperatif @seie@, comme @qu'il luy seie bien, qu'il luy, seie mal@, & non pas @sie@. Et en l'optatif & subionctif @seieroit@, il n'a point d'infinitif. Au participe, il a @seant@. Mais comme ce verbe @il sied@, a deux vsages, l'vn pour les moeurs, & l'autre pour les habits, ou pour les choses qui ont du rapport aux personnes, comme par exemple pour les moeurs, quand on dit, @il sied mal a\ vn pauure d'estre glorieux@, & pour les habits, ou ce qui concerne la personne, @cet habit luy sied bien, les grands cheueux luy sient mal@, il faut remarquer qu'au participe @seant@, ne s'employe jamais que pour les moeurs, & non pas pour les habits; car on dira fort bien @ce qui est seant@, ou @bien-seant a\ l'vn, ne l'est pas a\ l'autre@, mais c'est tousjours pour les moeurs &

jamais pour les habits, ny pour aucune cho- se qui donne bonne ou mauuaise grace a\ la personne. Et qu'ainsi ne soit, si ie dis, @les grands cheueux vous sient bien, & a\ luy, ils luy sient mal@, & qu'en suite j'aiouste dans le mesme sens, @ce qui est seant a\ l'vn, ne l'est pas a\ l'autre@, ie par- leray tres-mal, & ne diray point ce que ie veux dire, qui se doit dire en ces termes, @ce qui sied bien a\ l'vn, sied mal a\ l'autre. Sied@, em- porte les deux significations, @& seant@, n'en a qu'vne, @seant@, est participe seulement, & non pas gerondif, puis qu'il ne s'employe qu'auec le verbe auxilliaire substantif, @il est seant, estant mal seant@, & jamais @seant@, tout seul selon l'v- sage ordinaire des gerondits; car on ne dira pas par exemple, @certaines chose seant bien en vn'age, qui ne sient pas bien en vn autre@. Si l'on pouuoit parler ainsi, sans doute @seant@, en cet exemple seroit gerondif, mais ce ne seroit point parler Franc$ois de dire @certaines choses seant bien@, pour dire @estant bien seantes@. Au re- ste il est a\ remarquer pour la satisfaction de ceux qui entendent les deux langues, que les Latins ont vse du mot de @sedere@, en cette signification. Pline en son Panegyrique, @qua\m bene humeris tuis sederet imperium@. Et Qu'ntilien, @nam & ita sedet meliu\s toga, &c@. On ne se sert gueres de ce verbe qu'en troisie- me personne, mais on ne laisse pas de dire, @ie

luy seois bien, vous luy seiez bien@, pour dire @ie luy estois, vous luy estiez vtile@ ou @necessaire@; mais ce n'est que dans le stile bas. @Croyance & creance@, se prononcent tous deux a\ la Cour d'vne mesme fac$on, a\ cause que la dipththongue @oi@ ou @oy@, se pro- nonce en @e@, en beaucoup de mots, dont ce- luy-cy est du nombre. Ce sont neantmoins deux choses differentes; car @creance@, auec @e@, comme quand on dit @vne lettre de creance@, & @auoir de la creance en quelqu'vn@, ou @parmy les peu- ples@, ou @parmy les gens de guerre@, est toute au- tre chose que @croyance@ auec @oy@, comme quand on dit @ce n'est @pas ma croyance@, pour dire @ie ne crois pas@, ou @ajouster croyance a\ quelqu'vn@, pour dire @ajouster soy@. Ce n'est pas qu'a les bien con- siderer, ils ne viennent tous deux d'vne mes- me source, parce que de dire qu'@vn homme a de la creance parmy les peuples@, qu'est ce a\ dire autre chose, sinon que ces peuples ajoustent soy & croyance a\ cet homme la\, & a\ tout ce qu'il leur veut persuader? De mesme, que si- gnifie @vne lettre de creance@, sinon vne lettre, qui declare & asseure, que l'on peut, ou que l'on doit auoir croyance a\ celuy qui la porte, ou a\ ce qu'il dira. Mais la plus-part croyent qu'il ne

faut pourtant pas laisse de les distinguer, en escriuant tousjours @creance@, auec @e@, aux exem- ples que nous auons donnez, & @croyance@, auec @oy@, aux deux autres exemples & en leur semblables; car pour l'orthographe ils conuiennent qu'il y faut mettre de la dif- ference, quoy qu'il n'y en faille point met- tre dans la prononciation, & qu'en l'vn & en l'autre sens, il faille tousjours prononcer @creance@, pour prononcer delicatement & a\ la mode de la Cour. Ie crois neantmoins qu'a\ la fin on n'escrira plus que @creance@, c'est des-ja l'opinion de plusieurs, a\ laquelle ie souscris. Ce mot est dans la bouche presque de tout le monde, qui dit par exemple @en- tache/ d'vn vice@, pour dire @tache/@, ou @sou%ille/ d'vn vice@, mais il est extre/mement bas, & jamais M. Coeffeteau, ny qui que ce soit qui aime la purete/ du langage, n'en a vse/. Il est vray qu'vn de nos plus excellens Poe%tes modernes s'en est seruy, s'estant laisse/ aller au torrent du peuple qui parle ainsi, ou bien ayant eu be- soin d'vne syllabe pour faire son vers, mais aussi on l'en a\ repris, comme d'vn mot indi- gne d'auoir place en cette belle piece, ou\

il employe. @Entache/@, se dit en Anjou, @des fruits@. M. Coeffeteau & quelques autres de son temps se seruent de ce verbe d'v- ne fac$on, qui n'est pas commune, & c'est, comme ie crois, a\ l'imitation d'Amyot. Il s'en seruent auec la preposition @sur@, & neutrale- ment, comme par exemple M. Coeffeteau dit en la vie d'Auguste, @le Po, qui auoit inonde/ sur les terres voisines@, & ie n'ay pas remarque/ qu'il en vse jamais autrement. Neantmoins l'vsage ordinaire d'aujourd'huy est de faire @inonder@, actif, & de s'en seruir sans preposition, com- me de dire @ie Po, qui auoit inonde les terres voisi- nes@. Peut-estre en est-il de ce verbe, comme @de frapper@, & de quelques autres, qui s'em- ployent actiuement, & neutralement auec la preposition @sur@, car on dit par exemple, @frap- per la cuisse, & frapper sur la cuisse@, & ce der- nier est beaucoup plus elegant & plus Fran- c$ois que l'autre. @Iaillir@, pour @rejaillir@, n'est pas fort bon, quoy que l'vn de nos plus fameux Au- theurs en ayt vse, disant, @il a fait jaillir de

l'ordure sur vous@, au lieu de dire, @il a fait rejaillir de l'ordure@. Peut-estre que c'est vn defaut du pais, ou\ l'on se sert de plusieurs verbes sim- ples au lieu des composez, dont on vse par tout ailleurs. I'en ay fait vne Remarque, ou\ @tasser, & sieger@, sont marquez pour dire @entas- ser, & assieger@. Il y a des verbes simples, qui ne sont gueres en vsage, & l'on se sert des composez en leur place, qui ne laissent pas de retenir la signification du simple & non pas du compose/, comme par exemple @resroidir@, est beaucoup mieux dit que @froidir@, dont ie doute mesme s'il est bon, quoy que plusieurs le dient, & @ce re@, bien qu'il de note vne repeti- tion, ou reiteration, ne luy donne point vne autre signification que celle du simple. Il en est de mesme de @rejaillir@, il y en a quelques au- tres de cette nature, qui ne se presentent pas maintenant a\ ma memoire. @De l'vsage & de la situation de ces mots@, Monseigneur, Monsieur, Mada- me, Mademoiselle, @& autres sem- blables, dans vne lettre ou dans vn discours@. Ces mots que l'on doit inserer dans les lettres que l'on escrit, ou dans les dis- cours que l'on fait aux personnes de condi

tion, ou de respect, ne se peuuent pas mettre indifferentment en tous lieux. D'ordinaire on les place fort mal. Voicy quelques reigles pour ne tomber pas dans ce defaut. Pre- mierement il ne faut jamais dans la premiere periode d'vne lettre ou d'vn discours, quel- que longue qu'elle soit, repeter le mot par lequel on a commence/, c'est a\ dire, que si vous auez par exemple commence/ ainsi, @Monseigneur@, ou quelqu'vn des autres, & que la premiere periode soit fort longue, il ne faut point repeter @Monseigneur@, ou @Monsieur@, ou aucun des autres, que la perio- de ne soit acheue/e, parce qu'vne periode n'en peut souffrir deux, & ce seroit importuner & non pas respecter la personne, que l'on pre- tend honorer, d'vser de cette repetition si proche l'vne de l'autre auant que le sens soit complet. La seconde Reigle est, qu'apres @vous@, quand ce pronom personnel finit le membre de la periode, il faut mettre @Monseigneur@, ou l'vn de ces autres mots, par exemple, si ie dis, @il n'appartient qu'a\ vous Monseigneur@, ou l'vn des autres, ie diray beaucoup mieux, que si ie di- sois seulement, @il n'appartient qu'a\ vous de fai- re,@&c. Car ie parleray a\ cette personne la\, que ie dois & que ie veux honorer, auec beau- coup plus de respect, que si ie disois simple-

ment @vous@, qui de soy est vn terme commun a\ tous & par consequent, peu respectueux. C'est pourquoy, il n'y a point d'endroit dans la let- tre, ou\ cette repetition puisse auoir meilleure grace, qu'apres ce pronom, parce qu'elle y est necessaire. Il faut donc tascher de l'y mettre tousjours. Que s'il se recontre, qu'on l'ayt mise ailleurs en vn lieu fort proche, il la faut ofter de la\ pour la placer apres @vous@. Ce qui se pratique en deux fac$ons, ou en le repetant immediatement apres @vous@, comme en l'e- xemple que nous auons donne/, @il n'appartient qu'a\ vous Monseigneur@, ou en le repetant me- diatement, comme @pour vous dire Monseigneur,@ ou @pour vous asseurer Monseigneur@. Mais en cet- te derniere fac$on il n'est pas du tout si neces- saire, qu'en l'autre, quoy qu'il y ait tousjours bonne grace, & qu'il soit bon de l'y mettre autant qu'il se peut. Il est bien place/ aussi apres les particules, ou les termes de liaison, qui commencent les periodes, comme apres @car, mais, au reste, apres tout, en fin, certes, certainement, c'est pour- quoy@, & autres semblables. On n'a gueres accoustume/ de le mettre au commencement de la periode. Il semble que cette place ne luy appartient qu'a\ l'entre/e de la lettre, ou du discours, & qu'apres ce- la on le met tousjours en suite de quelques

autres mots, qui ont commence/ la periode. Mais pourtant ie ne le voudrois pas condam- ner, si ce n'est dans vne lettre fort courte, ou\ veritablement il seroit tres-mal place/; car dans vne longue epistre, ou dans vn long discours, il est certain qu'on peut encore en quelque endroit luy faire commencer vne periode auec beaucoup de grace, & d'em- phrase. Il est vray que ie ne voudrois pas que ce fust plus de deux fois en tout & encore en y comprenant celle qui est a\ la teste de la piece. Il faut prendre garde a\ ne le mettre point apres vn verbe actif, a\ cause de l'equiuoque ridicule qu'il peut faire, & auec le verbe, & auec le nom qui en est regi, comme @ie ne veux pas acheter Madame, si peu de chose a\ si haut pris@, car qui ne voit le mauuais effet que cela pro- duit & deuant & apres, en disant @acheter Ma- dame, & Madame si peu de chose?@ Et quand le nom qui est regi par le verbe ne fait point d'equiuoque, comme si ie dis, @ie ne veux pas acheuer Madame, vn ouurage@, il ne laisse pas de faire que le mot de @Madame@, ne soit mal place/, parce que deux substantifs de suite a- pres vn verbe qui en regit vn ne s'accommo- dent point bien, & ne sc$auroient auoir que mauuaise grace. Comme j'escriuois cecy, on m'a donne vn liure, ou\ l'ouurant j'ay veu @ie

ne sc$aurois jamais oublier Monseigneur, cet heureux sejour@, cela m'a cho que/, mais aussi n'est-il pas vray, que ce n'est pas escrire nettement la\?. Il fal- loit dire, @ie ne sc$aurois Monseigneur, jamais ou- blier cet heureux sejour@, ou @jamais ie ne sc$aurois Monseigneur oublier@, ou en fin, @ie ne sc$aurois ja- mais Monseigneur, oublier@, &c. C'est donc vne des principales maximes, ou peut-estre la seule en ce sujet, de ne mettre jamais @Monsieurs@, ny @Madame@, ny leurs sem- blables en aucun endroit, ou\ ce qui va de- uant & ce qui va apres puissent faire equiuo- que; car encore que ces equiuoques pour l'ordinaire soient desraisonnables, & ne se puissent pas dire equiuoques, sans faire vio- lence a\ la phrase d'vne fac$on grossiere & im- pertinente, comme est celle qui est si triuia- le & si importune, mais que l'exemple m'o- blige d'alleguer, @voulez vous du veau Monsieur@, si est-ce qu'il ne faut pas laisse de les euiter, & auec d'autant plus de sion, qu'il y a plus de personnes desraisonnables & impertinentes, qu'il n'y en a de l'autre sorte. Il ne faut point non plus mettre ces mots @Monsieur@, ny @Mada- me@, ny leurs semblables entre la substantif & l'adjectif, si l'adjectif se rencontre du mesme genre, que @Monsieur@, ou @Madame@, par exem- ple, @c'est vn aduer saire Monsieur, tres-insolent,

& l'on a beau mettre vne virgule, comme il la faut mettre apres @Monsieur@, on ne se paye pas de cela, & on ne laisse pas d'en tire. De mesme au feminin, @c'est vne procedure, Mada- me, desaprouue/e de tout le monde@. Il est bien place deuant le @que@, comme @ie ne crois pas Madame, que &c. Il est certain Madame, que &c@. & deuant @de@, comme @c'est vn effet, Ma- dame, de vostre bonte/@ Et apres @ouy, & non@, comme @Ouy Madame, Non Madame, il ne se voit rien &c@ Il semble qu'il est inutile d'auertir qu'il ne le faut point mettre a\ la fin de la periode; car cela est trop visible. Neantmoins il se pour- roit faire qu'il y trouueroit sa place, & de bon- ne grace; car pourquoy n'escriroit-on point en finissant vne periode @ne le croyez point Ma- dame. Ne le croyez point Monseigneur@. Mais il n'en faut pas vser souuent. On ne doit jamais aussi mettre ny @Sire@, ny @Monseigneur@, ny @Madame@, apres @vostre Altesse@, comme @vostre Majeste/ Sire, ne souffrira pas, &c. vostre Maeste/ Madame, vostre Eminence Monseigneur, vostre Altesse Monseigneur@. Mais on les peut mettre deuant, comme @Sire, vostre Majeste/ ne souffrira pas; Madame, vostre Majeste/ est si sage@, & ainsi des autres. Il est a\ propos d'ajouster icy, qu'il y a for ce gens en escriuant, aussi bien qu'en par-

lant, qui repetent trop souuent @Monsieur@, ius- qu'a\ s'en rendre insupportables. En toutes chose l'exce/s est vicieux. Ils veulent honorer, & ils importunent. Il est bien aise/ de se cor- riger de cette faute en escriuant, mais tres- difficile, en parlant; si vne fois on a contracte/ cette mauuaise habitude comme ont fait plu- sieurs, qui ie connois, ou il n'y a plus de re- mede. SI vous escriuez vne lettre qui soit pas fort longue, il faut tousjours mettre @vo- stre Majeste/@, & iamais @vous@. Ie sc#ay bien les in- conueniens qu'il y a, des s'assujetir a\ cela, & de parler tousjours en la troisiesme personne, soit en distant @vostre Majeste/@, soit en disant @elle@; mais en vne lettre coutre, il se faut vn peu contraindre, & il n'y a point d'apparence, de s'emanciper dans vn si petit espace. @Elle@, doit estre repete/ beaucoup plus souuent que @vostre Majeste/@, quoy que ce dernier le doiue estre sou- uent, mais auec vne certaine mesure iudicieu- se, qui empesche qu'on ne se rende impor- tun en voulant estre respectueux.

Que si c'est vne longue lettre, ou vn discours de longue haleine, il n'y aura point de danger de mesler l'vn auec l'autre, & de dire tantost @vous@, & tantost @vostre Majeste/@, mais plus souuent @vostre Majeste/@. Les plus scrupuleux auou%eront, qu'il y a mesme des endroits, ou\ il faut neces- sairement dire @vous@, comme @vous estes Madame, la plus grande Reyne du monde@. Il est certain qu'il faut necessairement dire ainsi, & non pas @vostre Majeste/ Madame, est la plus grande Rey- ne du monde@, qui seroit vne expression imper- tinente, tellement qu'en cet exemple on pour- roit mettre @vous@, dans vne lettre de douze li- gnes, & en quelques autres cas semblables, qui se pouuroient presenter. Quant aux autres tires de grandeur, moin- dre que la Royale, on ne doit faire aucune dif- ficulte de mesler l'vn auec l'autre, nostre lan- gue s'estant reserue/ cette liberte/, que l'Italien- ne ny l'Espagnole n'ont pas, a\ cause que @vous@ en ces deux langues est vn terme incompati- ble auec la ciuilite/, sur tout @vos@, en Espagnol, ce qui n'est pas en la nostre. Les Latins sont bien encore moins ceremonieux, qui disent tousjours @tu@ a\ qui que ce soit, & il semble que nous auons pris vn milieu & vn tempera- ment bien raisonnable entre ce deux extre- mirez, en donnant par honneur le nombre pluriel a\ vne seule personne, quand nous luy

disons @vous@, & en euitant dans le commerce continuel de la vie, la frequente & importu- ne repititon de termes dont les Italiens & les Espagnols se seruent en sa place. @FAire alte@. On demande s'il faut dire @alte@, ou @halte@, auec vne @h@. Pour resoudre la question, il y en a qui croyent, qu'il faut auior recours a\ l'etymologie du mot, tellement que ceux qui le deriuent de l'Allemand @halten@, qui veut dire @arrester@, soustiennent qu'il faut dire @halte@, auec vne @h@, aspiree, qui marque son origine, parce que @faire halte@, comme chacun sc#ait ne signifie autre chose en terme de guer- re, que @s'arrester dans la marche@. Les autres au contraire le font venir du Latin @altus@, c'est a\ dire @haut@, parce que quand on fait @alte@, on tient les piques hautes, d'ou\ est venu le pro- uerbe @haut le bois@, & par cette raison croyent qu'il faut dire @alte@, sans aspiration. Mais ceux qu'il veulent qu'on l'aspire repliquent, que quand ainsi seroit, qu'il viendroit d'@altus@, dont ils ne demeurent pas d'accord, ils ne s'en- saiuroit pas pourtant qu'il fallust escrire ny prononcer @alte@, sans @h@, puis qu'estant certain que @haut@, vient d'@altus@, on n'a pas laisse/ d'y met- tre vne @h@, qui s'aspire, ce qui est comme vn

prejuge/, que si @alte@, venoit d'@altus@, il y fau- droit pareillement & a\ l'exemple de l'autre y mettre aussi vne @h@, aspirante, de sorte qu'ils tetorquent ainsi l'argument contre leurs ad- uersaires. La plus saine & la plus commune opinion est qu'il faut dire & escrire @alte@, sans @h@, & sans auior aucun esgard a\ toutes les etymologies, qu'on pourroit rapporter au contraire; car nous ne voudrions pas non plus en cette oc- casion nous seruir de celles, qui nous seroient fauorables, n'y ayant pas lieu de recourir aux etymologies, lors que l'Vsage est decla- re/, comme icy. Or est-il que ie pose en fait, apres le tesmoignage d'vne quantite/ de per- sonnes irreprochables, auquel ie ions enco- re ma propre obseruation, que dans tous les liures, & dans toutes les relations qui se sont faites en ces dernieres guerres, on n'a point veu @alte@, imprime/, ny escrit auec vne @h@. Et ce n'est que depuis ce temps la\ qu'on a com- mence/ a\ escrire ce mot, dont M. Coeffeteau n'a iamais ose/ se seruir, n'estant pas encore en vsage dans le beau stile, quoy que ce fust vn terme bien necessaire. Mais ce qui acheue de decider la question, c'est que ces mesmes tes- moins & vne infinite/ d'autres, asseuerent aussi bien que moy, qu'ils ne l'ont iamais ou%y as- purer, qu'ils ont tousjours enten du pronon-

cer @faire alte@, comme si l'on escriuoit @fair al- te@, en mageant l'@e@ de @faire@, par vne apostro- phe, ce qui ne se fait iamais deuant l'@h@, aspi- re/e, ou consone. ON demande encore s'il faut dire @la ham- pe@, ou @la hante d'vne halebarde@. On dit l'vn & l'autre, mais @hampe@ est incomparable- ment meilleur & plus vsite/. Il est tellement en vsage, que quelques vns de la compagnie, ou\ ce doute a este/ propose/, s'estonnoient qu'on le demand dast. Mais on a fait vne response qui peut seruir en tous les doute de cette natu- re. C'est que l'on demeure bien d'accord, que la\ ou\ L'Vsage est certain & declare/, il n'y a point de question a\ faire, ny a\ hesi- ter, il le faut suiure; mais toutes le fois que l'on doute de l'Vsage. Il est donc vray, puis que l'on demande lequel est le meilleur de @hampe@, ou @de hante@, que l'Vsage en est dou- teux. Et ce doute, comme plusieurs autres qui se voyent dans ces Remarques, ne pro- cede d'autre chose, que de ce que l'oreille ne discerne pas aisement si l'on prononce @hampe@, ou @hante@. I'ay este/ tout de nouueau confirme/ dans ce sentiement en vne celebre compa-

gnie, ou\ l'on a propose/ cette question, par- ce qu'encore qu'vn chacun de ceux qui y estoient, prononc#ast bien distinctement & bien hautement ou @hampe@, ou @hante@, & que tous les autres fussent bien attentifs a\ recueil- lir lequel des deux il disoit, neantmoins il le luy falloit faire repeter deux fois, & quelque- fois trois pour le bien entendre, de sorte qu'on fut contraint d'opiner en ces termes, @hampe, auec vn p, est le meilleur. On dit aussi hante, auec vn t@. Si donc il est vray qu'il n'est pas aise a\ l'oreil- le de distinguer @hampe@ de @hante@, sans qu'on y ajouste ces paroles @auec vn p@, ou @auec vn t@, il ne faut pas s'estonner, si l'Vsage en est douteux veu mesmes que ce n'est pas vn mot dont l'v- sage soit fort frequent, que parmy les gens de guerre dans l'infanterie. Outre que dans le liures qui traitent de l'art militaire, on le voit escrit tantost d'vne fac#on, & tantost de l'autre; mais les Autheurs, qui ont plus han- te/ la Cour, escriuent @hampe@, & non pas @hante@. NOus auons desja fait vne Remarque sur ces prepositions @sur, dessus, sous, des- sous, dans, dedans@, & quelques autres, & nous ne repeterons pas icy ce qui a este/ dit, mais nous ajousterons vne chose, qui a este/ obmi-

se. C'est qu'a\ la Reigle que nous auons don- ne/e, de n'employer iamais pour prepositions ces composez @dessus, dessous, dedans@, & les au- tres, mais tousjours les simples comme @sur, sous@ & @dans@, nous auons mis vne exception, qui est que quand ces composez sont prece- dez d'vne autre preposition, alors il se faut seruir des composez & non pas de simples. Par exemple, il faut dire @dessus la teste@, & non pas @par sur la teste@, quoy qu'il faille dire @sur lateste@, & non pas @dessus la teste@, quand il n'y a point de preposition deuant, comme est @par@. De mesme il faut dire @par dessous la table, par dedans l'Eglise@, & non pas @par sous la table@, ny @par dans l'Eglise@, quoy qu'il faille dire @sous la table@ & @dans l'Eglise@, quand il n'y a point de @par@, deuant. Tout cela a desja este/ dit, mais il estoit absolument necessaire de le repeter, pour fai- re entendre ce que nous y ajoustons, qui est qu'auec @de@, il en est de mesme qu'auec @par@, & ce qui me l'a fait remarquer, c'est la faute que i'ay trouue/e dans vn Autheur assez renom- me/, a\ qui elle est familiere. Il a sceu qu'il fal- loit se seruir de ces prepositions simples, & non pas des compose/es, qui sont d'ordinaire aduerbes & non pas prepositions, mais il n'a pas sceu, que quand il y a vne autre preposi- tion deuant, il faut vser des compose/es, qui

deuiennent prepositions, d'auerbes qu'el- les estoient; il escrit donc tousjours par exem- ple, @il se leua de sur son lit@, au lieu de dire, @il se leua de dessus son lit, il ne fait que sortir de sous l'aile de la mere@, au lieu de dire, @il ne fait que sortir de dessous l'aile de la mere@; car ce @de@ est vne preposition qui respond a\ l'@ex@, ou a\ l'@e/@ des Latins, & il me semble qu'il n'y a que ces deux prepositions @par@, & @de@, ou\ cette exce- ption ayt lieu. Et il ne faut pas objecter que l'on dit @au dessus de la teste, au dessous du genou%il@, &c. parce qu'en ces exemples @dessus@, & @dessous@, & leurs semblables passent pour mots sub- stantifiez, & non pas pour prepositions. Les articles qui vont deuant & derriere, en sont des preuues infaillibles. NOus auons remarque/ de certaines fa- c#ons de parler, qui semblent dire tout le contraire de ce qu'on leur fait signifier. Celle-cy est de ce nombre; car lors qu'il est question d'entrer en preuue d'vne preposi- tion, si ie dis & @qu'ainsi ne soit, vous vouez tel- le@ & @telle chose@, qui est, comme on a accoustu- me de parler, n'est-il pas vray qu'al'examiner de pres, il n'y a point de raison de dire & @qu'ainsi ne sou@, & qu'au contraire il faut dire

& @qu'ainsi soit@. Cela est tellement vray, que tous le anciens l'escriuoient ainsi, & ces iours passez ie le voyois encore dans Ioachim du Belay. Neantmoins il y a plus de cinquante ans, que cette phrase est change/e, & que l'on dit & @qu'ainsi ne soit@, ou & @qu'il soit ainsi@, & non pas & @qu'ainsi soit@, ou & @qu'il soit ainsi@, qui aujourd'huy ne seroient pas recceus par- my ceux qui sc#auent parler Franc#ois. Il seroit mal-aise/ d'en rendre aucun raison, puis que c'est contre la raison que cela se dit de cette sorte; Se peut-il voir vn plus bel exemple de la force ou de la tryannie de l'Vsage con- tre la raison? Cependant ce sont ces choses la\, qui font d'ordinaire la beaute/ des langues. IL faut consider ce terme de comparai- son en differentes fac#ons; car si l'on s'en sert en respondant a\ vne interrogation, par exemple si l'on me demande, @l'autre est-il com- me cela?@ & que ie responde @tout de mesme@; ce se- ra bien parler. Sans interrogation encore ie diray fort bien, @vous voyez celuy-la\, l'autre est tout de mesme@, il n'ya point de stile si noble, ou\ ce terme ne puisse entrer. Mais s'il y a vn @que@ apres, comme @celuy la\ est tout de mesme que l'autre@, il n'est pas absolument mauuais, mais

il est extre/mement bas, & ne doit estre em- ploye/ que dans le dernier de tous les stiles. Que si l'on m'objecte que dans le cours de ces Remarques, ie m'en suis seruy fort sou- uent de cette sorte, i'auou%eray franchement que i'ay failly en cela comme en beaucoup d'autres chose, & que ie n'ay connu la faute dont i'auertis maintenant les autres, que depuis peu; Tellement qu'il faut en vser selon cette Remarque, & non pas selon le mauuais exemple que i'en ay donne/. CEt adjectif suiuy de plusieurs substan- tifs dans la mesme construction du membre de la periode, veut estre repete/ de- uant chaque substantif, par exemple il faut dire @toute la Syrie@, & @toute la Phenicie@, & non pas @toute la Syrie@ & @la Phenicie@. Et non seule- ment le premier ou\ @toute@, est repete/ deux fois est meilleur, mais le dernier ou\ il n'est employe/ qu'vne fois est mauuais, & contre la purete/ naturelle de nostre langue. C'a bien tousjours este/ ma creance, mais ce seroit peu de chose si ce n'estoit aussi le sentiment de nos mai- stres. Que s'il y a plus de deux substantifs, c'est encore de mesme. Par exemple, vn excellent Autheur a escrit @pour voir toutes les beautez,

l'artifice@, & @les graces parfaitement employe/es@, il falloit dire @pour voir toutes les beautez, tout l'artifice@ & @toutes les graces parfaitement em- ploye/es@. Cela est hors de doute parmy les purs Escriuains. Il semble que les substantifs qui suiuent soient jaloux du premier, s'ils ne mar- chent auec mesme train, & si l'on ne les trai- te auec autant d'honneur, que celuy qui va deuant. Et quand les deux substantifs sont de diuers genre, la faute est inexcusable de ne pas repeter @tout@, comme par exemple de dire @il a perdu tout sa splendeur@ & @son lustre@, c'est sans doute mal parler, il faut dire, @il a perdu toute sa splendeur@ & @tout son lustre@. Mais si les deux substantifs sont de mesme genre & synonimes, ou approchans, on de- mande s'il le faut repeter, comme si ie dis, @il a perdu toute l'affectation@ & inclination qu'il auiot pour moy@, diray-je mieux que si ie di- sois @il a perdu toute l'affection@, & toute l'incli- nation qu'il auiot pour moy@? On respond que tous deux sont bons, & que la grande Rei- gle de synonimes ou approchans, & des contraires ou differns a lieu icy, c'est a\ dire qu'aux mot contraires ou differens, il faut necessairement repeter @tout@, mais aux syno- nimes ou approchans, il n'est point necessai- re quoy que ce ne soit pas vne faute de le re- peter, comme c#'en seroit vne de ne le repeter.

pas aux contraire & aux differens; car par exemple, si ie disois @il a oubile/ tout le bien@ & @le mal que ie luy ay fait@, ie parlerois mal; il faut dire de necessite/, @il a oublie/ tout le bien@ & tout le mal que ie luy ay fait@; Aux differens de mes- me; @il a perdu toute l'affection@ & @l'estime qu'il auiot pour moy@, n'est pas bien dit; il faut di- re @il a perdu toute l'affection@, & @toute l'estime qu'il auiot pour moy@. CE mot employe/ auec le verbe auxiliaire dans les preterits, a si mauuaise grace, qu'il le faut e/uiter, y ayant peu d'endroit ou\ l'on s'en puisse seruir. L'exemple le va faire voir. @C'est vne chose que i'ay tousjours crainte@. Qui ne sent point la rudesse de ce mot? sans doute elle prouient de l'equiuoque de ce par- ticipe qui sert aux preterits de son verbe, auec l'on oyt dire a\ toute heure en cette significa- le substantif @crainte@, lequel estant vn mot que tion, fait trouuer l'autre estrange & sauuage, dans vn vsage different. Il y a pourtant quel- ques endroits, ou\ il ne sonneroit pas mal, comme si l'on disoit @plus crainte qu'aime/e@, ce qui arriue en cet exemple, tant parce que le @plus@, qui va deuant ostre l'equiuoque du nom qu'a\ cause de l'opposition @qu'aime/e@, qui les

donne & lumiere, & grace tout ensem- ble. NOus auons desja remarque/ de cer- tains mots qui ont la terminaison acti- ue & la signification passiue, & d'autres qui ont la terminiaison passiue, & la signification actiue: Mais en voicy d'autres qui ont vn dou- ble vsage, & vn signification actiue & passi- ue tout ensemble. Par exemple @estime@, est vn mot qui se dit auec le pronom possessif & de @l'estime que l'on a de moy@, & de @l'estime que i'ay d'vn autre@. Voicy comment. @Mon estime n'est pas vne chose dont vous puissiez tirer grand auan- tage@. Icy, @estime@, est dans vn significa- tion actiue eu esgard a\ moy; car il veut di- re @l'estime que ie fais de vous@, & si ie dis @mon estime ne depend pas de vous@, & si ie dis @mon gnification passiue; car il veut dire @l'estime que l'on fait ou que l'on peut faire de moy@. Il en est de mesme de cet autre mot @ayde@, par exemple @mon ayde vous est inutile@; car icy il a vn vsage actif, & veut dire, @l'aide que ie vous puis don- ner, & si dis @venez a\ mon ayde@, il a vn vsa-

ge passif, & veut dire @l'ay le que l'on me donne- ra@, & non pas @celle que ie donnneray@. Ainsi de @secours, mon secours vous est inutile@, & @venez a\ mon secours@. Ainsi @d'opinion@; sans le posseslif, comme @il est mort dans l'opinion de Copernicus@, a vn sens actif, c'est a\ dire qu'@il auiot l'opinion de Copernicus@, & @il est mort dans l'opinion de sain- tete/@ a vn sens passif, qui veut dire, qu'@on a creu qu'il estoit mort saint@. Et ainsi de plu- sieurs autres. Cette obseruaation est curieuse, & digne de celuy que i'ay nomme/ @vn des plus grands Genies de nostre langue@. Ie la tiens de luy auec plusieurs autre choses, qui ren- dront ces Remarques plus vtiles & plus agrea- bles; & pleust a\ Dieu qu'il les eust pu$ toutes voir, comme il eust fait sans doute, si son loisir eust seconde/ sa bonte/, & si toute ce que nous auons d'excellens hommes en France pour les belles lettres & pour l'exquise eru- dition, ne partageoient tout sons temps auec son Heroine, auec ses amis, & L'elite de la Cour. On demande s'il faut dire @ie vous prens tous a\ tesmoin@, ou @ie vous prens tous a\ tesmoins@ auec vne @s@, au pluriel. Cette question fun faite dans vne celebre compagnie, ou\

tout d'vne voix on fut d'auis, qu'il falloit dire @ie vous prens tous a\ tesmoin@, au singulier. Quelques vns seulement ajousterent, qu'ils ne condamneroient pas tout a\ fait le pluriel @a\ tes- moins@, mais que l'autre estoit incomparable- ment meilleur, & plus Franc#ois. Celuy qui proposa le doute trouuant tout le monde d'vne opinion, comme d'vne chose indubi- table, fit bien voir neantmoins qu'il y auiot lieu de douter. Il auiot pour luy la reigle ordi- naire, qui veut qu'apres @tous@, au pluriel, le sub- stantif qui s'y rapporte, soit pluriel aussi. Et de fait, on ne diroit iamais @ie vous rec#ois tous pour tesmoin@, mais @pour tesmoins@. A cela on res- pondoit, qu'il n'estoit pas icy question de la reigle ny de l'exemple, mais de l'Vsage, qui vouloit que l'on dist @a\ tesmoin@, & non pas @a\ tesmoins@. Sa replique sembloit encore plus for- te; car il disoit que si c'estoit l'Vsage, il don- noit les mains; Mais que c'estoit la\ le noeud de la question, de sc#auior si c'estoit l'Vsage ou non, parce que l'@s@, finale n'ayant gueres ac- coustume/ de se prononcer en nostre langue, & particulierement en ce mot, ou\ l'on n'ap- perc#oit comme point de difference pour la prononciation entre le singulier & le pluriel; @car vn faux tesmoin@ & @les faux tesmoins@, se pro- noncent tous deux egalement sans @s@, on ne pouuoit pas determiner si l'Vsage estoit pour

@tesmoin@, ou pour @tesmoins@; Et par consequent l'Vsage n'estant point declare, il s'en falloit re- nir a\ la grammaire & a\ l'analogie, ausquelles on a accoustume/ d'auior recours, dans ces in- certitudes; @in dubiis vocibus@, dit vn grand hom- me, @anologiam loquendi magistram ac ducem seque- mur@, & ainsi il falloit dire @a\ tesmoins@, & non pas @a\ tesmoin@. A cette replique on repartit qu'@a\ tesmoin@. se prenoit la\ aduerbialement, & indeclinablement, comme nous en auons plusieurs exemples en nostre langue, qui sont semez dans ces Remarques, & entre au tres celuy-cy, @elle se fait fort de cela@, & @ils se sont forts@. Et pour ne sortir pas mesme de la phra- se, dont il s'agit, on allegua pour vne preu- ue conuaincante de cette aduerbialite/, @s'il faut vser de ce mot, que nous disons @ie vous prens tous a\ partie@, au singulier, & non pas @ie vous prens tous a\ parties@, au pluriel, & que ce- la est si vray qu'il n'y a personne qui en doute. On y en ajoustoit encore vn autre, qui est @ie vous prens tous a\ garent@, & non pas @a\ garens@. Sans ces deux exemples, i'aurois este/ d'auis d'vne chose dont ie ne m'auisay pas alors ny personne, mais qui m'est tombe/e depuis dans l'esprit, qui est que @tesmoin@, en cet endroit la\ si- gnifie @tesmoignage@; Et il ne faut point d'autre preuue pour faire voir qu'il se prend quel-

quefois pour cela, que cette clause si ordi- naire @en tesmoin de quoy i'ay signe/ la presente@, ou\ l'on ne peut pas dire, que @tesmoin@, ne sign- fie @tesmoignage@, si l'on veut que ces mots ayent quelque sens. Mais ces autres deux @a\ partie@, & @a\ garent@, me rerment la bouche. Ce mot @tes- moin@, est encore indeclinable, & comme ad- uerbe en cette phrase, @tesmoins tous les Peres de l'antiquite/@; car asseuerement il faut dire @tesmoin@, & non pas @tesmoins@, comme l'on dit @execepte/@, ou @re- serue/ cent personnes@, & non pas @excepte/es@, ou @re- serue/es cent personnes@. Ce qui confirme extre- ment qu'en cette phrase @les prendre tous a\ tesmoin, tesmoin@, est aduerbial & indeclinable. ON abuse souuent de ces adjectifs ver- baux. Nous auons fait vne Remarque d'vn de ceux la\, qui est @faisable@, qu'vn Au- theur celebre a employe/ pour vne chose qu'on a permission de faire, quoy qu'il n'ayt iamais cette signification, & qu'il veu%ille di- re seulement @ce qui est possible@, & non pas @ce qui est permis@. I'ay veu vn autre Autheur abu- ser aussi d'vn autre adjectif verbal, qui est @pardonnable@; car il dit @ie ne serois pas pardonna- ble@; pour dire @ie serois pas digne de pardon,

ou @ie ne meriterois point de pardon. Pardonnable@ ne se dit iamais des personnes, mais seule- ment des choses, comme @cette faute n'est point pardonnable, cela ne seroit pas pardonnable@, & non pas @ie ne serois pas pardonnable@. @Excusable@, se dit & de personnes & des choses, comme @vous n'este/s pas excusable@, & @c'est vne faute qui n'est pas excusable. Consolable@ & @inconsolable@, se disent & de la douleur & de la personne afflige/e. LA plus-part du monde confond ces deux choses, qui neantmoins sont fort differentes & n'ont rien de commun. La pu- rete/ du langage & du stile consiste @aux mots, aux phrase, aux particules@, & @en la syntaxe@. Et la nettete ne regarde que @l'arrangement, la structure, ou la situation des mots@, & @tout ce qui contribue a\ la clarte/ de l'expression@. Exa- minions maintenant par le menu l'vn & l'autre & pour commencer par @la purete/@, voyons les quarte parties qui la composent; mais auparauant disons, qu'il n'y a qu'a\ eui- ter le barbarisme & le solecisme pour escrire purement. Le barbarisme est @aux mots, aux

phrases@,& @aux particules@; & le solecisme est @aux declinaisons, aux coniugaisons@, & @en la con- struction@. POur les mots, on peut commettre vn barbarisme en plusieurs fac#on, ou en disant vn mot qui n'est point Franc#ois, com- me @pache@, pour @pactior@, ou vn mot qui est Franc#ois en vn sens & non pas en l'au- tre, comme @lent@, pour @humide, sortir@ pour @par- tir@, ou qui este/ en vsage autrefois, mais qui ne l'est plus, comme @ains, comme ainsi soit@, & vne infinite/ d'autres, ou enfin vn mot, qui est encore si nouueau, & si peu estably par l'Vsage, qu'il passe pour bar- basime, a\ moins que d'estre adoucy par vn, @s'il faut ainsi parler, si i'ose vser de ce mot@, ou quel- que autre terme semblable, comme nous auons dit aillenrs; Ou bien en se seruant d'vn aduerbe pour vne prepostion, comme de dire @dessus la table@, pour @sur la table, dessous le lit@, pour @sous le lit, dedans le lit@, pour @dans le lit@; ou en disant au pluriel vn nom, qui ne se dit bien qu'au singulier, comme @bon- heurs@, ou au contraire, comme @delice@, pour

@Pour les phrases@, en vsant d'vne phrase, qui n'est pas Franc#oise, comme @eleuer les mains vers le ciel@, au lieu de dire @leureles mains au ciel; Ie m'en suis fait pour cent pistoles@, com- me disent les Gascons, pour dire @i'ay @perdu cent pistoles au ieu@. Non pas qu'il ne soit permis de faire quelquefois des phrases nouuelles auec les precautions que nous auons mar- que/es en quelques endroits de ce liure, au lieu qu'il n'est iamais permis de faire de nouueaux mots, nonobstant cet oracle Latin, @Licuit, sempe/erque licebit Signatum prasente nota producere verbum@: parce que cela est bon en la langue Lati- ne, & plus encore en la Grecque, mais non pas en la nostre ou\ iamais cette hardiesse n'a reu%ssi a\ qui ce soit, au moins en escri- uant; car en parlant on sc#ait bien qu'il y a de certains mots que l'on peut former sur le champ, comme @brusquete/, incaction, impolites- s@, & d'ordinaire les verbaux qui terminent en @ent@ comme @criement, pleurement, ronslement@, & encore n'est-ce qu'en raillerie. Outre que ce passage du Poe%te ne permet que d'esten- dre des mots qui sont desja faits, & non pas d'en faire de tout permis, tesmoin le mauuais succes qu'ont eu tous les mots que Ronsard, M. du Vair & plusieurs autres

grands personnages ont inuentez pensant enrichir nostre langue: Mais en matiere de phrases, c'est vn barbarisme pour l'ordinai- re de quitter celles qui sont naturelles & vsite/es par tous les bons Autheurs, pour en faire a\ sa fantaisie de toutes entieres, ou changer en partie celles qui sont de la lan- gue, & de l'Vsage. C'est aussi @vn barbarisme de phrase@, que d'v- ser de celles qui ont este/ en vsage autrefois, mais qui ne le sont plus, comme vous en pou- uez voir vn grand nombre dans Amyot. Et encore d'vser de celles qui ne font presque que de naistre, & que l'Vsage n'a pas encore bien authorise/es. @Pour les particules@, c'est vn barbasime de laisser celles qu'il faut mettre. Il en faut donner des exemples en toutes les parties de l'Oraison, qui en sont capables, comme @aux articles, aux pronoms, aux aduerbes@, & @aux prepositions@. Aux articles, si l'on dit, @les peres@ & @meres sont obligez@, &c. au lieu de dire @les peres@ & @les meres sont obligez@, si l'on dit @pour le aimer@ & @cherir@, au lieu de dire @pour les aimer@ & @les cherir@; si l'on dit, @ils sont obligez de faire@ & @dire tout ce qu'ils pourront@, au lieu de, @ils sont obligez de faire@ & @de dire@; si l'on dit @auant que mourir@, au lieu de dire @auant que de mourir@; & ainsi de beaucoup d'autres.

@Aux pronoms@, si par exemple on dit, @aussitost cette lettre recue%, ne manquerez de faire telle cho- se@, au lieu de dire @vous ne manquerez@; si l'on dit @se pere@ & @mere@, au lieu de dire @son pere@ & @sa me- re, ses habits@ & @ioyaux@, au lieu de dire @ses ha- bits@ & @ses joyaux@, si l'on dit @nos amis@ & @enne- mis@, au lieu de dire @nos amis@ & @nos ennemis@. @Aux aduerbes@, si l'on dit par exemple, @il ne manquerea de faire son deuior@, au lieu de dire, @il ne manquera pas@, ou @il ne manquera point de fai- re son deuior@; car c'est vne espece de barbaris- me insupportable en nostre langue, que d'ob- mettre les @pas@, & @les point@, ou\ ils sont necessai- res; si l'on dit, @il est fi riche@ & @liberal@, au lieu de dire, @il est si riche@, & @si liberal@, au lieu de plus iuste@ & @facile de faire telle chose@ au lieu de dire @il est plus iuste@ & @plus facile de faire@, & ainsi de plusieurs autres. @Aux prepositions@, comme si l'on dit @par auarice@ & @orgueil@, au lieu de dire @par auarice@ & @par orgueil@, si l'on dit, @se vanguer sur l'vn@ & @l'autre@, au lieu de dire @sur l'vn@ & @sur l'autre@, & plusieurs autre semblables. Mais c'est vne autre sorte de barbarisme, de @mettre des particules ou\ il n'en faut point@. Il est vray, qu'il n'arriue que tres-rarement en comparison de l'autre, qui le obmet quand il les faut mettre, ce vice estant tres- commun parmy la foule de mauuais Escri-

uains. Voicy quelques exemples de particu- les, comme si l'on dit @du depuis@, pour dire @depuis; en apres@, ou @par apres@, pout @apres@; si l'on dit, @il supplioit auec des larmes@, au lieu de dire @auec larmes@, & quelques autres sembla- bles. Volia quant au barbarisme. ET pour le solecisme qui a lieu @dans les declinaisons, dans les coniugaisons@, & @dans la construction@, voicy des exemples des tous les trois. @Aux declinasions@, par exemple si l'on dit @les esuentaux@, au lieu de dire, @les esuentails@, ou @les esmails@, au lieu de dire, @les esmaux@, mais il est tres-rare en ce genre, & il n'y en a comme point. @Aux coniugaisons@, ils a bien plus d'esten- due%; car combien y en a-il, qui y pechent en parlant, mettant des @i@, pour des @a@, & des @a@ pour des @i@, comme on fait en plusieurs en- droits du preterit simple, quand on dit par exemple @i'alla@, pour @i'allay, il allit@, pour @il alla@, & en vne autre temps @nous allisions@, pour @nous allassions?@ I'ay dit en parlant, parce qu'en es- criuant, ie n'ay point encore veu de si mon- strueux Escriuain, qui face des fautes si enor- mes. Combien y en a-t-il qui disent @i'ay sen-

tu@, pour @i'ay senty, cueillit@ & @recueillit@, pour @cueille@ & @recueille, conduit, reduit@, au preterit definy, pour @conduisit@, & @reduisit faisons@, a\ l'opta- tif, & au subjonctif pour @facions, vous mesdi- tes@, pour @vous mesdisez, il faillira faire@, pour @il faudra faire@. Toute la Normandie dit ce dernier. @Resoudons@, pour @resoluons@; car le @d@, du verbe @resoudre@, ne se garde point dans la con- iugaison, que la\ ou\ il y a vne @r@ apres, com- me @resoudray, resoudrois@, &c. & vne grande quantite/ d'autres de cette nature qu'on trou- uera semez par cy, par la\ dans mes Remar- ques. Tout cela sont des fautes contre la purete/ du langage; Quelques vns disputent s'il les faut appeller solecismes, ou barbarismes; mais n'estant questions que du nom, il im- porte peu; car que ce soit l'vn, ou que ce soit l'autre, il le faut egalement euiter pour parler & escrire purement, quoy que selon mon auis on doiue plustost appeller solecisme que barbarisme des fautes dans les declinaisons, & dans les coniugasions, puis qu'elles font vne partie principale de la grammaire, contre la quelle il me semble qu'on ne peut pecher, que ce ne soit proprement vn solecisme. Quant au soleecisme qui se fait @dans la con- struction@, il comprend toutes les fautes qui se commettant contre les reigles de la syn-

taxe; @aux articles, aux noms, aux pronoms, aux verbes, aux participes@ & @aux prepositions@; mais il faut noter, que ce n'est qu'en tant qu'vn mot a du rapport a\ vn autre, par- ce qu'estant considere/ seul en soy-mesme, c'est vn solecisme d'vn mot, ou mal decline/, ou mal coniugue/, & non pas vn solecisme de construction, ou de syntaxe. @Aux articles@, en les mettant quand il ne les faut pas mettre, comme quand on dit de la\ Loire, @ie n'ay point de l'argent@, au lieu de di- re @ie n'ay point d'argent@, ou en les mettant pas quand il les faut mettre, comme quand on dit @i'ay d'argent@, au lieu de dire, @i'ay de l'argent@. @Aux noms@, comme de faire masculin vn nom qui est feminin, par exemple si l'on dit autrefois, au lieu de dire @le nauire@. @Aux pronoms@, de mesme, comme quand toutes les femmes & de la Cour & de la ville disent a\ Paris en parlant de femmes, @ils y ont este/, ils y sont@, & @i'iray auec eux@, au lieu de dire @auec elles@. On bien quand on met vn pronom singulier auec vn pluriel, comme quand on dit @il faut que ces gens la\ prennent garde a\ soy@, au

lieu de dire @prennent garde a\ eux@. Ou bien quand on sert du pronoms relatif @qui@, en certains cas au lieu du pronom @lequel@, com- me quand on dit @c'est vn ouurage a\ qui l'on don- ne de grandes lou%anges, c'est vn table sur qui ie me couche@, au lieu de dire, @c'est vn ouurage auquel on donne des grandes lou%anges, c'est vn table sur laquel- le ie me couche@, & mieux encore, @ou\ ie me couche@. @Aux verbes@, par exemple, quand le parti- cipe passif du preterit ne respond pas au gen- re & au nombre du substantif, qui le precede, comme si l'on dit @la lettre que i'ay recue%@, au lieu de dire @la lettre que i'ay recue%@ & @les manx que vous m'auez fait@, au lieu de dire @les manx que vous m'auez faits@. Ou quand on manque dans ces preterits composez en quelque'vne des fa- c#ons que i'ay remarque/es en son lie, i'en- tens de celles, qui ne sont point conteste/es, & qui passent pour fautes sans contredits. Ou quand on met le verbe au singulier apres vn nom collectif qui est suiuy d'vn genitif plu- riel, comme si l'on dit @vn infinite/-de gens se perd@, & en beaucoup d'autres fac#ons enco- re, qui seroient trop longues a\ mettre icy, & dont plusieurs ont este/ touche/es dans ces Remarques.

@Aux participes@, comme quand on les em- ploye au lieu des gerondifs, par exemple si ie dis @les hommes ayans reconnu@, au lieu de dire @ayant reconnu@, au gerondif, qui est indeclina- ble en Franc#ois. Ou quand on ioint les parti- cipes pluriels terminez en @ans@, qui sont mascu- lins auec des feminins, comme @les femmes@ ayans leurs maris@; En cet exemple @ayans@, au pluriel ne peut conuenir auec @femmes@, qui n'est feminin, & l'on ne peut dire @ayantes@, qui n'est pas Franc#ois. Il faut dire @ayant@, au gerondif. Il est le mesme d'@estant@; car il ne faut pas di- re @les hommes estans marris@, mais @estant marries@. Et aux verbes actifs, il ne faut pas se seruir pour les feminins, du participe masculin, comme par exemple il ne faut pas dire, @c'est vne femme si ponctuelle@ & @si examinant toutes choses@; car asseurement le participe present actif, com- me @examinant@, n'est point du genre com- mun, mais seulement masculin & ne con- uient point a\ la femme Voyez la Remarque, que i'en ay faite, ou\ l'on trouuera comme il faut dire. On enfin, quand on ne donne pas au participe le regime de son verbe, comme si en ces verbes @prier, fauoriser@, qui ne faisoit regit le datif a\ leurs participes, & que l'on dist par exemple @priant a\ Dieu@, & @fauorisant a\ son

amy@. Et en fin @aux prepositions@, quand on leur donne des articles, qui ne leur conuien- nent pas, comme quand on dit @au trauers du corps@, ou @a\ trauiers le corps@; Et c'estoit encore vn solecis- me du temps de M. Coeffeteau de dire @a\ tra- uers du corps@, mais aujourd'huy l'Vsage com- mence a\ l'authoriser, quoy que les meilleurs Autheurs ne s'en seruent point encore, & que ie ne voudrois pas estre des premiers a\ m'en seruir. C'est encore vn solecisme dans les pre- postition de dire par exemple @aupres le Palais@ au lieu de dire @aupres du Palais@. Mais le plus grand & le plus grossier de tous, c'est de met- tre l'article de l'ablatif pluriel apres la prepo- sition @en@, comme par exemple de dire en les affaire du monde@, au lieu de dire @aux affaires du monde@, ce qui est pourtant familier a\ vn Escri- uain moderne, qui d'allieurs est digne/ de re- commendation. Apres auior parle/ @de la purete/@, il reste a\ parler @de la nettete/ du stile@, laquelle con- fiste comme i'ay dit, en l'arrangement des mots & en tout ce qui rend l'expression clai- re & nette; car ie n'entens pas traiter icy de la nettete/ du raisonnement qui est la par- tie essentielle du discours, sans laquelle auec

toute la purete/ & la nettete/ de langage, on est insupportable, la raison n'estant pas moins essentielle au stile, qu'a\ l'homme. Vn langage pur, est ce que Quintilien appelle @e- mendata oratio@, & vn langage net, ce qu'il ap- pelle, @dilucidaoratio@. Ce sont deux choses si dif- fernetes, qu'il y a vne infinite/ des gens, qui es- criuent nettement, c'est a\ dire clairement & intelliglement en toutes sortes de matieres, s'expliquant si bien qu'a\ la simple lecture on conc#oit leur intention, & neantmoins il n'y a rien de si impur que leur langage. Comme au contraire, il y en a qui escriuent purement, c'est a\ dire sans barbarisme & sans solecisme, & qui neantmoins arrangent si mal leurs pa- roles & leurs periodes, & embarrassent telle- ment leur stile, qu'on a peine a\ les enten- dre. Mais le nombre de ces derniers est fort petit en comparison de celuy des autres, qui est presque infiny. Il est vray que ceux qui n'es- criuent pas purement, mais qui escriuent net- tement, ont cet auantage sur les autres, qu'ils peuuent apprendre la purete/ du langage par ls lecture des bons Autheurs, & par la frequen- tation des personnes sc#auantes en cette ma- tiere, au lieu que ceux qui n'escriuent pas net- trement en ce qui est de l'arrangement des mots, sont presque incorrigibles, soit que ces defaut de les mal l'arranger procede du vice de

l'oreille, ou de celuy de l'imagination, ou de tous les deux ensemble, qui sont deux choses que l'art donne rarement, quand la nature les refuse. Vn des plus celebres Autheurs de no- stre temps que l'on consultoit comme l'Ora- cle de la purete/ du langage, & qui sans doute y a extremement contribue/, n'a pourtant iamais connu la nettete/ du stile, soit en la situation des paroles, soit en la forme & en la mesure des periodes, pechant d'ordinaire en toutes ces parties, & ne pouuant seulement com- prendre ce que c'estoit que d'auior le stile forme/, qui'il n'est autre chose que de bien arranger paroles, & de bien former & lier ses periodes. Sans doute cela luy venoit de ce qu'il n'estoit ne/ qu'a\ exceller dans la Poe%- sie, & de ce tour incomparable de vers, qui pour auior fait tort a\ sa prose, ne laisseront pas de le rendre immortel; Ie dois ce sentiment a\ sa memorie, qui m'est en singuliere venera- tion, mais ie dois aussi ce seruice au public d'au- tres chose, de ne l'imiter pas en celle-cy. Donnons des exemples de ces transposi- tions, @si vous reseruez l'honneur de vos bonned gra- ces a\ celuy qui les desire auec plus d'affection, ie ne pense point qu'il y en ayt, qui plus que luy se doiue iustement promettre la gloire d'y paruenir@. Voyez ie vous prie l'embarras de ces dernie-

res paroles, qui sont apres se second @qui, qui plus que luy se doiue iustrement promettre la glorie d'y parauenir@, au lieu de dire, @qui doiue plus iuste- ment que luy se promettre la glorie@, &c. ou bien @qui plus iustement que luy se doiue promettre la gloire@. En voicy vn autre, @ils firent les vns@ & @les autre si bien@, au lieu de dire @ils firent si bien les vns@, & @les autres@, ou @les vns@ & @les autres firent si bien@. Et encore celuy-cy. C.'@estoit du bled que les Siciliens en l'honneur de@ C.@Flaminius@ & @de son pe- re auoient fait apporter de Rome@, au lieu de dire @du bled que les Siciliens auioent fait apporter de Rome en l'honneur de@ C.@Flaminius@ & @de son pe- re@. Et celuy-cy encore, @entre les personnes que vo- stre bienu%illance a par le passe/ iamais oblige/es@, au lieu de dire @que vostre bienueu%llance a iamais obli- ge/es par le passe@, ou bien @entre les personnes que va- stre bienu%illance a iamais oblige/es@, sans ajouster @parle le passe@, & encore @ou\ est alle/e cette crainte de Dieu, qui si exactement vous a tousjours fait@, mais @a\ confor- mer a\ ses volontez?@ au lieu de dire @qui vous a tous- jours fait conformer si exactement a\ ses volontez@; car cet @exactement@, ne se rapporte point @a\ la crainte de Dieu, qui vous a tousjours fait@, mais @a\ confor- mer@, qui se rapporte a\ la personnes a\ qui l'Au- theur parle, & cependant de la fac#on, qu'il est situe/, il ne se peut joindre auec @conformer@. C'est donc le premier vice oppose/ a\ la net- tete/ du stile, que la mauuaise situation des

mots; Il y en de deux sortes, l'vn simple, comme est celle de tous les exemples que nous venons de donner, que i'appelle ainsi non pas qu'elle soit la moins vicieuse, car au contraire, c'est celle qui l'est dauantage & qui se fait le plus remarquer, mais parce que les mots y sont simplement transposez & con- siderez en eux-mesmes sans auior aucun rap- port aux autres mots, & sans blesser en rien la construction grammaticle, comme en l'e- xemple allegue/, @il n'y en a point qui plus que luy se doiue iustement promettre la glorie@, &c. ces mots @plus que luy@, qui sont si mal situez, ne cho- quent point pourtant la syntaxe ny les rei- gles de la Grammaire, parce qu'il n'ont au- cun rapport vicieux ny auec ceux qui prece- dent, ny auec ceux qui suiuent, mais seule- ment ont tout leur defaut en eux mesmes. Au lieu que l'autre espece de mauuaise situation, n'est vicieuse que selon le rapport qu'elle a aux autre mots, comme par exemple @si ie dis il ne se peut taire, ny parler@, ie ne parle pas nette- ment, il faut dire @il ne peut se taire ny parler@, parce qu'encore qu'il @ne se peut se taire@, soit bien dit, a\ s'arrester la\, & mieux dit que ne seroit, @il ne peut se taire@, qui pourtant ne seroit, pas mauuais, mais moins bon que l'au- tre a\ cause qu'il est beaucoup moins dans l'Vsage, si est-ce qu'estant suiuy d'vn au-

tre verbe, & ne s'arrestant pas la\, il faut ar- ranger les paroles en sorte, que le verbe qu; regit les deux infinitifs, ayt sa construction nette auec l'vn & auec l'autre. Ce qui ne se fait pas en ce/t exemple; car @peut@, est le verbe qui regit les deux infinitifs @taire@ & @parler@, & il n'est pas possible qu'il les regisse comme il faut, qu'en mettant @se@, apres @peut@, & disant @il ne peut se taire ny parler@; parce que @se peut@ ne s'accorde point icy auec @parler@. Que si le second infinitif veut la mesme construction que le premier comme @il ne se peut taire ny fascher@, alors il faut dire @il ne se peut taire@, & non pas @il ne peut se taire@, tant a\ cause que cette fac#on de parler, @il ne se peut taire@, est meilleure comme plus vsite/e, que l'autre, & que rien n'empesche qu'on n'en vse. puis qu'elle conuient aux deux infinitifs, que parce que ce seroit mal parler de dire @il ne peut se taire ny fascher@, & qu'il faut dire @il ne peut se taire ny se fascher@. Ie pourrois bien allegeur d'autres exemples, mais ie veux abreger ce discours, en ajoustant seulement qu'il y a cette difference entre ces deux especes de mauuaise situation, que la premiere choque l'oreille & non pas la construction grammaticale, & que la derniere au contraire, choque la con- srtuction grammaticale, & non pas l'oreil- le, si elle n'est sc#auante & delicate en ces ma- tieres.

Le second vice contre @la nettete/ du stile@, c'est la mauuaise structure, & il y en a de plusieurs sot- tes. Mais auant que de les dire, on remarque- ra qu'il y a cette difference entre la mauuai- se situation, & la mauuaise structure, qu'en la premiere il n'y a rien a\ ajouster n y a\ diminuer, mais seulement a\ changer, & mettre en vn lieu ce qui est en vn autre, hors de sa situation naturelle; Au lieu qu'en la mauuaise structure il y a tousjours quelque chose a\ ajouster, ou a\ diminuer, ou a\ changer non pas simplement pour le lieu, mais pour les mots. Voyons-en maintenant des exemples des toutes le fa- c#ons. Et priemierement pour @ajouster@, en voi- cy vn beau que ie trouuay hier a\ l'ouuerrture d'vn liure @selon le sentiment du plus capable d'en iuger de tous les Grecs@. Ie dis que ce n'est pas escrire nettement, parce que ces mots @de tous les Grecs@, sont trop essoignez de @capable@, du- quel ils sont regis & veulent estre mis im- mediatement apres @capable@, & que vous disiez @selon le sentiment du plus capable de tous les Grecs d'en iuger@, vous n'escrirez pas encore nettement, parce que ces mots @d'en iuger@, veu- lent estre mis immediatement apres @capable@, dont il est regi, & comme ils ne peuuent pas tous deux remplir cette mesme place, il s'en- suit que cette expression ne peut estre nette,

qu'en ajoustant quelques paroles, & disant ainsi @selon le sentiment de celuy de tous les Grecs, qui estoit le plus capable d'en iuger@. Pour @dimi- nuer@, en voicy vn de mesme Autheur, @en cela plusieur abusent tous les iours merueilleusement de leur loisir@. Cela n'est pas escrit nettement, il y a trop de mots pour vn seul verbe; car les ver- bes dans les periodes ou dans leurs membres sont comme la chaux, & les autre parties de l'Oraison, comme le sable, de sorte que lors qu'on enuironne vn verbe seul de plusieurs mots, on peut dire que c'est du sable sans chaux, @arena sine calce@, comme l'Empereur Ca- ligula appelloit le stile de Senque. Donc pour former cette peroide @en cela plusieurs abu- sent tous les iours merueilleusement de leur loisir@, & la rendre nette, il en faut oster quelque chose, & dire @en cela plusieurs abusent tous les iours de leur loiser@, ou @en cela plusieurs abusent mer- ueilleusement de leur loisir@. Pour @changer@, non pas de lieu, mais de mot, en voicy vn exemple; car pour abreger il fuffit d'en donner vn, @il trauaille extremement proprement@. I'entens tous iours a\ la Cour de ces fac#ons de parler, ou\ l'on joint deux ad- uerbes de mesme terminaison, & ie m'eston- ne que ceux qui le disent ne s'apperc#oiuent point d'vne si grande rudesse. Mais outre cela, c'est encore vn vice contre la nettete/,

qui demande que l'on change vn de ces ad- uerbes, & qui l'on die @il trauaille fort propre- ment@. On peut aussi se seruir de @tres-@ superla- tif, & au lieu de dire @il escrit extremement ele- gamment@, on dira @il est escrit fort elegamment@ ou @tres elegamment@; mais deux aduerbes de suite de cette mesme terminaison sont contraires a\ la nettete/. Mais c'est encore vn autre vice bien plus grand contre la nettete/ de donner vn mesme regime a\ deux verbes qui demandent deux re- gimes differns, comme de dire, @il a embrasse/@ & @donne/ le baiser de paix a\ son fils@; car @embras- se@, veut vn accusatif, & donner vn datif. Il faut donc mettre deux verbes qui ayent mes- me regimes, comme @il a embrasse@ & @baise son fils@. Ce mesme vice se peut encore recontrer dans les diuers genres des noms. LE plus grand de tous les vices con- tre la nettete/, ce sont les equiuoques, dont la plus-part se forment @par les pronoms relatifs, demonstratifs@, & @possesifs@; les exemples en sont si fre/quens dans nos communs Escri- uains, qu'il est superflu d'en donner; neant- moins comme ils font mieux entendre les choses, i'en donneray de chaucun; @du relatifs,

comme @c'est le fils de cette femme, qui afait tant de mal@. On ne sc@ait si ce @qui@, se rapporte @a\ fils@, ou @a\ femme@ de sorte que si l'on veut qu'il se rap- porte @au fils@, il faut mettre @lequel@, au lieu de @qui@, afin que le genre masculin oste l'equiuoque. En l'autre relatif de mesme. En voicy vn bel exemple d'vn celebre Autheur, @qui trouuerez- vous qui de soy-mesme ayt borne/ sa domination@, & @n'ait perdu la vie sans quelque dessein de l'estendre@, se rap- porte @a\ domination@, & non pas @a\ vie@, mais par- ce qu'@estendre@, est propre aux deux substantifs qui le precedent, & que @vie@, est le plus pro- che, il fait equiuoque & obscurite/. Il y en a en- core vn autre bel exemple dans le mesme Es- criuain, @ie vois bien que de trouuer de la recommen- dation aux paroles, c'est chose que malaisement ie puis esperer de ma fortune; Voy la pourquoy ie la cherche aux effets@. Cela est equiuoque; car se- lon la construction des paroles il se rapporte @a\ fortune@, qui est le substantif le plus proche, & qui conuient @a\ fortune@, aussi bien qu'a\ @recom- mendation@. @Aux pronoms possessifs@, comme @il a tous- jours aime/ cette personnes au milieu de son aduer- site/@. Ce @son@, est equiuoque; car on ne sc#ait s'il se rapporte @a\ cette personnes@, ou @a\ il, qui est celuy qui a aime\@. Quel remede? il faut donner vn

autre tour a\ la phrase, ou la changer. @Aux demonstratifs@, comme dans cet exem- ple tire/ d'vn celebre Autheur escriuant pour vn femme, @ce sont deux choses que mal aisement les paroles seront capables de vous representer, tou- tefois puis qu'a\ faute de mieux, ie suis contrainte de les employer, vous me ferez s'il vous plaist cet hon- neur de les en croire@, & @vous asseurer Monsieur, qu'entre celles que vostre bienu%illance a par le pas- se iamais oblige/es@, & @qu'elle obligera iamais a\ l'a- uenir, il n'y en a pas vne a\ qui ie ne me face auec raison ceder la glorie d'estre vostre bienhumble ser- uante@. Qui ne voit que ces mots @qu'entre celles@, font vn equiuoque notable, & qu'il n'y a personne qui ne les entredist @des paroles@, dont il a tousjours parle/ auparauant, & neant- moins elles ne s'entendent de rien moins que de cela, mais @des personnes@. C'est pourquoy il faut dire @qu'entre les personnes@. @Les equiuoques@, se font aussi quand vn mot qui est entre deux autres se peut rappor- ter a\ tous les deux, comme en cette perio- de d'vn celebre Autheur, @mais comme ie passe- ray par dessus ce qui ne sert de rien aussi veux-ie bien particulerement traitter ce qui me semblere necessaire. Le bien@, se rapporte @a\ particuliere- ment@, & non pas @a\ veux-ie@, c'est pourquoy pour escrire nettement, il falloit mettre @aussi veux-ie traitter bien particulierement@, &c. & non

pas @aussi veux-ie bien particulierement traitter@ @Les equiuoques@, se font encore quand on met quelques mots entre ceux qui ont du rap- port ensemble, & que neantmoins les der- nier se peuuent rapporter a\ ceux qui ont en- tre deux. L'exemple le va faire entendre comme si l'on dit @l'Orateur arriue a\ sa fin, qui est de persuader, d'vne fac#on toute particuliere@, &c. L'intentions de celuy qui parle ainsi, est que ces mots @d'vne fac#on toute particuliere@, se rapportent @a\ persuader@. Il faudroit donc di- re @l'Orateur arriue d'vne fac#on toute particuliere@, se rapportent a\ ceux-cy @arriue a\ sa fin@, & neant- moins comme ils sont placez, il semble qu'ils a\ sa fin, qui-est de persuader@, & l'on a beau met- tre vne virgule apres @persuader@, elle ne sert de rien pour l'oreille, & quoy que pour la veue%, elle serue de quelque chose, & face voir que @d'vne fac#on toute particuliere@, ne se rapporte pas @a\ persuader@, car il n'y faudroit point de vir- gule, si est-ce qu'elle n'est pas suffisante de le- ur entierement l'equiuoque. Vn de nos fa- meux Autheurs commence ainsi cette belle lettre, qui est le chef-d'oeuure de sa prose. @Ne pouuant aller a\ Sainct Germain si tost que ie desirois pour vn affaire qui m'est suruenue%@. On ne sc#ait s'il veut dire, qu'il luy estoit surue- nu vne affaire, pour laquelle il desiroit al- ler a\ Sainct Germain, ou bien qu'il ne pou-

uiot aller a\ Sainct Germain a\ cause d'vne af- faire qui luy estoit surnenue%; si au lieu de @pour vn affaire@, il eust mis @a\ cause d'vne affaire@, il eust leue/ l'equiuoque. Neantmoins ce grand hom- me auoit accoustume/ de dire parlant de la clarte/ auec laquelle il se faut expliquer, que si l'on relisoit deux fois l'vne de ses periodes, ou l'vn de se vers, il vouloit que ces fust pour les adimirer, & pour le plasir qu'ily a de re- peter les belles choses, & non pas pour cher- cher ce qu'il vouloit dire. Certes il faut dou- ner cette lou%ange a\ M. Coeffeteau, & ie dou- ter qu'on la puisse donner aux meilleurs Au- theurs de l'Antiquite/, qu'en tant de volumes qu'il a faits, il ne s'y trouuera pas vne seule periode, qu'il faille relire deux fois pour l'en- tendre. Ce ne seroit iamais fait de vouloir mar- quer toutes les sortes d'equiuoques, qui se peuuent faire en escruiant & qui sont autant de fautes contre la nettete/. Quintilen dit que le nombre en est infini. Ie sc#ay bien qu'il y en a quelques vnes que l'on ne peut euiter, & que les plus excellens Autheurs Grecs & Latins nous en sournissent des exempleds; On a ac- coustume/ de dire pourueu que ce ne soit que tres- supple/e au defaut des paroles,& j'en demeu- re d'accord pourueu que ce ne soit que tres rarement, & en sorte que les sens y soit tout

euident. Mais a\ dire le vray, ie voudrois tous- jours l'euiter autant qu'il me seroit possible; car apres tout, c'est a\ faire aux paroles de faire entendre le sens, & non pas au sens de faire entendre les paroles, & c'est renuerser la natu- re des choses, que d'en vser autrement. C'est faire comme a\ la feste des Saturnales, ou les seruiteurs estoient seruis par leurs maistres, le sens estant comme le maistre, & les mots, comme le seruiteurs. Certainement ce grand homme que ie viens de nommer condamne absolument toutes sortes d'equiuoques, puis qu'il ne pardonne pas a\ celle que vous allez voir icy. Il faut que ie mette ses propres ter- mes en Latin, parce que les exemples qu'il donne ne peuuent s'accommoder a\ nostre langue, qui ne souffre pas les transpositions de la nature de celles-cy. @Vitanda imprimis ambiguitias, non hac solu\m qua incertum intelle- ctum facit, vt Chremetem audiui percussisse De- meam, sed illa quoque, qua etiamsi turbare non potest sensum, in idem tamen verborum vitium in- cidit, vt si quis dicat visum a\ se hominem librum scribentem; Nam etiamsi librum ab homine scribi pateat, male\ tamen composuerat, feceratque ambi- guum, quantu/m in ipso suit@. Apres cela, il n'y a plus d'equiuoque qui se puisse defendre, & il ne reste plus rien a\ dire qu'vne chose, qui se- roit bien hardie, & que ie ne voudrois pas

dire le premier, que Quintilien s'est trompre/. Il encherit bien encore dans ces mesme chapitre @des perspicuitate@, il veut que l'expression soit si claire qu'elle frappe l'esprit du Iuge, ie diray, de l'Auditeur, ou du Lecteur, comme le Soleil frappe les yeux des personnes, qui le voyent & le sentent malgre/ qu'ils en ayent. En fin il re- duit la clarte/ a\ ce dernier degre/ de perfection, qu'il faut tascher autant qu'il se peut, quand on parle ou quand on escrit, non seulement de se faire entendre, mais de faire en sorte qu'on ne puisse pas n'estre pas entendu, @non vt intelli- gere possit, sed ne omnino possit non inteligere cu- randum@. @Il y a encore vn autre vice contre la @nettete/@, qui sont certaines constructions, que nous appellons @lousches@, parce qu'on croit qu'elles regardent d'vn coste/, & elles regardent de l'autre; I'en ay fait vne Remarque, a\ laquelle ie renuoye pour abreger. Il la faut chercher a\ la table au mot de @construction@. @Et encore vn autre, quand le second mem- bre d'vne periode, qui est joint au premier par la conjonctiue &, en est estoigne/ a\ cause d'vne autre periode longue, qui est en- tre deux, comme vne parenthese, par exem- ple, @il y a de quoy confondre ceux qui le blasement, quand on leur auara fait voir que sa fac#on de chan- ter est excellente, quoy qu'elle n'ayt rien de com-

mun auec celle de l'ancienne Grece, qu'ils lou%ent plustost par le mespris des choses presentes, que par aucune connoissance qu'ils ayent de l'vne ny de l'au- tre@ & @qu'il merite vn grande lou%ange@. Ie dis que ce dernier membre & @qu'il merite vne gran- de lou%ange@, est trop essoigne/ du premier par cette longue parenthese, qu'elle a, comme @que sa fac#on de parler est excellente, quoy qu'elle n'ayt rien de commun auec la nostre@, & @qu'il me- rite@, &c. la periode ne laisseroit pas d'estre vicieuse, & de pecher contre la nettete/. @La longueur des periodes@, est encore fort enne- mie de la nettete/ du stile. I'entens celles qui suffoquent par leur grandeur excussiue ceux qui les prononcent, comme parle Denis d'Halicarnasse, GREEK sur tout si elles sont embarrasse/es & qu'elles n'ayent pas de reposoirs, comme en ont celles de ces deux grands Maistres de nostre langue, Amyot & Coeffeteau; Il seroit importun & superflu d'en donner des exem- ples, qui ne sont que trop frequens dans nos mauuais Escriuains. @Le longues@ & @frequentes parentheses@, y sont contraires aussi. Il y a bien d'autres vices sans doute contre @la nettete/@, mais il suffit d'en auior marque/ les les principaux & de dire pour la glorie de la

France qu'elle n'a point encore porte/ tant d'hommes, qui ayent escrit purement & net- tement, qu'elle en sournit aujoud'huy en toutes sortes de stiles. @A la purete/@, & @a\ la nettete/ du stile@, il y a en- core d'autres parties a\ ajouster, @la propriete/ des mots@ & @des phrases, l'elegances, la doucher, la ma- jeste/, la force@, & ce qui resulte de tout cela, @l'air@, & @la grace@, qu'on appelle @le ie ne sc#ay quoy@, ou\ @le nombre, la briefuete/@, & @la naifuete/ de l'expres- sion@, ont encore beaucoup de part. Mais ce n'est pas a\ moy a\ traiter de tant de belles cho- ses, qui passent ma porte/, & qui ne deman- dent pas moins qu'vn Quintilien Franc#ois; C'est bien assez, si i'apprens que ces ce petit trauail n'ayt pas este/ inutile, ny desagreable au public. FIN.